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Tag: Comité pour une Internationale Ouvrière
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Réunion internationale du CIO – Le capitalisme mondial en crise: à mesure que la crise économique s'approfondit, les relations inter-imperialistes se détériorent
Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2012, en Belgique, juste après une année 2011 qui fut la plus importante pour la classe ouvrière depuis quelques temps. Plus d’une trentaine de pays étaient représentés à cette réunion, avec environ 85 camarades d’Europe, d’Asie, des Amériques et d’Afrique. L’an dernier, nous avons été témoins de révolutions et de mouvements de masse en Afrique du Nord et au Moyen Orient, de la crise de la zone euro, de la contre-attaque de la classe ouvrière partout en Europe contre l’austérité et du développement du mouvement ”Occupy” à travers le monde. Un bilan de l’année écoulée et les grandes lignes des perspectives les plus probables pour 2012 ont été introduites par Peter Taaffe (secrétaire général du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles), avec une conclusion après discussion de la part de Lynn Walsh, du Secrétariat International du CIO. Voici un rapport de cette discussion.
Kevin Parslow, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)
L’Organisation Internationale du Travail (OIT) s’attend à des ”troubles sociaux” dans au moins un tiers des pays du monde cette année, a expliqué Peter, et cela indique l’échelle des bouleversements dus à la crise économique. Alors même que le CEI se réunissait, le Nigeria a connu le mouvement de classe le plus important depuis longtemps dans le pays : la grève générale contre la suppression des subventions sur le pris du pétrole et l’augmentation des prix qui en a découlé. Pendant ce temps, le Pakistan était confronté à une forte agitation politique.
Début 2011, la classe capitaliste espérait mondialement que le pire de la crise économique commencée avec la crise bancaire de 2008-2009 était passé. Ils entretenaient le faible espoir d’une croissance pour relancer l’économie. Au lieu de cela, la crise de la dette souveraine dans les pays européens a eu des conséquences mondiales, avec l’austérité imposée à la Grèce et aux autre pays endettés qui a démoli les prévisions de croissance, et forcé la classe ouvrière européenne à faire grève et à descendre dans la rue contre l’imposition de coupes budgétaires et d’emplois par les banques, l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International.
Les programmes d’austérité ont exacerbé le ralentissement économique mondial. Ils ont atteint les taux de croissance déjà bas, et la récession voire même l’effondrement économique menace. Tout ce que la classe capitaliste pouvait faire, selon les mots de Gillian Tett du Financial Times, c’était ”gérer la douleur”. Ce journal a récemment lancé une série intitulée ”le capitalisme en crise” pour discuter des problèmes auxquels les grandes entreprises font face dans le monde entier, les options disponibles et l’opposition qu’elles rencontrent.
Le ralentissement économique en cours dure depuis plus longtemps que la récession des années ’30, bien que l’ampleur de la destruction des ressources économiques ne soit pas encore aussi importante. En fait, les grandes entreprises disposent d’énormément de liquidités mais refusent d’investir dans la production parce que les opportunités rentables manquent. L’absence d’une croissance réelle aux USA et la persistance d’un chômage élevé ont des effets politiques menaçants pour les possibilités de Barack Obama de gagner les élections présidentielles de novembre.
Pendant la discussion, un camarade a expliqué que les capitalistes ont suggéré que les pays capitalistes avancés étaient confrontés à une ”Japanisation” – une longue période de stagnation et une croissance faible ou inexistante. La dette nationale du Japon a enflé jusqu’à 200% du PIB, sans qu’aucune solution ne soit trouvée face aux problèmes économiques du pays. Le Japon n’a pas été secoué par des conflits sociaux mais pourrait l’être dans l’avenir si son économie, étayée par l’essor de l’économie chinoise depuis des années, est contrainte à encore plus de récession et que plus de coupes dans les dépenses publiques sont faites, ce qui conduirait à des protestations. Le Japon ferait ainsi face au même scenario d’instabilité et de contestation que récemment aux USA et en Europe.
Chine et USA
La Chine a subi l’onde de choc de la crise en Europe, avec la baisse de la demande d’une partie de son principal marché d’exportation. Les prévisions économiques sont revues à la baisse à cause de la croissance chinoise, notamment à la perspective de l’éclatement de la bulle du marché immobilier. Les commentateurs capitalistes alertaient sur les effets sociaux possibles d’un ralentissement de l’économie chinoise. Dans la discussion, les camarades décrivaient quelques unes des protestations des masses chinoises, dont des grèves considérables, ainsi que le mouvement du village Wukan, à la fin de l’année, contre les ventes forcées des terrains par les fonctionnaires locaux.
La contestation s’est étendue au monde entier en 2011. Les grands patrons et les commentateurs pro-capitalistes craignent les révoltes et les mouvements de masse des travailleurs et des jeunes.
Les révolutions et soulèvements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont été suivi du mouvement Occupy (qui aux USA suivait le début d’un réveil de la classe ouvrière avec le mouvement de masse rencontré au Wisconsin un peu plus tôt). Le mouvement Occupy a vu une génération de jeunes monter sur la scène politique et s’opposer aux effets du capitalisme effréné. Aux USA en particulier, une partie des occupations s’est tournée vers le mouvement ouvrier.
Lynn Walsh, en résumant la discussion, a souligné que la majorité de la population des USA était en faveur du mouvement Occupy, et que 59% des Afro-Américains et 49% des jeunes ont une opinion favorable du socialisme ! Mais, en général, les mouvements Occupy n’ont pas mis en avant des idées claires sur la façon d’abolir le capitalisme ; ils se sont plutôt limités à des mesures pour ”faire mieux fonctionner le capitalisme”.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière continue à participer au mouvement Occupy, en mettant en avant un programme pour changer la société au bénéfice des 99%, plutôt que pour les 1%, comme sous le capitalisme.
La crise Européenne
L’Europe a été l’épicentre de la crise économique mondiale en 2011 (les perspectives pour l’Europe seront détaillées séparément dans un prochain rapport sur ce site, NDLR). La menace de défaut de paiement et d’expulsion de la zone euro pèse sur plusieurs pays. Le sommet d’urgence de l’Union Européenne a seulement abouti à des mesures pour essayer d’empêcher de nouvelles crises, sans résoudre les problèmes actuels, et l’euphorie initiale des marchés s’est évaporée en quelques jours. Lynn disait que l’Europe était comme ”une maison en flammes” dont les habitants ne savent pas se décider d’appeler les pompiers, ni d’ailleurs quels pompiers appeler et quand le faire, mais par contre, pendant ce temps, ils appellent différents architectes pour construire une nouvelle maison !
Les capitalistes européens, menés par l’Allemagne, rejettent l’idée d’euro-obligations pour financer le renflouement mais, pendant la discussion, les camarades ont soulevé la possibilité que dans le futur cette alternative soit considérée. Le plus récent accord tenté par l’Europe, le Pacte de stabilité, exclut à l’avenir les plans de stimulus économiques. Mais si l’économie de la zone euro s’effondre, ils pourraient être forcés de déployer d’autres plans de dépenses pour essayer d’échapper temporairement à la récession et empêcher la radicalisation de la société et la révolution.
L’Union Européenne a imposé des gouvernements de “technocrates” en Grèce et en Italie, et des politiques d’austérité ont aussi été imposées par en haut. L’augmentation de l’utilisation de méthodes anti-démocratiques par la classe dominante en Europe a ajouté à la colère des travailleurs et des jeunes. Dans la prochaine période, la classe ouvrière va de plus en plus défier ces gouvernements et leurs mesures.
Les états de la zone euro ont d’énormes engagements de remboursements dans la première moitié de 2012, ce qui va tester les fonds de renflouements et les politiques de l’UE encore une fois. Le moment critique pourrait arriver bientôt pour beaucoup de pays. La perte du triple-A par la France met l’accent sur la profondeur de la crise.
L’introduction de l’euro a bénéficié principalement aux grandes entreprises allemandes, qui ont pu faire de gros profits sur la vente de produits manufacturés. Elles utilisent cette justification pour dicter les politiques d’austérité des ”fautifs” économiques de la zone euro ; leurs représentants politiques disent que l’Europe doit devenir ”plus allemande” ! Menée par la Chancelière Merkel, l’Allemagne a décidé du niveau des coupes à imposer à ces pays qui demandent un renflouement. La contrainte à des coupes féroces depuis l’extérieur exacerbe le ressentiment. Peter Taafe a expliqué que la classe ouvrière était la véritable force qui peut s’opposer à ces dictats. Dans des endroits comme l’Ecosse ou la Catalogne, les politiques déflationnistes acceptées centralement ont attisé la question nationale.
Chômage massif
En Europe, la jeunesse en particulier est frappée par le chômage de masse. Le phénomène d’émigration massive est réapparu, comme montait le désespoir de la jeunesse face au manque d’opportunités. Des jeunes de pays européens, comme le Portugal, sont même forcés d’immigrer vers les anciennes colonies, comme l’Angola, pour chercher du travail.
Cependant, la classe ouvrière européenne est revenue à une étape de luttes de masse. La série de grèves générales en Grèce, celles au Portugal, en Espagne, en Italie, et la grève générale du secteur public en Grande Bretagne en novembre dernier ont démontré la combattivité des travailleurs face aux attaques contre leur niveau de vie. Malheureusement, la plupart des dirigeants syndicaux ne remplissent pas leur tâche de défendre leurs membres contre les ravages des programmes d’austérité.
En résultat de la profonde crise économique et des coupes d’austérité énormément impopulaires, en 2011, en Europe, cinq premiers ministres ont été évincés. Les politiques pro-capitalistes des anciens partis sociaux-démocrates les ont conduits à la défaite électorale en Espagne et au Portugal au profit des partis de droite. Dans beaucoup de pays, il y a un vide à gauche.
Certaines des formations politiques de gauche qui ont surgi dans la dernière période, comme Syriza en Grèce, n’ont pas répondu aux attentes de leurs partisans parce que leur direction se droitisait. Leur manque de succès pour construire de grands mouvements ne signifie toutefois pas qu’ils ne pouvaient pas obtenir de succès électoraux ; mais cela n’exclut pas non plus que de nouveaux mouvements et partis soient créés. Là où de nouvelles formations viables à gauche sont créées, le CIO défend qu’elles doivent adopter un programme socialiste contre les coupes et pour un réel changement de système.
Mouvements en Russie
La crise frappe aussi la Russie et l’Europe de l’Est. Les protestations contre les élections frauduleuses en Russie ont secoué la classe dirigeante et ses principaux représentants politiques, Poutine et Medvedev. En réaction, le Financial Times a titré : ”Une possible révolution russe !”
La contestation des coupes a aussi récemment secoué la Roumanie. Cependant, la question du danger de l’extrême droite en Europe a été posée par la situation en Hongrie, où le gouvernement de droite a introduit des mesures d’austérité, ce dont le parti néo-fasciste Jobbik a été le principal bénéficiaire. Cela dit, l’introduction récente d’une nouvelle constitution avec des mesures anti-démocratiques a provoqué des manifestations massives dans les rues de Budapest.
Les magnifiques révolutions et mouvements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord en 2011 seront abordées dans un prochain rapport. Ici, il est nécessaire de dire que les nouveaux régimes installés en Egypte et en Tunisie ne sont pas stables. Dans ces deux pays en particulier, il y a le sentiment que les révolutions n’ont pas été achevées, et les travailleurs et les jeunes continuent de lutter pour leurs revendications économiques, sociales et politiques. Cela va conduire à plus de conflits.
Ces révolutions n’ont pas non plus amené la paix dans la région : il y a des menaces de guerre si Israël ou les USA entreprennent une action militaire contre les installations nucléaires en Iran. Seules davantage de luttes victorieuses de la classe ouvrière et des jeunes, qui ont accompli les révolutions de l’année dernière, peuvent empêcher les horreurs de la guerre de ravager la région.
Le Moyen-Orient n’est pas le seul point chand pour l’impérialisme. Les USA ont retiré leurs troupes d’Irak en 2011, mais sont toujours profondément impliqués en Afghanistan. Illustrant l’impasse dans ce pays, les Talibans ont récemment été autorisés à établir un bureau au Qatar dans le but explicite de négocier avec les USA et d’introduire des membres des Talibans dans le gouvernement de Kaboul.
Asie-Pacifique
Une autre poudrière potentielle pourrait être la région Asie-Pacifique. Récemment, le gouvernement américain a produit un nouveau document stratégique qui change l’orientation majeure de sa politique étrangère envers cette région du monde, dicté par la peur que la Chine utilise son pouvoir économique grandissant pour dominer la région. Elle pourrait éventuellement devenir la plus grande économie du monde, alors que ses conditions de vie moyennes sont loin en dessous de celles des USA. Cependant, le potentiel pour un conflit pourrait être coupé par l’irruption d’un mouvement de masse en Chine.
Dans sa conclusion, Lynn disait que 2011 était une année exceptionnelle pour les mouvements massifs et donnait d’énormes tâches et défis aux socialistes. Comme a dit Peter, il n’y a jamais eu un meilleur moment pour le CIO qu’aujourd’hui et ses partisans doivent partout expliquer nos idées marxistes aux travailleurs et aux jeunes en lutte, pour construire nos forces socialistes afin renforcer la lutte pour mettre fin au capitalisme et aller vers un changement authentiquement socialiste de la société.
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Nouvelles du CIO : 8,3% pour notre camarade de Socialist Action à Hong Kong
Ce dimanche, la candidate de Socialist Action, Sally Tang Mei-ching (22 ans), a obtenu 493 voix (soit 8,3%) dans la circonscription de Un Chau et So Uk lors des récentes élections pour le conceil de district. Comme prévu, le siège en jeu dans ce district a été remporté par le DAB*, parti pro-gouvernemental et de plus en plus raciste et autoritaire, qui a reçu 3403 suffrages. Les ‘‘modérés’’ du parti pan-démocratique ADPL ont obtenu 1947 voix ADPL.
Socialist Action (CIO-Hong Kong)
Pour Socialist Action, ce fut là une très bonne première expérience électorale, moins de 18 mois après que l’organisation ait été fondée. ‘‘Nous avons aidé à politiser un grand nombre de personnes à travers cette campagne, et la réponse a été vraiment super’’, a déclaré Sally Tang Mei-ching. ‘‘Socialist Action est désormais mieux connu que jamais.’’
Socialist Action s’est présenté dans le cadre d’une coopération électorale conclue avec la Ligue des Sociaux-Démocrates (LSD), dont la collaboration a permis à Socialist Action de pouvoir se présenter.
Ces élections très peu suivies, qui apparaissent à peine dans la presse, ont été marquées par une campagne raciste contre les immigrés philippins et par des tactiques de diffamation pour ‘‘violence politique’’, utilisées dans les coulisses par les partis de l’establishment pour assurer la défaite la plus importante possible à l’opposition démocratique et surtout à son aile radicale, y compris la LSD, qui a perdu ses quatre sièges au conseil de district
Une analyse et un rapport complets de ces élections ainsi que de la campagne de Socialist Action apparaîtront bientôt sur le site chinaworker.info.
* Democratic Alliance for the Betterment and Progress of Hong Kong (DAB), l’Alliance démocratique pour l’amélioration et le progrès de Hong Kong (DAB) est le front existant à Hong Kong pour le Parti soi-disant ‘Communiste’ Chinois.
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Ecole d’été du CIO – Tunisie et Égypte, deux révolutions qui ont ébranlé le monde
Les révolutions qui se sont développées ces derniers mois au Moyen-Orient et en Afrique du Nord peuvent être considérées comme le plus grand changement survenu au cours de cette dernière décennie. Cette éruption collective est l’expression spontanée d’une société en profonde crise, toute comme l’avait été l’auto-immolation de Mohamed Bouazizi, ce jeune chômeur tunisien qui a été l’étincelle de la révolution tunisienne de 2011.
Par Thomas (Gand)
En Égypte et en Tunisie, les masses ont renversé des régimes qui tenaient depuis trente ans. Peut-être la Tunisie, après avoir été un véritable laboratoire pour le néolibéralisme, est-elle en passe de devenir le laboratoire de la lutte de classe moderne. Ces révolutions ont beaucoup signifié pour le Comité pour une Internationale Ouvrière, ce que nous avons bien remarqué durant l’école d’été du CIO, où étaient aussi présents quelques camarades tunisiens, ce que chaque participant a pu apprécier.
Le classe ouvrière organisée peut faire la différence
La session spécifiquement consacrée aux révolutions en Tunisie et en Égypte a insisté sur quelques points cruciaux. Tout d’abord a été soulignée la mesure dans laquelle la présence ou l’absence de la classe ouvrière organisée a une influence sur le caractère du mouvement. Bien plus que Twitter, YouTube ou Facebook, ce sont les travailleurs organisés qui ont permis l’arrivée de changements profonds.
Même si, place Tahrir par exemple, beaucoup de gens ne savaient pas ce qu’est exactement le capitalisme, même si leurs slogans donnent seulement une traduction limitée de la crise systémique, c’est cependant bien la présence de la classe ouvrière qui a donné un caractère radical aux protestations.
Au fur et à mesure de la poursuite des protestations dans ces pays, nous pouvons constamment plus vérifier que les secteurs de la classe ouvrière poussent le conflit de l’avant, vers le moment ou sera clairement posée la question du contrôle des moyens de production. Actuellement, ils tâtent les limites du capitalisme. Après le départ du dictateur tunisien Ben Ali, des villes entières ont parfois été occupées, tandis qu’en Égypte, des milices populaires ont remplacés la police à certains endroits.
En Tunisie, une série de grèves générales, en particulier dans les grandes villes, a été cruciale pour la création d’une unité de la population. C’est ce qui a obligé le dictateur Ben Ali de partir. Après un certains temps, ces actions se sont spontanément développées jusqu’à un caractère très mature et à la hauteur des tâches à réaliser. Lorsque la police et l’armée ont été chassées, les manifestants ont ainsi organisé des milices, ont pris soins d’assurer la distribution de l’eau, de nourriture, etc.
Cela ne signifie bien entendu pas qu’un programme politique n’est pas essentiel. La pure spontanéité des masses a ses limites. Une fois que le mouvement manquera de perspectives, l’euphorie pourrait se transformer en démoralisation et toutes les réalisations pourraient à nouveau devenir bien précaires. Il est également important que les manifestants essaient d’impliquer les couches moins actives de la population.
Le rôle des syndicats est lui aussi crucial. Depuis la chute de Moubarak en Égypte, de plus en plus de syndicats indépendants ont été créés. Récemment, pas moins de 66 syndicats ont encore participé à une manifestation.
Le mouvement syndical en Tunisie a une histoire qui date de la période coloniale et de la lutte contre les colonisateurs français. Le mouvement syndical est désormais représenté par la fédération nationale syndicale UGTT. C’est une organisation vers laquelle regardent de nombreux jeunes et travailleurs non syndiqués une fois qu’ils entrent en action.
L’UGTT, sous la pression de la base, a donné le mot d’ordre, trois jours avant la chute de Ben Ali, d’organiser des manifestations et des grèves dans tout le pays. Le 14 janvier, des marches sur la capitale ont été organisées avec la revendication de la démission du président et du gouvernement. Cette force révolutionnaire pourrait faire tomber le régime et pourrait aussi forcer les gouvernements successifs à faire des concessions. Mais, maintenant, le gouvernement veut briser ce mouvement.
Après la fuite de Ben Ali, cette fédération a connu une augmentation de ses adhérents. Par conséquent, l’UGTT a créé de nombreuses nouvelles sections. Selon le CIO, l’attitude de cette fédération est cruciale pour l’avenir de la révolution en Tunisie. Cette attitude et l’approche du CIO envers cette fédération a d’ailleurs constitué un important sujet de discussion lors de la session de l’école d’été du CIO consacrée à ces évènements.
Un autre sujet dont nous avons parlé est la question de l’unité et de la division. La classe dirigeante est très consciente des failles dans la société égyptienne et tunisienne. La force principale du mouvement est l’unité parmi les travailleurs, particulièrement ceux des secteurs traditionnels tels que la métallurgie, et les jeunes chômeurs. Cette dernière couche est une très grande proportion de la population.
Les oligarques ne sont pas seuls à vouloir stopper une telle unité, beaucoup de dirigeants syndicaux le souhaitent eux aussi. Parmi ces derniers, quelques uns ont reçu leur position grâce aux dictateurs, et sont aujourd’hui contestés.
Cela réaffirme la question de l’organisation du mouvement ouvrier et du rôle qui devrait être alloué à l’UGTT en Tunisie. D’un côté, nous avons vu le succès des manifestations en Egypte et en Tunisie grâce aux ouvriers organisés, et d’un autre, nous devons aussi réaliser que malgré les pressions d’en bas, il existe une couche de bureaucrates qui a tendance à limiter le mouvement.
Certains bureaucrates relient leur destin avec les dirigeants actuels. Les dirigeants du gouvernement sont surtout des membres de la bourgeoisie et se sont engagés à concrétiser le slogan de ‘‘retour au travail’’. Ils se sentent soutenus par l’Union Européenne et en particulier la France, l’ancienne puissance coloniale.
Réformes démocratiques et révolution permanente
Un autre point important souligné lors de la session est l’attitude à adopter contre le gouvernement et les élections promises. Récemment, le gouvernement provisoire de Tunisie a essayé d’appréhender des organisateurs de grève. Et, en plus, il y a maintenant une interdiction de faire grève. En mars, le gouvernement intérimaire égyptien, le conseil militaire, a lui aussi interdit les grèves, sous la menace de poursuites pénales.
Ces attitudes réactionnaires et paternalistes, qui veulent voler la révolution à la grande majorité des gens et au bénéfice des gestionnaires, des bureaucrates et de ceux qui restent encore fidèles à l’ancienne dictature, donne à la classe des travailleurs tunisiens et égyptiens le sentiment que l’ancien régime est en train de revenir peu à peu.
Avec le succès de la révolution en mémoire, beaucoup de jeunes et de militants résistent au nom de la révolution à ces mesures coercitives. Mais la tâche de la révolution reste de se débarrasser de l’épine dorsale de l’ancien régime et du nouveau.
Cette épine dorsale est formée par le vaste appareil policier et militaire dans les deux pays. Mais parmi les jeunes, la crainte de la police est parfois très limitée. A leur apogée, les révolutions ont montré la vulnérabilité de la police, et la revendication d’accepté l’entrée des syndicats ainsi que la liberté d’expression politique dans l’armée s’est généralisée.
Mais, dans le passé, la gauche en Tunisie et en Egypte a sous-estimé ce mot d’ordre et a parfois manqué de slogans destinés à convaincre l’armée des protestations populaires. Il a souvent été uniquement réfléchi en termes de gouvernement provisoire devant s’assurer de la “démocratie” avant de pouvoir progressivement compléter la révolution (et puis l’armée serait démocratisée).
Les comités populaires et les milices ont été au mieux considérés comme un moyen de pression contre le gouvernement, et non pas comme des précurseurs de l’autogouvernement de la classe ouvrière et de leurs alliés parmi les pauvres, les paysans et les étudiants. Les victoires remportées contre la police et le fait que l’armée égyptienne n’ait pas tiré ont été considérés comme un fait accompli.
Récemment toutefois, des accrochages ont eu lieu entre les troupes du gouvernement et des manifestants. Les tentatives de réoccuper la place Tahrir ont rencontré une résistance brutale de l’armée. Cela a démontré pour différentes couches de la population quelle est la position réelle de l’armée. Les leaders militaires ne veulent pas d’un projet démocratique, mais d’une relance de l’économie capitaliste dans le pays.
Les régimes actuels sont encore faibles et instables. Les élections en Tunisie, qui devaient avoir lieu en Juillet, ont été reportées jusqu’en octobre, selon les souhaits des impérialistes, parce qu’ils veulent encore du temps afin de laisser le gouvernement intérimaire se stabiliser. Le référendum en Egypte concernant les amendements constitutionnels a eu une faible participation, ce qui indique une certaine méfiance de la population.
Le conseil militaire a été initialement capable de ralentir le développement des nouvelles protestations en utilisant l’idée qu’il fallait du temps pour former un nouveau gouvernement. Mais quelques couches de la classe ouvrière ont rapidement vu qu’ils ne pouvaient plus continuer avec l’ancienne élite (y compris les chefs militaires). C’est dans ce contexte que les exigences démocratiques jouent encore un grand rôle.
La situation rappelle fortement les révolutions de 1848-1850 en Europe occidentale et Europe centrale. A cette époque aussi, les rangs de la classe ouvrière et de la classe moyenne ont manifesté dans la rue contre les régimes réactionnaires. Marx, Engels et leurs alliés de la Ligue des communistes ont demandé aux travailleurs de réduire les mesures des soi-disant démocrates, qui voulaient conquérir le pouvoir (ou qui ont déjà conquit le pouvoir), à leur résultat le plus extrême et logique. Et c’est l’une des opinions qui ont conduit à la conception d’une «révolution permanente».
C’est pourquoi le CIO est défend les comités de quartier et les comités qui existent sur les lieux de travail. Nous ne nous limitons pas à soutenir l’exigence d’une révision constitutionnelle et la convocation d’un Parlement qui devrait être élu démocratiquement. Nous voulons renforcer l’organisation des travailleurs, qui pourraient ainsi mieux mobiliser les masses dans leur propre intérêt.
Les régimes de transition ne sont pas neutres, ils ne sont pas les représentants de la grande majorité de la population. En Egypte, le conseil militaire a dû faire un certain nombre de concessions pour répondre aux manifestants. Mais ces concessions étaient également des concessions aux revendications de la classe dirigeante, qui souhaitait avant tout que les manifestations ne se développent pas.
Il est de l’intérêt de la classe ouvrière de considérer toutes les ‘‘réformes démocratiques’’ comme quelque chose de positif. Pour beaucoup d’Egyptiens et de Tunisiens, l’apprentissage révolutionnaire a été tel une côte particulièrement pentue. Ils ont expérimenté beaucoup, sur un laps de temps considérablement court en ce qui concerne la lutte et les actions. Mais il reste encore beaucoup de choses à accomplir, et chaque victoire reste précaire et dépendant d’un changement dans le rapport des forces entre les protestations populaires et les gouvernements provisoires.
On peut trouver tous les éléments d’un programme socialiste dans la lutte actuelle des travailleurs. Mais beaucoup de personnes – mais pas tous les socialistes – s’attachent à une exigence démocratique tel que l’appel pour une l’assemblée constitutionnelle comme si c’était une chose en soi et non l’expression d’un processus de révolution et de contre-révolution. Pour que la révolution puisse vaincre, nous devons aller plus loin, notamment par des occupations d’usines et la création d’organisations d’auto-organisation chez les paysans pauvres, les étudiants et les travailleurs.
Les partis d’opposition tombent dans des pièges classiques
Sur base du sentiment que le régime n’a pas changé, beaucoup de forces réactionnaires essayent de restaurer leur position, comme les islamistes et autres conservateurs. Leurs opinions sur les révolutions sont, comme celles des autres partis bourgeois, que toute l’énergie révolutionnaire doit être détournée vers des canaux sûrs. Les conservateurs sont bien entendu totalement en défaveur de la révolution socialiste…
Les Frères Musulmans en Egypte ont attendu avant d’enfin supporter le mouvement, qui constituait un énorme défi pour eux. En Juin, ils ont présenté leur propre parti, un parti qui se dit pour la justice et la liberté et est composé d’un mélange entre libéraux, des éléments essentiellement nationalistes et des forces pro-gouvernementales.
La principale force des Frères Musulmans est le fait que, au cours de ces dernières trente années, ils ont constitué la seule organisation visible de l’opposition. Même les impérialistes ont commencé, en l’absence d’autres partis, à négocier avec eux.
Mais que les Frères Musulmans le veulent ou non, la dernière grève générale a démontré que la révolution n’est pas terminée, et que l’absence des islamistes à des moments si cruciaux est, pour les militants radicalisés, la preuve qu’ils ne peuvent pas donner de réponse aux problèmes sociaux.
En avril et en mai, le mouvement de grèves et de manifestations en Egypte a de nouveau relevé la tête, atteignant des centaines de milliers de participants. Beaucoup de gens ont depuis lors exigé la démission du conseil militaire. L’armée a réagit avec des mesures répressives similaires à celles de l’ancien dictateur Moubarak. Dans le plus pur style de véritables démagogues néolibéraux, ils ont accusé les manifestants de perturber la croissance économique.
Mais les divisions sectaires continuent de poser un grand danger, de même que l’éventualité de voir un nouveau ‘‘Bonaparte’’ s’installer au pouvoir, quelqu’un capable de s’élever au-dessus des différentes groupes avec l’aide des forces de police.
La Gauche en Egypte reste relativement faible. Une nouvelle plate-forme est un front des forces de gauche, y compris le vieux Parti Socialiste Arabe et le Parti Communiste. Parfois, la revendication pour la nationalisation démocratique est posé, mais ce qui concerne le programme et en particulier la volonté révolutionnaire tout reste très floue.
En Tunisie, les membres des partis de la gauche radicale ont joué un rôle clé, en particulier au sein du syndicat UGTT. En conséquence de leur travail clandestin, ils ne disposent pas de bureaucrates typiques dans leurs rangs, mais ils restent parfois encore défendeurs de vieilles idées découlant du stalinisme ou du réformisme, et ils ont été complètement dépassés par les événements. Dans un passé tout récent, nombreux étaient encore ceux qui parmi eux pensaient qu’une révolution était impossible en Tunisie.
A ce moment, le Parti Communiste Ouvrier de Tunisie et d’autres organisations se sont organisées dans le ”Front du 14 janvier”, un front populaire qui comprend également, comme en Egypte, des “démocrates” bourgeois. Ils croient en une opposition de gauche dans une future ”démocratie” tunisienne capitaliste, un peu suivant le modèle européen de ”démocratie”. Comme ceux-ci et d’autres mouvements relient leurs idées aux points de vue défendus par l’UGTT, ils ne proposent pas une voie pour poursuivre – et encore moins pour approfondir – la révolution.
Cela a pour conséquence que la révolution est presque entièrement dépendante des dirigeants, des militaires ou des figures de l’ancien régime. Ces dirigeants sont sous la pression des exigences économiques de pays tels que la France et la Grande-Bretagne. Par ailleurs, ces pays participent à l’intervention militaire en Libye, situé entre la Tunisie et l’Egypte, les ”pays révolutionnaires”.
Afin de parvenir à une solution au bénéfice de la grande majorité de la population de la région, il est nécessaire d’élargir et d’approfondir la révolution. Il faut aussi que les régimes d’autres pays, comme en Algérie et en Arabie Saoudite, tombent eux aussi. Quand les dominos tombent un à un, les révolutionnaires peuvent s’entraider au-delà des frontières, une situation idéale pour contrecarrer toute intervention militaire de l’OTAN et d’autres puissances impérialistes.
Approfondir le processus révolutionnaire signifie en outre d’occuper les usines et de les nationaliser sous le contrôle des organisations des travailleurs. Cela permettrait aux travailleurs, aux étudiants et aux paysans pauvres dans la région de combattre à la fois le gouvernement et les intérêts impérialistes.
Une révolution permanente est également cruciale pour la guerre civile en Libye et au Yémen, cela peut leur apporter la victoire. C’est soit cela, soit une lutte continuelle entre tribus avec à l’occasion une victoire brutale et sanglante d’un groupe sur les autres. D’autre part, le régime israélien dépendant notamment de l’existence de dictatures dans la région, une expansion de la révolution pourrait également résoudre la question nationale là aussi.
Une page a été tournée, un nouveau chapitre dans la politique mondiale commence
La conclusion de cette session de l’école d’été du CIO concernant la Tunisie et l’Egypte a été que ces révolutions sont des révolutions ”classiques”. Rien, sauf une tendance opportuniste de type bureaucratique, ne peut stopper les révolutionnaires et les militants dans cette région d’apprendre des leçons positives et riches des révolutions qui se sont déroulées en Russie, en Allemagne, en Espagne, etc.
Ces derniers mois, beaucoup de choses ont changé. Après trente ans de néolibéralisme, la révolution est de nouveau à l’ordre du jour. Pour les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et les marxistes à travers le monde, les défis sont énormes, de même que les pièges dans lesquels les révolutions peuvent tomber.
Néanmoins, nous avons de quoi être confiant au vu de l’attitude remarquable des jeunes et des travailleurs et leurs compétences politiques et organisationnelles. Cet impact ne peut être sous-estimé.
La vague révolutionnaire partie de la région s’est très vite diffusée à d’autres pays. Même en Europe du Sud, nous avons vu comment les jeunes ont voulu ”copier” les révoltes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en allant jusqu’à tenter d’installer leurs propres places Tahrir. Même si ces protestations n’ont pas eu la même ampleur, on ne peut exclure que les jeunes et les travailleurs puissent apprendre à leur propre rythme et à travers leur propre expérience à s’organiser et qu’ils puissent déterminer l’agenda politique de l’Europe.
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Ecole d’été du CIO : Révolution et Contre-révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord
Les vidéos des manifestations de masse, des grèves et des occupations, ainsi que des attaques violentes contre les travailleurs et la jeunesse ont ouvert la session consacrée aux révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Les images de la vague de lutte de masse partie de Tunisie et d’Egypte et s’étendant à toute la région contrastent avec celles du Président Sarkozy souhaitant longue vie à Ben Ali et du président Obama discutant amicalement avec Moubarak.
Par David Johnson, Socialist Party (CIO-Angleterre et pays de Galles)
Comme Robert Bechert l’a déclaré en présentant la discussion, certaines scènes se sont reproduites ces jours derniers. Les protestations au Caire ont à nouveau été attaquées par des bandits armés, illustrant ainsi que la lutte entre la Révolution et la contre-révolution est toujours bien présente.
Les victoires initiales remportées en Tunisie et en Egypte ont prouvé que l’action de masse peut renverser des régimes autoritaires et répressifs. Des millions de travailleurs et de jeunes à travers le monde ont suivi ces événements en temps réel. L’impact international de ces luttes a été démontré quelques semaines seulement après la chute de Moubarak, quand un mouvement de masse a éclaté au Wisconsin, aux Etats-Unis, contre des attaques contre les syndicats. On pouvait y voir des pancartes et des banderoles faisant clairement référence aux luttes en Tunisie et en Egypte. Peu après, l’inspiration de ces mouvement a donné naissance au mouvement ‘‘Indignés’’ en Espagne, en Grèce et dans d’autres pays.
Chaque révolution a ses caractéristiques propres, mais il existe toutefois des processus généraux que les marxistes doivent apprendre. Une stratégie claire est nécessaire, non seulement pour assurer la victoire finale pour la classe ouvrière, mais également à chaque étape de la lutte.
La révolution tunisienne a pris la classe dirigeante par surprise. Les grèves générales se sont développées, les couches dirigeantes ont été prises de panique et se sont débarrassées de Ben Ali pour tenter de garder le contrôle de la situation. Moubarak a lui essayé de s’accrocher au pouvoir par tous les moyens, et il était clair que l’occupation des places n’était pas suffisante pour le faire dégager. Le Comité pour une Internationale Ouvrière a défendu que le mouvement prenne des initiatives pour passer à l’offensive avec des marches vers les bâtiments gouvernementaux et une grève générale. Quand une vague de grève a commencé à se développer, la hiérarchie militaire, avec le soutien de l’impérialisme américain, a forcé Moubarak à démissionner. Dans ces deux pays, les vieux dirigeants ont été sacrifiés de sorte que la classe dirigeante puisse s’accrocher au pouvoir.
L’explosion initiale de joie a temporairement masqué le fait que les vieux régimes étaient toujours bel et bien au sommet de la société. Mais l’obtention de droits démocratiques, même limités, a donné aux travailleurs les moyens de lutter pour de meilleures conditions de vie, dans l’ensemble de la Tunisie et de l’Egypte. Par ce processus, la confiance et la compréhension des travailleurs ont augmenté, approfondissant par la même le processus révolutionnaire. Mais comment la classe ouvrière et la jeunesse peuvent-elles tirer de complètes conclusions révolutionnaires de leurs expériences ? Comment peut-on construire un mouvement capable de totalement changer la société ? Ce sont là des questions auxquelles les marxistes doivent répondre.
Le CIO essaye d’appliquer à la situation concrète actuelle les enseignements tirés des événements révolutionnaires du passé. La tâche à laquelle fait face la classe ouvrière n’est pas simplement de s’organiser, mais de parvenir au pouvoir, en tirant derrière elle les autres couches opprimées de la population.
En Egypte, le pouvoir réel reste entre les mains du Conseil suprême des forces armées. La revendication croissante d’un véritable gouvernement civil est progressiste, mais pas si cela signifie un gouvernement capitaliste, qui entrerait ensuite en conflit avec la classe ouvrière. Le CIO s’oppose à toute organisation de travailleurs participant et collaborant à n’importe quel gouvernement reposant sur le capitalisme. Le mouvement ouvrier doit se battre et faire grève pour créer un gouvernement des travailleurs et des pauvres.
Nous voyons déjà en Tunisie et en Egypte le sentiment croissant que le pouvoir est volé à la classe ouvrière, et que les travailleurs n’obtiennent pas ce qu’ils voulaient en entrant en lutte. Les changements de gouvernement ont été rapides en Tunisie, et les mobilisations de masse se sont succédées en Egypte, reflétant les différentes revendications du mouvement. Mais à ce stade, la clarté n’existe toujours pas concernant les objectifs du mouvement.
Nécessité d’un programme
Il est insuffisant de combiner une rhétorique révolutionnaire abstraite avec des revendications de type réformiste tout en refusant de mettre en avant la nécessité de renverser le capitalisme, comme le font quelques groupes de gauche. Il faut un programme capable de relier les nécessités quotidiennes à la nécessité cruciale de transformer fondamentalement la société, comme lors de la Révolution russe de 1917, quand le parti Bolchevique a combiné des slogans tels que ‘terre, pain, paix’ à ‘tout le pouvoir aux soviets’.
Un autre élément auquel les marxistes doivent faire face est celui de la religion, face aux mouvements religieux qui ont émergé à côté des mouvements ouvriers. Tous ne sont pas identiques. Construire le soutien pour les idées socialistes signifie de mettre en relation les questions démocratiques et sociales. En même temps, les socialistes doivent éviter de s’adapter de façon opportuniste aux mouvements religieux. Les hésitations et virages des dirigeants des Frères Musulmans en Egypte vis-à-vis des récentes protestations sont une illustration des pressions contradictoires à la base de leur mouvement. L’Egypte montre également les possibles dangers des conflits sectaires. Des dangers de ce type, ou à caractère national, sont également présents dans d’autres pays. C’est d’ailleurs cette crainte qui a été instrumentalisée par le régime de Bachar el-Assad en Syrie pour tenter de rester au pouvoir. Le régime a effrayé les chrétiens et les autres minorités avec le spectre du conflit sectaire qui s’est développé en Irak afin de les pousser à soutenir le régime.
Syrie et Libye
Les soulèvements en Syrie et en Libye ne se sont pas développés comme en Tunisie et en Egypte. Les régimes d’Assad et de Kadhafi disposent d’une assise plus forte au sein de la société par rapport à Ben Ali et Moubarak. En Libye, cela est partiellement dû aux revenus du pétrole, qui ont donné aux travailleurs libyens un niveau de vie légèrement plus élevé que dans le reste de la région, en dépit du taux de chômage élevé. Kadhafi et Assad utilisent aussi la crainte de d’une intervention impérialiste et sioniste.
En Libye, la révolte de la jeunesse s’est développée contre la corruption et la répression du clan dirigeant. Mais cela n’a pas immédiatement été suivi dans les mêmes proportions à l’ouest du pays, où vivent la majorité des Libyens. Au fur-et-à-mesure que la direction autoproclamée de l’opposition s’est adressée à l’impérialisme et a commencé à utiliser le vieux drapeau monarchiste, cela a aidé Kadhafi et a gêné la construction du soutien pour l’opposition à Tripoli et à l’ouest du pays. En Syrie, jusqu’ici, les protestations n’avaient pas encore affecté Damas et Aleppo, les deux plus grandes villes. Cela a toutefois maintenant commencé à changer, avec de grandes protestations à Aleppo. Si celles-ci pouvaient atteindre Damas, cela signifierait la fin du régime sous sa forme actuelle.
L’impérialisme craint une division de la Syrie ‘‘à al yougoslave’’ en différents Etats séparés, ce qui déstabiliserait la région entière, cela ouvre la possibilité de négocier avec Assad. Seul un mouvement ouvrier uni peut passer au-delà des divisions ethniques et religieuses.
Le bombardement de la Libye par l’OTAN ne constitue pas simplement une guerre pour le pétrole, mais aussi une guerre pour le prestige de l’impérialisme occidental. L’intervention militaire a provoqué de nombreuses discussions, certains à gauche reflétant l’opinion libérale selon laquelle ‘‘quelque chose devait être fait pour empêcher la répression de Kadhafi’’ et ont donc soutenu l’intervention militaire. Le Comité pour une Internationale Ouvrière s’était quant à lui inspiré de l’expérience des pays voisins de la Libye, où c’est la lutte de masse qui a renversé les dictatures, maintenant renforcée par la lutte croissante en Syrie. Un mouvement ouvrier indépendant possédant un programme indépendant pourrait conduire à la chute de Kadhafi et d’Assad. Avec l’adoption d’un programme socialiste, la possibilité est réelle de rompre avec l’impérialisme et de renverser le capitalisme. Les récents signaux selon lesquels la Grande-Bretagne, la France et d’autres puissances permettraient maintenant à Kadhafi de rester en Libye reflètent l’impasse militaire dans laquelle se trouve l’impérialisme et le contrôle que le régime exerce toujours à l’Ouest.
Ailleurs dans la région, le soulèvement au Bahreïn a temporairement été réprimé par les troupes saoudiennes, sujet sur lequel très peu a été dit par les divers gouvernements impérialistes. De petites protestations ont eu lieu en Arabie Saoudite, qui pourraient se développer à l’avenir. Au Maroc, des manifestations ont également eu lieu contre le paquet de réformes du roi, pour dire qu’elles sont insuffisantes. L’Algérie reste marquée par son expérience de guerre civile, mais ne restera pas immunisée longtemps aux mouvements révolutionnaires qui envahissent la région.
En Palestine, les protestations se sont développées aussi, tant contre le Hamas que le Fatah, les conduisant à conclure un pacte d’unité pour tenter de garder le contrôle de la situation. Au Liban se sont développées des protestations contre le sectarisme, mais la situation est également compliquée par les développements en Syrie. Même en Israël, les révolutions ont eu un effet, illustré par le mouvement de protestation et d’occupation de places (depuis lors, le pays a connu les plus grandes protestations de son histoire, NDLR).
A la fin de son introduction, Robert a noté que presque chaque décennie du 20ème siècle a connu des révolutions. Pourtant, seule la révolution russe de 1917 a été réussie, en raison de l’existence d’un parti qui avait une idée claire ce qui était nécessaire, et de comment le faire. Les Bolcheviques ont ainsi pu gagner le soutien de masse de la classe ouvrière. Le capitalisme peut seulement être renversé par le mouvement conscient de la classe ouvrière, ce que vise à construire le CIO.
Témoins de Tunisie et d’Egypte
Deux orateurs de la région ont illustré les processus à l’oeuvre en Egypte et en Tunisie. Lors du Congrès Mondial du CIO qui s’est tenu en décembre 2010, nous avions prévu que la situation en Egypte était extrêmement tendue et pouvait conduire à des mouvements de masse, mais nous ne nous attendions pas à ce que cela éclate aussi rapidement. Maintenant Tantawi, le chef du Conseil suprême des forces armées en Egypte, prétend ‘‘préserver les gains de la révolution’’. Sous la pression des énormes manifestations qui se sont à nouveau développées et avec la réoccupation de la place Tahrir, le gouvernement a annoncé plus de concessions, comme celle de diminuer l’âge pour participer aux élections de 30 à 25 ans, d’assurer que la moitié au moins des membres du nouveau Congrès des Peuples seraient des ouvriers et des paysans, et de supprimer la loi d’exception si détestée (à l’exception des ‘bandits’).
Ces annonces n’ont toutefois pas suffit à satisfaire les protestataires, qui veulent aussi la suppression de toute mention de la famille de Moubarak sur les lieux publics. Parallèlement, le gouvernement tente de limiter le mouvement en prenant, par exemple, des mesures antigrèves. Ces développements, combinés à la politique économique du gouvernement, signifient clairement pour les ouvriers que ce gouvernement est un gouvernement de la contre-révolution, pas de la Révolution. Quand les grèves commencent à se développer, le gouvernement et le Grand Capital clament haut et fort que cela fait reculer l’économie. La classe ouvrière va davantage entrer en conflit avec le gouvernement. Le lendemain de la chute de Moubarak, l’atmosphère était à l’unité entre l’armée et la population. Cela change actuellement, mais l’alternative n’est pas claire aux yeux des travailleurs.
Les cinq principaux partis de gauche manquent de stratégie. Certains estiment même que les élections devraient être remises à plus tard, jusqu’à ce qu’un front populaire soit organisé, qui inclurait également des représentants des partis capitalistes. Le CIO met en avant la nécessité d’un front unique véritable des organisations des travailleurs et celle de la création d’un parti des travailleurs de masse.
Un camarade tunisien a parlé, et a souhaité que tous les participants à l’école d’été puissent vivre de semblables développements révolutionnaires. Les racines de la lutte ne se situent pas dans ‘Facebook’, mais dans les luttes ouvrières de 2008, fortement réprimées. Mais le régime, en dépit de sa dureté, du contrôle des médias, de l’infiltration des syndicats et des mouvements étudiants, en dépit aussi du soi-disant ‘miracle économique’ a été incapable de contenir les contradictions croissantes dans la société. Toutes les forces politiques, à l’exception du Parti Communiste Ouvrier de Tunisie (de type maoïste) et d’une poignée de marxistes avaient signé un pacte avec Ben Ali après le coup de 1987.
Mais ce régime qui paraissait invincible s’est décomposé. ‘‘Nous voulons renverser le système’’ était un slogan populaire, mais ce que cela signifie concrètement est bien peu clair aux yeux de beaucoup. Les travailleurs et les pauvres sont déterminés à défendre la révolution. Ils tentent dans les faits de réaliser la ‘‘révolution permanente’’, bien qu’ils n’aient jamais lu Trotsky.
Le régime est toujours en place en dépit des changements opérés dans les ministères. Il fait campagne contre les grévistes, et les amis de Ben Ali dirigent toujours la fédération syndicale UGTT, qui doit être nettoyée par les syndicalistes.
Le futur de la révolution tunisienne est important pour les travailleurs et les pauvres partout à travers le monde. L’unification de toutes les luttes dans le but de renverser le système est essentielle. C’est là la tâche des marxistes à travers tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
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Ecole d’été du CIO – Crise du capitalisme mondial et relations internationales
A l’heure actuelle, toute la planète est dominée par la crise globale du capitalisme. La mondialisation est telle que personne n’échappe à la tourmente ; et trois ans après le début de la crise au Etats-Unis, aucun des problèmes fondamentaux n’a encore été réglé. Partout, les classes dirigeantes ont cherché à faire payer la crise à la classe ouvrière ou aux Etats rivaux, ce qui implique une augmentation des tensions nationales et de la lutte des classes, avec des possibilités révolutionnaires.
Rapport écrit par Baptiste (Wavre)
Le capitalisme mondial en déclin
Ces dernières semaines, l’état de déclin du capitalisme mondial a encore été illustré en Afrique de l’Est. Alors que les salaires de PDG des multinationales aux USA ont augmenté de 48% l’année dernière, 2 millions de personnes soufrent de la famine en Somalie. Le peu d’aide que les pays les plus puissants ont daigné trouver semble dérisoire au vu de la spéculation que réalisent les hedge funds sur les denrées alimentaires. Ce désastre humanitaire est aussi le reflet des dérèglements climatiques, des ruines laissées derrière elles par les interventions impérialistes dans la région et du business des multinationales agroalimentaires qui ont détruit les ressources locales. Au total, cette année il y a 44 millions de personnes en plus qui tombent sous le seuil de pauvreté et plus d’un milliard en état de malnutrition.
Malgré le désastre nucléaire de Fukushima, certains pays comme la Chine, la Russie, l’Inde et le Royaume-Uni persistent dans le développement de plans nucléaires toujours aussi axés sur les profits rapides. Parallèlement, l’introduction de « taxe carbone » comme en Australie ne repose que sur les travailleurs et aucunement sur les multinationales, et n’a aucun effet de ralentissement sur les destructions environnementales. De tels cas de figures montrent l’écho grandissant que la planification socialiste peut trouver parmi les masses avec l’approfondissement de la crise du capitalisme.
Une reprise économique limitée et fragile
Les dirigeants capitalistes ont longtemps affirmé qu’après la crise profonde de 2007-08 la croissance mondiale serait de retour grâce au découplage des pays émergeants, à savoir principalement le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (les pays dits « BRIC »). Aujourd’hui, on peut clairement voir que cette hypothèse de découplage était erronée. Car même si certains de ces pays ont retrouvé une certaine croissance à partir de 2009, derrière cette apparence ils ne sont pas moins dans une crise profonde. Cette croissance des pays émergents permet une croissance du PIB mondial mais elle est fragile et incertaine. Elle est encore de 4,3% pour le premier trimestre de 2011, mais le pessimisme est de mise pour le reste de l’année. Les grandes institutions financières mettent régulièrement en avant un retour de la stagnation alors même qu’ils prévoyaient une croissance de 5% pour 2011 pas plus tard qu’il y a un an. Des cycles de croissance toujours plus raccourcis sont typiques de la situation dépressive du capitalisme, caractérisée par une augmentation du chômage, qui dépasse officiellement la barre des 200 millions de travailleurs à travers le monde.
En réponse à la crise de 2007-08, la ligne de conduite des capitalistes était de sauver les banques en les renflouant avec l’argent public et de mettre en place des plans de relance avec l’ambition de poser les bases d’une nouvelle période de croissance. Il était pourtant évident à l’époque que ces mesures ne poseraient en rien les bases d’une croissance saine. Si ces interventions des Etats ont permis d’éviter un effondrement encore plus considérable de l’économie mondiale, l’effet de ces interventions était condamné à être temporaire. En outre, un nouvel élément compliquant s’est installé dans le paysage de la crise : les déficits budgétaires, dettes publiques et des multinationales qui explosent. Ainsi, si ces interventions ont permis un arrêt de la chute économique et au mieux un peu de croissance, cela a vite été rattrapé par la crise des dettes.
La zone euro ne parvient pas à sortir la tête de la crise
L’Europe en est d’ailleurs le théâtre depuis un an avec les PIGS. Les pays de la zone euro ont trouvé un accord pour un soutien financier en échange d’une austérité drastique pour les pays les plus affaiblis. A présent, la possibilité d’un défaut partiel de paiement sur la dette est également envisagée. Mais cette logique à ses limites. D’une part, l’austérité n’est en rien une solution, et ne fait qu’aggraver la situation des pays concernés. Et d’autre part, ce type de mesure ne va pas pouvoir être élargi à des pays dont la dette est plus élevée que la Grèce ou le Portugal. Il suffit de comparer les montants de la dette à rembourser d’ici 2013 pour s’en rendre compte : pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande ensemble il s’agit de 201 milliards d’€, pour l’Espagne seule il s’agit de 523 milliards d’€ et pour l’Italie d’environ 1000 milliards d’€.
Les contradictions propres à une union monétaire entre différentes économies en Europe sont clairement démontrées aujourd’hui. La monnaie unique a sacrifié la possibilité de dévaluations compétitives pour faire place aux dévaluations internes, poussant les politiques néolibérales toujours un peu plus loin. Tant qu’il y a une croissance globale et que toutes les bourgeoisies nationales y trouvent leur part du gâteau, cette coopération peut se développer. Mais il n’y avait en aucun une intégration européenne derrière cette coopération, comme l’a révélé la pire crise économique depuis 70 ans qui ravive les tensions économiques entre Etat-nations. Les classes dirigeantes en Europe vont tout faire pour sauvegarder l’Euro, car un échec signifierait un désastre économique et une défaite politique considérable, mais les moyens pour acheter l’union ne sont plus présents. La seule perspective des dirigeants européens est l’expectative et la tentative de faire payer la crise aux travailleurs.
Obama et les USA dans une impasse
Aux Etats-Unis aussi les plans d’Obama sont épuisés. Après la chute du PIB de 2,6% en PIB en 2009 et une reprise de 2,9% en 2010, les plus optimistes anticipent une croissance de 2,5% pour 2011. Pourtant tous les signaux de l’économie US sont au rouge : l’appauvrissement des foyers ne cesse de s’aggraver, l’immobilier est touché par une seconde crise, le secteur de la construction est en dépression et les travailleurs continuent à en faire les frais. Les licenciements à tour de bras n’ont pas cessé et aujourd’hui on estime qu’il y a 24 millions de travailleurs au chômage ou sous-employés. Le recours aux food stamps a augmenté de 11% sur les trois dernières années et à présent 1/7 de la population américaine y a recours pour se nourrir et subvenir à ses besoins élémentaires. Cette situation des conditions de vie aux Etats-Unis est un aspect de la contre-révolution sociale : les bourgeoisies aux USA comme en Europe font payer le prix de la crise aux travailleurs et tentent de reprendre tous les acquis lâchés durant la période d’après-guerre.
Les négociations entre républicains et démocrates sur le plafond de la dette publique sont au centre de l’attention des spéculateurs. La présidente du FMI, Christine Lagarde, a haussé le ton sur les risques en cours : il ne s’agirait pas simplement d’un défaut technique de paiement, mais de la faillite de plusieurs Etats du sud des USA, déclenchant un cycle infernal pour le capitalisme US qui se retrouverait avec une chute de 5% de son PIB, et entraînerait la croissance mondiale dans sa chute. Dans le cadre des négociations sur la dette, Lagarde se dit favorable aux coupes budgétaires mais conseille d’étaler ces coupes dans le temps de sorte à ne pas affecter encore plus l’économie. Sous pression du Tea Party et par crainte du danger électoral qu’il représente, les républicains poussent à l’augmentation des coupes. Quant à Obama, il n’aura cessé de faire des concessions et de raboter dans les dépenses pour la sécurité sociales et les soins médicaux. Cette logique de concessions est d’autant plus erronée que cette austérité ne permet de se donner un bol d’air qu’à court terme. En outre, ce faisant il sape sa base électorale à tel point qu’il n’est pas sûr d’être en mesure de gagner les élections de 2012, et ce malgré que les républicains n’aient pas de candidat valable et soient discrédités par leurs liens au Tea Party. La situation des Etats-Unis appuie le caractère systémique de la crise du capitalisme, mais aussi la nécessité pour la classe ouvrière d’avoir une organisation politique de masse indépendante pour s’organiser dans les prochaines luttes qui prendront inévitablement place.
Il n’y aura pas de miracle chinois
Les commentateurs bourgeois les plus optimistes s’empressent de voir en la Chine un filet de sauvetage du capitalisme, en étant une sorte de nouveau modèle de développement. Pourtant la Chine est également rentrée dans ses contradictions. L’année 2008 a vu une chute brutale de ses exports et le chômage a explosé pour toucher 25 millions de travailleurs. Le gouvernement a tenté d’enrayer ce cycle infernal en mettant sur pied le plus colossal des plans de relance : 1500 milliards $ de prêts, surtout investis dans l’infrastructure, ce qui a stimulé la production industrielle. Le pire a été évité en apparence avec la reprise d’une croissance forte, encore de 9,5% au dernier trimestre de 2011. Mais sous la surface, l’instabilité de l’économie chinoise est elle aussi croissante, car ces injections massives ont tout autant nourri la spéculation sur le prix des matières premières, sur le crédit et sur l’immobilier. Cette remontée de la spéculation est une des conséquences du quantitative easing, qui consiste faire tourner la planche à billets pour permettre à l’Etat d’intervenir dans l’économie.
La surproduction de maisons et l’augmentation des bâtiments non vendus atteignent des sommets. Alors que plus d’un million de familles n’ont pas les moyens d’accéder à un logement, un nouveau gratte-ciel est construit tous les six jours. Le gouvernement essaie de freiner légèrement cette bulle immobilière mais il fait face au dilemme que c’est le moteur actuel de la croissance chinoise. L’attitude du gouvernement chinois, toujours hanté par les évènements de ’89, est aussi marquée par sa méfiance profonde vis-à-vis de la classe ouvrière. L’inflation (officiellement de 6,4% en juin 2011, mais estimée au double par certains économistes) sape le pouvoir d’achat et leur fait craindre des mouvements de masses. C’est la raison pour laquelle ils tentent de responsabiliser de plus en plus les gouvernements locaux dans la mise en place des mesures antisociales. A terme, l’éclatement de la bulle immobilière aura un coup terrible pour l’économie chinoise, et d’autant plus dévastateurs pour des pays comme l’Australie et le Brésil dont le développement économique actuel est basé sur l’exportation de matières premières vers la Chine. C’est également le cas pour l’Inde, où le taux de croissance chute déjà régulièrement, amenant chaque année 10 millions de personnes de plus dans les rangs des chômeurs et des plus démunis.
Le cas de l’Australie est très illustratif de l’embellie économique instable. La croissance est focalisée sur le secteur minier, sans que cela ne se répercute sur le reste de l’économie qui lui est en chute. En outre, cette croissance dans le secteur minier est elle-même très incertaine, car elle repose quasi exclusivement sur les exports vers la Chine et le Japon. Le même symptôme économique se retrouve chez le Brésil, pour qui la croissance actuelle porte quasi exclusivement sur l’exportation de matières premières vers la Chine, au point même que certains économistes brésiliens pointent le danger d’une désindustrialisation que pourrait amener un tel déséquilibre. L’économie de la Malaisie a aussi une épée de Damoclès au-dessus de la tête, car elle est basée sur les exportations vers la Chine, l’Europe et les USA, trois économies qui survivent à l’aide de plans de relance qui n’auront pas un effet éternel. Le Brésil et l’Inde voient se dérouler également la pratique du carry-trade à une échelle démesurée (des spéculateurs empruntent des monnaies à faible taux d’intérêt pour réinvestir les montants dans des pays où les monnaies ont de hauts taux d’intérêts). Cela va jusqu’à représenter pour 80 milliards $ en 2011 en Inde ! Un tel montant donne une idée de la manière avec laquelle des économies en croissance ne reposent que sur des fluctuations de marchés ou sur des spéculations. Le capitalisme permet à une élite financière de tenir entre ses mains avares le destin de millions de personnes.
Tout ceci démontre le caractère malsain du soi-disant retour à la croissance depuis 2009. Le capitalisme ne va que de crise en crise. Si l’introduction de nouveaux plans de relance ne sont pas à exclure, il n’y globalement pas de perspectives de vrai croissance. Des nouvelles récessions prendront place et le manque de riposte de la classe ouvrière laisse l’espace aux classes dirigeantes pour leur en faire payer le prix. Parallèlement à une perspective de faible croissance ou de stagnation parsemée de crises, un scénario de double-deep n’est pas non plus à exclure étant donné la fébrilité maniaco-dépressive de la finance mondiale.
Augmentation des conflits et des tensions entre impérialistes
L’Asie du Sud est devenue un véritable terrain d’affrontements. Les gouvernements notamment en Inde, au Pakistan et en Malaisie ne cessent de recourir aux divisions ethniques pour tenter de camoufler les conséquences sociales de la crise et l’augmentation de la pauvreté. Depuis 2001, les Etats-Unis auront fourni au Pakistan pour 21 milliards d’aide militaire, sans jamais arriver à ce qu’il n’y ait plus de liens entre les talibans et l’Etat. De son côté, le Pakistan se tourne de plus en plus vers la Chine tandis que l’Inde augmente sa collaboration stratégique avec les USA. La conséquence inévitable est une nouvelle augmentation des tensions entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires. Obama n’est jamais parvenu à faire cesser le problème des talibans. L’assassinat du frère d’Hamid Karzaï en Afghanistan établit un constat d’échec pour les forces de sécurité dans le pays et l’absence totale de soutien populaire à l’occupation qui au final n’aura fait que développer une situation de chaos avec des seigneurs de guerre qui ont toujours plus de pouvoirs. Les Etats-Unis ont programmé un soi-disant retrait d’Afghanistan pour 2012, mais il ressort qu’après cette date il restera encore 70 000 soldats sur le terrain. L’absence d’efficacité des forces de sécurité afghanes ne ferme pas non plus la porte à de futures frappes aériennes. La région n’a pas fini d’être le terrain de jeu des différentes puissances pour l’acquisition des ressources, et par conséquent les morts aveugles parmi les populations ne vont pas cesser. Parallèlement, les USA ont toujours 55 000 GI’s en Irak et sont toujours en conflit avec l’Iran notamment sur la question du nucléaire.
Eruption de mouvements de masses et polarisations dans la société
Les positions stratégiques des impérialistes sont d’autant plus affaiblies avec la perte d’alliances dans le monde arabe et au Moyen-Orient conséquent aux évènements révolutionnaires depuis le printemps arable. Cette situation est d’autant plus délicate que ces mouvements ont boosté tous les travailleurs des différents pays et ont donné une véritable confiance dans la lutte contre les impérialistes et leurs pantins. Au Kazakhstan, la plateforme « Kazakhstan 2012 » et les militants du CIO ont joué un grand rôle dans la grève dans le secteur du pétrole. Il y a actuellement une pression énorme des luttes sociales sur Nazerbayev, qui n’a aucun soutien dans la population. Le développement de la section du CIO au Kazakhstan permettra d’être un acteur majeur dans les prochaines luttes.
En Russie, si la croissance est encore de 4% pour 2011, l’inflation est elle de 9% et le déficit budgétaire est de 9%. La Russie ne fait clairement plus partie des BRIC, pays avec lesquels elle pouvait se vanter d’un taux de croissance de 8-9% avant la crise. Les tensions au sein des dirigeants se développent en vue des prochaines élections, d’autant plus avec l’aggravation de la crise. Poutine a récemment participé à la mise sur pied d’une nouvelle organisation politique, le « Front populaire panrusse », auquel le président Medvedev, qui a une approche plus pro-occidentale, n’a pas adhéré. Medvedev a de plus en plus de soutien parmi une partie de l’élite qui voit en lui une alternative à Poutine qui est devenu parmi la population le symbole du gaspillage, de la corruption et des escroqueries.
Au Venezuela, l’annonce du cancer de Chavez a cristallisé une crise politique, ouvrant une période de divergences à la tête du régime et de lutte de pouvoir au sein du PSUV. La disparition de Chavez pourrait mettre fin à la révolution bolivarienne, car si le président garde beaucoup de popularité, le régime ne cesse de perdre du crédit. C’est la conséquence inévitable du problème posé par le manque colossal de logements, de l’augmentation des coupures d’électricité, de la corruption, de la criminalité, et l’amertume vis-à-vis d’une couche de nouveaux riches qui se développe. En outre, la bourgeoisie vénézuélienne, qui n’a jamais vraiment été inquiétée par le gouvernement, tire ses marrons du feu de la spéculation. Si Chavez n’est plus en mesure de se représenter et que la révolution bolivarienne échoue, cela constituera un boulevard pour la droite dans la région, l’impact sur d’autres pays comme Cuba sera inévitable. Il apparaît clairement que la seule manière de maintenir et développer les acquis ne repose pas sur des leaders charismatiques mais repose sur la lutte de la classe ouvrière et son contrôle sur la société. Ce constat peut être étendu à la Bolivie, où les accords de Morales avec la bureaucratie et le patronat ont créé la désillusion et un vide politique.
Une période riche en défis pour la classe ouvrière et les marxistes révolutionnaires
Dans le reste des Amériques également, les polarisations et la lutte se développent. Au Brésil, les mouvements sociaux se sont multipliés dernièrement pour protester contre la corruption et pour des augmentations de salaire. Au Chili, des centaines de milliers de personnes ont manifesté en juin pour des revalorisations salariales. En Asie encore, 200 000 personnes ont manifesté à Hong-Kong pour réclamer la fin des gouvernements fantoches. En Malaisie, le développement des mouvements sociaux est tel que le gouvernement a procédé à l’emprisonnement de militants du Parti Socialiste-Maleisie. En Afrique, les mouvements de masses dans le monde arabe ont constitué une véritable source d’inspiration pour lutter. Au Malawi par exemple, où 70% de la population vit avec moins d’1$ par jour, une manifestation record a pris place. En Afrique du Sud et au Nigeria, les directions syndicales se retrouvent constamment acculées et sous pression
A travers les continents, la question de l’organisation de la classe ouvrière est posée de manière on ne peut plus évidente. A l’heure actuelle, un gouffre sépare les besoins des travailleurs et leur niveau d’organisation et de conscience. L’absence d’organisation de masse pour les travailleurs ouvre la porte à la recherche d’alternatives erronées, comme c’est le cas en Inde avec des guérillas contre les multinationales.
Pour les marxistes, il est indispensable d’étudier l’histoire de la lutte des classes pour en tirer les leçons. Partout des partis de masse de la classe ouvrière sont indispensables à la lutte des travailleurs pour augmenter le degré d’organisation et le niveau de conscience. Les organisations révolutionnaires du CIO vont également devoir se construire durant cette période de lutte des masses qui se présente pour gagner les travailleurs à la lutte pour le socialisme.
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Ecole d’été du CIO – Crise capitaliste mondiale : Economie et relations inter-impérialistes
La semaine dernière, des partisans du CIO issus de 33 pays ont participé à l’Ecole d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, en Belgique. Des camarades étaient présents d’Europe de l’Ouest et de l’Est, mais aussi d’Amérique du Nord ou Latine, du Nigeria, de Malaisie, de Hong Kong et du Moyen Orient. Voici ci-dessous un résumé d’une discussion plénière consacrée aux perspectives mondiales.
Par Alison Hill, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Niall Mulholland, du secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière, a introduit cette discussion plénière consacrée à l’économie mondiale et aux relations inter-impérialistes en expliquant à quel point chaque partie du globe est affectée par cette crise économique qui s’approfondit. En raison de la mondialisation, aucun continent n’a pu y échapper et aucun des problèmes fondamentaux n’a été résolu.
A travers le monde, la classe dirigeante tente de maintenir ses privilèges aux dépens de la classe ouvrière et de ses rivaux dans d’autres Etats-nation. Cela entraîne le développement de nouveaux mouvements révolutionnaires ainsi que la possibilité du développement de tensions et de conflits.
Le capitalisme est un système d’inégalités extrêmes. Aux Etats-Unis, les cadres supérieurs ont reçu une augmentation de 38% de leurs bonus en 2010, tandis que des millions de personnes sont actuellement au bord de la famine en Afrique de l’Est. La spéculation sur les denrées alimentaires a catapulté 44 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, uniquement pour cette seule année.
Mais la famine en Afrique de l’Est n’est pas tombée du ciel. Des scientifiques estiment que les sécheresses successives de la région peuvent être liées au changement climatique. Les conflits locaux et l’intervention de l’impérialisme en Somalie ont également contribué à cette tragédie, tout comme a la destruction des manières de vie par les multinationales agro-alimentaires.
L’environnement est aujourd’hui une part essentielle des perspectives, et ce thème occupe une place cruciale dans le programme du CIO, en particulier maintenant que le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et l’Inde ont le projet de construire de nouvelles centrales nucléaires. Les problèmes environnementaux peuvent ébranler des gouvernements, et même les faire chuter.
En Australie, le gouvernement travaillistes/verts a introduit un impôt très impopulaire sur le carbone, impopulaire parce que les coûts de la taxe seront simplement transférés du Grand Capital vers le dos de la classe ouvrière, alors que l’émission de gaz carbonique est en augmentation.
Pour en finir avec la famine, les désastres environnementaux et la pauvreté, il est nécessaire de réorganiser l’économie mondiale, en prenant pour base les besoins sociaux, toujours plus pressant alors que la crise capitaliste se prolonge.
Une nouvelle récession ?
Jusque récemment, beaucoup d’économistes parlaient d’une reprise économique, en regarder les marchés financiers et la croissance des économies du Brésil, de l’Inde et de la Chine. Maintenant, ils ont découvert que l’économie mondiale est enfermée à clef dans la crise. L’économie mondiale est dans une période de stagnation mais, à moins d’un changement fondamental, les cycles de ‘boom’ et de ‘bust’ continueront. Mais la tendance générale actuelle est basée sur des phases de croissance plus faibles et plus courtes dans une période générale dépressionnaire du capitalisme mondial. Le gaspillage du capitalisme peut être illustré par un seul fait – le chômage a augmenté de 27 millions de personnes depuis 2007, pour atteindre 205 millions à travers le monde.
La barbarie du capitalisme peut aussi être vue dans les milliers de morts conséquents à la relative à la guerre de la drogue entre gangs et gouvernement. Des milliers de soldats sont déployés dans des villes occupées, torturant et massacrant au nom de cette ‘‘guerre des drogues’’.
La réponse des classes dirigeantes à la crise financière et économique de 2007/2008 a été de sauver les banques et de lancer un paquet de stimulus, mais cela a entraîné l’arrivée de nouveaux problèmes. Les déficits publics ont forcé à réduire les dépenses sociales.
Aux USA, le paquet du stimulus d’Obama est épuisé. Ses réductions d’impôts de 2010 ont été éliminées par l’augmentation des prix du pétrole et des loyers. L’éclatement de la bulle immobilière a eu pour conséquence de réduire la richesse des ménages. L’industrie de la construction et les dépenses des ménages connaissent une dépression. Les compagnies américaines sabrent dans la production et renvoient des travailleurs. Plus de 24 millions de personnes sont maintenant sans emploi ou sous-employées. Le nombre de personnes ayant besoin de coupons alimentaires a augmenté de 50% de 2008 à 2011, atteignant donc maintenant 45 millions de personnes. Ainsi, presque une personne sur sept vivant aux USA a besoin d’aide pour avoir suffisamment de nourriture à manger.
La classe dirigeante essaye partout de détruire les acquis sociaux gagnés par la classe ouvrière dans l’après-guerre, et les attaques sont de plus en plus nombreuses.
les problèmes rencontrés lors des négociations entre Républicains et Démocrates américains concernant le programme économique a alarmé les marchés, et le FMI a averti que même une petite crise de confiance envers la solvabilité des USA pourrait déclencher une nouvelle récession globale.
Les Démocrates ont plaidé pour des coupes budgétaires et une petite augmentation de l’imposition sur les riches, tandis que les républicains, sous la pression du Tea Party, n’ont voulu entendre parler que d’énormes coupes. Un tiers des républicains à la Chambre des représentants a seulement été élu en 2010 et sont vulnérables à la pression du Tea Party. Ils craignent de perdre leurs sièges en s’associant aux Démocrates.
Etant donné les grandes conséquences d’un défaut de paiement, même provisoire, l’arrivée d’un compromis est probable (la discussion et la rédaction de ce rapport en anglais ont eu lieu avant la conclusion de cet accord, NDT), mais il n’apportera pas de solution à long terme pour la crise économique des USA. La classe dirigeante américaine n’a aucune stratégie à court terme, encore moins de solution à long terme, face à cette crise systémique et prolongée de capitalisme.
Les travailleurs américains n’ont aucun choix autre que celui de se battre, et ils ont déjà démontré le potentiel qui est le leur au Wisconsin, lors de la lutte de masse contre les attaques antisyndicales du gouverneur de droite et contre ses autres attaques antisociales. Mais le fait que cette lutte n’ait pas réussi à stopper ces assauts, en grande partie suite au manque de volonté de la part des dirigeants syndicaux pour développer la lutte de masse, illustre également la nécessité de lutter pour des changements dans les syndicats et pour la construction d’un parti indépendant des travailleurs.
China
La Chine est également aux prises avec les contradictions globales du capitalisme. La crise de 2008 a eu pour conséquence une baisse de ses exportations, qui ont coûté 23 millions d’emplois au pays. Craignant l’agitation sociale, un programme de stimulus a été instauré par les banques dirigées par l’Etat, avec en résultat une croissance rapide qui a boosté les marchés, mais a aussi eu comme conséquence une hausse des prix.
Pendant trois ans, la Chine a semblé éviter la crise économique mondiale, mais son économie de surchauffe a créé de nouveaux problèmes et contradictions, et les dettes énormes qui ont été entraînées ne sont pas des moindres. Le développement de la production industrielle dépendait des prêts des banques d’Etat, alors que les autorités locales ont fortement emprunté pour investir en infrastructures. A la fin de 2010, la dette des gouvernements locaux uniquement était équivalente à 40% du PIB.
La spéculation immobilière a signifié une augmentation des prix et un excédent sur le parc immobilier. Pourtant, des millions de personnes ne peuvent toujours pas se permettre d’acheter ou de louer un logement.
Le Brésil, l’Australie et le Canada assurent l’approvisionnement de nombreuses matières premières utilisées en Chine. Ces pays sont donc vulnérables à une perte de vitesse de l’économie chinoise. N’importe quel ralentissement économique signifierait aussi une attaque sur les salaires et les conditions de vie de la classe ouvrière chinoise.
La crise économique se poursuit et, combinée à la forte croissante relative de la Chine, nous assistons à une intensification des grandes rivalités et des tensions entre puissances.
La classe dirigeante du Pakistan a noué des liens étroits avec la Chine, alors la classe dirigeante indienne a favorisé ses liens avec les USA, et les tensions se détériorent entre ces deux pays.
La classe dirigeante américaine vise à tenter d’imposer des régimes conformes à ses intérêts dans des régions géostratégiques essentielles à travers le monde et à contrôler les réserves de pétrole et d’autres ressources essentielles. En Afghanistan, l’impérialisme américain est devenu dépendant des seigneurs de guerre, alors que le gouvernement fantoche de Karzai manque d’un réel soutien populaire. Obama prévoit de retirer 33.000 troupes d’Afghanistan d’ici fin 2012, mais environ 70.000 soldats resteront encore. Ils y a aussi 50.000 troupes des USA en Irak, dans 53 bases militaires.
En Russie, les tensions augmentent au sein de l’élite russe, dans la perspective des élections présidentielles. La plupart du temps, les polémiques concernent la politique économique et l’approche à adopter face à l’ouest. Le Président Medvedev est plus pro-occidental et favorable à une approche plus ‘‘libre marché’’. Tant le premier ministre Poutine que le président Medvedev veulent participer aux prochaines élections, mais tous deux perdent leur soutien dans les sondages. Dans le cadre du mécontentement croissant parmi les masses en Russie, la lutte entre Poutine et Medvedev peut devenir véritablement explosive.
Chavez
Au Venezuela, la sérieuse maladie du Président Hugo Chavez a dévoilé au grand jour les différentes factions en concurrence au sein du régime. Chavez est encore populaire, grâce à ses programmes sociaux de réformes, notamment dans la santé et l’enseignement. Mais le soutien pour le régime bolivarien diminue, sur fond de coupes dans l’électricité, de corruption, de crise du logement et d’un des taux de meurtres les plus élevés au monde. Pendant ce temps, une nouvelle couche de la bureaucratie s’enrichit.
Chavez a annoncé qu’il se représentera pour un autre mandat de six ans, mais si sa santé empire et qu’il est hors du pays pour des périodes prolongées, cela peut ouvrir une lutte pour le pouvoir. Cela encouragera l’opposition réactionnaire. Et si la révolution bolivarienne déraille, cela exercera un grand effet sur Cuba, qui dépend du pétrole vénézuélien.
La seule manière de défendre les acquis sociaux gagnés au Venezuela et à Cuba, c’est que la classe ouvrière organise la défense de la révolution : en prenant l’économie sous son contrôle et sa gestion démocratique et en étendant la révolution à travers les Amériques.
La polarisation entre riches et pauvres à travers l’Amérique Latine a alimenté la lutte de classe. Au Brésil, il y a eu des luttes contre la corruption et des dizaines de milliers de professeurs et d’étudiants ont marché au Chili le 30 juin en défense de l’éducation publique.
Les lutes industrielles en Afrique
En Afrique, les luttes de la classe ouvrière ont été amplifiées par les mouvements révolutionnaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En Afrique du Sud, une grève de trois semaines des ingénieurs a permis de gagner des concessions. Les ouvriers sud-africains dans le secteur des carburants sont maintenant en lutte. Ces mouvements ont secoué le gouvernement de l’ANC, mais la fédération syndicale COSATU n’a pas coordonné les grèves et n’a pas organisé des actions pour répondre aux besoins des millions d’ouvriers et de pauvres. Au Nigéria, une grève de trois jours concernant les salaires a été annulée, mais cette problématique a encore le potentiel d’éclater, étant donné la terrible pauvreté des d’habitants. Il y a également eu des protestations sans précédent au Malawi, où 75% de la population gagne moins d’un dollar par jour.
Ces exemples illustrent le potentiel pour la croissance de la résistance de la classe ouvrière dans ce continent. Mais il y a un grand espace entre les besoins de la classe ouvrière et le niveau de conscience parmi les travailleurs du monde entier. Le CIO appelle à relier ces luttes dans le monde entier et à faire campagne pour la construction de nouveaux partis de masse des travailleurs, ainsi qu’à construire également les forces du marxisme.
Pendant la discussion plénière, des orateurs de partout dans le monde ont présenté des rapports des luttes dans leurs pays et des leçons à en tirer pour la construction du CIO.
En Australie, la situation des exportations de matières premières vers la Chine et le Japon a eu pour conséquence une croissance de l’industrie minière. La conscience de masse est loin derrière celle connue en Europe ou ailleurs dans le monde, mais cette période de tranquillité apparente ne sera pas éternelle, et la crise frappera également l’Australie. Le gouvernement minoritaire du Parti Travailliste est à un taux de soutien historiquement bas dans les sondages, à la suite de l’imposition de la taxe sur le carbone. Si une élection se produisait demain, l’opposition de droite l’emporterait certainement, mais seulement pour lancer des attaques plus sérieuses contre la classe ouvrière. Une révolte de type ‘‘européen’’ peut se développer en Australie. Elle souffre des mêmes problèmes fondamentaux de la dette et un tiers de tous les emplois sont qualifiés d’instables.
La Malaisie a été une économie à croissance rapide ces dernières années, mais elle n’est pas immunisée à la crise. Les exportations de matières premières, telles que le caoutchouc vers la Chine, ont eu comme conséquence une croissance de 7% en 2010. Mais la Malaisie dépend fortement des économies plus puissantes. Une fois que le pays sera inondé de marchandises chinoises bon marché, le marché local ne pourra pas survivre. En attendant, le gouvernement recherche à aller plus loin sur la voie de la libéralisation en démantelant le contrôle des prix et en réduisant les dépenses. Paul Murphy, député européen du Socialist Party d’Irlande, a présenté un rapport inspirant basé sur sa visite au Kazakhstan. En utilisant sa position en tant que député européen, Paul a pu donner un soutien concret aux ouvriers en grève dans le secteur du pétrole, qui sont aux prises avec leur direction dans une des plus grandes batailles industrielles des travailleurs de l’ex-Union Soviétique depuis l’effondrement du stalinisme.
Le Kazakhstan est le pays le plus riche au monde en termes de ressources naturelles par habitant, mais presque tout l’argent va à l’élite dirigeante. Les ouvriers du pétrole travaillent dans des conditions extrêmes, avec des étés très chauds et des hivers très froids, pour des salaires de misère. Les ouvriers sont en grève pour de meilleurs salaires, pour le droit de constituer des syndicats indépendants et pour la libération de leur avocat, emprisonné quand le conflit a commencé.
Des milliers d’ouvriers sont en grève depuis deux mois sans allocation de grève et beaucoup doivent encore nourrir une famille de huit ou neuf personnes. Certains ont été en grève de la faim pendant 40 jours dans le cadre de leur protestation. Toute la puissance de l’Etat a été employée contre les ouvriers. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnés et certains ont reçu des menaces de mort.
Paul Murphy a été chaudement accueilli lors des réunions de masse des ouvriers, et il a pu les aider dans les négociations avec la direction. S’attendant à une visite symbolique de la part d’un député européen comme ils avaient l’habitude d’en voir, les cadres supérieurs ont été choqués lorsque Paul a énergiquement parlé au nom des travailleurs.
Tout cela a été rapporté dans la presse kazakh non gouvernementale, ce qui a aidé à renforcer la confiance des travailleurs en lutte. La prochaine tâche est de construire un soutien international. Paul a promis à la direction que s’ils n’entamaient pas directement des négociations significatives, il y aurait une campagne internationale massive.
En attendant, le gouvernement kazakh sait qu’il ne s’agit pas simplement d’une grève économique et que cela inspirera les ouvriers à travers le pays.
Environment
Une des grandes questions à laquelle fait face la classe ouvrière dans le monde entier est l’environnement. L’Académie nationale des sciences aux USA a conclu que les émissions de gaz à effet de serre sont ‘‘stabilisées’’ depuis 1990, mais il est nécessaire de réduire les émissions d’au moins 40% en dix ans pour affronter le réchauffement global.
Nous avons assisté à une exportation massive de pollution vers la Chine. Entre 2002 et 2008, le rendement de gaz à effet de serre en Chine a grimpé de quatre à sept gigatonnes. La Chine consomme la moitié du ciment au monde, et il en va de même pour le charbon, l’acier et le fer. Ce pays est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. La majorité des Verts plaident pour s’attaquer à la consommation, en condamnant ainsi les travailleurs en Chine et dans d’autres pays comme l’Inde à la pauvreté éternelle.
Le gouvernement chinois utilise cyniquement cet argument. Il développe des sources d’énergie renouvelables, mais surtout comme une tentative lucrative pour devenir le leader mondial de l’énergie renouvelable.
Le CIO dit qu’il n’est pas possible de parvenir à une solution à long terme pour la crise environnementale sur base du profit privé. La Loi du marché détruit l’environnement. Nous avons besoin d’une planification démocratique de la production, en harmonie avec l’environnement, dans le monde entier.
Il y a eu de nombreuses autres contributions intéressantes à la discussion, de Hong Kong, de France, de Bolivie, du Venezuela, du Brésil, d’Israël, de Russie, du Nigéria ou encore d’Inde, mais il n’est pas possible de tout résumer ici.
Aux USA, les protestations massives du Wisconsin ont constitué une petite indication de l’esprit de combat des ouvriers lors de ce soulèvement contre les attaques sur les syndicats, les pensions,… Ces protestations ont impliqué des milliers de travailleurs non-organisés et de jeunes.
En novembre passé, l’élection des gouverneurs de droite a augmenté les attaques contre les travailleurs. Dans beaucoup de secteurs, les Démocrates utilisent le Tea Party comme couverture pour leurs attaques contre les travailleurs.
Au Wisconsin, les partisans de Socialist Alternative (CIO-USA) ont réclamé l’organisation d’une grève générale d’une journée. Mais les dirigeants syndicaux ont défendu que davantage d’actions risquerait de faire perdre au mouvement le soutien populaire.
Mais le Wisconsin n’a été qu’une bataille dans une guerre – les prochaines batailles seront au niveau national. Wall Street veut que ce soit à la classe ouvrière de payer pour la crise.
Irlande
En Irlande du sud, Joe Higgins, député du Socialist Party au Parlement irlandais a été à la une de la presse en répondant à l’annonce d’une nouvelle taxe sur les ménages de 100 euros par an, imposée par le gouvernement Fine Gael/travailliste. Joe Higgins et le Socialist Party appellent à une campagne de masse pour refuser de payer cette taxe, et un forum national sera organisé le 10 septembre prochain à destination de l’organisation de cette lutte. En revanche, le Sinn Fein a de son côté que ‘‘un boycott est très dangereux’’.
En conclusion de la discussion, Clare Doyle, du Secrétariat International du CIO a fait remarquer que le CIO était présent dans plus de 45 pays actuellement, et que cette école d’été n’avait jamais vu autant de représentants de différents pays.
Il ressortait clairement de la discussion que les idées de la lutte et de la révolution touchent de plus en plus de gens. Le capitalisme est si profondément dans la crise que dans chaque pays les classes dirigeantes sont inquiètes pour leur avenir. Une indication du manque de confiance en l’avenir économique est le prix record de l’or, valeur refuge par excellence.
Les dictatures du monde entier ont été secouées par la chute de Moubarak en Egypte et de Ben Ali en Tunisie. De nouvelles protestations éclateront encore, souvent malgré les directions syndicales. Notre tâche est de construire nos forces ainsi qu’une direction qui soit digne du sacrifice et de l’esprit de combat de ces travailleurs.
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Monde et Europe: Une nouvelle période d’instabilité et de révolutions (2)
Thèses du bureau européen du CIO
Début avril, des dirigeants du CIO venus d’Europe, mais aussi du Pakistan et d’Israël, se sont rencontrés pour discuter des développements internationaux, et en Europe en particulier. Les thèses suivantes y ont été discutées et amendées après discussion.
Répercussions politiques et nouvelles formations de gauche
Ce n’est que maintenant – dans la dernière période – que les répercussions politiques de cette crise profonde et organiques commencent à être ressenties à un niveau général à travers toute l’Europe. Celles-ci se sont reflétées dans les grèves générales et les manifestations de masse en France, au Portugal, en Espagne, et avec les huit journées de grèves générales en Grèce, de même qu’en Italie.
Ces mouvements ont été suivis par la répudiation massive en Irlande du Fianna Fáil, le parti de gouvernement, lors des éléctions générales de février. Ces éléctions ont été importantes pour de nombreuses raisons, pas seulement pour nous, le CIO, mais aussi pour la classe ouvrière et pour la gauche en Europe en général. La percée splendide de nos camarades en Irlande a été un triomphe pour notre section irlandaise et pour le travail du CIO accompli depuis longtemps. Elle contraste brillamment avec les autres partis de la gauche révolutionnaire qui ont été incapables d’imprimer leur marque sur ce qui reste après tout le plus difficile terrain pour les révolutionnaires, le terrain électoral. Cette victoire a directement suivi le triomphe spectaculaire lors des élections européennes.
Si nous ne proclamons pas notre succès, personne ne le fera ! Notre camarade Joe Higgins a brillamment utilisé sa plate-forme pour faire connaitre et soutenir les luttes des travailleurs. Durant ce processus, cela a considérablement renforcé son autorité et son prestige, ainsi que les nôtres, parmi les travailleurs. Mais absolument aucune reconaissance publique ni aucun mérite ne lui ont été accordés par nos “alliés” de la gauche radicale, et surtout pas dans leurs publications. La même chose vaut pour notre succès à avoir fait élire deux camarades au Dáil en tant que membres de l’Alliance de la gauche unie (ULA – United Left Alliance). Par exemple, un correspondant irlandais qui écrivait au sujet du succès de l’ULA dans une récente édition de la London Review of Books a accompli la prouesse de mentionner le nom de tous les parlementaires élus sur la liste de l’ULA, sauf ceux de Clare Daly et de Joe Higgins, nos camarades du Socialist party!
La victoire électorale en Irlande, qui plus est, a été obtenue en alliance avec certaines forces qui, dans le passé et très certainement dans le futur, ont eu et auront des positions douteuses en termes de consistance de leur position révolutionnaire. Nous avons néanmoins suivi une tactique correcte, qui découlait de la revendication depuis longtemps adoptée par le CIO en ce qui concerne de faire les premiers pas pour la formation d’un nouveau parti de masse des travailleurs. Le moment n’est pas encore propice pour le lancement d’une telle initiative en Irlande du Sud, mais la tâche va se poser devant nous au cours de la période à venir – et nous serons le principal moteur dans ce projet.
En Écosse aussi, nous participons à une alliance électorale – via Solidarity – avec George Galloway pour les élections à venir au parlement écossais. En Angleterre et au pays de Galles pour les élections communales qui vont se tenir en mai, nous sommes à travers la TUSC en alliance avec le syndicat des transports RMT et d’autres. Le gouvernement ConDem va aussi organiser un référendum le même jour afin de modifier le système électoral, passant d’un système uninominal majoritaire à un tour, à un système de vote alternatif, auquel nous sommes opposés car nous considérons cela comme un pas en arrière pour la classe ouvrière et pour le mouvement ouvrier. Nous allons participer aux élections communales à une échelle plus large encore qu’auparavant. Nous tentons de former des alliances larges, ce qui signifie que dans certaines élections communales, nous allons représenter une contestation bien plus générale, et viser encore plus de sièges. Ceci découle du fait que nous faisons de réelles tentatives pour arracher le contrôle des conseils communaux des mains des trois principaux partis capitalistes.
En ce qui concerne notre expérience lors d’autres tentatives de former des alliances avec la gauche, il est vital que nous construisions non seulement l’influence mais aussi les forces organisées du CIO avant de lancer un tel projet. Cela non pas pour des raisons étroites ou “sectaires”, comme le suggèrent nos critiques. Nos expériences historiques, y compris lors de la récente période en Grèce, par exemple, montre que sans un noyau marxiste ferme – avec des perspectives claires et une compréhension de la stratégie et des tactiques – même les opportunités les plus prometteuses peuvent être gâchées. Il y a, qui plus est, l’expérience de l’effondrement du PRC en Italie. Si, dès le départ, le CIO avait eu un groupe organisé en Italie, il aurait alors été possible de construire une importante force trotskiste qui aurait pu agir comme un obstacle à la direction opportuniste du PRC, et peut-être même empêcher la désintégration de ce parti. Mais même si cela n’avait pas été possible – à cause du nombre limité de marxistes – nous en serions à tout le moins sortis avec une force bien plus puissante, que ce soit en termes politiques ou d’effectifs, capable d’affronter la situation actuelle en Italie. Notre section italienne – qui a été une importante addition au CIO – montre ce qui aurait été possible de réaliser dans le passé, mais aussi, surtout, ce qu’il sera possible de faire dans la période explosive qui s’ouvre. Les événements en Irlande signifient que nous sommes maintenant entrés dans une nouvelle période décisive dans laquelle le “facteur subjectif” peut faire une différence cruciale.
Une des caractéristiques les plus saillantes de la période que nous venons de traverser est la faiblesse et la tendance à la désintégration de certaines des nouvelles “forces de gauche”. Lorsque celles-ci ont été fondées, elles promettaient les débuts de nouveaux partis ouvriers. Cette revendication a été la pierre angulaire de la politique du CIO pendant maintenant plus d’une décennie. Mais ironiquement, au plus la crise s’approfondit et le mécontentement des masses grandit, au plus les dirigeants de ces formations abandonnent leurs précédentes positions de gauche ; ils ont de fait viré à droite. Ceci s’applique à Die Linke en Allemagne, au Bloco de Esquerda au Portugal, et même, malheureusement, au NPA à dominance mandéliste en France. Le SWP au Royaume-Uni, et dans une certaine mesure à l’échelle internationale, a suivi une trajectoire similaire. Ceci, peut-être est la plus étonnante de ces métamorphoses, étant donné ce qui semblait être leur sectarisme inflexible des années ‘2000. Mais en réalité, cela ne nous surprend pas ; l’opportunisme est toujours le revers du gauchisme.
Ce qui est plus important pour le CIO est l’approche générale que nous adoptons envers les nouvelles formations de gauche. Là où elles ont stagné et ont fait marche arrière – dégénéré politiquement – il serait alors insensé de notre part de leur accorder obstinément trop de ressources. Dans tous les cas, lorsque nous avons travaillé dans de grandes organisations dans le passé, nous avons toujours eu une orientation vers les masses à l’extérieur, qui ne rejoignaient pas nécessairement ces organisations, mais qui en général adhéraient à leur bannière. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une situation très compliquée – elle-même conditionnée par la transition d’une période politique à une autre – dans laquelle toutes sortes de possibilités peuvent s’offrir. L’Irlande a jusqu’ici démontré l’attraction que peut avoir une candidature indépendante, tout comme notre position au Royaume-Uni. Grâce à notre influence dans les syndicats – via la politique correcte que nous avons suivie envers le réseau national des délégués syndicaux, les assemblées syndicales, le travail dans la gauche large, etc. – nous sommes parvenus au Royaume-Uni à fortement influencer la gauche au sein des syndicats, au niveau de la direction comme au niveau de la base.
Nous ne pouvons pas poursuivre une politique uniforme qui serait adaptée à la situation dans chaque pays. Cette période, qui a certans traits des années ’30, nous oblige à être flexibles dans notre orientation tactique à chaque étape. Le CIO doit expliquer encore et encore, et en particulier en cette période charnière, l’importance de nouvelles formations à gauche en tant que stade nécessaire du développement d’un mouvement des travailleurs de masse. En même temps, là où ces nouvelles formations ne parviennent pas à devenir un pôle d’attraction sérieux, nous devons en expliquer les raisons. D’un côté il y a les faiblesses politiques intrinsèques de ces organisations, surtout au niveau de la direction, et l’incapacité à comprendre correctement quel stade nous sommes en train de traverser.Ce facteur se couple au manque de confiance dans le pouvoir d’attraction que peut avoir pour la classe ouvrière un programme d’action de revendications au jour le jour, mais avec en son cœur le slogan suprême de la nécessité d’un plan socialiste en réponse au chaos du capitalisme qui devient plus clair de jour en jour. Au mieux, ces formations mettent en avant leur propre version de l’anticapitalisme et même alors, pas toujours de manière très claire. L’anticapitalisme est sans doute l’attitude politique qui prévaut chez la majorité des travailleurs, bien qu’il y ait une couche de plus en plus grande de socialistes ou de gens ayant une connaissance du socialisme, en particulier parmi la nouvelle génération qui entre en lutte.
Néanmoins, il est vital que l’opposition au système – aussi chaotique puisse-t-elle être – constitue le point de départ pour amener la nécessité du socialisme, qui doit être expliqué aux nouvelles couches avec les termes les plus simples possibles, sans être non plus simplistes. Si cela ne se produit pas et que l’opportunité n’est pas saisie, alors le mouvement ne progressera pas à une plus grande échelle. D’une certaine manière, c’est là l’ABC, mais c’est quelque chose qui est entièrement incompris même par ceux qui prétendent être des marxistes ou des trotskistes. Comme nous l’avons souvent débattu à de nombreuses reprises contre les doctrinaires gauchistes ou sectaires, quand bien même elle serait laissée à elle-même, la classe ouvrière arrivera toute seule de part son expérience à tirer des conclusions socialistes. Mais un parti – surtout un parti de masse – accélère énormément la vision du monde de la classe ouvrière, la transforme même ; et en premier lieu, des couches politiquement les plus conscientes de la classe ouvrière. Il est donc d’une importance cruciale que nous nous battions encore pour un nouveau parti des travailleurs de masse, même dans des situations où les pas en direction d’une telle formation ont soit échoué, soit reculé. Et les événements nous aident dans cette tâche.
Le Japon et les conséquences du désastre
La situation objective à l’échelle mondiale ne pourrait être pire pour le capitalisme, qui se trouve au bord d’une complète dépression. La situation actuelle signifie le pire des mondes pour la classe dirigeante : la stagnation économique et maintenant la percée de l’inflation – c’est à dire la stagflation, au moins dans certaines régions du monde – sans aucune réelle perspective dans le futur prévisible de pouvoir s’extirper de cette situation. Le Japon – défiguré par le séisme et le tsunami – va certainement avoir besoin d’au moins 300 milliards de dollars pour réparer les dégâts.
Une catastrophe naturelle peut avoir différents résultats dans différents pays, selon leur situation économique et sociale précédente. Parfois, une telle catastrophe peut devenir le facteur déclencheur d’une révolution, comme au Nicaragua dans les années ’70. Mais elle peut aussi jouer le même rôle qu’une dépression, remplissant la même fonction pour le capitalisme en crise ; la “destruction créative”, comme on dit. En ouvrant de nouveaux champs d’investissement – dans la construction par exemple – cette destruction peut mener à une certaine croissance économique. Le Liban semble avoir échappé à la crise qui a commencé en 2007-8 et qui, comme nous l’avons vu, a eu un effet profond sur le monde arabe. Ceci provient probablement de la dévastation qui a été infligée au Liban pendant la guerre contre Israël, qui a à son tour été à la base d’un boom de la construction.
De la même manière paradoxale, le Japon est en train de drainer les épargnes de sa population – qui restait jusqu’ici à l’abri dans les banques – et pourrait connaitre une certaine croissance sur le moyen ou long terme. Mais en même temps, il n’est pas certain du tout que cela sera le cas, étant donné l’ampleur de la dette nationale, qui vaut plus de 220% du PIB. L’effet immédiat a été d’endommager les perspectives de croissance par la destruction de l’apprivisionnement énergétique, la hausse du cout du pétrole, etc. Mais même si l’économie japonaise parvenait à croitre, cela ne changera pas de manière fondamentale la situation pour le capitalisme mondial. La perspective est toujours celle d’une crise économique persistante, qui aura de profondes répercussions politiques, comme le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord l’ont démontré.
Radicalisation et réaction en Europe
L’Europe a été fortement affectée par cette crise. Le paradoxe est que cette constatation provient du camp le plus inattendu. Marine Le Pen, la nouvelle dirigeante du Front national en France, prétend maintenant dans son incroyable percée démagogique, et dans une tentative évidente de revêtir son parti d’extrême-droite d’un masque “radical”, que la France est dans une situation “pré-révolutionnaire” ! La France serait selon elle confrontée aux mêmes défis qu’avant la révolution française ! Elle se berce d’illusions en imaginant que sa version droitière de “révolution” – ou plutôt, devrions-nous dire, de contre-révolution – est la solution. Mais elle met effectivement le doigt là où il faut – bien qu’elle exagère un peu en parlant d’une situation entièrement “pré-révolutionnaire”. Nous aussi avons mis en avant le fait qu’il y a un grand élément de situation pré-révolutionnaire aujourd’hui présent dans toute l’Europe. Mais nous lions cela à une solution socialiste ; Le Pen voudrait quant à elle perpétuer le capitalisme, un système de plus en plus dépassé.
Depuis le Congrès Mondial du CIO, la caractéristique la plus frappante en Europe est le profond désenchantement des masses, le discrédit des classes dirigeantes du continent. Cette perte de confiance provient de la crise économique persistante et de la pression qui se fait en conséquence sur le niveau de vie, non seulement pour la classe ouvrière, mais aussi pour de larges couches de la classe moyenne, qui n’avait pas été aussi gravement affectée par les crises précédentes. Mervyn King, gouverneur de la Bank of England, a admis que le niveau de vie n’a pas augmenté au Royaume-Uni depuis les six dernières années – alors que les prix s’accroissent de près de 5% par an ! À cause des coupes budgétaires du gouvernement ConDem, King admet que l’offensive sur le niveau de vie de la classe ouvrière sera sans doute le plus violent depuis les années ’20, qui est précisément la période qui a mené à la grève générale de 1926. Le reflet politique du mécontentement que tout ceci a engendré a été jusqu’à présent étouffé par le report de l’appel à une action de protestation nationale et générale par les dirigeants syndicaux – via le Trade Union Congress – et sans parler d’une grève ! Mais le report d’une telle action a eu pour résultat une accumulation de la colère et de la violente hostilité envers le gouvernement, qui s’est révélée dans la manifestation du 26 mars, la plus grande manifestation ouvrière depuis 20 ans.
Le Royaume-Uni est en train de rattraper le reste de l’Europe. Une révolte à l’échelle continentale est imminente – en partie préparée par les manifestations et grèves géantes de l’an passé. Seuls 6% de la population à travers toute l’Europe disent avoir une grande confiance dans leur gouvernement, 46% disent ne pas en avoir beaucoup, et 32% disent n’avoir aucune confiance dans leur gouvernement ! Seulement 9% pensent que les politiciens – dans l’opposition comme au pouvoir – se conduisent avec honnêteté et intégrité. Le manque de confiance dans les gouvernements en général est le plus grand en Pologne et en France, où la méfiance dépasse la confiance de 82% ! En France, le négatif net reçoit 78%, et en Allemagne, le score surprenant de 80%. Encore moins de gens croient que les politiciens sont honnêtes. En Pologne, 3% sont d’accord avec cette affirmation ; en Espagne 8% ; en Allemagne 10% ; en France 11% ; au Royaume-Uni 12%. En tout, 40% des Européens pensent que l’économie va empirer au cours des 12 prochains mois. (sondage Guardian/ICM du 14 mars 2011).
En même temps, parce qu’il n’a pas été contré par le mouvement ouvrier (ou en tous cas pas au niveau de sa direction), l’impitoyable bombardement de propagande qui proclame qu’il n’y a pas d’autre choix que de réduire les dépenses d’État a eu un certain effet. 78% des gens sont d’accord sur le fait que “le gouvernement dépense trop”, seuls 10% disent qu’il ne faut pas de coupes. De telles affirmations, cependant, ne reflètent pas la manière dont des groupes de travailleurs réagissent lorsque les “coupes” s’appliquent à eux-mêmes ! En outre, une fois que le mouvement de masse sera confronté aux conséquences des programmes d’austérité qui sont en train d’être mis en œuvre partout en Europe, la réaction sera alors différente. En France par exemple, il y a une conscience des avantages qu’offre un “État-providence”, tout comme au Royaume-Uni et ailleurs, et par conséquent la lutte va continuer.
Au Portugal, même le Parti social-démocrate (parti d’opposition de centre-droit), a refusé de rejoindre le “grand marchandage” de tous les partis bourgeois en soutien au programme d’austérité du Parti “socialiste”. Ceci, malgré le fait que la bourgeoisie portugaise est entièrement en faveur d’un tel programme. C’est ce qui a mené à la chute du gouvernement et à de nouvelles élections le 5 juin. Le gouvernement portugais a en effet été renversé par la pression d’un mouvement de masse gigantesque. Cela va probablement mener à l’élection de l’opposition bourgeoise actuelle, qui n’a à son tour absolument aucune solution à la catastrophe économique à laquelle est confrontée le Portugal. Le pays, probablement aux côtés de la Grèce et de l’Irlande, va sans doute faire défaut sur sa dette dans le deuxième stade de la crise, ce qui pourrait provoquer une nouvelle crise généralisée, partant du secteur bancaire, et qui pourrait être tout aussi grave qu’en 2008 et plonger l’Europe un peu plus profond dans un âge sombre économique.
Mais comme l’a montré l’expérience récente, la gauche ne va pas automatiquement occuper l’espace politique – un énorme vide en réalité – en conséquence de la crise. L’extrême-droite a maintenu une importante présence et a été dans certains pays le principal bénéficiaire politique de la situation actuelle, comme en Autriche. Elle a accompli une importante percée politique et électorale en l’absence d’une réponse à gauche, qui ne peut être fournie dans cette situation que par de nouveaux partis ouvriers de masse menant campagne autour des thèmes qui affectent au jour le jour les classes ouvrière et moyenne, mais aussi liée à une forte remise en question du système, sur base d’une alternative socialiste. L’extrême-droite a combiné son hostilité traditionnelle envers les minorités ethniques et raciales – se concentrant surtout au cours de la dernière période sur les musulmans et sur l’islam (et, dans certains pays, sur les Roms) – avec des éléments de programme anticapitaliste.
Elle peut faire un appel aux travailleurs – et a obtenu un certain succès ce faisant – qui font face à une plus grande insécurité et sentent que leur niveau de vie est remis en question par les vagues d’immigration des 10 dernières années, auxquelles il faudra bientôt ajouter le million d’immigrants en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à la suite des révolutions qui s’y déroulent. Ces immigrants forment bien entendu les couches les plus opprimées de la classe ouvrière, se voyant privés des plus basiques des droits humains et démocratiques – comme l’a montré la grève de la faim en Grèce. Et quelles que soient les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays natal, c’est le devoir du mouvement ouvrier de chercher à les protéger, et en particulier les salariés parmi eux, afin de les intégrer dans les syndicats.
Les partis bourgeois sont forcés de s’opposer en parole à cette immigration “incontrôlée” – surtout dans des pays comme le Royaume-Uni qui est confronté à la plus grande vague d’immigration de son Histoire – dans une tentative de couper l’herbe sous les pieds des partis anti-immigrants de droite ou d’extrême-droite. Mais ils continuent l’immigration parce que cela les aide à pousser à la baisse les “couts salariaux”, par le travail bon marché, accroissant ainsi leurs bénéfices. Nous avons vu récemment l’attaque incroyable sur le “multiculturalisme” par Cameron au Royaume-Uni et par Merkel en Allemagne, de même que la politique éhontée de Sarkozy en France, qui dans ce dernier cas est calculée pour endiguer le Front national et l’attraction de sa nouvelle dirigeante Marine Le Pen. Cela s’est complètement retourné contre lui, puisque il a ainsi légitimé le Front national et sa dirigeante aux yeux des dirigeants UMP. La direction du NPA en France ne s’est pas non plus couverte de gloire avec sa position au sujet du voile des femmes musulmanes, que Sarkozy tout comme le Front national ont attaqué. Nous défendons le droit des femmes d’adopter toute forme vestimentaire qu’elles désirent et de résister à la pression réactionnaire qui leur est imposée, mais nous défendons aussi le droit de toutes les minorités ethniques et religieuses à porter quelque forme de couvre-chef ou de vêtement qu’elles jugent appropriée, à condition bien entendu que cela n’empiète pas sur les droits des autres. Il est incroyable que qui que ce soit– et en particulier ceux qui se prétendent socialistes ou marxistes – approuve l’interdiction du port du voile par l’État, comme certains l’ont fait dans le passé.
La direction du NPA a fait d’énormes dégâts à son parti en ne soutenant pas clairement leur propre candidate aux élections qui portait le voile, pavant la voie pour des attitudes plus réactionnaires dans les rangs de leur parti. L’incapacité de la direction à ouvrir un véritable débat politique sur la question l’a empêché de voter une position de classe claire lors de son Congrès national. La conséquence des zigzags politiques de la direction est que que la candidate Ilham Moussaïd et de nombreux autres membres de culture musulmane ont quitté le parti, et d’ailleurs encore plus de jeunes et de travailleurs vont aussi comme eux probablement s’éloigner du parti.
La crise de la zone euro
Merkel veut maintenant renégocier la part que doit payer l’Allemagne pour mettre sur pied le nouveau fond de sauvetage de la zone euro. Mais comme le spéculateur milliardaire George Soros l’a écrit au sujet de la crise de l’euro – et il doit savoir de quoi il parle ! – : ” La “crise de l’euro” est en général perçue comme une crise monétaire qui est aussi une crise de la dette souveraine et une crise bancaire”. Il a prévenu du fait que l’imposition de pénalités sur les pays “débiteurs” signifie qu’ils ne seront pas capable de payer, et vont donc s’effondrer. Cela amènerait la menace d’une répétition de ce qui s’est passé en Amérique latine dans les années ’80, qui a eu pour résultat la “décennie perdue” des années ’90.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, une gigantesque crise bancaire est imminente en Europe. La politique de Merkel, avec Sarkozy derrière elle, va combiner cela avec leur exigence de plus d’austérité dans des pays tels que la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Dans le cas de l’Irlande, par exemple, le gouvernement allemand a réclamé qu’elle relève sa faible taxe sur les entreprises, qui est extrêmement bénéficiaire pour les capitalistes étrangers qui choisissent d’investir en Irlande et qui a sans aucun doute été un important facteur dans le passé pour la naissance du soi-disant Tigre celtique. Il sera difficile pour tout gouvernement irlandais – étant donné la sensibilité ressentie par le peuple irlandais envers toute interférence étrangère – d’accéder à cette requête.
Mais la puissance économique du capitalisme allemand camoufle l’actuelle faiblesse politique de Merkel. Elle a subi des revers électoraux récemment à Hambourg et ailleurs, en partie à cause du fait que le gouvernement allemand est perçu comme trop “sympathique” envers les “pays périphériques” quant à leur problème chronique de dette souveraine. La lutte autour de Stuttgart 21 et pour la fermeture des centrales nucléaires allemandes à la suite de la catastrophe au Japon ont eux aussi affecté la campagne électorale dans le Bade-Wurtemberg, où un des derniers sondages d’opinion suggère que la coalition Écolo-SPD pourrait vaincre le CDU qui est au pouvoir dans ce Land depuis 1953 ! Il y a eu un renouveau de grandes manifestations antinucléaires au lendemain de la catastrophe, et ceci pourrait se répéter dans de nombreux autres pays. Après la catastrophe, on a formé une chaine humaine de 60 000 personnes à partir d’une station nucléaire jusqu’au centre de Stuttgart. Ce n’est là qu’une des illustrations du dégout ressenti autour de cet enjeu.
Partout en Europe la hausse de l’euro-scepticisme et la mise en valeur des intérêts nationaux par les bourgeoisies de différents pays a sévèrement entamé l’attractivité du “projet européen”. Les plans d’austérité, les coupes dans les budgets sociaux et les pertes d’emploi ont lieu partout. La reprise économique – comme celle qui a lieu en Allemagne – est faible. Les partis bourgeois sont en crise à l’échelle continentale. Ceci est illustré par la situation en Belgique qui a battu le record historique de pays sans gouvernement permanent !
En même temps, les partis ex-sociaux-démocrates sont ravagés par la même crise. En l’absence d’alternatives sérieuses à gauche, ils peuvent toujours agir en tant que port d’attache pour tous les élécteurs mécontents, mais sont incapables de récupérer leur “ancienne gloire”, le soutien dont ils pouvaient bénéficier auparavant. Au mieux, ils sont perçus comme une alternative bourgeoise “radicale”. Dans tous les pays, des millions d’anciens électeurs les ont désertés. En Suède, au cours des élections générales de l’an passé, où ils n’ont mis en avant aucune alternative au néolibéralisme du gouvernement de droite, les sociaux-démocrates ont connu leur pire résultat électoral depuis 1914. En Allemagne, le SPD, malgré quelques succès électoraux sur les plans local et régional, se tient toujours dans les sondages d’opinion à à peine 26%, alors que le CDU de Merkel est à 34%. Die Linke a sans nul doute pris quelques électeurs avec lui, mais un beaucoup plus grand nombre d’entre eux est tout simplement tombé dans l’indifférence, voire dans l’hostilité par rapport à l’ancien parti ouvrier qu’est le SPD.
En fait, à cause du rejet de toutes les alternatives politiques disponibles de la part des principaux partis, une tendance à l’abstentionnisme peut se manifester. Lors des élections locales en France, il y a eu de grandes abstentions, indiquant le fait que la France est confrontée non pas à une crise économique, mais aussi à une impasse politique. Le gouvernement Sarkozy est perclu de crises ; le président est même plutôt perçu comme un personnage burlesque. Il a été jusqu’à provoquer des manifestations nationales des juges pour ses commentaires quant à ceux d’entre eux qui seraient “trop conciliants avec le crime”. Pour la première fois depuis le procès de Pétain (le dirigeant collabo de la France occupée par les nazis), un ancien président français, Chirac, va être jugé pour corruption. Pour ajouter à tous ces maux, il semblerait selon les sondages que Sarkozy sera éliminé lors du premier tour des élections présidentielles de 2012, pour se faire dépasser par Marine Le Pen du Front national !
La France est le pays de la lutte de classe par excellence. Étant donné le mécontentement massif de la classe ouvrière française – et ses traditions révolutionnaires – une nouvelle explosion dans les rues et dans les usines et entreprises est inévitable. La question est maintenant de savoir si oui ou non un nouveau mai 68, ou des éléments d’une telle situation, peut se développer au cours de la prochaine période. Si la Grèce est confrontée à un développement “à l’argentine” – avec des occupations d’usines – alors pourquoi la classe ouvrière française ne pourrait-elle pas, sur base de son passé, elle aussi aller dans cette direction ? Notre section en France, aux effectifs encore limités mais très efficace, doit se préparer à une surenchère de la lutte, sur le plan politique comme sur le plan industriel, et dans laquelle de grandes opportunités peuvent se développer. Si nous nous saisissons de ces opportunités à temps, ceci pourrait mener à une croissance importante, voire exponentielle, de nos forces. Étant donné la confusion politique parmi la plupart de la gauche, une clarté d’analyse et des slogans clairs à chaque étape de la lutte peuvent avoir un important impact pour montrer la marche à suivre aux meilleures couches des travailleurs et des jeunes. La France reste un pays européen crucial pour la classe ouvrière et, bien entendu, pour le CIO.
En réalité, c’est l’ensemble de la situation en Europe méridionale qui doit occuper une position cruciale dans nos plans lors de la prochaine période. Nous avons fait de grands efforts pour rassembler des forces en Espagne, au Portugal et en Italie, avec un certain succès. Ces efforts devront être intensifiés au cours de la prochaine période. C’est ici que se reflète l’expression la plus aigüe de la crise européenne. Tous les pays de l’Europe méridionale ont été convulsés par la crise économique et sociale, et cela va sans doute continuer et s’approfondir au cours de la prochaine période. Il y a, bien entendu, la complication de la multiplicité des forces et des groupes de gauche. Mais ceux-ci ne sont pour la plupart que des reliques de la situation idéologique confuse de la période précédente. Sous le martèlement des événements, lorsque la situation deviendra plus sérieuse, ces organisations vont se faner et disparaitre, tout comme toutes les plantes étranges et merveilleuses qui apparaissent dans les bois au printemps, mais qui laissent ensuite la place à la verdure resplendissante de l’été. Nous avons déjà attiré l’attention sur la manière dont d’anciens groupes de gauche virent à droite lorsque la situation devient plus sérieuse et plus difficile, lorsqu’il y a une demande non pas d’une phraséologie de gauche, mais de véritables idées qui puissent trouver une prise sur l’esprit des masses.
Les événements en Chypre du Nord – qui ont été brillamment expliqués dans un article sur notre site et qui n’ont certainement été mentionnés nulle part ailleurs dans la presse bourgeoise européenne – montrent comme une situation peut rapidement se déstabiliser et se transformer sur base des attaques sur le niveau de vie de la classe ouvrière. Ces attaques ont été mises en œuvre par un gouvernement nationaliste de droite – le Parti d’unité nationale – et ont été le “pire plan d’austérité jamais imposé à la classe ouvrière de Chypre du Nord. Elles sont survenues juste après que le précédent gouvernement du CTP (Parti républicain turc), ait échoué dans ses tentatives d’effectuer les attaques qu’il avait prévues à cause de la résistance de masse de la classe ouvrière turco-chypriote. En fait, en conséquence de cela, le CTP a perdu les élections, mais le nouveau gouvernement, imperturbable, a néanmoins désiré poursuivre ces attaques.
Les actions des travailleurs les ont amenés en collision non seulement avec le gouvernement de Chypre du Nord, mais aussi avec le gouvernement AKP d’Erdoðan à Ankara qui a attaqué les grévistes. Erdoðan a demandé avec arrogance que le gouvernement de Chypre du Nord prenne des mesures contre les manifestations parce que les travailleurs brandissaient des bannières qui attaquaient le gouvernement turc. La réponse des syndicats a été : ”Nous n’acceptons pas vos insultes… Vous appelez Moubarak à écouter le peuple, mais vous-même vous ne le faites pas … Nous observons avec effroi la politique islamique néolibérale de l’AKP qui va à l’encontre des travailleurs turcs, et nous, en tant que communauté vivant dans un autre pays, proclamons que nous ne laisserons pas passer cette politique et que nous ne reculerons pas. Ce pays est à nous, c’est nous que le dirigeons”. De belles paroles ! Et une excellente réponse à tous ceux qui, en Égypte, en Tunisie, et dans le monde arabe dans son ensemble, ont invoqué le modèle turc comme étant un modèle pour leurs pays !
En Italie aussi, il y a eu un changement de la situation, dû non seulement à la position précaire du premier ministre décadent et grotesque qu’est Silvio Berlusconi, mais aussi aux actions impressionnantes de la classe ouvrière, et en particulier des travailleurs industriels au cours de la dernière période. C’est ce qu’on a vu clairement avec les actions de la FIOM, le syndicat de la métallurgie, en défense des travailleurs de FIAT qui se sont vu imposer de nouvelles conditions, lesquelles incluent une réduction des pauses, une hausse de la productivité par travailleur, et une action disciplinaire qui mènerait dans certains cas au licenciement des travailleurs qui partiraient en grève. Les travailleurs n’auront plus le droit d’élire leurs représentants syndicaux. La FIOM est partie en action malgré la passivité du sommet des fédérations syndicales : la CGIL, la CISL, et l’UIL. La FIOM a néanmoins récemment organisé d’impressionantes manifestations en soutien aux travailleurs dont les contrats nationaux étaient menacés par les patrons. Ces manifestations ont vu une énorme participation, non seulement de la part des travailleurs affectés, mais aussi de militants de la CGIL et d’autres syndicats de même que de militants de gauche.
Également lors du 13 février, un million de femmes ont défilé dans 230 villes et cités d’Italie en un mouvement spontané déclenché par le comportement personnel dégénéré de Berlusconi. L’alliance entre le parti de Berlusconi et la Ligue du Nord – un parti séparatiste et raciste basé dans le nord de l’Italie – et sa fusion avec l’Alliance nationale (les héritiers du MSI néofasciste) en un mouvement appelé “Peuple de liberté” (PdL) tend à la fracture. M. Fini, l’ancien leader de l’AN, a quitté cette formation pour créer le mouvement “Futur et liberté pour l’Italie” (FLI).
La force de Berlusconi – son seul véritable atout – est l’inefficacité de l’opposition et le manque d’une alternative de masse à son gouvernement. Même la bourgeoisie veut voir la fin de son régime, parce qu’elle a un vague pressentiment qu’une tempête d’opposition est en train de couver dans les rangs de la classe ouvrière italienne, et elle cherche un instrument plus stable pour répondre à cette situation. Le problème toutefois est de parvenir à assembler autant que faire se peut une alternative politique, avec en son centre le mollusque qu’est le Parti démocratique (PD). Les forces de “centre-gauche” qui sont maintenant organisées au sein du PD pourraient se liguer avec des réfugiés de la coalition de Berlusconi pour former un nouveau gouvernement. Même les restes des partis de gauche pourraient rejoindre une telle “fédération” à cause de leur récent virage à droite. Mais comme nos camarades l’ont fait remarquer, la véritable alternative se trouve dans la formation d’une opposition ouvrière sur le front industriel autant que politique. Cette opposition doit être une nouvelle entité – un “parti des travailleurs” qui doit être placé “sous le contrôle des travailleurs, et pas un parti des ‘amis des travailleurs’”.
Une nouvelle période pleine de rebondissements
Il est clair que nous sommes confrontés à une nouvelle période pleine de rebondissements. L’élaboration de perspectives claires est vitale. Mais même le fait d’avoir de bonnes perspectives et une stratégie et une tactique correctes ne sont pas en soi une garantie de succès pour une organisation ouvrière révolutionnaire. Il faut aussi la volonté de renverser tous les obstacles, d’acquérir et de consruire les outils organisationnels afin de pouvoir saisir les opportunités qui existent dans la situation actuelle. Cette période comporte, dans un certain sens, certains éléments objectivement prérévolutionnaires lorsqu’on les regarde à l’échelle européenne ou mondiale. Qui plus est, les événements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont une répétition générale avant les orages révolutionnaires qui vont souffler ailleurs.
Mais il y a toujours un grand fossé entre la situation objective et le niveau de conscience des masses, même de la part de la couche la plus avancée. La classe ouvrière n’a – dans la plupart des pays – pas épuisé ses illusions dans le fait que le système du capitalisme pourra trouver une issue et se stabiliser, menant à un retour de la situation d’avant la crise. Du point de vue des masses, de telles illusions ne pourront disparaitre que sur base des événements, et de gros événements d’ailleurs. Il nous faut dans cette situation n’être pas seulement audacieux dans la propagande de nos idées, mais également patients. Parfois une approche plus pédagogique, le gain de petits groupes de même une ou deux personnes en premier lieu, peut être décisif dans l’implantation d’une grande présentce et même d’une base de masse plus tard.
Étant donné le potentiel explosif de la situation économique sous-jacente, les événements et les luttes peuvent se développer très rapidement. Ceci peut rapidement transformer la conscience des travailleurs et des jeunes. Ce ne sera pas toujours un processus lent et graduel, mais plutôt un processus qui progressera par bonds, avec des périodes d’accélération. Tous les membres et tous les sympathisants du CIO doivent être prêts à utiliser de manière audacieuse ces opportunités de construire et de renforcer les forces de masse de la classe ouvrière tout en les armant des idées marxistes qui sont nécessaires pour vaincre le capitalisme et pour renverser ce système de profit une bonne fois pour toutes.
Nous sommes confiants dans le fait que les discussions lors de ce Bureau européen et les enjeux qui y ont été élaborés contribueront à la préparation du CIO pour cette nouvelle période décisive en Europe et dans le monde.
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10ème Congrès mondial du CIO : Moyen-Orient et Afrique du Nord
La crise du capitalisme et le rôle de l’impérialisme qui ne se déguise même plus se manifestent de manière très vive au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Ce document sur le Moyen-Orient/Afrique du Nord (MENA – Middle East and North Africa) est une des résolutions prises à l’issue du 10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière qui s’est tenu en décembre en Belgique. Des documents ont été rédigés sur les relations mondiales, l’Europe, l’Amérique latine, l’Asie, la Russie et l’Europe de l’Est, et sur la situation en Afrique.
Document du Congrès Mondial du CIO
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10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) s’est déroulé en décembre en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela.
Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.
Nous allons publier sur ce site différents textes et résolutions concernant ce Congrès.
- Rapport de la discussion sur les relations mondiales
- Rapport de la discussion sur l’Amérique latine
- Résolution sur L’Europe (1)
- Résolution sur L’Europe (2)
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Cette région est malade de l’occupation militaire impérialiste, de l’oppression nationale des Palestiniens, des Kurdes et d’autres, des régimes dictatoriaux, de la corruption endémique, des divisions sectaires, religieuses, nationales et ethniques, de la pauvreté et du chômage de masse, tout cela empirant avec la crise économique. Sur base de la persistance du capitalisme et de l’impérialisme, de nouvelles guerres et de nouveaux conflits vont forcément continuer à affecter la région. Un référendum au Soudan prévu en janvier 2011, concernant la sécession du Sud principalement peuplé de noirs animistes et chrétiens par rapport au Nord arabe et musulman, menace de mener à une reprise du conflit sanglant (2,5 millions de gens ont déjà trouvé la mort lors de la dernière guerre civile qu’a connu le pays).
Toutefois, la résistance de masse contre l’autoritarisme et la détérioration des conditions de vie est elle aussi une caractéristique de plus en plus prononcée de la région, comme on l’a vu lors du mouvement d’opposition de masse de 2009 en Iran. Encore plus important du point de vue du CIO, la récente période a aussi connu une hausse des luttes des travailleurs et des efforts pour construire des organisations indépendantes de masse de la classe ouvrière (en Égypte, en Turquie, au Liban, en Algérie et ailleurs).
En Égypte, le mouvement ouvrier a renforcé ses forces au cours des quatre dernières années, dans un contexte de loi martiale et d’oppression. En Turquie, 250.000 personnes ont participé à la manifestation du Premier Mai sur la place Taksim à Istanbul – pour la première fois en 33 ans – dans la foulée de la lutte héroïque des travailleurs de Tekel. Ces développements sont une indication des futures luttes massives de la part des travailleurs à travers toute la région, ce qui va poser les bases pour la construction d’un mouvement ouvrier puissant et indépendant, et pour la formulation d’une alternative de classe et socialiste à la place du système actuel.
Économie
La crise économique mondiale en cours en ce moment va avoir un effet dévastateur sur les conditions de vie de millions de personnes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Même avant la crise, environ 23% de la population de la région vivait avec moins de 2$ par jour, et six millions de gens avec moins de 1$ par jour. Bien que la crise financière mondiale ait eu des ramifications profondes dans les principales banques de la région, l’approche plus “conservative” des institutions financières de la région au cours des années de croissance a fait en sorte que celle-ci n’a pas été aussi fortement frappée que l’Occident, au moins pas dans les premières phases de la crise économique qui s’en est suivie. Les 18 économies qui composent le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA) s’en sont mieux sorties que les États-Unis, qui ont vu leur production chuter de 2,4% en 2009, ou en comparaison de l’Europe dont l’économie s’est contractée de 4,1% l’an dernier. Toutefois, la performance économique varie grandement au sein de la région entre les pays producteurs et non-producteurs de pétrole.
Certains pays “pauvres en ressources” ont récemment connu une croissance. Uniquement surpassé par le Qatar en termes de croissance économique, le PIB du Liban s’est accru de 9% en 2008 et en 2009, et on s’attend à ce que ce pays croisse encore de 8% en 2010. Mais ces chiffres sont trompeurs. Le Liban se bat pour éradiquer une montagne de dettes qui s’élève à 148% du PIB, et qui est la troisième plus grande dette publique au monde. Les économistes avertissent aussi d’un effondrement possible de la bulle immobilière.
La chute soudaine du prix du pétrole, passant de 145$/baril en juillet 2008 à moins de 40$/baril au début de 2009 a causé un ralentissement des économies des six États producteurs de pétrole de la région (le Bahreïn, le Koweït, l’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis), connus sous le nom de Conseil de Coopération du Golfe (Gulf Cooperation Council – GCC). Le PIB total des États du GCC, qui inclut certains des plus grands producteurs de pétrole au monde, a chuté d’un impressionnant 80% entre 2008 et 2009. Les États du GCC ont été forcés d’augmenter les dépenses d’État et d’augmenter leur déficit.
Alors qu’on prévoit que l’économie des pays du GCC va connaitre une reprise en 2010 à cause de la nouvelle hausse du prix du pétrole, ce n’est pas une image uniforme, et la croissance générale est sapée par divers facteurs. On prédit que les Émirats arabes unis vont rester à la traine derrière leurs voisins du Golfe à cause de la stagnation de l’économie à Dubaï, à la suite de l’effondrement spectaculaire de son marché immobilier. La persistance de l’“aversion des risques” de la part du secteur bancaire et la prudence des consommateurs sont en train de menacer la reprise des GCC.
La grave crise économique de 2000-2002 dans des pays comme Israël ou la Turquie a constitué une anticipation de la crise économique mondiale actuelle, qui a conduit à une approche plus prudente de la dérégulation des secteurs financiers et bancaires dans ces pays. Les effets de la crise économique mondiale depuis 2007 ont jusqu’à présent été limités, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (bien que, pour la masse de la population, il n’y ait eu aucune amélioration des conditions de vie). Les plans de relance dans les principaux pays capitalistes ont eu un effet sur la région. Israël, en particulier, est assisté par ses liens avec les États-Unis et avec l’Union européenne. Mais l’économie de la région reste dans son ensemble anémique et très vulnérable à la crise mondiale qui se développe. Une “double chute” de l’économie mondiale, ou une croissance faible, une guerre des monnaies et une hausse du protectionnisme auront tous un effet désastreux pour les économies de la région. L’Arabie saoudite s’est déjà jointe à d’autres pays en imposant de nouvelles mesures protectionnistes.
Un chômage de masse
La crise économique met en relief les contradictions nées de la surdépendance aux réserves d’hydrocarbures au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. De nombreux pays de la région sont basés presque entièrement sur le pétrole, et ne sont pas parvenus ni à diversifier leur économie, ni à accroitre le niveau de vie. Le haut taux de chômage qui en découle est une caractéristique constante à travers toute la région ; c’est une véritable bombe à retardement (comme l’a démontré la récente révolte en Tunisie, qui s’est déroulée après le Congrès Mondial, NDT). Plus de 30% des 350 millions d’habitants de la région est âgée d’entre 15 et 29 ans, et le chômage parmi ce groupe est de 28% en moyenne.
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont le plus haut niveau de chômage des jeunes au monde, et deux tiers de la population y ont moins de 24 ans. La Banque mondiale prédit que 100 millions d’emplois devraient être créés dans la région au cours des 20 prochaines années ne serait-ce que pour accommoder ceux qui cherchent à entrer sur le marché du travail pour la première fois de leur vie.
Le chômage de masse a alimenté un mécontentement de masse et les tensions sectaires à travers l’ensemble de la région. Dans les États du Golfe en particulier, les musulmans chiites sont une minorité depuis longtemps discriminée dans les États sunnites. Ceci s’ajoute aux préoccupations de l’élite par rapport à l’influence de plus en plus grande des chiites en Iraq, aux tentatives de l’Iran de devenir la puissance dominante dans la région, et à la force relative du Hezbollah au Liban. Jouant à fond sur la stratégie de la division, les autorités saoudiennes, koweïtiennes et bahreïniennes ont toutes au cours des derniers mois fait usage d’une lourde répression sur leurs populations chiites qui réclament plus de droits.
Irak
La division sectaire trouve également son expression dans l’incapacité à former un gouvernement en Irak, même plusieurs mois après les élections de mars 2010 (un gouvernement a finalement été constitué en Irak le 11 novembre, après huit mois de négociations et après l’écriture de ce texte, NDT). Après 30 ans de dictature, de guerre, de sanctions, d’invasion et d’occupation impérialiste, d’insurrection et de guerre civile sectaire (les États-Unis soutenant la majorité chiite), l’Irak actuel a atteint une “forme de macabre stabilité”, avec un niveau de violence permanente sans précédent, et un État immensément corrompu et “dysfonctionnel”.
La “situation sur le plan sécuritaire” demeure désespérée ; les pertes de civils sont plus élevées en Irak qu’en Afghanistan. Cette année, on a vu un nouveau développement dans la violence, avec l’assassinat ciblé de plus de 700 personnes, principalement du personnel de sécurité. L’impasse politique au sommet, l’occupation impérialiste continue et les conditions de vie atroces contribuent toutes à une colère de masse, à une violente opposition et au sectarisme. Bagdad est balafrée de 1500 check-points, des rues entières sont bloquées par des kilomètres de murs de protection en béton. Les attentats sectaires ont fait leur grand retour, avec le massacre de tas de chrétiens et de chiites à Bagdad au cours des premières semaines de novembre 2010. Depuis l’invasion sous direction américaine de 2003, la population chrétienne est passée de 1 million à 500.000, et un nouvel exode de cette minorité est maintenant probable. Sans surprise, très peu des 2 millions de réfugiés irakiens en Jordanie ou en Syrie sont prêts à risquer leur vie en tentant un retour au pays. 1,5 million d’autres personnes qui ont fui leur foyer durant les pogroms sectaires de 2006-2007 sont considérés comme “personnes déplacées en interne” ; beaucoup d’entre elles sont forcées de vivre dans des camps sordides, où ils sont rejoints par un nombre croissant de réfugiés économiques irakiens, dont bon nombre de paysans ruinés.
On décrit de plus en plus l’Irak comme un “nouveau Liban”, où chaque ethnie ou communauté sectaire est en lutte pour sa part de pouvoir ou de ressources. Les réserves de pétrole non-exploitées du pays sont parmi les plus grandes au monde, et on estime que ses exportations de pétrole vont quadrupler au cours de la prochaine décennie. Chaque année, environ 60 milliards de dollars issus du pétrole sont nécessaires pour les dépenses de la machine d’État, principalement afin de payer les salaires des forces de sécurité et de la bureaucratie civile. Les dirigeants sunnites, chiites et kurdes veulent tous leur part de l’argent du pétrole et des rares emplois. Le “centre sunnite” de l’Irak craint un “renouveau chiite” – près de 40% du pétrole du pays entoure la ville chiite de Bassorah dans le Sud.
L’Iran est en train d’essayer d’obtenir un accord entre Nouri al-Maliki, le Premier Ministre irakien, et le dirigeant chiite irakien Moqtada al-Sadr (avec aussi une implication des sections syrienne et libanaise du Hezbollah). Jusqu’à présent, les États-Unis ont échoué à composer un gouvernement alternatif. Un cadre occidental anonyme a commenté qu’un second gouvernement Maliki formé selon les termes de l’Iran ne serait “rien moins qu’une défaite stratégique” pour l’impérialisme américain, après une guerre de sept ans qui a couté plus de 600 milliards de dollars, plus de 4.425 vies de soldats américains et plus de 30.000 blessés. Il n’y a même pas la moindre tentative de la part des puissances occupantes de tenir un compte-rendu détaillé des morts civils causés par le conflit. Les estimations varient entre 100.000 et 600.000 morts. Quels que soient les chiffres exacts, il s’agit de toute façon d’un massacre en bonne et due forme de masses d’irakiens innocents.
Malgré le “retrait des troupes” orchestré par Obama, les États-Unis vont conserver au moins 40.000 soldats en Irak, pour construire tout un réseau de bases militaires américaines et donner un soutien lourd à l’État irakien. Mais le fait de renforcer l’armée irakienne est extrêmement périlleux dans une situation de divisions nationales, régionales et sectaires. Un conseiller militaire américain, David Kilcullen, a averti l’an passé du fait que l’Irak affichait les “conditions classiques pour un coup d’État militaire”. Comme l’a déjà souligné le CIO à de nombreuses reprises, une des conséquences possibles de l’invasion et de l’occupation est la création de toute une série de nouveaux dictateurs “à la Saddam”.
L’équilibre des forces sur le plan régional
L’invasion de l’Irak dirigée par les États-Unis a intensifié les tensions au Moyen-Orient et a affaibli la position des régimes les plus pro-américains. Ce dernier processus a été renforcé par la colère populaire vis-à-vis des attaques contre le Liban et Gaza du fait d’Israël, en 2006 et 2009, ainsi que par le raid des commandos israéliens sur le cargo d’aide humanitaire pour Gaza en 2010, en plus de l’oppression continue des Palestiniens.
Les élites dirigeantes des régimes pro-occidentaux, en Jordanie, en Égypte et en Arabie saoudite, sont perçues par les masses arabes comme étant complices de cette oppression, et sont de plus en plus détestées par leur propre peuple. La dynastie des Hachémites en Jordanie a chamboulé les cantons électoraux avant les élections parlementaires en novembre, de sorte à donner une plus grande représentation aux communes rurales faiblement peuplées qu’aux centres urbains denses, où dominent les Jordaniens d’origine palestinienne.
Les conséquences de l’occupation de l’Irak ont modifié l’équilibre des forces dans la région, avec le renforcement de l’Iran et de “l’axe chiite” comme on l’appelle. En outre, avec une population de 72 millions d’habitants et l’ampleur de son intervention en Irak (elle est la deuxième plus grande composante des troupes de l’OTAN en Irak derrière les États-Unis), la Turquie est une puissance régionale grandissante dans la région, et vise à jouer un rôle majeur au Moyen-Orient. Le régime AKP au pouvoir en Turquie utilise la position géostratégique cruciale de son pays (à l’intersection de l’Europe, du “monde russe” et du Moyen-Orient, NDT) pour manœuvrer entre les différentes régions et les puissances locales et mondiales.
Comme l’a souligné le document sur les relations mondiales, l’impérialisme ne sera jamais capable d’imposer de l’extérieur une solution durable pour l’Irak ni pour l’Afghanistan. Après le bilan des années Bush au niveau de la politique extérieure, le caractère de l’intervention impérialiste américaine a été contraint de se modifier. Mais les États-Unis restent, et de loin, la plus grande puissance militaire au monde, une puissance qui va continuer à intervenir là où elle peut pour sauvegarder ses intérêts stratégiques sur les plans économique et militaire.
Une attaque américaine contre l’Iran reste une possibilité, éventuellement avec une coopération israélienne (ou bien sous la forme d’une attaque par Israël “tout seul”). Les répercussions sociales, politiques et militaires d’une telle attaque seraient énormes, dans la région et dans le monde entier. Au départ, une attaque israélo-américaine serait le déclencheur d’une vague terrible d’indignation nationaliste en Iran, mais mettrait aussi le feu aux poudres des sentiments anti-israéliens et nationalistes arabes à travers toute la région. Les Gardiens de la Révolution iranienne et les alliés régionaux de Téhéran – comme le Hezbollah – entameraient des actions de représailles. Sous l’énorme pression de leurs populations, l’Iran et les États producteurs de pétrole pourraient temporairement limiter leurs exportations de pétrole, ajoutant un nouveau revers déstabilisant à la crise économique mondiale.
Le Yémen et la Somalie
Les États-Unis sont de plus en plus emportés par les événements en Somalie et au Yémen, sans aucune perspective de résoudre ces crises. Les États-Unis financent allègrement le régime islamiste “modéré” de Sharif Ahmed en Somalie, qui impose la charia, bien que son autorité ne s’étende guère plus loin qu’à ‘‘quelques ruelles dans la capitale où l’on entend les mouches voler’’ (The Economist du 18/09/10). En réalité, des régions entières du sud et du centre de la Somalie sont contrôlées par les milices islamistes al-Shabaab (“La Jeunesse”). Près de 20.000 civils ont fui cette année la capitale, Mogadiscio, à cause du conflit, et plusieurs milliers ont été tués ou blessés. Les États-Unis sont réticents à envahir le pays à nouveau après son intervention désastreuse en 1993, mais même une politique plus agressive de la part des États-Unis pourrait se retourner contre eux, faisant de la Somalie le prochain “foyer du djihad mondial”.
Au Yémen, l’organisation “al-Qaïda dans la Péninsule arabe” (AQPA) est maintenant considérée par les services de renseignement britanniques comme une menace terroriste aussi grande que celle qui émane du Pakistan et d’Afghanistan. Il n’est pas difficile de comprendre comment le Yémen est devenu un point de concentration pour tous les “moudjahiddines”. Le Yémen est le pays le plus pauvre de toute la MENA ; près de la moitié de sa population vit avec moins de 2$ par jour, alors qu’il est situé juste à côté de certains des plus riches États au monde, y compris l’Arabie saoudite. Le pétrole yéménite compte pour 90% de ses exportations et pour les trois-quarts de son revenu, mais on estime que son faible filon d’“or noir” s’asséchera d’ici 2017. Le chômage est de 35% et on s’attend à ce que sa population de 23 millions d’habitants – dont la moitié a moins de 24 ans – double d’ici 2035.
Sous le règne kleptocratique du Président Abdoullah Salih, le Yémen souffre de conflits séparatistes dans le Nord et dans le Sud. Le Président Salih utilise la menace d’al-Qaïda et de la “situation sécuritaire” pour pourchasser impitoyablement toute opposition séparatiste dans le Sud et pour appeler à un soutien accru de la part du Royaume-Uni et des États-Unis. Peu désireux d’impliquer leurs troupes dans un autre potentiel bourbier militaire, les États-Unis ont envoyé un chèque de 300 millions de dollars “la moitié pour le développement, la moitié pour l’armée” au régime Salih. La presse affirme que la Maison blanche est en train de se préparer à intensifier ses “opérations spéciales” au Yémen, y compris plus d’attaques de drones. Il ne fait aucun doute que ceci va contribuer à accroitre le champ de recrutement d’AQPA. Toutefois, les “moudjahidines” sont moins soutenus dans le sud du Yémen. De fait, la plupart des Yéménites ‘‘se soucie plus de la terre et d’argent que de religion et d’idéologie’’ (The Observer du 31/10/10).
Dans le contexte de l’aggravation des difficultés sur le plan économique, du vide politique à la tête des mouvements de masse, de la putréfaction de la bourgeoisie néocoloniale et de la rhétorique “anti-impérialiste” des islamistes politiques, les divers phénomènes de l’islamisme politique et du terrorisme vont continuer à susciter une attraction parmi des couches larges des parties les plus aliénées de la population de la région. Mais les masses apprennent aussi de leur propre rude expérience de l’islam “politique” et “radical” de droite, comme l’opposition de masse au règne des mollahs en Iran et le dégout face aux atrocités sectaires d’al-Qaïda en Irak le montrent bien. Le développement de la lutte de masse des travailleurs et de la radicalisation de classe va voir se développer les idées anticapitalistes et socialistes, et constituera un puissant pôle d’attraction pour les masses, de même qu’une tendance capable de contrebalancer l’islam politique réactionnaire et le terrorisme. Bien que ce processus ne se fera pas de façon directe, et verra aussi le développement de tendances plus larges et plus confuses comme le “pan-arabisme” ou le “pan-islamisme”, et même le développement possible d’un “islamisme de gauche”, les puissantes batailles de classe qui se trouvent devant nous vont poser la base pour le renouveau des idées socialistes et de classe qui étaient naguère si puissantes dans la région.
C’est une de nos tâches principales dans ce processus : aider le mouvement ouvrier à apprendre les leçons des erreurs et des trahisons des anciens dirigeants des partis communistes et des autres organisations de masse.
Palestine et Israël
À coup de grand ramdam médiatique, le Président Obama a organisé de nouveaux “pourparlers de paix” entre le Premier Ministre Netanyahou et le dirigeant palestinien Abbas en septembre 2010. Le “but” de ces pourparlers, une soi-disant “solution à deux États”, verrait en réalité le maintien des frontières de 1967, avec 80% de la terre pour Israël, plus une partie de la Cisjordanie. Les Palestiniens recevraient un petit territoire invivable, sans aucun droit de retour pour les réfugiés. Netanyahou a bien expliqué que Jérusalem restera sous domination israélienne et ne sera pas une “capitale partagée”, et que tout État palestinien sera soumis à la surveillance de la police israélienne.
Il ne fait aucun doute que l’administration Obama voudrait voir un accord – aux dépens des Palestiniens, bien entendu – afin de renforcer et consolider les intérêts américains, y compris la position d’Israël à long terme, en tant que son principal allié dans la région. Netanyahou, mis sous la pression des différentes factions au sein du gouvernement israélien de coalition, avec d’un côté l’ultra droite liée aux colons, de l’autre son propre parti, le Likoud, n’est à ce stade pas prêt à accepter les souhaits des États-Unis. Toutefois, Netanyahou pourrait finalement plier sous la pression américaine, qui est soutenue par certaines sections de la classe dirigeante israélienne qui craint les conséquences des tendances démographiques, et qui se soucie de la position régionale et internationale du capitalisme israélien.
La classe dirigeante israélienne est prise au piège. Elle craint que la “bombe à retardement démographique” ne mène à ce que la population palestinienne croissante au sein d’Israël ne devienne majoritaire. Le Ministre israélien de la Sécurité, Barak, a exprimé en février 2010 ce problème auquel est confrontée la classe dirigeante : ‘‘Tant que dans ce territoire à l’ouest du fleuve Jourdain, il n’y aura qu’une seule entité politique appelée Israël, alors elle sera soit non-juive, soit non-démocratique’’. Il a poursuivi en disant ceci : ‘‘Si dans cet État unique, les Palestiniens qui habitent en Cisjordanie pouvaient dans le futur voter lors des élections en Israël, alors Israël deviendrait un État bi-national. D’un autre côté, au cas où les Palestiniens ne pourraient pas voter, alors ce serait un État d’Apartheid… Ces alternatives nous forcent à tracer la frontière d’un État qui inclut une majorité juive, avec un État palestinien de l’autre côté.’’
La classe dirigeante israélienne craint fortement que toute concession accordée aux masses palestiniennes ne fera que renforcer la lutte contre l’oppression. Mais renforcer la répression étatique n’aura au final qu’un effet similaire.
La montée du néolibéralisme en Israël a joué un rôle décisif dans l’écrasement de la base traditionnelle de soutien des principaux partis politiques de la classe dirigeante israélienne, ce qui a pour finir mené à l’effondrement du camp de la “gauche sioniste”. Le gouvernement Netanyahou, confronté à la crise historique du sionisme elle-même, est forcé, encore plus que les gouvernements précédents, à se baser sur un nationalisme et un militarisme israélien affirmé, en plus de l’islamophobie et du racisme anti-arabe. C’est cela qui a mené à l’inclusion de partis d’extrême droite dans le gouvernement et leur influence croissante au sein des principaux partis traditionnels de l’establishment au pouvoir. Un tel développement signifie que ces partis sont des outils moins fiables aux yeux de la classe dirigeante.
Les “pourparlers” israélo-palestiniens sont en ce moment en pause, à la suite de la reprise de la construction de “colonies” en terre palestinienne le 27 septembre. Même si Netanyahou, sous l’intense pression américaine, parvient à dompter la droite assez que pour pouvoir maintenir “vivants” ces soi-disant pourparlers (en faisant même rentrer le parti “Kadima” dans la coalition), la classe dirigeante israélienne donnera aussi peu que possible et s’assurera qu’il n’y ait aucun développement d’un État palestinien réellement indépendant.
Parmi la population juive, une couche, surtout composée de jeunes, est dégoutée par la politique de Netanyahou et de l’extrême droite, et commence à entrer en opposition ouverte. Bien qu’encore peu en nombre, l’existence même de cette tendance est lourde de sens.
Tandis que le nationalisme sioniste est utilisé pour bloquer la lutte de classe, et en particulier les luttes qui pourraient franchir la division nationale, d’importantes ripostes de la part de la classe ouvrière ont eu lieu en Israël au cours des dernières années. On a eu en 2007 la grève massive des enseignants du secondaire qui a défié le gouvernement et qui a culminé avec la mobilisation de 100.000 enseignants, étudiants et sympathisants au cours d’un meeting de solidarité où les chefs des syndicats ont été forcés par l’humeur combative d’appeler à une lutte plus large, “pour un État-providence”. Même la fédération syndicale Histadrut a vu son nombre d’affiliés croitre depuis 2006. De 1996 à 2004, l’ancienne direction de Histadrut s’était vue contrainte de diriger les plus grandes grèves de toute l’Histoire d’Israël. Après la défaite de ces luttes, la nouvelle direction est parvenue depuis 2005 à imposer un silence industriel sans précédent (le syndicat des enseignants du secondaire ne fait pas partie de Histadrut). Elle a conclu des accords pourris avec les patrons et le gouvernement, sous prétexte de
“responsabilité nationale”.
Toutefois, comme cela est déjà impliqué par quelques exemples petits, mais lourds de signification, la bureaucratie a été forcée à lâcher de la vapeur lors des dernières années (dans certains cas, à cause de l’influence de la nouvelle organisation “Pouvoir aux travailleurs” que le CIO a aidé à lancer et à construire), le calme industriel va forcément se terminer, et l’emprise de la bureaucratie ne pourra que se relâcher. Ce sera particulièrement le cas lorsque l’économie israélienne sera touchée par la récession qui, on peut s’y attendre, sera plus vive que le dernier ralentissement de début 2009. Pour remporter les batailles du futur contre les patrons, les travailleurs israéliens vont devoir adopter un programme de solidarité et de lutte unie des travailleurs juifs et arabes. Ceci implique de rompre avec la politique d’oppression, de colonisation et d’agression militaire envers les masses de la région qui est celle de l’élite dirigeante.
Pour l’instant, la “direction” poltronne de l’Autorité palestinienne (AP), sous pression de l’administration américaine, cherche toujours désespérément à maintenir les pourparlers, tout comme la très molle Ligue arabe. La réalité est que la tournée actuelle de (non-)pourparlers ne mènera absolument nulle part. Bien qu’une marge très limitée pour un peu plus d’“auto-gouvernance” des Palestiniens pourrait être accordée à un certain point – allant même jusqu’à l’annonce de la création d’un pseudo État palestinien “indépendant” –, sur base du capitalisme et de l’impérialisme, aucune solution durable et fondamentale ne peut être trouvée pour la question palestinienne ou pour amener la paix dans la région. Qui plus est, une telle annonce pourrait servir de prétexte pour intensifier la répression contre les Palestiniens qui vivent en Israël, ou pour lancer une nouvelle attaque militaire contre le Hamas à Gaza, où un et demi millions de gens restent vivent encore en état de siège, avec une immense pauvreté et un immense chômage. Les conditions au sein de l’AP sont loin d’être fort meilleures. Les Palestiniens qui vivent en Israël sont de plus en plus aliénés par les mesures discriminatoires et par la persécution et la répression brutales de toute forme de protestation. Ceci s’ajoute aux attaques de la part de l’extrême-droite, à la pauvreté croissante et aux tentatives de l’État israélien d’altérer l’équilibre démographique au détriment des Palestiniens.
L’armée israélienne continue à menacer de lancer des attaques militaires contre le Hezbollah au Liban. De fait, la situation est lourde de conflits militaires et de guerres. Tout comme les attaques précédentes d’Israël sur le Liban et sur Gaza, de tels conflits vont déclencher une immense colère et opposition dans tout le monde arabe et sur le plan international. Au lieu de pourparlers menant à la paix et à la justice, la question nationale devient de plus en plus ingérable, menant à de nouveaux mouvements et révoltes de masse des Palestiniens opprimés. Même l’élite dirigeante palestinienne a partiellement reconnu cela, avec certains de ses dirigeants nationaux qui reprennent les cris de l’immense frustration des masses en parlant de “lutte”. Bien entendu, ces “dirigeants” ne font qu’utiliser la menace d’un renouveau de la lutte de masse pour tenter d’ajouter une pression sur Israël et sur les puissances occidentales et les forcer à un accord.
Tous les acquis majeurs obtenus par les Palestiniens ne l’ont été que par des mouvements de masse, surtout la Première Intifada. Les développements actuels jettent les bases pour de nouvelles révoltes de masse. La lutte pour les droits démocratiques et sociaux des Palestiniens à l’intérieur d’Israël sera très certainement un des points centraux lors d’une “Troisième Intifada”. La lutte de masse des Palestiniens, tout comme au cours des précédentes insurrections, recevra une solidarité toute prête dans la région comme sur le plan international, y compris de la part d’une section des travailleurs et des jeunes juifs. Toutefois, sans une direction armée d’une approche de classe, le mouvement de masse pourrait finir par déployer des méthodes de lutte contre-productives, limitant par là sa capacité à contrer la violente répression du régime israélien. Un programme marxiste pour résoudre la question nationale, sur une base de classe et socialiste, est vital pour faire progresser la lutte et pour empêcher un possible élargissement de la barrière nationale.
Le régime du Hamas à Gaza continue à partiellement canaliser la colère des Palestiniens face à leurs terribles conditions de vie. Mais avec sa politique islamiste de droite, le Hamas n’offre aucune stratégie alternative viable pour les Palestiniens opprimés ; cette politique est d’ailleurs de plus en plus remise en question par des sections de la population gazaouie. De fait, le Hamas a entamé des négociations en coulisse avec l’impérialisme américain, et son sous règne les femmes sont de plus en plus opprimées, de même que toute opposition au Hamas.
La libération des masses palestiniennes ne peut pas être accomplie dans le cadre du capitalisme. Leurs aspirations ne peuvent être satisfaites dans une lutte aux côtés des régimes arabes corrompus et réactionnaires. Après tout, le régime de Moubarak en Égypte est responsable du blocus de la frontière de Rafah avec Gaza, et la classe dirigeante libanaise porte la responsabilité de l’oppression et de la discrimination continues des Palestiniens dans les camps de réfugiés au Liban. La lutte pour l’émancipation doit être liée à la lutte pour le socialisme, sur base de l’unité de la classe des travailleurs à travers la région. Ce n’est qu’à travers des mouvements de masse unis de la classe ouvrière et des pauvres de Palestine, et d’Israël aussi, qu’une solution pourra être trouvée ; que l’on pourra s’opposer à l’oppression nationale, aux partis des patrons et de l’impérialisme ; et obtenir une réelle auto-détermination pour les Palestiniens – pour une Palestine socialiste et démocratique, pour un Israël socialiste et démocratique, en tant que membres égaux et volontaires d’une confédération socialiste de tout le Moyen-Orient.
Les positions politiques de principe établis par les forces du CIO en Israël et au Liban, souvent dans des conditions objectives extrêmement difficiles, sont cruciales pour préparer le terrain pour de futurs grands pas en avant pour le marxisme dans la région.
Le Liban
La complexité et la haute instabilité de la situation au Liban – dominée par des partis pro-marchés et à base sectaire, et par l’interférence des puissances régionales et impérialistes – ont été illustrées par la volte-face du Premier Ministre Saad Hariri en septembre dernier au sujet de l’assassinat de son père Rafiq, qui avait été cinq fois Premier Ministre. Saad Hariri avoue maintenant s’être trompé en accusant la Syrie de l’attentat à la voiture piégée qui a tué Rafiq, un homme d’affaires multimilliardaire. C’est ce meurtre en 2005 qui a déclenché la “Révolution des Cèdres”, soutenue par l’Occident, et qui a mené au retrait des “gardiens de la paix” syriens après trois décennies d’implication syrienne directe au Liban. Saad Hariri est arrivé au pouvoir au cours de ces événements, mais lui et ses alliés ont seulement obtenu une très mince majorité parlementaire. Le Hezbollah pro-syrien (dont le prestige a été grandement renforcé après la guerre d’Israël contre le Liban en 2006) a, avec ses alliés, forcé Hariri à partager le pouvoir en 2008. Depuis lors, les alliances politiques de Hariri se sont affaiblies et son principal soutien étranger, l’Arabie saoudite, a amélioré ses relations avec la Syrie. Maintenant, le tribunal des Nations-Unies qui est en train de mener une enquête autour de l’attentat de 2005 serait en train de s’orienter vers une responsabilité du Hezbollah ou d’un “groupe solitaire” émanant de cette organisation. Une telle découverte serait hautement explosive et pourrait déclencher une nouvelle crise politique.
Quelles que soit leurs différences sectaires, tous les partis libanais partagent la même politique économique et sociale pro-capitaliste. L’importante lutte des enseignants en 2010 a montré qu’aucun des principaux partis ne défend les intérêts des travailleurs et des pauvres. Les travailleurs qui entrent dans de nouvelles actions industrielles, comme ils vont inévitablement le faire à cause du nouveau programme de privatisation et de coupes budgétaires du gouvernement, vont tirer la conclusion qu’ils ont besoin de s’unir pour construire un mouvement ouvrier contre la politique néolibérale et qu’il faut une alternative politique unifiée contre la pauvreté, le sectarisme et la guerre. En développant de manière audacieuse sa plate-forme et ses forces, le CIO au Liban peut jouer un rôle crucial dans ce processus.
L’Iran
L’Iran a bénéficié du pouvoir grandissant des chiites en Irak et a élargi son influence dans la région, comme on l’a vu avec la visite d’Ahmadinedjad au Liban en octobre 2010. Téhéran cherche à assister la création d’un gouvernement à dominance chiite en Irak. Ceci renforcerait le commerce et la “codépendance” économique entre l’Iran et l’Irak, et contribuerait à éviter à ce que l’Iraq redevienne une menace militaire, comme cela l’était avec Saddam, ou ne soit utilisé en tant que base de lancement pour une attaque américaine.
Quelles que soient les menaces extérieures de l’impérialisme, au final ce sont les événements domestiques qui détermineront le destin de la théocratie au pouvoir en Iran. À cause du manque d’organisations de masse de la classe ouvrière, le mouvement de masse des “Verts” en 2009 a été réprimé et dispersé, pour le moment, par la force brute du régime Ahmadinidjad. Mais ce puissant mouvement de masse n’est que le prélude de luttes révolutionnaires de masse qui vont se développer en Iran. Des millions sont descendus dans les rues après les élections de juin 2009, qui étaient largement perçues comme ayant été truquées, malgré la violente répression des milices bassidji du régime. Il y avait des rapports de soldats qui désobéissaient aux ordres d’attaquer les manifestants.
Au cours du mois de décembre 2009, la conscience du mouvement s’est développée bien au-delà de celle de ses soi-disant dirigeants, et il y avait des rapports d’une radicalisation accrue parmi les étudiants. Toutefois, avec le déclin du mouvement de masse, cette conscience radicalisée a quelque peu reculé, et Moussavi et Karroubi ont maintenu leur rôle de “dirigeant” de l’opposition. Pourtant, comme les événements l’ont déjà montré, ceci peut à nouveau changer très rapidement sur base de nouveaux mouvements de masse.
La principale leçon de l’échec du mouvement de masse à renverser le régime est le besoin urgent de construire des organisations indépendantes de la classe ouvrière. De telles formations de classe mettraient en avant des revendications démocratiques (qui, dans une telle situation, acquièrent un caractère révolutionnaire) et des revendications de classe, et utiliserait les armes de la lutte de classe, y compris la grève générale, pour assurer la fin du régime réactionnaire des mollahs. Les couches des classes moyennes en 2009 se sont rangées derrière le mouvement de masse, et certaines sections de la classe ouvrière, en particulier les travailleurs des transports publics. Mais il manquait à tout ce potentiel une direction socialiste clairvoyante, et il ne s’est pas développé en une grève générale et en un mouvement de classe assez puissant que pour renverser le régime.
Bien qu’Ahmadinedjad ne se soit cramponné au pouvoir que de justesse, sa faction dirigeante a par la suite souffert d’un fractionnement interne, reflétant en partie l’aggravation de la situation économique et sociale sur le plan domestique.
Les sanctions imposées par l’Occident se font durement sentir, même si l’Iran reste le cinquième plus grand exportateur de pétrole au monde. Mais on estime que la production de pétrole va chuter de 15% d’ici 2015 et les exportations de 25%, selon le magazine The Economist. Le plan d’Ahmadinedjad est de cesser les subsides aux consommateurs, qui équivalent à un quart du PIB, ce qui va causer une forte hausse des prix de l’alimentation, du carburant et des transports. La perspective d’une vie de faible croissance économique, d’un haut taux de chômage et sous un règne autoritaire réactionnaire, signifie que les masses iraniennes – ayant pris le gout de la lutte de masse – vont forcément repartir sur cette voie.
L’opposition de masse en Iran – confuse et désorientée après la répression brutale – entretient toujours à ce stade beaucoup d’illusions dans la démocratie bourgeoise, ce qui est compréhensible. On ne doit pas s’attendre à plus, étant donné l’héritage de trois décennies d’oppression théocratique, le caractère poltron de l’opposition Moussavi et le manque d’une alternative révolutionnaire socialiste. Moussavi représente une aile de l’élite qui désire entre autres parvenir à un accord avec l’impérialisme américain. Il veut aussi adoucir la répression et concéder quelques réformes démocratiques afin de tenter d’élargir la base de soutien du régime et donc faire dérailler le mouvement de masse. L’expérience du programme et des méthodes de Moussavi signifiera que des sections de travailleurs et de jeunes peuvent rapidement adopter des idées et des méthodes de lutte plus radicales. Cependant, des sections entières du mouvement de masse peuvent rapidement déborder des limites du programme Moussavi, qui tente de conclure un accord avec le régime. Nous avons vu pendant le mouvement de 2009 la manière dont les actions de protestation contre le truquage des élections se sont développées en une lutte pour abattre la dictature. Début 2010, les funérailles de l’ayatollah Hossein Ali Montazeri se sont transformées en une série d’actions larges anti-gouvernement, avec un niveau record de reprise des slogans contre la ligne dure du “guide spirituel suprême” Khamene’i.
La question nationale en Iran est elle aussi une menace pour le régime. Dans les régions kurdes, les grandes manifestations du Premier Mai et la grève générale appelée après l’assassinat d’un militant syndical kurde a montré le caractère explosif des aspirations non-résolues des masses, y compris concernant leurs droits démocratiques nationaux.
Le timing des futurs mouvements de masse contre le régime des mollahs est bien entendu impossible à prévoir. Mais il est certain qu’après s’être engagées dans une lutte ouverte, bien que temporairement retenues, les masses vont de nouveau s’avancer pour renverser le régime fondamentaliste. Si le mouvement pour les droits démocratiques est lié à une lutte de masse de la classe ouvrière et des pauvres, le régime peut être renversé. Le rôle de la classe ouvrière sera décisif. Bien que les tentatives d’organiser des syndicats indépendants ou des grèves soient brutalement réprimées, les travailleurs des bus de Téhéran et les ouvriers de la sucrerie de Haft Tapeh ont déjà entamé une lutte courageuse. Plus de travailleurs, surtout dans les régions kurdes, ont été impliqués dans des grèves au cours de l’an passé.
De nouveaux mouvements de masse en Iran vont également avoir une énorme influence sur les pays environnants et sur le plan mondial. Cela souligne le besoin urgent de développer les idées et la présence du CIO au Moyen-Orient, sur base du travail magnifique qui est déjà accompli par le CIO là où il existe. Les socialistes appellent la classe ouvrière iranienne et les couches moyennes de plus en plus appauvries de ce pays à agir de manière indépendante de l’opposition pro-capitaliste et des factions de l’élite dirigeante. Il est nécessaire de tirer les leçons de l’amère déception de 1979/80, lorsque l’élite a utilisé une phraséologie “révolutionnaire” et religieuse pour prendre le pouvoir et le consolider. Les dirigeants de l’opposition actuels aimeraient détourner le pouvoir potentiellement révolutionnaire des masses à l’aide d’une phraséologie et de promesses “démocratiques”. La reconstruction du mouvement ouvrier est une tâche cruciale qui incombe aux masses iraniennes.
Même si le régime Ahmadinedjad était renversé et remplacé par un régime bourgeois “pro-démocratie” – du fait du caractère pro-capitaliste des dirigeants de l’opposition qui exploitent les illusions dans la démocratie parlementaire “à l’occidentale” et essentiellement, à cause du manque d’une alternative socialiste – de nouvelles luttes de masse des travailleurs et de la jeunesse vont se développer. Un nouveau gouvernement capitaliste se baserait tout d’abord sur les espoirs et les illusions des masses, mais deviendrait rapidement un gouvernement de crise. Seul un gouvernement des travailleurs et des pauvres peut garantir les droits démocratiques et entamer la transformation du pays en rompant avec l’emprise de l’élite et du capitalisme.
L’Égypte
Avec sa population de 85 millions d’habitants, sa position géostratégique dans le monde arabe, son régime divisé et son niveau croissant d’opposition et de lutte industrielle, l’Égypte est un autre pays clé pour la lutte de classe qui se développe dans la région. Le vieux Président Moubarak a organisé des élections parlementaires à la fin de novembre 2010, mais cela était accompagné d’innombrables barrières aux partis d’opposition qui désiraient se porter candidats, et d’une répression générale des militants, en particulier contre les partisans des Frères musulmans. Le régime a une bonne raison de craindre des élections qui ne seraient pas bridées : malgré la fraude flagrante et la violence d’État, les dernières élections parlementaires en 2005 ont vu les Frères remporter un cinquième des sièges alors qu’ils n’étaient candidats que pour un tiers de ceux-ci. Les élections de novembre 2010 n’étaient qu’une farce, qui a permis au parti du gouvernement de “gagner” 97% des sièges. Selon des estimations indépendantes, le taux de participation était de 10-15%, comparé à 25% lors des élections de 2005. Reflétant la hausse de la radicalisation de l’opposition au règne de Moubarak (et à l’intronisation prévue de son fils Gamal) à travers toute la société, des divisions ont commencé à s’ouvrir au sein des Frères. Des opposants critiquent la décision de leur organisation de se présenter aux élections et d’avoir donné une légitimité à la farce électorale. Une campagne pour boycotter le scrutin menée par Mohamed El Baradei, l’ancien directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique, a récolté près d’un million de signatures.
Les causes des troubles politiques grandissants et des divisions au sein de l’élite dirigeante sont la détérioration de la situation économique et sociale et la vague de grève qui s’est produite au cours des dernières années. Les travailleurs et les jeunes sont confrontés à un futur peu brillant, fait de chômage grandissant et de prix en hausse. L’inflation croissante mine le niveau de vie, et les salaires restent stagnants. Plus de 40% de la population vit dans la pauvreté, et près de 30% de la population est illettrée. Le fossé entre les riches et les pauvres s’est élargi ; les riches vivent aujourd’hui dans de luxueuses “communautés gardées”, les pauvres dans la misère urbaine.
Les actions industrielles et les actions ouvrières ont commencé en décembre 2006, avec l’occupation par les travailleurs de l’usine textile Mahalla ; avec ses 28 000 travailleurs, cette usine est la plus grosse de toute la région Moyen-Orient/Afrique du Nord. Les patrons et le gouvernement ont été forcés de concéder de meilleurs salaires et de meilleures conditions, ce qui a inspiré d’autres travailleurs à partir en grève eux aussi. Les grèves contre les privatisations et pour les renationalisations sont extrêmement importantes, de même que les efforts pour créer des syndicats indépendants. Le régime a été contraint aux concessions, y compris l’annonce de la mise au frigo à durée indéterminée du programme de privatisation dans toute une série de composantes du secteur public.
Des mesures courageuses et impressionnantes ont été prises pour former des syndicats indépendants, dans un contexte de loi martiale. Bien que le gros des grèves de masse aient été organisés par des ouvriers (comme les travailleurs du textile ou ceux de l’usine d’aluminium), jusqu’ici ce sont surtout les employés qui sont parvenus à franchir les étapes dans la création de nouveaux syndicats (par ex, les enseignants, le personnel administratif de l’éducation, les percepteurs d’impôts immobiliers et les postiers). Toutefois, de nouvelles grèves et luttes de masse vont voir d’autres sections de la classe ouvrière rompre la répression et développer de la confiance, et se voir entrainées dans la tâche décisive de la construction d’organisations indépendantes de classe.
La pression de la classe ouvrière et de la crise économique et sociale est reflétée dans les vifs débats internes au sein du régime concernant la succession au Président Moubarak. Certaines sections du régime au pouvoir, et en particulier ceux qui représentent l’armée et la bureaucratie étatique, ne veulent pas voir Gamal Moubarak prendre le pouvoir. Les divisions du régime donnent confiance aux masses égyptiennes pour avancer pour plus de droits démocratiques. Les Frères musulmans cherchent à être les principaux bénéficiaires de ce processus, mais ils se sont opposés à la plupart des grèves de ces dernières années. En réalité, ces dirigeants servent de soupape de sécurité à l’establishment au pouvoir ; cela a mené à des divisions parmi les couches de ce mouvement qui sont basées sur des classes moyennes plus radicales.
En l’absence d’organisations de classe de masse, de larges couches de la population égyptienne regardent en direction de Mohamed El Baradei et de son Association nationale pour le changement. El Baradei est considéré comme un étranger par le régime , qui a bloqué sa candidature aux élections présidentielles de 2011. En réponse, El Baradei s’est appuyé sur le mécontentement populaire. Il a appelé à des réformes, afin d’“éviter une révolution des affamés”. Il a lancé une campagne de boycott des élections, liée à des revendications démocratiques, qui bénéficie d’un large soutien parmi de nombreuses couches de la société. Ceci souligne l’importance vitale de revendications démocratiques transitionnelles, liées à la transformation socialiste de la société, en Égypte et dans les autres pays de la région.
El Baradei est une figure quelque peu accidentelle, et il reste à voir quel cours il va suivre sous la pression des événements. Mais il est certain que l’Égypte est entrée dans une nouvelle étape d’une importance cruciale pour la lutte de classe dans la région. Le régime est de plus en plus divisé et perd beaucoup de son soutien traditionnel parmi les basses couches professionnelles et au sein de la bureaucratie d’État. À la suite de la vague d’actions industrielles, les élections présidentielles de 2011 pourraient devenir le point de ralliement de l’opposition au régime, avec des conséquences potentiellement explosives. Tout comme en Iran en 2009, la tentative de truquer les élections et la répression étatique pourraient être le catalyseur de luttes de masse qui vont rapidement se développer dans des tentatives de renverser le régime.
Tous les régimes despotiques et autoritaires de la région craignent à juste titre les mouvements d’opposition de masse qui pourraient se développer en Iran, en Égypte et aillleurs, et qui constitueraient une source d’inspiration pour leurs populations opprimées. Toutefois, à moins que la classe ouvrière ne prenne la direction de tels mouvements, avec un programme de classe indépendant, l’opposition de masse peut emprunter des canaux différents. Sans une direction socialiste, les insurrections des populations opprimés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord peuvent prendre la forme d’actes de désespoir, comme des émeutes de la faim ou le pillage.
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10e Congrès Mondial du CIO : Croissance précaire et crise en Amérique Latine
La fin du siècle dernier et le début de celui-ci ont connu des mouvements et des luttes majeurs contre le néolibéralisme à travers toute l’Amérique Latine. Lors du Congrès Mondial du CIO de décembre dernier, une commission spéciale a été consacrée à l’Amérique Latine et s’est concentrée sur les problèmes d’ampleur et fondamentaux auxquels sont confrontées la classe ouvrière et les masses de ce continent. En attendant la résolution consacrée à l’Amérique Latine, voici un rapport de la discussion qui a pris place.
Rapport de la discussion
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10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) s’est déroulé en décembre en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela.
Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.
Nous allons publier sur ce site différents textes et résolutions concernant ce Congrès.
- Rapport de la discussion sur les relations mondiales
- Résolution sur L’Europe (1)
- Résolution sur L’Europe (2)
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L’arrivée au pouvoir du régime de Chavez au Venezuela et la lutte explosive de la classe ouvrière pour contrer la tentative de coup d’État en 2002, la révolte massive en Argentine en 2001, la guerre de l’eau et la guerre du gaz en Bolivie, ainsi que l’élection dans ce pays de son tout premier Président indigène, Evo Morales, mais aussi le renversement de trois Présidents en Équateur et l’élection de toute une série de gouvernements qui s’opposent au néolibéralisme, voilà des événements dont l’impact a largement dépassé le cadre de l’Amérique Latine et a touché le monde entier.
La croissance économique en Amérique Latine entre 2003 et 2008, de 5,5% en moyenne, a “interrompu” la lutte contre le néolibéralisme dans de nombreux pays. Toutefois, la crise économique mondiale qui a débuté en 2008 a temporairement tranché à travers cette période de croissance exceptionnelle, et le PIB a décru de 1,9% en Amérique Latine et aux Antilles. Le chômage s’est accru de 3 millions de personnes dans la région. Les plans de relance et l’intervention des gouvernements sous la forme de crédits à bas taux ont aidé à éviter une récession prolongée et on prévoit de la croissance pour 2010. La dépendance croissante par rapport à la Chine a eu un impact profond. Tandis que les exportations de l’Amérique Latine ont chuté de 22,6% en 2009. On estime qu’elles vont maintenant croitre de 21,4% en 2010, surtout grâce à l’augmentation des ventes à l’Asie et à la Chine.
La situation économique n’est pas uniforme à travers toute l’Amérique Latine. Le Mexique et les pays d’Amérique Centrale comme El Salvador, le Honduras, le Nicaragua et le Costa Rica sont ceux qui ont le plus souffert de la crise mondiale, tout comme le Venezuela, qui a été gravement affecté par la chute des prix du pétrole.
La nouvelle dépendance par rapport à la Chine
La relation économique avec la Chine et la hausse des prix des matières premières ont aidé la région à sortir de la récession, mais cela ne s’est pas fait sans en payer le prix. En 2000, les échanges commerciaux entre l’Amérique Latine et la Chine étaient d’une valeur de 10 milliards de dollars par an. Aujourd’hui, la valeur de ces échanges est de 100 milliards de dollars par an ; on a donc assisté au décuplement de ce commerce. On estime que d’ici quelques années, la Chine va dépasser l’Union Européenne en tant que second partenaire commercial de l’Amérique Latine. Mais cette relation s’avérera au final nocive pour les masses du continent. Le commerce est concentré sur la vente de matières premières à la Chine qui, à son tour, exporte des produits industriels finis. Par conséquent, l’accroissement du commerce avec la Chine mène petit à petit à une désindustrialisation en Amérique latine et renforce sa dépendance à l’exploitation de matières premières.
Contrairement aux discours de certains gouvernements, ceci ne représentent pas un grand pas en avant pour l’Amérique Latine. La relation avec la Chine n’est pas progressive, et cette période ne sera pas comme celle des années ’30, période durant laquelle de nombreux pays sont sortis renforcés par la hausse de leur industrialisation. C’est tout à fait le contraire qui est maintenant en train de se produire.
En 1999, les matières premières représentaient 26,7% du total des ventes de l’Amérique Latine, mais ce chiffre s’est accru jusqu’à 38%. Par exemple, le Brésil fournit 45% de l’ensemble du soja qui est importé par la Chine. Au cours des quatre premiers mois de 2009, les exportations du Brésil vers les États-Unis ont chuté de 37,8%, tandis que celles en direction de la Chine ont crû de 62,7%. Cette relation économique croissante avec la Chine a aidé à “protéger” la majorité de la région contre les pires conséquences de la crise internationale.
Le Mexique a connu une chute de 6,5% de son PIB en 2009, et est plongé dans une crise sociale majeure, avec une véritable guerre civile entre les trafiquants de drogue et le gouvernement qui a perdu son contrôle sur plusieurs régions. Au cours des quatre dernières années, 28.000 personnes ont perdu la vie au cours de cette “guerre”, avec 10.000 morts rien qu’en 2010! Quatorze maires et préfets ont été assassinés par les narcotrafiquants, et une corruption rampante impliquant la police a gravement limité la capacité de l’État à faire face à cette crise majeure.
Crise au Venezuela
Le Venezuela est en récession, on y prévoit une chute du PIB de 3% cette année. Reflétant une chute du soutien à Chavez et à son gouvernement lors des élections à l’Assemblée nationale, les “Chavistas” ont obtenu une majorité des députés mais pas des voix. Chavez n’a plus la majorité des deux tiers à l’Assemblée, qui lui permet de faire passer les législations importantes, et la droite dispose maintenant d’une importante tribune parlementaire. Si les forces capitalistes de droite parviennent à présenter une candidature unie, il serait alors possible que Hugo Chavez connaisse une défaite lors des élections présidentielles de 2012. Cependant, à l’heure actuelle, l’alliance de la droite est précaire et il lui manque un candidat crédible. Par conséquent, le plus probable reste la réelection de Chavez.
La baisse de son soutien et la récession ont poussé Chavez à adopter un langage “plus radical”. Il a introduit plus de nationalisations – bien que sur une base capitaliste – et parle de plus en plus de socialisme ; mais cela ne se reflète pas dans la politique du gouvernement. Il y a une tendance de plus en plus prononcée vers la bureaucratisation et la corruption, et il y a un renforcement des forces qui cherchent un compromis avec la droite et avec la classe dirigeante au sein du mouvement chavista. Sur le court terme, le régime pourrait continuer à zigzaguer d’une politique de gauche à une politique de droite et vice-versa, afin de maintenir sa position et sa base de soutien.
L’économie est dépendante du pétrole pour 90% de son revenu, et Chavez a tenté de rompre la dépendance du Venezuela par rapport aux exportations vers les États-Unis (75% des exportations de pétrole du Venezuela vont aux États-Unis, 15% vont vers la Chine). Le prix record du pétrole qu’on a connu les années passées a été la base de la stratégie des réformes de Chavez, qu’il a dénommée le “socialisme du 21ème siècle”. La chute des prix du pétrole et la récession ont coupé court à cette stratégie, qui a été remplacée par un programme de coupes dans les budgets sociaux à hauteur de 30% des dépenses, ce qui a eu un impact profond sur l’éducation et les soins de santé. 65% de tous les produits consommés sont importés, ce qui reflète l’échec persistant à industrialiser le pays. Jusqu’à 25% de l’économie a été nationalisée sur une base capitaliste, mais à cause de la bureaucratie, la plupart de ces entreprises ont fait faillite ou ont un impact négatif sur l’économie. Des accords sont en train d’être négociés avec des capitaux privés afin de transformer certaines de ces entreprises en partenariats publics-privés, au détriment des conditions pour le personnel !
Au cours des deux dernières années, il y a eu une importante hausse de la lutte, avec 6000 grèves et actions de protestation différentes. Ceci est un important développement puisque, jusqu’à présent, la lutte de la classe ouvrière restait en général “à l’ombre” du régime. Mais maintenant, on voit de plus en plus d’indépendance parmi certains secteurs. Chavez subit des pressions provenant de trois côtés différents : la pression internationale des forces étrangères qui s’opposent à son gouvernement, la pression des forces bourgeoises de droite au Venezuela, mais surtout, la pression croissante de la part de la classe ouvrière.
Il y a eu une hausse de la répression des groupes politiques qui critiquent Chavez. Les grèves ont été interdites dans le secteur de l’alimentation : on a dit aux travailleurs que le fait de partir en grève serait considéré comme un acte de trahison ! Cependant, malgré les méthodes réformistes, la bureaucratie grandissante et la répression de la part du gouvernement, le régime Chavez sont toujours perçues par beaucoup de travailleurs et de pauvres comme étant un obstacle au retour de la droite au pouvoir, ce qui amènerait une situation véritablement désastreuse pour eux.
En Bolivie, le gouvernement du MAS d’Évo Morales a remporté de très larges majorités lors des élections qui se sont déroulées en 2009 et en avril 2010. Le soutien de 64% à Morales est un reflet du désir des masses boliviennes de défaire les forces capitalistes droitières qui aimeraient renverser la roue de l’Histoire et retourner à la période d’avant Morales. Même Salvador Allende n’a jamais obtenu un tel niveau de soutien au Chili. Toutefois, le MAS et Morales n’ont pas utilisé ces victoires pour renforcer le développement du socialisme. Au lieu de ça, le gouvernement a continué à choyer les multinationales dans les régions minières et gazières, et s’est opposé aux mineurs et aux enseignants en grève.
Les camarades ont également bien illustré la crise et le vide politiques qui existent en Argentine, et qui ont été approfondi depuis la mort d’Ernesto Kirchner, et aussi par le rôle de la bureaucratie syndicale qui freine la classe ouvrière. Les travailleurs ont bien souvent toujours l’idée de Peron dans leur conscience, mais n’ont pas trouvé qu’aucun des récents gouvernements péronistes étaient véritablement “péronistes”. Il y a de plus en plus de soutien pour l’idée d’un nouveau parti des travailleurs.
Lors du Congrès, les camarades ont aussi discuté de la manière de faire face aux énormes illusions qui existent dans les gouvernements “de gauche” en Amérique latine, comme celui de Morales en Bolivie, qui sont arrivés au pouvoir en tant que représentants de mouvements révolutionnaires de masse des travailleurs et des pauvres, mais n’ont pas rompu de manière décisive avec le capitalisme, et ont maintenu intacts l’État et l’économie capitalistes. Ces gouvernements mettent maintenant en danger les acquis de ces processus révolutionnaires. La construction de mouvements de masse organisés de manière indépendante par les travailleurs, qui puissent exiger que ces mouvements révolutionnaires aillent jusqu’au bout – jusqu’au socialisme international – et se préparent à jouer un rôle décisif dans le développement de la révolution en Amérique latine, est un pas nécessaire et crucial qui reste à réaliser.
Des événements tragique ont commencé à Cuba, avec la décision de la part du Parti communiste cubain d’introduire d’importantes coupes dans les dépenses publiques, ce qui aura pour conséquence le licenciement d’un million de travailleurs du secteur public. La première vague de 500 000 licenciements est prévue pour mars 2011. Ces plans vont mener au renvoi de 20% des travailleurs cubains ! Le gouvernement de Raul Castro a décidé d’“encourager” ces travailleurs à démarrer leur propre entreprise et à devenir indépendants. Des sections entières de la bureaucratie cubaine sont en faveur d’une restauration du capitalisme à Cuba, tandis que d’autres s’y opposent ou hésitent. Les tentatives de faire emprunter à Cuba le même chemin que la Chine ne se dérouleront pas de manière simple ni linéaire. Cuba n’est pas la Chine, et les tentatives d’encourager les petites entreprises et, potentiellement, d’importantes privatisations capitalistes, sont compliquées par la crise économique mondiale et par les capitalistes cubains exilés à Miami et qui attendent la moindre opportunité pour revenir réclamer leurs propriétés qui leur ont soi-disant été volées. Un document de 32 pages a été publié par le Parti communiste afin de clarifier les procédures de développement du marché, de la légalisation des petites entreprises dans 118 zones et concernant le droit à acheter, vendre ou louer leur maison.
Le Parti communiste cubain a perdu sa base de soutien parmi la jeune génération à cause du rôle de la bureaucratie, et il s’est engagé dans une manœuvre extrêmement ardue. Le CIO est convaincu que l’avenir de Cuba ne se trouve pas dans la restauration du marché capitaliste avec toutes ses déficiences, ni dans la continuation du status quo sous la direction du Parti communiste.
Au lieu de cela, la classe ouvrière cubaine doit engager la lutte pour une véritable démocratie ouvrière, de sorte que l’économie planifiée cubaine soit placée sous le contrôle de la classe ouvrière et que pour une fois, le socialisme véritable puisse prospérer et devenir un point de ralliement pour les masses en lutte à travers toute l’Amérique Latine, les Antilles et le reste du monde.
Le Brésil et le Mexique sont les deux pays les plus développés de la région. Les multinationales brésiliennes sont en train de développer d’importants investissements dans les autres pays d’Amérique Latine, et le Brésil joue un rôle de puissance impérialiste régionale, avec Lula qui se présente comme le pompier du capitalisme qui tente d’empêcher le positionnement encore plus à gauche de pays tels que le Venezuela ou la Bolivie. Sur les 500 plus grandes entreprises opérant en Amérique Latine, 226 sont brésiliennes. Petrobras compte pour 17% du PIB bolivien. Les élections fédérales de 2010 ont vu la victoire de Dilma, le candidat soutenu par Lula, qui a remporté la majorité à la Chambre comme au Sénat. Les camarades du Brésil ont expliqué comment la vague de “lulaïsme” actuelle s’est développée et s’est maintenue sur base de la conjoncture économique actuelle et des réformes limitées qui ont été mises en place. Par exemple, 3 millions de jeunes en plus ont maintenant rejoint l’université. Cela ne va pas durer indéfiniment, et pourrait mener à une crise majeure. D’un autre côté, il y a une polarisation sociale croissante au Brésil. Il y a cinq millions de chômeurs et afin de d’éviter la crise économique, Lula a instauré un plan de relance de 300 milliards de réals (135 milliards €). La société brésilienne est aussi touchée par la malédiction de la drogue et de la dégradation sociale. Il y a eu une tentative par l’État de militariser les bidonvilles. La police a occupé certains bidonvilles, et les morts de personne du peuple au cours de la “guerre contre la drogue” ne sont pas rapportées dans les médias. Seul 1% des habitants de ces bidonvilles sont liés au trafic de drogue ; 90% des habitants des bidonvilles sont noirs.
Lula va pouvoir se représenter aux élections présidentielles de 2014, et en attendant, il espère que son allié Dilma va pouvoir maintenir sa base de soutien. Afin de construire une alternative au PT et à Lula/Dilma, le CIO au Brésil continue à lutter pour construire un soutien au sein du PSOL et pour mettre un terme à son virage vers la droite.
Le Congrès mondial du CIO a représenté un pas en avant pour les forces du marxisme en Amérique Latine, avec la reconnaissance de deux nouvelles sections au Venezuela et en Bolivie, et pour la première fois, la participation de camarades d’Argentine.
Il est essentiel que de véritables partis de la classe ouvrière soient construits en Amérique Latine afin de contribuer à la construction et à la direction des courageuses luttes des masses du continent dans la direction de la transformation socialiste, seule solution pour débarrasser cette région de la malédiction du capitalisme.
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10e Congrès mondial du CIO : Résolution sur L’Europe (2)
Des millions de gens participant aux grèves générales et aux manifestations; des gouvernements extrêmement impopulaires, parfois haïs – la classe ouvrière et la jeunesse européennes sont en train de faire leur grand retour dans l’arène de la lutte.
Ce document sur l’Europe est une des résolutions du 10ème Congrès mondial du CIO. Des documents ont été publiés en anglais à propos des relations mondiales, de l’Europe, de l’Amérique latine, du Moyen-Orient, de l’Asie, de la Russie et Europe de l’Est, et sur la situation en Afrique.
10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière
Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) s’est déroulé en décembre en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela.
Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.
Nous allons publier sur ce site différents textes et résolutions concernant ce Congrès.
La résistance à l’offensive patronale
Un symptôme du caractère fondamental de cette crise économique est que les attaques et les coupes budgétaires dans de nombreux pays ne touchent pas seulement la classe ouvrière et la jeunesse, mais aussi des couches larges de la classe moyenne. Pour la première fois depuis les années ’30, des coupes salariales ont été mises en œuvre dans la plupart des pays européens par des coupes directes, comme en Irlande et en Grèce, ou par la réduction du temps de travail avec une perte de salaire ou une combinaison des deux. Ces attaques ne sont pas seulement mises en œuvre parce que la production économique a chuté, parce que l’État s’endette ou parce que la classe dirigeante désire mainenir ses profits et minimiser leur taxation. Sous couvert de la crise, la classe dirigeante poursuit son offensive dans le but de forcer son agenda néolibéral, qui vise à affaiblir la classe ouvrière, diminuer le cout de la main d’œuvre et drastiquement réduire les budgets sociaux. Ainsi, dans de nombreux pays, ce sont les couches les plus faibles et les plus pauvres de la population qui sont les plus touchées.
Les espoirs de beaucoup de gens sont brisés par les licenciements, par les coupes dans les services publics et, dans certains pays, par le fardeau de la dette qui a été contractée lors de la période de “croissance” pour pouvoir financer l’immobilier ou les dépenses au jour le jour. De plus en plus, la jeunesse européenne, qui subit à présent un chômage de masse comme on n’en voit qu’en période de dépression, ne parvient pas à voir un avenir stable. Au lieu de ça, elle est confrontée à la perspective d’un mix d’emplois temporaires, de chômage, de hausse du cout de l’éducation et du niveau d’endettement. Cette crise affecte les pays de manière différentes. Certains pays comme la Grèce, le Portugal ou de nombreux pays d’Europe de l’Est sont confrontés à des crises fondamentales ; leurs perspectives sous le capitalisme sont très limitées. Dans ces pays, ou dans d’autres tels que l’Irlande, certaines des couches les plus énergiques pourraient émigrer dans l’espoir de trouver une issue. Mais de nombreux jeunes vont vouloir riposter. D’importantes couches de jeunes, y compris provenant des banlieues, ont rejoint la lutte de l’automne 2010 en France, montrant le potentiel pour les attirer dans la lutte de classe. Certains gouvernements commencent à se préparer à une forte résistance de la part de la jeunesse et de la classe ouvrière avec des tendances vers des méthodes plus autoritaires et plus répressives contre les manifestations tout comme contre les luttes des travailleurs, comme on l’a vu avec l’utilisation de mesures d’urgence par Sarkozy contre les travailleurs des raffineries pétrolières, ou avec la militarisation des aéroports par le gouvernement PSOE en Espagne contre la grève des contrôleurs aériens.
Ces dernières années ont connu des revirements soudains dans la conscience. Au fur et à mesure que la crise se développait en 2007, 2008 et 2009, il y a d’abord eu une crainte d’un retour aux années ’30 et, dans certains pays, il y a eu des éléments d’un effet d’étourdissement au moment de la hausse du chômage, ce qui s’est reflété dans l’acceptation des coupes salariales par certains travailleurs. En même temps, il y a eu une vague de colère, surtout envers les banques, avec des manifestations centrées sur le slogan “Ce n’est pas à nous de payer votre crise”. Toutefois, la première vague de protestation, dépourvue d’une perspective socialiste, s’est dans une certaine mesure dissipée dans certains pays, avec les espoirs que les plans de relance des gouvernements pourraient d’une certaine façon permettre d’éviter le désastre. Maintenant, il y a de nouveau des peurs et de la colère, surtout envers les banquiers, au fur et à mesure que les impacts à long terme de la crise en terme de niveau de vie et de perspectives deviennent plus clairs. Cela crée les conditions pour des bonds dans la conscience là où les idées du socialisme vont commencer à revivre au sein du mouvement ouvrier, et les socialistes vont être capables d’obtenir une plus large réception pour leurs idées et leurs propositions.
Mais, comme l’ont à nouveau montré les dernières années, la lutte de classe et les actions de protestation ne suivent pas une ligne droite. Il peut y avoir temporairement le sentiment d’être totalement emporté par la crise et qu’on ne peut rien faire. De tels sentiments vont passer, mais les luttes elles-mêmes ont un rythme d’avancées, de pauses, et de réflexion avant de reprendre, peut-être sous une forme nouvelle.
Déjà depuis 2007, il y a eu une forte réaction et le début d’une résistance à la crise, et la tentative toute naturelle de la part des capitalistes de se décharger de ses couts. Comme le CIO l’a déjà expliqué auparavant, s’il y avait eu des partis socio-démocrate ou staliniens forts, malgré leur réformisme, du type qui existait encore il y a trente ans, alors cette crise aurait très rapidement provoqué une remise en question du capitalisme lui-même, et la croissance d’une conscience socialiste parmi une large couche de la classe ouvrière. Mais ce qui a – jusqu’à présent – sauvé le capitalisme, c’est la faiblesse politique de la classe ouvrière, ce qui est le résultat de la chute de la conscience de classe des dernières décennies, qui a fait en sorte qu’il n’y a pas eu de vision du socialisme en tant qu’alternative au capitalisme.
Les syndicats et la crise
Le manque d’une alternative n’a pas été seulement la conséquence de la dégénérescence et de la transformation des vieux partis réformistes. Cela fait maintenant de nombreuses années que la grande majorité des dirigeants syndicaux cherchent à empêcher les syndicats de jouer un rôle politique, et en particulier de remettre en question le capitalisme, malgré les racines et les objectifs socialistes de nombre d’entre eux. Les dernières décennies ont vu un renouvellement de l’intégration d’une grande partie des sommets syndicaux dans la société bourgeoise, entremêlés à l’État ou à la direction d’entreprises. Ceci a laissé nombre d’entre eux complètement incapable de donner la moindre forme de réponse combative à cette crise.
Certains dirigeants syndicaux, comme en Irlande, ont même fini par accepter les arguments de la classe dirigeante et sont d’accord avec les coupes salariales. Mais à cause des racines des syndicats, ils peuvent toujours subir une certaine pression et se voir forcer à faire au moins quelques grimaces, comme lorsque l’OGB en Autriche a dû annuler son accueil initialement favorable au budget du gouvernement pour 2011. Mais les éléments pro-capitalistes cherchent toujours à limiter la lutte, comme par exemple les dirigeants du sud de l’Europe qui veulent s’assurer que les grèves de 24h ne resteront qu’une soupape pour évacuer la colère plutôt que des actions de mobilisation à la lutte. La DGB allemande a été forcée d’organiser des “semaines d’action”, mais a tout fait pour que ces actions ne soient pas le début d’une campagne sérieuse, ce qu’elle n’a pu faire que parce que la croissance économique de 2010 a diminué la pression sur eux. Au Royaume-Uni, la TUC a fait trainer aussi longtemps que possible l’appel à une manifestation nationale, et puis a cherché à la lier à la campagne électorale du Labour Party.
C’est pourquoi les socialistes participent à la lutte pour transformer les syndicats en organisations de combat, s’efforcent d’aider à construire une base active qui puisse mettre la pression sur les dirigeants existants, qui puisse être le point de départ d’une future direction combative et, là où c’est nécessaire, prendre des initiatives par elle-même. La bureaucratisation des syndicats, l’intégration de nombreux dirigeants dans le capitalisme, et les restrictions légales préparent aussi la voie à l’éruption de mouvements spontanés. Toutefois la France, et d’autres pays comme le Portugal et l’Espagne, illustre à quel point la pression de la base peut forcer même les plus droitiers des dirigeants syndicaux à organiser des actions, même minimes, bien que la question reste posée quant à savoir jusqu’où ils seront prêts à aller. Une telle pression peut aussi produire une polarisation au sein des syndicats, ce qui peut donner naissance à de nouvelles directions, voire à des scissions. Ainsi, il faut noter que lors des récentes luttes en France, le syndicat de gauche Sud, créé en 1988, et la CGT, qui est la plus vieille et la plus large centrale syndicale en France, ont clairement été les plus visibles au cours de toutes ces actions.
Le déclin du taux d’adhésion aux syndicats dans la plupart des pays a pour conséquence que des organes spéciaux, comme des assemblées ou des comités d’usine ou comités d’action, doivent être créés afin d’impliquer à la fois les travailleurs syndiqués et non-syndiqués dans la préparation et l’organisation des luttes. Mais, comme la France l’a montré tout récemment, les luttes nationales, surtout contre le gouvernement, doivent être coordonnées et avoir une stratégie claire, y compris lorsqu’elles se développent spontanément à partir de la base. Cela pose à son tour la question de qui, politiquement parlant, guide cette lutte. Que ce soit de manière formelle ou non, la plupart des dirigeants syndicaux actuels sont membres de l’un ou l’autre “parti de collaboration de classe” ; il faut les remplacer par des membres d’un “parti de lutte des classes”, dont les plus conscients seront les marxistes.
Dans de nombreux pays, la classe dirigeante a décrété de nouvelles lois qui limitent les droits des syndicats et l’impact des actions de grève, comme les règles incroyablement compliquées du vote pour la grève qu’on a au Royaume-Uni, ou la loi de Sarkozy pour forcer le maintien d’un soi-disant “service minimum” pendant les grèves. D’autres mesures antisyndicales pourraient être introduites au cours du processus qui tend à ce que les gouvernements se dotent de nouveaux pouvoirs plus autoritaires, dans une tentative de contrer de futurs mouvements et luttes. Mais de telles lois de classe ne peuvent avoir un effet que tant que les travailleurs ne ressentent pas la nécessité de les défier et n’ont pas la confiance de le faire.
La grève générale à nouveau à l’ordre du jour
Comme l’Irlande l’a montré, les dirigeants syndicaux peuvent retarder mais pas empêcher indéfiniment les travailleurs de se mettre en action. Ceci a déjà été démontré par la manière par laquelle la question de la grève générale est revenue à l’ordre du jour, malgré les tentatives de nombreux dirigeants syndicaux d’éviter ce débat. Des grèves générales ont déjà eu lieu dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, et en Allemagne, la question du droit à appeler à la grève générale est parfois soulevée par Lafontaine et par les éléments les plus à gauche de Die Linke. Il est important de constater qu’en Espagne et au Portugal, les dirigeants syndicaux ont été forcés à appeler à une journée de grève générale par la pression de la base, et en Italie l’appel à une grève générale a été extrêmement populaire lors de la manifestation de la Fiom à Rome en octobre.
Pour les marxistes, des grèves générales de un jour, deux jours ou trois jours sont une arme importante afin d’unifier la classe ouvrière et les autres couches opprimées, de donner de la confiance pour la construction de manifestations puissantes, et pour menacer la classe dirigeante, mais elles doivent faire partie d’une stratégie de construction du mouvement, et non pas en tant qu’actions purement symbolique pour laisser s’échapper la colère. Autrement, elles pourraient être utilisées pour épuiser les travailleurs plutôt que pour les mobiliser.
Le développement de la lutte peut poser la question de la grève générale illimitée, ce qui pourrait même se développer de manière spontanée en une situation similaire à celle de la France de 1936 ou de 1968. Il est clair que la classe dirigeante, tout comme la plupart des dirigeants syndicaux actuels, tenteraient alors de conclure un accord pour briser le mouvement. Même si une telle grève générale ne commençait qu’en tant qu’action de protestation, au plus elle se poursuivrait, au plus elle se mettrait à défier le gouvernement et poser la question de qui contrôle le pays. Ceci, comme la France de 1968 l’a montré, pose carrément à l’ordre du jour la question du programme concret et des premiers actes que le mouvement ouvrier doit accomplir afin de renverser le capitalisme.
En ce moment, même là où il y a des partis qui parlent de socialisme ou de lutte au moins en parole, cela a été combiné à une approche réformiste au jour le jour et, dans le cas du KKE grec, avec un sectarisme qui a contribué à empêcher le développement de luttes unies. Ces partis pourraient, comme Die Linke le fait dans son projet de programme, parler de “socialisme”, mais en réalité ils n’ont pas présenté le socialisme comme étant l’alternative à la misère croissante engendrée par le capitalisme. En France, le NPA, tout en émettant de temps à autre l’une ou l’autre déclaration à l’air radical, ne s’est même pas révélé être à la hauteur de son nom et, dans ses activité au jour le jour, ne parle même pas de la nécessité de renverser le capitalisme lui-même.
Cette situation, d’une opposition puissante face à des attaques brutales, mais sans une direction claire peut, en l’absence d’une solide force marxiste, facilement mener à la croissance d’idées confuses. Dans les cas d’extrême désespoir, les couches frustrées, et en particulier la jeunesse, peuvent commencer à entreprendre des actes de terrorisme, quelque chose qui a refait surface en Grèce.
L’extrême-droite, l’immigration et le nationalisme
La combinaison de l’absence d’une alternative ouvrière forte, en plus de l’immigration à large échelle dans certains pays, a donné des opportunités dans différents pays pour tout un mélange de forces populistes, nationalistes, semi-fascistes et d’extrême-droite. En général, ces forces se basent sur l’hostilité envers “l’élite”, sur l’incertitude croissante quant au futur qui est causée par le néolibéralisme et par la crise, tout en agitant la peur de l’immigration et le nationalisme.
Dans certains cas, comme en Autriche, en Hongrie et aux Pays-Bas, ces forces ont établi un soutien électoral important mais instable – depuis déjà plusieurs années maintenant dans le cas du FPÖ autrichien –, et en Belgique et en France, il est possible qu’il y ait une résurgence du VB et du FN. Après avoir vu les immenses problèmes qui ont atteint le FPÖ après qu’Haider ait accepté de rejoindre le gouvernement en 2000, ces forces sont, à ce stade, plus prudente quant à leur éventuelle entrée au gouvernement. Le PVV de Wilders au Pays-Bas tente d’éviter ce danger en soutenant mais sans rejoindre le nouveau gouvernement de minorité VVD et CDA. Jobbik en Hongrie, qui a remporté près de 17% lors des dernières élections, cherche aussi à rester en-dehors du gouvernement, au moins pour l’instant. La récente hausse des voix pour Chrysi Augi en Grèce est un symptôme de la polarisation qu’apporte une crise sociale, et un avertissement de la manière dont la déception vis-à-vis des gouvernements, le nationalisme et l’absence d’une alternative socialiste claire peuvent ouvrir la voie à l’extrême-droite. D’un autre côté, les succès engendrés par l’extrême-droite peuvent engendrer de puissants contre-mouvements, comme cela s’est produit en Suède depuis que les Démocrates sont parvenus à entrer au Parlement. Mais comme l’a montré l’Autriche, bien que ces contre-mouvements sont capables de mobiliser certaines couches, sans un programme qui prenne à bras le corps les problèmes qu’exploite l’extrême-droite pour se faire valoir, ils ne vont pas forcément parvenir à saper leur soutien.
Dans beaucoup de pays, ce n’est pas seulement l’extrême-droite, mais aussi des partis gouvernementaux qui utilisent les communautés immigrées en tant que bouc-émissaires responsables des problèmes sociaux et économiques. Parfois, cela est maquillé sous l’histoire du “choc des cultures”, surtout envers l’islam. En même temps, le fait que des immigrés soient exclus de la société et souvent les premières victimes des coupes budgétaires peut donner aux forces réactionnaires et fondamentalistes l’occasion rêvée pour faire des percées parmi ces couches qui sont les plus opprimées de la classe ouvrière. Certains partis traditionnels bourgeois tentent de copier au moins une partie du programme des partis d’extrême-droite. Cela a été évident au Danmark, où autant les gouvernements socio-démocrates que les gouvernements conservateurs ont adopté la politique du Parti du peuple danois (DPP), organisation raciste. Même le Parti socialiste du peuple a coopéré avec le DPP et a utilisé une propagande islamophobe. Un autre danger qui suit la hausse des voix pour l’extrême-droite est la montée de la violence et des activités néo-nazies.
L’immigration est devenue un enjeu encore plus puissant en cette période de crise sociale et économique. Déjà avant que la crise ne frappe, l’immigration en provenance des nouveaux États membres européens et d’en-dehors de l’Europe était un gros problème dans beaucoup de pays. À part l’Allemagne, la plupart des grands pays européens ont récemment connu de fortes hausses de population. L’Espagne a connu la plus forte hausse, passant de 39 803 000 habitants en 1999 à 45 989 000 à l’heure actuelle. Cette immigration a été encouragée par les patrons qui cherchent une main d’œuvre bon marché, mais ce système capitaliste anarchique est incapable de résoudre les problèmes sociaux découlant des pressions sur le logement, les services publics, etc. Le fait que la population allemande a commencé à décliner n’a pas mis un terme au débat qui a commencé avec la publication du livre de Sarrazin sur l’intégration et la non-intégration des immigrés en Allemagne, surtout des communautés musulmanes. Ce sont là des enjeux auxquels il faut répondre d’une manière qui défende les communautés immigrées contre les attaques, tout en préparant aussi le terrain pour une lutte commune, en répondant aux craintes et aux questionnements de tous les travailleurs. Sans une stratégie claire de comment construire une action unie des travailleurs contre les coupes salariales et les pertes d’emplois, l’ouverture en mai 2011 du marché du travail européen aux citoyens de l’ensemble des nouveaux pays adhérents ne pourra qu’alimenter encore plus l’hostilité envers les travailleurs immigrés.
L’Europe-Forteresse contre les immigrés et les réfugiés est une des caractéristiques-clés de l’Union européenne. Un véritable mur a été construit en Afrique du Nord, et d’ignobles camps de réfugiés ont été construits dans des pays frontaliers tels que la Lybie. Une force militaire, la Frontex, disposant d’avions, d’hélicoptères et de vaisseaux a été constituée. Les demandeurs d’asile qui finissent par arriver en Europe sont considérés comme des criminels et sont exploités en tant que main d’œuvre hyper-bon marché ne disposant d’aucun droit.
La tentative de Sarkozy de faire dévier la lutte contre sa réforme des pensions en attaquant les communautés roms n’était qu’une manœuvre flagrante de “diviser pour régner”, qui a totalement échoué. Mais il faudra encore s’attendre à ce genre de tactiques, généralement accompagnées de nationalisme. Les premières attaques de la bourgeoisie internationale sur les travailleurs grecs ont été une tentative de mettre la population grecque sous pression et d’empêcher une réponse internationale. Il est clair que des sections entières de la bourgeoisie ont tenté de faire la même chose par rapport à la lutte des travailleurs français qui voulaient empêcher la hausse de l’âge de la retraite au-delà de 60 ans. Tout comme en Grèce, il y a eu une tentative délibérée de semer de la désinformation, mais il a rapidement été clair qu’il y avait une immense solidarité avec la lutte des Français ; de fait, de nombreux travailleurs voulaient voir la France devenir un exemple de comment vaincre les mesures d’austérité, et dans certains pays comme la Belgique, les travailleurs ont organisé des actions de solidarité. Les manifestations du 29 septembre de la Confédération syndicale européenne était un premier pas dans la bonne direction, mais bien évidemment les dirigeants syndicaux n’ont rien fait pour construire quoi que ce soit sur base de ces actions. Le CIO a déjà joué un rôle important dans la formulation de revendications claires, qui puissent être utilisées afin d’organiser une riposte sur le plan européen, dans laquelle nous pourrions agiter en faveur d’une fédération socialiste démocratique européenne, sur base volontaire et équitable, en tant qu’alternative à l’UE capitaliste.
Dans beaucoup de pays, les questions nationales ont refait surface, ou sont en train de refaire surface, ce qui amène à des tensions. Au Pays basque, la solution nord-irlandaise est présentée comme un exemple à suivre pour l’ETA, bien qu’elle n’ait nullement résolu le problème, et qu’elle permis la croissance des forces sectaires opposées au “processus de paix”. Tandis qu’en Belgique, le récent succès électorale de la NVA a soulevé le spectre de la possibilité d’un nouveau tour de crise nationale dans ce pays. Dans les Balkans, il y a encore des questions non-résolues que ce soit en Bosnie-Herzégovine ou au Kosovo, en plus de la dispute entre la Grèce et la Macédoine. La Grèce est aussi impliquée dans des querelles avec la Turquie en Chypre, dans la mer Égée et concernant la division de l’espace aérien.
En Europe centrale et orientale, il y a toute une série de questions nationales non-résolues, de frontières mal définies et de droits nationaux pour les minorités. Un exemple de la manière dont ces tensions pourraient se développer au sein de l’Union européenne est la colère des voisins de la Hongrie provoquée par la décision de cette dernière d’accorder la citoyenneté hongroise à toutes les personnes d’origine hongroise vivant en-dehors de ses frontières actuelles, et qui lui ont été imposées en 1919 par les vainqueurs de la Première Guerre mondiale.
Les limites du réformisme
Le mouvement ouvrier ne peut pas ignorer ces questions qui peuvent revenir encore plus à l’avant-plan si elle ne montre pas une issue socialiste générale à cette crise.
Illustrant les différentes situations objectives, la conscience dans les différents pays d’Europe est plus différentiée maintenant qu’au début de cette crise économique.
Il y a une très réelle possibilité que certains pays, surtout ceux parmi les ex-pays staliniens et les petits pays, se retrouvent plongés dans une catastrophe profonde et fondamentale. Dans de tels pays, il va y avoir des explosions d’amertume, de colère, et de désespoir, mais en même temps il y aura des doutes sur ce qui peut être fait. La question serait posée de quel avenir le capitalisme réserve à de tels petits pays. Déjà, il y a une immigration accrue en provenance de Grèce, d’Irlande et du Portugal, sans parler des États baltiques et d’Europe centrale, etc. mais contrairement à ce qu’on a vu auparavant, ce n’est aujourd’hui plus si facile de se rendre aux États-Unis, en Amérique du Sud ou en Australie. Et bien sûr, une grande crise économique mondiale frapperait tragiquement les grands pays de l’UE, surtout le Royaume-Uni, avec sa dépendance au secteur financier, et l’Allemagne dont l’économie est basée sur l’exportation.
Cependant, la réponse à la question du “Qu’est-ce qu’on peut faire” ne se fait pas seulement attendre dans les petits pays, mais dans tous les pays. Avec la propagande incessante du “Il n’y a pas d’alternative”, selon laquelle les marchés ne peuvent être ignorés, et le fait que aucun des stratèges capitalistes ne tente même de dépeindre un futur qui soit un tant soit peu plus rose, il faut pour le mouvement ouvrier que les socialistes donnent une idée claire de ce qui serait immédiatement possible sitôt le capitalisme renversé. Concrètement, cela veut dire montrer à quel point le niveau de vie pourrait être relevé en utilisant l’ensemble des capacités et des technologies existantes une fois que le règne du profit sera brisé, et ensuite comment une société socialiste peut offrir une société qui sera véritablement meilleure demain qu’elle ne l’est aujourd’hui. C’est là une des tâches cruciales de l’approche transitoire aujourd’hui.
La recherche inévitable pour une issue hors du bourbier capitaliste et des limites qui sont imposées par les dirigeants en général pro-capitalistes, vont inévitablement mener à ce que les travailleurs passent rapidement d’un champ de résistance et de lutte à l’autre en les combinant – manifestations, grèves, élections.
Le “moindre mal” et le défi de la construction de nouveaux partis des travailleurs
C’est là une des raisons pour lesquelles nous avons vu certains des anciens partis ouvriers traditionnels gagner des élections sur la base qu’ils étaient une alternative “pas si mauvaise”, ou qu’ils étaient un “moindre mal”, même si bien souvent très peu de positif en était réellement attendu. C’était là la base pour la victoire du Pasok en 2009 et pour l’arrivée au pouvoir de la coalition social-démocrate et écolo en Islande au début de 2009. Aujourd’hui, le Labour party irlandais et le PS en France ont monté dans les sondages d’opinion.
Mais ce regain électoral n’est pas automatique, surtout vu que ces partis ont perdu leur base et leurs racines dans la classe ouvrière. En Allemagne, le SPD n’a jusqu’ici pas vraiment profité de la chute du soutien au gouvernement Merkel, et continue à perdre des membres. C’est un reflet du fait que d’importantes couches de la classe ouvrière n’ont pas oublié les mesures prises par le SPD lorsqu’il était au gouvernement, surtout avec le plan Hartz IV ; cela illustre le potentiel que des formations de gauche ont maintenant parmi les travailleurs et les jeunes critiques et radicalisés. Au Royaume-Uni, le Labour Party regagne doucement du soutien au fur et à mesure que la coalition ConDem perd le sien, mais cela est handicapé par toutes leurs actions au gouvernement, par ses propres appels à des coupes budgétaires au niveau national (bien qu’à un rythme “plus doux”), et par le fait qu’au niveau local, il continue à mettre en place des coupes. C’est pourquoi des résultats électoraux pris un par un comme celui du Pasok en 2009 ne signifient pas nécessairement un renouveau durable.
Toutefois, malgré les opportunités qui ont existé, les dernières années ont vu beaucoup de faux départs pour les nouvelles formations de gauche qui ont commencé à se développer dans toute une série de pays au cours des deux dernières décennies. Bien que la situation objective ait été difficile, c’était surtout la faiblesse sur le plan subjectif qui a fait rater ces opportunités. En général, leurs directions ont connu un début fort différent de la fondation des anciens partis de la Deuxième ou de la Troisième Internationales qui, malgré leur développement ultérieur, ont construit un soutien initial sur base d’une opposition claire au capitalisme, de la participation à la lutte, du but du socialisme et, dans la plupart des cas, du non-compromis avec la classe dominante. Au cours des dernières années, beaucoup de nouvelles formations se sont développées d’une manière complètement opposée, sans aucune opposition claire au capitalisme, sans revendications de classe ni de stratégie claires, et avec une bonne volonté de conclure des accords pourris avec les anciens partis réformistes.
Ceci a en partie illustré l’héritage parmi la plupart de ces dirigeants, de l’effondrement post-stalinien, du manque de confiance, et de l’absence de perspective de construire un parti des travailleurs de masse, se voyant plutôt comme un groupe de pression. C’est quelque chose qui est clairement affiché par les ex-dirigeants LCR qui sont à la tête du NPA en France. C’est également lié au fait que ces groupements cherchent des alliances électorales avec d’autres forces, quelque chose qui a pavé la voie à la déchéance du PRC italien après sa participation à un gouvernement de coalition pro-capitaliste en 2006-8. Aujourd’hui, le SP néerlandais se dirige dans la même direction, désirante devenir l’aile “gauche” du gouvernement. En Allemagne, un débat similaire est en train de se tenir au sein de Die Linke quant aux alliances stratégiques avec le SPD et les Verts, et c’est une des raisons pour lesquelles sa direction ne tente pas réellement de construire le parti ou de relever son soutien au-delà des 11,9% obtenus aux élections de 2009. Au niveau des landers, Die Linke, à la suite de la trajectoire de l’ancien PDS, est en ce moment en coalition avec le SDP à Berlin et dans le Brandenburg, et les plus droitiers des dirigeants du parti souhaitent suivre cet exemple à une échelle plus large encore.
Le fait de comprendre les pressions électorales du ”moindre-malisme” ne veut pas dire entrer dans des alliances pourries ou dans des gouvernements avec des partis pro-capitalistes, comme aimeraient clairement pouvoir le faire les dirigeants de beaucoup de ces “toutes nouvelles” formations de gauche. Puisque ces dirigeants ne considèrent pas sérieusement la tâche de la construction d’un parti qui puisse réellement défier le capitalisme et chercher à gagner une majorité de la classe ouvrière, ils n’ont pas la perspective que l’entrée des vieux partis au gouvernement leur fournira une opportunité pour construire, ce qui s’est déjà vu encore et encore à maintes reprises dans différents pays. Les marxistes doivent expliquer, au moins dans leur propagande générale, la nécessité d’un gouvernement des travailleurs qui transformera la société, et opposer cela aux gouvernements qui opèrent dans le cadre du capitalisme. Cela doit être exprimé d’une manière qui soit appropriée à la situation actuelle dans chaque pays ; en général dans la plupart des pays à ce stade les marxistes mettent en avant cet objectif en terme de nécessité de construire un mouvement ouvrier capable de vaincre le capitalisme.
Cependant, la faiblesse des nouvelles formations de gauche ne signifie pas qu’elles ont touts épuisé leur potentiel. En France, Besancenot, la figure publique du NPA, avait encore tout récemment une cote d’approbation de 56% dans les sondages d’opinion, ce qui pourrait toujours se voir traduit en un soutien concret pour le NPA. Mais la politique des dirigeants actuels du NPA ferait en sorte qu’un tel soutien ne serait pas utilisé pour jeter les fondations d’un nouveau parti des travailleurs de masse, mais plutôt d’essayer de devenir un groupe de gauche qui exerce une pression sur le PS et le PCF. Déjà à l’intérieur du NPA une opposition a émergé contre cette stratégie du NPA, dans laquelle le CIO joue un rôle très important. Des développements similaires ont aussi commencé dans d’autres partis tels que le PRC, Syriza et Die Linke. <>Cette période orageuse signifie une instabilité politique et remet en question la longévité de gouvernements entiers. Beaucoup de gens seront élus simplement à cause de l’opposition au gouvernement précédent, ou juste par hostilité envers les autres partis. En ce moment, les “moindres mals” comme le Pasok ont rapidement déçu, ce qui pourrait également se produire en Irlande. En octobre, les parlementaires islandais ont fui en passant par la porte de secours du parlement afin d’éviter les manifestants qui étaient fâchés contre les mesures d’austérité de la coalition rouge/verte et contre son impuissance à protéger le mode de vie. En Grèce, dans les élections locales de novembre 2010, c’est uniquement l’hostilité au principal parti de droite qui a empêché le Pasok de perdre plus de la moitié de ses voix et donc autant de sièges.
Problèmes avec les nouvelles formations de gauche et opportunités pour le CIO
Bien qu’il y ait le potentiel pour la croissance d’une force de gauche de masse en Grèce, les faiblesses politiques de Syriza et d’Antarsya, qui rendent incertains leur développement futur et même leur avenir, en plus du sectarisme du KKE, sape fortement ces perspectives sur le court terme. Toutefois, même avec une approche correcte et la croissance d’une nouvelle force de gauche, une profonde déception avec un gouvernement de “moindre mal” peut ouvrir la porte à une victoire temporaire pour l’entrée au gouvernement de partis plus à droite. Mais ce genre de développement n’empêcherait pas les forces marxistes de croitre à partir des couches les plus radicalisées.
On ne peut pas exclure le fait que dans des circonstances extrêmes, comme un effondrement du système bancaire, certains gouvernements seraient forcés de recourir temporairement à des mesures de type “capitalisme d’État” afin d’atténuer les situations de crise, bien qu’ils tenteraient alors de renverser de telles mesures dès que possible. De telles mesures n’altéreront la principale stratégie des classes dominantes du monde entier qui est de réduire le niveau de vie, mais seraient une réponse à court terme à ces événements. Des situations d’urgence ou des explosions de colère pourraient créer des situations avec des caractéristiques semblables à celles du milieu des années ’30, lorsque les gouvernements avaient été forcés de prendre des mesures pour atténuer la crise.
L’effondrement quasi complet du PRC a eu un effet très négatif ; cela pourrait aussi se produire avec Syriza en Grèce. Cela était surtout le cas avec le PRC car il avait à un moment un réel enracinement dans la classe ouvrière et dans la jeunesse italiennes. Il était donc inévitable que son effondrement provoque du scepticisme quant à la possibilité de construire un nouveau parti des travailleurs et, parmi certains, on a une opposition aux tentatives de construire un nouveau parti sur base que cela va toujours rater. Tout en comprenant de tels sentiments, le CIO explique pourquoi un nouveau parti des travailleurs est nécessaire, tout en exprimant clairement que ce nouveau parti devra tirer les leçons du passé et ne pas devenir un PRC numéro 2. Le fait que la FIOM, la section militante du syndicat des métallurgistes, la CGIL, reçoit maintenant un large soutien et des demandes d’adhésion de la part de travailleurs d’autres secteurs que le métal, est un reflet de la manière dont des couches entières de travailleurs italiens sont à la recherche d’une arme qu’elles peuvent utiliser pour riposter. Mais le désenchantement par rapporte au PRC qui est survenu après l’effondrement de ce parti peut aussi renforcer les tendances trade-unionistes parmi les travailleurs et les tendances anarchistes chez les jeunes.
Mais ce n’est pas qu’en Italie que les travailleurs combatifs sont à la recherche d’une manière de répliquer. Dans les pays où ils conservent un certain soutien au sein de la classe ouvrière, il est possible que certains anciens partis staliniens survivants puissent jouer un rôle et attirer et construire à partir des travailleurs et des jeunes radicalisés. Ceci semble être en train de se produire en Espagne avec la IU. Dans d’autre pays, la situation est plus compliquée, surtout avec le KKE en Grèce, qui possède un soutien auprès de sections cruciales de la classe ouvrière mais qui combine une approche totalement sectaire envers les autres travailleurs avec le nationalisme, des revendications vagues et la glorification de Staline. En France et au Portugal, la situation est différente : le PCF est dans un front boiteux avec le PG, tandis que le PCP semble être en train de se radicaliser et s’ouvrir au débat. En Chypre, le président communiste commence à arrêter de mettre en œuvre ses petites réformes sociales pour se tourner vers les coupes budgétaires, ce qui fait que son parti, l’AKEL, semble vouloir se distancier du gouvernement, dans une tentative de maintenir leur soutien.
Dans cette situation orageuse, les débats et discussions sur les tâches du mouvement ouvrier vont fournir de larges opportunités aux marxistes sur toutes sortes de terrains, y compris parmi les couches nouvellement actives et parmi les membres ou les sympathisants de ces nouveaux partis et de ces partis en cours de radicalisation. À présent, d’importantes couches de travailleurs et de jeunes sont déjà en train de se radicaliser, et en train de passer d’une opposition au capitalisme vers une ouverture à ou vers la conclusion tirée par eux-mêmes de la nécessité du socialisme. Tout ceci crée les conditions dans lesquelles les marxistes peuvent rapidement croitre en nombre parmi eux. Là où aucune formation de gauche n’existe en ce moment, les marxistes interviendront dans les luttes et mettront en place des activités visant à construire leurs propres forces tout en gardant dans leur programme l’appel à de nouveaux partis des travailleurs de masse.
Il y a déjà eu de grandioses batailles de classes, mais en réalité celles-ci ne sont qu’un apéritif par rapport à ce qui va se produire au cours de la période qui vient, puisqu’il devient de plus en plus clair que le capitalisme ne peut pas offrir de meilleur futur. C’est pourquoi la vision de ce qui serait possible, non seulement économiquement mais aussi socialement, environnementalement et culturellement parlant si le capitalisme venait à être renversé est absolument cruciale pour la construction du mouvement socialiste. L’appel du CIO à une fédération socialiste démocratique d’Europe n’est pas simplement un objectif, mais c’est même là la raison pour laquelle nous devons nous efforcer de relier entre elles les luttes dans différentes parties de l’Europe et construire un mouvement international qui puisse mettre un terme au capitalisme à l’endroit même où il est né. La crise dans l’Europe capitaliste et dans l’UE va de plus en plus mettre la question de l’alternative socialiste pour l’Europe à l’ordre du jour pour les travailleurs et la jeunesse en lutte contre l’offensive des classes dirigeantes.