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Tag: Comité pour une Internationale Ouvrière
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Chine : L’usine du monde entre à son tour en pleine crise
Rapport de la discussion sur la Chine tenue lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO
Ces derniers mois, le développement des contradictions s’est fortement accéléré en Chine, aussi bien sur le plan économique que politique. La Chine, qui semblait être ‘‘l’usine du monde à croissance sans fin’’ il y a quelques années, s’apparente de plus en plus à un Concorde qui tomberait en panne en plein vol.
Par Baptiste (Nivelles)
Au cours du 2e trimestre de l’année 2013, la croissance annuelle du PIB Chinois a encore diminué pour arriver à 7,5% selon les chiffres officiels du gouvernement chinois. Il s’agit des plus mauvais chiffres de croissance depuis plus de 15 ans. Selon certains commentateurs, ces chiffres sont gonflés et la réalité serait bien plus proche d’une stagnation. Mais même en se fiant aux chiffres officiels, il apparaît clairement que la Chine est rentrée dans une situation de crise économique inédite, aussi bien du fait de ses caractéristiques que de son ampleur.
Une décennie de croissance invisible pour les masses et accaparée par les oligarques
Durant la décennie de présidence de Hu Jintao (2002-2012), la croissance annuelle du PIB fut en moyenne de 10,6% et était principalement basée sur les exportations vers les pays à forte consommation, Etats-Unis en tête. Mais aussi importante fut-elle, cette croissance était complètement déséquilibrée puisqu’aucun marché intérieur permettant un développement de la consommation n’a été développé, conséquence directe d’un taux d’exploitation paradisiaque pour les patrons. La consommation en Chine équivaut aujourd’hui à environ 30% du PIB, alors que cela représente 70% aux USA et en Europe.
Les travailleurs n’ont pas profité des fruits de l’expansion économique, ils n’en ont vu que l’exploitation. Au final, c’est même l’inverse du développement d’un marché interne qui a eu lieu : la croissance s’est accompagnée de l’amplification des inégalités avec d’un côté l’apparition de princes dans les sphères du business et, de l’autre, la précarisation des conditions de vie pour les travailleurs. Lorsque Hu Jintao est arrivé au pouvoir en 2002, il n’y avait aucun milliardaire en $ en Chine. Aujourd’hui il y en a 251, et ce alors qu’environ 500 millions de chinois vivent avec moins de 2 $/jour et sans accès à l’eau potable.
Au secours de l’économie mondiale ?
La condition indispensable à l’expansion économique de la Chine était donc la croissance des Etats-Unis et des pays de l’UE principalement. En aucun cas la Chine ne remplissait les conditions pour devenir ‘‘la nouvelle locomotive’’ de l’économie mondiale, que ce soit seule ou accompagnée d’autres puissances émergentes.
Non seulement la Chine n’a pas été le sauveur de l’économie mondiale, mais elle subit aussi les effets de la crise capitaliste, ce qui est logique pour une économie aussi dépendante des exportations. Lorsque la récession mondiale a pris place dans la foulée de la crise financière aux Etats-Unis et en Europe en 2008, le Chine a tenté de maintenir sa croissance en dopant l’économie avec un plan de relance d’un montant de 586 milliards $. Aucun effet pervers n’a bien sûr été attendu par l’appareil, étant donné que toute l’économie, officiellement planifiée, est considérée comme étant sous contrôle.
Ce plan de relance, même s’il a maintenu la croissance en Chine quelques années de plus, n’a évidemment pas créé de toute pièce un marché intérieur mais a surtout eu l’effet d’exacerber les travers de l’économie Chinoise. Par exemple, l’ensemble des crédits a atteint aujourd’hui un montant de 23.000 milliards $ (2,5 fois le PIB de la Chine !) contre 9.000 milliards $ en 2008. Un tel développement aussi rapide et à une échelle si large est du jamais vu dans l’histoire économique, tout comme le montant actuel des intérêts consécutifs à ces créances : 1 000 milliards $ !
Bulle immobilière gonflée sur fond de dettes : un cocktail explosif pourtant bien connu…
Le plan de relance a permis de maintenir une croissance apparente de l’économie en poussant les gouvernements locaux à s’endetter pour investir massivement notamment dans l’infrastructure. A défaut d’un marché interne capable de soutenir une économie de consommation, ces investissements ont surtout permis la construction d’infrastructures aussi pharaoniques qu’inadaptées.
Régulièrement, des exemples absurdes sont exposés dans la presse internationale, comme la construction de villes d’une capacité d’accueil de 300 000 habitants mais ne comptant pas 1 habitant effectif, ou encore la construction d’Hôtels de ville mégalos dans de petites villes de province.
L’investissement dans l’infrastructure est en réalité un bien beau terme pour parler d’argent gaspillé dans les projets de prestige et dans la spéculation immobilière. En 2008, la situation dans l’immobilier n’était déjà plus sous contrôle : le prix de l’immobilier avait quadruplé par rapport à 2004. Aujourd’hui, la situation est telle qu’environ 1 logement sur 2 est inhabité, ce qui fait dire à de nombreux commentateurs qu’il s’agit de la plus grande bulle immobilière de l’histoire du capitalisme.
Le plan de relance a précipité une crise bancaire
Cette explosion du crédit signifie mécaniquement une explosion des dettes dans l’économie Chinoise. Une explosion au sens propre du terme, puisque les dirigeants Chinois ont perdu le contrôle sur le système financier du pays avec l’émergence de la ‘‘finance de l’ombre’’ (Shadow Banking). Il s’agit d’un système parallèle de banques, illégales, qui interviennent dans l’économie pour octroyer des crédits à des personnes, entreprises et gouvernements locaux qui n’ont plus rien de solvable, étant donné la montagne de dettes qui vient d’être générée. Et de sorte à pousser le vice à l’extrême, la titrisation est évidemment de mise dans ces banques.
Ce phénomène est un symptôme illustratif du chaos au-dessus duquel se retrouve l’économie Chinoise, et une série d’économistes n’hésitent plus à faire la comparaison avec la bulle des subprimes juste avant son explosion. Le point de rupture tend de plus en plus à apparaître, comme le 30 juin dernier, lorsque 244 milliards $ de crédits arrivaient à échéance le même jour et devaient être renouvelés. Les négociations n’ont pas tardé à tourner à la panique, mettant en scène en début de crash sur les marchés du crédit.
On estime que les montants prêtés par les banques fantômes représentent 50% des nouveaux crédits octroyés en Chine durant l’année 2012 et qu’au total cela représenterait aujourd’hui un montant de 4.700 milliards $, soit 55% du PIB de la Chine ! Les gouvernements locaux représentant la majorité des dépenses publiques, elles portent sur leurs épaules une grosse partie de ces dettes. La perte de contrôle par le gouvernement central est totale, en atteste l’audit lancé fin juillet par la Cour des comptes chinoise auprès des pouvoir locaux, de sorte à pouvoir faire une estimation plus concrète de l’ampleur des dégâts. Selon le FMI, la dette publique de la Chine, tous niveaux de pouvoir confondus, aurait atteint aujourd’hui 45% du PIB (officiellement, la Chine défend le chiffre de 22%). Comparativement, il y a 20 ans cette dette publique n’existait pas.
Vers une période de réforme économique ?
C’est dans ce contexte que le gouvernement du nouveau président Xi Jinping a annoncé vouloir mettre en place une série de réformes économiques. Ces réformes sont sans surprise pro-capitalistes, et visent principalement à assainir le secteur financier (quitte à procéder à des mises en faillites ciblées), augmenter la part des investissements privés dans l’économie et développer la consommation intérieure. La stratégie défendue est de poser l’économie chinoise sur les rails d’une croissance plus modérée mais plus saine. Bref, en apparence un virage à 180°C par rapport au plan de relance de 2008.
Cette approche, bien que d’apparence ‘‘pragmatique et équilibrée’’, est néanmoins très risquée. Si la banque centrale ferme les robinets et n’intervient plus dans l’économie comme elle l’a fait avec le plan de relance, le danger d’explosion des bulles spéculatives sur lesquelles reposent des montagnes de dettes risque de devenir réalité. Il en va de même pour des secteurs économiques qui reposaient sur le dopage financier de la dernière période.
L’exemple le plus impressionnant est celui des chantiers navals : d’ici 2015, 1.600 chantiers devraient fermer parmi lesquels le plus grand au monde (20.000 emplois). Ce dernier, qui se retrouve sans la moindre commande, a été récemment mis en faillite. L’ironie de l’histoire pour le gouvernement est que si ce n’est pas la banque centrale qui intervient pour éviter les faillites, cela laissera encore plus d’espace aux banques illégales !
On estime aujourd’hui que le chômage réel est de 8%, que 40% de la capacité industrielle chinoise n’est pas utilisée, et que l’année 2012 s’est soldée avec 3,2 milliards $ de salaires non-payés. Ce paysage n’a plus rien d’une économie en expansion, il exprime plutôt la destruction anarchique de richesses à grande échelle qu’est le capitalisme.
L’Etat garde de toute façon d’importants leviers pour intervenir dans l’économie (la Chine reste un pays hybride avec des éléments capitalistes et d’autres hérités du stalinisme et de l’économie bureaucratiquement planifiée) et il est peu probable qu’il soit décidé d’assainir le secteur financier en le laissant imploser. Cela a été prouvé récemment : après avoir assisté à la mini crise du crédit de fin juin en spectateur, la banque centrale a décidé d’injecter 3,7 milliards $ le 31 juillet dernier pour éviter de justesse un nouvel assèchement de crédit. 10 jours plus tard, le gouvernement décide de mettre en place une ‘‘Bad Bank’’, institution financière destinée à racheter un bon nombre de créances douteuses de sorte à ce que le reste du système financier soit assaini. La capacité d’une telle banque à accueillir l’ensemble des dettes à risque et les ‘‘extraire du système’’ reste cependant illusoire. Le plus probable est que les dettes soient transférées dans celle de l’Etat Chinois.
Xi Jinping placé aux commandes d’un parti divisé
Le Parti Communiste Chinois (PCC) ne se porte pas mieux. Les conflits et coups bas entre les deux factions principales ont pris une ampleur qui n’avait plus été vue depuis 20 ans, avec d’un côté les ‘‘princes rouges’’ et de l’autre la ‘‘ligue des jeunes’’. Les princes rouges sont composés de descendants d’anciens grands dirigeants de la période de Mao, et sur cette base-là, ils ont acquis aussi bien des positions puissantes que des fortunes démesurées. Il s’agit d’environ 200 familles, dont la seule finalité politique est de maintenir un statu quo à tout prix pour pouvoir assurer la pérennité de leurs privilèges. Cette faction gagne en importance puisque pour la première fois ils sont majoritaires au bureau politique (4 sièges sur 7).
La ligue des jeunes quant à elle ne représente rien de progressiste, il s’agit essentiellement des autres bureaucrates tout aussi pro-marchés et qui cherchent à se faire une place dans l’appareil, tout en craignant que l’arrogance et la démagogie des princes ne leur coûte une révolte sociale. La ligne de séparation entre ces deux factions n’est pas nette, ce qui s’explique notamment par le fait que cette séparation n’a aucun contenu idéologique ou politique mais repose uniquement sur la défense d’intérêts personnels.
L’actuel président Xi Jinping est issu de la famille des princes rouges et possède une fortune personnelle estimée à 376 millions $, soit trois fois la somme des richesses personnelles des membres du gouvernement britannique ! Bien qu’il fasse partie des princes rouges, il cherche à consolider ses positions également en-dehors des cercles des princes. Cela explique sa victoire à l’issue du 18e congrès en novembre 2012, à l’issue duquel il a succédé à Hu Jintao comme secrétaire général du PCC (et en mars 2013 comme président du gouvernement central).
Cette figure de compromis entre les factions a déjà démontré à maintes reprises une attitude bonapartiste pour trouver un équilibre. Ce bonapartisme est illustratif de l’impasse politique du régime chinois, car c’est le dernier recours pour éviter une fracture ouverte au sein du PCC.
Une corruption à tous les étages couronne la crise politique et économique
Parallèlement au phénomène des banques fantômes, un autre symptôme de la Chine est la corruption. On estime que la corruption, tous niveaux confondus, représente un montant de 3 720 milliards $…
C’est pourquoi, en plus de la ‘‘réforme économique’’, le gouvernement de Xi Jinping a déclaré vouloir s’attaquer au problème de la corruption. Cela risque de se traduire plus en une série de procès individuels qu’en une lutte contre la corruption, étant donné que l’ensemble du système politique repose sur la corruption. Un exemple récent fut le procès médiatique à l’encontre de Bo Xilai, prince dont les scandales de corruption et les affaires criminelles qui lui étaient associées n’étaient plus tenables. Bo Xilai a été abandonné par les autres princes pour donner au gouvernement de quoi se construire une image anti-corruption, avec une mise en scène judiciaire à l’appui.
Cette combinaison de corruption et de carriérisme, qui reflète bien la nature bureaucratique des dirigeants du PCC, ne fait qu’envenimer la crise bancaire. Les élites locales mènent ainsi une véritable course au prestige entre leurs gouvernements, de sorte à forger une base sur laquelle ils pourront mieux assoir leurs positions.
Xi Jinping est également en reconquête d’autorité vis-à-vis des masses avec toute une série de propositions populistes. Il ne s’agit bien sûr que de petites réformes et autres artifices symboliques pour tenter d’atténuer l’arrogance et les privilèges des princes. Il n’y a aucune ouverture en termes de liberté démocratique, comme le démontre l’édition par Xi Jinping d’une liste de 7 sujets interdits à l’école, parmi lesquels figurent la démocratie, la liberté de presse et la corruption.
Cependant, une ouverture des dirigeants, même si elle est symbolique, peut avoir comme effet d’ouvrir une boîte de Pandore en termes de revendications démocratiques par les masses.
Le PCC n’a pas d’issue, la lutte des classes décidera de son avenir
La crise profonde dans laquelle s’engouffre la Chine constitue une grave menace pour ses dirigeants, de l’aveu même du PCC. Cette vaste clique de parvenus immondes n’ayant aucune solution à offrir aux masses, leur dernier recours quand le contrôle social est perdu est la répression. Mais cette fuite en avant pourrait rendre la situation encore plus explosive, comme l’ont prouvé les mouvements récents en Brésil ou encore en Turquie.
La division de classe est très marquée en Chine. Le pays est sans surprise l’un des plus inégalitaires au monde, et les dépenses publiques dans les soins de santé (5% PIB) et dans l’éducation (<3% du PIB) sont proportionnellement inférieurs à ce qui se fait dans des pays comme la Russie, la Tunisie ou encore l’Afrique du Sud. 60 millions de chinois sont des travailleurs avec un statut d’intérimaire, ce qui signifie l’absence totale de sécurité sociale et de retraite ; 240 millions de travailleurs sont en réalité des paysans pauvres en exode qui se retrouvent dans des zoning industriels sans même un logement.
Il n’y a aucun doute que l’aggravation de la crise se fera sur le dos de la classe ouvrière. La crise politique du PCC et son incapacité à offrir un avenir décent aux masses pose les fondations pour des possibilités révolutionnaires dans la période à venir. Les 180.000 protestations de masse dénombrées en moyenne chaque année en est la meilleure illustration. Chaque lutte est une école pour les masses et des révoltes comme celle de Wukan en 2011 ou les récentes manifestations pour plus de démocratie à Hong Kong en sont le meilleur exemple.
Pour arracher des acquis sur le plan socio-économique et sur le plan des libertés démocratiques, le mouvement ouvrier doit s’organiser de manière indépendante à travers les luttes pour collectiviser les expériences et construire des stratégies victorieuses. Pour cela, un programme de renversement de la dictature et exigeant la planification démocratique de l’économie est nécessaire.
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Nigeria, un pays saigné à blanc et c’est le peuple qui paie.
Rapport de la commission consacrée au Nigeria lors de l’école d’été du CIO

Voici le rapport de la Commission sur le Nigeria qui s’est tenue lors de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui a eu lieu du 21 au 26 juillet dernier à Louvain. L’introduction a la discussion a été réalisée par Kola Ibrahim, permanent du secrétariat du DSM (Democratic Socialist Movement, section du CIO au Nigeria) de la province d’Osun et responsable du travail étudiant, qui nous a fait part de la situation sociale et économique dans laquelle se trouve ce pays d’Afrique de l’ouest et ses 170 millions d’habitants.
Par Yves (Liège)
Partout dans le pays les gens éduqués ou non parlent de révolution, des mouvements indépendants se lancent spontanément, il y a plus de 12 grèves générales annuellement depuis quelques années, mais bien qu’une volonté de changement est clairement présente dans la conscience collective, les directions syndicales du Congrès des syndicats TUC (Trades Union Congress – qui regroupe principalement les cadres) et du Congrès du travail du Nigéria NLC (Nigeria Labour Congress – le syndicat principal des ouvriers et employés) démobilisent quand ils n’arrêtent pas purement et simplement les mouvements sociaux.
Les inégalités économiques s’accentuent malgré 13 ans de gouvernement civil (principalement le PDP – Parti démocratique populaire) après plus de 30 ans de gestion militaire. Dans ce contexte, les camarades du DSM s’attèlent au lancement d’une plateforme politique : le ‘‘Socialist Party of Nigeria (SPN)’’, une alternative socialiste face à la corruption, aux politiques capitalistes anti-pauvres et néolibérales ; un parti des travailleurs, de pauvres et de jeunes prêt à redistribuer équitablement les richesses du pays pour le bénéfice de la majorité.
Une pauvreté endémique en pleine abondance de ressources naturelles et humaines
Le Nigéria est le 6ème pays exportateur de pétrole brut au monde, et le premier du continent africain, mais faute de raffineries, il exporte son pétrole brut pour importer son carburant. L’exportation de pétrole brut et de gaz participe à hauteur de 80% aux revenus du gouvernement. L’industrie minière y est encore balbutiante malgré des ressources en fer, zinc, étain, or, pierre à chaux et marbre car les investissements miniers sont principalement absorbés par le secteur des hydrocarbures. Malgré une croissance de plus de 7% en moyenne du PIB depuis plusieurs années (le Produit Intérieur Brut était de 262 milliards de dollars en 2012 selon les données de la Banque Mondiale), et d’énormes revenus dus à l’exportation du pétrole et du gaz, le Nigéria présente un déficit budgétaire dû à la corruption (139ème sur 176 pays en 2012 d’après Transparency International) et des problèmes de gouvernance endémiques et chroniques.
Bien qu’au Nigéria certains pasteurs soient millionnaires en dollars, et que le pays abrite de nombreux millionnaires (hommes d’affaires mais surtout hommes d’Etat) et milliardaires (dont Aliko Dangote magnat du ciment devenu 25e fortune mondiale dépassant ainsi Mittal), le rêve Nigérian, lorsqu’on ouvre les yeux, c’est plus de 70% de la population (54% en 2004) qui vit sous le seuil de pauvreté (1) et plus de 40% des jeunes sans emploi qui vivent de débrouillardise quotidienne. Encore une fois, le schéma capitaliste se répète, ces chiffres sont l’illustration de la main mise d’ 1% de la population qui contrôle 80% des richesses du pays, ceci vient s’ajouter à la corruption endémique du gouvernement qui – toutes fonctions administratives confondues – absorbe 30% du budget de l’Etat. Les législateurs nigérians sans aucun scrupule se payent mieux que Barack Obama, les sénateurs touchent 720.000 $ contre 400.000 $ l’année pour le président US. Non content de se payer grassement, les brigands du gouvernement détournent allègrement les bénéfices dus aux revenus du pétrole. En effet, le secteur des hydrocarbures perd en moyenne 30 milliards $ par an avec la complicité des multinationales et de courtiers indépendants, le tout ajouté aux opérations de sabotage de groupuscules de plus en plus violents (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger). Il faut dire que les mouvements non-violents des années ‘90 se sont fait réprimés dans la violence et beaucoup de leurs activistes ont soit été assassinés soit emprisonnés (Ken Saro-Wiwa du Mouvement pour la survie du peuple Ogoni -MOSOP-par exemple).
Le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, alors que sa population s’élevait à 55 millions d’habitants en 1970, elle est aujourd’hui estimée à un peu plus de 170 millions de vies humaines dont 2/3 ont moins de 25ans. D’ici 2050 le Nigéria devrait être le 3ème pays le plus peuplé au monde. Un potentiel énorme en termes de mouvements de masses qui vont certainement continuer à se produire.
Le gouvernement de Good Luck Jonathan, comme les gouvernements précédents, pratique un clientélisme dans la «redistribution» des revenus du pétrole. Le président Goodluck est un chrétien du sud (les régions pétrolifères) et les membres de son gouvernement font prioritairement manger leurs proches, le taux de pauvreté atteint 80% dans certains Etats du nord du Nigeria. Cette politique de ‘‘diviser pour mieux régner’’ aggrave le problème de la question nationale qui n’a jamais été résolu.
Mais il ne faut pas se mentir, la pauvreté est aussi très présente dans le sud, le peu de revenus qui y parvient est détourné par les dirigeants locaux et le reste sert à y corrompre les activistes, les militants et les membres de la société civile. Le nord a peur de ne plus avoir accès au fédéral et l’entourage du président fait tout pour garder le pouvoir. Pour s’accrocher à leur pouvoir, ils corrompent ceux qu’ils peuvent (et sécurisent ainsi leurs intérêts) et combattent les autres (opposants, objecteurs de conscience, activistes) sans distinction, ce qui accentue la crise nationale.
En plus de la confession et de la provenance géographique, vient s’ajouter une mosaïque ethnique des plus complexes, avec plus de 374 ethnies présentes, dont 3 (Igbo, Yoruba, Hausa) représentent 58% de la population (2). Cette situation est héritée du processus non démocratique par lequel les différentes ethnies ont été soumises au joug de l’impérialisme britannique en 1914 avec la fusion des provinces du nord, du sud, et de la colonie de Lagos en une colonie du Nigéria. L’indépendance de 1960 a simplement remplacé l’impérialisme britannique par une minorité dirigeante capitaliste de Nigérians qui, de génération en génération, a aggravé les conditions de vie et l’exploitation de la vaste majorité des Nigérians.
La guerre du Biafra de 1967 à 1970 a failli conduire à la scission du pays, d’ailleurs il y a 8 ans, une étude de l’ONU envisageait une balkanisation du Nigéria. Le pays n’en est peut être pas encore à ce stade, mais les crises répétées, la mauvaise gestion et les contradictions du pouvoir menacent effectivement l’existence du Nigéria. Le DSM est avant tout pour une unité de la classe ouvrière, mais soutient le droit de chaque ethnie à l’autodétermination, jusqu’à la sécession si elle a été voulue par référendum et soumise à un vote démocratique direct.
Le secteur agricole est le premier employeur du pays avec près de 70% de la population qui en dépendent. Malgré une énorme superficie de terres fertiles souvent sous-exploitées, cette proportion tant à baisser avec un exode rural sans précédent (Lagos est passé de 300.000 habitants en 1950 à 15 millions aujourd’hui) et la prolifération de méga-fermes qui, contrairement aux petits paysans qui ont toujours des méthodes de récolte primitives, bénéficient de subsides de l’Etat. Pourtant, l’Etat n’a pas atteint l’indépendance alimentaire pourtant possible avec des investissements cohérents. Pour l’instant, le Nigéria importe pour 200 millions $ de nourriture américaine par an. Le ministère fédéral de l’agriculture et du développement rural a récemment proposé de distribuer plus de 10 millions de téléphones portables à des petits fermiers pour une valeur d’à peu près 20 € chacun (3). Encore une fois, cette initiative semble être un moyen de siphonner les fonds publics. Les agriculteurs ont prioritairement besoins de fonds, pas de téléphones, d’investissements dans le réseau routier, de puits de forages pour une meilleure irrigation, de services médicaux de bases pour eux et leurs familles qui sont leur main d’œuvre principale.
Pour rester dans le secteur de la téléphonie mobile, l’explosion du nombre de numéros de téléphones ces 11 dernières années (10 millions par an) est en fait une croissance superficielle du secteur de la communication. En réalité, seuls 30 millions de personnes sur 170 ont accès au téléphone. La défectuosité du réseau fait que ceux qui ont les moyens d’avoir un numéro en ont généralement 3 ou 4 pour être joignables. Il faut ajouter que cette ‘‘success story’’ nigériane ne profite qu’à 1% de la population active qui travaille dans le secteur des télécoms. Les 50 milliards $ engrangés par le secteur ces 10 dernières années ne participent pas à la croissance mais plutôt à une extraction ou plus précisément une exportation d’une partie des revenus des Nigérians.
En plus de l’éducation et de la santé, qui ensemble n’égalent pas la part du PIB dédiée au remboursement de la dette (30%), l’électricité est un autre de ces secteurs qui a et qui continue de manquer cruellement d’investissements malgré les belles promesses de Goodluck et 24 milliards $ censés avoir été investis durant l’ère Obasanjo dans l’amélioration de l’approvisionnement en électricité…
Pour exemple, l’Afrique du Sud, qui en nombre d’habitants équivaut à un tiers de la population nigériane, produit un peu plus de 40.000 mégawatts d’électricité annuellement et ce n’est même pas assez pour toute la population dont la majorité de toutes façons ne peut pas se permettre l’accès au réseau. Le Nigéria, lui, produit annuellement 4000 mégawatts d’électricité dont 1000 ne peuvent pas être distribués à cause de ‘‘lignes électriques qui sont restées faibles depuis des années’’ d’après les termes du président Jonathan en déplacement au Pakistan. Le Nigéria se retrouve avec 30% de sa population ayant possiblement accès à l’électricité mais sans garantie de livraison, ceux qui le peuvent n’ont donc d’autre choix que d’acheter un générateur… Pour régler le problème, la stratégie du gouvernement a été une augmentation de 100% des tarifs d’électricité pour rendre le secteur attractif aux investissements privés, suivi de la revente des plans de productions à 10% de leurs valeurs d’investissements. (4) Inutile de préciser que le problème est toujours plus que présent, et que même la capitale vie dans le noir.
’‘Ne trahissez pas la lutte !’’ (5)
En janvier 2012, le gouvernement Jonathan a décidé d’implémenter 4 mois à l’avance l’arrêt des subventions sur l’essence, pensant profiter du réveillon du nouvel an, pour faire monter le prix du pétrole du jour au lendemain de 30 à 66 cents. Dès le lendemain, le Nigéria a montré que les mouvements révolutionnaires observés en Tunisie et en Egypte n’étaient pas uniquement l’apanage du Maghreb ou du Moyen Orient. L’augmentation des prix de l’essence resserrant le nœud autour de la corde déjà au cou de nombreux Nigérians a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère qui a abreuvé les Nigérians en soif de changement.
La chute des revenus des Nigérians, l’extrême pauvreté généralisée, les transports en commun éventrés, le délabrement du système de santé, l’éducation abandonnée, sont autant de facteurs qui ont ouvert la boîte de pandore. Mais c’est surtout l’écart de richesse de plus en plus grandissant entre les 1% des plus riches, généralement des politiciens devenus millionnaires du jour au lendemain grâce aux revenus du pétrole qui devraient servir à améliorer les conditions de vie de la population, et cette même population exsangue, qui ont poussé les masses dans la rue dès le 2janvier 2012.
Pendant sept jours les jeunes et les masses désorganisées étaient dans la rue, mais c’est le 9 janvier, avec l’entrée en jeu de la classe ouvrière organisée et le mot d’ordre de grève générale indéfinie – qui en plus de poser la question du pouvoir est l’équivalent d’une insurrection -, que la donne a complètement changé.
Le mouvement est parti de quelques dizaines de milliers de manifestants par ville à plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues par manifestation (1 million rien qu’à Lagos), celles-ci se sont rapidement étendue à plus de 10 Etats et ont rassemblées plus de 40 millions de personnes nationalement. Malgré seulement 10% de travailleurs syndiqués, c’est le pays tout entier qui était en suspend, l’activité économique était à l’arrêt, mais surtout, le régime (et même l’opposition) ainsi que le système capitaliste faisaient face à un vrai risque d’effondrement. Même Boko Haram (islamistes fondamentaux du nord qui ont fait plus de 3000 morts ces 4 dernières années) était isolé et a préféré faire profil bas pendant toute la durée des manifestations, voyant clairement qu’avec la montée de la lutte des classes, l’action de masse collective était préférée par tous et ne laissait aucune place au actions terroristes individuelles. Comme en Egypte, on a vu des groupes de manifestants chrétiens, débout, protégeant les musulmans pendant leurs prières. Les divisions ethniques, géographiques, linguistiques ont elles aussi disparues pour laisser place à une conscience de classe.
Avec la propagation du mouvement, les travailleurs et les masses ont réalisé qu’il fallait plus de détermination pour vaincre le régime. Des slogans tels que ‘‘Jonathan doit partir !’’, ‘‘we want good gouvernance not Goodluck’’ étaient scandés en cœur, les masses avertissaient les dirigeants syndicaux de ‘‘ne pas trahir le combat !’’ La classe dirigeante, dos au mur, a fait ce qu’elle fait dans ce genre de situation, elle a brandit la menace d’une répression à grande échelle menée par l’armée. C’était sans compter que beaucoup de policiers et de membres de l’armée (généralement les moins gradés) montraient de la sympathie au mouvement, allant jusqu’à applaudir certaines manifestation.
Néanmoins, les dirigeants syndicaux (TUC et NLC) ont pris cette menace de répression comme excuse pour mettre fin à la grève générale le 16 janvier, unilatéralement bien évidemment, renforçant ainsi le régime et diminuant la confiance des travailleurs en leur capacité de combattre face à l’oppression.
Il y a eu au total 20 morts et 600 blessés sur l’ensemble des manifestations, ce qui est ‘‘moyen’’ selon les standards de répression nigérians. Malgré cela, certaines manifestations ont continué ici et là, mais il manquait une alternative politique crédible et combattive vers laquelle les mouvements toujours combattifs auraient pu se tourner.
Alors que la grève aurait pu mener à un changement de régime et pourquoi pas de système si la direction avait été courageuse, le but du NLC et du TUC était avant tout de récupérer le mouvement, ils ne s’attendaient pas à être dépassés par son ampleur ni à la tournure qu’il a pris. Alors que celui-ci commençait à remettre globalement le système en question, les directions syndicales ont préféré simplement jouer la carte de la frayeur afin d’avoir des concessions rapides du pouvoir. Au final, la grève aura simplement mené à une remise en place partielle des subventions sur l’essence, ramenant le prix à 45 euro cents par litre, après être monté de 30cents initialement à 66ç/L le 1er janvier 2012.
Face à la menace d’utiliser la répression, une direction syndicale plus combative aurait dû lancer un appel de classe aux militaires et aux policiers aussi concernés par les problèmes des manifestants.
Et pour être plus productif encore, il aurait fallu former des comités démocratiques de défense (armés si nécessaire) pour protéger et défendre les rassemblements et les manifestants.
Encore mieux, avec une direction audacieuse, la menace du régime d’utiliser la répression aurait pu permettre au mouvement et aux travailleurs de passer à l’offensive et de fermer la production de pétrole, prendre le contrôle des transports aériens, maritimes, routiers ainsi que des services et des échanges de biens. Cela aurait complètement changé le rapport de force en faveur du mouvement et isolé le gouvernement.
Une direction téméraire aurait permis d’enfin mettre sur la table la possibilité d’une transformation profonde du Nigéria, de le retirer des mains des capitalistes locaux et étrangers qui pillent le pays depuis des décennies, et de se diriger vers un gouvernement socialiste de pauvres, de jeunes et de travailleurs afin que les ressources du pays soient utilisées dans l’intérêt de tous et non d’une poignée de kleptocrates.
Mais c’était sans compter que le TUC et le NLC attendent de pouvoir manger leur part du gâteau, ils n’ont pas d’idée d’alternative à apporter au capitalisme, d’où leur approche contre productive lors des évènements de 2012, et leurs positions pro-capitalistes en général.
Grève générale de 48h pour la mise en œuvre effective du salaire minimum
En mars 2011, quelques jours avant les élections présidentielles, le Président Goodluck Jonathan a ratifié la loi garantissant le salaire minimum à 18.000 Niaras (83,5 €), une mesure clairement électoraliste pour pousser les travailleurs à voter pour son parti, le PDP (le Parti démocratique populaire). Un fifrelin à côté des revenus du pétrole et surtout encore plus quand on voit ce que gagne un sénateur indemnités comprises : 720.000 $/ans. 3 ans auparavant, le NLC avait demandé à ce que le salaire minimum soit de 58.000 Niara (269 €), le syndicat s’est finalement contenté d’accepter sans revendications la baisse de celui-ci à 18.000 Niaras malgré le fait qu’avec l’inflation (13% l’an passé et jusqu’à 50% pour certains biens de consommation), les augmentations du prix de l’électricité, des frais scolaires etc. ça n’est clairement pas suffisant.
Cependant, 2 ans après, les gouverneurs des Etats s’abritent derrière un soi-disant manque de financement de l’Etat fédéral pour ne pas payer ce salaire minimum. Pire encore, récemment, le Sénat (Chambre haute de l’assemblée nationale) a voté l’exclusion de la loi sur le salaire minimum de la ‘‘liste législative exclusive (Exclusive Legislative List)’’, permettant ainsi à chaque Etat de déterminer ce qu’il veut (le gouverneur dira ‘‘ce qu’il peut’’) payer aux travailleurs. Encore plus, ça empêcherait dans le futur toute lutte sur le plan national pour une augmentation du salaire minimum, celui-ci étant devenu une compétence des Etats. L’insensibilité du Sénat veut que les sénateurs se soient octroyés une pension à vie le jour-même où ils ont voté le retrait de la loi sur le salaire minimum de la Liste Exclusive de la Constitution. Certains gouverneurs se targueront certainement de payer le salaire minimum, après l’avoir baissé dans leur législation évidemment… L’argument derrière ce retrait, est la volonté d’un ‘‘véritable fédéralisme’’ qui n’est pas mis en avant lorsqu’il s’agit de payer les gouverneurs dont le salaire est déterminé par une agence fédérale au niveau national. Heureusement pour l’instant il y a un statu quo car la chambre des représentants (chambre basse de l’assemblée nationale) a voté contre le retrait de la loi sur le salaire minimum de la List Exclusive Legislative.
Alors que cette attaque du Sénat sonne comme un coup de semonce au TUC et au NLC pour défendre résolument les droits et conditions de vies des travailleurs, encore une fois, la direction du NLC et du TUC ne fait rien pour mobiliser les travailleurs et rien non plus pour expliquer pourquoi la loi doit rester sous la Liste Exclusive de la Constitution. Dans les Etats où les travailleurs ont combattu ardemment pour l’implémentation effective du salaire minimum, les directions du NLC et TUC ont fermé les yeux (et les oreilles, et la bouche). Au lieu de lancer un appel à la grève générale, les travailleurs sont abandonnés aux désidérata de leurs gouverneurs. La seule grève annoncée par les directions syndicales nationale a été annulée le 20 juillet 2011 alors que la détermination des travailleurs avait atteint son paroxysme. Pire, Abdul Wahed Omar, président du NLC, a avoué que dans certains Etats, les directions syndicales négociaient à la baisse le salaire minimum si les gouverneurs de ceux ci arrivaient à prouver leur inhabilité à payer les 83€ (6). Certaines entreprises privées refusent tout simplement de payer le salaire minimum sans aucune justification si ce n’est celle du profit maximum pour l’entreprise et les actionnaires. Encore une fois les directions syndicales ne font rien. Au mieux, celle-ci se lamentent et se contentent de lancer des menaces dénuées de tout contenu.
C’est ce manque de combativité du NLC et du TUC qui implicitement donne carte blanche aux législateurs pour sabrer encore plus les acquis des travailleurs.
Le Parti Socialiste du Nigeria (SPN) appelle le Congrès du travail du Nigéria (NLC) et le Congrès des syndicats (TUC) à commencer dès à présent une mobilisation pour une grève générale nationale de 48 heures ainsi qu’à organiser un mouvement de masses pour s’opposer à cette décision du Sénat de retirer la loi sur le salaire minimum de la liste Exclusive qui va à l’encontre des droits des travailleurs, et aussi de commencer sans plus attendre la lutte pour une mise en œuvre complète et effective du salaire minimum de 83€ à tous les niveaux.
Les directions syndicales doivent aussi aller dans les entreprises privées qui refusent de payer le salaire minimum avec un plan d’action et des meetings pour sensibiliser puis mobiliser les travailleurs pour des piquets de grèves et des manifestations massives en cas de refus de paiement. Les droits sont rarement donnés, ils sont arrachés !
‘‘L’éducation est un droit ! Le changement de système est notre but !!!’’

L’investissement du gouvernement dans l’éducation au Nigeria ne représente que 8% de la part du PIB alors que celui-ci devrait atteindre 26% d’ici 2020 pour rejoindre les normes internationales, mais encore une fois rien n’est fait.
Comme dans beaucoup de pays du monde, les étudiants ont du mal à payer leurs frais d’inscription à l’université, donc beaucoup n’y mettent jamais les pieds. Par exemple, le minerval de l’université d’Etat de Lagos (LASU) est passé de 120 € à 1.500 €. Ceux qui y ont accès et qui parviennent à payer leurs études jusqu’à la fin de leur parcours académique se retrouvent presque systématiquement au chômage (quelques centaines sur 10.000 trouvent un emploi). Et même ceux qui travaillent n’ont pas la garantie d’avoir un salaire qui leur permettra de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille par la suite.
Les hommes d’affaires et propriétaires terriens du Sénat et de la Chambre des représentants font ce qu’ils font le mieux, ils privatisent et commercialisent l’éducation. Bien que la plupart des membres de l’assemblée nationale ont été formés à l’école publique, leurs enfants allant dans des écoles privées (99%), l’éducation publique est abandonnée à son sort.
Plutôt que de rénover les bâtiments, certains sont détruits prétextant de nouvelles constructions qui souvent ne voient jamais le jour. Il s’agit là encore de chantiers de détournements de fonds publics. Le trop faible investissement dans l’éducation (infrastructures et programmes de cours), l’irresponsabilité de la classe dirigeante pousse depuis des années les étudiants et les professeurs à manifester, malheureusement souvent passivement, leur mécontentement.
Un peu partout dans le pays, le NUT (National Union of Teachers) est en grève passive/casanière (sit-at-home strike) depuis le 1er juin dans les Etats où l’indemnité particulière des professeurs (TPA – Teacher’s Peculiar Allowance) n’est pas effectivement payée. La direction de l’ASUU (Academic Staff Union of Universities – Syndicat du personnel académique des universités) a lancé une action de grève indéfinie car le gouvernement rechigne à mettre en place les accords de 2009 pris avec le syndicat concernant le financement (et la rénovation) d’infrastructures, de locaux, et des programmes de cours académiques ainsi que l’augmentation de leurs salaires. Deux des syndicats du polytechnique (secteur des sciences et des technologies, génie civil) sont en grève depuis 3 mois, il s’agit de l’ASUP (Academic Staff Union of Polytechnics – syndicat dupersonnel académique du polytechnique) et du SSANIP (Senior Staff Association of Nigeria Polytechnics – association du personnel senior des polytechniques du Nigeria). Ils ont mis en suspend leur grève après 78 jours avec menace de la reprendre si le gouvernement ne montrait pas concrètement qu’il s’attelait à répondre à leurs demandes. Cette grève a d’ailleurs surpris le gouvernement qui ne s’attendait pas à voir les élèves de polytechnique soutenir leurs professeurs. (7)
Nos camarades du DSM (Mouvement démocratique socialiste) ont lancé le ERC (Education Rights Campaign – Campagne pour les droits à l’éducation) en 2004 afin de pourvoir une plateforme qui soutient le droit à une éducation gratuite (via un financement adéquat), efficace et gérée démocratiquement.

C’est par le biais d’affichages massifs, de distributions de tracts, de rassemblements, de conférences et de meetings qu’ils mènent campagne contre l’augmentation brutale des frais scolaires et la médiocrité des conditions d’étude et de logement.
Ils sont contre la victimisation des étudiants activistes et l’interdiction des syndicats étudiants dans certaines universités, quand ils ne sont pas récupérés ou infiltrés par des agents du gouvernement. Il supportent les travailleurs de l’enseignement dans leurs demandes pour de meilleures paies et conditions de travail, et ils mènent campagne pour que les étudiants puissent construire leurs syndicats comme des organismes de lutte, démocratiques, basés sur la masse, avec une direction courageuse et révocable à tout instant.
L’association nationale des étudiants du Nigéria, le NANS, est l’organe qui est censé représenté les étudiants au niveau national. Mais celui-ci est pro establishment, corrompu et la plupart de ses dirigeants ne sont mêmes pas des étudiants. Dans certaines zones des motions de censures contre le président ont d’ailleurs été votés. Souvent contre productif lors de mouvements de grèves, le syndicalisme au NANS est monétisé et politisé. Localement, les syndicats d’étudiants ont généralement à leur tête des personnes inexpérimentées ou pro capitalistes. Et d’autres syndicats d’étudiants sont tous simplement interdits par certaines directions scolaires.
Il faut une lutte commune du corps professoral et estudiantin afin d’éviter que l’un ne soit contreproductif ou se plaigne de l’autre et il est nécessaire qu’une prise de conscience globale des professeurs et des étudiants qu’une avancée pour l’un est une avancée pour l’autre émerge.
Il ne faut pas des grèves passives où les professeurs et étudiants restent chez eux, mais des manifestations où ils sont actifs et marchent côte-à-côte ; pour ça, il faut des meetings, des distributions de tracts des conférences afin de conscientiser les plus larges couches possibles d’étudiants de professeurs mais aussi de la population (les parents d’élèves notamment).
C’est pourquoi le Parti Socialiste du Nigéria lance un appel à la direction du NLC et du TUC pour une mobilisation en vue d’une grève générale de 48h et des mouvements de masses qui réuniraient les pauvres, les jeunes au chômage, les étudiants, et les travailleurs afin de transformer le Nigéria.
Les étudiants sont les travailleurs de demain, il est donc indispensable que les principaux syndicats de travailleurs se joignent à la lutte pour le sauvetage de l’éducation nigériane et par la même occasion face pression sur le gouvernement pour l’implémentation effective du salaire minimum et la fin des violences policières (certains étudiants qui manifestaient contre les mesures d’austérités prises par les gestionnaires de l’éducation se sont fait tuer lors de manifestations). (8)
Le Parti Socialiste du Nigeria, l’alternative socialiste qui se construit : ‘‘Un parti pour les millions (pauvres, jeunes et travailleurs ndlr) et non pour les pillards millionnaires’’

Pour paraphraser Mark Twain : ‘‘Les chiffres et les faits montreraient probablement qu’il n’existe pas de classe criminelle Nigériane distincte à part l’assemblée nationale.’’ (9) La population en a marre de voir ses richesses pillées par les kleptocrates au pouvoir en collaboration avec les multinationales présentent sur le terrain. Non content de siphonner les ressources naturelles, le pouvoir en place vampirise son peuple en augmentant tour à tour, le prix de l’électricité, les frais d’inscriptions, l’essence tout en attaquant le droit des travailleurs à un salaire décent et des étudiants à des syndicats démocratiques.
En plus de ces problèmes économiques dont on ne parle que trop peu dans nos médias occidentaux, le Nigéria est devenu tristement célèbres ces dernières années par les attentats répétés de Boko Haram dans le nord du pays.
Le problème de Boko Haram est à mettre en lien avec la question nationale non résolue depuis l’indépendance. Alors que la gauche petite-bourgeoise esquive la question nationale, nos camarades du DSM plaident pour une conférence de souveraineté nationale avec une majorité de représentants élus de travailleurs pour parler de la question nationale ainsi que des problèmes économiques, afin de décider de la marche à suivre, car ceux ci doivent être réglés pour pouvoir régler, entres autres, le problème de Boko Haram.
L’Islamisme fondamental qui a fait 3600 morts depuis 2009 selon Human Rights Watch, est le résultat de l’échec de la prise en main sérieuse de la question nationale par les gouvernements successifs, de l’état délabré de l’économie nigériane, du manque d’investissement dans l’éducation, de la pauvreté abjecte de certaines région, de l’abandon de certaines régions par l’administration qui n’est là que pour s’enrichir, en somme de la mauvaise gouvernance qui définit la classe dirigeante nigériane depuis son indépendance.
Boko Haram se présente comme une réponse à la politique dirigeante, d’ailleurs, ce groupuscule est le plus enraciné au nord dans les provinces les plus pauvres et s’est développé le plus facilement après une catastrophe naturelle ignorée par l’Etat. Ce groupe terroriste n’est pas une création récente mais est une entité qui s’est développée graduellement par effet boule de neige jusqu’à devenir ce qu’il est aujourd’hui. Boko Haram, qui signifie littéralement ‘‘la société occidentale est diabolique’’, reflète rien que dans son nom une haine de tout ce que représente l’occident, cette haine est alimentée par le Big Business de la capitale et la richesse exubérante des dirigeants. Le gouvernement, utilise Boko Haram comme alibi pour augmenter la militarisation du pays (la loi martiale est déjà effective dans 2 Etats sur 3) et ainsi harceler et intimider toute personne ou groupe qui serait critique envers le gouvernement. On voit comment les attaques contre les droits démocratiques de la population vont de pair avec la protection des intérêts capitalistes de la classe dirigeante. (10)
Le TUC et le NLC ont échoué à la construction d’un authentique parti démocratiquement géré par les travailleurs, les masses et les pauvres, et dévoué à la répartition équitable des ressources humaines et naturelles pour le bénéfice de tous. Le Parti Travailliste (Labour Party), créé par le NLC et dont nos camarades du DSM ont aidé à la construction dans les années ‘90 avant de s’en faire exclure, est aujourd’hui une autre de ces factions politiques qui se dit ‘‘l’alliée des travailleurs’’ tout en dinant à la table du grand capital, protégeant ses intérêts et se désolidarisant du peuple lorsque les politiques anti pauvres s’acharnent sur la population. L’organisation interne du parti n’a plus rien de démocratique non plus. Pour qu’un aspirant ait une chance de se faire élire à un poste, il doit mettre la main à la poche et payer les leaders du parti jusqu’à plusieurs centaines de milliers de Niaras (jusqu’à 5000€) afin de pouvoir concourir pour le poste.
En 2003, nos camarades se sont présentés avec un programme socialiste en tant que candidats du Parti de la Conscience Nationale (NCP) qu’ils ont permis de transformer en un véritable parti politique alors qu’il n’était qu’une conscience, un mouvement de protestation balbutiant. Ils ont obtenu d’impressionnants résultats, 2ème avec plus de 77.000 voix officiellement dans le district sénatorial ouest de Lagos, malgré des preuves de bourrages d’urnes, d’achats de voix, et autres fraudes électorales. On a fait les meilleurs scores du NCP à l’échelle nationale sur base d’un programme résolument socialiste. Malheureusement, l’histoire a fait que nos camarades ont dû quitter ce parti après le virage à droite de sa direction et de son programme. Nos camarades ont néanmoins pu recruter des éléments désabusés du parti qui aujourd’hui jouent un rôle de cadre important dans le DSM. (11)
Le Mouvement Socialiste Démocratique (DSM) n’est pas officiellement reconnu comme un parti politique au Nigéria. Pour ce faire, il faut que les membres du Comité National Executif viennent de 24 des 36 Etats du pays, il faut avoir son quartier général à Abuja (ce qui coûte 5000€), et payer 5000€ en plus uniquement pour enregistrement du parti (contre 25€ en Afrique du Sud).
En plus des difficultés financières, la répression à l’encontre de nos camarades est grandissante. Lors des rassemblements du 1er mai, 15 de nos camarades se sont fait arrêtés pour avoir distribué des tracts du SPN et vendu leur journal (Socialist Democraty), leur matériel politique a bien entendu été détruit. Il a fallu que les camarades se mobilisent internationalement et localement pour faire pression sur les autorités locales pour que nos camarades aient finalement été libérés.
L’Implosion et les conflits internes du parti travailliste et des autres partis « de gauche » en plus de leur soutien tacite aux politiques d’austérité du gouvernement, envoient des messages contradictoires aux électeurs et à leurs membres qui ne savent plus vers qui se tourner. Sans alternative sérieuse, certains envisagent même parfois l’armée, en cas de crise prolongée, comme solution salvatrice malgré les 3 décennies de juntes militaires au pouvoir qui n’ont pas amélioré la situation du pays et les problèmes ethniques qui s’y retrouvent comme dans le reste du pays.
C’est pour toutes ces raisons que l’activité politique principale de cette dernière année de nos camarades du DSM a été la construction d’un parti plus large, le SPN.
La seule façon de régler la question nationale, de mettre fin à la corruption des élites dirigeantes, d’avoir des salaires décents, de pousser les investissements massifs dans la santé, les transport, les infrastructures, l’éducation et d’arrêter leurs démembrement et privatisations ; la seule voie pour mettre fin à la misère dans laquelle vie la grande majorité de la population Nigériane malgré l’extraordinaire abondance de ressources humaines et naturelles, est de mettre en place un système socialiste ou le propriété des secteurs clés de l’économie est collective et sous la gestion démocratique des travailleurs eux-mêmes. C’est à cela que s’attèlent nos camarades du DSM avec la construction du SPN, avec le soutien moral, physique et financier des autres sections du Comité pour une Internationale Ouvrière qui militent pour donner corps à un véritable socialisme partout dans le monde.
Notes :
(1) http://www.bloomberg.com/news/2011-01-18/nigeria-s-poverty-ratio-rises-to-70-of-population-trust-says.html
(2) http://www.unrisd.org/80256B3C005BCCF9/search/C6A23857BA3934CCC12572CE0024BB9E?OpenDocument&language=fr
(3) http://www.punchng.com/news/we-need-funds-not-phones-farmers-tell-fg/
(4) http://www.reuters.com/article/2013/06/03/nigeria-electricity-privatisation-idUSL5N0EF27H20130603
(5) « Socialist Democracy » March/April 2013 (et 2012) p.7, Nigeria’s general strike/mass protest against fuel price hike, Vital lessons for the working class and youth, by H.T. Soweto,
(6) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2195
(7) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2192
(8) http://www.socialistnigeria.org/page.php?article=2188
(9) It could probably be shown by facts and figures that there is no distinctly native American criminal class except Congress. – Pudd’nhead Wilson’s New Calendar
(10) http://pmnewsnigeria.com/2013/08/14/how-boko-haram-was-created-arogundade/
(11) Marx is back, CWI Summer School 2013 Monday 22nd July Daily bulletin, building in Nigeria, for a party that truly represents working class people.

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École d'été du CIO : Nouvelles révoltes en Amérique latine
La discussion sur l’Amérique latine à l’École d’été du CIO 2013 a été introduite par notre camarade Johan Rivas, militant du CIO au Venezuela dans le groupe Socialismo Revolucionario. Johan a remarqué l’ouverture d’une nouvelle période dans la situation en Amérique latine, au moment où la “Grande Récession” atteint maintenant le continent, surtout vu le début de la crise en Chine. Les répercussions se sont fait sentir sous la forme d’une nouvelle période de lutte de classe et de crise capitaliste à travers toute la région. Une partie de ce processus inclut, selon Johan, une intensification des tensions entre impérialistes et des conflits économiques, avec la lutte d’influence dans la région entre la Chine et les États-Unis. Ce contexte coïncide avec un renouveau de la lutte de classe – comme on l’a vu avec une vague de grèves de masse au Mexique dans le cadre de la lutte contre la privatisation de la compagnie pétrolière d’État, et avec une grève générale en Bolivie.
Rapport de Laura Fitzgerald Socialist Party (CIO-Irlande)
Le Venezuela après Chavez
Johan a expliqué la manière dont le récent décès de Hugo Chavez dans son pays a amené une complication de la situation au Venezuela. D’un côté, l’ère Chavez a vu s’accomplir de nombreuses réformes sociales, l’activation et la politisation des masses. D’un autre côté, les acquis des masses sont aujourd’hui menacés non seulement par l’opposition de droite (malgré toutes les tentatives rusées de cacher son caractère réactionnaire), mais aussi par la bureaucratisation au sein du camp Chavez, par les couches pro-capitalistes de son régime qui se sont enrichies grâce au pouvoir, par la corruption et l’affairisme. Ce processus est maintenant en train de discréditer l’idée de “révolution bolivarienne”.
Après la victoire électorale de Chavez en 2006, après que les masses se soient mobilisées pour faire obstacle à une nouvelle tentative de coup d’État de la droite, Johan a expliqué qu’entre 60 % et 70 % de la population soutenait l’idée de la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et que 70 % étaient favorables à l’idée de progresser vers le “socialisme”, même si la notion même de ce que signifiait le mot “socialisme” était certainement très floue aux yeux de beaucoup. À présent, en 2013, Johan affirme que la conscience a fortement reculé à cause de la bureaucratisation massive du régime sur lequel s’appuyait Chavez. Cette bureaucratisation s’est produite à la suite de la mise en œuvre de plusieurs contre-réformes, malgré la nature somme toute limitée des réformes qui avaient pu être accomplies grâce à richesse tirée de la nationalisation du pétrole et malgré le fait que ces réformes avaient été mises en œuvre d’une manière qui n’empiétait pas le moins du monde sur les relations économiques capitalistes.
Johan a soulevé la possibilité que les complications issues de toute cette situation pourraient paver la voie à un retour de la droite au pouvoir, qui se produirait très certainement par la voie électorale plutôt que par une nouvelle tentative de coup d’État, bien qu’on ne puisse pas exclure la possibilité d’un tel coup. De tels développements auraient certainement un effet sur les masses du monde néocolonial qui considéraient, jusqu’à un certain point, Chavez et le Venezuela comme une source d’espoir et d’inspiration.
Cependant, il faut également prendre en compte le fait que la droite elle-même est assez divisée, et que cela pourrait entraver ses chances de succès lors des élections municipales de cette année. D’un autre côté, des fissures sont aussi apparues au sein du parti chaviste, le PSUV (Parti socialiste unifié du Venezuela), avec notamment une cassure grandissante entre l’aile militaire et l’aile civile. On le voit notamment avec un certain virage à gauche dans certaines sections PSUV et dans leurs discours un peu partout dans le pays. Johan a expliqué la manière dont CIO au Venezuela utilise une large de gamme dans ses efforts visant à gagner les couches avancées des travailleurs, des pauvres et des jeunes à un programme socialiste révolutionnaire. De telles tactiques incluent un certain élément de travail parmi la base du PSUV, et aussi un travail afin de construire un front uni de la gauche en-dehors du PSUV, tout comme les camarades du CIO se battent pour l’adoption d’un programme révolutionnaire au sein de ce dernier.
Une nouvelle ouverture pour les idées trotskistes quant au destin de Cuba
Johan a ensuite donné un compte-rendu de ce qu’il sait des processus très intéressants qui sont en train de se dérouler en ce moment à Cuba. Raul Castro a adopté toute une série de contre-réformes qui ont orienté l’économie dans une direction capitaliste, mais ce processus est loin d’être complet.
Johan a remarqué à quelle point la jeunesse est la plus en faveur de réformes politiques, tandis que la vieille génération est extrêmement sceptique et vigilante par rapport à ces réformes, vu qu’elle craint ce qui pourrait arriver aux systèmes de santé et d’enseignement cubain, qui sont parmi les meilleurs du monde, et qui représentent les plus importants acquis de la révolution. Johan a également mentionné les réformes au sein du Parti communiste cubain lui-même – les LGBT peuvent maintenant rejoindre le parti et y participer, avec pour conséquence l’élection d’un maire ouvertement LGBT dans une des provinces, une grande première depuis le début de la révolution.
Johan a illustré l’ouverture qui existe quant à une analyse trotskiste du stalinisme, pour un programme qui mentionne la nécessité d’une révolution politique afin de démocratiser l’État et l’économie planifiée, pour le contrôle et la gestion de l’économie par les travailleurs, et pour un changement qui associerait la perspective mondiale d’une remise en question du capitalisme par la classe ouvrière sur le plan mondial, qui puisse véritablement amener la perspective d’une transformation socialiste et démocratique, et du socialisme.
Des explosions convulsives au Brésil
Notre camarade Ricardo Baross Filho, syndicaliste et membre du groupe Liberdade, Socialismo e Revolução (CIO-Brésil) à Rio de Janeiro, a donné la deuxième partie de l’introduction, qui s’est concentrée sur l’explosion convulsive de lutte de masse antigouvernementale que nous avons vu partout au Brésil ces dernières semaines. Ricardo a entamé son commentaire en replaçant le “lulaïsme” en perspective. Lorsqu’il a été élu il y a dix ans, le gouvernement PT (“Parti des travailleurs”) de Lula a donné aux capitalistes une porte de sortie. Malgré son ancien caractère de parti ouvrier, et les immenses espoirs que toute une couche de travailleurs et de pauvres avaient placés en lui, le PT une fois au gouvernement a appliqué une politique néolibérale, caractérisée par un strict équilibre budgétaire, des privatisations (moins que les gouvernements avant lui, mais tout de même), et la corruption.
Tout le succès de ce modèle reposait sur les exportations, surtout de matières premières pour satisfaire la forte demande chinoise.
Ricardo a expliqué la manière dont les améliorations dans la vie de toute une couche de la classe ouvrière ont été effectuées dans l’esprit du néolibéralisme, via des subsides étatiques à l’industrie privée sous forme de partenariats public-privé, comme dans le secteur du logement, ou avec l’introduction d’universités privées payantes pour les jeunes.
Le populisme de Lula s’est illustré dans son incorporation de la CUT (Central Única dos Trabalhadores), la principale fédération syndicale au gouvernement (le président de la CUT a été nommé ministre du Travail). La classe dirigeante brésilienne voulait poursuivre sur la lancée de Lula, mais l’élection de Dilma en 2010 a ouvert un nouveau chapitre de l’histoire, a expliqué Ricardo. Des problèmes économiques sont en train de faire surface, et Dilma n’a pas la base sociale dont bénéficiait Lula. La baisse de la popularité de Dilma est à placer dans son contexte de continuation de la politique néolibérale afin de saper les droits des travailleurs. On voit cela avec le projet de loi selon lequel les droits des travailleurs (comme le droit à des congés maternités, aux congés-maladies payés, etc.) pourraient être renégociés dans le cadre de conventions syndicales, permettant ainsi aux patrons d’attaquer les droits des travailleurs entreprise par entreprise.
L’impopularité croissante de Dilma illustre la perte de vitesse du “lulaïsme”, ce qui est très important vu ce que son régime représentait. Cela est aggravé par les problèmes économiques – la croissance du PIB l’an passé n’était que de 0,9 %, et les perspectives pour cette année sont d’à peine 2 %. Le règne de Dilma voit réapparaitre l’inflation, une cherté de la vie croissante en ce qui concerne les prix des denrées de base, ce qui est un problème majeur pour les masses pauvres partout dans le pays. Dilma parle beaucoup de son approche “responsable” en termes de fiscalité – toutes les dettes seront payées, etc. La réalité est que, comme l’a dit Ricardo, le joli vernis appliqué sur le gouvernement et le capitalisme brésilien s’était usé bien avant que l’éclatement de la récente lutte de masse.
Éclatement de la lutte
Ricardo a remarqué que l’année passée a connu le plus grand nombre de grèves au Brésil depuis bien des années. Des grèves larges se sont produites dans le secteur public comme dans le privé, avec par exemple une grève de deux mois dans les universités fédérales. Avant l’important éclatement de la lutte de masse, toute une série de mouvements locaux avaient remporté des victoires contre la hausse du cout des transports publics, ce qui a donné une grande confiance aux travailleurs et à la jeunesse. La colère face à la brutalité qui a été employée contre la première vague de manifestants par la police de São Paulo a contribué à l’extension et à l’intensification du mouvement. Les manifestants contre la hausse du cout des transports publics ont commencé à remettre en question le fait que des millions soient dépensés pour construire des stades pour les JO et pour la Coupe du monde, contrairement au budget de misère octroyé à l’enseignement et à la santé.
Ricardo a remarqué l’incroyable soutien de masse dont a bénéficié le mouvement – selon un récent sondage, 89 % de la population le soutient. Étant donné l’inexpérience et la nature de masse des mouvements – la plupart des participants en étaient à leur toute première manifestation – des éléments d’extrême-droit ont tenté d’intervenir de manière rusée dans ces mouvements avec pour objectif de les détourner à leur avantage. Les membres de LSR (CIO-Brésil), a expliqué Ricardo, ont aidé à organiser la protection des militants de gauche contre ces éléments d’extrême-droite. Ricardo a également expliqué, cependant, l’énorme ouverture des manifestants, ce qui a eu pour conséquence une très importante croissance de LSR grâce à notre intervention dans ce mouvement. LSR met également en avant le fait que la tâche de la gauche dans ce mouvement est cruciale – son rôle est d’assurer le fait que l’énergie du mouvement ne retombe pas – ce mouvement représente une chance de construire de nouvelles organisations de et pour la classe ouvrière et la jeunesse, qui pourraient devenir plus importantes que le PT ou la CUT ne l’ont jamais été.
Le PSoL
Ricardo a donné des éclaircissements quant à notre participation ininterrompue au sein de la coalition de gauche large qu’est le PSoL (Partido Socialismo e Libertade, mais “Sol” veut aussi dire “Soleil”). Ricardo a remarqué que le PSoL associe de très impressionnants militants de gauche et des dirigeants de mouvements sociaux, partout au Brésil. Le fait que le PSoL ait grandi électoralement ces dernières années illustre son potentiel en tant que possible futur pôle de gauche au Brésil. La plus grande menace, selon Ricardo, est qu’une puissante aile droite au sein de l’organisation la pousse vers des coalitions avec des forces pro-austérité.
Ricardo a aussi défendu la nécessité d’une nouvelle confédération syndicale au Brésil. Il a souligné l’incapacité de la CUT, qui ne parvient pas à véritablement représenter les besoins des travailleurs. Il a parlé du rôle positif de la CSP-Conlutas (Central Sindical e Popular – Coordenação Nacional de Lutas) dans laquelle participent de nombreux militants LSR, qui en termes de programme et d’action, est loin devant la CUT. CSP-Conlutas joue également un rôle important dans l’organisation des travailleurs intérimaires, des jeunes chômeurs, des luttes sociales et des mouvements des pauvres, et dans la coordination entre ces luttes et le mouvement syndical.
Discussion sur le caractère du mouvement au Brésil
Au cours du débat, sont intervenus des camarades de France, du Brésil, de Suède, d’Autriche et d’Allemagne. Les sujets abordés incluaient la situation politique au Honduras, plus d’analyses sur les mouvements de masse qui ébranlent toujours le Brésil, et des points concernant le mouvement syndical et le parti PSoL au Brésil. Notre camarade Christina du Brésil a contribué au débat en insistant sur le rôle de la jeunesse dans le mouvement de protestation au Brésil. Elle a fait remarquer qu’un sondage réalisé au début des manifestations à São Paulo révélait que 71 % des participants en étaient à leur toute première action. Christina a replacé la participation des jeunes au mouvement dans son contexte, en parlant des difficultés en ce qui concerne le chômage des jeunes et les contrats précaires dans le secteur privé pour les jeunes, en plus de l’oppression, du racisme, de la violence policière et de la misère dégradante qui touchent beaucoup de jeunes noirs dans les favelas (quartiers pauvres).
Notre camarade Mariana, de France, a abordé la question du nationalisme au Brésil. Elle a expliqué l’incapacité de la plupart de la gauche à aborder ce problème. La présence de drapeaux brésiliens lors des manifestations représente, à un certain degré, la faiblesse de la conscience qui existe. Certains groupes de gauche ont évité cette question, soit en rejetant les manifestations qualifiées selon eux de “réactionnaires”, soit en disant que ces drapeaux étaient une expression de l’“anti-impérialisme”. La réalité est que le “lulaïsme”, en tant que phénomène purement bourgeois, a rehaussé le nationalisme et un sentiment de “collectivité” qui était conçu afin de gommer les frontières entre classes et faire disparaitre les divisions de classe, afin de défendre les intérêts du capitalisme et de désarmer la classe ouvrière. Il existe toujours des restes de tout ceci, qui sont présents dans le mouvement, mais qui existent cependant aux côtés d’un virage clair vers la gauche dans la conscience des travailleurs. Une intervention appropriée de la gauche dans le mouvement, qui exprime les aspirations des travailleurs et des jeunes, qui donnerait une direction claire au mouvement, et qui mettrait en avant la nécessité de la solidarité et de la lutte à travers toute l’Amérique latine et dans le monde entier, pourrait avoir un énorme impact.
Au moment de la conclusion du débat, le consensus qui s’était dégagé était de souligner les nouvelles opportunités qui se présentent dans ce qui est une nouvelle étape de la crise du capitalisme en Amérique latine, et potentiellement un nouveau chapitre de l’histoire du mouvement prolétaire dans la région. Les camarades se sont mis d’accord sur le fait qu’il faudrait approfondir la discussion quant aux processus contradictoires qui se déroulent à Cuba et au Venezuela, et finalement, quant aux formidables développements au Brésil. Ce pays extrêmement important, qui a une énorme influence sur l’ensemble du continent, tant sur le plan économique que politique, a été considéré comme un indice du potentiel qu’ont les idées socialistes et les luttes de se redévelopper à l’échelle de tout ce continent, avec son histoire si riche en enseignements pour la lutte et pour la révolution.
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Malaisie: reconstruction des traditions combatives du mouvement ouvrier
Cette année, lors de l’école d’été annuelle du CIO, une membre de notre organisation sœur en Malaisie est intervenue. Sharifah, une jeune femme d’origine musulmane, a parlé, lors de quelques discussions, de la situation de son pays et de la construction de nos forces. La Malaisie est caractérisée par une population fortement mixte, où les contradictions nationales, religieuses et ethniques sont très utilisées par la bourgeoisie. Nous-mêmes, nous y construisons une organisation socialiste unifiée. Avant le début de l’école d’été, Sharifah a passé quelques jours à Anvers, l’occasion de l’interviewer.
Avant son indépendance, la Malaisie était une colonie britannique. Le colonisateur y régnait d’un main de fer. Les matières premières et la force productive de la population étaient totalement consacrées aux intérêts de l’impérialisme britannique. La population locale restait en arrière avec les mains vides, et ceci dans un pays d’une importance stratégique qui comptait beaucoup de richesses naturelles. La population locale était, entre autres, exploitée pour la construction de nouveaux chemins de fers qui ne servaient pas à établir un réseau local de transports publics mais à pouvoir transporter plus facilement les matières premières du pays. L’exploitation et la répression étaient omniprésentes, les droits démocratiques n’existaient pas. Voila le décor posé par les occupations Britannique et Japonaise du pays.
Comme dans d’autres pays de la région, l’indépendance après la Deuxième Guerre Mondiale ne s’est pas obtenue grâce aux « idées éclairées » des colonisateurs, mais a été permise grâce à la pression d’un mouvement de masse de la base. Un grand facteur politique dans ce processus était le rôle du Parti Communiste qui connaissait une forte croissance dans la région entière. Ainsi, le développement rapide du PC en Indonésie a eu un impact sur la Malaisie. Le PCM (Parti Communiste de Malaisie) était fortement impliqué dans la lutte pour l’indépendance. Le potentiel d’un mouvement révolutionnaire qui pouvait non seulement mettre à la porte le colonisateur mais également le système capitaliste et impérialiste dans son entièreté était présent. Un grand obstacle néanmoins fut la ligne politique de Moscou qui, après la guerre, avait conclu un accord avec l’impérialisme sur la division des sphères d’influence, et qui était prêt à gaspiller des possibilités révolutionnaires pour s’y maintenir. C’est grâce à la pression d’en bas et au rôle des militants du PCM que les Britanniques ont du se résigner à l’indépendance. Dans une tentative de conserver la tactique coloniale de diviser pour mieux régner, Singapour fut déclaré indépendant de l’état malaisien. Ceci a surtout été fait pour éviter que la population chinoise ne devienne majoritaire dans le pays. Si aujourd’hui le parti traditionnel le plus important en Malaisie, le UMNO, revendique l’indépendance du pays, ce n’est qu’une falsification de l’histoire.
Après l’indépendance de la Malaisie, l’UMNO est arrivé au pouvoir. Sous sa direction, les chemins de fer et les entreprises d’eau et d’électricité ont été privatisés. Pour trouver un soutien politique à cela, la tactique traditionnelle de l’ancien colonisateur de diviser pour mieux régner a été utilisée. Cette division s’est encore renforcée par une islamisation poussée : le régime naturalisait des migrants musulmans des Philippines et du Bangladesh pour élargir sa base populaire. Avec cette politique, Mohamed Mahathir est parvenu à maintenir sa position de premier ministre de la Malaisie durant 22 ans. Mais cette période a pris fin en 2003, et lors des dernières années de son pouvoir, l’instabilité politique du pays a augmenté.
Dès la fin des années ’90, dans toute la région, nous avons assisté à un retour des mouvements de protestation. Le dictateur indonésien Soeharto, qui est arrivé au pouvoir dans les années ’60 après avoir organisé un massacre au sein de la gauche, fut éjecté du pouvoir en 1998 par un mouvement de masse. La lutte contre la corruption et la dictature en Indonésie a fait écho en Malaisie où là aussi des « reformasi » (réformes) étaient proposées. Un élément central des protestations en Malaisie à la fin des années 1990 fut la loi « ISA » (Internal Security Act), grâce à laquelle le gouvernement pouvait enfermer tous les opposants sans la moindre enquête. Le loi était alors utilisée à l’époque pour réduire le PCM au silence.
Le mécontentement par rapport à la corruption et à la fraude n’a jamais disparu. En 2007, des grandes actions et manifestations ont été organisées sous le nom « BERSIH » (propre). Des élections « honnêtes » et « sans fraude » ont été proposées. Mais ces élections étaient néanmoins truquées, permettant à certains de voter plusieurs fois. Il y avait plus de voix que d’électeurs…
De plus, dans le système électoral, il est prévu que les entreprises ont la possibilité de naturaliser leurs ouvriers du Bangladesh ou d’Indonésie contre paiement. Ceci est alors utilisé pour obtenir des ouvriers naturalisés qu’ils votent pour le parti du gouvernement. Chaque voix est personnalisée pour permettre au gouvernement de contrôler, à tout instant, qui a voté pour quel parti et quand. Et on appelle cela la démocratie…
Le CIO en Malaisie est actif dans le mouvement pour les droits démocratiques. Nous ne nous contentons pas de manifester, mais nous intervenons également avec notre matériel politique pour politiser la résistance. La force de ce mouvement est qu’il a beaucoup pointé la fraude électoral et que ceci est diffusé largement dans la population. Sa faiblesse est que le mouvement se fait seulement entendre lors des élections.
Notre organisation en Malaisie est assez jeune, mais parvient cependant à avoir déjà un certain impact. Nous unifions des activistes de différents origines ethniques et religieuses, et nous menons des campagnes au sein de la population. Nous militons avec des campagnes dans la rue, dans des entreprises ou lors de marchés nocturnes. Il existe beaucoup de confusion politique, beaucoup de nos discussions parlent de la nécessité des syndicats, et de la lutte pour un système alternatif. Il y a peu de compréhension sur le fait qu’une alternative au capitalisme est possible, et encore moins sur la façon de construire les instruments pour y arriver.
Le rôle de la direction des syndicats existants n’y est pas pour rien. La direction de droite de la fédération syndicale la plus importante, MTUC, abandonne souvent ses membres lors des conflits avec les employeurs. Mais ceci n’est pas une fatalité. Une position combative du syndicat des employés bancaires a mené à quelques victoires et cela dans un secteur qui n’est pas connu comme le centre de la lutte de classes. Les victoires des employés bancaires en ont inspiré d’autres, notamment dans le secteur des télécoms, afin d’entrer en action, par des grèves, pour arriver à de meilleurs conditions de travail.
Le gouvernement sent la pression de la lutte d’en bas. Il y a même eu l’élaboration d’un salaire minimum de 900 Ringgit par mois (150 euro). Les employeurs disposent néanmoins de toute une série de détours pour l’éviter, et employer les travailleurs dans des conditions bien pires. Dans la capitale Kuala Lumpur, nous avons été contactés par les travailleurs d’une usine de crème glacée dans laquelle la direction avait fait signer un contrat aux travailleurs qui stipulait que leur salaire, même avec des heures supplémentaires ou des frais, ne pourrait jamais être plus élevé que 900 Ringgit. Nous avons aidé à organiser un syndicat pour ces travailleurs qui ont mené plusieurs actions. Le nouveau syndicat a mis l’affaire devant le ministère du travail, qui a statué que l’accord était illégal. C’est en s’organisant que les travailleurs sont parvenus à cette victoire.
En construisant de tels exemples et en renforçant, par la même occasion, notre organisation, nous voulons lier les traditions combatives du mouvement ouvrier à une meilleur et plus forte compréhension des taches qui sont devant nous dans la lutte pour une alternative socialiste au capitalisme.
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Allemagne : la députée de Die Linke Heidrun Dittrich rejoint le CIO
“Renforcer le SAV, c’est renforcer la gauche au sein de DIE LINKE”
La députée de Die Linke (La Gauche, formation large à la gauche de la social-démocratie (SPD) et des Verts en Allemagne) pour la Basse-Saxe, Heidrun Dittrich, vient de rejoindre Sozialistische Alternative (SAV), la section allemande de notre internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO). Cela fait suite à toute une période d’intense collaboration au sein de Die Linke et de son courant de gauche, la “Gauche Anticapitaliste’’. Voici ci-dessous sa déclaration.
Déclaration de Heidrun Dittrich
Au vu des mouvements de masse qui prennent place sur tous les continents, de l’actuelle absence d’alternative dans l’esprit de nombreuses personnes et de la désillusion face aux partis néolibéraux, la construction de forces socialistes conséquentes est décisive pour montrer une voie de sortie hors de la crise du capitalisme. Sans cela, des groupes pro-capitalistes ou mêmes fascistes peuvent instrumentaliser la désillusion existante, des mouvements progressistes peuvent tourner à la guerre civile comme en Syrie ou des militaires peuvent prendre le pouvoir comme en Egypte. De tels développements ne peuvent être prévenus que si la classe ouvrière dispose de forces indépendantes qui luttent pour une alternative à une échelle internationale.
J’ai décidé de rejoindre Sozialistische Alternative (SAV) parce que je pense qu’une organisation marxiste internationale qui défend une telle perspective est nécessaire.
Je me suis moi-même considérée comme une marxiste la moitié de ma vie durant et j’ai lutté au côté de collègues, de syndicalistes et de chômeurs pour une alternative contre la guerre, la pauvreté et l’esclavage salarial. C’est pourquoi j’ai rejoint le syndicat à l’âge de 16 ans et que je suis devenue active syndicalement sur mon lieu de travail. Il y a de cela 5 ans, j’ai rejoint Die Linke parce qu’un parti socialiste puissant défendant une alternative au capitalisme est nécessaire. En 2009, j’ai été élue pour le parti au Parlement allemand (le Bundestag) sur une liste présentée dans l’Etat fédéral de Basse Saxe. Je suis d’opinion que notre travail parlementaire doit être premièrement et principalement utilisé, comme Rosa Luxemburg l’avait écrit il y a plus de cent ans, afin d’exposer l’hypocrisie des partis bourgeois, de propager notre alternative politique, de diffuser les revendications des mouvements extra-parlementaires et de renforcer la résistance locale. J’ai toujours été opposée à la conception des positions parlementaires considérées comme un but en soi.
Je suis également active au sein de la Gauche Anticapitaliste (AKL) afin d’aider à construire une aile gauche de la base du parti capable de remporter des majorités pour une politique anticapitaliste et socialiste. C’est au sein du parti et de l’AKL que j’ai pu rencontrer les camarades du SAV, qui sont également membres de Die Linke. Après une période de travail en commun qui a duré plusieurs mois, j’ai pu constater que mes idées et celles du SAV au sujet d’une gauche combative, démocratique et socialiste étaient similaires.
Tout comme les camarades du SAV, je ne pense pas que la crise actuelle est juste une crise des marchés financiers, mais une crise systémique du capitalisme. Cette crise ne pourra pas être résolue par une redistribution des richesses, parce que la force principale au sein du capitalisme est celle de la maximisation du profit. Une solution ne peut être trouvée que dans la socialisation des moyens de production et dans la planification écologique et sociale de l’économie au sein d’une société socialiste. Notre tâche est, à partir des problèmes quotidiens de la population, de montrer une issue socialiste et de construire un pont vers une alternative socialiste.
Les dirigeants du système disent toujours qu’il n’existe pas d’alternative au capitalisme. Mais la destruction de l’environnement partout sur la planète, les guerres et la dramatique dégradation des conditions de vie de millions de personnes me font dire qu’aucune autre conclusion ne peut être tirée que celle de lutter pour une société socialiste – sans quoi le capitalisme détruira les conditions de vie civilisées. Nous avons à formuler nos propositions de manière très concrète et non pas de façon abstraite. A partir de la lutte contre les bas salaires, les licenciements, les coupes dans les budgets sociaux, et pour une semaine de travail plus courte avec embauches compensatoires et sans perte de salaire, pour des programmes d’investissements publics massifs dans l’enseignement, les soins de santé, les services sociaux, etc. il est nécessaire de faire le lien avec les idées anticapitalistes et de clarifier que la moindre amélioration ne sera possible que sur la base du renversement de l’économie de profit capitaliste.
Afin de fondamentalement changer les relations sociales, nous devons gagner la majorité de la société. Cela ne saurait être possible qu’en stimulant l’entrée en activité militante pour que de plus en plus de gens rentrent en conflit avec le système. Cela ne se fera pas avec des coalitions parlementaires avec des partis bourgeois comme le SPD et les Verts.
Les membres du SAV militant au sein de Die Linke contre toute accommodation avec le SPD et le Verts. Renforcer le SAV, c’est renforcer la gauche au sein de Die Linke et cela aide à prévenir un virage à droite dans la lignée du “Forum Socialiste Démocratique” (FDS, un courant de droite au sein du parti). Les camarades du SAV combinent des activités quotidiennes afin de développer la résistance et de contester le pouvoir tout en construisant Die Linke, l’aile jeune du parti et les syndicats avec l’objectif d’une transformation socialiste de la société. Lors des élections générales qui arrivent, au côté de membres du SAV et de tout le parti, je vais lutter pour la présence la plus forte de Die Linke au Bundestag. Renforcer le SAV et construire Die Linke n’est pas contradictoire.
J’ai particulièrement été impressionnée par l’activité des membres du SAV à l’Hôpital Charité et dans la construction de groupes de syndicalistes, des campagnes syndicales exemplaires y ont été menées. J’ai eu l’opportunité de rencontrer des membres du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) lors d’une rencontre internationale et de voir à l’œuvre une véritable association socialiste internationaliste. Plus particulièrement, le rôle des camarades du Democratic Socialist Movement (DSM) dans les grèves de mineurs et dans la construction d’un nouveau parti large des travailleurs en Afrique du Sud et la bataille de Xekinima pour l’unité de la gauche grecque sur une base clairement socialistes, sont des exemples de la manière dont la gauche socialiste doit approcher ces tâches.
En tant que députée, j’ai toujours beaucoup donné aux mouvements extra-parlementaires. Le SAV défend que chaque élu reçoive comme rémunération le salaire moyen d’un ouvrier qualifié afin d’assurer que personne ne devienne élu pour satisfaire des intérêts personnels et parce qu’il est important de ne pas être privilégié en comparaison des gens que l’on représente. J’ai donc décidé de garder 2.400 euros de mon salaire mensuel de députée pour subvenir à mes besoins, en fonction du salaire que je recevais avant d’être élue, et de donner tout le reste aux mouvements sociaux et aux projets politiques.
Heidrun Dittrich
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Afrique du Sud : des convulsions sismiques
L’École d’été internationale du CIO qui s’est déroulée en Belgique la semaine passée, s’est ouverte sur le récit époustouflant des derniers développements épiques de la lutte des travailleurs d’Afrique du Sud, avec l’importante participation du Democratic Socialist Movement (CIO en Afrique du Sud) et le lancement du Parti socialiste et ouvrier (WASP).
Par Nick Chaffey, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
Le CIO s’est réuni en Belgique cette semaine pour son école d’été annuelle. Des centaines de camarades du CIO venus d’Afrique du Sud, du Nigeria, de Tunisie et du Moyen-Orient, des États-Unis, du Canada et du Québec, du Brésil et du Venezuela, d’Australie, de Chine, de Malaisie, et de toute l’Europe, étaient présents pour discuter de la situation mondiale, du programme du socialisme, et des perspectives pour la lutte de classe des travailleurs mondiale.
La session a été introduite par le camarade Alec Thraves du Socialist Party of England & Wales, qui a effectué plusieurs visites en Afrique du Sud, et par le camarade Mametlwe Sebei du DSM (CIO Afrique du Sud).
L’Afrique du Sud totalement changée par le massacre de Marikana
Alec a commencé par un aperçu des changements rapides qui se sont déroulés après la lutte des mineurs et son impact partout en Afrique du Sud et dans chaque couche de la société. Le meurtre délibéré de 34 mineurs par la police – sous un gouvernement ANC qui est soutenu par la fédération syndicale, Cosatu, et par le syndicat officiel des mineurs, le NUM (National Union of Mine Workers) – a démontré la brutalité des méthodes employées par l’État. La réponse des mineeurs a elle aussi démontré la puissance et la force de la classe ouvrière et le rôle vital que le DSM et le CIO ont joué.
L’expérience du massacre et de la lutte des mineurs a révélé la véritable nature du régime ANC post-apartheid à de larges sections de la classe ouvrière.
Non contents de revenir à une répression digne du temps de l’apartheid, la politique pro-capitaliste du gouvernement a créé une énorme inégalité dans la société, et provoqué un mécontentement croissant de la part des travailleurs. Des luttes se sont développées autour de la revendication d’un salaire décent partout en Afrique du Sud, mais cette revendication a été rejetée par le dirigeant du NUM, qui reçoit lui-même un salaire de 1,5 millions de rands (80 millions de francs) payé par les patrons des mines. Il n’est donc guère étonnant que les travailleurs rejettent ces dirigeants corrompus et développent leur propre lutte militante.
C’est dans ce cadre que le DSM a joué un rôle crucial en organisant la coordination de comités de grève indépendants non officiels, en posant une alternative à la crise et en construisant une nouvelle direction.
Alec a expliqué qu’après son discours à un meeting de masses avec les mineurs, les travailleurs étaient si enthousiastes à l’annonce de la solidarité du CIO, et de la nouvelle des énormes grèves et luttes qui parcourent toute l’Europe, qu’ils ont acheté 250 exemplaires du journal du DSM à la fin du meeting.
Les comités de grève ont dû organiser des meetings illégaux dans des parcs, et tous les jours, les membres du DSM Liv Shange et Sebei apparaissaient dans la presse et à la télé, et recevaient chaque jour de nouvelles demandes d’aller parler à des meetings de masse.
Une société hyper violente
En plus des luttes pour le salaire, les travailleurs sont obligés de lutter même pour les plus basiques des services. Dans certains quartiers, on voit des travailleurs qui vivent dans des abris en tôle qu’en Europe, on n’utiliserait même pas pour y ranger des animaux ni même des outils ! Alec a ainsi expliqué que « Il n’y a pas d’électricité, il n’y a pas d’eau, il y a seulement la misère ». Ces conditions engendrent des problèmes tes que le crime et la consommation de drogues, mais aussi, heureusement, la croissance d’idées révolutionnaires ; le DSM a construit des sections dans les pires bidonville d’Afrique du Sud.
Les femmes militantes ont également fait preuve d’un énorme courage, surtout à Freedom Park, où les femmes ont été terrorisées par les viols atroces perpétrés par le Golf Club Gang, et contre les attaques homophobes qui voyaient des lesbiennes avérées ou non se voir infliger des “traitements correctifs” par des violeurs qui espéraient ainsi les “soigner” de leur “maladie”.
L’Afrique du Sud reste une des plus violentes sociétés de la planète. Récemment, un dirigeant des mineurs du Syndicat association des mineurs et de la construction (AMCU, un syndicat indépendant formé par les travailleurs contre le NUM corrompu) a été assassiné par des miliciens à la solde du NUM. Le secrétaire général du Cosatu a lui aussi parlé de sa crainte de se voir assassiné. Soixante-dix personnes ont été tuées lors de la grève des mineurs, et ç’aurait été plus encore, sans la présence et le rôle joué par le DSM. Alec nous a raconté un meeting dans un parc avec une centaine de travailleurs pendant une étape cruciale de la grève.
La discussion était très dure politiquement, vu le danger qu’il y avait que les mineurs décident de reprendre le travail. Certains militants ont fait une proposition qui était d’envoyer un avertissement aux mineurs avant de partir tuer 50 “jaunes” (ouvriers qui travaillent malgré la grève) le lendemain. Les camarades sont intervenus pour contrer cette proposition, en demandant qu’à la place soit envoyée une délégation de représentants des mineurs pour aller discuter avec eux, démolir les arguments des patrons et convaincre plus de travailleurs de rejoindre la grève.
Avec le soutien d’autres, des mineurs et du DSM, le Parti socialiste et ouvrier (WASP) a été officiellement lancé, et se prépare maintenant à participer aux élections l’an prochain. La lutte de classe est devenue plus intense et plus violente que partout ailleurs, et la conscience socialiste est bien plus grande. Il est vrai que nous avons de dangereux adversaires au sein de l’ANC, parmi les grands patrons et certains dirigeants syndicaux. Toutefois, nos camarades d’Afrique du Sud, comme ceux du Nigeria, du Kazakhstan et du Sri Lanka, ont mis en avant nos idées malgré les mêmes menaces. Nous avons de dangereux adversaires, mais aussi de puissants soutiens parmi les millions de travailleurs, de chômeurs et parmi tous les miséreux qui vivent dans les bidonvilles.
Le rôle du DSM
Le camarade Sebei, un de nos dirigeants sud-africains, nous a informé du travail du DSM et nous a expliqué comment une si petite organisation a pu se voir élevée au point où elle est en ce moment en train de jouer un si grand rôle dans un tel mouvement.
Le DSM s’était préparé à ces évènements, grâce à son analyse complète de la situation à laquelle est confrontée l’économie capitaliste et des relations de classes en Afrique du Sud. Nous avions identifié le maillon faible de l’alliance tripartite (ANC, Parti “communiste” et Cosatu) avec sa tentative de lier et de subordonner la classe ouvrière au gouvernement, surtout vu l’importance de l’extraction de matières premières, et la façon dont le secteur des mines serait le premier touché en cas de crise économique mondiale, surtout à partir du moment où l’économie chinoise commencerait à ralentir. C’est cette analyse qui nous a décidé à nous orienter vers les mineurs de Rustenburg, et qui nous a permis de nous retrouver directement à la tête du mouvement lorsque la grève a éclaté , c’est notre analyse et notre stratégie qui nous a permis de faire cela, et non pas un simple coup de chance, comme certains de nos adversaires (y compris nos rivaux à gauche) l’ont suggéré.
Pendant très longtemps, il a été clair qu’une guerre cruelle et brutale était en train d’être perpétrée contre les mineurs de Rustenburg par leurs patrons. Au cours des quatre dernières années, nous avons vu commencer de grands combats, impliquant des milliers de mineurs. Le DSM a construit une base dans cette ville, et a étendu son influence à toute l’Afrique du Sud. Cette guerre cruelle et sans merci a duré pendant très longtemps.
Cinq de nos membres qui travaillaient dans les mines de Rustenburg ont été tué trois semaines avant le massacre de Marikana.
La direction du DSM a identifié le fait que c’était à Rustenburg que la résistance des mineurs et de la classe ouvrière se développait le plus rapidement. Cette analyse a été rejetée par les autres forces de gauche, qui l’ont décrite comme “gauchiste”. Beaucoup d’autres organisations de gauche avaient tiré la fausse conclusion, vu la faiblesse du Cosatu, qu’il fallait abandonner le travail parmi les travailleurs organisés. Dans un tel contexte, les premières personnes à rencontrer des mineurs ont été les camarades du DSM, et notre intervention nous a élevé à Rustenburg et au-delà, à tout le secteur minier.
Le DSM a utilisé la grève pour mener campagne pour l’idée d’une alternative, qui vivait déjà dans l’esprit des mineurs, après qu’à peine 300 secondes de violence aient exposé toute l’ampleur de la réalité du régime – un régime prêt à noyer la lutte des travailleurs dans le sang uniquement afin de protéger les super-profits des patrons des mines. Après une première intervention à Marikana, le DSM a rassemblé à Rustenburg l’ensemble des comités de grève indépendants qui avaient été construits par les mineurs vus la méfiance envers le NUM, qui est un syndicat qui se bat pour les patrons et non pas pour les travailleurs. Nous les avons amenés autour d’un programme commun et d’un plan d’actions, nous sommes parvenus à briser l’isolement des travailleurs de Lonmin, et nous avons apporté la possibilité de gagner leurs revendications salariales et de remporter une victoire. Ce qui a commencé par une rupture d’avec le NUM, a été le début de la décomposition de l’alliance tripartite de l’ANC, du Cosatu et du PCAS, qui détenait la clé des intérêts capitalistes en Afrique du Sud.
Le WASP
La grève n’est pas retombée après la victoire à Lonmin, mais au contraire s’est étendue à tout le pays, vers le nord dans le Limpopo et dans toutes les régions minières. Lorsque le DSM a convoqué une réunion qui a rassemblé les comités de grève de toute l’Afrique du Sud, cette coalition et son autorité parmi les mineurs et au-delà ont permis le lancement d’un nouveau parti des travailleurs, le WASP.
Lancé le 23 mars, ce parti a connu un succès immense, bien au-delà de nos attentes. Lors de cette réunion où nous attendions 100 personnes, 500 sont arrivées. Certains travailleurs ont marché pendant des kilomètres pour y participer. Toutes les radios, tous les journaux du pays ont mentionné la création du nouveau parti. Dans trois régions où des représentants des mineurs n’avaient pas été envoyés, les mineurs ont marché sur les bureaux de leur syndicat pour demander pourquoi ils n’avaient pas été invités.
Ce qui hante à présent la classe dirigeante, surtout depuis le lancement du WASP, est que sa vision est en phase avec celle de larges couches de la classe ouvrière et de militants du Cosatu. Un sondage dans les syndicats a révélé que l’ANC, le PCSA et l’alliance tripartite sont complètement discréditées aux yeux de la base, qui veut que le Cosatu rompe avec l’ANC pour former un nouveau parti des travailleurs. Malgré le large soutien exprimé au président Zuma lors de la conférence de l’ANC, une majorité de la Cosatu rejette ces déclarations et appellent à cesser le soutien à l’ANC.
Sebei a expliqué que plus intéressant encore est l’attitude des travailleurs vis-à-vis de l’idée du socialisme. Un journaliste demandait : « Pourquoi le reste de la gauche vous déteste-il et vous traite de “gauchiste” ? » Parce que pour nous, la gauche officielle est en réalité à droite par rapport à la vision des travailleurs d’Afrique du Sud. 80 % des délégués Cosatu sont pour la nationalisation et pour que l’industrie soit dirigée par des comités ouvriers, et concluent que les travailleurs ont besoin d’un changement fondamental dans l’organisation de la société, c’est-à-dire, du socialisme. C’est pour cette raison que le programme du DSM qui appelle à la nationalisation des mines, des banques et des monopoles sous le contrôle démocratique des travailleurs est en phase avec les travailleurs actifs et les couches avancées de la classe ouvrière. D’autre principes avancés par le DSM ont gagné un large soutien.
Le principal évènement de la semaine passée a été la démission de 18 conseillers ANC. Ayant entendu parler de notre revendication selon laquelle les représentants doivent être élus, soumis à révocation de leur base, et ne devraient recevoir pas plus que le salaire moyen d’un travailleur, ils ont décidé de nous rejoindre.
Développer le DSM
Après avoir lancé le WASP en tant qu’idée, l’organiser dans la pratique c’est avéré une tâche difficile mais que nous avons brillamment accomplie en construisant le soutien des masses pour notre programme. Cette tâche n’était pas simple, surtout vu le fait que nous n’avions qu’un très petit nombre de cadres expérimentés. La DSM a dû trouver le juste équilibre entre l’effort de construction du WASP et la construction d’une base solide pour le DSM en tant que pilier du nouveau parti.
Le DSM a multiplié par dix son nombre de membres au cours de la dernière période, ce qui est un immense succès, vu la difficulté de développer un cadre du parti dans un contexte d’analphabétisme répandu, avec des militants très combatifs mais qui doivent aussi pouvoir s’assimiler nos idées.
Sebei a expliqué comment le DSM parvient à construire une base solide pour nos idées. Le soutien a gagné suffisamment d’élan pour gagner les travailleurs des transports en plus des mineurs en tant que colonne vertébrale du parti, mais il nous a également permis d’attirer les travailleurs de la chimie et un syndicat de manœuvres agricoles qui a dirigé plusieurs grèves l’an passé.
Ailleurs, le niveau de la lutte grandit autour de la question des services publics, du logement et de l’électricité, deux choses qui sont considérées comme normales en Europe mais qui, en Afrique du Sud, sont le fruit d’une lutte brutale. Dans les semaines qui viennent, le DSM compte convoquer une assemblée de travailleurs, qui rassemblera des mineurs, des travailleurs d’autres secteurs, la base du Cosatu, les militants des quartiers pour les services publics, et les étudiants, afin de lancer une campagne pour l’emploi.
Il est clair que le WASP va se développer en tant que point focal pour tous les travailleurs, y compris des groupes qui nous ont aidé à mener campagne pour le retour de notre dirigeante Liv Shange, qui a été récemment attaquée par le régime. Le régime a en effet profité du fait qu’elle soit rentrée au pays rendre visite à ses parents pour lui refuser un nouveau visa et l’empêcher de revenir en Afrique du Sud où elle vit depuis 10 ans, est mariée et est mère de deux enfants. La campagne pour son retour en Afrique du Sud a forcé le gouvernement à capituler. L’impact de la campagne a été si grand, que Liv est passée à de nombreuses reprises au journal télévisé, avant même les reportages sur l’état de santé de Mandela.
Plus que les facteurs objectifs et les efforts des membres du DSM, Sebei a dit dans sa conclusion que : « Nous avons l’Internationale la plus révolutionnaire, dont les idées, les perspectives, le soutien des camarades et le sacrifice de toutes les sections du CIO, nous ont permis d’accomplir ce travail. Sans l’Internationale, nous n’aurions jamais pu réussir. »
Importance des développements
Au cours de la discussion, notre député irlandais Joe Higgins a fait un bref rapport de sa visite en Afrique du Sud où il a assisté à la fondation du WASP au nom du CIO : « C’était époustouflant, épatant, de voir l’enthousiasme et l’élan de la classe ouvrière qui se bat pour un changement et pour une nouvelle société. Il était extrêmement gratifiant de voir le rôle joué par nos camarades, de voir nos claires idées, stratégie, tactique, être reprises par les travailleurs.
Nous commémorons cette année le centième anniversaire du Dublin Lock Out, une énorme lutte menée par les travailleurs d’Irlande contre les patrons et contre l’État, pour une vie meilleure. Cette lutte s’est vue dirigée par des révolutionnaires comme Jim Larkin et James Connolly, dont les noms resteront à jamais gravés dans le cœur de la classe ouvrière. Il n’est pas exagéré de comparer les évènements de Dublin 1913 à ceux qui se déroulent en ce moment en Afrique du Sud, sous la direction du DSM et du CIO ».
En conclusion à la discussion, un camarade d’Angleterre qui a lui aussi visité l’Afrique du Sud, a dit : « Nos idées sont en train de pénétrer dans la conscience de la classe ouvrière, et d’être reprises comme les siennes. Nous articulons la marche à suivre pour la classe ouvrière, qu’elle-même sent de manière instinctive. Car tous les travailleurs savent au fond d’eux-mêmes qu’ils n’ont pas de voix politique, et qu’ils n’ont rien à attendre d’un éventuel maintien du capitalisme.
Lors de la conférence du DSM en février, après trois jours de longues discussions, un travailleur d’une mine d’or a été tellement inspiré par tout ce qu’il a entendu, qu’il est rentré chez lui et a vendu 50 journaux à ses voisins – je ne pense pas que nous ayons perdu du soutien par le fait qu’il les ait réveillés au milieu de la nuit pour leur parler. Un autre jeune mineur d’or, qui n’avait pas rejoint le DSM, a dit qu’il voulait rejoindre plus que toute autre chose dans le monde.
Le principal problème est de développer notre cadre pour qu’il puisse jouer de manière indépendante, et développer le soutien pour nos idées. Cela demande énormément de temps, et la misère freine notre travail. Chaque tentative d’organiser des évènements hors des localités des camarades demande une collecte de fonds. C’est pourquoi le soutien financier du CIO nous a tellement aidé dans tout notre travail.
Les capitalistes à la recherche d’alternatives
Les élections générales à venir seront les plus polarisées et les plus tendues depuis la fin de l’apartheid en 1994. Le gouvernement de l’alliance tripartite de l’ANC, du PCAS et du Cosatu est sous pression et se disloque. De nombreux analystes disent que le vote en faveur de l’ANC va passer sous la barre des 60 %, ce qui signifie que l’ANC perdrait la majorité des deux tiers qui lui permet de modifier la constitution à sa guise. La classe dirigeante craint cela, et se prépare à des alternatives. L’Alliance démocratique, un parti blanc, est un train de recruter des cadres noirs afin d’attirer les électeurs noirs. Les libéraux ont lancé un nouveau parti autour de célèbres militants noirs. Ils reconnaissent le fait que l’ANC est en train de perdre le soutien de la classe ouvrière.
Mais le plus important est la tendance à gauche à former des nouveaux partis. Le WASP n’est pas le seul sur la scène. Notre programme a de nombreux points avec celui des “Combattants pour la liberté économique” (EFF) de Julius Malema, comme la nationalisation, et Malema a un véritable pouvoir d’attraction envers les jeunes et les pauvres.
Mais « Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es », dit le proverbe : le numéro trois de la direction des EFF est un ancien gangster devenu hommes d’affaires, qui a été conseiller en relation public pour les patrons des mines, et dont le nom est mêlé à de nombreux scandales.
« Nous vous attendions »
En même temps que la scission dans l’ANC, on voit des scissions dans le Cosatu, que les syndicats les plus combatifs sont en train de quitter. Les manœuvres agricoles ont été forcé de s’organiser eux-mêmes en reprenant les méthodes des mineurs. Lorsque nos camarades ont visité les grévistes sur leurs fermes du Cap, ces derniers leur ont dit : « Nous vous attendions ».
Les élections générales seront le premier test électoral pour le WASP. Le système électoral sud-africain et notre renommée font en sorte que nos chances d’obtenir au moins un député sont assez élevées (bien que nous ne puissions faire la moindre promesse à cet égard). Il nous faut environ 42 000 votes au niveau national, et le cout pour nous présenter est de 10 millions de francs – plus encore si nous nous présentons en même temps aux élections régionales. Il nous faudra peut-être faire un appel financier afin de soutenir cette campagne.
Nous sommes arrivés à un stade où les travailleurs les plus avancés se sont déjà joints au DSM et où les masses larges sont en route. Si nous n’avions pas pris l’initiative de créer le WASP, nous n’en serions pas là aujourd’hui, nous serions complètement inconnus.
Tous nos camarades du monde entier doivent féliciter le DSM pour l’ampleur des efforts fournis. Ce travail a mis plusieurs années avant de porter ses fruits. Si nos camarades n’avaient pas tenu bon et n’avaient pas maintenu leur position coute que coute, nous n’aurions jamais pu accomplir quoi que ce soit.
Le travail réalisé en Afrique du Sud doit être une source d’inspiration pour toutes les sections du CIO dans le monde entier. Nous pouvons rapidement passer de petits groupes à une influence de masse en un très bref délai. Il y a beaucoup de travail à faire. Avec le soutien du CIO, le DSM restera le joyau dans la couronne de notre Internationale. »
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Le premier mai à travers le monde
Quelques rapports et photos des activités du premier mai dans différents pays. Nous voulons particulièrement avertir de la situation au Nigéria où 12 militants du Democratic Socialist Movement (notre parti-frère au Nigéria) ont été arrêtés.
Nigéria : NON à la militarisation du pays
A l’occasion des défilés du premier mai dans les Etats d’Abuja, d’Anambra, d’Oyo, de Niger et de Kaduna, 12 membres du Democratic Socialist Movement (DSM) ont été arrêtés. Les militants arrêtés à Abuja, Kaduna et Anambra n’ont pas été immédiatement libérés. Taiwo Hassan Soweto et Odun Eniayekan restent détenus à Abuja, Sadare Dimeji et Sefiu Amusat sont toujours détenus à Kaduna et Francis Nwapa également à Anambra. Ils ont été arrêtés pour avoir distribué un tract du Socialist Party of Nigeria, un parti large récemment formé dans lequel notre section-soeur est active, et pour avoir vendu notre journal “Démocratie socialiste”. Tout le matériel politique a été confisqué. La présence de l’armée lors des divers rassemblement était particulièrement forte, afin d’assurer la sécurtié des manifestants selon la version officielle. mais en fait, s’agissait uniquement de réprimer l’opposition politique. Le gouvernement se transforme progressivement en dictature bourgeoise. Nous menons campagne pour la libération de toutes les personnes arrêtées et condamnons cette attaque contre nos droits démocratiques.
Pakistan: Une intervention conséquente à Sindh
A Mirpur Khas (dans la province de Sindh), la manifestation de notre parti-frère le Socialist Movement Pakistan – en collaboration avec d’autres organisations ouvrières – a clairement exprimé que la classe des travailleurs sait toujours se mobiliser et représente encore une force importante dans le pays. Cette image contraste avec celle donnée par les madias dominants, qui s’efforcent de n’accentuer que les attaque des forces réactionnaires religieuses. Ce premier mai a contredit cette vision unilatérale des choses, mais il en a été bien peu question dans les médias. Voici une photo, un reportage-photos peut être trouvé ici
Sri Lanka: Intervention de l’USP
L’United Socialist Party, notra parti-frère au Sri Lanka, a organisé sa propre manifestation à l’occasion du premier mai.
Tel Aviv : Pour l’unité des travailleurs
La photo ci-dessous provient de Tel Aviv (Israël). Sur la banderole se trouve écrit: ‘Travailleurs de tous pays unissez-vous!’ en hébreux et en arabe.
Turquie : Confrontations à Istanbul
Durant plus de 30 ans, le premier mai n’a pas pu être fêté dans le centre d’Istanbul, suite à une attaque fasciste en 1977, quand des tireurs ont ouvert le feu sur la manifestants réunis place Taksim. Il y avait eu 34 morts. Depuis 2007, des manifestations y prennent à nouveau place, mais le gouvernement a tenté de revenir en arrière. 40.000 agents étaient présents pour bloquer le centre-ville, mais des dizaines de milliers de manifestants étaient présents. La police a tout fait pour réprimer le premier mai.
> Reportage-photos de Karim sur collectif-krasnyi.be
Inde : Manifestation à Pune
A Pune, une ville d’un million d’habitants près de Mumbai, notre section-soeur New Socialist Alternative a organisé avec d’autres formations de gauche une manifestation. Ailleurs dans le pays, nos camarades ont distribué des milliers de tracts.

Taiwan: 20.000 manifestants
A Taipei, la capitale de Taiwan, au moins 20.000 personnes ont manifesté pour le premier mai. Les slogans centraux étaient consacrés à la défense des pensions et à la lutte contre la corruption. Les partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière ont constitué une délégation et diffusé leur journal, Socialist Action.
Suède : Manifestation à Göteborg
A Göteborg, nos camarades de Rättvisepartiet Socialisterna ont organisé leur traditionnelle manifestation de Premier Mai avec plusieurs centaines de participants.
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Ecole d’été du CIO : Le rôle de la classe ouvrière dans les révolutions du monde néocolonial
Lors de l’édition 2012 de l’école d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, un meeting a donné la parole à trois camarades de notre internationale (issus respectivement de Tunisie, du Brésil et du Sri Lanka). Ils ont ainsi abordé la situation des luttes sociales et des mouvements révolutionnaires dans leur pays de même que notre implication en tant que parti révolutionnaire mondial dans ces mouvements. Peter Taafe, président du Socialist Party (parti-frère du PSL en Angleterre et Pays de Galles), est lui aussi intervenu, notamment au sujet des 50 ans de l’indépendance de l’Algérie.
Rapport par Julien (Bruxelles)
Le premier intervenant a activement participé au mouvement et à la lutte contre le dictateur tunisien Ben Ali. Il a commencé par rappeler l’histoire populaire de la Tunisie qui, comme c’est le cas pour beaucoup de pays néocoloniaux, a connu l’imposition du capitalisme de manière dictatoriale sur base de la collaboration de l’impérialisme et des monarchies sur place. Cela s’est accompagné d’un processus d’endettement dû à l’industrialisation et aux réformes agraires inachevées.
La ‘‘singularité tunisienne’’ provient du fait que la réforme agraire a été accompagnée de révoltes contre le régime, ce qui a permis le remplacement de la monarchie par une république. La colonisation a, elle, forcé l’industrialisation. La cohabitation entre les deux systèmes a été dure, ce qui a impliqué une double rébellion : premièrement, un mouvement réactionnaire et conservateur, qui disparu assez vite, au profit du deuxième mouvement : le mouvement ouvrier progressiste. C’est ce dernier qui a combattu l’impérialisme français.
Il n’y a aucun doute sur le rôle du mouvement ouvrier dans ‘‘l’exception tunisienne’’ : c’est le premier pays de la région à s’être doté d’une organisation syndicale (qui refusa la collaboration avec les nazis, contrairement à d’autres mouvements nationalistes du monde arabe qui y voyaient un moyen de lutter contre la métropole). C’est la classe ouvrière qui a réellement brisé la colonisation. En 1943, les femmes avaient, entre autre, le droit de vote ainsi que le droit au travail. Les mouvements ouvrier et féministe sont totalement liés en Tunisie. Le camarade a insisté : ‘‘Ce que la bourgeoisie présente aujourd’hui comme la Tunisie Moderne ne sont que les acquis de la Tunisie Ouvrière’’.
En 1978 et 1984, suite à des réformes économiques néolibérales, des luttes syndicales se sont développées contre l’Etat bourgeois. En 1986, un mouvement similaire est né contre le Plan d’Ajustement Structurel du Fonds Monétaire International (FMI). Avec un mouvement ouvrier organisé et des syndicats combatifs, l’impérialisme a été conduit à soutenir des putschistes comme Ben Ali afin de maintenir son pouvoir sur la région.
Comment la bourgeoisie présente-t-elle la révolution actuelle ? De manière scolastique : ‘‘Les gens ne sont pas contents’’. C’est oublier son rôle dans la dictature. Depuis 2008, la classe ouvrière a repris le chemin de la lutte après une longue période de repos. Il s’agissait d’une sorte de revanche sur les années ’80, quand elle avait échoué à chasser Ben Ali. Elle s’est de mieux en mieux organisée et est devenue plus combative.
Actuellement, le pays vit une période de grèves générales. Que peuvent-elles apporter au mouvement ? Si on regarde l’histoire de la Tunisie, ce sont les grèves générales qui permettent de virer des dictateurs ! C’est un réel conflit de classe.
Une partie de l’extrême-gauche n’a pas compris cela et a abandonné l’idée des Comités Ouvriers, des Comités de Quartier,… et a préféré courir vers les institutions bourgeoises ! C’est pourtant une question importante qui fait le lien avec la nécessité d’un gouvernement ouvrier.
Notre camarade brésilienne est revenue sur la crise économique qui frappe ce pays. Le Brésil connait une crise similaire à celle qui touche l’Europe, un processus qui conduit à une augmentation des luttes. Des illusions restent toutefois encore présentes concernant l’avenir que réserve ce système (meilleur que celui de la génération précédente aux yeux de nombreuses personnes).
Après la crise des années ’90, il y a eu une croissance économique essentiellement basée sur les exportations à destination de la Chine. Jusqu’en 2010, le pays a connu une croissance de la consommation et des crédits. Mais cette croissance est forcément limitée par la dépendance du pays envers le reste du monde à cause de la désindustrialisation du pays et de la réorientation de sa production vers l’extraction de matières premières.
Le pays est, à la fois parmi les 6 plus grandes puissances économiques du monde et parmi les 12 pays qui comprennent le plus large fossé entre riches et pauvres. La majorité des richesses sont donc concentrées entre quelques mains seulement. Une baisse des conditions de travail a accompagné les progrès effectués dans la construction d’infrastructures.
Cela a impliqué une augmentation des luttes liées aux projets de prestiges industriels et sportifs et à l’expulsion de travailleurs qu’ils impliquaient. Beaucoup de luttes spontanées ont vu le jour, y compris au beau milieu de l’Amazonie. Toute une série de travailleurs qui se croyaient privilégiés dans la dernière période sont aujourd’hui convaincus qu’une grève générale est nécessaire. 90% des universités fédérales sont en grève (les projets de prestiges ont fait de l’ombre aux budgets pour l’enseignement, ce qui force certains enseignants à donner cours dans des églises, dans des restaurants abandonnés,… bref, là où il y a de la place). Le mouvement de grève dure depuis 2 mois avec des manifestations, des occupations,… partout dans le pays, tant dans le secteur public que privé.
Le défi aujourd’hui est de surmonter la fragmentation de la lutte. C’est ce que le PSOL (Partido Socialismo e libertad) tente de faire. Nos camarades de la LSR (section sœur du PSL au Brésil) travaillent au sein du PSOL et y sont considérés comme une référence de gauche au sein du PSOL et à l’extérieur car, depuis toujours, ils défendent la perspective d’une société socialiste et un programme de rupture fondamental avec le système d’exploitation capitaliste. La LSR a un candidat aux élections communales et il existe des possibilités d’élus du PSOL dans différentes villes. Ces élections seront un moment important afin de tester l’impact que peuvent avoir nos idées à notre échelle, qui reste encore limitée dans ce pays.
Au-delà de cette question électorale, un autre point de cristallisation des luttes existe autour du CSP-Conlutas (syndicat de gauche) qui a organisé 6000 personnes dans des occupations destinées à défendre le droit à la terre avec le MTST (le Mouvement des paysans sans-terre, la plus importante organisation de sans-domiciles). Il y a eu de nombreuses expulsions à cause des spéculations criminelles.
De plus en plus de gens commencent à véritablement voir les limites du capitalisme et se tournent dorénavant vers nous. En étant membre du PSOL tout en défendant des critiques constructives concernant ses méthodes, la nécessité d’intervenir dans les luttes et le besoin de clarifier les idées politiques de cette formation large, nous avons pu construire une certaine périphérie autour de notre organisation.
Le troisième intervenant était issu du Front Line Socialist Party (une organisation de gauche large avec laquelle travaillent nos camarades sri-lankais de l’United Socialist Party), au Sri-Lanka. Elle a commencé par expliquer que selon la constitution sri-lankaise, le pays est ‘‘socialiste’’ et est dirigé par des partis ‘‘socialistes’’ ! Mais la crise dévoile très clairement, et cruellement, qu’il ne s’agit que d’une rhétorique vide de sens. De plus en plus de gens sont jetés à la rue et doivent voler pour survivre. A côté de cette situation se développent de grandes illusions concernant l’Europe, qui est vue comme un paradis. Mais pour ceux qui y arrivent, c’est plutôt un enfer qui les attend, celui de l’univers des sans-papiers et de leur exploitation.
Enfin, notre camarade Peter Taafe a pris la parole, en commençant son intervention en expliquant que nous vivons la plus sérieuse crise du capitalisme depuis les années ’30. Cette idée est aujourd’hui largement comprise et acceptée dans les couches larges de la population. Aux dires du dirigeant de la principale banque anglaise, il s’agirait même de la plus grave crise jamais connue, et le pire serait encore à venir.
Mais le degré des luttes est lui aussi sans précédent, avec des mouvements de masses dans de nombreux pays. Après la guerre de 40-45, la lutte a été marquée par son impact dans le monde néocolonial (Asie, Afrique, Amérique-latine, tous y passaient). Au Sri-Lanka, un vrai parti de masse trotskyste des travailleurs et des paysans a joué un rôle clef à l’époque. Mais le LSSP (Lanka Sama Samaja Party) a fait de nombreux compromis avec la bourgeoisie et a brisé de lui-même sa position parmi la jeunesse et le mouvement des travailleurs, une leçon qui reste cruciale pour l’avenir.
Ce meeting était aussi une manière de célébrer le 50e anniversaire de la victoire du FLN (le Front de Libération National) en Algérie contre l’impérialisme français. Cette guerre a cause la mort d’un 1,5 million de civils et a duré de 1954 à 1962. Finalement, une guérilla de 40.000 combattants a vaincu 600.000 soldats français. Les Algériens qui vivaient en France avaient énormément sacrifié pour la victoire de cette lutte pour l’indépendance, il n’était pas rare que 50% de leurs revenus servent à financer le combat.
En dépit du fait qu’il s’agissait d’un mouvement nationaliste bourgeois, le FLN a été soutenu de façon critique par ce qui allait devenir par la suite le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont les membres considéraient qu’une victoire allait affaiblir l’impérialisme français. Ce soutien n’a pas été uniquement verbal, mais a également eu une dimension pratique. Ainsi, des camarades ingénieurs se sont rendus en Algérie afin d’aider à divers actes de sabotage le long de la frontière avec le Maroc.
Ce soutien a contrasté avec celui d’autres prétendus “trotskistes” qui avaient refuse de soutenir le FLN a avaient soutenu le MNA (Mouvement National Algérien) dirigé par Messali Hadj. Ce dernier avait joué un role important dans le passé mais était devenu un véritable larbin de l’impérialisme français.
La révolution algérienne a eu un énorme impact en France, qui a notamment conduit à la révolte des officiers d’Alger (la capitale du pays) en 1961. Avant cela, Charles De Gaulle était arrivé au pouvoir en 1958 et avait instauré une sorte de bonapartisme parlementaire, sans que la direction de la classe ouvrière française – la Section française de l’internationale ouvrière (qui deviendra le Parti Socialiste en 1969) et le Parti Communiste – ne fassent rien.
Après la victoire de mouvements de guérilla dans des pays comme l’Algérie, certains ont commence à développer l’idée selon laquelle la paysannerie détenait le rôle clé à jouer dans la révolution mondiale plutôt que la classe ouvrière. Ce point de vue a notamment été développé par le Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI, dont la LCR est la section en Belgique) et en particulier par son théoricien, Ernest Mandel.
Ainsi, début 1968, Ernest Mandel s’était adressé au public venu l’écouter lors d’un meeting à Londres organisé par les partisans du SUQI en déclarant que la classe ouvrière européenne ne partirait pas en action décisive contre le système pour au moins 20 années en raison de la force du dollar et de la croissance économique mondiale. Cette Remarque a été faite un mois à peine avant les évènements révolutionnaires de Mai 1968 en France !
Il existait pourtant de nombreux signes avant-coureurs du potentiel d’un tel développement, comme l’envoi de gardiens armés dans les entreprises et le blocage d’élèves dans des classes fermées à clefs pour les empêcher d’aller manifester ! Par après, la France a connu la plus grande grève générale de l’histoire, avec 10 millions de travailleurs en grève et d’innombrables piquets de grève partout dans le pays. De Gaulle était totalement désarmé. Le pouvoir aurait pu être pris par els travailleurs, mais les dirigeants du mouvement ouvrier ont préféré détourner la lutte vers le parlementarisme.
Il y a peu, le Financial Time expliquait que ‘‘l’Europe est en feu et Rajoy jette de l’huile sur le feu par l’augmentation des taxes alors que celles-ci devrait baisser pour atténuer le mouvement.’’ Il y a quelques années que le CIO s’attend et anticipait l’arrivée des luttes actuelles. L’impact des luttes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a été bien plus grand que prévu. La révolution égyptienne n’est pas morte, les masses ne font que digérer l’expérience nouvellement acquise. Les Frères Musulmans seront testés sur leur politique, et il en va de même pour le nouveau régime tunisien.
Peter a poursuivi en expliquant que nous entrons dans une ère qui pourra voir le développement de révolutions de type socialistes, où la question de la collectivisation des secteurs clés de l’économie et leur fonctionnement sur base d’une planification sera posée. Mais l’exemple de Cuba est là pour nous rappeler que la classe ouvrière doit avoir le contrôle démocratique de son Etat, sans quoi le développement du bureaucratisme est inévitable. La victoire de la classe ouvrière dans un pays résonnera à travers tout le globe.
Ce danger, la bourgeoisie en est bien consciente. Une des nombreuses illustrations de cet état de fait est la campagne médiatique menée en Irlande contre notre camarade Joe Higgins et notre parti-frère le Socialist Party. De tout temps, la presse s’est opposée à la révolution. Déjà en 1917, 124 journaux tentaient de semer la discordes en affirmant que Lénine avait tué Trotsky (ou inversement, tant qu’à faire…). Il en allait de même avec nos camarades anglais dans les années ’80, à Liverpool, lorsque nous avons eu une majorité communale sous Thatcher et où les médias ont attaqués de manière tout aussi honteuse les acquis que notre organisation a apportés aux travailleurs et à leurs familles.
Avec le Comité pour une Internationale Ouvrière, soyons à la hauteur de l’histoire, pour la lutte et la solidarité, pour le socialisme ! Préparons-nous à cet avenir tumultueux qui est devant nous en construisant un parti révolutionnaire international de masse !