Tag: Comité pour une Internationale Ouvrière

  • [VIDEO] Protestations contre les viols en Inde

    Ces derniers mois, plusieurs cas de viols ont reçu une large attention en Inde et ont suscité une grande indignation. Diverses actions de protestation contre le viol et le sexisme ont eu lieu, des problématiques très préoccupantes dans ce pays. Nos camarades de “New Socialist Alternative”, section indienne du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL, ont mené campagne sous le slogan “Rage Now Against Rape”. Suite à un viol commis à Bangalore sous l’inaction complice des forces de police, diverses actions ont été organisées ces derniers jours, et c’est dans ce cadre que “New Socialist Alternative” a publié les vidéos ci-dessous.

  • Un monde entre révolution et contre-révolution

    Rapport de la discussion sur les perspectives mondiales, école d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière. Rapport de Peter Delsing

    Une large discussion concernant les processus de révolution et de contre-révolution au niveau mondial a pris place lors de l’édition 2014 de l’école d’été du CIO. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le mouvement de masse des travailleurs et des jeunes a connu des défaites faute d’une direction ouvrière. D’anciennes dictatures ont de ce fait pu se remettre en selle. En Amérique latine, les illusions envers le populisme de gauche s’épuisent au Venezuela, en Bolivie et dans une certaine mesure, envers le PT au Brésil. La colère des masses n’en est pas moindre. Même la Coupe du Monde n’y a pas échappé. Chaque fois que Dilma – la présidente du Brésil – était à l’écran, les sifflets fusaient parmi les Brésiliens présents dans le stade.

    En Asie, le moteur économique chinois perd en puissance, ce qui a des effets sur la région mais peut aussi toucher le reste du monde. L’uppercut du nationalisme et du militarisme en Chine et dans les régimes alliés des USA menace les anciens équilibres. Les échecs en Irak, Syrie, Libye,… illustrent les importants problèmes de l’impérialisme ainsi que son impuissance. La crise en Ukraine reflète à son tour l’accentuation des tensions entre puissances impérialistes. Dans une phase de stagnation économique ou de crise, la lutte pour les sphères d’influence et la sauvegarde des marchés s’intensifie.

    Du fait du manque de partis de masse proposant un programme révolutionnaire de gauche, des pans de la société peuvent glisser dans la barbarie. C’est ce que l’on constate avec la crise et la guerre à Gaza, la guerre en Ukraine, la nouvelle dictature en Egypte, la guerre civile en Libye et en Syrie, la montée de groupes fondamentalistes islamiques tel que l’’EIIL en Irak,… La situation en Irak confirme hélas les perspectives que le Comité pour une Internationale Ouvrière a déjà avancées : une intervention impérialiste ne pouvait conduire qu’à l’arrivée de deux ou trois nouveaux Saddam dans la région et servirait de terreau au fondamentalisme islamique.

    Mais il y a aussi eu des victoires pour les masses et les socialistes : au Brésil, les manifestations de masse ont annulé les hausses de prix de transport. En Afrique du Sud, les conséquences de la lutte des mineurs ont relancé plus largement la lutte des classes, au point qu’un grand syndicat comme Numsa a rompu avec l’ANC et réclame la construction d’un nouveau parti des travailleurs. A Seattle, aux Etats-Unis, une révolutionnaire socialiste, Kshama Sawant, membre de notre organisation-sœur Socialist Alternative a été élue au conseil municipal. C’est une première depuis un siècle. Sous l’impulsion de cette percée, le salaire minimum le plus élevé des Etats-Unis a été introduit. Cette victoire va sortir 100.000 travailleurs de la pauvreté au cours des prochaines années. La campagne « 15 Now » peut servir d’exemple pour d’autres mouvements de lutte aux Etats-Unis et constitue déjà une source importante de renforcement du marxisme dans le bastion du capitalisme mondial. Ce mouvement de lutte pour un réel salaire minimum donne tort aux cyniques. Des changements et réformes sociales positives sont possibles. Mais seulement – vu l’état de déclin du capitalisme – sur base d’une stratégie révolutionnaire et par une mobilisation de masse ainsi qu’une pression massive sur la classe dirigeante et ses relais politiques.

    Economie capitaliste : le “calme avant la tempête”

    Sur le plan économique, les capitalistes ne savent pas où ils sont ni où ils vont. La croissance que le monde a connue après la crise de 2007-2008 était basée sur des dettes. Aujourd’hui, au niveau mondial, les dettes sont 30% plus élevées qu’avant la crise, constatait notre camarade Per-Ake de Suède au cours de la discussion. Selon un rapport de la Bank of International Settlements (BIS), les Bourses sont aujourd’hui déconnectées de la réalité et nous vivons le “calme avant la tempête”.

    Il est rare que la classe capitaliste essaie encore de se projeter dans l’avenir de son système. Dans un récent rapport de l’OCDE – le club des pays les plus riches – c’était cependant le cas. Selon ce rapport, la croissance économique ne s’élèvera, au cours des 45 prochaines années, qu’aux deux tiers de la croissance de la période écoulée. Toujours selon l’OCDE, le nombre de chômeurs dans les pays développés est déjà passé, depuis la crise de 2008, de 32 à 38 millions. Ils ont estimé qu’au cours des 45 prochaines années, 50 millions de réfugiés partiront vers l’Europe et les Etats-Unis à la recherche d’un avenir meilleur. En ce qui concerne le climat et le réchauffement de la terre, le rapport stipule qu’au cours de cette même période, nous devons nous attendre à ce que les émissions de gaz carbonique doublent. Reconnaissant sa propre faillite sociale, nous devons, selon l’OCDE, nous imaginer l’idée de Detroit – la ville américaine en faillite et socialement écroulée – mais, d’ici quelques décennies, dans des villes comme Paris ou Stockholm. Les diseurs de bonne aventure du capitalisme auraient tout aussi bien pu se référer à l’Athènes actuelle.

    Mais tant la BIS que l’OCDE continuent à prôner les anciennes recettes. Ils s’accrochent au capitalisme et à une politique d’austérité, ce qui ne peut mener qu’à une crise encore plus profonde. Cependant, les couches les plus prévoyantes de la bourgeoisie sont conscientes que cela ne peut continuer ainsi. Avec, par exemple, une inégalité de revenus qui mine la stabilité du système et attise la colère contre l’arrogance des super riches. Ou comme un milliardaire de Seattle l’exprimait à juste titre : “Si ça continue comme ça, les classes moyennes disparaîtront et nous nous retrouverons comme en France à la fin du 18ème siècle. Nous pouvons à nouveau nous attendre à des fourches devant la porte”.

    La classe capitaliste se retrouve face à une remise en question complète de sa légitimité et de ses institutions. Aux Etats-Unis, cela s’exprime de façon particulièrement aigüe, un autre milliardaire qui investit des millions de dollars depuis de longues années déjà en faveur de candidats politiques déclarait dans le Financial Times qu’il essaie de trouver un candidat républicain qui « ne soit pas complètement fou » – « une tâche plus difficile qu’il n’y paraît » d’après le Financial Times. Même les illusions envers Obama se sont en grande partie envolées. Obama a expulsé plus de réfugiés que jamais et, en tant que représentant du Big Business, a réussi à n’apporter aucun changement réel.

    Les capitalistes enregistrent à nouveau de beaux bénéfices mais ils les accumulent ou spéculent à la Bourse. Selon Larry Summers, conseiller de l’establishment américain, il y a “des possibilités d’investissements insuffisantes pour miser les moyens économisés”, ce qui pourrait définir une sur-accumulation capitaliste. Dans la zone euro, il y a une faible croissance et l’élite craint la déflation, les chutes de prix, parce que les capitalistes investissent à peine. Nous pouvons nous attendre à de nouvelles crises bancaires et à une poursuite de la politique non conventionnelle de la Banque Centrale Européenne. Cela va provoquer l’éclatement de bulles existantes et constituer la base de crises économico-financières encore plus graves qu’en 2007-2008.

    L’exemple de l’Argentine montre d’ailleurs que c’est sérieux pour les capitalistes. Aux USA, 7% des investisseurs sont allés en justice suite au non-paiement de dettes par le gouvernement argentin. Ce sont les conséquences de la crise économique du début des années 2000. Les spéculateurs ont obtenu gain de cause de la part du juge américain. Si l’Argentine ne met pas d’argent sur la table, elle peut être exclue des marchés financiers, ce qui pourrait déclencher une situation révolutionnaire dans le pays. La bourgeoisie entend ainsi faire un exemple international : n’essayez pas de ne pas payer vos dettes ou des sanctions oppressantes suivront. Le CIO est en faveur du non-paiement des dettes aux charognards financiers et aux spéculateurs, pour la nationalisation sous contrôle démocratique du secteur financier ainsi que des secteurs-clés de l’économie, sous gestion et contrôle de la population active.

    Contre-révolution faute d’alternative de gauche de masse

    L’un des revers de la médaille consiste en un recul dans le processus révolutionnaire, entre autres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Egypte, l’an dernier, a pris place ce qu’on peut sans doute considérer comme la plus grande manifestation de l’histoire : plus de 20 millions de manifestants exigeaient la révocation du président Morsi, des Frères Musulmans. Faute d’organisations de masse indépendantes des travailleurs et des jeunes, l’armée est revenue au pouvoir, sous la direction du général Sissi. L’armée a déclenché une répression sanglante contre les fondamentalistes des Frères Musulmans, faisant 2500 morts et 16.000 blessés. Le CIO avait averti que ces méthodes visaient aussi le mouvement ouvrier. En mars, 22 militants syndicaux combatifs ont été arrêtés dans une fabrique de porcelaine et accusés d’ « appartenance » aux Frères Musulmans.

    En mai, Sissi est sorti vainqueur du processus électoral mais la participation au scrutin n’était que de 46%. Il a promis de s’attaquer au chômage via des travaux d’infrastructure mais le capitalisme égyptien est trop faible pour ça. Quelques mois après son élection, de nouvelles grèves ont démarré dans différents secteurs. Sissi a promis de donner la moitié de son salaire mais il y a des limites à sa politique bonapartiste consistant à balancer entre les classes sociales. S’il continue à attaquer les subsides pour le pain ou l’essence, de nouveaux mouvements de masse peuvent commencer. En ’78, le gouvernement de Sadat est tombé après avoir augmenté les prix du pain.

    A Gaza, un lourd tribut est payé suite au fait que les révolutions et mouvements de masse en Tunisie, Egypte, Libye,… n’ont pas été poursuivis – ce qui, sous une direction ouvrière socialiste aurait pu transformer toute la région. Pendant l’école d’été, 480 morts sont tombés, dont ¼ d’enfants. Seuls 52% des Israéliens estiment que l’offensive militaire peut apporter une solution. Mais pour des considérations sécuritaires, une majorité soutient encore les attaques sur Gaza. Les roquette du Hamas frappent plus largement et touchent plus profondément Israël. Cela montre à quel point les seuls moyens militaires pour mettre fin au conflit sont une voie sans issue.

    La section du CIO en Israël-Palestine adopte une position de classes de principe. Le gouvernement capitaliste de Netanyahu est le plus grand agresseur avec sa politique de terreur d’état. L’oppression des Palestiniens a encore fait croître le soutien pour le Hamas fondamentaliste à Gaza. Mais une occupation de Gaza constituerait pour le gouvernement israélien un scénario cauchemardesque. Netanyahu dit bien qu’il n’est pas dans ses intentions de renverser le Hamas. Les manifestations à Israël contre la guerre sont encore relativement petites, avec, entre autres, 10.000 personnes dans les rues de Tel Aviv. A Londres, 50.000 personnes ont manifesté, à Bruxelles et dans d’autres villes aussi, d’importantes actions de protestation ont eu lieu. Un grand mouvement de protestation peut naître autour d’un tel thème international. Nous sommes en faveur d’une Palestine socialiste indépendante et d’un Israël socialiste, avec Jérusalem comme capitale partagée et de la défense des droits de toutes les minorités. Sur base capitaliste, il n’y a d’issue ni pour la population palestinienne ni pour la population israélienne.

    En Irak, nous voyons la poursuite du déclin de l’état capitaliste. Tout comme en Libye, dominée par des seigneurs de guerre dans un scénario à la Mad Max. En Irak, on constate l’avènement de l’EIIL, le groupe fondamentaliste qui voit sa chance de mettre en pratique sa philosophie moyenâgeuse. L’EIIL compte quelques 15.000 combattants dont 2000 à 7000 en provenance d’Europe, selon diverses estimations. Le modèle économique de l’EIIL est celui du pillage et de la contrebande, du pétrole, entre autres. Dans une partie de la Syrie, il existe un accord tacite entre l’EILL qui contrôle les sources de pétrole et le gouvernement syrien d’Assad qui pourvoit la distribution, les bénéfices étant partagés. Des parties de l’élite saoudienne soutiennent l’EIIL financièrement, comme force sunnite contre l’Iran et peut-être aussi pour les désintéresser. Mais ils sont également craints pour leur barbarie et le fait que l’EIIL puisse viser la chute du régime saoudien. Une partie des racines de groupes de terreur tels que l’EILL est sociale, dans la faillite du capitalisme et de l’impérialisme à offrir un avenir viable. Der Spiegel a publié un article sur un combattant de l’EIIL d’un quartier reculé d’Istanbul, en Turquie. A l’EIIL, les combattants reçoivent 400 dollars par mois et d’autres avantages matériels.

    L’EIIL se présente comme un groupe terroriste bien géré à ses investisseurs de manière plutôt ouverte. Mais en Irak, elle n’a pu avoir une chance qu’en soutenant des éléments sunnites qui sont complètement détachés du gouvernement, soutien à des chefs de tribus sunnites et ex- Baathistes (le partie de Saddam). Même beaucoup de Chiites ne sont pas prêts à combattre pour le gouvernement corrompu de Maliki. L’EIIL peut partiellement compter sur les couches les plus désespérées et opprimées de la région et au dehors, elle mène une politique complètement réactionnaire qui ne fait que monter les travailleurs, les paysans et les jeunes de la région les uns contre les autres.

    En Asie, les plaques tectoniques d’un continent se déplacent économiquement et militairement. L’impérialisme américain essaie via ses alliés – le Japon, l’Australie, les Philippines,… – de freiner le pouvoir grandissant de la Chine. Ils stimulent la militarisation dans ces pays pour faire en sorte que le coût soit le plus réduit possible pour eux-mêmes. Au Japon, la constitution a été adaptée de sorte que l’armée puisse être impliquée à l’étranger aussi. Le Premier Ministre Abe déclare qu’il ne trouve pas grave d’être considéré comme un “militariste de droite”. Ce nationalisme amplifié et la militarisation de la région a déjà mené à des conflits entre le Japon, les Philippines et la Chine. Mais la stimulation de forces nationalistes d’extrême-droite au Japon peut, à un moment donné, aussi échapper au contrôle des USA. Au Vietnam, des rixes anti-Chinois ont été organisées dans différentes entreprises par les syndicats officiels et financées par l’état. Cela reflétait aussi un élément de protestation sociale, ce que les socialistes comprennent mais nous sommes en faveur d’organes de classe indépendants et d’actions disciplinées, pas pour la méthode contre-productive de rixes.

    Sur le plan mondial, la classe ouvrière des pays développés constitue un frein aux conflits militaires directs entre grandes puissances. Mais des tensions et guerres régionales sont possibles. En aiguillonnant ses vassaux locaux, l’impérialisme américain contribue à la déstabilisation en Asie. Cela peut aussi provoquer une augmentation des coups d’état, des états manqués,… Ces tensions et conflits pourraient indirectement sérieusement miner l’économie mondiale étant donné l’importance croissante de l’Asie dans le PIB mondial.

    En Ukraine, une de ces proxy-guerres a également lieu entre les différentes puissances impérialistes. Le mouvement Maidan a été récupéré par des puissances de droite et d’extrême-droite. Une grande partie de la population ukrainienne avait des illusions envers l’UE parce qu’elle n’entrevoit pas encore son rôle et voudrait être plus indépendante vis-à-vis de la Russie. Poutine pensait cependant qu’il avait un accord tacite avec l’ouest concernant l’Ukraine. La Russie avait déjà eu un aperçu de l’influence grandissante des USA en Irak, autour de la Syrie et d’autres états auparavant sous sphère d’influence soviétique. L’impérialisme russe n’est pas aussi fort que d’autres grandes puissances mais peut tout à coup se montrer très agressif. Différents intérêts économiques et militaires se jouent en Ukraine pour Poutine : assurer un passage du gaz russe vers l’Europe, défendre sa base marine en Crimée, assurer les liens entre l’industrie militaire industrie en Ukraine orientale et celle de Russie,…

    La majorité de la gauche en Russie est désorientée par la propagande nationaliste de l’oligarchie russe. Ils ne voient pas de rôle indépendant pour la classe ouvrière de la région – la seule force qui puisse stopper durablement ces guerres. Poutine et les médias russes prétendent qu’ils combattent une « junte fasciste » à Kiev. Le gouvernement à Kiev est nationaliste et des forces d’extrême-droite en font partie. Mais ce ne sont pas la force prédominante.

    Le CIO défend le droit à l’auto-détermination mais pas sur base de baïonnettes étrangères. La classe ouvrière doit pouvoir en décider par elle-même. Beaucoup de travailleurs, entre autres les travailleurs russophones, en Crimée ou en Ukraine orientale sont pour plus d’autonomie mais les groupes séparatistes violents n’ont certainement pas un soutien enthousiaste. Le referendum en Crimée n’était, par ailleurs, pas vraiment démocratique. Il s’agissait plus d’une reprise par l’impérialisme russe. Nous sommes en faveur d’organisations de masse indépendantes – syndicats et partis – dans la région. Nous mettons l’accent sur les intérêts communs des travailleurs et des jeunes. Tant contre le capitalisme gangster de Poutine que contre les oligarques ukrainiens, dont les gouvernements de Kiev défend les intérêts.

    Les forces de la révolution: de mouvements de masse sont inévitables

    En Europe, après une vague de manifestations, surtout en Europe du Sud, nous assistons à une nouvelle phase consistant plus à attendre et à assimiler la période précédente. Faute de direction et de perspective de la part des dirigeants syndicaux et du fait de l’inertie de beaucoup de nouvelles formations de gauche (Syriza en Grèce, Bloc de gauche et Parti Communiste au Portugal, IU en Espagne, Front de Gauche en France,…), nous nous trouvons dans une période de réaction légère. Des revers ont été subis, même si localement des victoires semblaient possibles aussi, mais pas il n’y a pas encore eu de défaite accablante et sanglante comme auparavant avec le fascisme. La classe ouvrière conserve son immense potentiel d’opposition et de lutte contre l’austérité et le déclin capitaliste. En Europe, l’héritage de la chute du stalinisme, de la trahison de la social-démocratie et des partis staliniens, de leur effet sur la conscience des masses,… pèsent plus lourdement qu’aux USA. Aux USA, une sérieuse radicalisation est actuellement en cours, elle est notamment canalisée et exprimée par la forte croissance de la section américaine du CIO et par la lutte victorieuse à Seattle pour une augmentation du salaire minimum.

    Au Brésil, il est possible que nous entrions dans une nouvelle phase de lutte des classes. L’année dernière, les manifestations de juin ont constitué une cassure. L’augmentation des prix des transports publics a été pour ainsi dire annulée. Mais le potentiel du mouvement était plus grand que ce qui a obtenu, pensons aux revendications autour des soins de santé, de l’enseignement,… La section brésilienne du CIO a pris une part active aux manifestations. D’autres groupes de gauche ne savaient au départ pas quelle position adopter, du fait de la présence de différentes classes (il y avait même des employeurs qui manifestaient et des groupes de droite) dans la lutte.

    Avec notre section, nous avons mis en avant des revendications de la classe ouvrière afin de diriger le mouvement contre l’austérité et la crise du système. Après le mouvement de juin, le gouvernement du PT a souvent été répressif contre les mouvements de grève. Ainsi, juste avant la Coupe du Monde, des dizaines d’ouvriers du métro ont été criminalisés, arrêtés et parfois licenciés suite à une grève. Les balayeurs de rue ont fait grève pendant le carnaval brésilien, grève qui a marqué un tournant et inspiré de nombreux autres groupes de travailleurs. Le gouvernement a dû annuler le licenciement des 300 travailleurs en grève lors des actions.

    La colère et le malaise des travailleurs brésiliens et des jeunes atteint petit à petit le point d’ébulition, ce qui est apparu clairement autour de la Coupe du Monde. Une crise de la distribution d’eau menace pour la fin de l’année à Rio, certains quartiers ouvriers sont d’ailleurs ainsi déjà rationné quelques heures par jour. Cette désorganisation est l’une des conséquences de la privatisation de l’eau. Si une crise élcate autour de ce thème, cela pourrait avoir des conséquences profondes et conduire au déverloppement de mouvements de masse. La section brésilienne du CIO exige la renationalisation de la distribution d’eau.

    Tous les signes indiquent une croissance de la lutte des classes dans la prochaine période. Il est clair que le PT et la présidente Dilma ne peuvent plus ramener la population au calme. De nouvelles explosions et mouvements sont en germe dans ce contexte. En automne, nos membres et certains proches sympathisants participent aux élections avec le parti de gauche PSol. A Rio, il y a une chance qu’un proche sympathisant de notre section soit élu, ce qui annoncerait une nouvelle phase pour notre organisation au Brésil.

    La percée de Socialist Alternative aux USA a complètement modifié la position de notre section. D’une organisation relativement petite et inconnue, nous sommes passés à la plus importante force de gauche radicale aux USA. D’ici la fin de l’année, cela pourrait également se ressentir en nombre de membres. Il y a des contacts pour Socialist Alternative dans des dizaines de villes, sur base de l’élection de notre membre Kshama Sawant au conseil municipal de Seattle et de la campagne réussie et qui a fait beaucoup de bruit pour le salaire minimum de 15 dollars.

    Plusieurs nouvelles sections sont en construction. Au cours de l’année écoulée, non seulement la première socialiste révolutionnaire a été élue depuis longtemps au conseil municipal mais aussi, Socialist Alternative a imposé, grâce à la construction d’un mouvement, le salaire minimum le plus élevé aux USA. Nous avons négocié et mis les représentants du capital d’une importante ville américaine sous pression, les avons obligés plusieurs fois à faire machine arrière, avons formé un front et rompu avec les dirigeants syndicaux bureaucrates à des moments stratégiques. Ceci n’a été possible qu’en analysant préalablement les possibilités et en intervenant audacieusement, là où le reste de la gauche américaine rationnalise surtout sa propre impuissance. Cela a été possible en liant les revendications directes à une organisation de centralisme démocratique qui a pu réagir, sur base d’une méthode transitoire à chaque manoeuvre et chaque wending de l’opposant – le capital et ses politiciens et médias. Une organisation socialiste a pu convaincre le mouvement à chaque stade, gràce à un dialogue constant par rapport aux tactiques utilisées, à la stratégie, aux revendications et au programme.

    Le mouvement pour le salaire minimum – 15 Now – doit maintenant s’étendre et se fixer dans le reste des USA, par des actions et des campagnes locales. A Seattle, 15 Now compte 11 groupes d’action locaux dans les quartiers, où les activistes peuvent participer à la discussion et prendre de propres initiatives. Les choix stratégiques centraux et les revendications du mouvement sont discutés lors de conférences collectives. Cela a parfois mené à des discussion aigües. Il fallait s’attendre à ce que les directions syndicales traînent les pieds et mises tout sur les négociations et non pas sur la poursuite des actions. Mais même aux sommets des syndicats, certains ont dû reconnaître que 15 Now et Socialist Alternative parvenaient mieux à impliquer la base que certains syndicats mêmes. Nous avons pu convaincre une partie du cadre moyen des syndicats, une couche d’activistes de quartier,… de notre stratégie.

    A la commission sur l’instauration du salaire minimum – organisé par la ville – le big business et les Démocrates ont essayé de fuir par tous les côtés. 15 Now et Sawant argumentaient – une concession tactique à la conscience plus large – que les plus petites entreprises (moins de 500 travailleurs) auraient trois ans pour passer aux 15 dollars La campagne de la droite et des médias bourgeois martelaient en effet la “menace” de faillite des petites entreprises en cas d’introduction d’un tel salaire minimum. Certains autres groupes de gauche nous ont critiqué pour cela. Mais, c’est une chose de critiquer en spectateur sur la bord du chemin, c’en est une autre de mener un combat réel sur base d’une évaluation correcte des rapports de force.

    Il aurait peut-être été possible d’aller plus loin si les dirigeants syndicaux avaient clairement lutté pour 15 dollars pour tous. Nous avons constamment appelé la direction syndicale à prendre une position de classe indépendante et de s’opposer aux mensonges des médias bourgeois. Socialist Alternative a frappé le capital d’une manière particulière – ce que certains opposants parmi la bourgeoisie ont reconnu. Le salaire minimum de 15 dollars fera sortir, au cours des trois prochaines années, 3 milliards de dollars des poches du capital. Des dizaines de milliers de travailleurs seront sortis de la pauvreté à Seattle. CNN.com constatait : “La victoire à Seattle montre en dernière instance ce que l’histoire a déjà montré à plusieurs reprises : si les travailleurs sont organisés, elles peuvent faire payer le big business”.

    Après le mouvement Occupy, Socialist Alternative a appelé à lancer, avec le mouvement, “200 candidats Occupy” aux élections. Nous avons lancé cet appel pour montrer ce qui était possible. Finalement, nous n’avons pas pu pleinement concrétiser cet appel à renforcer la lutte sur le terrain politique. Mais Kshama Sawant a été élue à Seattle avec presque 100.000 voix – la bourgeoisie a été surprise et n’avait pas prévu ça. Ensuite, une nouvelle victoire est arrivée avec la campagne qui a imposé les 15 dollars à Seattle. Jusqu’au dernier moment, Socialist Alternative a lutté avec les activistes contre l’affaiblissement de la proposition pour enfin, instaurer le salaire minimum comme victoire pour le mouvement.

    La bourgeoisie et ses institutions se sont laissées surprendre à deux reprises à Seattle, mais probablement pas une troisième. Dans la campagne pour l’élection de notre camarade Jess Spear, son contre-candidat démocrate Frank Chopp essaie de se faire passer pour plus progressif qu’il ne l’est et les directions syndicales et d’autres organisations sont mises sous pression pour qu’elles ne se prononcent pas en faveur de Jess Spear et Socialist Alternative. Le journal populaire The Stranger, qui s’est prononcé dans le passsé pour Sawant, a procedé à un revirement et soutient maintenant Chopp. Mais une partie de la rédaction n’était pas d’accord, ce qui a provoqué une polémique au journal. Une victoire de Spear n’est pas très probable mais un score solide montrerait que l’élection de Sawant ne doit pas rester un évènement isolé. Socialist Alternative est maintenant présentée par certains médias capitalistes comme l’opposition officielle à Seattle.

    En Afrique du Sud, la lutte des mineurs et le drame de Marikana – lors duquel le gouvernement ANC a donné l’ordre de tirer sur des travailleurs en train de manifester – ont changé la situation. Lorsque le syndicat Numsa s’est prononcé en faveur d’un nouveau parti des travailleurs, basé sur des idées socialistes, cela a constitué un développement très important. Hélas, le Numsa n’a pas appelé à voter pour le nouveau parti de gauche, le WASP et le modeste résultat du WASP aux élections peut un peu ralentir le processus visant à initier par nous-mêmes de prochains pas.

    Lors de l’école d’été, 230.000 travailleurs du métal étaient encore en grève pour réclamer de meilleurs salaires. Une proposition d’augmentation de 13% avait déjà été rejetée. Ces grèves de Numsa ont été décrites par un commenteur comme “l’éventuel début d’une révolution ouvrière”. L’Afrique du Sud reste l’un des pays où les mouvements de lutte mais aussi des éléments d’une conscience socialiste plus large sont déjà plus nombreux et ont déjà atteint un niveau plus explosif.

    L’Afrique du Sud doit être l’un des rares pays où un résultat de plus de 60% aux élections doit être considéré comme un échec pour le parti au pouvoir. L’ANC a ainsi perdu plus de 200.000 voix et a chuté de 11,3%. Seuls 32 % de la population en droit de voter a encore été voter pour l’ANC, malgré la distribution de paquets de nourriture et le soutien ouvert de l’appareil d’état. De plus, la bourgeoisie n’est pas encore parvenue à développer une alternative à l’ANC. Dans l’opposition de droite, l’Alliance Démocratique, une crise interne a éclaté entre les candidats noirs sur les lises et l’élite blanche. Et ce, malgré le progrès en voix lors des élections. Avec la création du WASP, nos membres en Afrique du Sud estiment qu’ils ont contribué à la différenciation sur le plan politique et au sein du syndicat Numsa. Au cours de la prochaine période, ce processus sera approfondi sur base de la lutte et des conclusions que les masses en tireront.

    En Chine, le ralentissement économique entraîne des réactions nerveuses de la part de la bureaucratie de parti. Le mouvement pro-démocratie à Hong Kong est particulièrement suivi avec méfiance. La direction stalinienne à Pékin craint que le mouvement ne s’étende au continent. Beaucoup de travailleurs et de jeunes utilisent les médias sociaux pour suivre le mouvement de masse à Hong Kong. En Chine même, il y a un durcissement du climat social. Les grèves durent plus longtemps et le nombre de mouvements sociaux augmente fortement. Il n’y a pas de syndicats indépendants en Chine mais des militants syndicaux forment des réseaux pour se soutenir lors de luttes. Une crise économique en Chine ne provoquera pas de chocs que sur le plan économique. La classe ouvrière chinoise est une forces croissante avec un potentiel révolutionnaire dont le capitalisme mondial pourrait aussi ressentir les ondes de choc.

  • [VIDEO] Paul Murphy contre la guerre à Gaza

    Alors qu’il était député européen, notre camarade irlandais Paul Murphy a pris position en défense de la population palestinienne à plusieurs reprises. Il avait notamment pris part à la “Flottille de la Liberté” et avait été détenu durant plusieurs jours par l’Etat israélien.

    Le weekend dernier, Paul a participé à une grande mobilisation contre la guerre à Gaza qui s’est tenue à Dublin. Il faisait partie des orateurs.

  • [VIDEO] La construction du CIO

    La dernière discussion de l’école d’été internationale du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) qui s’est déroulée la semaine dernière à Louvain était consacrée à la construction de notre internationale. Dans ce cadre, une vidéo a été projetée afin de souligner quelques unes des des activités de sections du CIO au cours de ces derniers mois.

  • Ecole d’été du CIO : reportage-photos

    Six jours de débat politique intense et d’échange d’expériences, c’est ce qu’a offert l’école d’été internationale annuelle du CIO à entre 300 et 350 participants issus de nombreux pays européens et même d’au-delà. Dans les jours à venir, nous publierons divers rapports des discussions qui y ont pris place, mais voici déjà une série de photos de PPICS.

  • [VIDEO] Shay, militant socialiste israélien, lors de la manifestation antiguerre à Bruxelles

    Voici ci-dessous une vidéo de la prise de parole de Shay, membre de la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Israël/Palestine, qui était présent hier dans la manifestation antiguerre qui s’est tenue à Bruxelles, parmi la délégation du PSL (section belge du CIO).

  • Comment Thatcher a-t-elle pu être renversée? Retour sur la lutte contre la Poll Tax.

    La majorité des dirigeants syndicaux actuels ne sont pas du tout préparés à faire face à la casse sociale qui frappe durement nos emplois et nos services publics. La situation sociale est aujourd’hui confrontée à sa pire dégradation au cours de ces 40 dernières années. Cela ne signifie toutefois aucunement que la résistance des masses – qui est inévitable – soit destinée à connaître la défaite. Notre camarade britannique Peter Taaffe revient dans le texte ci-dessous sur le mouvement de masse qui a humilié la prétendument invincible Margaret Thatcher au cours de la lutte contre la Poll Tax.

    La grève générale de 1926 et la bataille contre la Poll Tax de Thatcher à la fin des années ’80 et au début des années ’90 sont probablement les deux événements les plus importants dans la conscience du mouvement des travailleurs de Grande Bretagne au cours du 20e siècle. Pour les marxistes, l’héroïque grève des mineurs de 1984-1985 et la lutte de Liverpool menée par Militant – l’ancêtre du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles (section du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL, NDLR) – vont de pair avec ces deux événements. Mais bien entendu, des différences existent entre les caractéristiques de ces luttes.

    La grève générale de 1926, jusqu’à ce jour la dernière grève générale du pays, a vu la mobilisation massive des travailleurs organisés en défense des mineurs contre le programme d’austérité du gouvernement de cette époque, dirigé par le conservateur Baldwin.

    La campagne contre la Poll Tax, en intégrant certaines caractéristiques des luttes industrielles classiques (appels aux syndicats à entrer en action contre l’imposition de la Poll Tax, etc.) était plus large et plus « sociale » en termes de forces mobilisées. Mais la différence primordiale entre les deux luttes était la question du rôle de la direction de la lutte.

    La grève générale, « dirigée » par le Conseil Général du Trade Union Congress (TUC), s’est terminée par une terrible défaite alors que la lutte contre la Poll Tax s’est soldée par une splendide victoire qui a humilié et vaincu Thatcher et l’a même balayée dans les poubelles de l’Histoire. Les issues différentes de ces deux luttes titanesques se résument au caractère de leurs directions respectives ainsi qu’aux différentes stratégies, tactiques et organisations mises en œuvre.

    En 1926, la direction syndicale a mobilisé les légions du mouvement syndical au cours des 9 journées épiques de la grève générale. La victoire était à la portée de la classe ouvrière ; son pouvoir écrasant s’est révélé mais, pourtant, une défaite s’en est suivie. Il n’y a pas eu une telle mobilisation de la puissance des syndicats ou d’implication réelle et officielle des syndicats dans la lutte contre la Poll Tax. Ironiquement, c’est pour cette raison (l’absence de direction, voir même le sabotage, de la part du Labour Party (Parti Travailliste) officiel et des directions syndicales, avec Kinnock à leur tête) que cette lutte a été victorieuse.

    Il reste un fait historique incontestable que ce ne sont ni la direction officielle du mouvement travailliste ni les petits groupes de gauche (qui ne ressentent pas le pouls réel ni les mouvements de la classe ouvrière) qui ont donné une direction pour la victoire décisive contre la Poll Tax. Ce fut au contraire les forces diffamées et persécutées du marxisme authentique rassemblées autour du journal « Militant » qui ont joué ce rôle crucial.

    La bataille du Conseil de Liverpool

    La bataille de la Poll Tax fut préparée par toute la période précédente, pendant laquelle chaque camp a testé ses forces dans la lutte, et plus particulièrement durant la campagne de Liverpool entre 1983 et 1987. Cette victoire n’aurait pas été possible sans les événements survenus à Liverpool, grande répétition du conflit autour de la Poll Tax.

    Le conseil municipal de Liverpool, appuyé par un mouvement de masse et notamment par des grèves générales des services publics à l’échelle de la ville, a d’abord humilié et finalement défait Thatcher, la forçant à battre en retraite et à garantir des concessions en 1984.

    A cette époque, de nombreux conseils municipaux se réclamant de la « gauche » se sont joints à la lutte de Liverpool. Cependant, les anciens dirigeants de « gauche » des conseils travaillistes tels que Ken Livingstone et David Blunkett ont fini par capituler, laissant les conseils de Liverpool et de Lambeth isolés à l’été 1985. L’héroïque combat de la ville de Liverpool s’est cependant logé dans la conscience des couches les plus avancées de la classe ouvrière.

    Eric Heffer, qui deviendrait plus tard parlementaire de gauche des Travaillistes pour Liverpool Walton a résumé comme suit les expériences de cette luttes dans le cadre d’une crituqe positive de notre livre consacré à ce sujet, Liverpool – a city that dared to fight (Liverppol – Un ville qui a osé se battre, disponible en anglais uniquement) : « [La lutte de Liverpool] était « la politique mise à l’épreuve » et contrairement à ce que certains ont pu dire, cela a été un test que les conseillers de Liverpool et les membres du parti ont réussi à passer. » [Militant 884, 19 février 1988]

    Lors du lancement de ce livre à Londres, j’ai commenté sa pertinence dans la lutte en cours contre la Poll Tax : « La grande majorité [des Britanniques] sont opposés à la Poll Tax, mais les dirigeants du Labour ont fait comprendre que cette lutte serait limitée au parlement. Mais l’Histoire de ce gouvernement est qu’ils n’écoutent pas les discours parlementaires. C’est seulement en mobilisant une lutte de masse, comme à Liverpool, que le mouvement ouvrier pourra forcer « la dame de fer » à reculer. Les conseils écossais [où la Poll tax était déjà appliquée, un an avant l’Angleterre et le Pays de Galles] ont le même choix qu’à Liverpool : ou bien ils peuvent se déshonorer en implantant la Poll Tax, ou bien, comme à Liverpool, ils peuvent dire « non », refuser de la collecter et appeler à une grève générale d’un jour. Autrement, ils peuvent aussi bien démissionner. Il y a une situation explosive qui se développe dans les quartiers. Le gouvernement a commis une grosse erreur. » [Militant 883, 12 février 1988]

    La grosse erreur de Thatcher

    Nous avons compris dès le début que Thatcher avait fait une erreur fondamentale. Elle avait abandonné sa « tactique de saucissonnage » : s’en prendre à une partie de la classe ouvrière tout en tentant d’amadouer les autres, comme le gouvernement conservateur avait agi contre les mineurs, les imprimeurs de Wapping et, bien sûr, contre Liverpool. Cette fois-ci, elle avait décidé de s’attaquer à la grande majorité du peuple britannique en même temps.

    Un moins après la victoire des conservateurs aux législatives de 1987, Militant titrait le 7 juillet : « Poll Tax – le pillage des conservateurs ». Une des conséquences des élections de 1987 fut de réduire la représentation des conservateurs Ecossais à Westminster au point que tous leurs parlementaires puissent entrer dans deux taxis ! Thatcher avait planifié sa vengeance en introduisant la Poll Tax d’abord en Écosse.

    Dans notre journal, nous avions fait remarquer qu’avec l’instauration de cette nouvelle taxe, « La famille Thatcher à Dulwich va économiser 2300 £ – une famille moyenne à Suffolk va payer 640 £ de plus. » Mais notre réponse ne fut pas seulement limitée au niveau de la propagande. Nous nous sommes activement préparés à la lutte concrète, surtout en Écosse, là où la Poll Tax avait été introduite en premier lieu.

    A ce stade, Thatcher vantait la Poll Tax comme « le vaisseau amiral » de son gouvernement. Nous écrivions dans le Militant [29 juillet 1988] : « le Titanic était le « vaisseau amiral » de la marine marchande britannique et était considéré comme étant insubmersible avant qu’il ne rencontre un iceberg ! Aujourd’hui, les Tories vont entrer en collision avec un obstacle bien plus formidable : la classe ouvrière écossaise en colère et mobilisée, et juste après, leurs homologues Anglais et Gallois ! Avec une direction claire, le mouvement ouvrier peut couler le vaisseau amiral conservateur sans qu’il ne laisse ensuite de trace. Quand le vaisseau amiral coule, l’Amiral coule avec lui ou est viré. »

    Ces mots furent véritablement prophétiques, et ce fut le cas 4 ans plus tard. Avec la Poll Tax, Thatcher a réussi à faire ce dont les Travaillistes et les directions syndicales avaient été incapables pendant les 9 années précédentes : unir et généraliser les luttes de la classe ouvrière contre le gouvernement.

    Auparavant, elle avait fait très attention à ne pas s’en prendre à l’ensemble de la classe ouvrière ou à ne pas mener l’offensive sur deux fronts en même temps. Mais la Poll Tax a affecté les jeunes comme les vieux, les travailleurs comme les chômeurs, les malades et les handicapés, les locataires et les propriétaires, aussi bien que les Noirs et les Asiatiques. Tous, sauf les riches et la classe moyenne supérieures, étaient frappés par la Poll Tax.

    L’autre erreur fatale commise par Thatcher et ses ministres fut de considérer que la position de passivité adoptée par les dirigeants travaillistes était un fidèle reflet de la réaction de la base des travailleurs. A ce stade, nous étions encore de l’idée que le mouvement travailliste officiel pouvait être convaincu d’entrer en action contre la Poll Tax ; malgré la chasse aux sorcières vicieuse qui avait été lancée contre les dirigeants de Militant – les 5 membres du comité de réaction du journal avaient été exclus du Labour Party en 1983 – et les persécutions des membres de Militant à Liverpool depuis 1985 de la part de la direction travailliste et de l’Etat. Nous n’avions pas non plus abandonné l’espoir que les luttes de la classe ouvrière transformeraient le Labour Party en une direction de gauche pour la lutte.

    Il faut admettre que, même à ce stade de la fin des années 1980, l’espoir n’était pas placé au bon endroit. La politique de terre brûlée de la droite du Labour – notamment orchestrée par les apparatchiks locaux de Kinnock à Liverpool – démontrait que le Labour était, en réalité, déjà irrécupérable à ce stade. Le New Labour a par la suite tellement tourné à droite que des dirigeants de droite de l’époque se sont retrouvés « à la gauche » du parti tout simplement sans changer de position !

    Il aurait été préférable – comme certains parmi nous l’avaient suggéré à cette époque – que Militant lance sa propre organisation indépendante du parti travailliste dès 1987 à l’époque de la chasse aux sorcières de Liverpool, plutôt que d’en représenter l’aile marxiste, au lieu de le faire 5 ans plus tard en Écosse. Politiquement, Militant aurait été mieux préparé pour bénéficier de sa direction de la lutte contre la Poll Tax. Une telle position nous aurait de plus permis de grossir nos rangs et nous aurions été plus à même de faire face à l’hostilité politique qui a résulté de l’effondrement du stalinisme et, avec lui, de l’économie planifiée, dans les années ’90.

    Il paraît incroyable de rappeler à présent qu’à l’époque où les marxistes, mais aussi tous ceux de la gauche du Labour Party, cherchaient à s’emparer de l’indignation vis-à-vis de la Poll Tax pour entrer en confrontation avec le gouvernement, la direction du Labour concentrait tous ses efforts sur l’exclusion de ses militants les plus combattifs et les plus proéminents.

    Tommy Sheridan

    Tommy Sheridan – qui était à la tête de la lutte en Ecosse et était un partisan très connu de Militant à cette époque – a été exclu du Labour Party et plus tard emprisonné, de même que le parlementaire Terry Fields, aujourd’hui décédé. Le parlementaire Dave Nellist a quant à lui été « presque » exclu. Tout ça pour avoir offert une direction efficace aux plus opprimés, les plus affectés par l’introduction de la Poll Tax !

    On ne peut pas payer, on ne payera pas

    Malgré les persécutions, Militant a indéfectiblement identifié la bataille de la Poll Tax comme la lutte centrale à partir de 1987 et en a tiré toutes les conclusions politiques et organisationnelles.

    Le Socialist Workers’ Party (SWP), après avoir d’abord quelque peu barboté l’agitation des premiers temps contre la Poll Tax à Glasgow, s’est dans les faits retirés du champ de bataille. Sous la direction de feu Tony Cliff, le SWP a décidé que la principale revendication du mouvement contre la Poll Tax dès ses origine (« on ne peut pas payer, on ne va pas payer »), revendication influencée par les propositions de Militant, était inapplicable : « La campagne pour le non-paiement n’existe pas. Ne pas payer la Poll Tax, c’est comme de prendre un bus sans ticket ; tout ce que vous allez récolter, c’est d’être jetés du bus ! » [Tony Cliff dans un discours à la Newcastle Polytechnic Socialist Worker Student Society, mai 1989, cité par Peter Taaffe, Socialism and Left Unity, p16].

    Le SWP ne faisait en fait que répéter ses erreurs commises durant la grève des mineurs, lorsqu’ils avaient très tôt conclu qu’elle était « ingagnable » en raison du prétendu « ralentissement » de la lutte des classes ! Au moment de la bataille de Liverpool, ils étaient devenus franchement hostiles à Militant et à son rôle dirigeant dans les luttes cruciales. En contraste brutal avec la vision largement partagée dans le mouvement ouvrier, à Liverpool et nationalement, que Thatcher avait subi un sérieux revers, le SWP a publié en « une » de son journal « Ralentir le Mersey » [du nom du fleuve qui traverse Liverpool, tâche considéré comme impossible]. C’était leur manière de saluer la victoire des travailleurs de Liverpool.

    En tant qu’organisation, le SWP n’a pas joué de rôle central dans la lutte contre la Poll Tax autre que de prétendre plus tard, le plus souvent loin des oreilles des partisans de Militant, qu’ils étaient en fait les dirigeants de cette bataille ! Des de ce parti et d’autres ont participé à la lutte – certains ont même été emprisonnés ou condamnés à payer des amendes – mais il s’agissait d’une petite minorité des forces du parti, ayant agi à titre individuel.

    D’autre part, pour le SWP, « l’émeute de Trafalgar Square » (sur laquelle nous reviendrons plus tard) a été décisive dans la défaite de la Poll Tax. En cela, le SWP ne faisait qu’un avec les commentateurs capitalistes qui cachaient l’importance cruciale de la campagne pour le non-paiement. Aussi importante qu’ait pu être cette « émeute », elle était plutôt symptomatique du sentiment anti-Poll Tax qui existait. C’est le non-paiement massif, tel que proposé et organisé par Militant et ses alliés, qui constitua la réelle raison derrière la retraite de Thatcher et ses successeurs. De même, les groupes anarchistes britanniques qui ont à l’occasion boycotté et même attaqué le mouvement organisé contre la Poll Tax, n’auraient pas vaincu Thatcher si la direction du mouvement leur avait été laissée.

    La lutte contre la Poll Tax a objectivement été déterminée par le caractère général de l’attaque de Thatcher, contre la vaste majorité de la classe ouvrière et même du peuple britannique dans son ensemble. Mais les commentateurs capitalistes, superficiels, considèrent que la résistance massive émerge toujours du « complot diabolique » d’une poignée « d’agitateurs ». C’est notamment la vision de l’historien Robert Service et d’autres, qui attribuent des méthodes « conspirationnelles » aux Bolcheviks en Octobre 1917 lors de la Révolution Russe, de même qu’aux révolutionnaires en général, dans toutes les révolutions. William Shakespeare a fait dire à Owen Glendower, dans la première partie de la pièce Henry IV : « Je puis appeler les esprits du fond de l’abîme. » Ce à quoi Hotspur répondait : « Et moi aussi je le peux, et il n’y a pas un homme qui ne le puisse; mais viendront-ils quand vous les appellerez? » La plupart des incantations révolutionnaires ne résultent pas en leur matérialisation. La révolution et la contre-révolution ne sont possibles que quand les développements sous-jacents ont préparé les conditions préalables aux éruptions sociales caractérisées par un tel événement.

    Et même alors, la révolution ne peut parvenir à maturité – comme l’Histoire du renversement socialiste victorieux en Russie et sa défaite ailleurs le démontrent – que si le mouvement possède l’organisation et la direction nécessaires ainsi que des objectifs clairs (stratégie et tactiques) pour assurer la victoire. La Poll Tax a représenté un élément, au moins, de « révolution » dans le sens d’un mouvement de masse – l’un des plus grand de l’Histoire, du moins en Grande Bretagne) qui a effectivement renversé le gouvernement et mis en lumière le pouvoir des masses une fois qu’elles entrent en action.

    Cette lutte était inévitable étant donné le caractère et l’échelle des attaques. Le choix, cependant, était entre une lutte de masse organisée en tant que moyen d’assurer la victoire ou un mouvement d’en bas dispersé et incomplet avec moins de chance de parvenir à vaincre le gouvernement. La classe ouvrière et le mouvement ouvrier font face de nos jours à un dilemme similaire sur la question des attaques sans précédents sur l’emploi, les salaires et les services publiques. Chaque résistance contre les coupes d’austérité fait face à un dilemme similaire à celui de la bataille contre la Poll Tax il y a 20 ans.

    L’Ecosse prend la tête du mouvement

    Tout le monde paraissait opposé à la Poll Tax. Beaucoup ont même d’abord repris la revendication « on ne peut pas payer, on ne paiera pas », y compris une partie du mouvement « officiel » – les syndicats, les parlementaires travaillistes, etc. Mais une fois qu’il était question de passer des paroles aux actes, alors ces forces se sont détachées du mouvement une à une.

    Même les parlementaires de la « gauche » travailliste ont refusé de rejoindre les millions de personnes qui ne payaient pas la taxe. Cela a sans doute d’abord découragé certains travailleurs. Au début de la lutte, l’indignation était profonde contre la taxe, mais peu estimaient qu’il était possible de stopper Thatcher. Les militants qui faisaient campagne en rue entendaient régulièrement le même refrain : « Elle a vaincu le général Galtieri (président argentin de l’époque qui dût démissionner suite à l’échec de cette aventure guerrière) dans la guerre des Malouines, elle a écrasé les mineurs et les imprimeurs. Quelles chances avez-vous de vaincre cette taxe ? » Mais ces idées pouvaient être contrées par des faits, des chiffres, des arguments.

    Parfois cependant, la « propagande par l’action » est nécessaire. Non dans le sens de l’action terroriste contre les capitalistes individuels, mais dans le sens de l’action de masse. Il était nécessaire de démontrer l’existence de la colossale révolte qui fermentait sous la surface de la société à propos de ce sujet, précisément par des actes héroïques, en particulier en Ecosse.

    La décision d’appliquer la taxe un an plus tôt en Ecosse a été perçue par le peuple écossais comme une sanction « coloniale » pour avoir osé défier Thatcher. Le secrétaire d’Etat conservateur en Ecosse, Malcolm Rifkind, en relation avec le gouvernement conservateur écossais, a été largement cité invoquant le poème d’Hilaire Belloc : « Quoiqu’il arrive, nous avons la mitrailleuse Maxim et eux non». Rifkind a démenti avoir dit cela, mais le peuple Ecossais n’en a pas été convaincu, ce qui a renforcé sa détermination pour s’opposer à la taxe. A cette époque, c’était une sorte d’axiome populaire qu’il y avait certaines choses à ne jamais faire de la part d’un gouvernement : ne jamais s’attaquer à Mike Tyson (le champion de boxe apparemment invincible de l’époque), ni à la classe ouvrière écossaise !

    Trotsky avait remarqué qu’il coule dans le sang de la classe ouvrière britannique du sang écossais, irlandais et gallois, ce qui lui donnait un tempérament révolutionnaire aux moments critiques de l’Histoire. En d’autres termes, en raison des circonstances historiques – souffrant à l’extrême dans les griffes des capitalistes britanniques – le sentiment révolutionnaire était plus fort en Ecosse, en Irlande et au Pays de Galles qu’il l’était peut-être en Angleterre. Même la police et les gardes civils du régime dictatorial du Général Franco en Espagne ont reçu une leçon de première main de ce qu’il en coutait d’ignorer cette maxime. Habitués à tabasser et à attaquer les travailleurs espagnols qui faisaient campagne pour leurs droits, la police a décidé de s’en prendre aux supporters de Glasgow Rangers après un match à Madrid. Ce fut l’une de leurs plus grandes erreurs. Des scènes sans précédent se sont déroulées avec la police, après avoir attaqué les supporters et attisé leur fureur. Elle a été forcée de tourner les talons et de battre en retraite !

    Thatcher, cependant, a attaqué sans considérations. Une campagne du mouvement ouvrier a été lancée à Edinbourg en décembre 1987 à l’initiative des partisans de Militant. Peu de temps après, des étapes ont été franchies dans l’ouest de l’Ecosse, en particulier dans des endroits comme Pollok, où vivait Tommy Sheridan à cette époque. L’organisation de comités anti-Poll Tax a conduit à l’idée, défendue par Militant, d’une fédération anti-Poll Tax à l’Ouest de l’Ecosse. Mais avant ces étapes, il y avait eu de sérieuses discussions dans les rangs de Militant, en Ecosse comme dans le reste de la Grande Bretagne, à propos du programme et des pas organsiationnels à faire pour maximiser la plus grande résistance possible contre la Poll Tax.

    En avril 1988, une conférence avec des délégués de partout en Ecosse où Militant avait du soutien et de l’influence a été organisée, à laquelle j’ai participé pour le compte de la direction nationale de Militant. Cette réunion a clarifié d’importantes questions tactiques et a donné le feu vert aux partisans de Militant en Ecosse pour se concentrer sur la Poll Tax comme question-clé pour lier la lutte à la bataille qui allait probablement se développer à l’échelle de la Grande Bretagne. Militant a résumé la situation dans un article central le 29 juillet 1988 : « Le mastodonte Thatcher est aux portes de Glasgow et d’Edinbourg. Elle a l’intention d’écraser le mouvement ouvrier Ecossais et de piétiner ensuite la classe ouvrière Anglaise et Galloise. » La conférence écossaise de Militant d’avril 1988 a pris la décision d’organiser des unions anti-Poll Tax à travers toute l’Ecosse pour insister systématiquement sur un programme, dont la revendication centrale serait le « non-paiement » de la taxe.

    A chaque étape, l’approche combattive de Militant contrastait nettement avec celle de la direction du mouvement ouvrier Ecossais. En raison de l’impopularité de la mesure, il y avait cependant de grands espoirs de persuader le mouvement, les syndicats et le Labour Party de se ranger derrière la lutte.

    Un mois auparavant, un parlementaire à la conférence du Labour Party en Ecosse avait déclaré : « il y a une armée qui attend d’être dirigée sur la route du non-paiement ». Cependant, même alors, il n’a pas pu se retenir de comparer Kinnock à « un général dirigeant ses troupes dans la bataille en portant un drapeau blanc ». [Militant, 888, 18 mars 1988] Le jour où cette conférence a été ouverte, un sondage montrait que 42% des Ecossais étaient en faveur d’une campagne illégale de non-paiement de la Poll Tax. Parmi les électeurs du Labour, le chiffre grimpait à 57%. Pourtant, le discours de Kinnock à la conférence était si pauvre que le Glasgow Herald a écrit qu’il était « universellement considéré comme un désastre ».

    La conférence a voté à deux contre un une résolution contre l’illégalité. C’était en divergence totale avec le sentiment de la grande majorité des délégués. Cependant, les dirigeants syndicaux ont voté en faveur de la direction écossaise du parti. Même alors, il a été décidé de re-convoquer la conférence à l’automne afin de reconsidérer l’option du non-paiement. Cela a donné l’opportunité aux partisans du non-paiement de mobiliser la classe ouvrière en faveur de cette revendication. Des meetings de masse dans les quartiers écossais ont démontré que les travailleurs attendaient du Labour qu’ils prennent les devants.

    Tommy Sheridan a été élu secrétaire de l’Union anti-Poll Tax de Pollok et a fait référence à un meeting de masse organisé par les 47 conseillers de Liverpool, préparés à tenir bon et à défier la loi des Tories. « Nous avons besoin d’eux ici à Pollok », fut la réponse de l’audience. [Militant 893 22 avril 1988]

    Un moment décisif de la campagne menée en Ecosse fut le meeting anti-Poll Tax où Tommy Sheridan a pris la parole et où le parlementaire écossais Tory Michael Forsyth (à présent Lord Forsyth) est entré dans le débat. Il était en « tenue de soirée », revenant d’une cérémonie qui avait eu lieu sa circonscription. Les échanges furent vifs, et se sont terminés lorsque Tommy a déclaré : « dit à ton boss [Thatcher] que nous [en pointant l’assemblée] allons vaincre sa taxe, la vaincre elle, et vaincre son gouvernement ». Forsyth, secoué, est devenu blanc comme un linge et n’a pas répondu. Ce triste sire est de retour aujourd’hui, et appelle à des coupes budgétaires féroces dans les dépenses publiques. Il devrait recevoir le même avertissement qu’il y a plus de vingt ans de la part du mouvement de masse contre la Poll Tax !

    En juillet 1988, 350 délégués représentant des milliers de travailleurs et issus de 105 groupes anti-Poll Tax, venant surtout de conseils locaux et d’associations de locataires, se sont mis d’accord pour mettre en place la Anti-Poll Tax Federation du Strathclyde, dans l’Ouest de l’Ecosse. Cette conférence a appelée à l’unanimité à une campagne de masse pour le non-paiement et pour que les conseillers municipaux travaillistes refusent de poursuivre les non-payeurs. Elle a également appelé le Trade Union Congress à passer à l’étape suivante de la campagne et à organiser une grève générale de 24 heures. Tommy Sheridan fut élu sans opposition secrétaire de la Fédération et a promis que la direction serait vigoureuse et issue des comités nouvellement élus. Même à la conférence nationale du Labout Party tenue en octobre 1988, les partisans de Militant – à l’horreur de la direction – ont appelé à défier la Poll Tax.

    La fronde n’était pas uniquement issue d’Ecosse, mais aussi d’autres endroits de Grande Bretagne. Alec Thraves, le délégué de Swansea, parodiant l’attaque infâme de Neil Kinnock contre les conseillers de Liverpool à la conférence de 1985, avait dit que si le Labour n’organisait pas une campagne réussie pour le non-paiement et le boycott de la taxe « nous allons voir le chaos grotesque des conseils Labour, oui, des conseils Labour, allant partout en taxi pour donner des avis d’expulsions aux gens qui ne peuvent payer la Poll Tax ». A cette conférence, un partisan de l’aile droite du Labour a dit à une femme qui ne pouvait pas payer la Poll Tax : « si vous ne pouvez pas payer, je suis sûr que le tribunal sera clément avec vous ! »

    Toute la Grande Bretagne entre en lutte

    En 1989, un million d’Ecossais ne payaient pas la Poll Tax. Même la presse capitaliste comme « Scotland on Sunday » estimait que 800.000 Ecossais ne payeraient pas, sur 3,9 millions de personnes concernées. C’était une très bonne démonstration de masse de « la propagande par l’action » ! Mais pas un murmure sur cette campagne n’apparaissait dans la presse en dehors de l’Ecosse. Cependant, par un millier de canaux différents, l’information s’infiltrait ailleurs, en particulier via les tracts et les informations données par les comités anti-Poll Tax. Le refrain cité plus haut, selon lequel Thatcher serait « imbattable », s’est vite dissipé lorsque les militants de cette campagne ont informé qu’un million de personnes étaient organisées pour ne pas payer la Poll Tax en Ecosse !

    La campagne, même avant d’avoir atteint le reste de la Grande Bretagne, avait démontré le pouvoir de l’action des masses, pour autant qu’elles soient organisées et dirigées par une direction avec une stratégie et une tactique claires. Le reste de la Grande Bretagne sont venus en aide aux combattants de la Poll Tax en Ecosse, laissant les directions officielles des syndicats et du Labour suspendus dans le vide. Les partisans londoniens, surtout organisés par Militant, ont levé des fonds pour un « Train Rouge » pour « foncer vers la ligne de front » en Ecosse.

    Le Militant [24 mars 1989] décrivait ainsi l’atmosphère de « L’express anti-Poll Tax », comme le disait l’énorme panneau d’affichage du train à la gare Euston : « Tous les 600 sièges sont pris – le train est complet. Beaucoup sont lycéens, un bon nombre de jeunes Noirs ; 3 femmes d’un quartier de Deptford qui ont décidé de venir la nuit dernière ; des syndicalistes et des jeunes socialistes,… chantant et scandant des slogans pendant tout le trajet : impossible de dormir ! On entend des cornemuses. Quelle heure est-il ? 4h20 – nous arrivons ! Le joueur de cornemuse passe par la fenêtre, flanqué de deux camarades qui portent des drapeaux rouges. C’est notre appel du matin ! (…) Les camarades écossais nous accueillent – nous tenons un rassemblement sur place, dans la gare. »

    L’afflux était phénoménal en provenance du Merseyside, le comté autour de Liverpool, d’où 1000 personnes étaient venues à cette manifestation. Ce fut une belle réponse pour la solidarité que l’Ecosse avait démontrée concernant leur propre lutte à Liverpool. 20.000 personnes sont descendues dans les rues de Glasgow contre la taxe injuste de Thatcher. La détermination à vaincre la Poll Tax fut illustrée par un travailleur gallois qui a renoncé à deux tickets pour le match de rugby Pays de Galles-Angleterre : « le match n’est que pour 80 minutes, mais la Poll Tax pourrait durer le reste de ma vie ». Le temps était terrible à Glasgow ce jour-là, avec une pluie battante depuis tôt dans la matinée jusqu’à bien après la manifestation.

    Cela fut suivi d’une manifestation de masse à Manchester, formellement organisé par le TUC, mais dans les faits reprise en main par les manifestants anti-Poll Tax. Le million de personnes qui refusait de payer la Poll Tax en Ecosse préparait une campagne colossale en Angleterre et au Pays de Galles. La première manifestation à Londres n’a réuni que 200 personnes, et fut organisée à Waltham Forest, avec dans ses rangs un cortège de fans du Football Club de Leyton Orient. Des voix solitaires au parlement – comme celles de Dave Nellist et Terry Fields – cherchaient à avertir le gouvernement de ce qui allait venir.

    Dave Nellist déclarait en juillet 1989 : « Je donne un clair avertissement au Secrétaire d’Etat que des millions de personnes en Angleterre et au Pays de Galles ne seront pas capables de payer la Poll Tax et que des millions de plus ne le veulent pas… Il y a tous justes deux ans, le Tory Reform Group a décrit la Poll Tax comme « juste, uniquement dans le sens où la Peste Noire était juste, frappant indifféremment les jeunes comme les vieux, les riches comme les pauvres, les travailleurs comme les chômeurs » (…) Cette description était pourtant fausse : les riches peuvent bien attraper la peste, mais ce n’était pas la même chose pour la Poll Tax. » [Militant 956, 11 Août 1989.]

    L’organisation le 25 novembre 1989 d’une conférence de la All-Britain Anti-Poll Tax Federation (Fédération anti-Poll Tax de toute la Grande Bretagne) était cruciale pour la bataille à l’échelle de toute la Grande Bretagne. Tommy Sheridan y a accueilli 2000 délégués dans un organe qui allait jouer un rôle décisif dans l’Histoire du mouvement ouvrier et, en fait, dans l’Histoire britannique, comme les évènements de l’année suivante l’ont démontré.

    Il y a eu beaucoup de discussions dans nos rangs sur les meilleures propositions à mettre en avant dans cette structure. Telle était l’influence décisive de Militant dans les comités anti-Poll Tax qu’il aurait été complétement possible pour nous de faire « table rase » et de prendre toutes les places dans le comité national. Nous avons décidé de ne pas le faire, de façon à donner au mouvement la base la plus large possible, pour faciliter l’attraction de toutes les forces réelles qui étaient prêtes à lutter dans l’action contre la taxe. Nous étions donc d’accord pour continuer la politique de front unique en impliquant des non-partisans de Militant dans les comités nationaux. C’était le cas dans le Yorkshire, à Londres et dans le Sud-Ouest.

    Mais la direction du Labour résistait encore à l’action concrète, concentrant tous ses « espoirs » – mais pas ceux de la classe ouvrière – dans les élections générales où ils comptaient évincer les Tories. Un incident à la conférence du Labour Party d’octobre 1989 a indiqué à quel point la conférence du Labour était loin de la masse de la classe ouvrière. Christine McVicar du Labour Party – Glasgow Shettleston a été vue par des millions de personnes aux infos déchirer son livret de paiement de la Poll Tax à la tribune de la conférence ! Ce n’était pas qu’un geste individuel, elle désirait ainsi appuyer une résolution appelant à soutenir la campagne de masse pour le non-paiement. Elle a notamment déclaré à la conférence : « Si les syndicalistes de Tolpuddle (1) et les suffragettes n’avaient pas violé la loi, nous ne serions pas ici à cette conférence (…) Je détruits mon livret de Poll Tax non pas en tant qu’individu mais en tant que membre d’une campagne de masse pour le non-paiement ». [Militant 964, 13 Octobre 1989.] Elle fut applaudie par les éléments socialistes de cette conférence, et raillée par les parlementaires et autres droitiers du Labour.

    Malgré les expulsions massives, Militant fut encore capable d’attirer 200 délégués de la conférence du Labour pour ses meetings publics propres. La droite consolida cependant sa position en novembre en supprimant la dernière représentante directe du Labour Party Young Socialists (LPYS) de son comité exécutif national, Hannah Sell, aujourd’hui membre de la direction du Socialist Party. Cela a dans les faits conduit à la liquidation du LPYS.

    Une déferlante d’actions

    Ce fut une grande répétition des évènements dramatiques de 1990. Dans l’Histoire – du moins en ce qui concerne les historiens pro-capitalistes – 1989 et 1990 et les années suivantes ont été marquées par la chute du stalinisme et avec lui, malheureusement, la destruction des éléments restants de l’économie planifiée. Ceci a ensuite été utilisé, comme nous l’avons montré avec consistance, pour mener une campagne idéologique qui aurait soi-disant « détruit » les idées de socialisme, de lutte et de solidarité – en fait, l’idée même de lutte des classes. Mais l’Histoire réelle de ces années ne se résume pas à cela. 1990 a été une année tumultueuse de luttes de masse et le début des années ‘90 a vu de grandes en Belgique et ailleurs.

    Au début de l’année 1990, Militant [19 janvier 1990] titrait « détruisons la Poll Tax », avec un appel à la All-Britain Anti-Poll Tax Federation à « une manifestation de masse le 31 mars ». 35 millions de personnes allaient recevoir leurs notes pour payer la Poll Tax en Angleterre et au Pays de Galles le 1er avril. La campagne avait reçu un certain soutien de la part du magazine Tory The Economist qui avait écrit : « imaginez un pays ou plus d’un adulte sur 10 refuse de payer une taxe. Bienvenue en Ecosse en 1990. » Mais cet organe du big business sous-estimait largement le niveau réel du non-paiement en Ecosse… qui était au niveau de 1 sur 3 à Glasgow ! The Economist continuait : « Le drame d’aujourd’hui à Glasgow pourrait se répéter demain à Liverpool. »

    Les premiers mois de l’année ont vu une déferlante de manifestations de masse balayer les villes et villages auparavant endormis du Sud de l’Angleterre. 2000 personnes accusaient le parlementaire Tory de Maidenhead d’être le « Ceausescu de Maidenhead » parce qu’il soutenait la taxe. Debbie Clark et John Ewers écrivaient dans le Militant [le 2 mars 1990] « c’était comme une scène de la Révolution Roumaine – sauf que ça se passait à Stroud dans le Gloucestershire ». A Hackney, 2000 personnes se sont rassemblées devant l’Hôtel de ville. Des centaines de personnes ont manifesté devant le conseil de Southwark, 2000 devant l’Hôtel de ville de Lambeth, des centaines devant les conseils de Waltham Forest et Haringey. Pratiquement tout le Sud était affecté d’une façon ou d’une autre par des manifestations contre la Poll Tax en février et en mars.

    Militant était à présent identifié par la presse capitaliste comme « l’ennemi intérieur » en raison de son énorme rôle dans la lutte contre la Poll Tax. Le Times et le Sun de Rupert Murdoch allaient encore plus loin. Le Sun nous comparait à des hooligans : « la tendance Militant est l’Inter-City Firm du Labour ». [Militant, 984, 16 Mars 1990.] Pour son éternel déshonneur, Neil Kinnock reprenait certaines des accusations les plus féroces des Tories. Tony Benn concluait justement : « le Labour Party a plus peur de la campagne anti-Poll Tax que de la Poll Tax en elle-même ». [Tony Benn, The End of an Era – Diaries 1980-1990, pp585-6.]

    Bristol, Norwich, Maidenhead, Weston-Super-Mare, Exeter, Gillingham et Birmingham connaissaient également des manifestations. Elles étaient cependant attribuées à des « manifestants professionnels » qui se déplaçaient tout autour de la Grande Bretagne. Le ministre Chris Patten affirmaient qu’ils étaient tous « une foule-à-louer extérieure, affrétée par bus depuis les bastions de Militant, comme Stroud ». [Militant, 983, 9 Mars 1990.] Mais cela n’a pas convaincu tous les commentateurs…

    Robert Harris commentait ainsi dans le Sunday Times [11 Mars 1990] : « Je doute que l’électeur moyen, en voyant la violence à la télévision, dise : « regarde ces horribles communistes, Mabel. Nous devons voter pour Mme Thatcher, la seule qui puisse nous délivrer de ces voyous ». L’électeur dira plutôt : « Regarde le dernier merdier dans lequel elle nous a fait atterrir. » Harris n’allait toutefois pas maintenir longtemps son objectivité. Il allait évoluer en un auteur de best-seller de fictions, mais avec des attaques venimeuses et mal informées contre Trotsky et les trotskistes en général. Il récemment comparé Trotsky à un étudiant insupportable : « imaginez l’étudiant radical le plus classe-moyenne, le plus détestable que vous ayez jamais rencontré – acerbe, railleur, arrogant, égoïste »… [Sunday Times, 18 Octobre 2009.] Il était un commentateur bien plus exact il y a 20 ans qu’aujourd’hui. Kinnock a aussi appelé les partisans du non-paiement des « révolutionnaires de Jouet-ville », une phrase qu’il avait piochée dans le Sun.

    Tony Benn avait au contraire demandé l’amnistie pour tous ceux qui avaient refusé de payer, ce que Kinnock condamnait en tant qu’indulgence envers ceux qui « violent la loi », impliquant clairement que les non-payeurs seraient attaqués en justice par les conseils « travaillistes ».

    Mais c’étaient les parlementaires travaillistes, même certains de la « gauche », qui n’étaient pas suffisamment résolus à soutenir les millions qui ne pouvaient pas payer, qui rencontraient le plus d’hostilité. Diane Abbott et Brian Sedgemore, deux parlementaires travaillistes, ont été attaqués durant un meeting public par un participant qui criait : « nous vous avons élus et nous pouvons vous révoquer si vous ne vous mettez pas du côté de nous, qui ne payons pas » [Militant 984, 16 Mars 1990.] Un vote à main levée a eu lieu et toute la salle a voté pour ne pas payer, sauf les deux parlementaires à la tribune !

    Le SWP, de son côté, était passé d’un soutient tiède et passif envers la campagne anti-Poll Tax à une opposition à la stratégie du non-paiement. Juste avant la manifestation du 31 mars, ils avaient déclaré dans Socialist Worker [24 mars 1990] : « Le gouvernement a fait le calcul qu’une campagne de non-paiement passive peut s’amenuiser jusqu’à un niveau qu’ils peuvent gérer (…) Les activistes devraient reconnaître qu’une majorité de travailleurs vont probablement ressentir qu’ils n’ont d’autre choix que de payer. Beaucoup vont avoir peur des conséquences des procès et de sombrer dans les dettes. Certains auront peur de perdre leur travail s’ils ont des amendes. »

    Certains commentateurs dans la presse capitaliste étaient à la gauche du SWP ! Victor Keegan écrivait dans le Guardian : « A en juger par l’expérience de l’Ecosse et par les sondages en Angleterre et au Pays de Galles, le nombre de personnes qui refusent de payer atteindra des millions. Parce que la mise en application à cette échelle est impossible, cela ne va pas seulement décrédibiliser la loi, mais va aussi générer une onde de choc contre la taxe chez ceux qui paient pour l’instant. » [Militant, 986, 30 Mars 1990.]

    Le SWP a même argué que sans le soutien des directions syndicales, la campagne ne pouvait pas réussir !

    La manifestation du 31 mars et la démission de Thatcher

    Cela plante le décor de la manifestation de masse du 31 mars 1990. La manifestation en Ecosse s’est déroulée pacifiquement, ce qui n’a pas été le cas à Londres. La responsabilité en incombe strictement au gouvernement et à la police. La manifestation est devenue le paratonnerre de tous les éléments de la société mécontents et assoiffés de revanche contre Thatcher : Les SDF, les jeunes chômeurs, les opprimés et les indigents, les mineurs comme les imprimeurs, et tous ceux qui avaient senti Thatcher leur marcher sur les pieds.

    Cependant, le défilé était complétement pacifique, comme un début de carnaval. Au moment où la tête du cortège est arrivée à Trafalgar Square, il y avait eu une seule arrestation. Le Square fut bientôt rempli au maximum et la queue du cortège n’avait pas encore quitté Kennington Park !

    Une poignée d’anarchistes, rejoints par des membres du SWP, étaient impliqués dans des affrontements avec la police mais la majorité écrasante dans la plus grande manifestation de l’Histoire Britannique (jusqu’à la manifestation contre la guerre en 2003) avait accepté la décision de la Fédération en faveur d’une grande manifestation démocratique et pacifique.

    « L’émeute » de la manif du 31 mars était l’un des évènements les plus importants de l’Histoire du mouvement ouvrier au 20ème siècle. En elle-même, elle n’en a pas fini avec la Poll Tax de Thatcher, comme l’a prétendu le SWP, entre autres. L’honneur de cet accomplissement appartient à l’armée de 18 millions de personnes qui ont refusé de payer et qui ont fusionné en une force imbattable.

    Mais ces manifestations puissantes du 31 mars étaient l’expression visible et spectaculaire, pour la classe dirigeante britannique et pour le monde, de l’échelle de l’opposition à la Poll Tax et de la haine bouillonnante contre Thatcher et son gouvernement. Cela a marqué le début de la fin pour Thatcher elle-même.

    Cette dernière a déclaré dans ses mémoires : « Pour la première fois un gouvernement avait déclaré que toute personne qui pouvait raisonnablement se le permettre devrait payer au moins quelque chose pour l’entretien des infrastructures et pour les services dont ils bénéficient. Une classe entière de personnes – une « sous-classe » si vous voulez – avait été attirée dans les rangs de la société responsable et il leur était demandé de devenir non plus seulement des dépendants, mais des citoyens. Les émeutes violentes du 31 mars à Trafalgar Square furent leur réponse et celle de la gauche. Et l’abandon de ce changement représentait l’une des plus grandes victoires jamais concédée par un gouvernement conservateur à ces gens. [Margaret Thatcher: The Downing Street Years, page 661]

    Suite aux actions de la police, qui avait délibérément provoqué et attaqué les manifestants, Militant et les organisateurs de la manifestation ont été accusés d’être « anti-démocratiques ». Les sectaires ultragauchistes et les anarchistes, de l’autre côté, accusaient les partisans de Militant de « collaborer avec la police ». Tout cela est totalement faux. Tommy Sheridan et d’autres dirigeants ont été à une énorme majorité réélus à la tête de la All-Britain Anti-Poll Tax Federation.

    Un jeune de 19 ans qui manifestait pour la première fois refléte l’état d’esprit avec bien plus de fidélité : « J’espère que dans 20 ans, je pourrais regarder derrière moi et être fier d’avoir été l’enfant d’une révolution mondiale et dire à mes enfants : « j’étais là, j’ai vu ce qu’il s’est passé, j’ai vu Thatcher tomber ! »[Militant 988, 13 April 1990.] Il aura encore à attendre pour que la première partie de sa prédiction se réalise mais Thatcher est effectivement tombée et ce n’était pas grâce au TUC ni à la direction officielle du Labour.

    4 jours après cette manifestation épique, le TUC a tenu un rassemblement contre la Poll Tax ; dans une salle de 3000 places, 800 personnes sont entrées, des dirigeants syndicaux pour la plupart. La marche prévue a été annulée parce qu’il n’y avait pas suffisamment de monde ! Il n’y aurait pu y avoir de contraste plus frappant entre les organisations et manifestations de masse menées par des marxistes et l’impuissance des syndicats officiels et de la direction du Labour.

    Mais la manifestation du 31 mars seule n’aurait pas suffi à faire plier le gouvernement ni à faire reculer Thatcher.

    Il a fallu pour cela une très longue campagne de non-paiement, où 18 millions de personnes ont refusé de payer. Elle s’est accompagnée de grèves, des travailleurs du public de Glasgow notamment. Les tribunaux de la Poll Tax ont frappé pour la première fois en Angleterre sur l’Ile de Wight. La Cour a prononcé 1800 sentences pour non-paiement ! Alison Hill en a conclu : « en se basant sur cette expérience, je ne peux pas imaginer comment des procès pourrait réussir à se tenir ailleurs ». [Militant 996, 8 Juin 1990.] En effet, la « guérilla » sociale se déployait, et c’était pour durer.

    Le Guardian a admis que ce non-paiement atteignait « 40 à 50 % dans plusieurs grandes villes ». A Londres, ce taux était bien plus élevé encore. Un correspondant commentait : « je savais que Thatcher était foutue dès que j’ai lu que, selon les chiffres officiels, un tiers de la population de Tunbridge Wells ne payaient pas ! » Jeffrey Archer ruminait publiquement : « Si nous pouvions revenir en arrière, je ne pense pas que beaucoup d’entre nous auraient soutenu la Community Charge [Poll Tax]. C’était une grossière erreur. » [Militant 997, 15 juin 1990.]

    Menacée par la campagne du non-paiement, Thatcher a été forcée de quitter son poste et ses héritiers au gouvernement de John Major ont dû supprimer la Poll Tax.

    Mais ce n’est pas sans que des méthodes brutales aient été utilisées pour essayer d’imposer la Poll Tax, avec le recours aux sheriffs en Ecosse et aux bailiffs en Angleterre et au Pays de Galles (contre lesquels il y eut une résistance massive, menée par Militant) ou encore l’emprisonnement des dirigeants du mouvement, comme nous l’avons déjà mentionné.

    Bien qu’officiellement morte, la Poll Tax n’était toutefois pas encore enterrée. En effet, 8 mois plus tard, des non-payeurs étaient encore poursuivis pour les arriérés.

    117 personnes avaient été emprisonnées avant novembre 1991 par 40 conseils, dont 26 contrôlés par le Labour. Au moins 10 retraités ont reçu des sentences d’un total cumulé de 366 jours et 10 femmes ont été emprisonnées. Parmi elles était Janet Gibson (partenaire d’un des dirigeants de la grève de Lindsey en 2009), de Hull, qui refusait de payer sa Poll Tax et a été emprisonnée 2 semaines. D’autres partisans de Militant ont été emprisonnés, comme Eric Segal, Ruby et Jim Haddow, Anne Ursell, Mike O’Connell et beaucoup d’autres personnalités, avec des travailleurs partisans ou non de Militant, mais tous résistants à la taxe. Ils sont allés en prison sans baisser la tête, en défense de leurs idées.

    La fin officielle de la Poll Tax avait en fait mené plus de personnes à refuser de payer. Sans cette lutte, elle existerait probablement encore. C’était le soulèvement de masse, mené par les socialistes et les marxistes conscients, qui a conduit à cette défaite de Thatcher.

    Nous devons en tirer les leçons pour aujourd’hui, afin de nous préparer pour les batailles tumultueuses à venir. Le fil de l’histoire – coupé par l’effondrement du stalinisme – est en train d’être renoué par les batailles actuelles

    (1) Travailleurs agricoles qui s’étaient réunis en syndicat contre la baisse des salaires et ont été déportés pour cela en Australie, en 1833.

  • Comment les marxistes utilisent-ils leurs positions élues pour construire un rapport de forces vers un changement réel ?

    Ce 25 mai, des élus de gauche radicale ont été envoyés aux parlements régionaux de Bruxelles et de Wallonie ainsi qu’à la Chambre, pour la première fois depuis 30 ans. Cette percée remarquable du PTB assure que, désormais, une voix différente se fera entendre tant aux Parlements que dans le débat public.

    Les élus du PTB ont annoncé vouloir être le mégaphone de leurs électeurs. Certains ont rétorqué qu’avec seulement deux députés à la Chambre, quatre au Parlement bruxellois et deux au Parlement wallon, le PTB ne parviendra à rien concrétiser, que figurer dans l’opposition ne permet pas de ‘‘peser’’ sur la politique. Comment la gauche radicale peut-elle utiliser sa position pour, avec la classe des travailleurs, renforcer la lutte anti-austérité ? Comment quelques élus peuvent-ils déterminer le ton de l’agenda politique ? En guise de contribution à cet important débat, nous avons voulu aborder quelques exemples de la manière dont le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) a utilisé et utilise ses positions élues.

    À Seattle, aux Etats-Unis, Kshama Sawant a frappé fort l’an dernier en recueillant 95.000 voix et en faisant son entrée au conseil de la ville, où ne siègent que neuf élus au rôle comparable à celui d’un échevin en Belgique. Notre camarade Bart Vandersteene a plusieurs mois à Seattle et livre ici un rapport de la manière dont la position de Kshama a été utilisée dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum à 15 $ de l’heure.

    En Irlande, nos camarades du Socialist Party n’ont pas su répéter leur succès des élections européennes de 2009, lorsqu’ils étaient parvenus à prendre l’un des sièges en lice à Dublin. Ces cinq dernières années ont toutefois clairement illustré ce qu’un élu de gauche radicale peut faire comme différence au Parlement européen. Notre parti frère irlandais possède une vaste expérience dans ce domaine. Lors des dernières élections législatives partielles de mai, Ruth Coppinger est d’ailleurs venue rejoindre Joe Higgins au Parlement irlandais. Ces cinq dernières années, Finghin Kelly était collaborateur au Parlement européen pour le Socialist Party, il nous parle ici de cette expérience.

    Enfin, nous tenons à revenir sur un cas plus historique, celui de la lutte de Liverpool où, entre 1983 et 1987, un conseil municipal de gauche radicale était au pouvoir. Que peuvent réaliser les marxistes lorsqu’ils disposent d’une majorité dans une grande ville ? Le contraste est frappant avec, par exemple, ce que fait actuellement le SP aux Pays-Bas, devenu partenaire de coalition des libéraux à Amsterdam.

     

    Ces contributions peuvent être d’une grande utilité afin de voir comment utiliser de la façon la plus optimale les positions que le PTB a obtenues aux Parlements.


    Seattle: Comment une élue socialiste a-t-elle pu faire la différence dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum ?

    Par Bart Vandersteene

    “La guerre du salaire”

    Pour la première fois depuis des décennies, un élu de gauche radicale se réclamant du socialisme est arrivé au Conseil d’une ville américaine majeure. L’élection de Kshama Sawant à Seattle en novembre dernier est loin d’être passée inaperçue… Depuis lors, le plus haut salaire minimum de tout le pays y a été instauré. Nul doute que l’élection de Kshama Sawant et le rôle joué par Socialist Alternative ont été décisifs dans ce domaine.
    Les lecteurs réguliers de Lutte Socialiste ou de socialisme.be ont déjà pu à de nombreuses reprises prendre connaissance de la situation particulière qui s’est développée à Seattle. Deux permanents du PSL s’y sont d’ailleurs rendus afin de profiter de cette expérience et d’aider à construire notre organisation-sœur, Socialist Alternative, qui connaît actuellement une croissance impressionnante.

    Sans exagérer le moins du monde, nous pouvons affirmer que l’élection de Kshama Sawant a constitué un véritable tournant pour la gauche américaine. Un intense débat a éclaté concernant les initiatives que la gauche devrait prendre aux Etats-Unis pour enfin être un réel joueur sur le terrain politique.

    L’élection d’une militante se réclamant du socialisme n’est pas passée inaperçue, c’est certain, mais ce qui a véritablement frappé les esprits, c’est que six mois plus tard à peine, la ville avait déjà accepté de relever le salaire minimum jusqu’à 15 $ de l’heure, même si ce n’est pas d’un seul coup. Avec cette victoire, Kshama Sawant et Socialist Alternative sont devenus un repère pour des dizaines de milliers de militants actuellement à la recherche d’une stratégie destinée à défendre une alternative au capitalisme. Même les médias internationaux ont couvert l’événement, qui a figuré dans les pages du Guardian, de l’Indian Times de même que dans des journaux allemand, français, danois, israéliens,…

    Mais avant le vote du Conseil sur les 15 $, seuls les journalistes locaux reconnaissaient l’importance de ce qui était en train de se passer. Le Seattle Times, journal difficilement soupçonnable de sympathies de gauche, écrivait déjà en avril : ‘‘Si le conseil décide d’établir le salaire minimum à 15 $ au cours de ces prochains mois, alors Sawant pourra à juste titre en prendre le crédit et commencer à déterminer l’agenda politique de la ville.’’
    Kshama n’a pas marqué de son empreinte l’agenda politique en convainquant les huit autres conseillers à l’aide de bons arguments ; elle a forcé l’establishment politique à accorder des concessions en mobilisant l’opinion publique et en construisant un mouvement par en bas. Sa campagne électorale avait pour revendication centrale l’instauration d’un salaire minimum de 15 $ et l’approche offensive de Socialist Alternative a forcé les deux candidats à la mairie à se prononcer sur la question. Le vainqueur, Murray, a été contraint de la soutenir du bout des lèvres.

    Une semaine après sa prestation de serment au Conseil, une réunion a rassemblé 250 participants et a lancé la campagne ‘‘15 NOW’’ (15 maintenant). Ces derniers mois, des dizaines d’activités et de réunions ont eu lieu en vue de consolider et de renforcer le large soutien à la revendication des 15 $, soutenue à 68% selon un sondage réalisé en janvier. En mars, il s’agissait de 72%.

    Tout en continuant à mener campagne, Sawant et ‘‘15 NOW’’ avaient averti le maire qu’il avait jusqu’au mois d’avril pour trouver une proposition concluante, faute de quoi ‘‘15 NOW’’ allait lancer une campagne de récolte de signatures pour obtenir l’organisation d’un référendum contraignant en novembre, sur base d’une proposition de ‘‘15 NOW’’.

    Le 1er mai, le maire a annoncé qu’il avait conclu un compromis avec les représentants des entreprises, des syndicats et une majorité des conseillers. Les 15 $ de l’heure seront bien introduits, mais sur une période de 2 à 6 ans en fonction de la taille de l’entreprise. Après deux ans, le montant sera ajusté pour tenir compte l’inflation. Pour 2025, le salaire minimum devrait être de 18 $ de l’heure (actuellement, le salaire minimum fédéral est de 7,25 $).

    Plusieurs conseillers ont, en concertation avec le patronat, tenté d’affaiblir la proposition initiale de ‘‘15 NOW’’. La seule raison pour laquelle ils n’ont pas osé y aller plus franchement est la menace des prochaines élections, où ils craignaient d’être trop largement considérés comme de vulgaires hommes de paille des 1% les plus riches.

    La proposition finalement retenue n’est pas conforme à 100% à celle défendue par Kshama, mais elle reste une avancée majeure ainsi qu’une grande victoire qui indique comment une position élue peut être utilisée pour renforcer la lutte et arracher des conquêtes sociales. Le journaliste indépendant Arun Gupta avait ainsi décrit la dynamique à l’œuvre : ‘‘C’était impressionnant de voir comment Socialist Alternative combinait efficacement ses tactiques à l’intérieur et à l’extérieur du Conseil. C’était un jeu d’échecs, chaque mouvement de la mairie et des entreprises recevait une réponse de ‘‘15 NOW’’. La position de Sawant à la table des négociations a été renforcée par des manifestations et des actions.’’

    Al-Jazeera América a écrit : ‘‘La victoire de Sawant a démontré qu’être socialiste n’est plus un inconvénient pour les élections. La campagne pour les 15 $ de l’heure a en outre fourni un modèle de démocratie par la base qui va à l’encontre du processus politique contrôlé par les entreprises. Les observateurs s’attendent à ce que la loi puisse passer fin mai. Si cela se produit, la victoire – même sans être complète – confirmera la méthode de Socialist Alternative, renforcera cette organisation et créera plus d’espace pour la politique socialiste aux États-Unis’’ (21 mai 2014).

    Lors du vote final au Conseil, le 2 juin, Kshama Sawant a clôturé son discours comme suit : ‘‘Le message d’aujourd’hui est clair : si nous nous organisons en tant que travailleurs avec une stratégie socialiste, nous pouvons combler le fossé des inégalités de revenus et nous attaquer à l’injustice sociale. Les 15 $ à Seattle ne sont qu’un début. Nous avons tout un monde à gagner.’’

    Plus d’infos sur le rôle joué par Kshama Sawant et Socialist Alternative à Seattle.


    Irlande. Des élus pour renforcer la résistance de terrain contre la politique antisociale

    Par Finghin Kelly

    Joe Higgins

    Le parti-frère irlandais du PSL a remporté son premier siège au Dáil (parlement) en 1997. En 2011, le parti a gagné deux sièges aux élections législatives et, récemment, en a obtenu un de plus lors d’une élection partielle. Le Socialist Party irlandais a également eu un député européen de 2009 aux récentes élections de mai.

    Le Socialist Party est également représenté dans des conseils locaux depuis 1991. Il est à la base de l’Alliance Anti Austérité (AAA) qui vient de remporter 14 conseillers municipaux (9 d’entre eux étant membres du Socialist Party) siégeant désormais dans les trois principales villes de la république irlandaise.

    Durant toute cette période, le Socialist Party a été confronté à de nombreux défis dans l’utilisation de ses élus. Les années ’90 et le début des années 2000 furent une période marquée par un dramatique tournant vers la droite au sein du Parti Travailliste irlandais (de même que dans le reste de la social-démocratie, comme le PS en Belgique), qui s’est transformé en un parti entièrement pro-capitaliste et appliquant le néolibéralisme. Un processus similaire avait également pris place dans la majorité des directions syndicales, qui ont abandonné l’idée de mener une lutte conséquente pour défendre les intérêts de la classe des travailleurs tout autant que celle qu’une alternative au capitalisme était possible.

    Ces dernières années, le capitalisme irlandais a connu une crise profonde. Les banques irlandaises ont été renflouées par le contribuable à hauteur de 64 milliards € et un vicieux plan d’austérité a été mis en place par l’ensemble des partis traditionnels. Les conditions de vie des travailleurs se sont effondrées tandis que l’émigration et le chômage ont atteint un niveau record.

    Dans ce contexte, les principales tâches qui nous faisaient face avec nos représentants élus étaient de défendre et de populariser les idées du socialisme en tant qu’alternative à la crise, d’entrer en confrontation avec l’establishment politique capitaliste et de s’en prendre aux conséquences de leurs politiques en organisant à la rage et l’opposition des travailleurs.

    L’histoire nous a démontré que toutes les conquêtes sociales acquises par la classe des travailleurs ont été obtenues grâce à l’organisation et à la pression exercée sur la classe capitaliste et ses partis. Chaque victoire obtenue au Parlement n’a été possible que grâce à ce genre de mouvement. Nous avons donc toujours visé à utiliser nos représentants comme bras politiques du mouvement à l’extérieur de la Chambre. C’est ce qui a constitué notre force : faire d’une part entendre la voix des travailleurs et défendre les idées du socialisme à l’intérieur du Parlement et, d’autre part, avant tout utiliser ces élus afin d’aider à organiser la lutte à l’extérieur du Parlement.

    Paul Murphy

    Dans le cadre du mémorandum de la troïka, le gouvernement irlandais a instauré une taxe injuste sur chaque maison, sans tenir compte des moyens de ses occupants. Une campagne de boycott de masse a suivi, soutenue et construite par le Socialist Party. Nos élus ont été une sorte de mégaphone pour la campagne. Notre député européen, Paul Murphy, a même déchiré son formulaire de taxe au Parlement européen au cours d’un débat avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Nos élus ont été d’une grande assistance pour la campagne. Nos ressources (bureaux, capacités d’impression, etc.) ont été utilisées pour construire une campagne nationale de masse. Le bureau de Paul Murphy à Dublin a par exemple été occupé par des volontaires de la campagne afin d’y organiser des réunions et des actions dans tout le pays, tout en servant de centrale téléphonique pour de la campagne.

    Nos élus n’ont jamais cessé leur activité dans le mouvement. En 2003, dans une campagne du même type, notre député Joe Higgins a même été emprisonné un mois après avoir défié une décision judiciaire interdisant les manifestations.

    Pour le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), il est normal que les représentants des travailleurs n’aient pas un style de vie plus aisé que celui des travailleurs. Ses représentants vivent donc avec le salaire moyen d’un travailleur. Le député européen Paul Murphy a ainsi vécu comme un jeune travailleur irlandais; en gardant 1.800 euros par mois de son salaire de parlementaire de 6.300 euros. Le reste a été donné à des travailleurs en grève, des campagnes anti-austérité, etc.

    Beaucoup d’exemples peuvent encore illustrer comment des élus peuvent efficacement aider les travailleurs en lutte. En 2005, par exemple, Joe Higgins a fait entrer au Dáil la question de l’exploitation des travailleurs turcs et kurdes chez Gama Construction. En plein boom du secteur immobilier, ils ne recevaient qu’un salaire de 2 ou 3 € de l’heure ! Ces travailleurs se sont mis en grève, et notre travail au Dáil a permis d’exercer une pression politique sur le gouvernement irlandais et de faire débarquer la thématique dans les médias, jusque-là réticents. Ce fut un point tournant pour leur lutte.

    Plus d’infos.


    Liverpool : La ville qui a défié Thatcher

    Dès le printemps 1984, la ville de Liverpool a connu un mouvement de masse dirigé par les membres de notre parti-frère anglais, alors organisés au sein du Parti Travailliste autour du journal “Militant”. À Liverpool, leur tendance était même la force dirigeante du parti travailliste.

    À ce moment-là, les administrations locales se voyaient contraintes par le gouvernement central d’exécuter d’importantes coupes budgétaires. Mais il n’en a pas été ainsi à Liverpool grâce à un conseil communal dont la direction, le programme et les tactiques avaient été élaborés par l’organisation trotskyste ‘‘Militant’’. Même si les membres de Militant étaient en minorité au conseil, ce sont leurs propositions d’actions et idées qui étaient acceptées. Ils ont défendu la nécessité d’un budget basé sur la satisfaction des besoins des habitants. Les rentrées étaient insuffisantes face aux dépenses prévues, mais une large campagne a été initiée pour contraindre le gouvernement à accorder plus de ressources aux localités.

    La majorité travailliste à Liverpool, élue en mai 1983, est revenue sur les 2.000 licenciements de travailleurs municipaux effectués par la précédente administration travailliste. Elle a aussi décidé de lancer un plan de construction de 5.000 nouveaux logements sociaux en quatre ans. Plus de logements sociaux ont été construits à Liverpool sur cette période que dans toutes les autres communes du pays ! 12.000 emplois ont ainsi été créés dans le secteur du bâtiment à un moment où le taux de chômage était à plus de 25 % à Liverpool, voire même à 90 % parmi la jeunesse de certains quartiers. Le salaire minimum des employés communaux a été relevé de 100 livres par semaine, et le temps de travail est passé de 39 à 35 heures par semaine, sans perte de salaire.

    “Better break the law than break the poors” – “Mieux vaut briser la loi au lieu de briser les pauvres”

    Avec ses 30.000 travailleurs, la ville était le plus grand employeur de la région. Mais si Liverpool avait avalé la logique d’austérité que voulait lui imposer le gouvernement, le budget pour 1984 aurait dû être de 11 % inférieur à celui de 1980-81. 6.000 emplois auraient dû disparaitre pour que le budget soit à l’équilibre.

    Le gouvernement a lancé une campagne complètement massive contre Liverpool dans les médias, campagne plus tard suivie par la direction nationale du Parti Travailliste. Plus d’une fois, Thatcher a menacé d’envoyer l’armée pour expulser les élus locaux. Dans un courrier des lecteurs dans les pages d’un journal local, un homme avait réagi en disant : ‘‘Je ne sais pas qui était Léon Trotsky, mais à en juger par le nombre de maisons qui ont été construites à Liverpool, ce devait être un fameux maçon !’’

    Le 29 mars 1984, jour où devait être voté le budget d’austérité du gouvernement, une grève générale locale de 24 heures, une des plus grandes grèves jamais vues à l’échelle d’une ville, et 50.000 personnes ont manifesté en direction de l’hôtel de ville afin d’exprimer leur soutien au conseil ! Le 9 juin 1984, le gouvernement a fait toute une série de concessions d’une valeur totale de 16 millions de livres, entre autres parce que les mineurs étaient eux aussi partis en grève. Thatcher savait qu’elle ne pouvait obtenir aucune victoire en se battant sur deux fronts à la fois, et a décidé de tout d’abord se concentrer sur les mineurs.

    Finalement, les “47” de Liverpool (les 47 conseillers travaillistes qui ont mené la lutte jusqu’au bout) ont été démis de leurs fonctions par un tour de passe-passe juridique suite à une alliance conclue entre Thatcher et la direction nationale travailliste, horrifiée par le soutien que commençaient à gagner la ‘‘Tendance Militant’’. La section locale du parti à Liverpool a été dissoute puis placée sous un contrôle hiérarchique très strict. Ce n’était que le début d’une sorte de contre-révolution politique au sein du Parti Travailliste arrivée à sa conclusion logique sous Tony Blair, le parti devenant totalement pro-capitaliste.

    Version raccourcie d’un précédent article.

  • Israël-Palestine : Escalade de violence

    Extraits d’une série d’articles du site du Mouvement Socialiste de Lutte, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Israël-Palestine. Cet article est paru ce mardi 8 juillet sur le site du CIO, socialistworld.net.

    Au moment de publier cet article, le gouvernement israélien venait de lancer une nouvelle série de frappes aériennes et de bombardements sur la population assiégée de Gaza, au nom de l’opération “protective edge”. Depuis le début de cet assaut, le nombre de morts dans la bande de Gaza a dépassé la dizaine, dont deux enfants de moins de cinq ans. Au moins 75 Palestiniens ont été blessés depuis lundi. Il s’agit d’une nouvelle étape de cette escalade de violence de la part du gouvernement israélien qui menace de déboucher sur un conflit plus large.

    Le Premier ministre israélien Netanyahu et d’autres ministres du gouvernement se sont sentis obligés de condamner l’effroyable assassinat d’un adolescent palestinien, Mohammad Abou Khdeir, à Jérusalem-Est. Mais ce ne sont que des larmes de crocodiles. Les tragiques événements de ces dernières semaines reflètent les conséquences de leur politique d’occupation répressive continuelle sur les territoires palestiniens ainsi que leur programme agressif basé sur les colonies juives.

    Les incitations nationalistes israéliennes à la vengeance après l’assassinat brutal de trois adolescents israéliens, dont les corps ont été retrouvés le 30 juin dernier, ont été exprimées tant par Netanyahu que par d’autres représentants des partis au pouvoir. Ils veulent détourner l’attention de l’échec de leurs politiques et des conséquences catastrophiques qui en découlent. Ce gouvernement tout entier acquis à la défense des grandes entreprises et des colonies a maintenant bien du mal à garder le contrôle des événements qui ont surgi à la suite de ses actes.

    Une série d’attaques racistes commises à Jérusalem par des nationalistes israéliens d’extrême droite contre des travailleurs palestiniens et des passants – ce qui a notamment conduit à l’assassinat d’Abou-Khdeir le 2 juillet – a suscité une vague d’indignation, de protestations et d’émeutes dans les communautés palestiniennes de certaines régions d’Israël. Il s’agit du plus grand mouvement de protestation parmi les Arabes d’Israël depuis des années.

    Il y a également eu des manifestations et des rassemblements réunissant Juifs et Arabes à Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa afin de s’opposer tant aux attaques d’extrême droite qu’au gouvernement.

    A mesure que les protestations palestiniennes se développaient, les médias israéliens se sont empressés d’accorder une grande attention aux cas les plus inquiétants de destruction de biens et d’attaques contre les Juifs, tout en minimisant le contexte d’incitation à la haine, de discrimination, d’agressions racistes et de colère contre l’occupation qui a conduit à ce que l’indignation s’exprime dans les rues.

    Les politiques gouvernementales sont responsables du terreau sur lequel s’est développé la colère qui émerge dans les événements actuels : occupation et blocus continuels dans les territoires palestiniens, grave discrimination contre les communautés arabes israéliennes dans tous les domaines et constante incitation aux attaques racistes. Les jeunes palestiniens voient leur avenir grossièrement bafoué par ce gouvernement de droite israélien, et ils sont descendus dans les rues afin de manifester d’exprimer leur rage et leur frustration.

    Les offensives du gouvernement

    Après avoir appris l’enlèvement des trois jeunes israéliens, le gouvernement Netanyahou a profité de l’événement pour promouvoir son agenda politique, en favorisant une atmosphère de propagande nationaliste, notamment afin de démanteler le gouvernement de coalition de l’Autorité palestinienne qui réunit le Fatah et le Hamas.

    Les services de renseignement israéliens ont suggéré que deux suspects des meurtres – qui n’avaient pas encore été pris – étaient de jeunes activistes du Hamas de Hébron. Le Hamas a toutefois nié toute responsabilité. Il est tout aussi possible que certains de ses partisans aient agi sans le consentement de leurs dirigeants ou encore que des personnes extérieures au Hamas aient commis ces meurtres.

    Le gouvernement a lancé une campagne militaire de punition collective dans les territoires occupés. Plusieurs palestiniens, principalement des jeunes, ont été tués par l’armée israélienne au cours des raids lancés sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza.

    Les menaces de destruction des maisons des familles des suspects et la décision de démolir la maison de la famille de l’assassin d’un officier de police abattu près de Hébron sont des punitions collectives brutales contre des parents qui n’ont été reconnus coupables d’aucune infraction. Lors d’une de ces attaques, un bébé d’un mois a été blessé.

    Ces démolitions ne vont jamais “dissuader” l’organisation d’attaques terroristes; en fait, l’expérience démontre que cela est au contraire susceptible de renforcer la motivation des couches les plus désespérées de la société palestinienne pour mener des actes de représailles. Cette politique est principalement utilisé pour détourner l’attention de l’échec de la stratégie sécuritaire du gouvernement Netanyahu. Des mesures similaires n’ont jamais été infligées aux familles des tueurs juifs israéliens tels que Baruch Goldstein, un terroriste d’extrême droite qui a perpétré le massacre du Tombeau des Patriarches à Khalil / Hébron en 1994. Il avait tué 29 Palestiniens et en avait blessé plus de 120.

    Les tentatives des autorités israéliennes visant à ”décourager” les Palestiniens de commettre des attentats, des enlèvements et des tirs de roquettes ont largement prouvé leur faillite. Des milliers de personnes ont perdu la vie des mains des forces israéliennes sans qu’aucun problème n’ait été résolu. Toute cette ”guerre contre le terrorisme” des gouvernements pro-Big Business et pro-colonies n’a eu pour effet que plus de sang soit versé et que la situation soit encore plus compliquée.

    Au cours de la première Intifada palestinienne, en 1987-1993, le gouvernement israélien a essayé de renforcer le parti islamiste de droite Hamas afin de contrer les organisations palestiniennes laïques qui réclamaient la fin de l’occupation. Maintenant, le gouvernement est en guerre contre le Hamas, causant une détresse et un deuil inimaginable pour les Palestiniens, de la bande de Gaza en particulier. Cela pose les bases de la croissance de nouvelles organisations réactionnaires, y compris de groupes de type al-Qaïda.

    Le danger de l’escalade

    Dans le contexte du Ramadan, de l’instabilité régionale et de la pression internationale sur Israël, il semble que la majorité des chefs de l’armée et du gouvernement préférerait à ce stade d’éviter une escalade militaire majeure. Néanmoins, malgré cette réticence, ils ont décidé de poursuivre leurs attaques militaires sur Gaza, en représailles de l’augmentation des tirs de roquettes. Les troupes sont mobilisées le long de la Bande de Gaza et des réservistes ont été rappelés.

    Le gouvernement peut aussi répondre aux exigences du ministre Naftali Bennett et du conseil de Yesha (pro-colonies) en favorisant une nouvelle vague de construction de colonies. Netanyahu a parlé de l’établissement d’une nouvelle colonie au nom des adolescents israéliens assassinés, exploitant ainsi leurs décès afin de promouvoir l’agenda politique des colons de droite.
    Le danger d’une escalade de la violence dans les jours et semaines à venir est important, que ce soit à la suite d’attaques militaires, de répression policière des manifestations ou d’autres attaques terroristes.

    Les ministres Avigdor Lieberman et Naftali Bennett essayent de mobiliser un soutien en exploitant de façon raciste les sentiments de choc et d’insécurité de la population juive à l’aide d’une démagogie nationaliste. Tous deux plaident pour une offensive militaire majeure sur la Bande de Gaza. Ils appellent en d’autres termes à plus d’effusions de sang. Cela ne résoudra rien, mais causera simplement plus de perte humaines et de traumatismes. Les Gazaouis en souffriraient le plus, et de loin, mais la population israélienne n’échapperait pas à l’effusion de sang, comme en témoignent les tirs de roquettes.

    Lieberman, ministre des Affaires étrangères, a déclaré la fin de l’alliance de son parti avec le Likoud de Netanyahu sur base du désaccord concernant la politique à mener à Gaza. Lieberman a également utilisé la tension actuelle pour revenir sur l’idée de l’annexion par la force des communautés arabes en Israël vers un futur Etat palestinien. Il ne veut pas reconnaître les droits des citoyens palestiniens d’Israël et ne veut pas que ces collectivités soient en mesure de décider démocratiquement de participer ou non à la construction d’un Etat palestinien. Son objectif est de supprimer la minorité palestinienne en Israël.

    Toutefois, reflétant l’inquiétude d’une partie de l’élite israélienne, l’ancien chef des services de sécurité israéliens Yuval Diskin a accusé vendredi dernier le gouvernement de “la détérioration rapide de la situation en matière de sécurité” et a attaqué “l’illusion que tout peut être résolu avec un peu plus de force; l’illusion que les Palestiniens vont simplement accepter tout ce que nous faisons en Cisjordanie et ne pas réagir malgré leur colère, leur frustration et l’aggravation de la situation économique; l’illusion que la communauté internationale ne va pas imposer de sanctions contre nous, l’illusion que les citoyens arabes d’Israël ne vont pas descendre dans la rue en l’absence de solution pour leurs problèmes, l’illusion que l’opinion publique israélienne continuera d’accepter docilement les réponses incompétentes du gouvernement face à la fracture sociale que ses politiques n’ont fait qu’empirer alors que la corruption continue de ronger tout ce qui est bon, et ainsi de suite.” Il a averti que même si le calme revient “les vapeurs combustibles ne vont pas se dissiper, et si nous ne les dissipons pas, il y aura une situation encore plus grave à l’avenir.”

    Le développement des protestations

    Les actes désespérés de vandalisme et les attaques nationalistes contre des civils par une petite minorité de manifestants ne vont pas aider à l’arrivée d’un changement de politique de la part du gouvernement. Les conditions de vie des jeunes Palestiniens ne vont pas s’améliorer de cette manière. Ces actes vont aliéner les la population qui en est victime, et ce sera utilisé par le gouvernement comme excuse pour une répression plus sévère des manifestants au nom de la ”tolérance zéro”.

    Cependant, l’ampleur des protestations palestiniennes en Israël met en lumière non seulement la frustration et la détresse présentes, mais aussi sur le potentiel pour une lutte plus large contre le gouvernement, contre les attaques anti-palestiniens et contre l’occupation. Cette lutte nécessite la construction d’un grand mouvement de protestation organisé démocratiquement et unissant Juifs et Arabes sur base d’un programme et d’actions destinées à sérieusement inquiéter le gouvernement israélien et l’extrême droite.

    La mise en place de comités d’action dans les communautés où les manifestations se déroulent pourrait aider à organiser des mesures plus audacieuses pour faire avancer la lutte, avec notamment la construction de comité d’auto-défense démocratiquement élus pour faire face à la répression de l’Etat et pour prévenir les manifestations de finir en émeutes auto-destructrices et en attaques physiques nationalistes. Ces comités pourraient développer un ensemble de revendications pour la paix et la résolution des problèmes sociaux, ce qui pourrait mobiliser une large couche de Juifs et d’Arabes pour des manifestations communes, base pour la création de comités de travailleurs et d’organisations étudiantes.

    Beaucoup d’Israéliens détestent la barbarie de l’extrême droite et en ont assez des politiques gouvernementales qui n’ont apporté qu’un autre cycle de violence alors que la crise sociale s’approfondit. Un récent sondage a démontré un soutien croissant pour le parti travailliste et le Meretz, ce qui indique que malgré la réaction nationaliste actuelle, certaines couches de l’opinion publique israélienne sont intéressées par des partis considérés comme étant de gauche. Les sondages d’opinion continuent aussi d’indiquer que la majorité de la population israélienne soutient le démantèlement des colonies et la fin de l’occupation.

    Le Mouvement Socialiste de Lutte soutient la nécessité de la création d’un nouveau parti de lutte des travailleurs réunissant Juifs et Arabes afin de défendre les intérêts de tous les travailleurs et de mettre en avant une alternative socialiste claire contre l’inévitable tragédie d’une société aux mains des capitalistes et de la droite nationaliste.

    Nous exigeons :

    • Le renforcement des protestations contre l’extrême droite et le le gouvernement pro-capitaliste et pro-colonies de Netanyahu. Pour des manifestations conjointes de Juifs et d’Arabes – Non aux agressions nationalistes ! Pour la création de comités d’action dans les communautés où les manifestations ont lieu afin d’aider à l’organisation de la lutte.
    • Pour le droit de protester, pour la fin des brutalités policières. Pour un contrôle démocratique sur la police, en les soumettant à un contrôle démocratique exercé par des comités de police communautaires. Pour le retrait des policiers racistes.
    • Pour le retrait de l’armée des territoires palestiniens! Pour la fin de l’occupation et des colonies, pour la fin du siège de Gaza. Le conflit national ne sera pas résolu par des moyens militaires!
    • Pour la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. Pour un procès équitable des palestiniens et Israéliens soupçonnés d’atrocités dans le cadre du conflit, à travers des tribunaux publics, sous la supervision de représentant des travailleurs et des communautés des deux parts du conflit, avec l’implication des familles de victimes israéliennes et palestiniennes.
    • Pour un Etat indépendant palestinien socialiste et démocratique, au côtés d’un Isralël socialiste et démocratique, avec Jérusalem comme capitale commune, le droit au retour des réfugiés et des droits égaux pour les minorités, dans le cadre de la lutte pour un Moyen-Orient socialiste et pour la paix régionale.

    Unité contre la violence raciste

    • Le 2 juillet, environ 1.000 personnes ont participé à un rassemblement contre la violence nationaliste au centre de Jérusalem à l’appel de la campagne ”la Lumière à la place de la Terreur”. Après cela, des participants ont manifesté jusqu’aux bureaux du Premier ministre pour mettre en lumière la responsabilité de Netanyahu dans les événements actuels, puisqu’il a encouragé la violence de l’extrême droite.

    • Le jour d’après, plus de 1.000 manifestants se sont réunis place d’Habima à Tel Aviv, également afin de s’opposer à l’occupation des territoires palestiniens et à la politique du gouvernement.

    • Le 5 juillet, 300 Juifs et Arabes ont manifesté au centre de Haifa en réponse à une manifestation d’une trentaine de manifestants d’extrême droite qui criaient ”Mort aux Arabes” deux jours avant cela. Parmi les orateurs de cette contre-manifestation se trouvait Shay Galy, du Mouvement Socialiste de Lutte, qui a dénoncé que durant les prétendus pourparlers de paix, le gouvernement a : “en moins de 9 mois, approuvé la construction de 13.000 nouvelles habitations dans les colonies, détruit plus de 500 habitations palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem Est, tué 61 palestiniens et blessé 1.100.” Il a ensuite développé les exigences suivantes : “Non aux attaques militaires à Gaza, non à la continuation de l’oppression en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Oui à une réelle sécurité tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens.”

    • La famille d’un des trois adolescents israélien assassinés a publiquement condamné le meurtre du jeune Palestinien Abu-Khdeir et a contacté sa famille pour livrer ses condoléances. En parallèle, des Palestiniens de la région de Hebron se sont rendus à leur maison (qui ne se trouve pas dans une colonie) pour livrer leurs condoléances.

  • Hong Kong : Un journal pro-Pékin a lancé une attaque contre le CIO

    Le journal pro-Pékin “Ta Kung Pao” a attaqué le parlementaire pro-démocratie Leung Kwok-Hung (connus sous le surnom de Longs Cheveux, en raison de son refus de se couper les cheveux tant que Pékin n’aura pas reconnu le massacre de Tiananmen en 1989) et Socialist Action (section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Hong Kong) dans leur 10ème édition de juin. Ce tissu de propagande dans un journal quotidien tristement connu comme étant le porte-parole de la dictature du Parti Communiste Chinois à Hong Kong est publié au moment où la lutte pour la démocratie à Hong Kong entre dans une phase cruciale, à la veille de la méga-manifestation annuelle du 1er juillet contre le gouvernement. Le régime chinois intensifie sa guerre psychologique contre “l’instabilité politique” et les revendications “illégales” d’élections libres à Hong Kong.

    Dikang, Socialist Action, CIO-Hong Kong

    Socialist Action a exigé un avis juridique sur la nature diffamatoire de l’article tout en menant une défense politique vigoureuse pour exposer ses mensonges.

    Le journal proclame faussement que Longs Cheveux, qui purge actuellement une peine de 4 semaines de prison sur de fausses accusations politiques, a organisé la création de Socialist Action en 2010 pour en faire une force plus extrême dans la lutte pour la démocratie. Des accusations et attaques absurdes de ce type courent tout au long de l’article, qui évoque les spectre des “forces étrangères”, c’est-à-dire le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont Socialist Action fait partie. Ta Kung Pao accuse le CIO de défendre “des méthodes très violentes” et accuses ses sections au Brésil, en Turquie et en Suède d’avoir fomenté les émeutes de l’année passée! C’est classique de la part des journaleux d’une dictature dont le niveau de paranoïa est inégalé quand il s’agit de manifestations de masse, d’idéaux démocratiques et de socialisme authentique.

    La préoccupation de Ta Kung Pao envers la violence mérite un Oscar étant donné leur silence au sujet du massacre militaire des manifestants à Pékin en 1989. Ce journal a attaqué les 180.000 personnes qui ont manifesté cette année en commémoration des victimes du massacre du 4 juin 1989 en qualifiant la manifestation “d’acte de trahison nationale”.

    Fomentation des émeutes

    “Les méthodes d’action du CIO sont très violentes”, affirme l’article. “Le 20 mai 2013, la section suédoise du CIO Rättvisepartiet Socialisterna a initié une manifestation contre les politiques sociales du gouvernement suédois et le manque de services publics. Les manifestants ont mis le feu à des voitures, ont détruit des centres commerciaux et attaqué des postes de police, et cela a mené à 3 jours d’émeutes. Beaucoup de policiers et de passants ont été blessés”.

    Ce n’est qu’un exemple du « journalisme » dérangé de Ta Kung Pao. Les émeutes de l’année dernière à Stockholm ont été déclenchées par le meurtre d’une personne âgée par la police, après des années de racisme et de négligence des infrastructures publiques dans les quartiers ouvriers. La section du CIO a initié un meeting de protestation avec des groupes des communautés locales pour appeler à la fin des incendies et des émeutes tout en critiquant durement la brutalité de la police et les politiques néo-libérales du gouvernement.

    Comme dans des cas similaires en Grande Bretagne, en France et en Chine, le CIO a toujours montré clairement qu’il ne croit pas aux émeutes, même si elles sont des réactions compréhensibles face au capitalisme, au chômage et à la pauvreté. Nous défendons les organisations (des partis ouvriers et des syndicats de lutte) et les méthodes de lutte de masse collectives et disciplinées, comme les grèves et les occupations ouvrières, liées à la défense d’une alternative socialiste au capitalisme.

    Les assertions de Ta Kung Pao sur les manifestations de masse en 2013, actuellement ravivées au Brésil durant la Coupe du Monde, sont encore plus fantastiques ! Déclarant que 300.000 personnes ont participé aux manifestations contre l’augmentation des billets de métro, il dit que le police a utilisé la répression contre les “organisations criminelles” et que “beaucoup de ceux qui ont été arrêtés étaient membres de la section brésilienne du CIO, LSR.”

    Le trotskisme

    L’article continue contre le trotskisme qui est décrit dans des termes quasi-maoïstes comme une tendance “ultra-gauchiste et violente” : “beaucoup de pays les considèrent comme des organisations extrémistes, les pires après les terroristes”. Il attaque la théorie de la révolution permanente, qu’il transforme en doctrine de “l’émeute permanente”. En réalité, la révolution permanente est la conception brillante de Trotsky qui explique pourquoi les capitalistes dans les pays coloniaux et semi-coloniaux sont incapables de remplir les tâches démocratiques bourgeoises comme l’unification nationale ou la résolution des problèmes laissés par la société féodale. Hong Kong, la Chine et beaucoup d’autres endroits en Asie vivent la preuve de l’exactitude des théories de Trotsky, qui explique pourquoi les travailleurs ont besoin d’organiser une alternative socialiste de masse et non pas de laisser les luttes contre la dictature ou contre la domination impérialiste étrangère à une des ailes de la classe capitaliste.

    L’article de Ta Kung Pao fait partie d’une offensive propagandiste plus large du PCC pour discréditer les partis les plus radicaux de la lutte démocratique. Le but est de lier Longs Cheveux au CIO et des les goudronner avec les pinceaux de la “violence” et de “l’extrémisme politique”. Parmi les accusations les plus outrageuses, il affirme que Socialist Action coopère avec Passion Civique, un groupe de droite “nativiste” (nationalistes de Hong Kong) qui mène une vicieuse campagne de diffamation contre Socialist Action. Au contraire, tout en représentant différentes organisations et programmes politiques, Socialist Action et Longs Cheveux ont coopéré dans beaucoup de luttes pour les droits des travailleurs et contre la dictature chinoise.

    La lutte pour la démocratie

    L’offensive propagandiste du PCC est liée à la situation politique plus chargée à Hong Kong et en Chine. Il est plus clair que jamais que Pékin n’a pas du tout l’intention d’autoriser la tenue d’élections libres (au suffrage universel) à Hong Kong en 2017, comme les gens l’ont pensé pendant un moment (mais qui n’a pas été le cas, comme l’avaient prévu les camarades du CIO). Au lieu de cela, ils nous servent un réarrangement du modèle d’élections “contrôlées” actuelles, provoquant une colère généralisée. En juin, le conseil d’état chinois (le cabinet) a dévoilé un Livre Blanc sur Hong Kong qui stipule que “la haute autonomie du territoire n’est pas une autonomie totale”. Ce document, sans précédent depuis la rétrocession de Hong Kong par la Grande Bretagne en 1999, est largement considéré comme la preuve que le gouvernement chinois s’assied sur les revendications démocratiques. Sa publication suit une série d’avertissements des politiciens pro-gouvernement notamment au sujet de la possibilité d’instaurer la loi martiale à Hong Kong et de déployer des troupes pour écraser les manifestations.

    Dans le même temps, les partis d’opposition bourgeois démocratiques (pan-démocrates) ont énormément compliqué la lutte démocratique par leur volonté d’éviter la lutte de masse en plaçant tous leurs espoirs dans un compromis avec le PCC. Les accusations de violence de la part de l’establishment et de journaux comme Ta Kung Pao sont une tentative délibérée d’attaquer les sections les plus radicales de la lutte pour la démocratie, comme Longs Cheveux, et d’augmenter la pression sur l’aile dominante “modérée” des pan-démocrates pour qu’ils se dissocient des méthodes “extrémistes”.

    Ces derniers ont honteusement condamné Longs Cheveux (en présentant une motion contre lui à la législature) quand il a été arrêté et accusé de “dommages criminels” et de “conduite désordonnées” pendant une manifestation en 2011. C’était contre un faux processus de consultation mené par le gouvernement pour resserrer encore les règles électorales, utilisées comme couverture pour plus d’attaques contre les droits démocratiques. Longs Cheveux a été condamné à deux mois de prison (ce qui auraient abouti à la perte de son siège à la législature), peine réduite à 4 semaines en appel.

    Les socialistes contre-attaquent!

    L’attaque de Ta Kung Pao, même si elle est infâme, est une reconnaissance déformée de l’impact de Socialist Action et du CIO à Hong Kong et de la peur de la dictature chinoise des idées socialistes. L’article mentionne la campagne électorale du conseil de district de 2011, quand Socialiste Action a présenté Sally Tang Mei-Ching comme candidate, et mentionne même qu’elle est allée à Taïwan pour le compte du CIO durant le mouvement de masse “tournesol”, au début de cette année.

    L’article réfère aussi à l’appel de Socialist Action au mouvement Occupy Central (un plan visant à occuper les rues du principal quartier d’affaires, dirigé par les pan-démocrates “modérés”) pour adopter un programme et une approche plus combatifs qui comprenne la nécessité de la grève comme une arme-clé dans la lutte contre le PCC, à commencer par un appel à des grèves étudiante. Ta Kung Pao, bien entendu, a déformé cela, espérant faire rimer “grèves” avec “violence” et “extrémisme” – ce qui est la façon dont la dictature et les capitalistes voient vraiment l’utilisation de la grève par les travailleurs aujourd’hui.

    A propos du soutien de Socialist Action à la campagne pour l’Union des Réfugiés à Hong Kong, il affirme que c’était “une utilisation des réfugiés comme hommes de main” pour préparer et radicaliser le mouvement Occupy Central. Les réfugiés, dont l’occupation de 120 jours et le camp contre la discrimination et la corruption a été un modèle de discipline, sont décrits comme des criminels qui correspondent au soi-disant plan de Socialist Action parce qu’ils “ne craignent pas la prison”. Comme avec l’accusation des émeutes à l’étranger, Ta Kung Pao n’a pas donné un seul fait pour appuyer ses accusations.

    Un autre objectif de cet article est de lier Longs Cheveux aux “forces étrangères” sous la forme du CIO et de l’Union des Réfugiés. C’est un des thèmes préférés de la propagande du CCP aujourd’hui, promouvant le nationalisme chauvin chinois et une prétendue conspiration étrangère pour “diviser” la Chine. L’article souligne que Socialist Action a des membres “étrangers” et des liens avec des “organisations étrangères” – ce qui sera illégal si la législation sécuritaire pro-PCC, l’Article 23, est adopté à Hong Kong. Cette législation a été différée pendant 10 ans sous la pression des masses, mais n’a pas été abandonnée par le camp pro-gouvernement.

    Alors que Ta Kung Pao est fortement discrédité à Hong Kong en tant que journal maintenu avec l’argent du PCC, il n’y a aucun échappatoire à la menace implicite de ses attaques contre les camarades du CIO. Hong Kong et la Chine se dirigent vers des temps tumultueux et la dictature identifie et attaque ses ennemis politiques.

    Plutôt que de se laisser intimider, cependant, les socialistes seront encore plus déterminés à lutter pour la démocratie authentique, y-compris des médias démocratiques sous propriété publique, et à construire des organisations de masse de la classe ouvrière et des jeunes et en en finir avec le capitalisme et la dictature.

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