Tag: Comité pour une Internationale Ouvrière

  • 10e Congrès mondial du CIO : Résolution sur L’Europe (1)

    Des millions de gens participant aux grèves générales et aux manifestations; des gouvernements extrêmement impopulaires, parfois haïs – la classe ouvrière et la jeunesse européennes sont en train de faire leur grand retour dans l’arène de la lutte.

    Ce document sur l’Europe est une des résolutions du 10ème Congrès mondial du CIO. Des documents ont été publiés en anglais à propos des relations mondiales, de l’Europe, de l’Amérique latine, du Moyen-Orient, de l’Asie, de la Russie et Europe de l’Est, et sur la situation en Afrique.

    10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) s’est déroulé en décembre en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela.

    Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.

    Nous allons publier sur ce site différents textes et résolutions concernant ce Congrès.

    [/box]

    Dans un contexte de remous économiques et d’une urgence européenne après l’autre, l’Europe traverse des troubles profonds. L’impact continu de la crise économique mondiale a produit tempête après l’autre sur le plan européen comme sur le plan national dans divers pays d’Europe.

    L’ampleur de certaines actions – des millions de personnes en grève en Espagne le 3 septembre, un demi million de manifestants dans les rues de France à la mi-octobre, 300 000 manifestants à Lisbonne en mai – sont un reflet des remous profonds qui secouent l’Europe en ce moment. Tandis que de nombreux dirigeants syndicaux tentent de limiter ces actions et d’en empêcher leur développement en une lutte sérieuse, le puissant mouvement français contre la hausse de l’âge de la retraite a développé des caractéristiques d’une situation pré-révolutionnaire. La moindre étincelle aurait pu y enflammer un mouvement plus large dans une situation où les sondages d’opinion montrent un soutien de 54% pour une grève générale. La fin de novembre 2010 a vu plus d’actions de protestation avec une grève générale massivement soutenue, au Portugal, une manifestation de masse à Dublin et un mouvement large d’étudiants et de lycéens au Royaume-Uni.

    Il y a une crise mondiale, mais en même temps aussi une vague de protestation bien ancrée sur le plan européen, symbolisée par le fait que , parmi de nombreux analystes capitalistes, la remise en question du futur de l’Eurozone, au moins sous sa forme actuelle, n’est plus considérée comme un tabou et est de plus en plus largement débattue. Il y a un nouveau rythme à présent ; les jours de stabilité à moyen terme et même, dans certains pays, de stabilité à court terme, sont derrière nous. Les événements se succèdent très rapidement – dès qu’une crise est “résolue”, elle cède la place à la suivante. Mais ce qui est encore plus important du point de vue de la lutte contre le capitalisme, c’est que la classe ouvrière a entamé un retour actif sur le devant de la scène, bien que cela ne va pas se développer de manière linéaire. Malgré le fait que seule une minorité est pour l’instant partie en grève, les luttes de masse en France, avec huit journées d’action, ont été très largement soutenues et pourraient avoir été victorieuses s’il y avait eu une direction déterminée. Maintenant, malgré l’échec de ce mouvement concernant le retrait de la loi de réforme des pensions, il s’agit plus d’une pause que d”une retraite pour le mouvement.

    Au départ, les gouvernements ont mis en place des mesures urgentes afin d’empêcher que l’alarme financière de 2008 ne dégénère en un effondrement des banques et des marchés qui à son tour aurait pu produire un désastre du type des années ’30 à travers le monde entier. Seuls quelques gouvernements, comme le gouvernement irlandais, ont tout de suite entamé des attaques directes contre le niveau de vie, bien que dans les entreprises des emplois ont été perdus et les revenus diminués dès lors que l’économie se contractait. En Allemagne, le déficit budgétaire de 2010 sera sans doute le plus élevé jamais vu. Mais à ce moment-là, en 2009 et 2010, la combinaison de la fin de la première phase de la crise et la pression sur les gouvernements de la part des marchés financiers pour annuler les mesures d’urgence et neutraliser la dette, symbolisée par la crise de la dette grecque, ont eu pour résultat le démarrage d’offensives brutales de la part des classes dirigeantes et des gouvernements à travers toute l’Europe.

    Une nouvelle vague de protestation

    Les tentatives déterminées qui sont faites cette année pour rabaisser le niveau de vie et remonter la roue de l’Histoire ont provoqué un nouveau départ de la lutte de classe dans de nombreux pays, à commencer par la Grèce. Après six grèves générales en Grèce, la deuxième moitié de 2010 a vu les grèves et manifestations de masse gagner en puissance dans d’autres pays, surtout en France, au Portugal et en Espagne. En Italie, il y a eu de plus en plus d’appels à une grève générale, tandis qu’au Royaume-Uni, les demandes d’une opposition plus active ont commencé à se développer à partir de la base et ont été énormément renforcées par la manifestation de 50.000 étudiants au mois de novembre. En Irlande, c’est une humeur explosive qui est en train de se développer, mais il est possible que cela se reflète avant tout dans le résultat des élections anticipées. Les pays d’Europe centrale et orientale n’ont pas été indemnes de protestations ; il y a eu de grandes manifestations et grèves contre les coupes salariales et sociales en Tchéquie, en Lituanie, en Roumanie et en Slovénie. En Roumanie, l’impact combiné de la restauration capitaliste avec maintenant la crise économique à ce qu’un sondage en septembre révèle que 49% des gens trouvent que la vie était meilleure avant décembre 1989, bien que 69% disent qu’il y avait alors un “manque de démocratie”.

    L’année 2010 a vu la jeunesse commencer à jouer un rôle important dans toute une série de pays. La récente mobilisation des étudiants et lycéens en soutien à celle des travailleurs en France a marqué une nouvelle étape, tandis qu’en Autriche, au Royaume-Uni, en Irlande et en Italie, un grand nombre d’étudiants sont aussi descendus dans les rues contre les coupes dans l’éducation. Au Royaume-Uni, les fortes hausses des frais d’inscription et la fin abrupte des petites bourses hebdomadaires pour les 16-18 ans qui sont à l’école sont en train de provoquer une riposte déterminée de la part de nombreux lycéens. La jeunesse a également joué un rôle crucial en Allemagne lors des mouvements de protestation de masse contre la reprise du transport de déchets nucléaires en novembre.

    Partout en Europe, la plupart des gouvernements sont extrêmement impopulaires, voire haïs, malgré l’exception apparente de la réélection de la coalition conservatrice en Suède, qui a regagné un certain soutien à quelques mois des élections au moment où l’économie a repris. Dans certains pays, on ne peut pas assurer combien de temps leurs gouvernements vont encore pouvoir survivre. La crise spectaculaire de 2008 en Islande, et la brutalité avec laquelle sa population a été traitée au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, a fait voler en éclat le gouvernement de droite. En Irlande, le gouvernement tient à peine debout (depuis l’écriture de ce texte, des élections anticipées ont été appelées pour le mois de mars, NDLT), tandis qu’en Italie la rupture entre Berlusconi et Fini a posé la possibilité d’élections anticipées. En Grèce, malgré le fait qu’il ait rompu presque immédiatement la plupart de ses promesses électorales de 2009, le gouvernement Pasok perdure, faute d’une alternative. Les taux d’abstention anormalement élevés lors des élections locales de novembre était un indicateur à la fois de l’opposition à l’austérité et du manque d’une alternative de masse au Pasok. L’opposition durable et massivement soutenue au projet “Stuttgart 21” d’une nouvelle gare à Stuttgart en Allemagne illustre l’aliénation croissante par rapport à la plupart des institutions étatiques et parlementaires dans toute une série de pays.

    Les commentateurs capitalistes ont tiré beaucoup du fait que, au contraire des crises du vingtième siècle qui ont à chaque fois connu d’importants tournants vers la gauche, la première phase de la crise capitaliste actuelle a vu dans la plupart des pays le triomphe électoral de forces de droite ou d’extrême-droite. Mais comme l’a montré le nombre de grèves générales et d’actions de masse, le mouvement ouvrier est en train d’entrer en action, et ceci a déjà commencé à créer un sentiment anticapitaliste. Cela va saper la seule note positive pour les classes dirigeantes confrontées à de nombreux problèmes, c’est à dire l’absence de partis ouvriers capables de remettre en question le capitalisme lui-même. C’est là le résultat de l’impact continu de l’effondrement des États staliniens, du virage à droite dans le mouvement ouvrier et de la transformation de la plupart des anciens partis ouvrier-bourgeois et staliniens.

    Bien que l’effet de l’effondrement du stalinisme et l’offensive idéologique anti-socialiste qui a suivi a fait en sorte que, jusqu’ici les classes dirigeantes européennes n’ont pas eu affaire à une remise en question déterminée du capitalisme lui-même, la crise a déjà eu de profonds effets.

    Cela signifie que jusqu’à présent, malgré l’hostilité envers les banques et l’appel à “ne pas payer pour leur crise”, il n’y a pas eu d’actions larges d’opposition au capitalisme lui-même. Mais la logique de cette crise, le fait que, pour bon nombre d’entre nous, le niveau de vie est en train de diminuer sans aucune perspective d’amélioration à court terme, va s’ajouter à l’activité des socialistes pour préparer la voie pour une remise en question du capitalisme dans son ensemble. Cette remise en question va s’étendre jusqu’à englober tous les partis politiques, institutions et structures existants. Le vieux mode de fonctionnement sera remis en question par une situation qui consistera au mieux en une baisse du niveau de vie, au pire dans un grand plongeon dans la misère. Nombreux sont ceux qui ont été encouragés ou forcés à partir au chômage ou à se lancer dans des petites entreprises qui seront brutalement écrasées, et le mouvement ouvrier a besoin d’un appel programmatique envers ces couches, afin d’empêcher leur virage à droite. Un facteur crucial pour l’avenir est le fait que l’expérience de la lutte va poser la question de la manière dont l’offensive des capitalistes peut être combattue ; et au fur et à mesure que les travailleurs, les jeunes et de nombreuses sections des classes moyennes réalisent que ce système ne peut pas leur offrir la moindre perspective d’un avenir radieux sur le court terme, se posera la question de savoir quelle est l’alternative.

    Une situation politique fluide

    Dans cette période de crise, le manque de gouvernements stables et le désir d’“incorporer” l’opposition peut mener à des coalitions officielles ou officieuses, y compris des “grandes coalitions” entre les partis majoritaires ou des gouvernements de coalition “nationale”, dans le but de “répondre à l’urgence”. Mais le capitalisme est très flexible. En Belgique, l’absence d’un nouveau gouvernement depuis les élections de juin n’a pas empêché le gouvernement “intérimaire” de mener des attaques indirectes.

    Les élections, qu’elles se déroulent régulièrement où qu’elles soient anticipées, peuvent par elles-mêmes produire des complications pour les classes dirigeantes. L’année 2010 a vu de grandes difficultés à former des gouvernements aux Pays-Bas et en Belgique (ces dernières étant dues aux complications découlant de la question nationale en Belgique) et le tout premier gouvernement de coalition au Royaume-Uni en temps de paix depuis les années ’30. Ces résultats électoraux sont le produit de la chute de soutien de nombreux partis traditionnels bourgeois, réformistes ou staliniens, en plus du caractère volatile de la période. La crise au sein de nombreux vieux partis, allant jusqu’à leur éclatement, comme on l’a vu en Italie et, dans une moindre mesure, en France, a ouvert la porte à la montée de nouvelles forces de caractère différent, tout comme elle en a été le résultat.

    Tandis que les sondages d’opinion précédents montraient des possibilités pour le NPA en France et pour Syriza en Grèce, de toutes les nouvelles formations de gauche, seul Die Linke en Allemagne a été capable de réaliser un impact électoral conséquent. Bien que le NPA garde un certain potentiel, principalement autour de son radicalisme verbal occasionnel et de la stature personnelle de Besancenot, il est loin d’être certain si cela pourra se traduire en nombre de voix. Mais comme nous l’avons vu précédemment en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Écosse, des succès électoraux ne garantissent absolument pas un développement ultérieur. Une des raisons pour lesquelles Syriza a obtenu le score médiocre de 4,6% aux élections de 2009 en Grèce, comparé aux sondages qui le plaçaient à 18% au début de 2008, a été le vote pour le “moindre mal” en faveur du Pasok. Toutefois, comme de nombreux dirigeants d’autres formations de gauche, les dirigeants de Syriza n’ont pas compris ce vote ni le fait que le soutien pour le Pasok allait être rapidement sapé par l’expérience de son retour au gouvernement, et cela est une des raisons, en plus de la complète incapacité des dirigeants de Syriza de répondre politiquement et organisationnellement à la crise et aux revendications de lutte des classes, pour les troubles qui ont emporté Syriza l’an passé.

    La situation économique et sociale plus volatile a eu pour conséquence le fait que les élections dans de nombreux pays ont été le témoin de la percée subite (et parfois de la chute tout aussi subite) de différentes forces bourgeoises ou petite-bourgeoises telles que le PVV de Wilders aux Pays-Bas, le FDP en Allemagne, les LibDems au Royaume-Uni, la NVA en Flandre et les Verts en France et en Allemagne.

    Toutefois, les victoires électorales ne signifient pas nécessairement une popularité stable même dans ces pays, comme en Allemagne, où l’économie s’est accrue due aux exportations. En Allemagne, après les élections de 2009, on a assisté à un effondrement monumental du soutien à la coalition CDU/CSU/FDP, et en particulier du FDP.

    Tensions sur le plan économique

    Mais la croissance économique en Allemagne, comme celle de tous les autres pays européens, est fragile et il se pourrait qu’elle ait déjà atteint son point le plus haut. La spéculation déclarée sur l’avenir de gouvernements ou de l’euro, les rivalités et alliances changeantes au sein de l’Union européenne, en plus de la remontée des luttes, sont toutes annonciatrices des grands troubles à l’horizon.

    Ainsi, l’année 2010 ne s’est pas révélée être l’année que les classes dirigeantes avaient espérée lorsqu’elles avaient signé la soi-disant “stratégie de Lisbonne” en 2000. Au lieu de cela, l’Union européenne est confrontée à une des pires crises qu’elle ait jamais connues, tandis que des tempêtes économiques et politiques remettent en question l’avenir de l’eurozone ou même de l’UE dans sa forme actuelle.

    La tempête autour de l’euro a plongé l’UE dans d’âpres querelles internes tandis que les gouvernements nationaux cherchaient à accuser des forces étrangères ou des gouvernements rivaux en tant que responsables de la crise. Pendant tout un temps la Grèce, et surtout les travailleurs grecs, ont été le point de concentration de toute la démonisation, en tant que responsables de la crise de l’euro, en plus d’être des mendiants qui demandaient la “charité” du reste de l’Union. Il y avait dans tout ça un élément de vérité, car une crise de la “dette souveraine” en Grèce aurait pu se révéler être le maillon faible qui allait causer la catastrophe dans toute la zone euro, mais il est bientôt apparu qu’il y avait toute une série de maillons faibles dans ce qui était une véritable “chaine de crises”. C’est ainsi que les spéculateurs et analystes capitalistes ont commencé à parler des “PIIGS” (les “porcs” : Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) pour qualifier ces pays de l’eurozone qui étaient en crise.

    Cependant, la plupart de ce que l’Union Européenne présentait au début des années ‘2000 comme étant un “progrès” s’est dans les faits avéré n’être qu’une brutale offensive néolibérale sur de nombreux gains que le mouvement ouvrier était parvenu à gagner précédemment au cours de décennies entières. C’était là l’essence même de la “stratégie de Lisbonne”. Ce n’était pas par hasard que le gouvernement allemand social-démocrate/vert de Schröder avait baptisé “Agenda 2010” son plan de coupes néolibérales de 2003. Cette offensive a réellement eu un effet de maintenir vers le bas le niveau de vie dans de nombreux pays, en grande partie à cause des dirigeants syndicaux. En Autriche, la part des salaires dans le PIB est passée de 62% en 1995 à 55% en 2008, tandis que les 25% les plus pauvres en Autriche ont subi une baisse de 12% de leur revenu réel.

    C’est ce genre de “succès”, plus les illusions dans l’euro et la croissance économique continue au niveau mondial, qui explique en partie pourquoi les dirigeants européens ont été complètement pris par surprise par l’arrivée de la crise, une crise qui a posé un point d’interrogation géant sur le soi-disant “projet européen” et sur la survie de l’eurozone dans sa forme actuelle.

    Alors que la crise internationale qui a démarré en 2007 était la raison finale de l’échec de l’UE à atteindre ses objectifs de 2010, certains pays européens souffraient déjà de changements à l’échelle mondiale qui se produisaient dans le capitalisme. Bien que cette calamité a complètement pris par surprise l’ensemble des classes dirigeantes et de leurs politiciens, elle n’est pas une sorte d’événement “bizarre”. En réalité, elle découle de la nature même du capitalisme et en particulier du caractère de la croissance économique des deux dernières décennies.

    Au même moment, elle a également révélé le véritable caractère et les limites de l’UE. C’est là tout le sens du dernier round de bagarres entre les puissances européennes, et maintenant du débat ouvert sur le futur de l’euro et de la discussion (qui accompagne probablement un début de planification) de la possibilité qu’au moins un pays se voie forcé de quitter l’eurozone. Mais cette discussion n’a pas été limitée aux pays qui pourraient être forcés de quitter l’euro, mais elle a également porté sur la possibilité, dans une situation extrême, pour l’Allemagne de le quitter.

    Des crises qui s’enchainent et la crise de l’euro

    Alors qu’en mai 2010, un énorme plan de sauvetage d’un montant de 750 milliards d’euro a mis un terme à la crise immédiate provoquée par la révélation de la véritable situation financière de la Grèce, ceci n’a amené qu’une stabilité temporaire. À de nombreuses reprises depuis lors, de brusques écart de spread ont indiqué un potentiel pour de nouvelles crises, ou la menace de nouvelles crises, au fur et à mesure que des doutes refont surface quant aux finances d’autres pays de l’eurozone.

    La nouvelle crise en novembre, autour de l’Irlande cette fois, a été en partie déclenchée par Merkel qui en octobre a imposé un accord qui disait qu’à l’avenir, en cas de crise financière, les investisseurs devraient assumer eux-mêmes les pertes sur leurs investissements. Les autres pays européens n’étaient pas dans une position d’affronter l’impérialisme allemand qui est la base financière sur laquelle reposent l’euro tout comme l’UE. Merkel a en partie agi afin de prévenir la montée de l’opposition à l’intérieur de l’Allemagne à l’encontre de ce qui y était perçu comme le “renflouement” d’autres pays.

    Toutefois, si cet accord d’octobre a accéléré le cours des événements, ce n’est pas lui qui les a causé ; les marchés financiers ont rapidement augmenté les taux d’intérêt qu’ils exigeaient de l’Irlande, tentant par-là de couvrir une partie de pertes potentielles. Ce qui est ici très clair, c’est qu’alors que les institutions financières exigeaient que ce soient la classe ouvrière et la classe moyenne qui subissent les coupes, elles ont utilisé tout leur pouvoir pour résister à toute proposition selon laquelle elles-mêmes devraient accepter la moindre perte. La pression énorme qui s’en est suivi sur l’Irlande afin qu’elle accepte un renflouement et encore plus d’austérité, en plus de la “supervision” internationale qui l’a accompagnée, était le reflet d’une véritable panique. De nombreuses classes dirigeantes craignaient que l’effondrement des banques irlandaises provoque une crise internationale du type de Lehmann Brothers, et/ou que la crise autour de la dette irlandaise pourrait très vite mettre l’Espagne sous une pression similaire. Tandis que des plans de “sauvetage” peuvent être offerts à des petites économies comme la Grèce, l’Irlande ou le Portugal, une crise espagnole enverrait valser l’ensemble de la zone euro.

    Mais l’avenir de l’eurozone n’est pas seulement menacé par une nouvelle crise de la “dette souveraine”. Il y a également des tensions qui découlent des déséquilibres du système de l’euro, un système qui a profité à de nombreux égards au capitalisme allemand, au détriment de ses rivaux. Comme l’a expliqué le CIO avant l’introduction des billets et des pièces euro, cette situation met en question la durée qui reste à vivre à l’eurozone dans sa forme actuelle. Clairement, l’intégration de l’économie européenne a parcouru tout un chemin et a produit une situation dans laquelle, en addition aux immenses troubles politiques, une reconfiguration ou l’éclatement de la zone euro serait extrêmement destructeur. Mais cela en soi ne serait pas suffisant pour empêcher que, en pleine période de crise, un pays ou un groupe de pays quitte l’eurozone ou, comme Merkel l’a menacé en mars 2010, en soit mis à la porte.

    Il y a de plus en plus de tensions et de conflits d’intérêt entre les différents pays européens, ce qui est quelque chose que la Chine tente d’exploiter avec ces offres de soutien financier à la Grèce et au Portugal. En même temps, il y a  parmi les grandes puissances européennes une lutte pour la direction, sinon pour la suprématie. À cause de la crise, la Grèce et de plus en plus l’Irlande, en tant que pays de l’eurozone, sont placés sous un contrôle croissant de l’UE – en réalité de l’Allemagne, qui est la plus grande puissance économique de la zone euro. En Grèce comme en Irlande il y a une colère, avec des éléments d’anti-impérialisme, à l’encontre de ce qui est correctement perçu comme étant une perte de souveraineté au profit de l’UE, de la BCE, du FMI et des marchés financiers. L’opposition populaire va grandir dans cette direction, et les marxistes vont tout faire pour donner à ce sentiment un caractère anticapitaliste plutôt que nationaliste.

    Une nouvelle chute de l’économie

    Déjà avant la tempête du mois de novembre, il a été clair que la faible reprise de l’économie de cette année, qui était un mélange de spasme post-mortem et de croissance économique en Chine, n’allait pas mettre un terme aux tourments de l’Europe. Cela, malgré le fait que dans une poignée de pays, et surtout en Allemagne, il y a toujours des gens qui gardent l’espoir que le pire est passé. Toutefois, il est clair que cette reprise n’est pas fermement basée ni enracinée dans des développements au sein de l’UE. La très forte dépendance de l’Allemagne sur ses exportations est particulièrement fragile et, si elle devait s’inverser, cela aurait de profondes répercussions, autant que ce qu’on a déjà vu avec la chute dramatique de -6,8% de son PIB entre les printemps de 2008 et 2009. Partout en Europe, il y a eu une croissance des emplois précaires, temporaires et limités, du travail à temps partiel et du nombre de travailleurs qui ont été forcés à “s’auto-employer”, tout cela étant bien loin de vrais emplois à plein temps.

    Pour les travailleurs allemands, cette croissance économique a eu des effets différents. L’année 2010 a connu des gains dans certains secteurs, par exemple il y a eu dans la sidérurgie une hausse salariale de 3,6% et l’harmonisation de la paye pour les travailleurs à contrats à durée déterminée, et aussi certaines entreprises, surtout dans l’industrie automobile, ont accordé des hausses salariales en avance sur ce qui était prévu dans les contrats. Mais 2009 a été la première année depuis 1949 où non seulement les salaires réels, mais aussi les salaires nominaux, ont baissé, en même temps que la pression des patrons dans les entreprises continuait à croitre. Qui plus est, la majorité des nouveaux emplois créés ont été temporaires, des emplois qui peuvent facilement être perdus dès que l’économie s’arrête de croitre. Malgré cela, la croissance économique récente a créé certains espoirs que le pire est derrière nous, en Allemagne et dans certains pays qui y sont économiquement liés. En novembre 2010, 35% des Allemands craignaient le chômage, comparé à 59% un an auparavant. C’est une des raisons pour lesquelles les nouvelles mesures d’austérité du nouveau gouvernement, visant principalement les couches les plus pauvres de la population, ne provoquent pas encore une opposition large.

    Mais beaucoup de pays en Europe sont confrontés à une situation économique bien, bien pire et, en outre, il n’y a pas de porte de secours. 2009 a été l’année d’énormes chutes du PIB dans les États baltiques, (la Lettonie a subi la pire chute du PIB : -18%) et de très grosse pertes dans des pays comme la Finlande (-8%), l’Irlande (-7,1%) et l’Islande (-6,8%). Au fur et à mesure que s’écoulait l’année 2010, le taux de croissance d’autres pays européens s’est lui aussi ralenti.

    La situation instable est une raison pour les divisions continues au sein des classes dirigeantes quant au rythme et à l’ampleur des attaques qu’ils désirent poursuivre sur le niveau de vie, et à la nécessité ou non du maintien de mesures afin d’atténuer les effets de la crise.

    Ce qui est clair est qu’au sein de l’UE, il n’y a aucune base pour une reprise économique durable ; cette situation est aggravée par les offensives que la plupart des gouvernements ont lancées avec la mise en œuvre de mesures d’austérité. C’est ce qu’on voit en Grèce et en Irlande, dont les économies sont en réalité toujours en train de baisser, tandis que des pays comme le Portugal ou l’Espagne ne sont pas loin derrière. L’offensive du gouvernement britannique est justifiée par l’espoir d’une reprise des exportations, mais il n’y a aucune certitude quant à la possibilité du capitalisme britannique de reconstruire ses secteurs non-financiers. De la même manière, tous les signes indiquent que l’économie mondiale est de nouveau en train de ralentir, et qu’une récession en “double chute” se pointe à l’horizon. Les perspectives pour l’économie mondiale sont aussi cruciales pour les perspectives économiques de l’Allemagne, puisque sa rapide reprise en 2010 était purement basée sur les exportations. Une décennie de gel des salaires, combinée aux taux de change des devises nationales en euro a bousté la compétitivité du capitalisme allemand, dans l’eurozone comme à l’échelle internationale. Par exemple, plus de 20% de la production des entreprises automobiles allemandes a été vendu à la Chine, et l’Allemagne pourrait au mieux se retrouver dans la stagnation au cas où, comme il semble probable, l’économie mondiale venait encore à ralentir. Une baisse plus profonde de l’économie mondiale produirait une nouvelle chute rapide des exportations allemandes et aurait d’énormes répercussions politiques et sociales.

  • Europe : Crise de la zone Euro, conflits inter-capitalistes et lutte des classes

    Le Bureau Européen du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO), réuni du 13 au 15 avril, a discuté du potentiel d’explosions sociales, étant donne la crise actuelle, de l’instabilité sociale et politique et des tâches auxquelles font face les marxistes et la classe ouvrière. Nous publions ci-après la résolution émanant de cette réunion qui a rassemblé des représentants d’Autriche, de Belgique, de Chypre, de République Tchèque, de Grande Bretagne, de France, d’Allemagne, de Grèce, d’Islande, d’Irlande (Nord et Sud), d’Italie, de Pologne, du Portugal, de Russie, d’Écosse, de Suède, mais aussi des représentants issus de l’extérieur de l’Europe (du Pakistan et d’Israël).

    Rédigé par le Secrétariat International du CIO

    1. Depuis la réunion du Comité Exécutif International (CEI) en décembre 2009, l’analyse générale du CIO sur la situation mondiale et les évolutions de l’économie mondiale se sont avérées être exactes. Du matériel a été produit concernant la situation générale de l’économie mondiale ; il n’est pas nécessaire d’y revenir en détail dans ce bref communiqué. L’évolution de l’économie mondiale et de la situation politique constituent l’arrière plan de la crise à laquelle font face les classes dirigeantes en Europe, la pire qui a frappé la zone depuis que l’euro a été lancé. L’économie mondiale n’a connu qu’une “relance” très limitée, qui reste faible et fragile. Les énormes plans de relance mis en place en particulier aux USA, en Chine et en Europe ont eu un effet, dans le sens où ils ont pu empêcher un complet effondrement de l’économie mondiale, qui aurait pu se transformer en dépression. Pourtant, les plans de relance ont été limités et n’ont pas résolu la crise sous-jacente.

    2. La “reprise” n’a pas été suivie d’un retour à une croissance solide de “l’économie réelle” et menace de créer les conditions d’une “double chute” de l’économie mondiale. Les derniers chiffres publiés par les économistes renvoient à une augmentation de la “croissance” aux USA et en Europe, mais ne représentent pas une réelle augmentation des capacités de production ni ne ramènent la production au niveau qu’elle avait dans la période précédant le déclenchement de la crise. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) prévoit que le commerce international se développera à hauteur de 9.5% cette année. Mais même si cela se produisait, ce ne serait pas suffisant pour rattraper la chute de 12.2% du commerce international en 2009. La “reprise” qui a suivi les plans de relance dans différents pays s’est basée sur des schémas tels que la prime à la casse ou, par exemple, une réduction de la TVA en Grande Bretagne. Ces mesures n’ont été que temporaires et limitées, elles ne représentaient en aucun cas un retour à une croissance stable et durable. L’investissement continue de stagner ou de baisser. En février, le taux de chômage officiel de la zone Euro était de 10%. La croissance aujourd’hui vient en grande partie du fait que les entreprises reconstituent leurs stocks, et parallèlement à la création de nouvelles “bulles” du fait de l’injection massive de liquidités dans l’économie par l’Etat, particulièrement le secteur financier. La Chine et l’Allemagne ont été capables de renforcer leurs exportations dernièrement, mais la question cruciale à laquelle est confronté le capitalisme mondial est l’absence de demande et de nouveaux marchés. Dans le cas de l’Allemagne, la croissance des exportations a été réalisée au détriment de ses concurrents et sans réelle extension de son marché intérieur. Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’Allemagne pour 2010 de 1.5% à 1.2%, au regard de la faiblesse du secteur financier et du commerce international.

    3. Les quelques “exceptions” qui existent pour le capitalisme, comme la Chine, le Brésil et l’Inde dans une moindre mesure, peuvent toujours être frappés tardivement par la crise et se retrouver plongés en récession. La Chine, qui connait une bulle immobilière, pourrait voir une contraction de son économie, qui pourrait par ailleurs provoquer une explosion sociale que le régime ferait tout pour éviter. Même si l’économie mondiale peut retourner vers une période de croissance totale, ce qui sera inévitable à un certain stade, il est important de souligner que ce ne sera pas suffisant pour apporter une solution aux conséquences de la crise, aux privations et aux désastres sociaux auxquels est confrontée la masse de la population mondiale, ni à ses conséquences politiques.

    4. Jusqu’à présent, la conjoncture n’est donc pas une “reprise” au sens propre, mais plus largement une “reprise avec chômage” ; dans laquelle le chômage de masse persiste même en cas de croissance limitée. A l’échelle internationale, les classes dirigeantes cherchent toujours plus à détériorer les conditions de vie et de travail ainsi que les salaires. Ces trente dernières années, nous avons pu observer une phase de dépression sous-jacente, comme nous l’avons expliqué dans les derniers articles et documents publiés par le CIO. Cette tendance a toutefois été masquée par la croissance de la consommation basée sur une extension massive du crédit et sur toute une série de bulles spéculatives qui ont toutes explosé.

    5. Chaque crise du capitalisme contient en elle-même une période de croissance et de reprise partielle, qui conduira à un certain stade à une nouvelle crise, récession ou stagnation. Nous avons connu une série de crises en résultant, une tendance qui se développe toujours. Le déclenchement de la crise, il y a trois ans, représentait un gigantesque coup porté à l’idéologie capitaliste. Ceci a forcé les classes dirigeantes à répondre par une série de mesures de type “capitalisme d’État”, où l’État était obligé d’intervenir sur le marché pour le soutenir et le sauver. C’est une situation entièrement différente de celle qui existait après la seconde guerre mondiale, où l’on observait un développement de “l’économie mixte”. La bourgeoisie acceptait alors qu’une assez grande partie (bien que minoritaire) de l’économie soit sous contrôle d’un État interventionniste, accompagnée par la mise en place de réformes sociales radicales. Aujourd’hui, au contraire, les politiques interventionnistes et de nationalisation ont un caractère à court terme, et sont rapidement suivies de privatisations – accompagnées de contre-réformes et d’attaques brutales contre les conditions de vie et de travail.

    La crise de la zone Euro

    6. Jusqu’à maintenant, l’évolution la plus significative en Europe a été le drame qui a suivi l’explosion de la dette grecque. Les répercussions se sont senties à l’échelle internationale et elle a déclenché une crise majeure dans la zone Euro et l’Union Européenne. Cette crise a révélé les antagonismes nationaux conséquents qui existent entre la Grèce, l’Allemagne, la France ainsi que les autres puissances de l’UE.

    7. Cela a aussi révélé la faiblesse relative de l’euro et a remis en question sa viabilité future. L’incertitude que cela a provoqué représente un réel recul des classes dirigeantes européennes. L’Allemagne, afin de défendre ses intérêts nationaux, a refusé de renflouer la Grèce. La ligne de conduite très stricte adoptée par Angela Merkel reflète la peur de l’impérialisme allemand d’un sauvetage de la Grèce qui créerait un précédent au moment ou des crises se déchaînent notamment en Espagne et au Portugal. En faisant preuve d’une nouvelle vigueur menaçante, Merkel a déclaré que les pays qui plongeraient dans la crise pourraient se retrouver jetés en dehors de la zone Euro, ce qui reflète également la profonde crise des classes dirigeantes européennes. Par ailleurs, autoriser la Grèce à ne pas assurer sa dette pourrait déclencher non seulement une crise politique majeure, mais aussi une nouvelle tempête financière

    8. La réaction des autres puissances européennes (particulièrement la France) et le conflit qui s’est développé entre elles ont transformé la crise grecque en crise européenne, avec une immense pression exercée sur l’Allemagne afin qu’elle change de position. La décision d’inclure le FMI dans le sauvetage de la Grèce représente un coup au prestige des bourgeoisies de la zone Euro et de la BCE. Une des idées à la base de la création de cette dernière était la volonté d’établir un contre pouvoir face à l’impérialisme US et au FMI. Ces récentes évolutions, toutefois, sont bien loin des jours paisibles du triomphe du capitalisme européen au lancement de l’euro, quand existaient alors de fortes attentes quant à une croissance économique, un Euro fort et un chemin stable et harmonieux vers une plus grande intégration européenne. Certains ont même défendu que ce processus aboutirait à une disparition des antagonismes nationaux en Europe et à la fin des État bourgeois nationaux dans l’Union Européenne.

    9. Nous nous sommes opposés à ces illusions, qui, comme le CIO l’avait anticipé, se sont révélées totalement fausses, avec une augmentation des tensions interétatiques pendant la crise. Cela a dévoilé les obstacles à une réelle intégration européenne et une incapacité à dépasser les limites de l’État-nation et les intérêts nationaux des classes dirigeantes de chaque pays. Le degré d’intégration capitaliste à l’UE a probablement atteint ses limites pour cette période, avec un processus qui stagne voire se renverse.

    10. La crise de l’Euro ne veut pas simplement dire qu’il sera abandonné par les classes dirigeantes. Dans la crise à venir, il est plus probable que certains pays s’en retirent, suite à la forte pression que la monnaie exerce sur les gouvernements nationaux. La force des antagonismes nationaux, provoquée par l’insistance de l’Allemagne à défendre ses propres intérêts, s’est reflétée dans la référence faite au rôle de l’impérialisme allemand en Grèce pendant la seconde guerre mondiale. Cela a été repris par Sarkozy qui, selon Le Monde, disait à un ami que “[l’impérialisme allemand] n’avait pas changé.” Le conflit entre les intérêts français et allemands représente clairement un changement par rapport à la dernière période, où la France et l’Allemagne tendaient à agir en tant qu’alliés, au moins concernant l’UE. Parallèlement, cela laisse l’impérialisme français dans une situation précaire. La France souhaite éviter de devoir s’allier à l’impérialisme britannique ou US. Le capitalisme allemand a été en capacité d’exploiter les taux d’intérêts à son avantage, et a finalement pu obliger une France réticente à accepter qu’il impose sa position. L’Allemagne, malgré la croissance de ses exportations, est le moteur de la croissance européenne. Mais face à la crise, elle essaie de “rationner” le reste de l’Europe et exige la mise en place de plans d’austérité drastiques, en particulier de la part des économies européennes les plus faibles.

    11. Une campagne nationaliste féroce a été menée par la classe dirigeante allemande contre le peuple grec. De son côté, la classe dirigeante grecque a également essayé de stimuler le nationalisme en Grèce. Comme nous l’avions expliqué, cela indique qu’un sentiment nationaliste peut se développer et être encouragé par les classes dirigeantes européennes alors que la crise se développe. Il est important que nous contre-attaquions en menant la lutte pour l’unité des travailleurs. Les sections du CIO en Europe devraient entreprendre une campagne pour renforcer l’idée de la nécessité d’une lutte unifiée de tous les travailleurs contre les coupes et les attaques. A ce stade il est peut-être prématuré d’appeler à une grève générale de 24 heures dans toute l’Europe; mais l’idée d’une mobilisation européenne contre les coupes et les attaques sur les conditions de vie est quelque chose que nous devrions défendre énergiquement.

    12. La crise a été aussi dévastatrice pour l’Europe de l’Est et l’Europe centrale. Les espoirs soulevés par la restauration du capitalisme ne se sont pas matérialisés pour les masses. La chute désastreuse des économies dans des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie est comparable avec la période de grande dépression des années 1930. La Hongrie se débrouille un peu mieux actuellement. Même si la Pologne semble être l’exception, l’accumulation croissante de la dette publique, qui menace d’atteindre les 55% du PIB l’année prochaine, probablement pour grimper rapidement à 60%, sera l’occasion pour la classe dirigeante de procéder à des coupes et des attaques contre la classe ouvrière. Cela doit être pris en compte au regard de la catastrophe en Russie. Le chômage est probablement plus élevé qu’en 1994, quand la production s’est effondrée suite à la chute de l’URSS. Le régime commence à être divisé et une éruption sociale représente une perspective sérieuse dans une période relativement courte.

    13. L’émergence d’antagonismes nationaux en Europe alors que la crise se développe peut également se manifester dans la résurgence de la question nationale et des tensions dans des pays comme la Belgique et l’Espagne. En Irlande du Nord, l’impossibilité de résoudre la question nationale sous le capitalisme se reflète par une augmentation des conflits sectaires entre les différentes communautés, malgré la poursuite du “processus de paix” au sommet. Comme la crise a frappé l’Espagne très durement, la vague de luttes de la classe ouvrière s’est rapidement développée, parallèlement à une augmentation du sentiment régional et national en particulier, surtout au Pays Basque et en Catalogne. 40% des dépenses de l’État sont directement administrées par les régions et provinces. Ceci peut aussi devenir un point de discorde important et conduire à des conflits avec le gouvernement national. Le CIO doit défendre les droits nationaux des différents peuples en Espagne tout en se battant pour une confédération socialiste et l’unité de classe dans tout l’État espagnol.

    Le dénigrement des travailleurs grecs ; les “PIGS” et “STUPIID”

    14. La menace d’un défaut de paiement sur la Grèce rappelle en un sens la situation de l’Amérique Latine des années ‘80 – y compris la revendication de l’annulation de la dette mise en avant par la section grecque du CIO! Aussi importante et significative que soit la crise grecque, ce n’est encore qu’une anticipation de ce qu’il se passera au Portugal et surtout en Espagne. Avec un taux de chômage de près de 20% – approchant les 40% dans la jeunesse, la question d’une révolte au moins aussi forte qu’en Grèce se pose en Espagne. Les effets et la profondeur de la crise aux échelles internationale et européenne ne sont pas uniformes. Globalement, une dépression a été évitée pour le moment. Mais l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce ont été dévastés par la profondeur de la crise et montrent des éléments de dépression comparables aux années 1930. L’économie de la République d’Irlande continue de se contracter. Ces pays, sous l’acronyme désobligeant de “PIGS”, sont maintenant élargis et compris dans les “STUPIIDS” (Espagne, Turquie, Grande Bretagne, Portugal, Irlande, Islande et Dubaï)!

    Conséquences sociales et politiques

    15. Pour le CIO et ses sections, les conséquences sociales et politiques et leurs effets sur la lutte des classes sont les questions décisives qui se posent lors de cette crise. Les questions des perspectives et des tâches n’ont jamais été aussi liées l’une à l’autre. L’impact de la crise sur la lutte des classes ne s’est pas encore entièrement fait ressentir. Pourtant, d’importants mouvements de masse ont explosé dans différents pays européens, particulièrement en Grèce, en Espagne et au Portugal. Dans d’autres pays, les luttes de la classe ouvrière auraient pu aller beaucoup plus loin sans le rôle de capitulation des directions syndicales en général, qui ont tendu à représenter les intérêts et la pression des patrons plutôt que de défendre la classe ouvrière. Ceci doit être ajouté à la question cruciale du niveau de conscience politique actuellement bas dans la classe ouvrière, hérité de la dernière période ; en prenant aussi en compte l’absence d’une force combative se battant pour une alternative socialiste à une échelle de masse. La faillite des directions ouvrières traditionnelles pour offrir une telle alternative a empêché le développement d’une conscience politique parmi la jeunesse et les travailleurs. Ces faiblesses signifient que la crise aura un caractère complexe et étalé dans le temps. Pourtant, des explosions sociales massives ont déjà eu lieu dans certains pays et vont se développer à travers l’Europe. Les mouvements qui ont déjà eu lieu ne sont qu’une anticipation de ce qu’il reste à venir. Des luttes industrielles et politiques se dérouleront, qui pourront permettre une croissance quantitative rapide des différentes sections du CIO ainsi que de leur influence, pour autant que nous intervenions avec les bons slogans, les bonnes tactiques et une explication générale de notre propagande socialiste. Ce ne sera pourtant pas un processus linéaire ni automatique. Le rythme de la lutte et le développement de la conscience politique seront variables d’un pays à l’autre.

    16. En plus de cette crise économique et sociale, il ne faut pas oublier la crise environnementale et le réchauffement climatique. La déclaration adoptée au CEI reste toujours autant valable. Les conséquences du réchauffement doivent être prises en compte dans nos perspectives économiques et politiques. Cela devient un souci croissant parmi la classe ouvrière alors que de plus en plus de travailleurs et de pauvres en ressentent les conséquences, même en Europe. Les mouvements en Espagne (Andalousie) concernant l’approvisionnement en eau en sont un exemple. Une frange de la bourgeoisie a mis en avant la perspective de nouvelles “éco-industries” comme solution à la crise. Cela dit, il est hautement improbable que cela puisse offrir une sortie de crise à court terme, ou de nouveaux marchés pour la bourgeoisie.

    Les luttes ouvrières et les syndicats

    17. Malgré les contradictions dans la conscience politique qui existent dans de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, ce serait une erreur de sous-estimer l’amertume sous-sous-jacente et la colère qui sont déjà présentes. En général, cela n’est pas représenté par les directions officielles des syndicats ou dans leurs structures.

    18. Il y a déjà eu des mouvements ouvriers significatifs dans de nombreux pays en réponse à la crise et aux attaques contre la classe ouvrière. En règle générale, ils ont eu un caractère défensif. En Irlande, au premier semestre de 2009, d’importantes grèves et mouvements de protestation des travailleurs se sont développés. En Grèce, les grèves du secteur public et trois grèves générales massives montrent comment la classe ouvrière a été poussée à la lutte par des attaques si brutales. Au Portugal, les grèves du public et la menace d’une grève générale illustrent à quel point la situation des travailleurs est désespérée. Les énormes manifestations en Espagne et la masse de travailleurs qui soutenaient la revendication d’une grève générale ont terrifié non seulement la classe dirigeante espagnole mais aussi celles du reste de l’Europe. Même si la Turquie n’est pas entièrement située en Europe d’un point de vue géographique, du point de vue social et politique, elle devient de plus en plus intégrée aux discussions sur l’Europe. La formidable grève à TEKEL représente un changement crucial dans la situation.

    19. L’Espagne, avec une plus grande économie et une classe ouvrière plus grande que la Grèce, peut se retrouver au centre de la crise européenne dans la prochaine période. La peur d’une telle explosion a forcé le gouvernement à retirer certaines de ses propositions concernant le recul de l’âge du départ à la retraite qui avaient provoqué l’outrage parmi les masses. Des éléments de situation prérévolutionnaire étaient présents au point culminant du mouvement en Grèce. La faillite de la direction traditionnelle du mouvement ouvrier pour offrir une alternative, le faible niveau de conscience politique et d’auto-organisation ont représenté les principaux obstacles. Pourtant, les masses sont plus radicalisées et plus à gauche que leur direction. Des explosions sociales telles que celles que nous avons vues en Grèce peuvent éclater dans une série de pays européens et pourraient aller encore plus loin qu’en Grèce à ce stade, particulièrement en Europe du sud. Les événements en Grèce ont montré des éléments de situation prérévolutionnaire qui peuvent également se développer dans une série de pays européens dans les prochains mois et années Cette nouvelle période sera plus complexe et longue précisément à cause de l’absence d’organisations ouvrières de masse.

    20. En Grande Bretagne, après les luttes de l’année dernière a Lindsey, Linamar, Vestas, chez les postiers…, 2010 a vu une série de grèves nationales des travailleurs de British Airways, des fonctionnaires du gouvernement et probablement des cheminots, qui montrent qu’une nouvelle situation se développe. La France a également été témoin de la grève nationale du 23 mars. En Belgique, des grèves initiées par la base ont aussi eu lieu.

    21. Ces mouvements, entre autres, ont eu lieu malgré les directions syndicales qui ont été terrifiées par la crise et ont cherché à jouer un rôle d’”arbitres” plutôt que de défenseurs de la classe ouvrière. En France, en Allemagne, en Italie, en Irlande, en Espagne et en Suède, plutôt que de combattre le gouvernement, elles ont cherché à rétablir un “dialogue social” et des “contrats sociaux” et ont évité d’appeler à des journées d’action nationales. Ils se sont exprimés en faveur de coupes salariales pour sauver l’emploi et ont joué les “arbitres” entre les patrons et la classe ouvrière. Quand les directions syndicales ont appelé à des journées de mobilisation, c’était généralement une manière de faire relâcher la pression plutôt que de chercher à conduire une vraie lutte. La combativité de certains travailleurs a été reflétée en Irlande avec les 83% de travailleurs du CPSU (syndicat d’employés gouvernementaux) votant pour entrer en mouvement. Un vote similaire s’est aussi produit chez les travailleurs de British Airways.

    La grève générale

    22. En Italie, malgré une vague d’opposition croissante à Berlusconi, démontrée par les manifestations massives à Rome et à Milan, la CGIL (Confédération Générale Italienne du Travail) n’était préparée qu’à appeler à une grève générale de 4 heures. Comme nous l’avons déjà soulevé, la question de la grève générale est présente de manière objective à travers l’Europe. Nous devons nous assurer que cette question est bien présente dans notre propagande et, si c’est approprié, la mettre en avant comme l’un de nos principaux slogans. Dans des pays comme la Grèce, où une série de grèves générales a été annoncée mais n’a pas été appelée avec un programme d’action clair et une alternative politique, nous devons aller plus loin avec la revendication d’une grève générale de 24 ou 48 heures. Si cela ne force pas le gouvernement à reculer, la question d’actions plus décisives et de plus longue durée pourra être posée – y compris une grève illimitée

    23. La grève générale, sous une forme ou une autre, est une question importante qui se pose objectivement à la classe ouvrière et au CIO dans la plupart des pays d’Europe. C’est une partie de notre programme. A différents moments, selon la situation concrète, nous devons la mettre en avant comme notre principal slogan et principal axe de propagande. Pourtant, c’est plus complexe maintenant que dans le passé, à cause du caractère des directions syndicales et du plus faible niveau de conscience dans la classe ouvrière. Les grèves générales ou les grèves générales partielles qui ont eu lieu dernièrement ont eu un rôle protestataire comparable aux grèves générales de protestation qui ont eu lieu avant la première guerre mondiale dans certains pays européens. Une grève générale illimitée posera inévitablement la question du pouvoir. Mais à ce stade, la conscience politique de la classe ouvrière est en décalage par rapport aux tâches qui lui incombent. Des actions supplémentaires, peut être sur une période plus longue que 24 ou 48 heures, et l’élection de comités d’action, constituent aussi une question dont nous devons nous saisir là où c’est opportun. C’est ce qu’ont fait les camarades grecs, en reliant cette question à la nécessité pour la classe ouvrière de revendiquer que Syriza et le KKE se battent vraiment contre la crise ainsi que pour le socialisme et la démocratie ouvrière.

    24. Les propositions concrètes et spécifiques que nous faisons quand nous intervenons dans les luttes ouvrières – comment les organiser, quelles actions devraient être entreprises – sont particulièrement importantes dans cette période a cause du manque d’expérience de lutte de la nouvelle génération de travailleurs. Des propositions d’actions et d’initiatives faites en temps opportun peuvent énormément augmenter notre influence et notre réputation ainsi que nous distinguer d’autres groupes opportunistes et d’ultra gauche.

    25. La question de l’équilibre entre notre intervention dans les structures syndicales officielles et nos propositions, là où c’est opportun, pour la formation de comités officieux d’action démocratiquement élus, est particulièrement importante, et a été renforcée par la période de crise. La baisse du nombre de syndiqués en Europe, particulièrement chez les jeunes, et le rôle des bureaucraties syndicales lui donnent une importance de premier ordre. Le nombre croissant de jeunes qui ont un travail en CDD ou intérim sans contrat stable est aussi une question qu’il nous faut traiter.

    26. Les mouvements ouvriers qui ont eu lieu ne représentent pourtant que la première réaction face à l’impact de la crise. Il y a également eu différentes phases dans le développement de la conscience politique et des perspectives pour les travailleurs. Dans un premier temps, il y a eu une certaine radicalisation, suivie d’une explosion de colère et d’un sentiment anti-banquiers et anti-riches dans certains pays – comme la Grèce pendant un temps et l’Irlande – ainsi qu’un certain choc voire un effet paralysant au regard de la profondeur de la crise. “Que pouvons-nous faire sinon accepter de nous serrer la ceinture ? ” En d’autres termes, il y a eu un espoir que la crise et ses conséquences ne seraient qu’un problème à court terme ; suivi d’une certaine attente que les plans de relance résoudraient le problème et que “la vie retournerait a la normale”.

    27. En Irlande, la lâcheté des directions syndicales a aggravé le problème de la conscience politique et de la confiance de la classe ouvrière. Après plus de vingt ans de croissance économique, la classe ouvrière fait face à un tsunami économique. Une acceptation amère, réticente, que les coupes sont “inévitables”, qu’il n’y a “pas d’alternative” face a un tel effondrement économique, et l’absence d’une alternative de masse a jusqu’à pressent empêché qu’un mouvement de masse se développe à partir de la base. Bien sûr, nous cherchons à contrer cela, mais notre voix est pour l’instant trop limitée pour changer les perspectives à une échelle de masse. Pourtant, cela peut rapidement changer et ouvrir la voie a une énorme explosion sociale.

    28. Il est important de comprendre ces différents états d’esprit pour adapter notre propagande, nos analyses et nos perspectives. Mais il est tout aussi important de comprendre qu’une telle ambiance d’acceptation réticente est temporaire et peut changer très rapidement et de maniéré très radicale. Parfois, un tel changement peut être occasionné par une attaque relativement mineure, suivie d’une série de mesures plus dures.

    Absence d’une alternative socialiste forte et conséquences

    29. L’absence d’une puissante alternative socialiste clairement définie et d’une telle conscience est le principal obstacle qui existe à la mobilisation des masses pour un tournant socialiste dans la situation actuelle. La bourgeoisie peut s’estimer heureuse qu’à ce stade elle n’ait même pas encore été confrontée a une puissante force réformiste de gauche ou même centriste enracinée dans la classe ouvrière, comme il a pu exister dans le passé. Le manque d’une alternative socialiste de masse se reflète dans un fort taux d’abstention aux élections dans toute une série de pays en Europe.

    30. Actuellement, il n’y a guère de gouvernement qui soit considéré comme stable en Europe. L’instabilité de la situation peut notamment se refléter dans les accrochages entre les ministres de la CDU, la CSU et la FDP dans le gouvernement Merkel. En Italie, la résurgence de l’opposition a Berlusconi et la chute de son taux d’approbation en sont d’autres preuves ; même si la perspective de la chute du centre-droit aux élections régionales ne s’est pas réalisée. La classe dirigeante italienne est visiblement inquiète à propos de Berlusconi. L’existence d’une puissante force de gauche dans la plupart des pays aurait tout simplement balayé les partis au pouvoir ou les gouvernements en place. Face à cela, la situation a été marquée par l’émergence du “moindre mal” dans beaucoup de pays européens. Comme nous l’avions souligné dans le document issu du CEI, cela s’est reflété en Grèce pendant un temps avec la réélection du PASOK. Les élections régionales en France l’ont aussi montré avec une croissance proportionnelle des votes pour le Parti Socialiste, ainsi qu’en Irlande avec une croissance du Labour Party dans les sondages. Même en Grande Bretagne, après trente ans de gouvernement New Labour, la peur d’un gouvernement Tory (conservateur) aura pour conséquence que Brown pourrait obtenir un meilleur résultat que ce qui était probable quelques mois plus tôt. Cela pourrait même résulter dans un gouvernement a minorité New Labour, avec la possibilité de “coalition” officieuse avec les Libéraux à un certain stade. Un gouvernement à minorité Tory reste également possible, mais la situation sociale pour le moins explosive pourrait rendre un gouvernement peu viable a long terme voire à moyen terme.

    31. Des augmentations proportionnelles dans les votes pour les partis traditionnels de la classe ouvrière ne se font toutefois pas sur les mêmes bases que dans le passé. Ces partis ont un ancrage social plus faible, tout comme les attentes que les travailleurs y placent. Les partis qui ont connu une croissance électorale n’ont pas connu une progression active de leur nombre de membres parmi la classe ouvrière. Un élément frappant de la période actuelle est la volatilité ambiante. Il peut y avoir des changements très rapides ; la croissance du soutien électoral pour un parti peut très vite s’évaporer et se transformer en opposition acerbe contre lui.

    32. Cela a été prouvé de façon claire en Islande après l’élection de l’Alliance Sociale-démocrate-Gauche-Verts. En l’espace de quelques mois, les espoirs et les illusions qui résidaient en ce gouvernement (le premier gouvernement social-démocrate de l’histoire islandaise) ont été brisés. La proposition du gouvernement d’accepter les termes de remboursement exigés par le gouvernement britannique a fait face à une intense opposition. Même le Président a été obligé de prendre cela en compte et a refusé de signer l’accord adopté par le Parlement, ce qui a ouvert la voie au référendum refusant l’accord a hauteur de 93%.

    Les nouveaux partis ou alliances de gauche

    33. Globalement, il est toujours vrai que là ou ils existent, les nouveaux partis ou alliances de gauche ont failli à remplir le vide politique ; leur avenir est précaire et incertain. Face à une crise historique du capitalisme, ils ont en règle générale évolué constamment vers la droite et l’effondrement idéologique a continué. C’est indubitablement une des raisons pour lesquelles ces nouvelles formations ne se sont pas développées dans la dernière période. En France et en Grèce, le NPA et SYRIZA ont reculé dans les sondages au fur et à mesure que la crise se développait. Les derniers résultats électoraux du NPA (2.5%) et du Parti Socialiste hollandais sont en fort contraste avec notre formidable victoire électorale en Irlande lors de l’élection de Joe Higgins au Parlement européen.

    34. En Allemagne, Die Linke, malgré un pas à gauche en parole avec son récent “Projet de Programme”, a continue de stagner dans les sondages autour de 11%. Pourtant, selon les derniers sondages, le parti pourrait réussir à entrer pour la première fois dans le plus grand parlement régional (Rhénanie du Nord-Westphalie). Ceci sera vu comme un succès. A ce stade, les nouvelles formations n’ont pas attiré de larges couches de travailleurs. Die Linke représente la faillite à offrir une alternative socialiste claire et conséquente face a la crise, ainsi qu’une incapacité de la direction à combiner travail électoral et intervention dans les luttes des travailleurs et de la jeunesse. Cela reflète aussi partiellement un sentiment “anti-parti” de la part de beaucoup de travailleurs et de jeunes, qui pour l’instant ne voient pas pourquoi ils devraient s’impliquer dans les activités d’un parti et en devenir membre.

    35. Cela changera à un certain stade, lorsque les travailleurs, à travers leurs propres expériences de luttes, la continuation de la crise et avec l’aide des marxistes, et particulièrement ceux du CIO, concluront qu’il n’y a pas d’autre alternative que de construire leur propre outil politique. C’est un processus qui n’est ni facile ni linéaire. Il sera probablement nécessaire qu’une série de nouvelles luttes ait lieu pour qu’une telle force voie le jour en Europe, qui comprenne une participation active et conséquente des travailleurs. Il reste incertain de savoir si les forces qui existent se développeront en ce sens ou si de nouvelles organisations vont émerger. Pourtant, il reste important que nous continuions à participer à ces organisations qui existent et que nous essayions d’avoir une influence sur leur processus de développement, à l’instar de ce que nous faisons dans SYRIZA en Grèce. L’émergence de différents regroupements de gauche dans SYRIZA représentent d’importants pas en avant et peuvent influencer la manière dont cette formation et un parti socialiste de masse de la classe ouvrière grecque se développent. Nous devons être prêts à voir de nombreux retournements dans ces évolutions et nous devons nous préparer à y ajuster rapidement nos tactiques.

    36. Il serait faux de sous-estimer l’impact que nous pouvons avoir dans de tels processus, comme on a pu le voir dans SYRIZA ou le P-Sol. La plateforme que notre section en Angleterre et Pays de Galles construit avec le RMT dans la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition) est d’une grande importance, notamment du fait qu’elle résulte de l’intervention effective de la section dans des luttes ouvrières.

    37. La formation de nouveaux partis n’est pas une fin en soi, mais un levier pour préserver et améliorer les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière. Même une fois qu’ils sont construits comme des partis puissants impliquant de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, comme le montre l’expérience du PRC en Italie, si de puissantes forces marxistes n’aident pas à orienter leur développement, les éléments réformistes ou centristes de ces partis peuvent saper leur potentiel ou même les détruire avec de mauvaises méthodes et un programme faux. Là où de telles choses se produisent, la déception qui s’ensuit peut rendre la construction d’une nouvelle force encore plus complexe. La preuve en est faite en Italie, ou la “Fédération de Gauche” (un bloc rassemblant le PRC, PDCI (communistes italiens) et d’autres groupes de gauche) n’a obtenu qu’à peine 3% aux élections régionales. La faillite du PRC et l’inefficacité du Parti Démocrate ont ouvert la voie à l’émergence de mouvements tels que celui du “Peuple Violet”. Des évolutions représentant une confusion et une atonie similaires peuvent émerger dans d’autres pays si de puissants partis socialistes de la classe ouvrière ne sont pas construits.

    38. Alors que la formation de nouveaux partis larges de travailleurs est une tâche importante pour la classe ouvrière et pour nous-mêmes, l’absence de telles formations n’est pas un obstacle à la construction et au renforcement de nos propres sections. Alors qu’une couche plus large de la classe ouvrière serait attirée dans de nouveaux partis, une couche importante de travailleurs et de jeunes peut aussi être attirée directement dans nos rangs si nous y travaillons correctement.

    39. Une des questions qui a émergé dans Die Linke, SYRIZA, le PRC, le P-Sol et le NPA est celle des coalitions et alliances avec les anciens partis sociaux-démocrates. C’est une question importante pour la classe ouvrière et pour nos sections. Nous devons nous impliquer dans ces débats là où ils émergent, en y défendant une position de principe, en oppositions aux coalitions capitalistes, tout en expliquant adroitement nos idées et en prenant en compte les illusions qui peuvent exister dans de telles coalitions. Dans le passé, cette question était plus clairement comprise par les militants de gauche qu’elle ne l’est aujourd’hui ; c’est une autre manifestation du recul de la conscience depuis les années 1990 après la chute des États staliniens.

    L’extrême droite et le racisme

    40. L’absence d’une alternative de gauche a eu pour conséquence la croissance de l’extrême droite dans certains pays. Il s’agit d’une question cruciale pour la classe ouvrière et le CIO. Le renouveau de la croissance du FPÖ en Autriche, la possibilité d’un vote fort pour le BNP en Grande Bretagne aux prochaines élections, les récents résultats électoraux de Le Pen aux régionales en France (en moyenne 17% dans les régions ou le FN se pressentait), la croissance de l’extrême droite en Hollande et en Hongrie et celle de la Ligue du Nord aux élections italiennes illustrent le danger qui existe. La montée de l’extrême droite reflète le vide existant et l’impact qu’a la crise se manifestent de façon négative et réactionnaire dans la résurgence du racisme et d’idées anti-immigrés ou islamophobes parmi certaines couches de la population. L’extrême droite et les forces de droite en général ont toujours utilisé une rhétorique populiste de droite comme moyen de gagner un soutien électoral. Nous devons nous situer en première ligne des activités antiracistes et particulièrement dans notre travail jeune. Nous devons également développer un programme et des revendications sur cette question pour combattre le racisme et lutter pour l’unité de classe de telle manière à ce que nous puissions engager le dialogue avec toutes les couches de la classe ouvrière.

    La jeunesse radicalisée

    41. Nous devons aussi nous assurer qu’en nous adressant aux différentes sections de la classe ouvrière nous prenons en compte l’évolution de l’ambiance parmi une couche significative de la jeunesse dans différents pays européens. Avec les attaques contre l’éducation et la croissance rapide du chômage (selon l’OCDE, 21% des jeunes travailleurs sont au chômage dans la zone Euro), une situation explosive se développe Les mouvements pour l’éducation en Allemagne, en Autriche et en Espagne sont aussi les premières manifestations de luttes qui peuvent se développer dans une majorité de pays européens ou sur une base paneuropéenne. Les attaques émergeant du processus de Bologne ont des conséquences dévastatrices sur l’éducation et peuvent provoquer des mouvements encore plus gros que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Il est important que nous soulevions la nécessité de ces luttes et de leur amplification pour tourner les jeunes vers la classe ouvrière, ainsi que la nécessité d’une lutte commune des travailleurs et des jeunes, scolarisés ou non. Souvent, les jeunes sont en première ligne et leurs mobilisations représentent les premiers pas de luttes encore plus puissantes de la classe ouvrière, qui leur sont fréquemment conséquentes. Elle reste très importante pour nous. Une couche significative de jeunes sont entièrement opposés aux partis existants, et dans certains pays à tout l’establishment et au système en général. Beaucoup se retrouvent constamment en lutte avec la police et l’appareil d’État, et certains sont de plus en plus aliénés par la société.

    42. Une couche a été attirée par les organisations et idées anarchistes. Nous devons nous assurer de trouver une voie vers le meilleur de cette jeunesse et aussi de refléter l’amertume et la colère qu’ils ressentent contre le système. Tout en faisant attention de ne pas tomber dans l’ultra-gauchisme, notre approche envers la jeunesse ne doit pas être trop timide. Le degré d’aliénation de certains jeunes s’est déjà reflété en Grèce avec l’émergence de groupuscules terroristes. Cette réaction négative, avec toutes les conséquences qu’elle comporte, peut aussi se développer dans d’autres pays, y compris dans le nord de l’Europe.

    43. La nouvelle situation en Europe est favorable et nous apporte des possibilités d’intervention et de croissance en nombre de membres aussi bien qu’en influence. Cela ouvre la perspective d’un renforcement de nos organisations, à partir desquelles des partis marxistes plus conséquents peuvent être construits, autour du CIO.

    Le Secrétariat International

  • Europe. Un continent perclu de crises économiques, sociales et politiques

    Bien que les développements économiques, sociaux et politiques varient à travers toute l’Europe, aucun pays n’est parvenu à éviter les effets de la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années 30. La discussion du Comité Exécutif International du CIO a examiné les conséquences de la situation pour les travailleurs, de même que les luttes pour défendre les conditions de vie, face aux tentatives de faire payer le prix de la crise aux travailleurs et aux jeunes.

    Sarah Sachs-Eldridge, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)

    Dans son introduction à la discussion, Tony Saunois, du Secrétariat International du CIO, a décrit la morosité des perspectives économiques pour la région. Les perspectives d’une reprise économique sur le court terme sont au mieux anémiques dans certains pays, totalement exclues pour les autres.

    Là où certains gouvernements parlent de « reprise », ceci ne sera pas un retour aux niveaux d’avant « crise financière ». En réalité, la faible croissance dans des pays tels que l’Allemagne ne créera aucun emploi et sera basée sur des plans de stimulus à court terme, tels que les primes à la casse pour l’automobile et autres mesures spécifiques.

    La trame générale est un malaise économique, avec des dettes nationales brisant tous les plafonds, et un chômage en hausse. En fait, le timing du retrait des mesures stimulus, qui ont permis à ce stade de repousser le spectre d’une crise économique encore plus prolongée, pourrait être le déclencheur d’un nouveau plongeon.

    Pendant la discussion, Danny Byrne a rapporté que l’Espagne a prédit un retour à la croissance en 2011, et prévoyait d’annuler son plan de relance à ce moment-là – ce qui présage des attaques massives sur les travailleurs. Mais le gouvernement espagnol devra pour cela passer sur le corps du gros de la classe ouvrière espagnole, et il y a un potentiel pour d’énormes explosions dans cette situation.

    Les plans de relance ont été introduits en tant que « mesures-réflexes » par les gouvernements qui tentaient d’éviter un effondrement économique complet. Tony a montré en quoi les nationalisations des banques ne représentent pas une rupture avec la politique néolibérale des privatisations. Le gouvernement britannique a affirmé que son intention est de vendre dès que possible toute partie profitable du secteur bancaire nationalisé. Encouragés par la politique anti-ouvrière des institutions de l’Union Européenne, les gouvernements britannique et français poursuivent la privatisation des services postaux.

    L’Irlande et l’Espagne, qui jusqu’à très récemment constituaient des « success stories » européennes, lorsque leur croissance économique a atteint des records, traversent maintenant une crise profonde. Le gouvernement irlandais emprunte 500 millions € par semaine et la jeunesse espagnole est confrontée à un taux de chômage de 38%. Avec le Portugal, la Grèce et l’Europe de l’Est, ces pays forment un « arc d’instabilité ». En guise d’avertissement quant à ce qui pourrait bientôt se produire ailleurs, la moitié des hôpitaux de Lettonie ont été fermés, et le secteur public y a été réduit de 40%, ces mesures brutales étant la contrepartie au prêt d’urgence accordé par le FMI.

    Des lendemains qui déchantent

    Derrière les données de croissance nationale en Allemagne, les détails de la situation trahissent la perspective de problèmes dans le futur, et même sur le court terme. Aron a expliqué que dans le sud-ouest, une région principalement productrice d’équipement industriel et d’automobiles, 30% des usines vont faire faillite, ce que l’on décrit comme « Detroit s’invite à Stuttgart ». L’industrie automobile connaît une surcapacité de 40-50%, mais les nouvelles industries telles que le secteur des hautes technologies ont elles aussi été durement touchées.

    Alors que des pays tels que l’Islande font faillite, ce sont des éléments d’instabilité habituellement associés aux économies sud-américaines qui apparaissent en Europe. Ces éléments ne doivent pas seulement être vus sur le plan économique, mais aussi sur le plan social. Un tableau très vivant de la misère qui frappe les travailleurs et les jeunes a été donné avec la description d’une bande de terre à l’entrée de Madrid, en Espagne – un pays qui a été un des principaux bénéficiaires de la croissance – où un bidonville est maintenant apparu. Les traficants de drogue y exploitent jusqu’à 30 000 misérables tous les jours.

    Cédric Gérôme a donné une image tragique du Portugal, le « grand malade » de l’Europe. Trente-cinq ans après avoir obtenu son indépendance du Portugal, l’Angola voit maintenant débarquer des immigrés de son ancienne puissance colonisatrice, avec 60 000-100 000 Portugais partis chercher du travail dans leur ancienne colonie. Près de 92% des Portugais considèrent que les perspectives économiques sont mauvaises, et la majorité est insatisfaite de sa vie.

    Sascha, d’Allemagne, a décrit certaines des conséquences psychologiques de la récession, avec une forte hausse du stress causé par l’insécurité que ressentent les travailleurs concernant leur emploi et leur salaire. La vague de suicides qui a touché les employés de France Télécom et la sympathie large envers le gardien de l’équipe nationale de football allemande après son suicide sont des exemples qui illustrent la pression que doivent affronter les gens.

    Instabilité

    Aucun gouvernement européen ne peut plus prétendre à la stabilité sur le long terme. Il est impossible de citer un seul gouvernement stable ou fort. Certains en ce moment ne sont confrontés à aucune alternative sérieuse, et le manque d’une alternative politique ouvrière affaiblit le potentiel de riposte de la classe ouvrière. Toutefois, en faisant porter le coût de la crise aux travailleurs et aux jeunes, les gouvernements ne vont faire qu’approfondir la crise et à un certain stade seront confrontés à une opposition de masse et à des explosions sociales. Le gouvernement d’Angela Merkel en Allemagne a été récemment réélu, mais déjà des failles commencent à apparaitre. Le nouveau Ministre du Travail, Franz Josef Jung, a dû démissionner suite à un scandale où il s’est vu accuser d’avoir caché des informations quant à un sanglant raid aérien de l’OTAN en Afghanistan.

    En France, 64% de la population pense que le gouvernement de Nicolas Sarkozy se dirige dans la mauvaise direction. Malgré l’intervention étatique pour renflouer les banques, la principale direction de son administration a été une continuation d’un brutal programme néolibéral. Alex de France a décrit la réalité des 60 000 nouveaux chômeurs qui attendent la pris en charge de leur dossier au Pôle Emploi, de la crise de la pénurie d’enseignants, et des grèves générales qui ont eu lieu.

    Même en Russie, où Poutine bénéficie d’un soutien de 65%, il y a des signes de tensions accrues. Igor, de Moscou, a décrit la résistance aux interventions étatiques faite par les grands patrons, et le potentiel d’une scission parmi l’élite dirigeante.

    La « quête du moindre mal » est une caractéristique de cette période, par laquelle des gouvernements détestés sont élus et réélus, sur base qu’ils ne sont pas aussi détestés ou craints que les autres partis capitalistes. Au Royaume-Uni, le New Labour, bien que haï, pourrait bien ne pas totalement se ramasser – simplement du fait que les Tories ont affirmé leur attention d’accomplir des coupes sociales sauvages et brutales, et aussi du fait que le souvenir du cauchemar Thatcher est toujours bien présent – même s’il n’y a en réalité pas de différence fondamentale entre la politique de ces deux partis.

    Octobre 2009 a vu l’élection d’un nouveau gouvernement en Grèce. Sur base de la haine envers le gouvernement de droite, plutôt que sur base d’un soutien populaire pour sa politique, c’est le PASOK, le parti social-démocrate, qui a été élu. L’autre facette de la victoire du PASOK a été la faiblesse de la Gauche en Grèce dans sa réponse à la crise. Ce n’est que trop souvent que les partis de gauche ont limité leurs revendications et leur programme.

    Les nouveaux partis des travailleurs

    Avec le virage à droite des anciens partis sociaux-démocrates, les travailleurs sont confrontés dans la plupart des pays à un immense vide politique. Là où de nouvelles formations de gauche ont été lancées, telles que Syriza en Grèce, le Nouveau Parti Anticapitaliste en France (NPA), ou Die Linke en Allemagne, une bataille est en cours afin d’assurer l’avenir de ces partis en tant que partis de lutte.

    Syriza est devenu une véritable référence pour la Gauche grecque, et à un moment a bénéficié de 18% de soutien dans les sondages, mais n’a reçu que 4,8% lors des élections européennes. Nikos de Grèce a décrit comment Syriza a payé pour son incapacité à jouer un rôle actif dans les luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse. Lorsque les mouvements de la jeunesse ont paralysé le pays à la fin 2008, Syriza était la seule organisation qui soutenait les jeunes, mais n’est pas parvenue à s’engager de manière active dans le processus et a en conséquence perdu du soutien. La droite de Syriza a été capable d’avoir une influence. Mais les membres du CIO dans Syriza participent à la « Deuxième Vague », un bloc de gauche au sein de Syriza, afin de tenter de démocratiser et de restructurer le parti, et lui donner une base plus politique. Le futur de Syriza n’est pas encore joué, mais cela va dépendre de sa capacité à s’orienter vers les luttes à venir.

    En France, le Nouveau Parti Anticapitaliste a également subi une chute dans son soutien lors des élections européennes. Virginie de France a décrit comment la réponse de la direction n’a pas été de s’impliquer dans les luttes des travailleurs pour gagner leur soutien, mais de virer à droite. L’ampleur du manque de confiance dans la lutte peut être vu dans le programme proposé par le NPA pour les prochaines élections régionales. Il se limite à amener des revendications pour les gouvernements régionaux plutôt que sur le plan national – refusant par là de s’opposer aux licenciements et aux coupes salariales qui requièrent une action auprès du gouvernement national. Les membres du CIO participent maintenant à une alternative de gauche dans le NPA, mettant en avant un programme de lutte.

    Judy Beishon a décrit le processus qui est en cours au Royaume-Uni, par lequel les composantes de « No2EU-Yes to Democracy », une coalition électorale impliquant un syndicat national, le RMT (syndicat des transports), qui a participé aux élections européennes, sont maintenant en train de discuter d’une coalition de syndicalistes et de socialistes pour les élections générales qui s’annoncent au Royaume-Uni.

    Là où les travailleurs ont une alternative de gauche, il peut se trouver un large soutien pour une politique socialiste. Un cinquième de l’électorat portugais a voté pour le Bloc de Gauche et pour le Parti Communiste. Malheureusement, en ne parvenant pas à concrétiser leur potentiel, ces partis risquent maintenant de saper le soutien pour la gauche et pour le socialisme. Le Bloc de Gauche se concentre sur les élections plutôt que de s’impliquer dans la lutte des travailleurs. Le PC, malgré ses 40% de voix dans certaines importantes zones industrielles, n’a pas utilisé sa position pour mener des luttes.

    Die Linke en Allemagne a connu un certain succès électoral et a été dans une certaine mesure capable de faucher l’herbe sous les pieds de l’extrême-droite au niveau national, mais a aussi mis de côté une bonne partie de son caractère anticapitaliste. La question de participer à des coalitions avec des partis capitalistes est maintenant posée.

    Die Linke ferait bien d’étudier les leçons de l’échec du Parti de la Refondation Communiste (PRC) en Italie, où la participation au gouvernement capitaliste et l’administration de coupes et d’attaques contre les travailleurs sur base d’un soi-disant « pragmatisme » a mené à l’effondrement total de ce parti. Le CIO en Italie et ses sympathisants de Contra Corriente, aux côtés de militants syndicaux de gauche, vont participer à un débat au sein d’une des plus grandes fédérations syndicales d’Italie, la Cgil, concernant un document appelant à un syndicalisme de combat qui a été mis en avant par le syndicat des métallurgistes.

    Sectarisme et racisme

    En Ecosse, le gouvernement de minorité du Scottish National Party, élu en 2007, a évoqué l’idée d’un arc de prospérité, composé de l’Ecosse, de l’Irlande, de l’Islande et de la Norvège. Cette image est maintenant quelque peu entaillée. Mais Philip, de Dundee, a prédit que l’élection d’un gouvernement Tory à Westminster (Parlement fédéral du Royaume-Uni) pourrait donner suite à une forte hausse du sentiment indépendantiste.

    En l’absence de partis des travailleurs de masse, et d’une direction décidée à la tête des syndicats, les organisations sectaires, racistes et de droite ont été capable de trouver une audience pour leur slogans simplistes visant à faire des boucs émissaires des immigrés et des minorités. Beaucoup des partis traditionnels leur ont donné une légitimité en reprenant certains aspects de leur programme raciste.

    De nombreuses villes en Irlande du Nord ont connu un doublement du taux de chômage et, comme Gary l’a expliqué, avec un travailleur sur trois employé directement dans la fonction publique, ce taux de chômage va définitivement continuer à augmenter après les élections générales, où on annonce de grosses coupes dans le budget d’Etat. La Fondation Joseph Rowntree estime que 50% des enfants d’Irlande du Nord vivent sous le seuil de pauvreté. Il y a eu une hausse tragique du sectarisme sur le terrain, la violence s’étant maintenant propagée dans le centre ville de Belfast.

    En France, un débat sur l’« identité nationale » donne une opportunité pour la diffusion d’idées racistes et d’extrême-droite. Au Danemark et en Autriche, les partis racistes et d’extrême-droite échauffent les esprits par leur agitation et cherchent à susciter un référendum anti-musulmans « à la Suisse » sur la question des minarets.

    En Italie, Berlusconi a adopté le programme néofasciste de la Liga Nord sans aucun amendement, et d’importantes attaques y sont menées contre les immigrés et contre la classe ouvrière en général.

    Quel avenir pour l’Union Européenne ?

    Les institutions de l’Union Européenne vont subir une pression intense du fait de la sévérité de la crise économique. Entre 2007 et 2010, le nombre de chômeurs s’est accru de huit millions dans l’Eurozone, et on prévoit une chute du PIB de 4% cette année.

    L’Europarlementaire Joe higgins et le Socialist Party d’Irlande du Sud ont été capable dans leur pays de recentrer le débat autour du Traité de Lisbonne sur la question des conditions de vie des travailleurs. Malgré une excellente campagne pour le « Non », le Traité est tout de même passé. Malgré cette « victoire » pour le patronat européen, la crise amène la possibilité que des pays tels que la Grèce soient forcés de quitter l’Eurozone.

    Andros d’Athènes a argumenté qu’il pourrait s’avérer très difficile pour la Grèce de demeurer dans l’Eurozone, étant donné les contraintes imposées par les taux d’intérêts et les limites aux gouvernements qui ne peuvent utiliser la dévaluation de leur devise en tant que mesure à court terme pour éviter la crise. Mais Andros a également expliqué que le gouvernement grec serait en difficulté s’il était éjecté. Auparavant, lorsque l’économie grecque traversait une mauvaise passe, le gouvernement a brutalisé la classe ouvrière grecque pour la forcer à accepter des attaques sur ses conditions, avec la promesse que ces coupes permettraient l’entrée dans l’UE et que cela sauverait tout le monde. Cela n’est plus possible. Et si le gouvernement grec décidait de lui-même de quitter l’Eurozone, il ne pourrait plus utiliser les exigences de la législation européenne en tant qu’excuse pour ses coupes budgétaires ou pour privatiser les services publics.

    Un grand point d’interrogation est maintenant posé sur les perspectives d’expansion européenne. Per-Åke de Suède, qui a récemment visité la Lettonie, a décrit à quel point la situation économique y est désastreuse. La Lettonie est passée d’une croissance de +9% à une chute de -18%, et le taux de chômage est maintenant officiellement de 19,7%. Le FMI exige des coupes sauvages en échange d’un prêt. Etant donné les mouvements de colère qui ont déjà eu lieu, le gouvernement est hésitant, mais n’a que peu d’options. La devise lettonne, le lat est en ce moment indexé sur l’Euro afin de préparer l’entrée du pays dans l’Eurozone. Toutefois, l’adhésion à l’Euro limiterait les options de la Lettonie dans sa lutte contre la crise, et annihilerait la possibilité d’utiliser la dévaluation.

    Différentes phases de lutte

    Tony a décrit comment, en réponse à la crise, la classe ouvrière est passée à travers différentes phases. Il y a eu dans de nombreux cas un choc initial, lorsque l’horreur de la crise a été tout d’abord ressentie. Il y a eu de la colère, lorsqu’il a été clair pour tout le monde qui allait en payer le prix. Il y a eu de grandes manifestations d’étudiants et de pensionnés en Irlande fin 2008, et des grèves et manifestations des travailleurs du public cette année. Fin 2008, nous avons vu les mouvements de la jeunesse en Grèce. Des sections entières des travailleurs, auxquels on a enlevé leurs droits et qui n’ont aucun autre choix, ont clairement exprimé leur colère et leur frustration. Parfois, des mesures désespérées ont été employées, telles que les séquestrations patronales en France. Les travailleurs des usines françaises appartenant à Sony, Caterpillar, 3M et au fabricant automobile allemand Continental, ont maintenu leurs patrons en ôtages en guise de protestation contre les plans de licenciements et de fermetures de leurs usines. A Vigo, en Espagne, les métallurgistes ont érigé des barricades et ont affronté la police d’émeute, afin de défendre leur manifestation dans le cadre de leur grève pour les salaires. En France, des routiers ont menacé de faire sauter leurs camions après qu’on leur ait annoncé leur rachat par un employeur mauvais payeur.

    Malgré cela, le développement des luttes qui se sont déroulées a été limité, à cause du rôle lâche joué par les dirigeants syndicaux, et à cause de l’espoir parmi toute une couche de travailleurs que la crise pourrait n’être que temporaire. Cependant, ceci ne va pas durer, et la situation va changer au fur et à mesure que les effets de la crise continuent à frapper de plus en plus fort. Ceci pourrait déboucher en une nouvelle phase de lutte.

    La participation de travailleurs jeunes et jusqu’ici inorganisés a aussi été une caractéristique des luttes, telle que celle menée par les travailleurs qui ont occupé l’usine d’éoliennes de Vestas sur l’Ile de Wight au large du Royaume-Uni, ou des employés des agences de voyage Thomas Cooke à Dublin en Irlande. Il y a aussi eu les mouvements estudiantins en Autriche et en Allemagne, qui ont suici les occupations d’universités et les manifestations étudiantes de 2008 en Espagne, en Grèce, et en Italie. En Allemagne, certains des slogans des étudiants avaient un caractère de classe : « Des parents riches pour tous ! ». Mais en l’absence d’une direction combative, un sentiment de fatalisme pouvait être ressenti parmi les 5000 étudiants qui ont protesté en Lettonie contre la hausse des frais d’inscription à l’université, une des banderoles proclamant « Le dernier étudiant à partir éteindra la lumière à l’aéroport ».

    En France, les lycéens ont poursuivi la lutte et n’ont toujours pas été vaincus.

    Il y a eu un certain délai avant une réponse généralisée, vu le fait que les travailleurs espèrent que la situation reviendra « à la normale » et que cette crise économique n’est qu’un passage à vide temporaire. Bien sûr, cette chimère est renforcée par les rapports de « jeunes pousses » d’une éventuelle reprise économique promus par les gouvernements, tout désespérés qu’ils sont devant la perspective de luttes de masse des travailleurs.

    Judy a rapporté la hausse subite du niveau de lutte industrielle au Royaume-Uni. Les travailleurs ont été forcé de partir en action pour défendre leurs droits, même alors que les dirigeants syndicaux refusaient de les soutenir, et il y a eu toute une série d’occupations et de grèves, certaines d’entre elles ignorant les brutales lois antisyndicales.

    Les directions syndicales mises à l’épreuve

    Les dirigeants des syndicats irlandais sont maintenant fortement mis à l’épreuve, alors que le gouvernement irlandais cherche à couper 4 milliards € de son budget. Après deux décennies de « paix sociale » entre les syndicats et le gouvernement irlandais, la direction et les structures syndicales sont peu équipées pour le conflit épique afin de défendre leurs membres nécessité par ces attaques. Les travailleurs irlandais ont prouvé leur énorme colère et leur désir d’un mouvement, par la participation massive des travailleurs du public dans les grèves et manifestations qui ont été organisées jusqu’ici. Mais maintenant, la direction syndicale les a vendus. En fait, elle a même proposé d’offrir aux travailleurs de partir douze jours en congé non-payé – ce qui revient à une coupe salariale !

    Mais ce n’est pas qu’en Irlande que les dirigeants des syndicats se sont montré à côté de la plaque. La nécessité d’organisations ouvrières qui soient « adaptées » à cette période d’assaut brutal contre le niveau de vie des travailleurs est une des tâches qui sont posées.

    Joe Higgins, Euro-parlementaire du Socialist Party irlandais, a décrit la préférence de nombreux dirigeants syndicaux pour des compromis obtenus avec les patrons. Mais comme Joe l’a averti, avec une citation du grand marxiste irlandais James Connolly : « La timidité chez l’esclave induit l’audace chez le tyran » ! L’expérience a prouvé que lorsque les travailleurs acceptent une baisse de leur salaire et de leurs conditions, les patrons reviennent à la charge peu de temps après.

    En Allemagne, où neuf millions de travailleurs vont l’an prochain se retrouver impliqués dans des négociations salariales, la seule alternative des dirigeants du syndicat de la métallurgie face aux pertes d’emploi est une plus courte semaine de travail avec perte de salaire. Le CIO revendique une plus courte semaine de travail mais sans perte de salaire, en tant que partie d’un programme contre le chômage de masse. Le CIO met en avant une stratégie afin de défendre les salaires et les conditions de travail.

    Els de Belgique a relaté la lutte des travailleurs de la chimie de Bayer à Anvers. Ces travailleurs étaient menacés d’un gel salarial sur quatre ans et d’une tentative d’allonger leur semaine de travail. Un membre du CIO qui se trouve à une position de direction dans le syndicat des travailleurs de Bayer est parvenu à remporter un soutien pour sa position que le personnel n’accepterait pas une minute de plus, pas un cent de moins. La lutte a été élargie et a remporté l’adhésion de l’ensemble de l’industrie chimique à Anvers, et finalement celle de la direction syndicale.

    Pas de retour « à la normale »

    Dans sa conclusion à la discussion sur l’Europe, Niall Mulholland, du Secrétariat International du CIO, a souligné le fait que nous ne sommes encore qu’à la première phase de la crise et de ses conséquences, et qu’il serait erroné de croire que les choses vont rester comme elles le sont.

    La gueule du bois qui a suivi la Chute du stalinisme et l’impact que cela a eu sur la conscience des masses doit toujours être combattu, de même que doit encore être combattu le rôle joué par les directions syndicales.

    Des sondages effectués l’an passé ont révélé que, malgré les beaux discours de gens tels que Tony Blair qui voudraient que nous nous considérions tous comme étant membres de la « classe moyenne », les travailleurs sont aujourd’hui plus conscients de leur position de classe dans la société. De larges sections des classes moyennes sont aussi terriblement frappées par la crise, avec, par exemple, des milliers d’avocats qui ont perdu leur emploi dans la City de Londres.

    Bien que la conscience de classe soit encore bien loin d’être mûre, la discussion a montré que de grosses sections des travailleurs sont prêtes au combat contre les attaques auxquelles elles sont confrontées. Tandis que les restes d’un espoir à un « retour à la normale » s’évaporent et que de plus en plus de gens comprennent quel est la nature du futur qui les attend, les luttes de masse et l’opposition au capitalisme vont croître.

    Nikos de Grèce a décrit les mouvements de la jeunesse de la fin 2008. L’élément déclencheur de ces mouvements a été le meurtre d’un adolescent par la police, mais les raisons sous-jacentes étaient les conditions de vie des jeunes, qu’ils soient au travail ou aux études. Bien que ces conditions puissent être extrêmes en Grèce, où on a 25% de chômage des jeunes, le reste étant souvent occupé dans des jobs à temps partiel, mal payés et précaires, les conditions de la jeunesse à travers toute l’Europe se rapprochent de plus en plus de cette situation, et des mouvements similaires sont possibles. En Irlande, les moins de 23 ans vont perdre un quart de leurs allocations de chômage. Ceci n’a pas encore déclenché une opposition ou des manifestations de masse, mais des campagnes telles que Youth Fight for Jobs fourniront un outil aux jeunes pour pouvoir se rassembler et riposter.

    Joe Higgins a exprimé le fait que maintenant, lorsqu’apparaissent des mouvements de la classe ouvrière, le programme de lutte de classe et pour une alternative socialiste mis en avant par le CIO a acquis un sens plus concret pour les travailleurs et pour les jeunes, et obtient une plus grande audience.

    Le CIO va jouer un rôle important dans le processus de radicalisation des travailleurs et de la jeunesse, avec par exemple Joe Higgins au Parlement Européen, des Conseillers communaux CIO dans un certain nombre de pays européens, et avec l’importance que le CIO accorde à la lutte de masse, à travers nos rôles dans les nouveaux partis de gauche et dans les syndicats.

    Tandis que de plus en plus de gens partout en Europe tirent la conclusion qu’une autre manière d’organiser la société est requise afin de mettre un terme au chaos du capitalisme, de plus en plus de travailleurs et de jeunes vont se mettre en quête d’une alternative socialiste.

  • “La pire crise du capitalisme depuis les années 30”

    Des représentants des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) de toute l’Europe, d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique se sont rencontrés cette semaine pour discuter de la situation mondiale en cette période de crise capitaliste profonde, où les travailleurs sont maintenant confrontés à d’intenses attaques sur leur niveau de vie.

    Rapport de la réunion du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Belgique

    “La pire crise du capitalisme depuis les années 30”

    Les travailleurs commencent à riposter

    Ouvrant la réunion du Comité Excéutif International (International Executive Committee – IEC) du Comité pour Internationale Ouvrière (CIO), Tony Saunois a déclaré que l’année passée a été « extrêmement explosive et importante pour le capitalisme mondial comme pour le CIO ». Ce thème a été développé lors de la première session sur l’économie et les relations mondiales, introduite par Peter Taaffe du Secrétariat International (SI). On aurait peine maintenant à trouver un pays ou une région que l’on pourrait considérer comme stablee, a dit Peter. Par exemple, le PIB africain a été divisé par deux au cours de la dernière décennie. Les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont devenus les pays BIC, depuis l’implosion de l’économie russe !

    C’est avec une « délicieuse ironie » que le vingtième anniversaire de l’effondrement du stalinisme en Europe de l’Est, que les dirigeants mondiaux avaient espéré pouvoir célébrer en tant que « victoire du marché libre », ait coïncidé avec la pire crise capitaliste depuis les années 30. Un Allemand de l’Est interviewé par le Guardian de Londres leur a par exemple dit que « le communisme athée a été remplacé par le capitalisme athée » !

    Lors du dernier meeting de l’IEC, le CIO avait analysé le fait que les capitalistes préféreraient hypothéquer leur avenir afin d’empêcher la récession de se muer en une dépression mondiale. Il semble que cela ait maintenant été accompli, mais la différence entre récession et dépression n’est que d’ordre académique pour les nombreux pauvres du monde entier. Même aux Etats-Unis, des cités telles que Detroit ou des états tout entiers comme la Californie ont été dévastés pour la crise économique. Celà, malgré les 14 trillions de dollars (14 mille milliards, soit 30% du PIB mondial), que les capitalistes ont jeté dans l’économie mondiale. La récente faillite de Dubaï World est un symptôe du type de perspectives auxquelles est confronté le capitalisme mondial : des caractéristiques dépressionaires prolongées, avec des ondes de choc parcourant l’ensemble du système. A la suite de Dubaï World, ce sont des pays entiers qui pourrraient s’effondrer, comme cela a été le cas de l’Islande un peu plus tôt : l’Irlande, la Grèce, la Hongrie et l’Ukraine (qui aurait une probabilité de 56% d’entrer en faillite), sont toutes candidates. Toutefois, les travailleurs commencent à riposter. Les travailleurs de la fonction publique en Irlande ont montré leur fureur face aux tentatives de leur faire payer la crise des capitalistes, via toute une série de manifestations et de grèves de masse qui ont ébranlé leur île.

    Pas de retour à la croissance

    Il est clair, a poursuivi Peter, qu’il n’y aura pas de retour à la même position économique que celle qui existait avant que le développement de la crise des hypothèques subprimes ne marque le début de la crise. Pendant toute une période, le capitalisme mondial s’est reposé sur la finance et sur le crédit pour tenter de maintenir la profitabilité et les marchés, mais cette voie est désormais fermée. Les « plans de relance » ont modéré les premiers effets de cette nouvellee crise, mais maintenant c’est à la classe ouvrière, ainsi qu’à de nombreuses couches de la classe moyenne, de payer la note. Le coût de la récession a été « équivalent à celui d’une guerre », selon un analyste. L’explosion des bulles qui avaient été créées par l’orgie financière d’avant 2007 pourrait signifier 10 ans de sauvage austérité pour la classe ouvrière – à moins qu’elle ne contre-attaque.

    Pour le capitalisme, la seule soi-disant « lueur » au milieu des ténèbres a été la Chine. L’Etat y a réaffirmé son contrôle de l’économie, et on estime à 600 milliards de dollars la valeur qui a été pompée dans l’économie, et qui est maintenant en train de créer de nouvelles bulles, surtout sur les marchés boursiers et immobiliers. Les capitalistes internationaux essaient de forcer le gouvernement chinois à réévaluer sa monnaie, le renminbi, mais ceci ne serait qu’une répétition des accords du Plaza et du Louvre, qui dans les années 80 ont forcé la réévaluation du yen japonais, et ont été à la base des deux « décennies perdues » de croissance économique dans ce pays, avec un taux de croissance d’environ 0,1% par an depuis 1991 ! La croissance chinoise ne résoudra pas les problèmes du capitalisme. L’économie mondiale est confontée à une période prolongée de stagnation et même de de stagflation.

    L’Afghanistan et le Moyen-Orient

    Tournant son attention vers les relations mondiales, Peter a mentionné l’annonce de l’envoi de 30 000 renforts en Afghanistan faite la veille par le Président Obama, qui reflète la politique de « vitnamisation » du Président Johnson pendant la guerre du Vietnam. Cette politique avait été un échec, tout comme le sera celle d’Obama. Même Alexandre le Grand n’a pas été capable de soumettre l’Afghanistan. Cette crise a maintenant atteint une ampleur régionale, entraînant le Pakistan dans son sillage, où les talibans combattent l’armée pakistanaise. Obama va dépêcher un vice-roi en Afghanistan, et forcera le Président Karzaï à accepter son règne, mais la région toute entière est instable et la pauvreté des masses, terrible. Comme l’a dit un analyste, les Afghans « ne peuvent pas se nourrir de démocratie ».

    Le Moyen-Orient lui aussi est en train de plonger dans un conflit de plus en plus profond. La détresse des Palestiniens reste sans réponse, et dans le cadre du capitalisme, le restera. La masse opprimée des Palestiniens devient maintenant de plus en plus sceptique, et c’est peu dire, quant à l’éventualité d’une solution « à deux Etats » sous le capitalisme. Ajouté à cela, se trouve la menace d’une attaque israélienne sur les centrales nucléaires iraniennes, et le danger d’un sanglant conflit régional.

    Vide à gauche

    En guise de conclusion, Peter a souligné le rôle que peuvent avoir d’audacieuses idées socialistes tout au long du processus en cours. L’extrême-droite est parvenue à occuper une partie du vide politique qui a suivi la récession économique, mais ceci n’est que la première phase de la crise, et leurs idées fausses et pernicieuses seront sapées au fur et à mesure de son avancement – à condition que les socialistes remplissent leur rôle. Malheureusement, certains des nouveaux partis de gauche qui ont été formés au cours des dernières années ont viré à droite, décevant par là même des sections entières de la classe ouvrière. Mais, étant donné l’ampleur du vide à gauche, l’idée de nouveaux partis des travailleurs est en train de gagner du terrain.

    Le CIO s’est bien développé l’an dernier, par son rôle à la tête d’importantes luttes industrielles, et par l’élection du camarade Joe Higgins au Parlement Européen. La prochaine période sera favorable aux socialistes, avec un capitalisme en crise profonde, et le CIO peut énormément s’y renforcer.

    Contributions au débat

    Au cours de la discussion, plusieurs camarades ont exprimé des points de vue pertinents. Le camarade Yuvraj, d’Inde, a souligné le fait que certains politiciens capitalistes sérieux, tels que le Britannique Peter Mandelson, sont en train d’insister sur le fait que le capitalisme britannique doit se tourner vers l’industrie, mais ni lui ni les autres n’ont pris en compte le fait que les investissements ne vont que là où ils rapportent le plus de profits. Al Gore a beau appeler à un « capitalisme durable », les contradictions du capitalisme sont si profondes qu’elles ne peuvent être résolues qu’en abolissant le capitalisme dans son ensemble.

    Plusieurs camarades sont intervenus sur les récents mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse. Sonja a décrit les occupations d’étudiants en Autriche, qui sont parvenues à se lier aux syndicalistes en lutte pour de meilleurs salaires. Aïnur du Kazakhstan a dit que la revendication de nationalisation a été mise en avant sur plus de 50 entreprises au cours des derniers mois, y compris par 30 000 travailleurs du pétrole, soutenus par les mineurs de charbon et de minerais. De larges sections de la classe moyenne du Kazakhstan sont tombées dans la misère durant la crise, et forment maintenant ce qu’on appelle des « nouveaux pauvres ». Ces luttes et mouvements de protestation posent maintenant la base pour de nouveaux syndicats indépendants et de nouvelles formations politiques.

    La lune de miel d’Obama est terminée

    Philip des Etats-Unis a expliqué que la lune de miel d’Obama est arrivée à son terme. Les espoirs engendrés par son élection se sont évaporés parmi toute une section des travailleurs et de la jeunesse, à cause de la crise économique, du débat autour de la réforme des soins de santé aux USA, et du fort sentiment anti-guerre. L’économiste Paul Krugman a expliqué qu’une des raisons derrière la chute du soutien pour Obama (lequel, dans un sondage récent, ne jouissait plus que d’un peu moins de 50% de popularité) a été sa trop grande « timidité » quant à sa politique économique. Il y a une immense colère face aux banques et aux « banksters » (contraction de « bank » et de « gangster »), comme ailleurs, et le capitalisme y est confronté à sa plus grande remise en question depuis des décennies, avec un intérêt croissant en faveur des idées socialistes. Dans un autre sondage, 35% de la jeunesse américaine déclaraient préférer le « socialisme » en tant que système économique.

    Le potentiel de lutte aux Etats-Unis a été souligné par Bryan, qui a donné un compte-rendu de la scission sur une base militante au sein des syndicats. Le syndicat United Healthworkers (Travailleurs de la santé unis), qui représente 150 000 travailleurs, a quitté le SEIU (Service Employees International Union) à cause de la politique droitière de sa direction. Selon Bryan, des luttes de masse aux Etats-Unis vont poser la base pour une alternative ouvrière indépendante à gauche des Démocrates.

    Ayesha du Liban a décrit la misère dans laquelle vivent les masses égyptiennes, et le manque de toute force politique qui puisse les représenter, malgré leur ardente colère. Les capitalistes égyptiens sont en train de préparer une explosion sociale pour le futur.

    Hannah de la section Angleterre – Pays de Galles a donné un aperçu des statistiques concernant les dettes des Etats des principales économies mondiales : à cause de l’ampleur sans précédent des interventions qui ont été effectuées dans le but d’empêcher une récession, le Royaume-Uni est endetté à 87% de son PIB, les Etats-Unis 98%, le Japon 200% ! Même si une dépression peut être évitée, l’avenir sera terrifiant pour la classe ouvrière si aucune lutte ne se développe. Ceci veut dire des grèves générales qui durent un voire plusieurs jours. Le Royaume-Uni n’a connu qu’une seule grève générale au cours de son histoire, en 1926, et cela, à la suite d’une période d’austérité sauvage semblable à celle qui est aujourd’hui proposée par l’ensemble des partis capitalistes du pays.

    Plusieurs camarades ont également commenté les effets désastreux que le capitalisme a sur l’environnement et le changement climatique.Le CIO participera de manière énergique aux manifestations entourant la conférence sur le changement climatique de Copenhague.

    Les relations économiques du capitalisme s’effondrent

    Dans sa conclusion de la discussion Lynn Walsh, du Secrétariat International du CIO, a dépeint un capitalisme dans sa pire crise depuis l’entre-deux-guerres. Les pertes des économies capitalistes s’élevent en moyenne à 5% du PIB mais certaines, comme celles des pays baltiques, ont perdu bien plus que cela. La dernière période a été dominée par le néolibéralisme, la mondialisation et la politique du marché ultra-libre, qui visaient à restaurer la profitabilité du capitalisme. Mais le coût en a été l’accumulation d’une immense montagne de dettes : en 1980, la dette mondiale s’élevait à hauteur d’un an de PIB mondial, mais en 2005, elle valait quatre fois le PIB mondial ! La crise a montré qu’un type de relations a disparu pour en laisser un autre. Les capitalistes sur le plan international travaillent à une réponse empirique au jour-le-jour en guise de réponse à la crise.

    Les plans de relance devront être maintenus si l’on veut éviter une deuxième plongée dans la récession, mais cela se ferait aux dépens de la dette de l’Etat. C’est donc la manière de réduire le fardeau pour l’Etat qui a divisé les rangs des stratèges du capitalisme. Certains, tels que Ben Bernanke de la US Federal Reserve, ou Mervyn King de la Bank of England, se sont « convertis » au keynésianisme. Sans les effets de la « facilitation quantitative » (càd, le fait d’imprimer de l’argent), il y aurait déjà dès à présent une nouvelle crise sur les marchés, donc ce camp est peu disposé à supprimer la facilitation quantitative et les stimuli financiers. Mais une autre aile des capitalistes suit toujours la position idéologique du passé qui affirme que la dette de l’Etat crée de l’inflation. Ce serait effectivement le cas en période économique « normale », mais nous ne vivons pas une période normale, mais une période déflatoire. Malgré cela, la plupart de l’argent en provenance de la facilitation quantitative est empilé dans les banques et n’est pas utilisé.

    Des perspectives moroses pour le capitalisme

    Une chose sur laquelle tous les stratèges du capitalisme sont d’accord, est que ce sera à la classe ouvrière de payer la crise. On s’opposera aux taxes sur la richesse et les profits des grandes entreprises, mais on réalisera d’immenses coupes dans les services publics. Le fait est que ce sont des caractéristiques déflatoires qui vont dominer l’économie mondiale tout au long des prochaines années.

    En conclusion, la discussion a montré que les perspectives pour l’économie mondiale sont extrêmement moroses. Ceci signifie une immense rehausse des attaques sur le mode de vie et les conditions de la classe ouvrière. Mais le débat a montré que le CIO est préparé à ces attaques et est prêt à armer la classe ouvrière avec le programme, la stratégie et lees tactiques nécessaires pour contrer les ravages du capitalisme, et se diriger vers un avenir socialiste.

  • Atmosphère combative au congrès de nos camarades suédois

    Le thème de la réponse socialiste à apporter face à la menace du changement climatique a constitué un grand foyer de discussions lors du Congrès de Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède) qui s’est tenu fin octobre. Ce Congrès a été caractérisé par un nombre impressionnant de rapports sur la crise et les luttes en Suède et, plus globalement, par une très forte atmosphère combative.

    Johanna Evans, Rättvisepartiet Socialisterna (CIO-Suède)

    «Nous avons de grandes choses à discuter à ce Congrès. Les élections de l’an prochain, les nouvelles discussions sur les salaires – qui peuvent briser le reflux actuel de la lutte de classe – et notre intervention au sommet de l’ONU de Copenhague consacré au climat», a précisé Elin Gauffin lors de l’ouverture du Congrès.

    Plus de 100 personnes issues de différentes régions du pays ont participé à ce week-end. Pour la première fois, le parti a discuté et voté des résolutions consacrées au climat aussi bien qu’aux droits des LGBT. Des résolutions ont également été votées au sujet de la situation politique en Suède, de la construction du parti et du recrutement, en plus des élections de 2010.

    Des visiteurs internationaux étaient aussi présents: Clare Doyle, du Secrétariat International du CIO, et des camarades d’Islande et de Belgique.

    Le congrès des sociaux-démocrates se déroulait au même moment, et a accentué son adaptation à la politique de droite, en soutenant par exemple la mainmise croissante de sociétés anonymes privées sur des hôpitaux et des écoles. En revanche, notre congrès a traité de la manière dont la crise et les politiques du gouvernement ont frappé les ménages ainsi que de la nécessité de la lutte.

    La première discussion a abordé les perspectives globales. «Il y a maintenant un milliard de personnes qui souffrent de la faim à travers le monde. En même temps, les banques ont encore des bonus record et leurs actions remontent en flèche. Stopper l’effondrement financier a exigé les plus grandes opérations de sauvetage jamais connues, pour quelque chose qui en soi impossible à soutenir. Qu’importe ce que peuvent bien raconter les médias et les politiciens, la crise est loin d’être finie», a affirmé PerAke Westerlund dans son introduction.

    Dans la discussion proprement dite, beaucoup d’excellentes contributions ont été faites, couvrant par exemple le Pakistan, la crise dans les Etats baltes et la lutte de masse en Iran. Des salutations envoyées par des camarades du CIO du Brésil et d’Asie ont été lues. Elément positif: la majorité des contributions ont été faites par des camarades féminines.

    La journée du vendredi a continué avec des commissions, sur le travail des conseillers communaux du parti, sur les campagnes jeunes, la situation dans les entreprises et les syndicats,… Dans l’après-midi, la lutte pour les droits des LGBT a été débattue. Lina Westerlund a introduit cette discussion, et a notamment parlé de la fondation de «LGBT-socialistes», un grand pas en avant pour le travail de notre parti sur ces questions.

    Cette première journée s’est terminée par un meeting consacré à la crise climatique. Arne Johansson a souligné le sérieux de la menace du climat, en précisant que seule une planification socialiste et démocratique de l’économie pouvait encadrer toutes les conversions nécessaires au niveau de l’orientation de la production. Johanna Evans a parlé de nos plans d’intervention pour le sommet de Copenhague et Clare Doyle a parlé d’exemples de mises à mort dues au capitalisme et de la nécessité d’une approche et d’un programme socialistes sur cette question. La discussion s’est concentrée sur ces questions et sur la tâche importante de l’intervention à Copenhague en décembre dans le but de ré-implanter le CIO au Danemark.

    Samedi et dimanche

    La deuxième journée a commencé par une discussion sur la résolution «perspectives suédoises – préparez-vous pour la lutte de classe». «La Banque Centrale compte sur une croissance stable, mais croit également que plus de 160.000 sans-emploi viendront grossir les rangs des chômeurs en 2011 par rapport à 2007», a dit Per Olsson dans son introduction. Il également analysé l’atmosphère contradictoire d’aujourd’hui, avec peu de protestations et de grèves puissantes, mais avec une colère croissante sous la surface.

    Des contributions ont été consacrées au chômage parmi les jeunes, avec notre campagne Elevkampanjen (ISR-Suède) «La jeunesse exige des emplois et un avenir vert». D’autres orateurs ont soulevé la crise de la direction des syndicats. A titre d’exemple, la marche pour l’emploi organisée par la Fédération suédoise des syndicats dans le nord a rassemblé moins de 30 participants…

    Plusieurs contributions ont rendu compte des luttes actuelles – les protestations contre les coupes budgétaires de Gothenburg, la grève des éboueurs de Stockholm et la grève chez Lagena à Haninge, les protestations contre les économies dans les soins de santé et la lutte contre des réductions de salaire pour des travailleurs âgés à Lulea. Les contradictions aigües des prochaines négociations salariales ont été abordées dans beaucoup de contributions.

    Dans cette discussion, des salutations ont été apportées par un représentant du SP, la section suédoise du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (l’équivalent de la LCR en Suède, NDT). D’autres salutations ont été faites par un représentant de l’Association des Réfugiés Ethipiens et du Foro Latinamericano.

    Les discussions suivantes ont été consacrées à la construction du parti, aux élections et aux finances du parti. Des rapport des adhésions et des nouvelles sections ont été faits et l’objectif est maintenant d’avoir 100 nouveaux membres d’ici septembre prochain. A propos des finances, nous avons décidé de lancer un appel pour augmenter les cotisations pour obtenir plus d’abonnés pour notre hebdomadaire. Samedi soir, la collecte de fonds a permis d’avoir 82.500 SEK (environ 8.250 euros).

    Le dimanche, Clare Doyle, du secrétariat international du CIO, a présenté le rapport du CIO, en commençant par le mouvement étudiant qui se développe en Autriche. Elle a donné beaucoup d’exemples de l’énormes travail et des sacrifices réalisés par nos camarades à travers le monde, par exemple au Sri Lanka et au Pakistan. Elle a également rendu compte des pas en avant qui ont été faits en termes d’expansion des sections nationales du CIO entre autres au Québec, en Malaisie et au Brésil.

    Ce congrès a été une source d’inspiration pour notre travail quotidien et a illustré la force de notre parti, avec les interventions de beaucoup de jeunes camarades et également un nombre croissant de camarades féminins.

    Juste après le congrès, nous avons commencé notre campagne annuelle pour les abonnements à notre journal. L’objectif est de recruter 300 nouveaux abonnés par ordre permanent, plus une centaine d’abonnements pour 9 mois au moins. Maintenant commence également une mobilisation de la plus haute importance pour Copenhague.

  • La crise économique mondiale et les perspectives politiques pour l’Europe

    Commentaires et analyses du CIO

    Le texte ci-dessous est une proposition de thèse qui a été présentée à la réunion du Bureau Européen du CIO (Committee for a Workers’ International – Comité pour une Internationale ouvrière, l’internationale dont fait partie le PSL) qui s’est tenu dans la semaine du 27 mars.

    socialistworld.net

    Cela fait trente ans, mais bien plus encore depuis la chute du stalinisme en 1989, que le capitalisme néolibéral – dont le crédo a été résumé dans le «Consensus de Washignton» – s’est imposé comme idéologie pour l’ensemble du capitalisme mondial. De fait, les capitalistes et leurs idéologues, de même que la majorité des dirigeants syndicaux et «socialistes», se sont rangés à l’idée que le capitalisme débirdé était le meilleur système, le plus efficace possible pour la distribution des biens et des services à tous les peuples du monde. Toutefois, la dévastation causée par la crise économique en cours a complètement mis en pièces cet édifice idéologique qui paraissait pourtant si puissant. Les économistes et politiciens capitalistes se disputent pour savoir si leur système est soit déjà, soit au bord d’une «dépression» ou, à tout le moins, d’une «grande récession» (selon Dominique Strauss-Kahn, dirigeant du Fonds Monétaire International).

    Vitesse et ampleur de la crise

    Cette crise n’a pas encore révélé toute son ampleur, mais a déjà amené une destruction sans précédent de richesses et de ressources partout dans le monde.Selon le commentateur capitaliste britannique Hamish McRae, qui est l’éditorialiste économique du journal «The Independent» de Londres, le montant de tout ce qui a été détruit depuis le début de cette crise équivaut à un tiers du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il prévoit aussi qu’il faudra dix ans pour rebâtir tout ce qui a déjà été ainsi démoli.

    La Banque pour le Développement Asiatique (BDA) a été encore plus loin, faisant remarquer que «L’effondrement de la valeur des actifs mondiaux peut avoir atteint 50.000 milliards de dollars, ce qui équivaut à la valeur d’un an de production mondiale». Ceci est encore probablement une sous-estimation des dégâts infligés par la crise, puisqu’il semble que l’on n’y a pas pris en compte les dégâts infligés à l’économie «réelle». La Banque Mondiale a aussi déclaré que «avec le tarissement des sources de capitaux, les pays en développement sont confrontés à un trou financier de 270 à 700 milliards de dollars par an. Seul un quart des pays vulnérables ont été capables d’amortir l’impact de la récession mondiale.»

    La BDA estime les pertes totales en capital pour l’Asie, hors Japon, à 9625 milliards de dollars, soit 109% du PIB de la zone, alors que sur le plan mondial la moyenne de ces pertes équivaut à 80-85% du PIB. Pour l’Amérique Latine, l’estimation des pertes pour 2008 est de 2.119 milliards de dollars, soit 57% du PIB du continent. Le célèbre gourou capitaliste Schumpeter a un jour caractérisé le capitalisme selon les termes de «destruction créative». Il y a effectivement eu beaucoup de «destruction», comme le montrent les chiffres précédents, mais jusqu’ici très peu de «créativité» à l’horizon en ce qui concerne les masses des travailleurs et des pauvres à travers toute la planète. Et en plus de tout ça, l’Organisation Internationale du Travail a estimé à entre 30 et 50 millions pour l’année qui vient le nombre de travailleurs qui vont perdre leur emploi ou être plongés dans le tourbillon morose du «sous-emploi». De plus, le chiffre avancé en ce qui concerne l’augmentation du nombre de pauvres due à la crise est de 90 millions. Il ne faut donc guère s’étonner lorsque Martin Wolf du Financial Times écrit que le coût de la crise jusqu’à aujourd’hui est équivalent à celui d’une «guerre».

    Ces chiffres illustrent le caractère épique de la crise, qui a poussé la bourgeoisie et ses porte-paroles dans la panique la plus complète. Leur humeur est presque à la semi-démoralisation. C’est ce qu’on a vu dans une série d’articles du Financial Times, qui a de plus en plus pris sur lui un caractère de «bulletin international» pour le capitalisme mondial, plutôt que britannique.

    Ces articles définissaient des perspectives, aussi loin qu’ils en étaient capables, pour la bourgeoisie mondiale dans la période à venir. Leurs conclusions ? «Non seulement le système financier est infesté par des pertes d’une ampleur que nul n’avait prévu, mais les piliers de la foi sur lesquels reposait le nouveau capitalisme financier se sont maintenant quasi effondrés. A cause de cela, tout le monde, des Ministres des Finances aux responsable des Banques Centrales aux petits investisseurs ou pensionnés se retrouve sans aucun repère intellectuel, abasourdis et confus.»

    Le dirigeant de Meryll Lynch à Moscou a été encore plus loin : «Notre monde est brisé – et honnêtement, je ne sais pas ce qui va le remplacer. La boussole qui nous montrait la voie en tant qu’Américains a disparu… La dernière fois que j’ai vu quoi que ce soit qui ressemble à la situation actuelle, en terme de désorientation et de perte de repères, c’était parmi mes amis en Russie lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée.» L’effondrement de la Russie, la contre-révolution sociale qui a suivi 1989, fut la plus grande contradiction des forces productives en un pays de toute l’Histoire, surpassant même la crise de 1929 à 1933 aux Etats-Unis.

    Les stratèges du capital sont si désorientés qu’ils ont même été cherché un peu de consolation dans les oeuvres de Marx, et même parmi les écrits de «Lénine le maudit». La phrase de ce dernier, comme quoi le capitalisme pouvait toujours trouver une issue, fut citée d’un ton approbateur dans le Financial Times par un idéologue du capitalisme! Ce commentateur avait oublié d’ajouter que Lénine avait précisé que cette renaissance du capitalisme ne pouvait s’effectuer qu’au prix d’une souffrance immense pour la classe ouvrière, ne pouvait s’édifier que «sur les cadavres» de la classe ouvrière et de ses organisations, comme l’écrivit Trotsky.

    Il ne fait aucun doute que si la classe ouvrière ne cherche pas une porte de sortie vers la révolution socialiste, le capitalisme pourra toujours se réétablir, bien que sur base d’un équilibre instable. Mais comme Trotsky l’a fait remarquer au début des années 30, la situation objective – en termes d’ampleur et de vitesse de la crise – à travers le monde entier peut déjà être qualifiée, «avec un certain degré de justification», de prérévolutionnaire. Ceci est correct à condition de la définir comme étant une période recouvrant plusieurs années de «flux et reflux partiels» qui peuvent se dérouler entre une situation prérévolutionnaire et une situation directement révolutionnaire.

    En d’autres termes, comme le CIO l’a toujours défendu, cette crise va avoir un caractère étendu ; ce n’est pas juste une crise, mais une série de crises. Elle a déjà introduit une instabilité extrême des devises, un empilement massif de dettes d’Etat – un «vol générationnel», comme l’a décrit le candidat présidentiel républicain McCain – et d’énormes problèmes pour le capitalisme, qui ne pourront en dernier recours se résoudre que par une attaque directe sur le niveau de vie de la classe ouvrière.

    Toutefois, la période précédente du capitalisme néolibéral, qui s’est développée pendant trois décennies, détermine encore en premier lieu les processus à l’oeuvre non seulement sur les plans économiques et politiques, mais également dans la conscience de la classe ouvrière. Tout ce qui garantissait le succès du capitalisme se transforme maintenant en son contraire. La mondialisation a inauguré une période de «démondialisation».

    L’expansion massive du commerce mondial, avec la baisse des barrières douanières, et un certain degré de dépassement de l’Etat-nation lui-même a alimenté la croissance. Mais maintenant, avec une nouvelle donne économique, ceci s’est transformé en protectionnisme et en un effondrement incroyable du commerce mondial, sur base de la contraction de l’économie mondiale, estimée ou sous-estimé par le FMI à entre -0,5 er -2% cette année. Cet élément signifie à lui seul que cette crise est pire que tout ce que l’on a connu depuis les années 30. Ce n’est qu’après le contrecoup de la crise de 1973-75 que l’on a été capable de percevoir que cette crise-ci ne provenait pas d’une réelle chute de la production mondiale, mais d’un fort ralentissement du taux de croissance.

    Malgré toutes les plaidoieries du FMI et les engagements qui ont été pris lors du dernier sommet du G20 ou qui le seront pieusement lors du sommet d’avril de cette année, le protectionnisme est inévitable. Les dirigeants capitalistes « parlent global, mais pensent national », selon le commentaire d’un « expert » économique à propos du sommet du G20 à venir. Cette montée du protectionnisme pourrait ne pas être de la même impotance que le Décret Smooth-Hawley qui augmenta les tarifs douaniers aux Etats-Unis pour 20.000 objets, mais elle est déjà considérable. La Grande-Bretagne ouvrant le bal, tous les gouvernements européens se sont battus pour savoir qui ferait le plus gros plan de renflouement de ses propres banques, le plus gros plan de subsides aux secteurs de l’industrie en difficulté, comme l’industrie automobile. Ceci a déjà eu un effet catastrophique sur les pays les plus dépendants du commerce mondial – tels que le Japon, l’Allemagne, la Chine et les pays industrialisés d’Asie.

    Les plans de relance peuvent-ils fonctionner?

    Combien de temps cette crise pourra-t-elle durer, et le régime Obama pourra-t-il voler à la rescousse du capitalisme mondial grâce à ses plans de relance? Le capitalisme mondial et les plus sérieux de ses représentants, lorsqu’on parle de perspectives, avouent leur confusion, leur incertitude et leur manque de vision quant à ce qui pourrait se produire sur le front économique. Par conséquent, les éléments les plus conscients du mouvement ouvrier, les marxistes, ne peuvent donner de réponses définitives. La valeur des plans de relance des divers gouvernements capitalistes dans le monde a été estimée à 2% du PIB mondial. En Europe, pour l’instant, la valeur de ces plans équivaut à 0,85% du PIB européen, avec une réserve de 2,1% du PIB encore disponible sous forme de crédits étendus et autres garanties. Aux Etats-Unis, le plan de relance voté par le Congrès est d’une valeur de 787 milliards de dollars (5,6% du PIB américain), et le renflouement des hypothèques et les garanties prises pour Fannie Mae et Freddie Mac totalisent un surplus de 275 milliards de dollars. Toutes ces mesures contribueront à un déficit budgétaire estimé à 1,75 trillions de dollars (1.750 milliards de dollars), soit 12,3% du PIB américain ! Au Royaume-Uni, qui a opéré un des plus grands plans de relance – à part celui de la Chine – en termes de pourcentage comparé au PIB du pays, pour une valeur de 5% de son PIB – le dernier «plan d’allègement» de la Bank of England – , s’élèvera à 150 milliards de dollars. Ceci est un signe du désespoir du capitalisme, de leurs idéologues et de leurs partis, qui tentent tant bien que mal d’éviter ou d’amortir les effets du crash.

    Le système financier – et en premier lieu les banques – est ruiné partout sur tout le système capitaliste mondial. Il ne fait aucun doute que la première et plus visible expression de cet état a été de critiquer le «modèle anglo-saxon» du capitalisme, surtout aux USA et au Royaume-Uni. C’est dans ces pays que le processus de «financialisation» a été poussé à son paroxysme, et c’est dans ces pays que les conséquences les plus catastrophiques se font maintenant sentir. Les banques en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis – si pas dans le reste du monde – sont aujourd’hui techniquement insolvables. Elles ne sont en fait rien de plus que des «banques zombies». Ceci malgré le fait que, dans la plupart du secteur bancaire britannique, le contrôle majoritaire est exercé par l’Etat, tout comme c’est aussi en réalité le cas aux Etats-Unis. Et pourtant, Brown comme Obama résistent tous les deux à l’idée de mettre un terme à la «zombification» des banques, comme l’a appelé Paul Krugman, un économiste capitaliste keynésien. Et cela pour les raisons que nous avons esquissées ci-dessus. Une nationalisation complète représenterait une confession ouverte de la faillite de «l’entreprise privée». Mais pourtant, même les valets les plus droitiers du système, tels que James Baker, Secrétaire du Trésor sous George Bush père, et l’ex-gourou économique Alan Greenspan, se déclarent maintenant en faveur dune «nationalisation temporaire». Même les keynésiens considèrent la nationalisation comme une «mesure à court terme», c.-à-d. regrettable mais inévitable, nécessaire afin de renflouer le système, un peu comme le gouvernement suédois l’avait fait, à une bien plus petite échelle, au début des années ‘90. Ils sont tellement acharnés à convaincre le régime Obama adopter ces mesures, que des keynésiens comme Krugman ont décidé d’abandonner le terme de «nationalisation» pour employer celui de «préprivatisation», c’est-à-dire d’abord une prise en charge par l’Etat, avant de le remettre de nouveau entre les mains des mêmes criminels financiers qui avaient ruiné ces entreprises. Malgré toutes leurs hésitations, au fur et à mesure que la crise s’amplifie – avec 600.000 chômeurs par mois en plus pendant les trois derniers mois aux Etats-Unis, les pires chiffres depuis 1945 – la pression pour une prise en charge du système financier par l’Etat pourrait devenir irrésistible pour les capitalistes. En même temps, nous devons mettre l’accent sur la nécessité d’un contrôle et d’une gestion démocratiques et socialistes de ces étatisations, comme nous l’avons expliqué dans notre article sur le programme transitoire paru dans la revue Socialism Today et sur le site international du Comité pour une Internationale Ouvrière, le CIO (www.socialistworld.net).

    Les mesures d’Obama – de Brown et des autres gouvernements capitalistes – parviendront-elles à atteindre leur but, c’est-à-dire avant toutes choses amortir la chute du capitalisme mondial, afin de recréer la base pour un renouveau économique? La mise en oeuvre de la pompe étatique a été conçue afin d’éviter un piège déflatoire, ce que Keynes décrivait comme étant le «paradoxe de l’économie». Les taux d’intérêt sont proches de ou valent zéro, ce qui fait que les banques sont peu enclines à prêter, que les emprunteurs ne peuvent plus emprunter, et que les déposants sont peu enclins à déposer. Le problème du capitalisme en crise n’est pas tellement la question du crédit – bien qu’il y ait effectivement une «grève du crédit» opérée par les banques – mais un manque de « demande », comme l’ont fait remarquer de nombreux économistes pro-capitalistes. Qu’est-ce donc que cela, sinon une manifestation du phénomène de «surproduction» – ce qui était, comme Marx l’a bien expliqué, une absurdité lors des ères précapitalistes. Les classes dirigeantes d’Europe, d’Allemagne et du Japon ont tout d’abord attaqué le «modèle anglo-saxon» de financialisation, qui était selon eux responsable de la crise – se croyant eux-mêmes à l’abri de la récession. Mais en réalité, la crise de surproduction que nous connaissons actuellement était inévitable, avec ou sans crise financière. La combinaison mortelle de crise financière et de crise de «l’économie réelle» n’a servi qu’à renforcer, prolonger et approfondir la crise organique du capitalisme. Il est improbable que les mesures des gouvernements capitalistes entreprises afin de «stimuler» l’économie parviendront à accomplir leur objectif. Il n’est pas exclu, et il est même probable, qu’Obama sera capable d’amortir quelque peu la chute de l’économie américaine ; de même que Brown au Royaume-Uni. Nous devons cependant ajouter l’avertissement que la situation actuelle est unique de part son échelle, son ampleur et sa vitesse. Les mesures employées ou proposées sont elles aussi sans précédent, même en comparaison à la situation des années ‘30. Jamais au cours de l’histoire – pas même dans les années 30 – les capitalistes n’ont cherché de manière aussi désespérée qu’aujourd’hui à faire dévier la crise.

    Conséquences pour la Chine

    Comme nous l’avions expliqué à l’avance, la Chine n’est pas capable d’agir en tant que système de survie pour le capitalisme mondial. La relation entre les Etats-Unis et la Chine sur le plan économique ont été une variante de la «Destruction Mutuelle Assurée» entre le capitalisme et le stalinisme. La recette du cocktail qui consiste à payer les exportations chinoises aux Etats-Unis au moyen d’actifs dollarisés – pour un montant équivalent à 1.600 dollars pour chaque citoyen chinois – a permis de boucher le trou dans la balance commerciale américaine, et de garantir un marché pour les produits chinois. Mais aujourd’hui toutefois, si l’on en croit le journal londonien The Independant, la Chine serait «confrontée à sa pire crise financière depuis un siècle». En même temps, le FMI annonce que la croissance de l’économie chinoise sera bien inférieure aux 8% projetés par les autorités chinoises. Des milliers d’entreprises ont fait faillite, et le taux d’investissement direct est en chute, malgré «les garanties gouvernementales quant à l’annulation des barrières limitant le flux de liquidités étrangères» (International Herald Tribune). La quantité de capital américain déployé en Chine est tombée de moitié en janvier et février. Au même moment, la Chine utilise cette crise pour investir à l’étranger, rachetant des industries, en particulier en Afrique et dans d’autres parties du monde néocolonial.

    Confronté à la perte de débouché pour ses produits aux Etats-Unis comme ailleurs, le régime s’est tourné vers le développement du marché intérne. A cette fin a été proposé un plan de stimulation d’une valeur d’au moins 580 milliards de dollars, le «plus gros plan de stimulation fiscal que le monde ait jamais vu» (The Independant). Mais ceci ne vaut que sur papier ; personne n’est très clair sur la question de savoir en quelle proportion les mesures promises sont quelque chose de neuf, ou ne consistent qu’en un recyclage de «vieil argent». Néanmoins, il y a une certaine possibilité – peut-être plus de possibilité, à cause du rôle de l’Etat – de puiser dans les réserves financières et d’introduire un relativement gros programme d’investissement dans l’ifnrastructure. Même s’il ne «sauvera» pas le capitalisme mondial, ce plan pourrait effectivement parvenir à adoucir la récession en Chine. Cette éventualité est d’autant plus probable à cause du rôle que joue le secteur étatique, qui est toujours considérable. Sa place dans l’économie est bien plus importante que celle occupée par les secteurs d’Etat d’autres pays, même asiatiques, comparables par le fait que l’Etat y exerce toujours un certain contrôle économique, tels que la Corée du Sud, etc.

    La question de la part de l’économie qui demeure entre les mains de l’Etat ou qui se trouve au contraire dans le « privé » est toujours un sujet de discussion et de débat, y compris parmi les commentateurs bourgeois. Par exemple, dans un livre incisif basé «sur des extraits de données financières récemment découvertes», Ya Shin Wang, un des premiers critiques du «miracle économique» chinois, décrit comment, lors des dix dernières années, le pays est en réalité devenu «moins capitaliste et moins libre sur le plan économique». Il explique en effet que : «Au début des années ‘80, le gouvernement étranglait dans les faits les entrepreneurs privés qui commençaient à apparaître, et qui subissaient la concurrence à la fois des entreprises macro-étatiques, et des multinationales géantes». Ce sujet est toujours sujet de controverses en nos propres rangs, mais nous sommes d’accord sur le fait que l’Etat a commencé à s’affirmer – sous la pression immédiate de la crise, à la fois interne et externe, tandis que le secteur privé reste dormant. Le gouvernement et les élites privilégiées sur lesquelles il repose tentent d’éviter une explosion de colère populaire face à la hausse du chômage, du fossé immense entre riches et pauvres, etc. avec un mélange de «cooptation», surtout parmi la classe moyenne urbaine, et de répression. De telles méthodes n’ont que peu de chances de porter leurs fruits, et surtout pas sur les long et moyen terme. Mais nous devons suivre l’évolution de l’économie chinoise ainsi que la situation sociale et politique qui s’y développe, comme l’ont fait nos camarades.

    Colère de la classe salariée

    Le plongeon de l’économie américaine est tel que même Obama est en train de perdre sa position stratopshérique de départ dans les sondages d’opinion. Quelques mois à peine après avoir obtenu le pouvoir, sa popularité est moindre que celle de George W. Bush à la même période par rapport au moment où celui-ci était arrivé au pouvoir!

    Ceci est une illustration de l’extrême volatilité qui marque cette crise. Il est devenu difficile pour les capitalistes, et donc aussi pour nous, de prévoir avec précision le déroulement probable des événements et les effets sociaux et politiques de la crise. Dans de nombreux pays, malgré sa sévérité, la crise apparaît comme faisant partie d’une «fausse guerre». Lorsque les «bombardements» vont commencer, toutefois, à travers une hausse soudaine du chômage, alors ce sera une autre affaire. Les capitalistes ont consciemment cherché à émousser la résistance de la classe salariée en recourrant aux coupes salariales et au chômage économique, plutôt qu’à la fermeture brutale des usines, bureaux et industries. Il y a aussi le fait que la conscience des travailleurs est héritée de la période précédente : nombreux sont ceux qui croient que la crise actuelle et ses conséquences ne sont qu’un «mauvais moment», et que tout reprendra son cours normal bientôt. Toutefois, la crise a déjà provoqué des réactions «réflexes» de la part de la classe salariée, en particulier là où la classe capitaliste a cherché à attaquer des acquis passés, comme en Irlande, France et Italie et, à une plus petite échelle, dans d’autres pays européens comme la Belgique. C’est la tentative de saper les allocations de santé, surtout du côté des personnes âgées, qui a provoqué des manifestations de masse en Irlande à la fin de l’année passée, et qui a été suivie par une immense manifestation en février à Dublin, et la menace d’une grève générale en mars, bien que les dirigeants syndicaux fassent de leur mieux pour faire dérailler le mouvement. Nous avons été témoins du même phénomène en France, avec une grève colossale en janvier et le 19 mars, et plus de trois millions de manifestants. Sarkozy, qui fanfaronnait encore il y a peu sur le fait que la France semblait «immunisée» aux grèves, a recommencé à parler, dans les premiers mois de cette année, du danger d’un nouveau «1968». L’occupation par les étudiants de la Sorbonne pourrait constituer un avant-goût de ce qui va suivre, tout comme la grève générale en Guadeloupe et en Martinique et ses effets au Guyane française.

    Il y a aussi une hostilité de classe amère et généralisée vis-à-vis de ceux qui sont perçus comme étant les principaux responsables de la crise actuelle : les banqueirs et les financiers. Ceci a été énormément agravé par l’incroyable arrogance des banques et de compagnies d’assurance telles que AIG, qui a été renflouée par le gouvernement américain d’un montant de 170 milliards de dollars, et a maintenu sa décision de rétribuer ses actionnaires de 175 millions de dollars ! La levée de boucliers contre AIG et les banques a poussé Obama à accepter l’idée d’une taxe de 90% sur les «bonus de rétention» pour les banques qui reçoivent une aide étatique. Ceci a à son tour poussé les banques à dénoncer une «chasse aux sorcières McCarthyte» et l’odeur des échafauds et de la révolution française ! Tout cela, est un reflet de la polarisation de classe qui a déjà commencé à se développer, et un avant-goût d’un sentiment général d’opposition au système capitaliste dans son ensemble, et non plus seulement à une partie de celui-ci, et qui va prendre corps au cours de la prochaine période. Toute une couche de jeunes et de travailleurs sont déjà en train de tirer des conclusions socialistes et révolutionnaires, et se dirigent vers le CIO. Une autre couche observe le CIO et ses sections nationales, certains attendant de voir si nos pronostics sont fondés ou pas! Beaucoup d’entre eux peuvent et vont nous rejoindre sur base des événements et de notre travail.

    Effondrement des anciens pays staliniens

    C’est également ce qui va se passer dans les anciens Etats staliniens de Russie et d’Europe de l’Est. Par une ironie de l’histoire, l’implosion économique y est plus importante que quasi nulle part ailleurs, mais la conscience de masse y est toujours à la traîne, plus que nul part ailleurs. Le «capitalisme mafieux» a échoué, mais le «véritable capitalisme démocratique» doit encore être tenté, se disent de nombreuses personnes, et même des travailleurs. Ces illusions rose-bonbon vont être détruites par les événements tumultueux qui pointent à l’horizon, pas seulement dans cette région mais ailleurs. L’apparition de partis ouvriers de masse et de forces marxistes particulièrement puissantes en Europe occidentale, aux Etats-Unis, au Japon et dans le monde néocolonial va exercer une influence décisive au niveau de la vision des travailleurs, et paver la voie pour la croissance de nos forces dans la région.

    En même temps, il y a eu des explosions spontanées de colère dans les rues d’Europe de l’Est et de Russie. Nous avons vu des manifestations en Lettonie, à Vladivostok en Russie orientale et ailleurs, ce qui laisse présager un mouvement de masse encore plus grand étant donné l’aggravation catastrophique de la position des économies d’Europes de l’Est et de Russie elle-même. Plusieurs pays d’Europe de l’Est se trouvent « au bord du gouffre » : c’est le cas pour la Hongrie, la Roumanie, l’Ukraine et d’autres, ainsi que pour la Russie elle-même. Par exemple, on s’attend à ce que le chômage en Russie double cette année, passant de 6,3% à 12%. Ceci s’ajoute au fait qu’un demi-millions de Russes attendent des arriérés salariaux, et que l’économie connaît toujours une inflation à deux chiffres. L’effondrement du marché automobile en Europe et dans le monde va avoir un contrecoup extrêmement rude pour les pays d’Europe de l’Est et pour la Russie. La relocalisation dans la région d’usines par les multinationales de l’automobile suivait une logique de réduction des coûts salariaux, et donc d’augmentation des profits via l’exportation de voitures vers les pays d’Europe occidentale, le Japon et les Etats-Unis. Maintenant que le marché s’est effondré, il en sera de même pour des régions entières, qui dépendent de la production automobile. L’industrie domestique russe sera également affectée. Par exemple, 60% des habitants de la Volga sont impliqués dans la production de la Lada à l’usine Togliatti, alors que ses ventes se sont effondrées. La majorité de ces gens vont donc se retrouver au chômage. Selon un commentateur moscovite, la crise actuelle sera pire que celle de 1998, et « la situation est pire qu’au début des années 90 ». Et comme si ça ne suffisait pas, la liste des personnes les plus riches du magazine Forbes indique que le nombre de milliardaires russes est passé en un an de 87 à 32. Il ne faut donc guère s’étonner quand l’ancien président soviétique Gorbatchev – qui a lui-même servi de portier pour le retour du capitalisme en Russie – déclare que « le meilleur du socialisme et du capitalisme » est à venir. En fait, c’était là son slogan lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1985 et prônait un stalinisme « réformé ». L’Europe de l’Est et la Russie fourniront au cours de la prochaine période certains des pires exemples de l’absurdité capitaliste.

    Les répercussions de l’effondrement de toute une série de régimes d’Europe de l’Est, tel qu’en Hongrie, sont sérieuses, de même que les effets qui pourraient s’en faire sentir sur les banques de pays majeurs d’Europe occidentale. Par exemple, l’Autriche est menacée d’un effondrement similaire à celui qu’elle a connu en 1931 au cas où, comme cela est possible, les pays baltiques et d’Europe de l’Est devaient « boire la tasse » à cause de la crise. Les banques autrichiennes et suédoises reposent fortement sur des dettes massives, prêtant de l’argent dont elles ne disposent pas encore. Les banques autrichiennes et italiennes sont les plus exposées. Les prêts des banques autrichiennes aux pays d’Europe de l’Est sont à peu près équivalents à 70% du PIB autrichien. Ceci signifie que ni l’Italie, ni l’Autriche ne peuvent se peremttre de renflouer leurs propres banques, et recherchent désespérément un « plan de relance » européen qui puisse les renflouer. En fait, l’Europe est plus exposée à la « crise des subprimes » que même les Etats-Unis. La situatio nen Russie est identique. Les treize pays qui autrefois formaient l’Union Soviétique avaient accumulé ensemble une dette auprès de banques étrangères, en devises étrangères, d’une valeur dépassant le trillion de dollars (mille milliards de dollars). Une partie – minuscule – de ces emprunts ont été investis, mais la plupart, comme aux Etats-Unis, a servi directement à alimenter la consommation et le secteur immobilier. Le International Herald Tribune a exprimé ainsi l’inquiétude de la classe dirigeante européenne : « La crise de la dette en Europe de l’Est est bien plus qu’un problème économique. Le déchirement et le déclin du mode de vie causé par la crise y provoque des troubles sociaux. Les emprunteurs de subprimes américains qui ont vu leur maisons se faire ressaisir ne sont pas – du moins pas encore – en train de lancer des émeutes dans les rues. Mais les travailleurs d’Europe de l’Est bien. Les racines de la démocratie dans la région ne sont que peu profondes, et le spectre du nationalisme de droite constitue toujours une menace. »

    Ceci illustre comment l’intérgation du capitalisme – à un niveau jamais égalé, même en comparaison à la période d’avant la Première Guerre – signifie que la crise dans un secteur ou une région peut provoquer une réaction en chaîne qui se répercute dans les autres secteurs et régions. Nous avons vu cela dans les années 30, avec la faillite et la défaillance de la dette pour de nombreux pays en Europe et dans le monde néocolonial, surtout en Amérique latine, en conséquence de la dépression. Quelque chose de similaire se déroule de nos jours. Le PIB letton a dimuné de -4,6% l’an passé, et on estime qu’il chutera encore de -12% cette année ! Le chômage y dépasse maintenant 10%, ce qui laisse présager une période « d’instabilité » qui va « certainement créer une ouverture pour un dirigeant populiste » (Financial Times). Dans le langage codé de la bourgeoisie, ceci fait référence aux partis d’extrême-droite qui ont commencé à croître en Hongrie, en Lettonie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est. Avec l’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal, ce sont ces pays qui vont sans doute connaître le pire déclin dans la période à venir.

    Le capitalisme européen en crise

    On estime que l’économie irlandaise pourrait se contracter de -20% dans les prochaines années, ce qui produira des convulsions sociales et politiques d’une ampleur encore jamais vue même comparées au passé tumultueux de l’Irlande. De plus, l’euro, qui a agi au début de la crise comme un bouclier pour les pays économiquement exposés tels que l’Irlande, va maintenant jouer le rôle d’une grande camisole de force. Aucun plan de « réajustement » sur base d’une dévaluation de la monnaie n’est possible tant que l’Irlande demeure dans l’eurozone. Par exemple, on estime que le taux de change italien, lorsqu’on prend en compte l’inflation, est en réalité d’un tiers plus haut que ce qui serait requis au vu de la gravité de la situation à laquelle est confrontée son économie. Des données ahurissantes ont commencé à émerger, qui montrent l’implosion économique qui a traversé l’Italie dans la période récente. L’Italie est étouffée par une bureaucratie massive, avec des frais de « représentation politique » équivalent à ceux de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Espagne réunis ! Sous ce poids, et à cause de son manque de compétitivité avec ses plus proches voisins, l’économie italienne plonge de plus en plus loin sous la surface. Les dépenses pour l’éducation, qui ont dimuné chaque année depuis 1990, ne s’élèvent plus qu’à hauteur de 4,6% du PIB (au Danmark, on est à 8,4%). Seule la moitié de la population poursuit ses études après l’enseignement obligatoire, 20% de moins que la moyenne européenne. Le nombre de lits d’hôpital par habitant a dimuné d’un tiers sous la « nouvelle république », et vaut la moitié de ce nombre en France ou en Allemagne. L’encrassement colossal du système légal a eu pour conséquence que deux retraités septuagénaires qui demandaient un procès contre l’institut de sécurité sociale se sont vu répondre qu’ils pourraient avoir une audience en 2020 ! Le chômage, qui s’élevait à 12% dans les années 90, est « officiellement » tombé à 6%. Mais la plupart – la moitié en 2006 – de ces nouveaux emplois sont basés sur des contrats à court terme et sont extrêmement « précaires ».

    L’Italie, l’Espagne et les conséquences sur l’Eurozone

    Sur base du capitalisme, l’Italie, tout comme le Japon, n’est qu’une entreprise agonisante. Il n’y a pas si longtemps, lors de la « seconde république », l’Italie bénéficiait du deuxième plus grand PIB par habitant de tous les grands pays européens, mesuré en termes de pouvoir d’achat, ce qui la plaçait à cet égard juste derrière l’Allemagne – un niveau de vie en termes réels qui était plus élevé que celui de la France ou du Royaume-Uni. Aujourd’hui, ce niveau de vie est bien inférieur à la moyenne européenne (UE), qui a pourtant fortement baissé après l’adhésion à l’UE des pays d’Europe de l’Est, et l’Italie est « en train de se faire rattraper par la Grèce ». Une part de la responsabilité de cet état de fait repose bien entendu sur les épaules de la « gauche », surtout des ex-dirigeants du PC qui se sont retrouvés dans les DS (Démocrates à Gauche) et ensuite dans le PRC (Parti de la Refondation Communiste). Cette situation, toutefois, est en train de préparer des explosion de masse en Italie, et un renouveau de la tradition radicale et révolutionnaire du passé. Nos petites forces, opérant dans des conditions difficiles, avec un immense afaiblissement de la gauche, sont aujourd’hui bien placées pour jouer un rôle dans la renaissance du socialisme et du marxisme authentique en Italie.

    L’Espagne a vu une hausse colossale du chômage – 3,3 millions de travailleurs sans emploi. Le déficit budgétaire vaut au moins 6,5 du PIB, et l’économie va plonger de -3% cette année. La construction de logements – qui contribuait à 7,5% du PIB en 2006 – est presque à l’arrêt. Il ne faut donc pas s’étonner du commentaire d’un groupe de réflexion selon lequel « Ceci est le cadre parfait, en conjonction avec la crise financière, pour une dépression ». La réputation des principaux clubs de foot espagnols, renommés à travers l’Europe et le monde entier, a elle aussi été profondément affectée. Par exemple, David Villa, qui a marqué le premier goal espagnol lors d’une récente victoire contre l’Angleterre, est membre de l’équipe de Valencia. Son club croulant sous les dettes, son salaire a été postposé de manière « indéfinie » !

    Des manifestations de travailleurs ont éclaté ; les dirigeants syndicaux ont organisé des parades, mais aucune action décisive n’a encore été entreprise afin de mettre un terme à la spirale descendante. Un commentateur procapitaliste a déclaré dans le Financial Times que « L’économie espagnole ne va pas commencer à croître à 3% avant environ sept années. Les Espagnols vont perdre la moitié de leur richesse. C’est horrible. »

    A un moment, l’Espagne utilisait la moitié du ciment européen dans un boum de la construction massif et surprolongé. Ce boum s’est maintenant effondré au nez et à la barbe du capitalisme espagnol, laissant un million de maisons vides, et un chômage de 14%, qui menace de grimper à 20% dans la période à venir. Ces chiffres évoquent pour le futur proche le spectre d’une situation similaire, qui mena directement à la guerre civile espagnole. Marx décrivait l’effondrement de l’Espagne comme un « flétrissement long et sans gloire ». C’était lorsque l’Espagne faisait partie des nations les plus arriérées et reculées d’Europe. L’espagne « moderne » s’est développée à une vitesse pêle-mêle durant la phase de croissance, et menace d’un effondrement aussi rapide lors de la prochaine période. Le pays, comme c’est le cas pour certains autres pays d’Europe méridionale, est au bord de la catastrophe, et il est vital que le CWI cherche à aider le développement des forces révolutionnaires et marxistes authentiques qui vont émerger dans ce pays.

    L’Eurozone pourrait s’effondrer, à cause du désengagement de ses membres les plus pauvres et les plus assiégés. Mais l’initiative de la destruction de l’Eurozone pourrait provenir des « plus riches », comme l’Allemagne, qui est peu encline à renflouer les pays plus pauvres, et pourrait refuser de payer la facture du maintien de l’Eurozone. Le « point chaud » du marché immobilier européen qu’était l’Irlande s’est écroulé en quelques mois. Les répercussion politiques dans chaque pays varieront en fonction de l’histoire récente. En Irlande du Sud, le gouvernement de coalition Fianna Fáil-Verts peut chuter à tout moment. La résurgence des partis d’opposition, en particulier du Labour, indique un tournant important au niveau des consciences. Les forces socialistes et marxistes authentiques en Irlande du Sud, telles que le Socialist Party (CIO Irlande du Sud), sortiront renforcées de la prochaine période.

    L’extrême-droite et l’immigration

    Comme nous l’avons dit plus tôt, la droite,et en particulier l’extrême-droite, est elle aussi en marche. C’est le cas dans les pays d’Europe de l’Est qui incluent d’importantes minorités tziganes. Par exemple, Jobbik, un parti d’extrême-droite hongrois qui prend pour cible cette minorité, a remporté 8,5% des voix lors des élections communales de l’an dernier. L’hostilité vis-à-vis des « immigrés » et des autres minorités monte à travers toute la région, et en Europe dans son ensemble. Le danger du racisme et de l’extrême-droite est évident dans les pays plus développés aussi. En Espagne, les résidents et colporteurs de rue africains ont manifesté deux fois en février, à Madrid, contre le racisme et les descentes de police. On apprit ensuite par une fuite que la police avait reçu un « quota » hebdomadaire d’immigrés « clandestins » à arrêter. Dans le sud de l’Espagne, qui est une des régions les plus pauvres, comme en Andalousie, des milliers d’immigrés sans nourriture ni abri se sont déversés sur les villages au début de l’hiver, « chassant en vain des boulots dans la cueillette des olives, qui avaient déjà été pris par des chômeurs espagnols ». En conséquence, nous voyons déjà au moins le début de la formation de « bidonvilles », jusqu’ici une caractéristique des pays néocoloniaux, et que les Etats-Unis ont connus dans une certaine mesure dans les années 30. Même au Royaume-Uni, les travailleurs immigrés originaires d’Europe de l’Est, surtout de Pologne, et qui ont perdu leur emploi, ont maintenant commencé à habiter en marge des villes, formant des sortes de nouveaux bidonvilles. Le même désespoir face à la détérioration des conditions sociales a commencé à se manifester en Espagne. La faillite des petites entreprises a par exemple conduit le patron d’une société de construction ruinée par la crise à organiser cinq hold-ups dans des banques ! Un autre patron de la construction a menacé de s’immoler à moins que le Conseil municipal ne rembourse les emprunts qu’il lui devait. Un désespoir similaire pouvait être perçu dans d’autres pays où des accidents « terroristes » impliquaient parfois des travailleurs individuels ou en petit groupe. Par exemple, début mars, un travailleur turc s’est tiré une balle dans la tête devant le bureau du Premier Ministre turc, en guise de protestation contre l’aggravation de la situation économique.

    Les travailleurs français se mettent en action

    Un mouvement plus conscient de travailleurs devient véritablement évident, menaçant ou effectuant des occupations, en France, en Ecosse et en Irlande, et pourrait devenir la norme dans d’autres pays au fur et à mesure que la situation économique se détériore. The Economist décrivait ainsi la situation en France dans son édition du 19 mars :

    «Serge Foucher, chef de Sony en France, a été pris en otage le 12 mars par des ouvriers de son usine qui cherchait de meilleurs conditions de licenciement. Ils l’ont enfermé dans une salle de réunion et ont barricadé l’usine à l’aide d’énormes troncs d’arbres. Relâché le lendemain, M. Foucher semblait prendre les choses du bon côté : «Je suis heureux d’être libre et de voir à nouveau la lumière du jour», a-t-il confié.

    Les hommes d’affaires en France ne sont pas amusés. Ils remarquent que les autorités n’ont pas demandé à la police de libérer M. Foucher. Au lieu de ça, le vice-préfet local l’a accompagné lors des négociations suivantes avec les salariés, qui ont obtenu ce qu’ils désiraient : un meilleur contrat de licenciement. Tout ceci confirme le manque général de sympathie pour les affaires qui vit en France, se plaint un cadre.

    Prendre des cadres en otage est une tactique bien établie en France, un pays qui a toute une histoire de relations de travail conflictuelles. Mais cette tactique semble devenir de plus en plus courante. En janvier 2008, le dirigeant britannique d’une usine de crème glacée a été détenu toute une nuit après avoir annoncé un plan de licenciement de la moitié de ses salariés (à cette occasion, la police est intervenue). En février 2008, le directeur d’une usine de pièces détachées automobiles a été enfermé après que les salariés aient réalisé qu’il préparait une opération de délocalisation vers la Slovénie. Dix jours plus tard, les ouvriers d’une usine de pneus appartenant à Michelin ont enfermé deux cadres supérieurs pour protester contre le plan de fermeture de l’usine.»

    Le même journal craint que ces actions ne créent un précédent :«Il arrive aux salariés des autres pays d’enfermer leurs patrons, mais la France est la seule nation où cela se produit souvent. Cette pratique pourrait-elle se répandre ? « A cause de l’état de l’économie mondiale, je ne serais pas surpris si les patrons se voyaient plus fréquemment détenus par leur personnel », dit David Partner, expert en kidnapping et rançons à Miller Insurance, une compagnie d’assurances affiliée à Lloyd’s de Londres.

    Les occupations deviennent déjà plus courantes. En décembre, des ouvriers ont occupé une usine de vitres à Chicago pendant cinq jours afin de s’assurer de l’obtention de l’allocation de licenciement qui leur était due. En février, les ouvriers de Waterford Wedgwood, en Irlande, ont marché sur les bureaux de Deloitte, une firme de compatabilité, et ont refusé de partir jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réunion avec le chef de cette entreprise. Selon Gary Chaison, professeur des relations industrielles à la Clark University du Massachusetts, les travailleurs aux Etats-Unis vont sans doute devenir plus militants, à cause du sentiment d’injustice par rapport au salaire. «Je verrais bien des captures de cadres se produire dans quelques mois», a-t-il dit.»

    Le Premier Ministre « socialiste » espagnol, Zapatero, est parvenu à maintenirla plupart du soutien pour son parti lors des récentes élections régionales, malgré l’effarante situation économique. Ceci est en partie dû à la peur du Parti Populaire (PP), qui tire son origine de la période franquiste, et à l’espoir répandu parmi les masses que la crise ne sera que «temporaire». De plus, la structure familiale – tout comme dans d’autres pays d’Europe méridionale, comme en Grèce – agit plus en tant que filet de secours en période difficile que ce n’est le cas en Europe septentrionale. Ceci amortit dans une certaine mesure les pires effets de la crise économique, mais il y a une limite à cela. Une fois que le caractère durable de la crise aura été perçu par la majorité de la classe salariée, les traditions militantes de la classe salariée espagnole – qui semble en surface être restée dormante pendant toute la dernière période – seront ravivées. Dans la situation explosive qui s’ouvre devant nous, il est urgent que le marxisme authentique puisse trouver son chemin jusqu’aux meilleurs travailleurs et jeunes d’Espagne. On peut dire la même chose du Portugal.

    La Grèce : le «maillon faible»

    En ce moment, la Grèce est toujours le maillon faible du capitalisme européen. Le CIO en Grèce a clairement exprimé, dans des articles sur le site du CIO, quels sont les processus à l’oeuvre dans le pays, et qui inclut les grèves générales et l’humeur parmi les salariés et les jeunes. Malgré le creux dans le mouvement actuel – ce qui est invitable après une telle explosion d’énergie et sans aucun résultat immédiat et tangible tels que la chute forcée du gouvernement – la situation objective sous-jacente contient toujours d’importants éléments de situation prérévolutionnaire. Plus encore, le statu-quo actuel est hautement instable, et une explosion de convulsions sociales est entièrement possible. La Grèce, avec son déficit budgétaire de 14%, pourrait bien se voir mettre « hors-jeu » par les agences de cotation de la dette gouvernementale. Ceci pourrait à son tour provoquer une «faillite nationale», qui serait suivie par de nouvelles coupes brutales au niveau des acquis sociaux, des salaires et des conditions des salariés grecs. Ceci provoquera de nouveaux incendies sociaux.

    La crise en Irlande

    L’Irlande n’est pas très loin derrière la Grèce ; en effet, avec le temps, elle est confrontée à une situation potentiellement pire encore que la situation grecque, parce qu’elle est tombée de bien plus haut. Jouissant d’un des plus hauts niveaux de vie dans l’UE – le plus haut même, selon une estimation – la vitesse de la chute irlandaise est, d’une certaine manière, égale à celle de l’Islande, avec laquelle elle a déjà été comparée. Le taux de croissance annuelle de 9% du passé ne sera bientôt plus qu’un souvenir lointain, avec une contraction annoncée d el’économie à hauteur de -6,5% rien que pour cette année. Ceci a à son tour forcé le gouvernement du Fianna Fáil à lancer des attaques brutales sur le mode de vie, avec l’imposition récente par l’Etat d’une coupe salariale de -7,5% pour les employés du secteur public. Ceci a provoqué une manifestation massive en février, la plus grande en Irlande depuis trente ans. La pression est montée en faveur d’un appel à une nouvelle manifestation pour le 30 mars, mais la structure chapeautant les syndicats officiels, le Congrès Irlandais des Syndicats (Irish Congress of Trade Unions – ICTU), a décidé de n’y convier que les syndiqués qui n’avaient pas reçu leur paye conformément à la Convention salariale annuelle. Notre parti a demandé de manière correcte que tous les syndicalistes soient appelé à manifester le 30 mars, puisque c’est l’ensemble de la classe salariée qui est confrontée à la catastrophe, avec le chômage qui monte en flèche, jusqu’à probablement déjà un demi million. Une grève des travailleurs publics bassement payés, et l’occupation de la verrerie Waterford Glass, montrent le mécontentement croissant parmi la classe salariée irlandaise. Le socialisme authentique pourrait maintenant grandement se répandre, au milieu de cette situation potentiellement explosive, en particulier parmi la classe salariée.

    Même le Labour Party irlandais, pourtant pro-marché, et qui s’est trouvé sur la paille depuis des décennies, connaît maintenant un renouveau, au fur et à mesure que les masses laborieuses partent en quête d’une alternative au Fianna Fáil et au Fine Gael, maintenant discrédités. Les anciens partis ouvriers – ce qui inclut le Labour Party irlandais – n’offrent que peu d’espace pour l’entrée et la radicalisation des salariés. Mais là où certains de ces partis n’ont pas été récemment associés avec les gouvernements au pouvoir, il n’est pas exclu qu’ils puissent de nouveau profiter d’une croissance électorale, mais aussi d’un certainflux de nouveaux travailleurs et de jeunes gens cherchant à lutter. Les marxistes n’ont pas de dogme bien arrêté sur quoi que ce soit, et encore moins concernant les perspectives pour des partis qui prétendent se tenir du côté du mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le Labour Party irlandais puisse connaître une résurgence en termes de membres, ce que les marxistes chercheraient à influencer. Mais en même temps, la lutte industrielle est d’une importance cruciale sur le court terme, avec un scénario menaçant pour l’Irlande à l’horizon des quelques prochaines années, similaire à celles auxquelles à dû faire face la classe salariée irlandaise dans la période immédiatement avant la Première Guerre. Cette période a connu des batailles de classes caitales, qui ont culminé dans le Lockout de Dublin en 1913. Les grèves générales et partielles en Irlande en sont les annonciatrices. De la même manière, le plan électoral est vital, car le gouvernement irlandais du Fianna Fáil pourrait s’écrouler d’un coup sous le poids de ses propres contradictions et au milieu de la puanteur de corruption qui l’entoure. Au cours de la période dans laquelle nous entrons, un nouveauchapitre extrêmement important pourrait s’ouvrir pour le marxisme en Irlande.

    La grève générale en France

    De pareilles opportunités commencent à poindre au-dessus d’autres pays européens, parmi lesquels la France n’est pas des moindres. La grève générale de janvier 2009, suivie par la démonstration massive de puissance ouvrière en mars, avec jusqu’à trois millions de manifestants, a transformé la situation sociale et politique en France. Soixante-dix-huit pourcent des Français considèrent que la grève générale de mars était « justifiée ». Sur une affiche, on voyait «Les Français ont donné l’autorisation au mouvement syndical d’articuler leur opposition à Nicolas Sarkozy». Un grand homme d’affaires a averti que la France est confrontée à une «guerre de classes» qui pourrait saper les efforts de réformes de Sarkozy. Le chef de l’agence de sondages Publicis a déclaré : «Les gens sont vraiment fâchés». Il a aussi ajouté que le gouvernement «attisait le mécontentement». Au même moment, le Financial Times déclare que «Il est loin d’être clair si oui ou non, la tension sociale (manifestée dans les grèves et les occupations) va se cristalliser en un mouvement politique cohérent et capable de paralyser le gouvernement de M.Sarkozy». Le fait qu’ils aient une telle confiance en eux est entièrement dû à la corruption des dirigeants syndicaux qui sont prêts à laisser le mouvement se dissiper.

    Les patrons demandent des «sacrifices»

    A travers toute l’Europe, la politique que va suivre la bourgeoisie vis-à-vis de la classe salariée sera de « diviser pour mieux régner ». En Irlande, les médias bourgeois sont en train de mener une féroce campagne afin de tenter de liguer les travailleurs du privé contre les employés « privilégiés » du secteur public. Ces travailleurs « goulus » vivent aux dépens – d’autant qu’ils reçoivent apparemment de bien meilleurs pensions et salaires – des pauvres, des vieux et de tous ceux du secteur privé. Une campagne similaire a visé les employés communaux et les fonctionnaires en Grande-Bretagne, à un point tel qu’elle pourrait jouer un rôle particulièrement aigu lors de et après la prochaine campagne électorale. A l’avant-garde de cette campagne européenne, on retrouve la Banque Centrale Européenne : elle a appelé à « une reprise en main des salaires et des dépenses publiques ». Selon sa logique tortueuse, « les restrictions de payement aideront à prévenir le chômage qui affecte une grosse proportion de la population en âge de travailler… Les gouvernements devraient poursuivre une politique courageuse de restriction des dépenses, surtout dans le cas des salaires publics ». La réponse à cette politique distinctement « anti-keynésienne » a été donnée par les travailleurs allemands qui « sont partis en grève… cette semaine en réclamant une hausse de salaires – avec l’argument que de plus hauts salaires sont nécessaires pour renforcer l’économie européenne » (Financial Times). Les absurdités du capitalisme sont telles que ses représentants européens, alors que tout le monde est d’accord pour dire que nous sommes dans une situation de « chute de la demande », soutiennent des mesures « anti-demande ». Mais, bie nentendu, c’est la logique même du capitalisme, dont les points de départ et d’arrivée coïncident avec la nécessité de maximiser les profits et la part destinée à la classe dirigeante. Les profits se sont déjà contracté au cours de cette crise ; les dividendes – la quantité payée aux porteurs de coupons, qui vivent sur le dos des travailleurs – sont au plus bas depuis 1938. Il y a aussi une hausse de la « surcapacité » de l’industrie. Ceci est un autre indicateur de la crise généralisée du capitalisme.

    Au même moment, les travailleurs du public ne sont pas les seuls à qui on demande de faire un « sacrifice » ; des couches entières de travailleurs du privé, surtout dans l’industrie automobile, ont subi des coupes salariales de -10, -15, parfois -20%. Pour les ouvriers de Toyota au Royaume-Uni, qui viennent d’accepter une coupe salriale de -10%, ceci signifie une perte de revenu annuel de 2000£ ! Par conséquent, la possibilité de combiner la lutte des travailleurs du secteur public comme du privé n’a jamais été aussi grande, puisque ce sont toutes les sections de la classe salariée qui sont maintenant confrontées à la baisse de leur niveau de vie, à une érosion des acquis du passé, à un allongement de la semaine de travail dans les industries qui sont toujours viables, à des attaques sur les soins de santé et les pensions, etc. Ce processus affecte les pays les plus pauvres d’Europe aussi bien que ceux qui jusqu’il y a peu se trouvaient dans la catégorie des pays « riches ».

    L’Allemagne et l’Europe septentrionale

    L’Allemagne, moteur de l’Europe, plutôt que de se diriger vers les perspectives économiques ensoleillées établies par le gouvernement Merkel, est, comme nous l’avons mentionné plus tôt, confrontée à une autre implosion économique soudaine. Forcé d’introduire son propre « plan de relance » – après des mois de résistance obstinée –, le gouvernement Merkel parle toujours de sa crainte de voir s’accroître la dette publique et de créer un excédent de liquidités. Un « expert » économique déclarait que « Les banques centrales aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sont maintenant littéralement en train d’imprimer de l’argent. Ceci crée un potentiel inflatoire qui est difficile à arrêter ». Les capitalistes, dans leur ensemble, ont décidé qu’une petite pincée « d’inflation » est la seule manière de se sortir du piège de la déflation dans lequel se dirige le capitalisme mondial en ce moment. Avec le souvenir de l’hyperinflation sous la république de Weimar – surtout en 1923 – la classe dirigeante allemande craint de devoir avancer sur cette pente. Mais l’alternative à cela, sur base capitaliste, est une énorme hausse du chômage, comme ça commence à être le cas en Allemagne.

    Les autres puissances en Europe sont elles aussi happées par le tourbillon économique. En Belgique, les salariés subissent le chômage économique et de grosses coupes salariales. Les Pays-Bas vont suivre la même voie, de même que la Scandinavie. La Suède est confrontée pour la prochaine période à son plus grand défi social et économique, sans doute plus grand que celui des années 90. Le pays est en ce moment « à la mode » dans les cercles économique capitalistes, à cause de l’expérience du début des années 90. Cette solution est maintenant considérée comme un modèle pour la politique qui pourrait être menée dans la crise actuelle par les plus gros pays. Nouriel Robini, le « M. Apocalypse » du capitalisme mondial, a déclaré, de même que beaucoup d’autres économistes, que « Nous sommes maintenant tous Suédois ». La nationalisation au moins des entreprises en faillite, telles que les banques : voilà la route à suivre, dit-il. Pourtant, le capitalisme suédois n’a nationalisé nque deux banques lors de cette période : Nordbanken, qui était déjà contrôlée par l’Etat, et Götabanken. Qui plus est, comme l’a fait remarquer Paul Krugman, la nationalisation n’est pas juste un phénomène suédois, mais est « Aussi américaine que la tarte aux pommes ». En effet, on nationalise en ce moment deux banques par semaine aux Etats-Unis – mais avec moins de tapage médiatique. Qu’est-ce donc qui paraît si attractif dans le « modèle suédois » aux yeux de la classe dirigeante ? La nationalisation était temporaire – bien qu’elle ait duré plus longtemps que quelques mois (plusieurs années, en fait) – et le lien entre les banques nationalisées et le gouvernement, comme c’est le cas au Royaume-Uni aujourd’hui, est resté plutôt lointain. Toutefois, la crise suédoise, bien que sérieuse, s’est déroulée juste avant le début de la reprise économique dans les années 90.

    Effets de la crise pour l’Union Européenne

    Un tel scénario de conte de fées n’est plus disponible pour le capitalisme mondial, pas plus pour le capitalisme européen. La crise, loin « d’approcher le fond », peut aller encore plus loin et durer encore plus longtemps que même les plus « pessismistes » des commentateurs capitalistes osent imaginer. Philip Stevens, l’éditorialiste politique du Financial Times (Londres), a récemment déclaré que le Royaume-Uni « n’a pas d’argent ». C’est une exagération puisque, comme le gouvernement l’a bien montré, il peut déjà recourir à la planche à billets – bien que cela se fasse de nos jours de manière électronique – afin d’amorcer la pompe. Mais cela montre l’incertitude et la confusion sous-jacentes des principaux commentateurs du capitalisme. Les Etats-Unis ont suivi les traces de Brown, avec une considérable injection d’argent. Ceci ne peut pas résoudre la crise, mais peut former un matelas qui, combiné avec d’autres mesures, pourrait amortir l’impact. Mais l’empilement colossal de dettes d’Etat signifie une collision inévitable entre les classes dans le futur. Le déficit budgétaire combiné des quatre plus grands pays de l’Eurozone – l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne – va atteindre les 6,4% du PIB en 2010 et vaut 5,8% cette année, alors qu’il ne s’élevait qu’à 2% du PIB l’an dernier ! On prévoit que cette dette publique grimpe à 83% du PIB l’an prochain, à partir de 79% cette année et de 71% en 2008. Les capitalistes vont tenter de faire repartir cette tendance en sens inverse, soit via des hausses de taxes – déjà prévues par le gouvernement Brown pour le futur – ou via des attaques directes sur l’emploi, les allocations sociales, etc. L’UE va à son tour se retrouver déchirée par ces développements. Déjà, la crise a vu la vengeance de l’Etat-nation, dont les commentateurs capitalistes et des groupes de gauche tels que la Quatrième Internationale (LCR en France et Belgique) avaient prophétisé l’enterrement par « l’intégration européenne ». Comme des criminels enchaînés à un chariot, les capitalistes ont été forcé de collaborer, mais les 27 membres de l’UE ne vont pas hésiter à se donner des coups les uns aux autres afin de protéger leurs intérêts « nationaux ». Les mesures protectionnistes extrêmes entreprises par Sarkozy pour promouvoir l’industrie automobile en France sont sagement acceptées par la Commission Européenne, avec le minimum de ronchonnements. Une chute de l’Euro – une possibilité distincte, qui dépend d’à quel point la crise sera sévère et profonde – renforcerait ces divisions.

    Opportunités à gauche

    Dans notre lutte contre capitalisme européen, nous ne tombons pas pour autant dans le nationalisme étroit, mais y opposons une alternative ouvrière et socialiste. A cette fin, la participation de tout un nombre de sections du CWI lors des prochaines élections européennes est très importante. En Suède, en Belgique, en Irlande, et surtout au Royaume-Uni, nous avons des opportunités de présenter notre programme, même si ce n’est pas pour obtenir un vote significatif. Au Royaume-Uni cependant, l’alliance électorale avec le syndicat du rail, le RMT, et avec le Parti Communiste de Grande-Bretagne (Communist Party of Britain – CPB), malgré les faiblesses exposées dans un article paru la semaine passée sur notre site international (www.socialistworld.net), constitue néanmoins un important pas en avant. Déjà, dans les conférences de presse et dans ses commentaires, Bob Crow, Secrétaire Général du RMT, a souligné l’idée d’une « Europe des travailleurs », en opposition à l’Europe capitaliste. Il ne fait aucun doute que cette avancée très importante en direction d’une voix indépendante de la classe salariée – malgré les objections stridentes de la plupart des groupes d’ultra-gauche – a la possibilité de faire passer une opposition ouvrière à l’UE. C’est aussi un point de ralliement important contre le BNP, parti d’extrême-droite, qui pourrait bien remporter des sièges au Parlement européen. L’article de la semaine passée explique avec grande clarté les raisons pour lesquelles nous pensons – malgré bien des hésitations – que ceci est une grande avancée. Il n’y a aucune garantie de succès, surtout si on parle de la lutte électorale, qui est le plus bas niveau de lutte de classe ; mais malgré d’immenses obstacles, cette alliance électorale a la possibilité de toucher les meilleurs parmi les travailleurs et les jeunes. Qui plus est, cette initiative pourrait être à la base d’un nouveau parti des travailleurs de masse en Grande-Bretagne, apportant par là une solution à un problème aigu de la situation actuelle.

    Le développement de nouveaux partis des travailleurs de masse est toujours une question cruciale en Europe, comme elle l’est d’ailleurs sur le plan mondial. Il n’est pas nécessaire ici de nous étendre à nouveau en long et en large quant au pourquoi de cette analyse. L’apparition de Die Linke (La Gauche) en Allemagne, de Syriza en Grèce, et maintenant du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France, n’est pas du tout accidentelle. Le leader du NPA, Olivier Besancenot, est déjà considéré comme étant la figure politique la plus importante en France après Sarkozy. De plus, selon un sondage récent, Besancenot, décrit comme « le leader trotskyste d’extrême-gauche », est maintenant aussi « crédible » que le Président. Malgré les faiblesses du NPA, à la fois en termes de programme et en termes de structure, ce parti représente un important pas en avant, et est soutenu par le CWI en général, et par notre section française, en particulier. La question de savoir, toutefois, si oui ou non, le NPA pourra grandir en termes de nombre d’adhérents, attirer de nouvelles couches et s’implanter dans la classe salariée, n’est pas encore tranchée. Il doit encore passer le test des élections. Mais, étant donné la situation sociale explosive en France – même Ségolène Royal, l’ancienne candidate du Parti Socialiste, a déclaré récemment « N’oubliez pas la Révolution française » – et le manque d’une alternative électorale viable à gauche, le NPA pourrait remplir le vide à gauche et gagner un soutien significatif. Ceci, cependant, ne ganrantirait pas son succès. La question du programme, de l’intervention dans les luttes sociales et industrielles, est vitale si le NPA veut trouver un écho significatif et durable parmi les nouvelles couches qui cherchent certainement une alternative.

    La question du programme du parti est cruciale pour le NPA, surtout la question d’une alternative gouvernementale à Sarkozy. Parce qu’il n’y a pas de parti des travailleurs de masse en France, et puisque le NPA doit encore être testé, nous ne pouvons pas désigner spécifiquement les partis qui devraient former cette alternative gouvernementale. Lorsque le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français étaient encore des partis ouvriers-bourgeois, nous pouvions mettre en avant le slogan d’un gouvernement « socialiste-communiste ». Ceci n’est d’ailleurs qu’une variante de l’approche suivie par les Bolchéviks en 1917. Contre la coalition bourgeoise, les Bolchéviks proposaient « Tout le pouvoir aux soviets », alors que c’étaient les Menchéviks et les Social-Révolutionnaires qui détenaient la majorité au sein des soviets (conseils ouvriers). C’était un appel à un gouvernement Menchévik – Social-Révolutionnaire, excluant les partis bourgeois, et basés sur les soviets, avec les Bolchéviks dans une position « d’opposition loyale ». Dans la pratique, le gouvernement de coalition de Kérensky fut renversé par la révolution socialiste d’octobre 1917, lorsque les Bolchéviks prirent le pouvoir.

    La question d’une alternative gouvernementale prend un caractère différent aujourd’hui, avec une forme plus algébrique, à cause de l’absence de tels partis de travailleurs de masse. Mais la lutte contre le gouvernement Sarkozy, les salariés vont partir à la recherche d’un gouvernement à soutenir en opposition à Sarkozy. En plus de l’abolition de la présidence et du Sénat, et de demander une assemblée unicamérale, nous devons soulever la question d’un « gouvernement des travailleurs ». C’est la lutte qui déterminera quelles sont les forces qui occuperont une telle position. Ceci est une réponse que nous donnons aux travailleurs qui demanderont qui sera dans ce « gouvernement des travailleurs ».

    La formulation de revendications transitoires, de l’agitation et de la propagande prend une grande importance en cette période. Les marxistes vont chercher à intervenir dans de nouvelles luttes et, là où nous disposons de forces suffisantes, à apporter une direction aux luttes qui commencent à se développer. Au Royaume-Uni, nous avons lancé la campagne « Les Jeunes se battent pour l’Emploi ». Mais, sur le plan européen, d’autres mouvements de jeunes peuvent se développer, y compris sur base des grèves de lycéens. La gravité de la crise, qui affecte plus particulièrement la jeunesse, combinée avec les attaques sur l’éducation, qui vont en réalité restreindre les ouvertures vers la sphère de l’éducation supérieure qui existaient pour les générations précédentes, pose la question d’une contre-attaque par les lycéens. Ceci pourrait mener au développement de grèves lycéennes sur le mode des récentes grèves en Allemagne, et de celles qui se sont produites sous notre direction en 1985 et en Espagne en 1986.

    Les perspectives pour le CIO en Angleterre et Galles dans la prochaine période sont particulièrement pertinentes. Le capitalisme britannique est parmi les plus exposés à la crise, avec une situation quasi comparable à celle qui existe en Europe méridionale. Le gouvernement Brown ne tient plus qu’à un fil, et peut chuter d’un instant à l’autre. Les perspectives en ce qui concerne Brown sont sans nul doute qu’il tente de « bricoler » une « reprise » à court terme et qu’il espère que ceci pourra se lier aux mesures d’Obama afin de lui donner la possibilité de mener un quatrième gouvernement New Labour. Cependant, si jamais David Cameron et les Tories parvenaient au pouvoir, le scénario auquel serait confronté le Royaume-Uni serait similaire à celui qu’on voit maintenant se dérouler aujourd’hui en France sous le gouvernement Sarkozy. A cause de cela, l’idée d’un « gouvernement national », d’une coalition, s’est fait jour. Il ne peut être exclu que l’on aille vers un « parlement suspendu », sans aucun parti qui y remporte une claire majorité après les prochaines élections.

    A travers tout ceci, l’inadéquation des partis capitalistes sera de plus en plus évidente, et la probabilité de voir émerger un nouveau parti, de plus en plus grande. La participation du CIO dans Die Linke en Allemagne – malgré ses efforts futiles pour maintenir les camarades du CIO en-dehors –, dans Syriza en Grèce, et maintenant dans le NPA en France, justifie à la fois les perspectives du CIO quant à l’émergence de nouveaux partis des travailleurs de masse, mais inaugure aussi une période cruciale durant laquelle les idées marxistes seront mises à l’épreuve de nouveaux publics de travailleurs et de jeunes.

    Le capitalisme, y compris le capitalisme européen, est confronté à une crise de longue haleine, qui aura pour conséquence d’énormes explosions sociales, y compris la possibilité de grèves générales, de manifestations d emasse et d’occupations d’usines. Les événements vont développer encore plus loin la conscience de la classe salariée, surtout si celle-ci est combinée avec la croissance d’idées et d’organisations socialistes et marxistes, comme celles du CIO. Le CIO participera dans tous les mouvements authentiques de la classe salariée qui représentent une avancée, malgré des faiblesses de programme et d’organisation, y défendant notre programme et nos perspectives, en guise de préparation pour des forces marxistes de masse dans le futur.

    Le CIO est sorti renforcé idéologiquement et numériquement de la dernière période, surtout de celle des années 90 et de la première partie de cette décennie, et bien préparé à intervenir dans la nouvelle situation explosive. Sur cette base, nous pouvons faire progresser de manière notable les forces du marxisme authentique, appeler les nouvelles couches de la classe salariée qui se mettent en action à nous rejoindre, attirer les meilleurs militants de gauche au CIO. Le CIO peut jouer un rôle clé en rassemblant dans l’action les forces authentiques du marxisme en Europe, afin de fournir une réelle alternative pour les couches les plus développées de la classe salariée et de la jeunesse, en tant que premier pas vers la mise sur pied de partis marxistes de masse en Europe, en tant que membres d’une Internationale de masse.

  • Voeux du Premier Mai du CIO pour l’année 2009

    Crise du capitalisme mondial

    Nous ne payerons pas pour la faillite du système des profits !

    Organisez-vous – Résistez ! Pour des syndicats combatifs et des partis des travailleurs de masse !

    Pour la solidarité internationale et le socialisme !

    Le Comité pour une Internationale des Travailleurs (CWI – Committee for a Workers’ International – Comité pour une Internationale Ouvrière) envoie ses plus chaleureux voeux de mai à tous les travailleurs, les jeunes et les opprimés partout dans le monde. Les socialistes, les syndicalistes et les autres activistes célèbrent le Premier Mai dans le contexte de la pire crise du capitalisme depuis les années 1930. A la suite de l’écroulement des marchés financiers, le raz-de-marée économique déferle maintenant sur « l’économie réelle ». On s’attend à ce que l’économie mondiale décline d’au moins 1,3% en 2009. Les principales puissances économiques se rétrécissent rapidement : le Royaume-Uni perdra -4% de son PIB cette année, le Japon -6%. Aux Etats-Unis, le chômage et les saisies immobilières continuent à augmenter. L’Allemange est confrontée à une perte énorme de 100 milliards d’éeuros en 2009, et son économie va se rétrécir de -6%.

    socialistworld.net

    Aucun pays au monde ne peut échapper au déluge. Vingt ans après l’effondrement du stalinisme, et les illusions engendrées par le capitalisme, l’économie de marché a spectaculairement échoué dans l’ex-URSS et en Europe de l’Est, jetant cruellement d’un jour à l’autre des millions de personnes dans la pauvreté.

    En Asie, en Afrique et en Amérique latine, les conditions de vie déjà « barbares » deviennent encore pires, au fur et à mesure que les effets de la récession économique mondiale touchent les régions les plus pauvres du monde. Même avant le début de la récession, plus de 80% de l’humanité vivait avec moins de 10$ par jour, et 25 000 enfants mouraient chaque jour des conséquences de la pauvreté. Regardons la situation au Nigéria, « riche en pétrole », et qui a la plus grande population du continent africain. Selon les Nations Unies, le taux de pauvreté au Nigéria était de 46% en 1996, mais il avait explosé jusque 76% en février 2009. Pour le Bureau des Statistiques du gouvernement nigérian, 40 millions de Nigérians sont au chômage, soit 65% de la population en âge de travailler.

    Ce genre de chiffres aberrants va se faire plus fréquent, au fur et à mesure que « l’aide au développement » en provenance de l’Occident, bien que déjà bien maigre, va se réduire au nom de la récession économique, alors que les patrons cherchent à faire porter aux plus pauvres le coût de la crise de leur système. Le FMI est très occupé à faire appliquer ses « plans d’austérité » – c’est à dire, d’énormes coupes dans les budgets sociaux – de l’Islande aux Pakistan, en passant par les pays baltiques et l’Afrique sub-saharienne. Le système des profits signifie une pauvreté endémique, le chômage, la destruction environnementale, des guerres, et des épidémies de maladies pourtant évitables. Même de larges couches de la classe moyenne sont confrontées aux licenciements et à la chute de leur mode de vie.

    C’est maintenant la classe salariée et les pauvres du monde entier qui vont devoir payer le coût de l’effondrement catastrophique du système capitaliste. D’énormes plans de refinancement par les différents gouvernements ont « socialisé les pertes » tout en « privatisant les profits ». Des millions et des millions de travailleurs sont confrontés à de graves coupes dans les budgets sociaux, au chômage de masse, à des pertes de salaire, à la hausse des taxes et aux saisies immobilières. Les jeunes, surtout ceux qui quittent l’école, sont parmi les plus gravement touchés par la crise – par exemple, le chômage des jeunes s’élève à 24% en Australie.

    La crise mondiale a mené à une accentuation des tensions entre les différentes puissances sur les plans mondial et régional, et à une lutte féroce pour les profits et l’influence. Ceci peut provoquer plus de conflits régionaux, comme nous l’avons vu l’an dernier avec la courte mais sanglante guerre entre la Géorgie et la Russie. De la même manière que la situation en Iraq devient de plus en plus violente et instable alors qu’on se rapproche du retrait des troupes américaines, l’impérialisme occidental est empêtré en Afghanistan dans une guerre impossible à gagner, et qui déborde maintenant sur le Pakistan, menaçant ce dernier d’une guerre civile ouverte et sanglante qui mènerait au démantèlement du pays.

    Plus que jamais, les socialistes, les syndicalistes, les anticapitalistes, les étudiants, les militants environnementaux, les activistes antiguerre et les autres doivent s’unir et résister aux attaques des patrons et de l’impérialisme, et lutter pour un monde meilleur.

    Un programme socialiste est nécessaire pour le mouvement ouvrier

    Le CWI appelle le mouvement ouvrier partout dans le monde à se battre rapidement pour des mesures décisives afin de garantir l’emploi, un salaire et des logements décents, une éducation et des soins de santé gratuits. Le CWI se bat pour les besoins immédiats des travailleurs et des pauvres, tout en menant campagne en faveur de la construction de mouvements socialistes capables de transformer la société. Les gouvernements procapitalistes mènent des « nationalisations » de banques et d’autres industries en les faisant payer par les travailleurs, avec l’intention de reprivatiser ces mêmes institutions plus tard. Nous appelons à des nationalisations socialistes, qui verraient les grandes banques et les secteurs-clés de l’économie et de l’industrie être placés sous un contrôle et une gestion démocratique par la classe salariée, au bénéfice de la majorité de la société.

    La crise du capitalisme bouscule la conscience des masses partout dans le monde. De nombreux travailleurs et jeunes ont tout d’abord été abasourdis par la vitesse et la sauvagerie de cette crise. De nombreux autres n’auront d’autre choix que de résister au massacre de leur emploi et de leur mode de vie. Et au fur et à mesure que la crise se prolongera, de plus en plus de couches de la classe salariée tireront la même conclusion, la conclusion qu’il faut se battre pour défendre même les besoins les plus basiques. La lutte pour les droits démocratiques prend également une nouvelle importance partout dans le monde. L’Etat capitaliste, souvent sous prétexte de « lutte antiterroriste », utilise des mesures répessives contre toute une couche de protestataires, des anticapitalistes et militants environnementaux, jusqu’au mouvement ouvrier organisé, et ce, de plus en plus.

    Les masses vont chercher une alternative aux partis du capitalisme en crise, y compris aux Etats-Unis, où vivent d’immenses illusions, ou un espoir contre toute attente, par rapport à la personnalité de Barak Obama. Mais la politique d’Obama est dictée par les intérêts des grandes corporations et de l’impérialisme américain. L’énorme plan de relance n’a pas radicalement modifié la donne pour l’économie américaine, les renflouements pour les riches sont extrêmement impopulaires, le chômage et les saisies immobilières grimpent continuellement, et plus de troupes américaines sont envoyées mourir à la guerre en Afghanistan.

    Au fur et à mesure que les travailleurs vont s’organiser et contre-attaquer, ils vont partir en quête d’une issue à la crise ; d’idées alternatives. Ce que recherchent désespérément les politiciens, c’est faire porter la responsabilité de la crise aux chefs des grandes banques et des institutions financières, et parler de « régulation » afin d’empêcher d’autres crises. Mais le coeur du problème se trouve dans la nature même du système capitaliste. La crise économique mondiale confirme les idées de Karl Marx – le capitalisme est un système irrationnel, chaotique, et fondé sur un gaspillage extrême, constitué de croissances et de récessions, avec des conséquences dévastatrices pour la population laborieuse. Nous ne sommes pas confrontés à une crise, mais à plusieurs. La faillite de deux ou trois pays d’Europe de l’Est ou d’Amérique latine, par exemple, pourrait déclencher les prochains gros chocs, qui auront des répercussions mondiales.

    « Le moment où on aurait pu réparer le système capitaliste est derrière nous ; il doit maintenant s’en aller », écrivait il y a près de cent ans James Connolly, ce grand marxiste irlandais. La seule manière de résoudre de manière permanente la crise à laquelle est confrontée l’humanité, est d’abolir le capitalisme et le féodalisme. La tâche de la transformation socialiste de la société est de placer sous contrôle public les grands monopoles, les banques et les institutions financières, et d’élaborer un plan démocratique pour la production et la redistribution de la richesse sur une échelle nationale et internationale. Une économie planifiée, gérée et contrôlée démocratiquement par les travailleurs, permettra de développer les forces de production en harmonie avec la Nature. Seule une organisation de production et de distribution socialiste peut assurer à l’humanité un mode de vie décent et la fin de l’oppression et de l’exploitation.

    Grèves et occupations d’usines

    Les travailleurs commencent à contre-attaquer. A la fin de 2008 et au début de 2009, de magnifiques manifestations de masse et grèves générales contre les attaques sur les conditions de travail et de vie ont eu lieu en Irlande, en Grèce, en France, en Italie, au Portugal, et dans d’autres pays d’Europe méridionale et occidentale. Des mouvements de protestation de masse ont aussi fait irruption contre les régimes corrompus et pro-marché des Etats baltiques, et les grèves se font de plus en plus fréquentes en Russie. Qui plus est, des occupations d’usines se sont produites aux Etats-Unis, en Irlande, au Royaume-Uni, et en Ukraine. Une énorme pression en faveur d’actions industrielle grandit sur les lieux de travail, de l’Autriche au Nigéria. Des séquéstrations de patrons se produisent en France, de même que des luttes défensives larges, comme à l’usine Toyota. Les jeunes, étudiants et lycéens, se mettent aussi en action, comme en Espagne et en France, où des unviersités et hautes-écoles sont fermées depuis des mois. La jeunesse montre clairement qu’elle désire résister aux tentatives du capitalisme de faire porter à leur génération le fardeau du désastre économique.

    Toutes ces luttes ne sont qu’un avant-goût de ce qui reste à venir. Toutefois, afin de remporter des victoires, les luttes de masse ont besoin d’une direction de classe consciente, de chefs. Dans la plupart des cas, les dirigeants syndicaux de droite ne veulent que détourner et dissiper la colère des travailleurs. La transformation des syndicats en organisations combatives et démocratiques est un objectif vital pour la classe salariée. Dans de nombreux endroits dans le monde, la première étape est la création d’organisations ouvrières réellement indépendantes, entre autres des syndicats.

    Au cours des dernières années, de nouvelles organisations de la gauche ont commencé à se développer, après que les anciens partis ouvriers se soient ransformés en entités purement capitalistes. Le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) a été officiellement fondé en France au début de cette année, et a remporté un succès incroyable dans les sondages, malgré les limites de son programme. Malheureusement, nombre de ces nouvelles formations ne sont pas parvenues à reprendre à bras le corps la lutte des pauvres et de la classe salariée, ou à mettre en avant une politique socialiste. En conséquence, certaines n’ont pas pu décoller, ou ont remporté un certain succès électoral avant de retomber juste après. La direction de Die Linke en Allemagne a viré à droite au moment-même où de véritables idées socialistes gagnent en popularité. La Syriza, la grande alliance de gauche en Grèce, a chuté dans les sondages après qu’une fraction de droite de sa direction ait exprimé publiquement son désir de participer à une coalition avec le parti social-démocrate droitier, le Pasok.

    Malgré le recul de certaines nouvelles formations de gauche, de nouveaux partis des travailleurs larges vont inévitablement apparaître à un certain moment, à cause de la crise profonde du capitalisme et des luttes massives des travailleurs. Au Royaume-Uni, un important pas en avant a été réalisé avec la liste électorale « Non à l’UE – Oui à la Démocratie » qui a été lancée par des militants du syndicat des transports, le RMT, et dans laquelle participent des membres du Socialist Party (CWI – Angleterre et Galles).

    Pour que de nouvelles formations et partis de gauche puissent réussir, ils doivent adopter une politique socialiste combative et être des organisations ouvertes et démocratiques.

    Danger du racisme et du populisme réactionnaire

    L’échec retentissant de l’économie de marché signifie que d’immenses opportunités existent pour la construction d’organisations de classe massives, et un regain d’intérêt massif pour les idées du socialisme et du marxisme. Cependant, à cause du manque d’une forte alternative de gauche, le vide politique peut partiellement être rempli par d’autres idées et forces.

    Les couches les plus aliénées et frustrées de la jeunesse peuvent de plus en plus déclencher des émeutes, comme nous l’avons vu dans le mouvement de la jeunesse grecque fin 2008. De petites sections de la jeunesse peuvent même se tourner vers le terrorisme individuel afin de « riposter » contre le système et l’Etat répressif. Mais ces méthodes erronnées sont en réalité une impasse mortelle pour la jeunesse, et contre-productives par rappot aux intérêts de la classe salariée. Seule la classe salariée organisée, armée d’une politique socialiste, peut fondamentalement transformer la société.

    Les idées et mouvements racistes et populistes réactionnaires peuvent aussi gagner du terrain. Aux Pays-Bas, c’est le mouvement politique anti-immigrés basé autour du « Parti de la Liberté » de Geert Wilders qui est en tête des sondages pour les élections européennes de juin, avant même les partis du gouvernement et de l’opposition officielle. Le BNP, parti d’extrême-droite britannique, pourrait lui aussi remporter des sièges lors de ces élections. Ceci reflète la haine terrible vis-à-vis des principaux partis pro-marché qui vit parmi la partie la plus désabusée de la population. Le mouvement ouvrier doit contrer activement la menace de l’extrême-droite et mener campagne contre toutes les formes de discrimination telles que le racisme ; pour l’unité des travailleurs contre leur véritable ennemi – les patrons et le système des profits. Ceci doit être lié à une campagne unifiée en faveur d’un emploi pour tous, d’un salaire décent, de logements accessibles et décents, et de services publics de qualité et diposant d’un véritable budget.

    Ce Premier Mai, le CWI envoie ses voeux de solidarité à tous ceux qui résistent contre l’oppression, la discrimination et l’injustice. Nous saluons le United Socialist Party (USP, CWI – Sri Lanka), qui s’oppose au massacre de nombreux innocents au moment où l’armée srilankaise encercle les LTTE (Tigres de Libération de l’Elam Tamoul), avec des conséquences sanglantes. L’USP appelle courageusement à l’unité des travailleurs cingalais et tamouls contre le chauvinisme brutal. Nous saluons aussi nos camarades courageux au Pakistan, qui ont aidé à bâtir d’importants syndicats dans un pays sous la domination d’élites corrompues et réactionnaires, dans lequel interfère l’impérialisme, et qui est dévasté par le terrorisme islamiste politique réactionnaire. Dans l’ombre du nationalisme de droite, le CWI a mené campagne en Israël contre le massacre à Gaza perpétré par l’armée israélienne début 2009.

    Le Premier Mai est aussi l’occasion de commémorer les luttes ouvrières du passé et d’en tirer des leçons. Cette année, nous célébrons le nonantième anniversaire de la mort des chefs immortels de la révolution allemande, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, assassinés sur ordre des dirigeants droitiers du parti social-démocrate allemand. Si la révolution allemande avait triomphé, inaugurant la transformation socialiste dans un des principaux pays capitalistes avancés, elle aurait rompu l’isolation de la jeune Union Soviétique, le tout premier Etat ouvrier à l’échelle d’un pays, et agi en tant que vecteur majeur de la révolution socialiste mondiale.

    La révolution allemande a montré le pouvoir et le rôle de la classe salariée, mais aussi la nécessité d’un programme, d’une stratégie et d’une direction clairs, si l’on veut renverser le capitalisme. De la même manière, le trentième anniversaire de la révolution iranienne montre l’immense potentiel que portait la classe salariée pour transformer la société selon une ligne socialiste, mais illustre aussi qu’en l’absence d’une direction prévoyante et claire, la révolution a été vicieusement détournée et étranglée par le règne des Mollahs réactionnaires. Aujourd’hui, un mécontentement énorme grandit sous la surface de la société iranienne, présageant de futurs mouvements révolutionnaires. Ailleurs au Moyen-Orient, les travailleurs et les jeunes entreprennent des actions de classe de manière plus indépendante, comme l’ont illustré lors des derniers mois la montée soudaine des grèves et des protestations ouvrières en Egypte, de même que les grèves récentes au Liban. Ces actions montrent la voie pour les masses du Moyen-Orient – une action de classe unie et indépendante dans le but de renverser les régimes arabes despotiques, chasser l’impérialisme et permettre une réelle auto-détermination pour les Palestiniens et les autres peuples opprimés.

    Le socialisme revient à l’ordre du jour

    La crise mondiale du capitalisme va remettre à l’ordre du jour la question du socialisme. En Amérique latine, divers populistes radicaux ou dirigeants de gauche ont été élus. Bien que certaines réformes bienvenues ont été acquises par les masses laborieuses et les pauvres dans des pays tels que la Bolivie et le Vénézuela, un changement social fondamental ne peut pas arriver uniquement grâce à des chefs individuels, mais requiert une action massive à la base. Afin de renverser le capitalisme et le féodalisme pour de bon, et d’établir une réelle démocratie des salariés et des paysans, des partis de masse de la classe salariée, armés d’une politique socialiste audacieuse, sont nécessaires.

    Comparée aux années Bush, l’administration Obama adopte une approche plus sophistiquée vis-à-vis de l’Amérique latine, et réalise même quelques ouvertures vers Cuba. Mais le but primordial de l’impérialisme américain est de mettre un terme à la diffusion des idées radicales et socialistes à travers le continent, voir la fin dans le calme, ou vaincre, les mouvements au Vénézuela, en Bolivie et ailleurs, et restaurer le capitalisme à Cuba. La seule manière de sauvegarder et d’étendre les acquis sociaux de la révolution cubaine, dont le cinquantième anniversaire marquera également cette année, est de s’opposer à toute tentative de restauration capitaliste, d’introduire la démocratie ouvrière et le contrôle et la gestion démocratiques de l’économie par la classe salariée, et de faire appel au soutien de la classe salariée internationale.

    La crise mondiale du capitalisme et le sentiment profond de volatilité et d’incertitude qui en découle ont déjà mené à une hausse importante dans le nombre de jeunes et de travailleurs qui se tournent vers les oeuvres de Marx et d’Engels. Au fur et à mesure que la crise s’approfondit et se prolonge, et que les travailleurs cherchent une alternative au système et à son idéologie en faillite, le socialisme et le marxisme authentiques vont trouver une plus grande réponse. De plus en plus de couches des pauvres et des opprimés vont conclure que le capitalisme est un système pouri et barbare qui doit être renversé, et qu’il faut résister contre le système de profit mondial par la solidarité et la collaboration internationales de la classe salariée et des opprimés. De Marx et Engels, la jeunesse se tournera ensuite vers les idées de Lénine et Trotsky et des autres grands penseurs et dirigeants marxistes. Au cours de la prochaine période d’événements tumultueux, les masses pourront faire leurs ces idées, pays après pays. A l’échelle mondiale, le capitalisme pourra enfin être remplacé par une société véritablement socialiste, où les immenses richesses et ressources du monde pouront être utilisées au bénéfice de l’humanité.


    • Le Premier Mai, fête des travailleurs – Plus que jamais un jour de lutte! Histoire du premier mai
    • Texte de Rosa Luxembourg sur les origines du premier mai
    • Le socialisme comme alternative à l’ordre du jour Editorial de l’édition de mai 2009 de l’Alternative Socialiste

    Interventions du PSL le 1er mai 2009

    • Le Parti Socialiste de Lutte au 1er mai Rapport général des interventions
    • Reportage-photos de Bruxelles
    • Reportage-photos de Liège
    • Reportage-photos d’Anvers
    • Reportage-photos de Mons
    • Reportage-photos de Charleroi
    • Veille de Premier Mai à Gand
    • Veille de Premier Mai à Alost
  • Grèce : Syriza change la donne !

    Ecole d’Eté du CIO-2008

    La situation politique en Grèce a profondément changé suite à l’émergence du phénomène Syriza, que nos camarades grecs ont rejoint il y a peu. Voici leur présentation de la situation lors de l’école d’été du CIO.

    Syriza est une coalition de 11 partis et organisations de gauche (divers groupes trotskistes ou maoistes, des scissions du parti social-démocrate Pasok ou du parti communiste KKE, des altermondialistes et beaucoup d’inorganisés) que nous avons rejoint il y a deux mois. Syriza est en formation, mais il y a déjà une bataille entre l’aile droite qui est organisée et l’aile gauche qui ne l’est pas encore.

    Les élections de septembre 2007 étaient leur première participation et Syriza avait obtenu 5%. En un an, le soutien de Syriza a été presque multiplié par trois pour arriver à 13%, voir 19% dans les sondages, soit un million de personnes. Cela illustre le potentiel et le vide qui existe à gauche et cela a modifié le rapport des forces dans le pays. Des couches larges dans la société considèrent Syriza comme une alternative au gouvernement, ce qui surprend les anticapitalistes de Syriza, qui craignent de devoir répondre au changement dans la société et n’y sont pas préparés. Syriza a cassé la tradition de vote misérables pour l’extrême-gauche, c’est aujourd’hui le seul parti de gauche dont le soutien augmente.

    Le Pasok est dans une crise dont il n’arrive pas à sortir. Les masses savent qu’elles n’ont rien à attendre d’une organisation qui ne fait rien pour se distinguer de la politique du gouvernement malgré le fait qu’elle est dans l’opposition. Des dizaines de scandales de corruption ont impliqué des membres du Pasok.

    La classe capitaliste est très inquiète. Le gouvernement de droite n’a plus qu’un siège de majorité et le Pasok n’est pas une alternative fiable. Le parti communiste KKE et Syriza ont ensemble dans les sondages jusqu’à 25% des voix. Des milliers d’articles parlent de l’émergence du phénomène Syriza, qui représente un véritable casse-tête électoral.

    La situation sociale a elle aussi beaucoup changé en un an. Le mouvement étudiant a réussi à attirer les lycéens et les professeurs aux cours de manifestations et d’occupations. Au cours d’une lutte de deux mois, le mouvement a réussi à obtenir des concessions sur la question de la gratuité de l’enseignement. Mais le gouvernement a quand même introduit le capital privé dans l’enseignement après la grève et les collèges privés sont légalisés. Les étudiants organisent maintenant la riposte pour empêcher l’application de ces lois et personnes ne sait jusqu’où cela peut aller.

    La Grèce a connu trois grèves générales avec 3 millions de grévistes au point culminant. Des dizaines de professions ont aussi été en grève entre celles-ci: les dockers, les journalistes, les avocats, les éboueurs, les électriciens… La réforme des pensions a mené à une lutte qui a fait partir le ministre responsable. Le nombre de travailleurs impliqués montrait que la volonté de lutter était présente, mais les directions syndicales n’ont pas été à la hauteur et ne voulaient pas aller jusqu’au bout. La conscience de classe se développe vraiment dans une telle situation.

    L’an dernier, le gouvernement n’a rien fait pour aider les victimes des incendies de forêts et de multiples scandales de corruption ont touché les partis. L’inflation est aussi très grande dans un pays où ¼ de la population vit sous le seuil officiel de pauvreté.

    Mais ces conditions objectives ne suffisent pas à expliquer la formation de Syriza. De nouveaux éléments ont permis cela, notamment l’attitude sectaire et arrogante du KKE qui a laissé le champ libre à une formation possédant une attitude ouverte. Ensuite il y a l’échec de la gauche anti-capitaliste, qui représente au moins 30 organisations différentes et qui joue pourtant un rôle dirigeant dans les protestations, notamment étudiantes. Syrisa a opéré un tournant à gauche en critiquant vertement les partis traditionnels et en faisant référence au socialisme ainsi qu’à d’autres termes de gauche, mais sans toutefois d’explication, ni de soutien aux luttes sociales et syndicales. Synaspismos, qui fait partie de Syriza, a connu aussi un tournant à gauche qui a commencé il y a trois ans avec l’élection de leur nouveau dirigeant.

    Les conditions objectives et subjectives vont continuer à se conjuguer pour nous fournir assez d’adrénaline politique pour mettre en avant l’alternative socialiste au capitalisme.

  • Le Comité pour une Internationale Ouvrière se prépare pour 2008

    Début décembre, le Comité Exécutif International a célébré un an de progrès continu. Tandis que rentraient chez eux les participants à la réunion de décembre de l’Exécutif International du CWI, une intensification de la lutte des classes dans l’année à venir semblait de plus en plus certaine. Les commentaires dans les journaux et à la télé parlaient de plus en plus de la perspective d’une baisse dans la croissance économique et d’une véritable récession !

    Au meeting du CEI lui-même, des orateurs de chaque continent ont confirmé la perspective d’un aggravation de la situation économique pour le capitalisme, et une nouvelle hausse des prévisions de lutte pour les travailleurs et les pauvres. Les immenses bulles de dettes, qui ont permis de maintenir le monde à flot, sont en passe d’atteindre leur point d’explosion. Des dizaines de milliards de dollars sont injectés dans les banques et les grosses entreprises tandis que des millions des gens les plus pauvres, même dans les pays riches, doivent faire face aux expulsions et à la perte de leur logement.

    Le Comité Exécutif International a commence par discuter de l’Amérique Latine – le continent qui a vu les luttes les plus grandioses lors de la dernière période. La réponse au travail de notre section brésilienne, Socialismo Revolucionário, qui vise à pousser le P-SoL, le nouveau parti des travailleurs, à se développer en tant que force socialiste combative, a été extrêmement encourageante pour notre Internationale. Des problèmes très importants, comme le référendum au Venezuela et l’assemblée constituante en Bolivie, sont apparus dans la discussion. Le Chili a connu une situation volatile qui a amené de nouvelles forces à la recherche d’idées socialistes.

    Développements mondiaux

    La discussion au sujet de la manière dont l’économie mondiale s’est développée et de comment les grandes puissances en ont été affectées se poursuivit pendant deux jours au meeting du CEI. Elle engloba les crises en développement en Asie, y compris les récentes révoltes en Birmanie. Il y eut des contributions au sujet du Pakistan, du Sri Lanka, de l’Inde et de la Malaisie, où a débuté le plus grand mouvement d’opposition depuis 10 ans.

    Les élections en Australie et, plus tôt dans l’année, au Nigéria, furent examinées lors de la session « mondiale », ainsi que la guerre qui fait rage au sommet de l’ANC (African National Congress), remuant toute la pourriture qui stagne dans l’Afrique du Sud capitaliste.

    Les camarades du CEI militant aux USA ont décrit l’état d’esprit croissant en faveur d’une opposition aux partis capitalistes qui se développe dans leur pays, avec Bush qui s’enfonce dans l’impopularité au sujet de la guerre d’Iraq, et les membres des pays du Moyen-Orient et de Russie ont apporté d’importantes contributions à cette discussion.

    Une question importante qui s’impose autant chez les économistes capitalistes que chez les marxistes, est de savoir si l’économie survoltée de la Chine pourra résister à une baisse de l’économie mondiale, ou même l’empêcher. A l’unanimité, ces deux scénarios ont été mis de côté. Qui plus est, les contradictions internationales, et en particulier le fossé énorme entre riches et pauvres, pourrait résulter en des conflits majeurs et en un changement de la conscience au sujet de ce qui doit être accompli.

    En Asie et en Afrique, la surexploitation est accompagnée d’une corruption à grande échelle et d’une dictature plus ou moins déclarée. La réunion du CEI a pris connaissance du fait qu’une baisse de l’économie mondiale ne signifie pas automatiquement une explosion de la lutte des classes sur les lieux de travail. Mais il existe bel et bien en ce moment un énorme mécontentement et une grande colère – contre les gouvernements, contre les patrons, contre les politiciens et la politique dans de nombreux pays.

    L’Europe et les nouveaux partis des travailleurs

    Les dirigeants syndicaux ont si souvent bloqué toute action de la part des travailleurs qu’il y a un sentiment en faveur du développement d’organisations à partir de la base. Les initiatives qui ont été prises pour créer de nouveaux partis des travailleurs ont mené à divers résultats dans divers pays. L’expérience du P-SoL au Brésil a refait surface dans la discussion majeure sur l’Europe.

    A travers tout le continent, il n’y a quasiment aucune opposition à la politique néolibérale en vigueur, préconisée par tous les principaux partis. Mais cette période arrive à son terme.

    Les développements dans Die Linke (La Gauche) en Allemagne, dans le PRC (Parti de la Refondation Communiste) en Italie, dans le SP (Parti Socialiste) aux Pays-Bas, et dans le SSP (Parti Socialiste Ecossais) en Ecosse furent examinés, en parallèle avec les initiatives plus récentes en Grande-Bretagne, en France, en Belgique et en Grèce, qui impliquent les sections du CWI dans ces pays. Des contributions furent apportées d’Autriche, de Suède, de Pologne, d’Irlande (du Nord et du Sud), de Tchéquie et de Russie, toutes contribuant à une meilleure compréhension de toute l’Internationale quant à ce qui nous attend plus loin.

    Les grèves des cheminots en France et en Allemagne étaient symptomatiques du sentiment qui se développe parmi les travailleurs à travers toute l’Europe. C’est sans doute en Grèce que s’est le plus développée la colère au sujet des problèmes environnementaux, où le CWI est à l’origine du lancement de « Green Attack » à la suite des incendies désastreux de cet été. La haine des racistes et des fascistes a été canalisée par nos camarades en un mouvement de protestation efficace, en Autriche et ailleurs.

    Construire le CWI

    Une journée à la fin d’une semaine d’assemblée était bien trop juste pour pouvoir entendre les détails de toutes les autres activités extrêmement enrichissantes qui ont été accomplies par nos camarades partout dans le monde. Trotsky a un jour avait exprimé l’idée que les révolutionnaires au fur et à mesure que croissent leurs tâches. Même au cours d’une période relativement difficile, où il est difficile de convaincre les travailleurs et jeunes qu’une lutte pour le socialisme est la seule issue, les militants socialistes du CWI ont démontré qu’ils ont les capacités de diriger et remporter des batailles. A ce stade, quelques succès, bien que relativement mineurs, ont été remportés, et même les échecs ont été riches de leçons, pour peu qu’ils soient correctement analysés.

    Ce qui est ressorti de tous ces rapports, c’était une véritable confiance et un sentiment que les événements vont dans notre direction, remplissant nos rangs des meilleurs combattants de la classe. La compréhension de l’histoire, y compris la célébration des anniversaires des révolutions et des autres événements historiques, est une manière de nous préparer pour l’avenir. Une autre manière est de nous efforcer de construire les ressources, les journaux et les sites web du CWI.

    Les quelques courtes sessions séparées – sur le Nigéria, l’Afrique du Sud et le Pakistan – lors de la dernière journée du CWI furent extrêmement instructives. A elles seules, elles auraient suffi à raviver la flamme de chaque militant à porter plus loin la lutte pour le socialisme !

    Prendre une pause

    Bien que nous entrions dans une période de relâchement dans de nombreux pays – avec les fêtes de l’Eid, de Noël, du Nouvel An – plusieurs campagnes de solidarité sont en train de se dérouler. Deux camrades du CWI sont en prison au Nigéria, un jeune militant syndical suédois va devoir faire face à des mesures disciplinaires le 28 décembre, des socialistes sont parmi les membres de l’opposition en Malaisie qui seront jugés ce 26 décembre, et la solidarité est an passe d’être organisée pour les étudiants persécutés en Iran.

    Des détails sur ces campagnes et de nombreuses, nombreuses autres choses peuvent être consultées sur le site du CWI – www.socialistworld.net. Quelques articles seront encore publiés d’ici le 24 décembre, mais, à moins de développements politiques majeurs, le site sera en pause jusqu’au 2 janvier.

    Nous, membres du quartier général du Comité pour une Internationale Ouvrière, souhaitons un bon repos et une nouvelle année fructueuse à tous nos membres, partisans et sympathisants, afin de porter plus loin encore la cause du socialisme. A tous, nos vœux les plus camaradesques pour l’année 2008 !

  • Liverpool 1983-1987. La ville qui a défié Thatcher

    En 1983, la ville de Liverpool a élu un conseil communal travailliste à une époque où le pays était dirigé par Margaret Thatcher, surnomée «la dame de fer» en référence à sa politique ultra libérale. La section travailliste de Liverpool était dirigée par les membres marxistes de la tendance Militant (qui ont créé par la suite le Socialist Party, notre section soeur en Anglerre et Pays de Galles).

    Virginy Pregny

    Les dirigeants travaillistes s’opposaient à Thatcher dans les mots mais disaient à ses élus de rester dans le cadre de la loi. Au lieu d’effectuer les coupes budgétaires, décidées par Tatcher ils augmentaient les impôts locaux, qui touchaient gravement les familles populaires. Nos camarades ont donc refusé d’appliquer la politique décidée par le Labour Party. D’autant plus que la municipalité était soutenue par 60% de la population qui était en faveur d’une augmentation des budgets nationaux et 74% qui étaient prêts à se mobiliser pour faire plier Thatcher.

    Une fois élus, nos camarades ont tenu leurs promesses. Réembauche des 2000 agents municipaux licenciés par la précédente municipalité, lancement d’un programme de construction de 5000 logements sociaux (ce qui a créé 12000 emplois!), augmentation du salaire minimum des agents municipaux (ce qui touchait 4000 travailleurs), diminution du temps de travail de 39 à 35 heures sans perte de salaire.

    La lutte fut difficile car les 47 élus municipaux avaient à faire face aux menaces de Thatcher d’envoyer l’armée et de démettre le conseil municipal, mais aussi à la gauche traditionnelle qui refusait de soutenir clairement la mairie et lui mettait même des batons dans les roues (refusant par exemple de soutenir l’appel à la grève générale contre le gouvernement !). Pourtant le 29 Mars 1984, jour du vote du budget, 50 000 travailleurs ont défilé dans la rue pour soutenir le conseil communal de Liverpool.

    Parallèlement nos camarades ont aussi développé une campagne de soutien nationale et internationale, avec en particulier la grande grève des mineurs, ce qui permit d’obtenir certaines concessions car Thatcher préférait se concentrer sur les mineurs et ne pouvait se permettre de faire face à deux fronts à la fois.

    Le tournant décisif de la lutte a été le refus des staliniens à la tête de certains syndicats de mobiliser pour une grève générale en faveur de la mairie en 1985. A la même période les mineurs étaient trahis par les directions syndicales. Nos camarades se sont donc retrouvés seuls à faire face au gouvernement. La direction du Labour profita de cette position de faiblesse pour assener le coup de grâce et exclure les 47 conseillers municipaux ainsi que des sympathisants de la tendance Militant.

    Cette expérience montre que les travailleurs peuvent défier et faire reculer les classes dirigeantes, avec des tactiques et un programme combatifs.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop