Tag: Bruxelles

  • Parti Socialiste. Quand la Brabançonne remplace l’Internationale…

    Où est le PS depuis six mois ? On serait tenté de dire : aux abonnés absents ! Mais cette discrétion illustre bien son projet politique. Depuis les élections, le PS a assisté – sans doute avec un plaisir gourmand mais en tout cas de manière fort discrète – aux problèmes que rencontrait la coalition Orange bleue. Mais cette discrétion a été sélective. On l’a très peu entendu quand l’Orange bleue a commencé à empiler les propositions les plus antisociales.

    Jean Peltier

    Par contre, Di Rupo est monté aux barricades quand les partis flamands ont voté la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde en Commission de l’Intérieur de la Chambre : agression inqualifiable, insulte aux francophones, atteinte aux droits de l’homme, on en passe et des meilleures. Il a ensuite continué à se profiler avant tout sur le terrain communautaire, en enfourchant le cheval belgicain et en participant à la manifestation pour la défense de l’unité de la Belgique.

    En se profilant comme le super-défenseur des francophones, Di Rupo essaie de redonner au PS son image de « premier parti de la Communauté et père de la nation francophone »… et de mettre en difficulté un Reynders prêt à toutes les concessions à la droite flamande pour pouvoir mettre en place un gouvernement sans le PS. En jouant la défense de la Belgique, il mise sur la peur qui grandit dans la population wallonne et bruxelloise. Et en s’opposant à toute nouvelle avancée de régionalisation, il tente de gagner du temps en espérant que son Plan Marshall permettra dans quelques années de relancer l’économie wallonne.

    Par contre, sa discrétion face aux attaques préparées par l’Orange bleue contre les travailleurs s’explique parce qu’il sait que si celle-ci s’écrase au décollage, le PS pourrait être appelé à participer aux nouvelles négociations gouvernementales dans un contexte où une récession économique approche et où plus de six mois auront été perdus en vaines palabres. Dans ce cas, le PS devrait sans l’ombre d’un doute s’associer à une nouvelle volée de mesures d’austérité. Ce n’est donc pas le moment pour les dirigeants du parti de jouer le mariolle dans les rues aux côtés de la FGTB et de faire de grandes promesses aux travailleurs.

    Il suffit de se rappeler comment Rudy Demotte, quand il est devenu Ministre-Président de la Région wallonne cet été, promettait de refaire de la Wallonie une « terre laborieuse » en « libérant le marché », en « offrant les meilleures conditions aux investisseurs » et en limitant le droit de grève.

    Alors que le SP.a ne jure plus que par le lion flamand, le PS veut nous faire marcher au pas vers un avenir néo-libéral, au son de la Brabançonne et main dans la main avec nos patrons, le tout au nom de la Belgique éternelle et de la Wallonie renaissante. Plus que jamais, nous avons besoin d’un nouveau parti qui appelle tous les travailleurs, wallons comme flamands, belges comme immigrés, à manifester et à lutter sous leur propre drapeau – le rouge – et surtout sur leurs propres revendications.

  • La Poste : vagues de grèves

    Le patron veut fixer le rythme des départs entre 1.000 et 1.500 emplois par an

    La direction de La Poste a annoncé fin octobre comment l’entreprise allait se préparer à la « libéralisation » totale du marché des produits postaux en 2011. Ces projets de changement, qui sont déjà en cours depuis 2003, n’ont pas amélioré la prestation de service, le rôle social et les conditions de travail du personnel postal. Bien au contraire !

    Par un correspondant

    Depuis l’installation de Johnny Thijs à la tête de La Poste en janvier 2002, secondé par Bernard Delvaux depuis janvier 2004 (Delvaux était auparavant responsable du plan de reconversion BEST à Belgacom qui a coûté 5.000 emplois), les « réformes » ont atteint leur vitesse de croisière.

    Pour la période 2008-2012, la direction prévoit pour Retail (ventes) :

    • 650 bureaux de poste et 650 points-postes. Cela signifie qu’il faudra encore fermer 650 bureaux ! Et dire que Thijs trouve que seuls 300 bureaux sont rentables…
    • La mise en commun de Kilopost et Taxipost pour les paquets et les express
    • Une nouvelle hausse de tarif dès le 4 février : les timbres prior coûteront désormais 0,54 euro

    Le réseau logistique de Mail (distribution) sera « optimalisé ». Les bureaux distributeurs actuels seront transformés en :

    • 150 plate-formes opérationnelles où on prépare les opérations de distribution et d’où partent les tournées qui comprennent des opérations complexes. On entend par opérations complexes les pensions, les envois recommandés, les envois contre remboursement, …
    • 1.500 dépôts de distribution d’où on organisera les opérations de distribution simples (les ENA : envois non-adressés)

    Les 5 nouveaux centres de tri trieront de plus en plus le courrier selon le principe du tri par tournée. Le travail de préparation des facteurs s’en trouvera diminué. Le temps libéré ne servira pas à diminuer la pression du travail, mais à lancer une nouvelle attaque contre les facteurs. Ils devraient être remplacés par des distributeurs de courrier qui travailleraient avec un salaire (encore) plus bas et avec moins d’avantages sociaux. Johnny Thijs a d’abord reproché à la concurrence de ne s’intéresser qu’aux segments rentables du marché postal en faisant du bradage social avec l’utilisation de travailleurs très bon marché. La Poste fait exactement la même chose. Quelle hypocrisie !

    Le tri par tournée ne fait pas que diminuer le travail préparatoire, il aura aussi des conséquences pour les services de nuit. Ils devraient commencer à fonctionner à une heure antisociale (0h05, 3h, 4h) avec perte partielle de la prime de nuit. En outre, ce sont des heures auxquelles on ne peut pas compter sur les transports en commun pour rejoindre son lieu de travail. Ces propositions ont déjà provoqué des grèves dans les services de nuit à Bruxelles : surtout à Bruxelles 1 (centre-ville), mais aussi à Bruxelles 2 (Laeken), Bruxelles 3 (Schaerbeek), Bruxelles 4 (Etterbeek), Bruxelles 7 (Anderlecht), Bruxelles 8 (Ganshoren, Berchem-Sainte-Agathe, Koekelberg) et Bruxelles 21 (Saint-Josse-Ten-Noode). Il y a eu aussi des mouvements de grève à Anvers, Schilde, Nijlen, Liège X, …

    La dernière campagne publicitaire de La Poste interpelle ainsi le public : « Qui d’autre ? ». Nous nous posons la question : qui d’autre que le personnel est victime de l’énième restructuration ? On impose des économies sous prétexte d’une baisse du volume de courrier. Si le courrier entre particuliers diminue bel et bien, le volume global de courrier n’en augmente pas moins à cause du marketing direct et des envois internationaux. Le premier semestre de 2007, le chiffre d’affaire était de 1.137 euros (+ 4%).

    L’administrateur-délégué Thijs connaît d’autant bien ces chiffres qu’ils lui ont valu une prime de 100.000 euros. Tandis qu’il empochait cette prime, il annonçait déjà qu’il voulait voir le personnel de La Poste baisser de 1.000 à 1.500 unités par an dans les années à venir. De plus, ils vont économiser sur les salaires en engageant des distributeurs de courrier. Et nous pouvons gager que la prime de fin d’année des simples postiers n’arrivera pas à la cheville de celle de Thijs.

  • Iran : Ni intervention militaire, ni soutien au régime réactionnaire !

    Action aux ambassades iranienne et américaine ce 22 décembre

    Un collectif d’Iraniens de gauche réfugiés dans notre pays organise ce 22 décembre une action devant les ambassades iranienne et américaine avec le MAS/LSP. L’action vise à protester contre la probabilité d’une intervention militaire des USA en Iran, mais également contre le régime réactionnaire en Iran. Nous publions ici le tract de ce collectif et invitons chacun à mobiliser et à être présent pour cette action.

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    MANIFESTATION – SAMEDI 22/12

    > devant l’ambassade américaine à 10h30

    (27, Boulevard du Régent – métro Madou)

    > devant l’ambassade iranienne à 13h (15, Av. Franklin Roosevelt – tram 23 arrêt Etoile)
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    Non à une intervention militaire de l’impérialisme américain en Iran !

    Non au régime réactionnaire iranien !

    Nous sommes une autre voix !

    Nous voulons donner une voix aux luttes des peuples du monde contre la politique d’intervention et de violation militaire de l’impérialisme américain en Iran !

    La voix des luttes du peuple iranien contre la République Islamique !

    La voix des luttes des travailleurs, des femmes, des enseignants, des peuples opprimés et des étudiants contre l’intervention étrangère et contre le despotisme de l’intérieur !

    Nous sommes la voix des étudiants de gauche d’Iran !

    Des étudiants qui veulent :

    « Accomplir le devoir d’organiser un mouvement général contre la guerre et les interventions étrangères, en même temps que lcontre a dictature et le despotisme de l’intérieur »

    Des étudiants qui veulent informer et mettre en garde les Iraniens des dangers d’une guerre destructrice alors qu’ils sont engagés dans une lutte contre les réactionnaires de la République Islamique. Des étudiants qui défendent les droits fondamentaux des travailleurs et du peuple laborieux, des peuples opprimés, la liberté pour les femmes et la séparation de la religion de l’Etat. »

    Dans des conditions où le gouvernement de Bush et ses collaborateurs européens d’un côté et la République Islamique de l’autre veulent faire croire aux peuples du monde qu’à part l’esclavage néo-libéral et le fondamentalisme islamique, il n’existe pas d’autre choix, toute personne éprise de la liberté a le devoir d’appuyer l’idée de l’existence d’une autre voie ! Les impérialistes et les fondamentalistes islamiques sont les deux faces d’un même système, et tout soutien apporté à l’un se traduit obligatoirement par le renforcement de l’autre.

    Dans des conditions où les Etats impérialistes lancent d’un côté les forces réactionnaires du fondamentalisme islamique contre les peuples du Moyen-Orient, et de l’autre côté provoquent les forces racistes et xénophobes des pays occidentaux contre les réfugiés, immigrés et musulmans, il est impératif et urgent qu’ils possèdent leur propre voix et s’unissent contre les forces de la réaction religieuse au Moyen-Orient et contre le racisme, la guerre et l’occupation impérialiste !

    Le 22 décembre 2007, dans une manifestation devant l’ambassade américain et l’ambassade de la République Islamique à Bruxelles, nous crierons cette voix indépendante des peuples du monde.

    Rejoignez-nous ; contre la guerre, la mondialisation néo-libérale, l’impérialisme !

    Rejoignez-nous ; pour défendre la lutte du peuple iranien contre la République Islamique !

    Rejoignez-nous ; pour défendre le mouvement étudiant et la commémoration du 16 azar (7 décembre), le jour où pour cause de la résistance contre le coup d’Etat du C.I.A. en 1953, trois étudiants ont été sacrifiés aux pieds de Nixon, par l’armé du Chah.

    Rejoignez-nous ; pour construire l’unité internationale en faveur d’un autre monde libéré de la guerre, de l’injustice, de l’oppression et de l’exploitation !

    Le Collectif de la jeunesse et des étudiants de gauche iraniens résidant en Europe

    Le Mouvement pour une Alternative Socialiste – Résistance Internationale – Etudiants de Gauche Actifs.

    Nous appelons toutes les personnes et organisations intéressées à souscrire à cette plateforme.

    committee.2007@hotmail.com – 0486/484365

  • Crise politique : Le théâtre de guignols continue…

    Le mouvement ouvrier doit se préparer pour sa propre lutte

    Lors d’une conférence de presse, Jo Vandeurzen (président du CD&V) et Bart De Wever (président de la NVA) ont donné un message clair : il faut une réforme d’Etat et les partis francophones doivent faire un « geste » en ce sens (alors que ces derniers demandent justement aux partis flamands de rétablir la confiance après le vote de la scission de BHV…)

    Anja Deschoemacker (09/11/07)

    Les libéraux francophones ne doivent pas compter sur une reconnaissance ouverte qu’il ne peut être question d’une grande réforme d’Etat dans ces circonstances. La logique du « compromis à la belge » est justement que tout le monde doit baisser sa culotte au même moment, pour qu’après l’on puisse se lancer des fleurs grâce à ce que chacun a pu obtenir. C’est là la preuve ultime du sérieux politique et du fait d’être un homme d’Etat.

    Les déclarations de Frank Vandenbroucke, le flamingant de service du SP.a, selon lesquelles le cartel CD&V/NVA se donne en spectacle pour éviter de devoir montrer qu’il se met à plat ventre sur la question de la réforme d’Etat, contiennent certainement des éléments de vérité. La nouvelle présidente du SP.a, Caroline Genez, fait aussi allusion au manque de crédibilité du CD&V et de la NVA sur le plan communautaire. Nous ne pouvons qu’espérer – dans l’intérêt même du SP.a – que cela ne devienne pas le message central de leur « opposition », si du moins leur but est de regagner quelques voix chez les travailleurs.

    Tout cet épisode clarifie à nouveau l’évidence que le mouvement ouvrier n’a plus rien à attendre de ce parti. Peut-être prononcera t’il encore quelques mots contre l’introduction du service minimum durant les grèves des services publics (bien qu’un un tel accord a déjà été signé sous leur règne à De Lijn – les TEC flamands). Selon l’ancien chef de cabinet de Vande Lanotte (SP.a lui aussi), Jannie Haeck, actuellement grand patron de la SNCB, il serait préférable de réfléchir à un temps minimum d’annonce pour les grèves. En d’autres mots : les syndicats ne seraient alors plus en état de reconnaître des grèves spontanées ! Même en dehors du gouvernement fédéral, et sans perspective d’en faire partie, le sommet du SP.a ne peut pas s’empêcher de corriger les devoirs de la bourgeoisie !

    De son côté, si le PS va certainement faire plus de bruit (également par rapport aux thèmes sociaux), il aura grande peine à se détacher totalement de la politique néolibérale qu’il a lui-même mené 19 ans durant sur le plan fédéral et qu’il continue d’ailleurs encore à mener sur le plan régional avec, entre autres, le Plan Marshall. Le terrain communautaire va certainement devenir le point central de son opposition. Mais au moins sera-t-il vu comme une équipe de défense alors que son pendant du nord a, dans les faits, rejoint les revanchistes flamands.

    Et quoi maintenant pour la formation ?

    Le vote dans la Commission de la Chambre sur la scission de BHV où la majorité flamande a imposé sa volonté de manière unilatérale avec une seule abstention (du parlementaire bruxellois de Groen ! Tinne Van der Straeten) est un fait sérieux. C’est un véritable problème pour les équilibres qui ont été constitués en Belgique : la protection de la minorité francophone en Belgique en compensation de la protection de la minorité flamande à Bruxelles.

    Les francophones ont maintenant pris en main les mécanismes de protection introduits pour les diverses minorités, en commençant par celui de conflit d’intérêt introduit par le Parlement de la Communauté Française le lendemain du vote sur BHV. Cette procédure signifie que la question de BHV est de nouveau arrêtée au niveau parlementaire et passe à des négociations entre communautés (avec PS, donc). Ce report peut, dans le meilleur des cas, permettre aux différents négociateurs pour la formation du gouvernement, et à Leterme en premier, d’avoir un peu de temps pour mettre enfin sur pied un gouvernement. Dans le passé, un « sentiment de crise » a déjà été nécessaire pour arriver à des accords communautaires.

    Mais tout ne devient pas facile pour autant. Les deux partis les plus forts dans les négociations, le CD&V et le MR, sont liés à des partenaires embêtants qu’ils peuvent à peine contrôler : la NVA et le FDF. Leurs déclarations et provocations sans fin n’ont pour effet que de casser sans cesse l’illusion de « confiance » méticuleusement créée. Qu’importe le nombre de fois où Reynders et Leterme vont aller assister à un match de foot ensemble, ils sont tous deux aussi dépendants de ces partenaires afin de maintenir leur position de parti dominant dans leur communauté.

    Directement après le vote, Reynders est retombé sur ses pieds en répétant à nouveau son plaidoyer pour un gouvernement surtout socio-économique: la cas « BHV » est reparti vers des négociations entre les communautés tandis que la réforme d’Etat avec une majorité des deux tiers peut être le problème d’une « commission de sages ». Cela semblait confirmé par la communication du roi et du formateur, la tantième crisette dans les rangs du CD&V et de la NVA a cependant conduit à la conférence de presse citée au début de cet article. Reynders ne doit pas penser qu’il peut pousser le CD&V dans une position où il sera le seul à baisser sa culotte.

    Au plus dure est ce théâtre de guignols, au plus monte la pression pour obtenir un gouvernement. Le déficit budgétaire commence à faire peur, de mauvaises prévisions économiques sont publiées,… Finalement, une solution va être trouvée, qui peut aller d’un « gouvernement normal » (ce que veut le CD&V) à un « gouvernement socio-économique » (ce que désire le MR, mais qui ferait perdre la face au CD&V) qui sera de courte durée, c’est-à-dire avec un accord gouvernemental jusqu’en 2009. Des variantes plus « exotiques » existent aussi : un gouvernement (partiellement) technocratique (du type « socio-économique »), une coalition fédérale totalement asymétrique, ou encore un gouvernement d’unité nationale : la tripartite classique, qui est presque toujours un gouvernement de crise.

    Une solution arrivera, pour la simple raison que l’alternative voulue par la NVA et le Vlaams Belang, l’indépendance de la Flandre, n’est voulue que par une petite minorité, tant parmi les travailleurs et leurs familles que parmi la bourgeoisie. Cette dernière aime bien utiliser la question nationale pour diviser le mouvement ouvrier au moment de l’attaque, mais elle n’aime pas du tout que la question nationale bloque l’application de son programme – même si ce n’est que pour la raison que, sans gouvernement, elle ne peut pas introduire une attaque sur les restes de l’Etat – providence. Leur opinion, « la voix de la raison », va finalement être reprise par le CD&V comme par le MR, à moins que ces derniers ne veulent perdre la confiance de la classe qu’ils veulent défendre. Ceux qui ne sont pas préparés au compromis vont en payer le prix: Reynders peut encore voir que le PS, qu’il déteste tant, rejoindre le gouvernement alors que le CD&V peut en cas de chaos total payer un prix électoral élevé si il est vu comme responsable du désordre.

    Les deux partis vont devoir apprendre la leçon que le PS et le SP ont appris lors de la précédente grande crise de formation (’87-’88, le précédent record de 148 jours) : pour arriver au gouvernement, il ne faut pas seulement gagner les élections, il faut aussi être préparé à mener la politique de ses maîtres et donc… de temps en temps être préparé à baisser sa culotte en ce qui concerne les promesses électorales. Il faut cependant savoir faire cela tout en le masquant, ce en quoi le CD&V était l’exemple ultime quand il s’appelait encore le CVP. De leur côté, le PS et le SP.a ont chacun prouvé au cours des dernières 19 années que des fesses nues et le rouge de la honte ne sont en rien un problème pour eux.

    Quant à messieurs De Wever et Maingain, leur avenir sera-t-il fait d’un poste de ministre ou de l’isolation politique? Tout comme le CD&V et le MR ont besoin de la NVA et du FDF, ces derniers ont aussi besoin des premiers. La NVA a aujourd’hui 5 sièges au Sénat et la dernière fois qu’elle a participé aux élections indépendamment du CD&V, elle n’a à peine obtenu que 5% ! Le FDF n’est pas non plus au sein du MR par grand amour et par grande unité programmatique, mais bien parce que le MR offre des carrières confortables. Dans cette question, les personnes clefs ne sont évidemment pas De Wever et Maingain (la politique belge n’a jamais eu un manque de fous du roi) : ce sont Leterme et Reynders. Tous deux peuvent dire adieu à leur carrière s’ils perdent aujourd’hui dans le poker politique qui occupe le pays depuis déjà 5 mois.

    Les syndicats ont raison de mettre en garde

    Les directions de la FGTB et de la CSC ont, à juste titre, dévoilé lors d’une conférence de presse commune ce qui se déroule derrière les rideaux – la « colle » entre Leterme et Reynders est clairement leur volonté de lancer un nombre d’attaques structurelles au service des supers profits du patronat. Leur réussite dépendra plus de la lutte du mouvement ouvrier contre une nouvelle attaque sur les restes de « l’Etat – Providence » (Etat – Providence que nous avons acquis par la lutte) que de la division communautaire et du cirque auquel nous sommes forcés d’assister depuis des mois.

    Le climat à venir est déjà visible : des données sont publiées sur un déficit budgétaire de 1,5 milliard d’euros, chiffre qui pourrait augmenter jusqu’à 3 ou 4 milliards pour 2008 « avec une politique qui n’est pas changée ». De plus, les perspectives de croissance économique ont été révisées par le bas pour 2008 et l’on parle dans les médias des « 50 mensonges gris » du gouvernement précédent autour du dossier des pensions. Et il faut encore compter le coût des 2 milliards d’euros nécessaires pour augmenter les allocations les plus basses (une douceur que le CD&V veut offrir) et de nouveau quelques milliards pour les diminutions d’impôts et de charges salariales (entre autres, de nouveau, sur les heures supplémentaires). Par contre, l’intérêt notionnel – qui a, notamment, permis à Electrabel de voir ses impôts diminuer de pas moins de 30 millions d’euros – n’est remis en question par aucun des négociateurs pour le futur gouvernement.

    S’ils arrivent à former un gouvernement – et d’une façon ou d’une autre, ils vont y parvenir- les attaques sur le mouvement ouvrier ne vont être longues à attendre. C’est aussi la raison qui explique toutes ces propositions sur une limitation du droit de grève. Le cirque communautaire va durer avec une commission, avec des séances bruyantes dans la Chambre et le Sénat, avec des déclarations musclées et tout cela au moins jusqu’aux élections de 2009. Si le mouvement ouvrier se laisse dévier ne serait-ce qu’un petit peu par cette division communautaire, nous courrons droit aux défaites.

    Pour cette raison, c’est une bonne chose que la FGTB ait appelé à une concentration des militants ce vendredi 16 novembre. Mais une concentration de 1000 syndicalistes ne va pas faire une grosse impression et n’a de sens que comme point de départ pour une campagne d’information large parmi les membres des syndicats pour les préparer à la lutte qui va devoir être menée. Cela doit à son tour être le point de départ d’un plan d’action et de mobilisation pour réagir collectivement à chaque attaque d’un gouvernement qui sera sans aucune doute un gouvernement instable.

  • La bourgeoisie est faible politiquement, mais quand les syndicats vont-ils passer à l’action?

    Au moment où nous publions ce journal, les négociations sur la formation d’un gouvernement sont en train d’établir un nouveau record. Faute de pouvoir apporter des améliorations au niveau du pouvoir d’achat, de l’emploi ou des soins de santé, les politiciens au service du patronat ont été contraints de se livrer à une guerre communautaire. On verra dans les prochaines semaines si elle aboutira à une crise du régime. Mais, même si un gouvernement chrétien-libéral se mettait en place, ce serait un gouvernement peu stable.

    Peter Delsing

    Lors des négociations, la CGSP-Cheminots a lancé une grève d’avertissement contre les projets sur le service minimum. La direction syndicale avait appelé ses membres à décider « localement » quand mener une heure de grève. Il n’y avait pas de mot d’ordre concret. Or, la force des salariés repose justement sur la discussion et l’action collectives. Pour le syndicat, il existait des méthodes plus efficaces pour émettre un signal, notamment par des actions de grève organisées collectivement et nationalement. En un sens, cette grève a donné une illustration très frappante de la situation politique actuelle.

    La bourgeoisie a un problème avec la génération actuelle de son personnel politique. Ses politiciens ne sont plus capables de défendre les intérêts patronaux à long terme. En face, les travailleurs ne disposent pas d’une direction pour forcer une bourgeoisie divisée et affaiblie à la défensive au moyen de l’action collective. Cette absence de direction montre, tant sur le plan syndical que sur le plan politique, la nécessité d’un nouveau parti large des travailleurs.

    Le 24 octobre, un débat syndical important s’est déroulé autour de la pétition “Sauvons la solidarité” à Anvers. Ici aussi les demandes d’actions ont fusé depuis la salle et la question de la représentation politique des salariés a été posée. Cette réunion a contredit la caricature très unilatérale “des Flamands égoïstes qui veulent scissionner la sécurité sociale”, propagée par les politiciens bourgeois francophones.

    Tant les travailleurs flamands, bruxellois que wallons seront victimes des mesures prévues par le gouvernement de l’Orange Bleue: coupes d’austérité dans les soins de santé, suppression de plus de dix mille emplois chez les fonctionnaires, possibilité de mettre des mineurs dans des prisons pour jeunes dès l’âge de 14 ans,…

    Un nouveau gouvernement profitera moins d’une croissance économique qui se ralentit en Europe et aux USA. Les budgets menacent de devenir déficitaires pendant des années. Cela implique des coupes d’austérité telles que Leterme, Reynders et les autres hésitent encore à imaginer.

    Entre-temps, les libéraux flamands trouvent que les choses pourraient aller plus vite et exigent la limitation dans le temps des allocations de chômage, l’assouplissement des règles de licenciement, de nouvelles diminutions des charges patronales, etc. Si le projet de l’Orange Bleue échoue, une tripartite avec participation des partis socialistes aura encore plus de mal à réaliser les points de son programme.

    La critique du PS et du SP.a sur ce spectacle ? Beaucoup de blabla, peu d’action et surtout du chauvinisme communautaire. Laurette Onkelinx essaie de se dresser comme la Jeanne d’Arc des francophones. Vandenbroucke veut obtenir une victoire “flamande” mais, pour lui, il est plus important encore d’obtenir la scission de la politique de l’emploi (qui jetterait les travailleurs des trois régions dans une concurrence de plus en plus dure) que la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde.

    Et les intérêts communs des travailleurs dans ce pays ? On n’entend pas un mot là-dessus. Dans la période d’effervescence qui s’ouvre devant nous, le CAP doit utiliser chaque mouvement de lutte pour mettre en avant une politique vraiment solidaire aux piquets de grève, dans les quartiers et dans les écoles. Un programme pour faire payer les riches trouvera un écho important dans les années à venir.

  • Emeutes à Schaerbeek et Saint-Josse

    La semaine dernière, les communes de Schaerbeek et de Saint-Josse ont été témoins d’émeutes de la part de quelques centaines de jeunes d’origine turque. Dans la nuit de dimanche à lundi dernier déjà, de premiers heurts avaient été constatés, le café d’un Arménien ayant été saccagé par une dizaine d’individus armés de bâtons et de pierres, alors qu’à l’extérieur se trouvait un cortège d’au moins 300 personnes brandissant drapeaux turcs et étendards des Loups-Gris (formation d’extrême-droite ultranationaliste turque)

    Cédric Gérôme

    Mercredi soir, des centaines de manifestants se sont rassemblés à Schaerbeek et Saint-Josse ; brandissant des drapeaux turcs, des jeunes lançaient des slogans hostiles au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le feu vert récemment donné par le Parlement turc à une invasion militaire dans le Nord de l’Irak pour aller déloger les militants du PKK, ainsi que l’attaque meurtrière récente par des combattants du PKK contre l’armée turque, qui a tué douze soldats dans le Sud-Est du pays, a servi de toile de fond à ces rassemblements.

    Les droits de la minorité kurde sont allègrement bafoués en Turquie (voir précédent article). Pourtant, les militants du PKK n’ont jamais recherché le soutien des travailleurs turcs dans leur lutte, irrémédiablement acquis, selon eux, au nationalisme turc. Nous condamnons fermement les méthodes (attentats, actions terroristes diverses) pratiquées depuis des années par le PKK, qui ont largement contribué à son propre isolement pami la population turque, et ont pour effet qu’aujourd’hui, une frange significative de celle-ci approuve les autorités et l’armée turques dans leur opération militaire sur le sol irakien. Des organisations réactionnaires comme les Loups-Gris exploitent ces sentiments pour gagner une certaine audience parmi la communauté turque. Les marxistes ont toujours expliqué que les attentats et les actes de terrorisme individuel et de violence aveugle ont tendance à pousser la population dans les bras des réactionnaires et des classes possédantes.

    Cette dernière conclusion est aussi vraie ici que là-bas : saccager des cafés, incendier des voitures et briser les portes de logements sociaux sont des actes qui ne peuvent servir qu’à alimenter les discours racistes, attiser les tensions entre les différentes communautés, et donner du crédit à tous ceux qui revendiquent corps et âme davantage de répression et de policiers dans nos rues. Le gouvernement régional bruxellois, par la bouche de son ministre-président Charles Picqué (PS) a dit regretter ces agissements "qui mettent à mal les efforts visant à assurer une coexistence harmonieuse entre les différentes communautés sur le territoire de la Région de Bruxelles-capitale". De quels efforts parle-t-il ? Tous les rapports récents pointent du doigt une extension fulgurante de la pauvreté dans les communes de la capitale. Dans ces rapports, la commune de Saint-Josse n’est pas en reste : elle figure en effet parmi les entités les plus pauvres de l’ensemble du Royaume, avec un taux de chômage officiel de…40%. Faut-il dès lors s’étonner que la frustration sociale récurrente mène à de telles explosions ?

  • Bye Bye Belgium? Questions / réponses sur la crise communautaire

    La crise politique paralyse la Belgique

    Plus de cent jours après les élections, aucune issue n’est en vue. Journalistes et politiciens étrangers regardent ce spectacle avec stupéfaction, comme The Economist qui a prédit la fin de la Belgique. On peut être plus que certain que les classes dirigeantes des pays européens confrontés à des régions qui aspirent à plus d’autonomie – la Grande-Bretagne, l’Espagne, la France ou encore l’Italie – suivent ces développements avec grande attention.

    Dossier par Anja Deschoemacker

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    Fédéralisme responsable?

    Alors que les deux syndicats juraient leurs grands dieux avant les élections qu’ils s’opposeraient à toute régionalisation du marché de l’emploi, les dirigeants flamands de la CSC – maintenant que “leur” parti a de nouveau la possibilité d’avoir le Premier ministre – laissent désormais la porte ouverte sur cette question. Les déclarations de Cortebeeck prouvent que la direction de la CSC pourrait donner son accord à, par exemple, une proposition de Bea Cantillon (Centre pour la Politique Sociale de l’Université d’Anvers), pour qui on peut transférer partiellement le budget de la sécurité sociale en fixant des objectifs. « Un Etat régional qui par sa politique diminue les dépenses de la sécurité sociale serait recompensé. Un Etat régional qui augmente les coûts sera financièrement puni. » (Knack, 25/07). Elle appelle ça « un fédéralisme social responsable ». Cela serait – suivant la veille tradition belge – présenté comme une victoire à la fois par les nationalistes flamands (« un premier pas vers une régionalisation ») et par les partis francophones (« pas de régionalisation »).

    Les syndicats ne doivent pas se battre pour une division de de la pénurie –résultat de l’écrémage systématique de la richesse produite qu’opèrent patrons et actionnaires – mais doivent mener une lutte contre contre chaque démantèlement social et pour plus de moyens.
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    Mais si la discussion sur l’éclatement de la Belgique se mène ouvertement, les prises de positions en faveur du maintien du pays gagnent en force. A la surenchère communautaire répond le sentiment grandissant que « la récréation est terminée » et qu’il est temps de faire appel à un « véritable homme d’Etat».

    Comment un tel chaos a-t-il pu arriver ? Et que va-t-il arriver maintenant ? Pour nous, socialistes révolutionnaires, s’ajoute la question du programme à défendre. Les revendications nationalistes flamandes – caractérisées par la suffisance, et l’égoïsme – ne sont en aucun cas une option. Mais les « belgicistes » ont-ils pour autant une solution valable ? Pas vraiment… Le MAS/LSP ne défend ni l’élite nationaliste flamande – qui ne veut rien d’autre qu’exploiter plus encore les travailleurs flamands – ni les intérêts de patrons comme Albert Frère (la plus grosse fortune de Belgique) ou encore de la monarchie.

    D’où vient la surenchère communautaire?

    Dans le passé, l’oppression passée de tout ce qui avait trait au flamand a ouvert la voie à l’amertume et la méfiance. Les écoliers flamands apprennent dans leurs cours d’histoire que les Flamands ont dû se battre pour acquérir le simple droit d’utiliser leur langue et ont été souvent trompés quand la lutte imposait des concessions. Dans cette logique, « les francophones » reçoivent aujourd’hui, selon les flamingants, la monnaie de leur pièce.

    Ici, c’est à dessein que « les franco-phones » sont entre guillemets, car il n’existe pas de groupe linguistique homogène. L’élite francophone qui a jadis laissé la Flandre stagner dans le sous-développement est la même que celle qui a durement exploité et opprimé les travailleurs wallons. Ce n’est pas par hasard si Marx a décrit le jeune Etat belge – créé par les grandes puissances européennes comme Etat-tampon contre la volonté d’expansion de la France qui suivit la révolution française – comme un vrai « paradis pour le patronat ».

    La majorité du mouvement flamand a toujours recherché une solution au sein de la Belgique. Aujourd’hui encore, seuls la N-VA et le Vlaams Belang sont séparatistes, mais les études sur l’électorat de ce dernier démontrent paradoxalement qu’il comprend plus d’unitaristes et de monarchistes que d’indépendantistes. La surenchère communautaire n’est donc en rien une lutte consciente pour une Flandre indépendante.

    De l’autre côté, le régionalisme wallon – dont la direction se référait au programme de réformes de structures de la FGTB – est depuis longtemps déjà en déclin. Il faut dire que le rêve d’une Wallonie autonome et « donc plus sociale » a viré en cauchemar face à la croissance du chômage, aux salaires et au niveau de vie en général plus modeste qu’en Flandre, etc.

    La surenchère communautaire est à la fois le résultat de cette histoire et du jeu de poker politique de la classe dirigeante belge. Cette dernière possède le pouvoir économique – et donc le réel pouvoir politique – et mène les partis traditionnels par le bout du nez. Elle a toujours su manipuler les différences de langue et de mode de vie pour faire payer ses profits et ses privilèges à la majorité de la population. Le but n’a jamais été la scission finale de l’Etat. Comme l’expliquait l’écrivain flamand Geert Van Istendael au Soir, on peut tout faire avec un bouc émissaire sauf le tuer, à moins de devenir soi-même responsable. Mais, combinée à la politique antisociale qui engendre toujours plus de manque et de frustration, la surenchère communautaire peut mener à l’exacerbation des tensions nationales.

    Comme l’écrit le journal néerlandais HRC Handelsblad: si le pays se désintègre aujourd’hui, ce sera plus à cause du désintérêt de la population que pour de véritables tensions nationalistes dans les couches larges. Nous sommes du même avis et voyons surtout un jeu politique où la population est réduite à l’état de simple spectateur dans les développements actuels.

    Quels sont jusqu’ici les résultats de la régionalisation?

    La scission de diverses compétences – la communautarisation de l’enseignement ou la régionalisation partielle des villes – a donné d’excellents résultats… pour la classe dirigeante ! Tous les commentateurs politiques sérieux admettent que cela a été une aide précieuse pour « l’assainissement du pays », c’est-à-dire le démantèlement de « l’Etat providence ».

    Depuis presque 20 ans, les partis flamands ont été obligés de gouverner avec le PS. S’ils veulent aller plus loin dans la satisfaction de leurs revendications aujourd’hui, ce n’est que pour améliorer la situation du patronat: un marché de l’emploi encore plus flexible, des conditions de travail et de salaire encore pires, moins de sécurité sociale,… Ce jeu se joue également de l’autre côté de la frontière linguistique. Le PS a de cette manière réussi à être considéré comme un parti d’opposition tout en étant au gouvernement : «nous devons assainir», «nous devons couper dans le budget de l’enseignement», «nous devons chasser les chômeurs», etc «sinon la Flandre scissionnera la sécurité sociale ou même le pays».

    Pendant ce temps les riches restent en dehors du collimateur et reçoivent cadeaux sur cadeaux: diminutions de charges et d’impôts, amnistie fiscale,… Les revenus du capital prennent une place toujours plus grande dans la richesse nationale au détriment des revenus salariaux. Mais tant que dure le show communautaire, personne ne pense aux poches qui engloutissent réellement la richesse nationale ! Ce ne sont pas celles des travailleurs, chômeurs et pensionnés wallons, flamands ou bruxellois !

    Dans une situation de ralentissement de la croissance économique mondiale suite à la crise du crédit hypothécaire américain, la surenchère communautaire ne va pas disparaître de si tôt car car il faut bien en faire payer le prix à quelqu’un.

    Le scénario d’une séparation est-il réaliste?

    Cette question se pose surtout à cause de l’impasse actuelle dans les négociations entre les deux « communautés » pour le gouvernement. Mais une séparation devra également être négociée, notamment pour les frontières des Etats, l’avenir de Bruxelles, la division de la dette nationale et de ce qui reste encore du patrimoine national après Verhofstadt I et II. Sans scission négociée, le seul autre scénario est celui d’une guerre civile autour des questions territoriales et surtout autour de Bruxelles et sa périphérie.

    Car une Flandre sans Bruxelles est immédiatement beaucoup moins intéressante. La région bruxelloise est responsable de 20% du PIB belge et sur les 340.000 navetteurs qui travaillent à Bruxelles, il n’y a pas moins de 230.000 flamands. De plus, la Wallonie et Bruxelles sont les partenaires commerciaux les plus importants des entreprises flamandes.

    Une Flandre indépendante qui voudrait garder Bruxelles devrait par contre accepter que cette Flandre soit un Etat bilingue. Et afin d’être acceptée comme membre de l’Union Européenne, la Flandre devrait très probablement souscrire au traité sur les minorités, ce qu’elle refuse de faire jusqu’à présent. Elle devrait alors accorder à la minorité nationale francophone en Flandre des droits ou des facilités et pas seulement dans les communes à facilités actuelles, mais partout où il y a une minorité francophone importante.

    Et là, c’est encore dans l’hypothèse où la population bruxelloise voudrait rejoindre une Flandre indépendante, ce qui est déjà extrêmement improbable dans le cadre d’une scission négociée, mais devient totalement impensable dans un scénario de déclaration unilatérale d’indépendance.

    C’est pour cela que le groupe De Warande (auteur d’un Manifeste pour une Flandre indépendante) ne men-tionne pas Bruxelles et que Bart De Wever (N-VA) place l’indépendance de la Flandre dans un avenir lointain dans lequel la Belgique se serait « vaporée » entre des Etats régionaux presque autonomes et l’Union Européenne.

    Selon le MAS/LSP, ce dernier scénario est utopique : la création d’un véritable Etat européen n’est pas possible dans le cadre du capitalisme car elle présuppose que les différents Etats européens (et les élites économiques qu’ils représentent) stoppent leur concurrence entre eux alors que l’objectif actuel de l’UE est justement un projet dans lequel cette concurrence peut s’effectuer de façon encore plus brutale, entre autres en libéralisant et démantelant totalement les services et les systèmes de sécurité sociale. Et ces dernières années ont été les témoins de bien des problèmes dans la construction de l’UE: le Pacte de stabilité n’est presque plus respecté, il n’existe pas de politique extérieure unifiée, la Constitution est momentanément enterrée, le protectionisme économique réapparaît,…

    Nous pensons donc qu’une scission de la Belgique n’est pas une perspective probable à court terme. D’ailleurs aucune partie du pays ne compte une majorité qui y soit favorable, ni dans la classe dirigeante ni dans le mouvement ouvrier.

    Au contraire des nationalistes flamands, le MAS/LSP n’est pas non plus convaincu de l’inexistence d’un « sentiment belge » ou du fait que les différences culturelles entre la Flandre et la Wallonie soient insurmontables. La différence linguistique masque justement de fortes similarités, des choses qui tombent directement sous le sens des étrangers mais que beaucoup de Flamands et de Wallons ne voient plus derrière les institutions, les politiciens et les médias. On ne connait pas le nombre de « familles mixtes » entre les régions et une scission ferait du tissu économique un gigantesque gruyère.

    Un divorce n’est facile qu’avec consentement réciproque et accord sur la séparation des biens. Sans accord, la scission de la Belgique ne saurait être qu’une grande bagarre. Et dans un tel type de divorce, les politiciens doivent pouvoir compter sur une réelle volonté de séparation auprès de la majorité de leur population, ce qui n’est pas le cas.

    Cette question nationale peut-elle être résolue?

    Le seul lieu où reste encore des traces de l’oppression et de l’humiliation nationale est la périphérie de Bruxelles, où la population d’origine, flamande et moins aisée, est sous pression depuis déjà longtemps, mais ce phénomène est plus une donnée socio-économique qu’une invasion francophone consciente.

    Tout d’abord, les nouveaux arrivants plus aisés ne sont pas seulement des francophones, mais aussi des eurocrates ( il faut noter que les eurocrates néerlandais ne choississent qu’exceptionnellement le côté flamand, vu comme « provincial » et « borné »). Pour arrêter ce développement, la politique actuelle du logement – qui partout donne priorité au plus grand portefeuille – doit être remplacéé par une politique qui offre des habitations sociales confortables et abordables comme garanties à ceux qui veulent rester dans la région. Cependant, tous les nouveaux arrivants ne sont pas riches; bon nombre d’entre eux sont des familles de travailleurs qui souhaitent élever leurs enfants dans une environnement plus vert et plus agréable. Une politique sociale de logement, combinée à une masse de stimulants pour permettre aux populations parlant d’autres langues de s’intègrer dans la communauté locale donnerait de biens meilleurs résultats que la politique actuelle de harcèlement qui a pour effet de pousser tous les francophones dans les bras des partis francophones dont la politque antisociale ne diffère en rien de celle de leurs collègues flamands.

    Le MAS/LSP n’est pas d’accord avec les nationalistes flamands pour qui la cohabitation des différents peuples au sein d’un Etat est impossible. En soi, le MAS/LSP n’a rien contre un élargissement des compétences des autorités régionales et locales. Mais à la condition que cela soit demandé par une majorité de la population dans la région impliquée et que le but soit d’arriver à une meilleure politique, à une politique sociale qui pourvoit aux besoins de tous.

    Le MAS/LSP défend une démocratie aussi large que possible. Nous reconnaissons le droit à l’autonomie et même à la séparation si cela est demandé par la majorité de la population de la région impliquée. Le MAS/LSP s’oppose par contre à une régionalisation si le but est d’arriver à une politique d’austérité encore plus dure, imposée dans une région pour l’être ensuite dans l’autre. La scission de l’enseignement illustre cette tactique. Pour cette raison, nous nous opposons de façon résolue à la scission de la sécurité sociale, de la politique d’emploi et de la concertation sociale.

    Nous sommes pour un élargissement des droits démocratiques, ce qui signifie entre autres lutter pour le droit à un travail et à des services dans sa propre langue. Le bilinguisme ne peut pas être imposé, seulement stimulé, notamment avec un enseignement de bonne qualité pour tous les élèves. Le MAS/LSP pense que les droits linguistiques des minorités nationales – flamande à Bruxelles et en Wallonie, francophone dans la périphérie de Bruxelles, en Flandre et en communauté germanophone, germanophone en Wallonie – doivent être inscrit dans la Constitution. Une politique linguistique démocratique n’est possible qu’avec assez de moyens. C’est la seule manière de faciliter la cohabitation. La contrainte n’entraîne qu’une résistance aigrie.

    Les droits des immigrés – sur le plan linguistique, mais aussi dans l’enseignement et les autres services – doivent être également inscrits dans la Constitution. Les travailleurs autochtones y ont aussi grand intérêt : c’est justement leur manque de droits qui fait la présence de travailleurs étrangers sur le marché de l’emploi qui fait peser une pression sur tout les salaires.

    Bruxelles-Hal-Vilvorde est le dossier symbolique par excellence. N’importe quelle « solution » – scission et/ou élargissement de Bruxelles – n’en est pas une si on ne tient pas compte des droits de la minorité qui s’y trouve. Ce n’est que si les minorités voient leurs droits garantis qu’on peut arriver à une solution bénéfique pour tous.

    Plus de moyens pour une vraie politique sociale et des droits pour chaque groupe de la population sont les seules véritables conditions pour une cohabitation harmonieuse. Notre pays possède plus qu’assez de richesses pour pourvoir aux droits et besoins de tous les travailleurs et de leurs familles. Mais nos gouvernements choisissent de donner des milliards au patronat sous forme de baisse des soi-disants charges patronales, de diminutions d’impôts pour les riches et de toutes sortes de manoeuvres fiscales.

    En manipulant la question nationale dans le passé et aujourd’hui, la bourgeoisie crée des problèmes de société plus grands encore qu’elle est incapable de résoudre ensuite. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils ne peuvent pas être résolus: avec assez de moyens et une démocratie aussi conséquente que possible les travailleurs peuvent faire en sorte que la cohabitation ne soit pas seulement viable, mais aussi agréable.

    Dans un système où la production des biens et de la richesse est basée sur la soif de profit d’une petite élite qui règne en Belgique à travers les divers gouvernements, il y aura fatalement toujours des besoins non-satisfaits qui mèneront à des luttes diverses. Mais la seule lutte qui peut offrir une issue est celle du mouvement ouvrier pour une société basée sur la satisfaction des besoins de la majorité et qui mette en oeuvre une planification démocratique de l’économie afin de répondre de la façon la plus efficace aux besoins de tous, c’est-à-dire une lutte pour le socialisme.


    La question nationale en Belgique:

    Une réponse du mouvement ouvrier est nécessaire!

    Fin 2005, une Conférence Nationale du MAS/LSP a mené une discussion sur la question nationale en Belgique sur base d’un texte retravaillé par la suite.

    Vous pouvez trouver cette brochure sur www.marxisme.org ou demander une version papier de ce texte à la rédaction!

  • Travailleurs wallons, bruxellois et flamands. Tous ensemble contre la droite

    Au moment de la parution de ce journal, nous n’avons toujours pas de gouvernement. Après plus de cent jours, les négociations ne semblent pas bouger. Les politiciens du Nord montrent du doigt « les Francophones » tandis que ceux du Sud dépeignent « la Flandre » comme un bloc homogène égoïste obnubilé par la scission du pays.

    par Peter Delsing

    Pourquoi les revendications communautaires sont-elles devenues si importantes? Le pays est-il vraiment en voie de scission, comme certains médias et politiciens amateurs de sensations fortes le disent ? Avec la crise politique qui se développe autour de la (non-) formation du gouvernement, c’est devenu un sujet de discussion partout parmi la population, à la maison, dans le train ou au boulot.

    Les politiciens bourgeois, de part et d’autre de la frontière linguistique, ne peuvent pas se vanter d’avoir réalisé grand’chose sur le plan social. Il leur serait difficile d’affirmer que notre pouvoir d’achat a augmenté. Bien au contraire, les manipulations de l’index, la hausse continue du coût du logement et aujourd’hui l’augmentation du prix de beaucoup de produits de base (pain, oeufs, bière, etc.), les salaires et les allocations des travailleurs et de leurs familles ont systématiquement perdu de leur valeur.

    Les politiciens ne peuvent pas dire non plus qu’ils ont amélioré la sécurité de l’emploi: une entreprise rentable comme Janssen Pharmaceutica vient de licencier 688 salariés. Ont-ils contribué à réaliser une combinaison meilleure entre le travail et la famille? La pression au travail, le stress et le manque d’épanouissement individuel sont devenus la norme. A la fin de la route toujours plus longue (à cause du Pacte de Solidarité), c’est une pension au rabais qui nous attendra.

    Le seul thème sur lequel la plupart des politiciens, y compris ceux du PS et du SP.a, souhaitent encore se positionner, c’est le thème communautaire. Tout serait la faute, selon les cas, des Flamands ou des francophones. Ce jeu politique est scandaleux, si on prend en compte les problèmes sociaux réels qui existent dans la société et le clivage toujours plus important entre les riches et les pauvres.

    Nous ne pensons pas qu’une scission de la Belgique est aujourd’hui à l’ordre du jour, même si cela peut devenir un scénario bien réel si nous laissons faire les politiciens actuels. Suite à l’excitation que font monter les médias, le soutien à la division du pays aurait, selon les sondages, augmenté de part et d’autre de la frontière linguistique. C’est un développement bien inquiétant pour les travailleurs. La majorité de la population n’a rien à gagner dans les jeux communautaires qui dominent le débat actuel.

    Du côté flamand, les partis de droite, et derrière eux beaucoup de petits patrons, espèrent pouvoir imposer des mesures d’austérité importantes en Wallonie, à Bruxelles… et en Flandre par le biais de la régionalisation. Le VOKA (l’organisation du patronat flamand) veut scissionner les caisses de chômage avec une politique envers les chômeurs differenciée selon les régions. Ils espèrent ainsi briser plus facilement la résistance des syndicalistes à leur politique antisociale.

    Mais, du côté francophone, le front « communautaire » n’est pas plus « social » : tant le MR et le CDH que le PS se sont déjà prononcés en faveur de restrictions au droit de grève, comme chez Ryanair. Leur résistance à une régionalisation accrue vient des difficultés économiques que connaissent la Wallonie et Bruxelles et de leur inquiétude face au rythme élevé et à l’ampleur des mesures d’austérité que veulent imposer les partis flamands. Mais pas du tout d’une opposition de fond à cette politique d’austérité.

    Il est clair que la période à venir sera marquée par des crises économiques et de nouvelles et dures mesures d’austérité. Tous les salariés de Belgique, qu’ils soient flamands ou francophones, doivent se préparer aux attaques du patronat. Cela ne sera pas possible si la droite et ses laquais nous divisent. Pour un nouveau parti des travailleurs, contre la droite et la politique antisociale, participez au CAP dans votre région, informez-vous des idées du MAS/LSP. Organisez-vous pour défendre les intérêts de tous les travailleurs. Rejoignez-nous !

  • Au Carrefour du monde

    « En quelques années, le fonctionnement de la grande distribution a été chamboulé de fond en comble. Il faut comprendre ces changements et ce qu’ils impliquent pour pouvoir adapter notre propre stratégie de défense de l’emploi et des travailleurs ». C’est ce que nous a expliqué un militant syndical liégeois de Carrefour que nous avons rencontré récemment.

    Jean Peltier

    « Il est fini le temps où nous avions face à nous des groupes comme GB et Delhaize dont les patrons étaient belges et qui fixaient leur objectifs à Bruxelles. Aujourd’hui, la stratégie d’un groupe de grande distribution est définie centralement à New York, Londres, Berlin ou Paris pour des groupes multinationaux qui sont actifs sur tous les continents, à travers leurs magasins mais aussi leurs fabricants et sous-traitants. Dès lors, la question de la rentabilité ne se pose plus du tout comme avant au niveau de chaque magasin. D’une part, parce que les marchandises et l’argent circulent sans arrêt entre les magasins en fonction des demandes et, d’autre part, parce que ce n’est pas sur les ventes de laitues et de couches–culottes qu’un groupe comme Carrefour base sa stratégie et réalise ses bénéfices. La grande majorité des produits qui ornent les rayons servent principalement à fidéliser une clientèle locale vis-àvis de laquelle Carrefour à d’autres intentions.

    « L’ élément-clé de la stratégie commerciale du groupe, c’est le produit qui bénéficie de la superpromotion en première page du dépliant publicitaire que vous recevez deux fois par mois dans votre boîte aux lettres : écran plat d’ordinateur, TV numérique, cartable pour la rentrée,… Le choix de cet article n’est pas laissé à la direction d’un magasin ou même d’un pays : c’est une décision impliquant plusieurs pays qui concentrent leurs moyens sur cet article.

    « Une publicité de ce type, cela peut signifier 1 million d’écrans plats produits par une usine, souvent chinoise, avec laquelle traite le groupe. Comme cette production est colossale pour l’usine, Carrefour peut lui imposer des prix de vente très bas, en laissant aux patrons de cette boîte le soin de se payer sur le dos de leur personnel.

    « Chaque magasin a un quota de ce produit à vendre. S’il l’atteint, il reçoit immédiatement un nouvel arrivage provenant de magasins où la vente a été moins bonne. L’ensemble de la production peut ainsi être écoulée en deux mois, ce qui représente déjà un fameux bénéfice pour le groupe. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car, profitant de son poids, Carrefour a imposé une clause supplémentaire à son producteur chinois : celui-ci ne sera payé que six mois après la livraison du produit. Pendant ce temps, l’argent des ventes est placé en banque ou en Bourse, où il rapporte des intérêts conséquents qui viennent s’ajouter aux bénéfices réalisés sur la vente. Double profit donc et sur des sommes colossales !

    « Un tel fonctionnement multinational donne évidemment un rapport de forces bien meilleur à la direction de Carrefour vis-à-vis de ses travailleurs. Mais cette stratégie a aussi ses contraintes. Carrefour a besoin d’avoir un maximum de magasins qui sont autant de « vitrines » pour écouler ses propres produits (gamme N°1,…) et surtout ses « offres spéciales ». Dès lors, fermer des magasins, c’est perdre des clientèles locales et offrir à ses concurrents (qui agissent de plus en plus avec les mêmes stratégies) des possibilités de « capter » ces clientèles – ce que chaque direction veut par-dessus tout éviter.

    « A condition que les syndicats comprennent bien cette nouvelle réalité, ce qui est loin d’être toujours le cas, il y a là de nouvelles possibilités de lutte pour défendre l’emploi – y compris en impliquant les populations « clientes » et en mettant en cause l’ « image de marque » de ces groupes multinationaux. »

  • GB : 900 emplois menacés

    Fin juin, la direction du groupe Carrefour a annoncé sa décision de fermer 16 Supermarchés GB cette année (8 en Flandre, 1 à Bruxelles et 7 en Wallonie), supprimant ainsi d’un coup 900 emplois (dont 800 dans ces magasins).

    Jean Peltier

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    DU N°1 BELGE AU N°2 MONDIAL

    Le premier Grand Bazar ouvre en 1885 à Bruxelles, d’autres magasins sont ensuite ouverts à Liège, Anvers et Gand. Après la deuxième guerre mondiale, l’expansion est rapide : en 1958 naît la formule actuelle du supermarché ; en 1970, le groupe GB commence à se diversifier avec l’ouverture du premier Brico GB ; en 1974, GB fusionne avec Immo-BM- Priba et devient GIB. En 2000, GIB est absorbé par le groupe français Carrefour (devenu actionnaire à 100% de GIB).

    Le groupe Carrefour Belgium compte aujourd’hui 561 magasins en Belgique, dont 56 hypermarchés Carrefour, 280 supermarchés GB, 133 GB Contact, 91 GB Express et 1 Rob. Il emploie 17.000 personnes en Belgique dont 5.502 dans les GB intégrés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires commercial de 5.380 milliards d’euros.

    L’ensemble des 78 supermarchés GB intégrés ont réalisé, sur les quatre premiers mois de l’année, un bénéfice de 9 millions d’euros, 15% de plus que pour la même période l’an dernier. Le groupe international Carrefour est le 2e groupe de distribution au niveau mondial. Il est présent dans 29 pays où il possède un total de 12.000 magasins et emploie 430.000 personnes.
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    La direction du groupe considère que « ces supermarchés sont structurellement non rentables » et qu’ « il est temps de stopper l’hémorragie si on ne veut pas risquer de mettre l’ensemble de la chaîne en péril ». Mais, derrière ces déclarations catastrophistes (alors que le groupe Carrefour Belgium de même que le sous-groupe des supermarchés GB en son sein réalisent des bénéfices confortables), il semble clair que Carrefour n’a pas l’intention de fermer définitivement ces magasins et encore moins de les revendre à la concurrence.

    UN RECUL SOCIAL PLEIN DE FRANCHISE

    En réalité, la direction du groupe a un objectif beaucoup plus vicieux : il s’agit de fermer des magasins intégrés au groupe pour les revendre ensuite à des gérants indépendants qui pourront les rouvrir dans le cadre d’une franchise – avec une convention collective moins favorable et sans représentation syndicale ! – en engageant du personnel plus jeune (le personnel des GB intégrés à en moyenne 17 ans d’ancienneté) à des salaires moindres (de l’ordre de 30 à 35%), des horaires de travail plus longs (38 heures/semaine au lieu de 35) et dans des conditions de travail plus dures (notamment avec des ouvertures le dimanche matin).

    A l’heure actuelle, 202 des 280 supermarchés GB sont déjà exploités par des franchisés. Et on peut redouter que Carrefour cherche à faire passer le plus rapidement possible les 78 magasins restants sous ce statut.

    Lorsqu’en février dernier, le patron de Carrefour Belgium, Marc Oursin, a annoncé la restructuration du groupe en 3 niveaux (les Hypermarchés Carrefour de très grande surface, les Super GB de taille moyenne et les petits GB Express de proximité), il avait aussi annoncé l’ouverture de 8 à 10 Supermarchés et 40 Express… tous sous franchise. Car les magasins sous franchise connaissent, grâce à la pression mise sur le personnel, une augmentation de leur chiffre d’affaires de 8%, alors que les magasins intégrés ne progressent guère.

    Voilà donc comment Carrefour compte augmenter encore plus ses plantureux bénéfices. Une fois de plus, c’est la logique du profit maximum en faveur des grands actionnaires qui s’impose au détriment des travailleurs, des clients et des habitants des quartiers.

    Car ce n’est pas un hasard non plus si la grande majorité des magasins visés sont installés dans des quartiers populaires et ont le plus souvent un grands nombre de clients fidèles mais qui ne sont plus considérés par Carrefour comme des clients privilégiés parce qu’ils ne dépensent pas assez !

    Et c’est encore moins un hasard si Carrefour a annoncé ce plan radical de fermetures et de licenciements juste avant les vacances, sachant très bien qu’il serait difficile de mobiliser le personnel pendant les deux mois d’été.

    Ces fermetures pourraient enfin n’être qu’un avant-goût : en décembre, la direction de Carrefour Belgium avait annoncé aux syndicats que la moitié des GB intégrés n’étaient pas rentables ou juste à l’équilibre. Cela veut dire qu’une vingtaine d’autres magasins pourraient aussi être menacés de fermeture par la suite !

    NÉGOCIER… MAIS SUR QUELLES BASES ?

    Devant le coup de force de la direction de Carrefour, les syndicats ont directement répliqué qu’il n’était pas question de discuter pendant les vacances. Les négociations doivent donc commencer à la rentrée de septembre.

    Dès l’annonce des fermetures, des actions spontanées de grève ont eu lieu dans certains magasins menacés, notamment aux GB de Quiévrain et Termonde. Des grèves de solidarité ont aussi eu lieu dans des GB qui ne sont pas directement menacés de fermeture, comme à Gilly, ainsi que dans des hypermarchés, comme ceux de Mouscron et Froyennes qui ont fait grève le samedi 30 juin en solidarité avec le GB de Tournai. Des actions de solidarité ont également eu lieu parmi les clients. Le Comité de Quartier de Rocourt a réuni plusieurs centaines de signatures contre la fermeture du GB. A Tournai, une manifestation locale de 500 personnes a réuni travailleurs du GB, habitants du quartier et syndicalistes d’autres entreprises.

    Malgré le choc provoqué par l’annonce des fermetures, le potentiel pour une forte réaction unissant travailleurs et clients existe donc. Malheureusement, la réponse des directions syndicales paraît jusqu’ici très limitée.

    Elles ont tout d’abord refusé d’organiser une journée nationale de grève contre les fermetures fin juin ou début juillet. Certes, le délai était court pour organise la mobilisation dans les GB et Carrefour mais une journée de grève au début des soldes aurait eu un impact énorme.

    La CNE et le SETCa se sont contentés d’organiser une mobilisation de quelques centaines de travailleurs le 2 juillet devant le bâtiment où se tenait le Conseil d’entreprise de Carrefour qui devait annoncer officiellement les fermetures. Pendant ce temps, une partie des GB menacés étaient ouverts, les gérants ayant fait appel à des étudiants et des intérimaires pour assurer un service minimum !

    D’autre part, le tract commun SETCa-CNE diffusé fin juin met l’accent sur deux exigences vis-à-vis de Carrefour : « des garanties sur un maintien du volume de l’emploi chez Hyper et chez Super » et le fait que « ce plan de restructuration ne pourra se traduire par des licenciements secs ». Il déclare aussi que « Le drame social ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des travailleurs : la direction doit mettre sur table un vrai plan commercial susceptible de relancer l’activité des supermarchés de manière durable tant en garantissant des salaires décents et des conditions de travail acceptable pour le personnel (le même raisonnement vaut aussi pour les hypers…) ».

    Nulle part n’est avancée la revendication centrale du refus des fermetures qui est le seul moyen de réellement maintenir l’emploi ! Il semble que les directions syndicales se soient résignées à la fermeture des GB avant même de mener un vrai combat et qu’elles s’apprêtent à se concentrer sur deux objectifs minimum : reclasser le maximum de personnel dans d’autres GB et hypers et négocier de bonnes conditions de départ (notamment par la prépension) pour les autres . Or, en 1999, un plan de restructuration accepté par les syndicats prévoyait déjà de tels reclassements internes mais les syndicats se lamentent aujourd’hui de ce que la direction de Carrefour n’a guère respecté ses engagements. Si aucune lutte n’est menée contre les fermetures, la direction de Carrefour se sentira encouragée à mettre la pression dans les négociations et à ne pas mieux tenir ses futures promesses.

    Pour imposer le maintien de l’emploi, il faut que monte rapidement de la base l’exigence du refus des fermetures. C’est la seule base sur laquelle un combat efficace pourra être mené.


    Solidarité active avec le CAP

    Dès l’annonce de la décision de Carrefour, le CAP (Comité pour une Autre Politique) s’est mobilisé pour s’opposer à ces fermetures, réclamer le maintien de l’emploi et appeler à la solidarité des travailleurs de tout le secteur de la grande distribution et des clients.

    Il a ainsi organisé du lundi 25 juin au mercredi 27 juin une tournée à travers le pays de son Bus de la Solidarité avec, comme points d’étapes, neuf des GB menacés par la fermeture. L’équipe du bus et les groupes locaux du CAP ont ainsi pu participer à des Assemblées du personnel, discuter avec les clients et les habitants des quartiers. Une affiche a été diffusée largement et la pétition lancée par le CAP a recueilli plus d’un millier de signatures en trois jours. Le CAP était également présent le 2 juillet lors de la manifestation devant le siège de Carrefour. Vous pouvez trouver un résumé complet de cette « tournée » et des interviews de militants sur le site du CAP (www. autrepolitique.be) (documents postés le 1er juillet).

    La campagne de solidarité reprend début septembre. Le Bus de la Solidarité va repartir sur la route et des interventions sont prévues sur plusieurs GB avec la pétition. Pour plus de renseignements, pour recevoir la pétition, pour participer aux actions, contactez le CAP ou les militants du MAS.

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