Tag: Bruxelles

  • Bruxelles : Un cruel manque de place dans l’enseignement

    Par Tim (Bruxelles)

    C’est dorénavant une tradition bien ancrée pour les premiers mois d’été, le moment où paraissent les statistiques concernant le nombre d’élèves n’ayant toujours pas trouvé de place dans une école malgré leurs recherches. En 2013, à Bruxelles, il manquait 1.200 places dans l’enseignement fondamental francophone et 2.000 dans le néerlandophone. Et le jour de la rentrée des classes, 380 enfants n’avaient pas pu entamer leur première année secondaire dans une école francophone et 600 étaient dans le même cas du côté néerlandophone bruxellois. En plus de cela, des milliers de parents se sont vus forcés de conduire leurs enfants à l’autre bout de la ville, faute de place dans leur quartier.

    Ensuite, les élèves qui ont pu trouver une place connaissent des conditions scolaires souvent bien éloignées de l’idéal pour étudier correctement. Dans l’enseignement bruxellois francophone, 40.000 élèves suivent désormais des cours dans un préfabriqué, le nombre de bâtiments scolaires dans un état déplorable est à tomber par terre et beaucoup d’écoles manquent de professeurs. Des éducateurs de jardin d’enfants ont, encore récemment, demandé aux parents de ne plus leur confier d’enfants qui ne peuvent pas encore se rendre seuls aux toilettes. En effet, le temps leur manque pour pouvoir changer des langes ! Cela n’a rien d’étonnant à partir du moment où chaque éducateur doit gérer 28 enfants… L’avenir n’offre pas de meilleures perspectives : selon le ‘‘Brussels Studies Institute’’, la Région Bruxelloise aura besoin de 42.000 nouvelles places d’ici 2020 pour permettre à chaque enfant de trouver une classe. Près de la moitié de celles-ci seront déjà nécessaires d’ici 2015 ! Les écoles bruxelloises sont aujourd’hui pleines à craquer. Malgré les quotas pour parents habitant la commune, 10 des 19 communes bruxelloises ont atteint leurs limites.

    ‘‘La sagesse, c’est prévoir les conséquences’’ disait le volcanologue franco-belge Haroun Tazieff en parlant de la construction de logements sur des terrains sensibles. Voilà une leçon que les politiciens bruxellois ont encore à apprendre. Interrogés sur cette question, ils répondent invariablement qu’il s’agit d’un problème relatif à ‘‘une évolution démographique imprévue’’. Il est vrai que la croissance démographique bruxelloise est supérieure à celle du reste du Royaume.

    Toutefois, ce n’est pas pour autant un phénomène neuf. Le Bureau Fédéral du Plan publie toutes les deux à trois années un rapport détaillé abordant cette augmentation de la population et avertissant de l’impact à venir sur la population scolaire. En observant de plus près la pénurie de places, on constate rapidement que l’argument d’une croissance démographique ‘‘imprévue’’ ne tient pas la route.
    Il n’est pas seulement question de manque de place dans les crèches (moins d’un tiers des enfants ont actuellement accès à une structure reconnue). ‘‘Brussels Studies Institute’’ estime que l’insuffisance de places atteindra 18.000 unités dans le fondamental et 4.700 dans le secondaire d’ici 2015 (très vite, donc)! Faudrait-il enseigner aux politiciens traditionnels qu’un enfant qui naît aujourd’hui aura besoin d’une place dans le fondamental quelques années plus tard et dans le secondaire également une douzaine d’années plus tard ? Tout ce discours de ‘‘l’explosion démographique’’ n’est qu’un rideau de fumée destiné à masquer le sous-financement chronique de l’enseignement.

    Puis, quand cela ne suffit plus, alors commence un petit jeu de blâme communautaire : chaque entité accuse un autre gouvernement d’être le responsable du manque de places. Chaque niveau de pouvoir (local, communautaire, régional ou fédéral) reprend pourtant les mêmes partis traditionnels et la même politique d’austérité y est menée, c’est-à-dire un sous-financement systématique des services publics, en ce comprit de l’enseignement. Le cœur de la problématique se trouve ici.

    Bien entendu, nous ne sommes pas opposés à une simplification de la politique d’enseignement à Bruxelles. Beaucoup d’habitants de la capitale considèrent à juste titre comme une absurdité qu’une ville bilingue compte deux réseaux unilingues d’enseignement, organisés par les communautés flamande et francophone, sans aucune coordination et sans tenir compte de la situation spécifique de Bruxelles. Nous ne tombons toutefois pas dans l’illusion que des réformes organisationnelles – l’organisation d’un réseau bilingue par la région par exemple – puissent être de nature à résoudre fondamentalement les divers problèmes rencontrés. La véritable clé de la situation réside dans le sous-financement de l’enseignement, indépendamment de celui qui l’organise.

    Le PSL est en faveur d’une société dans laquelle les richesses produites par la collectivité seraient démocratiquement gérées, c’est ce que nous appelons le socialisme. Continuellement apparaissent de nouveaux exemples illustrant l’incapacité du système capitaliste à faire face aux nécessités de base de la majorité de la population, même dans un pays comme la Belgique.

    Nous luttons pour un refinancement public de tout l’enseignement, à tous les niveaux. En revenir à ce que 7% du Produit Intérieur Brut soient consacrés à l’enseignement comme dans les années ‘80 serait déjà un bon premier pas.

    Ces moyens sont nécessaires pour construire de nouvelles écoles, en premier lieu dans les communes et les quartiers où la pénurie est la plus préoccupante. Chaque enfant a droit à disposer d’une place dans une école de son quartier. Nous exigeons aussi une amélioration du statut des professeurs, de meilleures conditions de travail, des classes plus petites pour permettre un meilleur accompagnement des élèves et un encadrement suffisant pour offrir le meilleur apprentissage possible.

    L’enseignement doit être gratuit dans tous ses aspects – du jardin d’enfants à l’enseignement supérieur. Mais cette évidence ne sera possible que dans une société où les richesses seraient placées sous le contrôle démocratique de la population toute entière.

  • STOP aux SAC et à l’AUSTERITE !

    Non à la répression – Luttons pour une politique sociale !

    Par Gauches Communes

    26 octobre 2013, 2000 jeunes sont dans la rue contre la nouvelle loi du gouvernement et contre l’ensemble du système des Sanctions Administratives Communales (SAC). 85 organisations de jeunesse ont ainsi répondu à l’appel des campagnes StopSAC.be et TegenGAS.be d’opposer aux amendes administratives données par les communes, une politique sociale pour résoudre le problème des incivilités. Avec la nouvelle loi, les SAC pourront aller jusqu’à 350 €, et être données dès l’âge de 14 ans (contre 16 jusqu’ici).

    Ces amendes sont le plus souvent utilisées pour sanctionner le fait de mettre son sac poubelle dehors au mauvais moment ou jeter son mégot de cigarette par terre. L’arbitraire règne totalement car les bourgmestres sont juge et partie. On a ainsi affaire à une véritable justice de “shérif” qui entraîne inévitablement son lot d’absurdités et d’injustices : une SAC a, par exemple, été donnée à une dame pour avoir décoré d’un pot de fleurs le bas de sa porte à Schaerbeek. Elles sont aussi utilisées pour limiter la liberté d’expression. Par exemple, le bourgmestre de Bruxelles les a utilisées contre une manifestation pacifique qui dénonçait l’austérité en Europe. (…)

    Suite sur le site de Gauches Communes

     

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (5)

    Les finances des communes et des régions sont dans un état catastrophique. A Bruxelles, de nombreux niveaux d’autorité sont représentés, mais ils ont tous en commun de mener une politique d’assainissements et d’austérité. A ces sévères économies antisociales, il convient de répondre par une résistance sociale conséquente. Cela nécessite un programme reposant, au-delà de l’opposition à la politique actuelle, sur une alternative claire. Cet article est la dernière partie de notre dossier sur Bruxelles, avec les conclusions qui s’imposent selon nous.

    Les finances communales boivent la tasse, aux travailleurs et à leur famille de payer la note…

    Selon l’analyse des budgets communaux réalisée par Belfius, 13 des 19 communes bruxelloises sont en déficit pour 2013. Ces chiffres sont de loin plus mauvais que pour les autres régions de Belgique. Après une législature 2000-2006 marquée par une dégradation des finances communales, Charles Picqué, également Ministre de tutelle des pouvoirs locaux à la région, annonçait pourtant une « stabilisation financière » des communes « grâce à l’action de la région et une gestion parcimonieuse des communes » pour 2006-2012.

    Par « action de la région », Picqué réfère surtout à l’injection chaque année depuis 2007 de 30 millions € supplémentaires pour l’équilibre budgétaire des communes. Sans cette aide, une seule commune ne serait pas en déficit chaque année. Picqué a conditionné cela à la présentation et au respect d’un plan financier trisannuel par les communes, devançant ainsi les nouvelles directives européennes contenues dans le Six-Pack et traduisant la volonté du bon plombier institutionnel qu’il est de développer la gestion de l’austérité et des pénuries au niveau des communes. Par « gestion parcimonieuse », Picqué réfère à la politique d’assainissement des autorités locales, par laquelle la croissance des dépenses par habitant a été inférieure à l’inflation, aggravant les pénuries. Et cela malgré une croissance annuelle des dotations aux zones de police de 5% et des dotations aux CPAS de 5,5%.

    Comme nous l’avons déjà vu, le rendement du PRI varie fortement d’une commune à l’autre. De son côté, la part de l’IPP dans les recettes des communes tend à diminuer (de 15% en 2006 à 11% en 2012) du fait de l’appauvrissement de la population. Les recettes dues à l’intervention régionale croissent quant à elles annuellement de 5% et représentent aujourd’hui 22,5% des revenus des communes. Les subsides du fédéral, des communautés et de la Cocof correspondent pour leur part à 13,5% des revenus.

    Les recettes sur les produits financiers ont quant à elles enregistré un important recul depuis 2005 suite à la libéralisation du secteur de l’énergie (pertes des dividendes des intercommunales) et depuis 2009 avec la liquidation du Holding Communal (suppression des dividendes via Dexia). Les recettes de dette (à la fois sur les intérêts créditeurs et sur les dividendes des participations aux intercommunales dont Sibelga, HydroBru et Brutélé) ne représentent plus que 3,7% des sources de revenus des communes en 2012 contre 8,5% dix an plus tôt.

    Dans le secteur de l’énergie, qui générait autrefois d’importants dividendes, les communes se concentrent désormais sur l’activité du gestionnaire de réseau. Les pertes liées à la fourniture a été compensé à Bruxelles par une redevance voirie (électricité et gaz) qui atteint un rendement budgétaire actuellement de 30 millions €. Les dividendes sur le gaz et l’électricité sont passé de 70 millions € par an en 2002 à 55 millions € à partir de 2005 et à 50 millions € depuis 2011. Interfin (bras financier des communes dans Sibelga) a toutefois versé un dividende exceptionnel de 32 millions € aux communes en 2010, qui provient du surcoût de la distribution tarifé aux consommateurs. Les communes ont décidé ces dernières années d’obtenir de plus en plus de revenus de Sibelga. Alors que le bénéfice de 2012 de Sibelga a encore augmenté à 87,3 millions € par rapport à 66,5 millions € en 2011, les dividendes versés s’élèvent à 79,6 millions € (à 75% pour les communes et à 25% pour Electrabel).

    Les mesures du gouvernement fédéral pour limiter les prix excessifs des fournisseurs sont arrivées trop tard et sont trop limitées. De plus, la CREG (la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz) avait sonné l’alarme dans son rapport de janvier 2012, expliquant que les tarifs de distribution pratiqués par les communes sont beaucoup trop élevés par rapport aux pays voisins. De fait, sur l’ensemble de la facture d’énergie, ce sont surtout les coûts de la distribution qui ont le plus augmenté depuis 2008 : ils correspondent à environ 40% de la facture de gaz et d’électricité soit en moyenne 600 € pour un ménage ! Paradoxalement, le coût de la distribution à Bruxelles est le plus élevés qu’en Flandre et en Wallonie alors que le territoire et donc le réseau est pourtant nettement moins vaste.

    Entre 2008 et 2012, la commune de Saint-Gilles a doublé ses revenus annuels sur le gaz et l’électricité de 2,6 millions € à 5,3 millions €. Ces augmentations de revenus (redevance voirie, obligation service public, dividendes et la « revente exceptionnelle » en 2011 de patrimoine communal à Sibelga) sont à leur tour transférés sur la note des usagers. En moyenne, cela représente 110 € de taxe cachée chaque année pour chaque Saint-Gillois. Ce qui équivaut au coût de la perte de Dexia.

    A travers le Holding Communal, les communes belges détenaient 14% des parts de Dexia. Avec la faillite de la banque, les dividendes (25 millions € en 2008) ont été réduits à néant en 2009. Tous les partis traditionnels ont participé à cette orgie spéculative. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens alors que la banque maximisait les risques pour obtenir des rendements les plus élevés possibles.

    En 2008, il a été demandé aux communes de mettre de l’argent sur la table pour sauver la banque en difficulté. Saint-Gilles augmente alors sa participation au capital de 4 millions €. Aux côtés de Saint-Gilles, Anderlecht, Bruxelles, Ixelles, et Schaerbeek participeront également un maximum. Ensuite Saint-Josse, Molenbeek, Etterbeek, Uccle et Jette augmenteront aussi fortement leur part. Picqué écrit alors, dans son rapport financier 2002-2011, que « grâce à la recapitalisation du groupe, les communes limitent la casse avec environ 8 millions € de recettes par an ». Peu de temps après, tout cet argent a disparu car la recapitalisation n’a pas empêché la débâcle. Au final, la perte annuelle se chiffre à 2 millions € pour Saint-Gilles et 4 millions € pour Ixelles. Les communes ont même contractés des prêts chez Dexia pour cela ! Par exemple, Saint-Gilles repaye encore chaque année jusqu’en 2019 500.000 € de remboursement du prêt pour la recapitalisation. Désormais, l’austérité passe également par les communes

    Pour combler les déficits communaux, les différentes majorités communales appliquent à leur niveau l’austérité notamment en augmentant diverses taxes. Cette augmentation est en moyenne de 8,7% en région bruxelloise par rapport à 2012, ce qui équivaut à un montant de 130 € par habitant en plus. Ces taxes portent principalement sur les bureaux et les chambres d’hôtels mais les plus fortes augmentations sont sur la mobilité et le stationnement. Pour les budgets 2013 des 19 communes, Belfius estime que les taxes sur le stationnement représentent une recette d’un peu plus de 51 millions €, soit 9,2 millions € de plus qu’il y a 3 ans (+ 25 %). Cela devrait encore augmenter en 2014, avec la mise en place du nouveau plan de stationnement régional dès le 1er janvier. Cette réforme du plan de stationnement régional s’accompagne de la réforme, par le fédéral cette fois, de la loi sur les sanctions administratives communales. Cette réforme prévoit notamment l’élargissement de la fonction d’agents constatateurs et l’augmentation du plafond des amendes à 350 €.

    Pour la bourgeoisie belge, les régions et les communautés sont des outils très utiles pour réaliser différents assainissements. Ses politiciens traditionnels en maîtrisent l’art. Un niveau de pouvoir n’est pas encore suffisamment utilisé à leur goût pour réaliser l’austérité : la commune. Un des objectifs du gouvernement régional est de disséminer des coupes dans les services communaux et en même temps d’utiliser ces services pour traire encore plus la population et les travailleurs.

    Ixelles a ouvert le bal de l’austérité communale 2013 en publiant en février son budget. La nouvelle majorité Ixelloise (PS-MR-Sp.a) prévoit 18 mesures, parmi lesquelles : diminution du nombre de fonctionnaires communaux (non remplacement d’un tiers des départs), fermeture de deux restaurants sociaux, suppression de la moitié des subsides aux associations, fermeture de la déchetterie communale, augmentation de 15% en moyenne des frais des services communaux et des taxes supplémentaires… Comme Picqué à la région, la commune d’Ixelles veut faire payer la crise au personnel communal et aux habitants.

    La situation de la commune de Saint-Gilles semble de son côté assez paradoxale. Près d’un an après les élections communales, la majorité n’a toujours pas publié de déclaration de politique générale. De plus, si le budget 2013 a été voté en avril (avec un déficit d’environ 3 millions €), la majorité n’a même pas soumis le plan triennal rendue à la région à l’ensemble du conseil communal, alors que ce plan est censé cadrer l’orientation des budgets communaux pour les trois prochaines années. C’est la seule commune de la région bruxelloise dans ce cas. Serait-ce lié au retour de Charles au maïorat ? Une région marquée par les pénuries et les inégalités signée Picqué

    Lors de son départ de la région, le journal « Le Soir » rendait hommage à Picqué comme le meilleur garant des intérêts de la région bruxelloise contre la Flandre. D’autant que lors de la 6e réforme de l’Etat, le « créateur » de la région a pu obtenir un refinancement à hauteur de 461 millions €. La région va-t-elle pouvoir à présent garantir les droits et besoins des différentes communautés qui vivent à Bruxelles ?

    Rien n’est moins sûr. En juillet dernier, le gouvernement bruxellois a présenté les grandes lignes du budget régional pour 2014. Au menu : 120 millions € d’assainissements, soit 4% du budget de la région. Ces premiers assainissements budgétaires signés Vervoort sont de loin supérieurs à ceux de 2013 qui étaient de 83 millions €. Le détail des réductions de budget et des augmentations de taxes n’est pas encore connu, le conclave étant planifié pour fin septembre. Il est fort probable que le traditionnel salami sera de mise pour réaliser les assainissements, en utilisant également l’échelon communal pour appliquer l’austérité.

    La 6e réforme de l’Etat prévoit parallèlement au refinancement le transfert de toute une série de nouvelles compétences aux régions relatives à l’emploi, aux soins de santé, aux allocations familiales… Ces nouvelles compétences représentent près de 25% de l’ensemble de la sécurité sociale. Il est probable que ces services rencontrent un sous-financement du même ordre que ce qui se fait déjà dans la région aujourd’hui. En outre, ces nouvelles thématiques risquent fort d’intensifier les complications communautaires et les passages par la commission communautaire commune (cocom).

    Faudra-t-il simplifier les administrations publiques à Bruxelles ? Si une telle simplification se faisait au détriment des moyens, ça ne serait pas mieux, les pénuries augmentant les conflits et discriminations. La seule véritable solution est celle qui s’attaque à la racine du problème : organiser les services et infrastructures en fonction des besoins plutôt qu’utiliser différents niveaux de pouvoir pour aménager les différentes pénuries.

    C’est pourtant cette dernière logique qui est derrière la réforme d’Etat fédéral et la réforme interne de la région. En 2010, Verdonck, Taymans et Ector, trois professeurs de centre d’études régionales bruxelloises des facultés universitaires de Saint-Louis, ont sorti une étude qui calculait un besoin de financement complémentaire à 720 millions €, basé sur les surcoûts et les manques à gagner subis par la région par rapport aux autres régions. Cependant, la somme prévue par l’accord institutionnel n’est que 461 millions €.

    Selon l’étude, la différence entre ces besoins et le refinancement obtenu dans les différents budgets est la suivante : 56 millions € nécessaires en matière de sécurité contre 30 obtenus, pour les coûts liés au bilinguisme et les structures politiques administratives c’est un besoin de 89 millions € pour 68 obtenus, dont 40 à travers les commissions communautaires. Le manque à gagner du fait de l’absence de solidarité de l’hinterland bruxellois est estimé à 430 millions €, alors que la loi de financement n’apporterait qu’au maximum 44 millions € à partir de 2015 sur base de l’importance des navetteurs. L’étude calcule un surcoût pour les CPAS dû à l’attraction de la capitale vis-à-vis des populations défavorisées à 89 millions €, or rien n’est prévu sur ce plan-là.

    Concernant la mobilité et le manque à gagner dû aux exonérations fiscales octroyées aux institutions et fonctionnaires internationaux, les moyens nécessaires sont calculés par l’étude à respectivement 122 et 127 millions €. Dans ces cas-ci, le refinancement rencontre ces montants. Mais il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une étude faite par des socialistes et basée sur les vrais besoins. Il s’agit d’une comparaison de Bruxelles avec le reste du pays (toute politique restant le même) et sur cette base-là de calculer les désavantages de la vielle et de la nouvelle loi de financement pour la région de Bruxelles. Cette étude se place dans le cadre d’une redistribution des pénuries plus « équitablement » sur tout le pays et non de résoudre les pénuries. Les besoins réels, partant de la défense du droit d’une vie décente pour chacun, demandent évidemment beaucoup plus de moyens.

    Le caractère forfaitaire des dotations complémentaires risque à terme de nécessiter une nouvelle négociation si les besoins objectifs augmentent substantiellement (ce qui est la perspective la plus probable). En plus, la moitié des dotations prévues ne peuvent pas être librement utilisées, mais sont prévues pour des matières spécifiques (« pas de chèque en blanc », comme disaient les partis flamands). L’absence de financement pour combler le manque à gagner pour la région lié au fait que les gens qui travaillent à Bruxelles payent leurs impôts dans une autre région et pour combler le surcoût dû à la forte attraction de la capitale pour des populations va pousser le gouvernement bruxellois encore plus dans sa logique d’attirer des couches plus aisés en repoussant les couches pauvres.

    A Bruxelles, la bourgeoisie belge a pu compter sur un énième plombier institutionnel à son service. Récemment, Picqué déclarait encore : « On n’a pas pu anticiper le boom démographique, c’est un facteur sur lequel nous n’avons pas de prise ». Si la croissance démographique apparaît comme étant « Le » problème de Bruxelles générant des pénuries, c’est bien parce qu’il met en évidence des décennies de sous-investissement dans les services et infrastructures collectifs, conséquence des politiques néolibérales des gouvernements Picqué. Pour faire face à ces pénuries, les « solutions » alternent entre des plans de bricolage temporaires, des taxes en augmentation, voire des sanctions. Dans tous les cas, ce sont la population bruxelloise et les travailleurs qui en payent les frais. Ces 20 années de gouvernements Picqué sont finalement très illustratives du processus de bourgeoisification de la social-démocratie.

    En même temps, une configuration de gouvernement « Olivier » a permis de faire jouer les liens privilégiés des directions syndicales avec les partis traditionnels au gouvernement, afin d’éviter un mouvement généralisé malgré la pression de la base. La rhétorique des dirigeants syndicaux qui était de conditionner toute revendication à l’obtention du refinancement de la région bruxelloise a été une expression de ce lien. Comme cela a été expliqué dans le cadre des conditions de travail des ALR, cette rhétorique était une supercherie, le refinancement n’ayant en rien été utilisé pour améliorer les acquis et inverser la tendance qui est l’accroissement des pénuries. Une rupture des liens avec ces partis traditionnels et un nouveau parti de masse défendant les intérêts des travailleurs est nécessaire.

    Les inégalités croissantes qui découlent des pénuries sont illustrées par l’évolution des revenus des 10% les plus riches à Bruxelles comparativement à l’évolution des revenus des 10% les plus pauvres, et ce de 1985 à 2007. Alors que les 10% les plus aisés ont vu leurs revenus doublés par rapport à 1985, pour les 10% les plus pauvres ces revenus sont deux fois plus faibles. Ce graphe ne tient même pas compte de la crise et de ses effets ces 5 dernières années. Cette « fracture sociale » est une illustration du résultat de 20 années de gouvernements Picqué.

    Conclusion

    Comme l’ont illustré les récents mouvements de masse en Turquie autour de la place Taksim et au Brésil lors de la coupe des confédérations, les politiques de la ville qui combinent le prestige pour une minorité et les pénuries pour une majorité peuvent avoir un effet d’étincelle sur la colère et être un point de départ pour la remise en question de tout un système. Le type de lutte comme celle des travailleurs communaux d’Ath et plus récemment ceux de Saint-Nicolas, qui ont mobilisé le soutien de la population contre l’externalisation de la récolte des déchets, se développeront également à terme dans les communes bruxelloises.

    Les travailleurs de Bruxelles-Propreté ou ceux du site Horta ont déjà illustré leur capacité à entrer en action. Les travailleurs communaux de Saint-Gilles ont recommencé à mener des actions dans la commune comme lors du 14 novembre dernier. Ils expliquaient alors qu’ils voulaient renouer avec des traditions syndicales plus combatives. Avec le PSL et les campagnes « Reprenons nos communes ! », nous voulons accompagner les syndicalistes et les habitants à Bruxelles et dans les communes où nous sommes implantés à travers ce processus.

    Le point de départ pour les budgets doivent être les besoins de la population et non les moyens limités imposés, car les richesses existent dans la société, il faut aller les prendre là où elles se trouvent, y compris au niveau communal ou régional. Un plan radical d’investissements publics massifs est nécessaire pour créer massivement des logements sociaux, des écoles, de crèches, du transport public, des soins de qualité, des emplois décents et du pouvoir d’achat.

    Cela nécessiterait d’élaborer un budget en déficit. Une majorité socialiste devrait alors mener une campagne massive dans la commune ou la ville, notamment avec les travailleurs des ALR, pour construire un plan de mobilisation large visant à soutenir ces mesures nécessaires et imposer un tel budget. Cela ouvrirait un front contre le gouvernement d’austérité Di Rupo et son successeur comme l’a illustré l’exemple de la majorité socialiste de la ville de Liverpool et ses habitants face à Thatcher dans les années ‘80.

    Ce plan radical ne peut pas être cantonné au niveau communal ou régional, mais doit être couplé à l’abolition de la dette et à la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des banques, du secteur de l’énergie et des autres secteurs clés de l’économie et à la transformation socialiste de la société.

  • ‘‘Combattre la logique du diviser pour mieux régner’’

    Alliance D19-20, une journée de résistance contre l’austérité européenne

    Propos recueillis par Nicolas Croes, photo : MediActivista

    Le 19 décembre dernier, en plein sommet européen, le quartier européen était sans dessus-dessous. À Bruxelles, quatre des principaux carrefours encerclant l’endroit étaient bloqués avec des barrages érigés par des centaines de militants syndicaux, de producteurs de lait venus avec leurs tracteurs, de militants politiques et associatifs, de jeunes radicalisés,… Tous, 2000 militants environ, avaient répondu à l’appel de ‘‘l’Alliance D19-20’’, une bonne partie d’entre eux ayant eu, la veille, leur enthousiasme gonflé à bloc par un grand meeting contre l’austérité tenu en présence de plus de 300 personnes. Nous avons discuté de tout cela avec Luc Hollands du MIG (une association de producteurs de lait), l’une des figures emblématiques du succès de cet audacieux pas en avant vers une résistance plus active contre la politique d’austérité.

    L’Alliance D19-20 était une initiative inédite, réunissant des syndicalistes, des producteurs de lait, des militants associatifs,… Quel bilan tires-tu de cette collaboration et des journées du 18 décembre, où s’est tenu le meeting, et du 19, avec la tentative de blocage du sommet européen?

    Ça a été une grande réussite ! C’était déjà un fameux pari de mettre tous ces gens autour de la table. La question était de savoir si on allait parvenir à un accord sur ce contre quoi on allait lutter. Mais nous avons pu travailler efficacement très vite.

    Nous nous sommes concentrés sur deux thèmes, le traité d’austérité (le TSCG) et le traité transatlantique, qui sont discutés sans qu’on nous demande notre avis, ce qui ajoute au problème de leur essence antisociale, un véritable problème de démocratie. Mais derrière ces deux dossiers spécifiques, il y a surtout la crise, la réduction des acquis sociaux, le démantèlement des services à la population,… On touche à l’intégrité de notre pays et à la richesse de la collectivité. On ne peut pas le permettre, on ne peut pas laisser faire des financiers qui vivent sur le dos des gens. En tant que producteurs de lait, nous sommes très concernés. Le traité transatlantique par exemple, va permettre une arrivée massive de produit OGM ou hormonés. Nos produits de qualité ne parviendront pas à s’en sortir, le monde entier devra alors accepter de vivre comme le veulent les grandes entreprises américaines. Et comme l’austérité touche le pouvoir d’achat des gens, ils sont obligés de se tourner vers des produits moins chers, par pure nécessité, vers des produits qui ne respectent pas les normes de santé et environnementales. Nous, on sera coulés, et les gens s’en retrouveront lésés au niveau de la qualité de leur alimentation et de leur santé. C’est pour cela qu’une alliance large est nécessaire, parce que tout est lié et que nous devons lutter ensemble.

    Un des mérites de l’Alliance D19-20 a été de réfléchir à d’autres types d’action que ce qui a été fait jusqu’ici pour résister à l’austérité. On sent un peu partout un processus de maturation chez les militants, la recherche d’une alternative aux méthodes de concertation et de négociation avec des autorités qui ne nous écoutent que pour nous endormir. Comment cela s’est-il exprimé dans votre cas, chez les producteurs de lait ? En 2009, les producteurs laitiers ont subi la pire crise de leur histoire. Notre lait nous était alors payé à 19 cents le litre alors que nos coûts de production étaient de 34 cents. Les jeunes fermiers et ceux qui n’avaient pas de réserve ont succombé sans que les syndicats majoritaires ne réagissent (la FWA, l’ABS et le Boerenbond). Spontanément, une révolte s’est développée un peu partout en Belgique, mais principalement en Wallonie, et nous avons rejoint une association de producteurs, sous le nom de Milk Interest Group (MIG), qui fait partie au niveau européen de l’EMB représentant 50.000 familles de producteurs européens. Au cours des quatre dernières années, nous avons organisé quatre grosses actions/manifestations, dont la plus forte fut la grève du lait de 2009 avec, en apothéose, le déversement de 4 millions de litres de lait sur un champ à Ciney. Mais malgré le succès de toutes ces actions et les promesses qui nous ont été faites, la politique a continué son bonhomme de chemin vers la libéralisation totale. Actuellement, nous perdons 40 fermes par semaine en Belgique.

    D’autres secteurs manifestaient eux aussi, sans avoir plus de succès. Pourquoi ne pas faire une alliance avec eux ? La politique dominante travaille selon le principe du ‘‘diviser pour mieux régner’’, ce qu’il faut combattre. Finalement, après une action en novembre 2012 où nous avons aspergé le Parlement européen, on m’a donné la responsabilité d’entamer des rencontres pour tenter de nouer une collaboration. C’est ainsi que nous avons été introduits dans le milieu militant par un activiste flamand, Raf, qui avait soutenu notre projet de lait équitable Fairebel. Notre première action a été d’aller offrir du lait chocolaté aux enfants des ouvriers en grève de Ford Genk. L’accueil fut plus que chaleureux, et de bonne augure pour une alliance future entre producteurs de lait et travailleurs.

    Mais le plus important fut la manifestation de juin 2013, contre le TSCG et en défense des services publics, où j’ai pu prendre le micro pour parler de notre situation. Nous avons eu de premières discussions informelles, avec beaucoup de secteurs et d’organisation (Comité Action Europe, CGSP-ALR, CNE, Constituante.be,…). Suite à cela, il y a eu une quantité énorme de réunions avec des responsables syndicaux, des délégués syndicaux, des organisations et partis de la gauche radicale, des organisations citoyennes et des ONG.

    C’est là que l’Alliance D19-20 a commencé à prendre forme…

    Le 19 décembre, plusieurs dizaines de jeunes ont été arrêtés. Nous condamnons cette répression des protestations sociales. Photo : MediActivista.

    Oui. Concrètement, une structure a été mise en place avec 3 groupes de travail, en discutant d’abord des actions à mener. Une tentative de blocage du sommet s’est imposée, précédée d’un meeting international. Ces gens-là ne tiennent absolument pas compte de l’avis des citoyens pour prendre leurs décisions, mais ils savent bien rencontrer les ‘‘amis de l’Europe’’, les multinationales et les financiers.

    La motivation principale était de sortir des habituelles ballades de protestation. C’est le constat que nous avions tiré en évoluant vers des actions plus radicales avec le MIG, mais nous n’étions pas les seuls. Rudy Janssens par exemple, de la CGSP-ALR (Administration Locales et Régionales) était arrivé au même constat. Ses connaissances ‘‘logistiques’’ de la ville de Bruxelles nous ont beaucoup aidées pour voir où placer les barrages, etc. Nous avons tout de même demandé à voir Di Rupo, Van Rompuy et de Glucht. Aucun n’a jugé utile de nous recevoir.

    Développer le débat sur des méthodes d’action plus offensives a été un des grands points positifs de cette expérience, qui n’est pas terminée, mais le fonctionnement de cette alliance est aussi intéressant. Tu peux nous en dire plus ?

    Notre grand souci était de fonctionner de manière démocratique, pour que tout le monde puisse se retrouver dans l’initiative. L’idée était de se concentrer sur l’opposition au Traité budgétaire et au traité transatlantique, chacun développant à partir de là ses propres positions et son argumentaire en fonction de ses spécificités. Ensuite, il y a eu un mode de fonctionnement avec assemblées générales (en présence d’une centaine de personnes à chaque occasion), la première s’étant tenue début septembre, avec des commissions ouvertes entre deux AG : communication, meeting et action. Ces groupes n’ont jamais été des groupes fermés, chaque personne voulant rejoindre un groupe le pouvait.

    La plus grande richesse de tout ça, c’était que, venu d’autant d’organisations et de contextes différents, chacun a pu amener ses spécificités, participer à un projet collectif en gardant son identité. Nous nous sommes renforcés grâce à cette approche. Mon rôle à moi était essentiellement un rôle de diplomate, ce qui n’est pas du tout propre à ma personnalité ! Encore plus particulièrement dans cette situation où, pour nous laitiers, il s’agissait de découvrir un univers militant qui nous était totalement neuf.

    Quelques moments forts ?

    Pour moi, il y a eu deux moments très forts : l’accueil que nous avons reçu à Ford Genk et à Bruxelles lors des manifestations. Et la dernière AG, puis le meeting du 18 décembre, où la volonté, l’enthousiasme et la détermination de tous les participants étaient très palpables. Les traducteurs, l’organisation, tout était parfait. Un grand bravo à tous ceux qui se sont investis dans cette organisation.

    Un dernier mot ?

    J’ai la conviction que nous prenons le bon chemin, notre planche de salut est d’arriver à lutter ensemble, dans la solidarité la plus complète. C’est une expérience très clairement réussie, qui en appelle d’autres. Il y a, à ce jour, 60 organisations qui ont rejoint l’Alliance et tout le monde veut poursuivre. Une chose est sure, on entendra encore parler de nous…

  • Interview d’Anja Deschoemacker sur le site lavenir.net

    Ce samedi 1er février, une septantaine de personnes ont manifesté à Bruxelles, à la station Albert, contre une nouvelle augmentation des tarifs de la STIB. Anja Deschoemacker, porte-parole de “Gauches Communes” et membre du PSL, a répondu aux question de la rédaction de L’Avenir en défendant la gratuité des transports en commun.

    Photo ci-contre: Anja Deschoemacker (Gauches Communes, PSL) et Gilles Smedt (Gauches Communes, Parti Humaniste)

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (4)

    Le problème de la mobilité à Bruxelles n’est pas connu que des habitants de la capitale… Des navetteurs jusqu’à la moindre personne désireuse de se rendre à bruxelles, chacun peut constater les conséquences de la mauvaise gestion de la problématique de la mobilité. Et les problèmes en manque de solution risquent de tout bloquer. Au sens propre comme au figuré.

    La région et les communes font payer l’absence de solution pour la mobilité à la population et aux travailleurs

    La déclaration d’investiture du gouvernement bruxellois de 2009 affichait la volonté de viser à la gratuité des transports publics et avait fait de la mobilité une priorité face aux embouteillages et à la pollution. Le plan Iris 2 devait faire diminuer de 20% la charge sur le réseau routier pour 2018. Cela ressemblait fort à une déclaration d’intention creuse, étant donné que le flou était entretenu quant aux moyens alloués pour atteindre ces objectifs. Et force est de constater à présent que c’est le chemin inverse qui a été suivi.

    Les heures de pointe s’étalent de plus en plus dans le temps et d’ici 2015, la charge sur le réseau routier devrait encore augmenter de 7% et les temps de déplacement de 45%. Au niveau des transports en communs, la Stib continue à « traire » ses clients, en lieu et place d’une gratuité. Année après année, les usagers subissent des hausses de tarifs incessantes (deux fois l’inflation en moyenne sous les deux dernières législatures Picqué) et les +65 ans se sont vus dernièrement retirer la gratuité de leur abonnement sur le réseau. Comble de l’ironie, cette dernière mesure était présentée en « solidarité des plus jeunes », car il s’agit pour la région de compenser la perte due à l’arrêt de la participation de la Communauté française à la réduction sur les abonnements scolaires.

    Cette année, la Stib estime l’utilisation de ses bus, trams et métros à 348 millions de voyageurs. Le réseau atteint à présent une saturation à l’heure de pointe, sans qu’il n’y ait une augmentation conséquente de l’offre mise en œuvre. Plus d’un tiers des ménages bruxellois n’ont pas de voiture et seuls 22% des bruxellois l’utilisent quotidiennement. Tous ces chiffres suffisent à illustrer que le plus gros problème de mobilité à Bruxelles réside dans le sous-investissement dans les transports publics.

    Ces assainissements se font non seulement aux frais des usagers, mais aussi sur le dos des conditions de travail et de sécurité du personnel. Durant la durée du nouveau contrat de gestion 2013-2017, 116 millions € d’assainissements sont à réaliser. Au menu : diminution des frais de fonctionnement, « réduction de l’absentéisme »… Parallèlement à ces assainissements, des investissements sont prévus pour un renouvellement d’une partie du matériel roulant usé, mais aucune mesure n’est prise pour augmenter l’offre de manière conséquente. A partir de 2017, un budget important sera consacré à l’automatisation du métro, en particulier la partie centrale de l’axe est-ouest. Dans la logique actuelle, nulle doute que cette automatisation se fera au détriment de l’emploi.

    La sécurité est un aspect important des conditions de travail du personnel de la Stib, comme l’a encore durement démontré le meurtre d’un superviseur à Schaerbeek en avril 2012. Suite à cet évènement, le personnel a mené une grève courageuse de 6 jours pour arracher plus de moyens pour leur sécurité au travail. Grâce à cette lutte, ils ont obtenu que les superviseurs soient à deux lors de leurs interventions, que 50 travailleurs supplémentaires soient embauchés au service de sécurité de la Stib et que la troisième voiture d’intervention soit disponible durant toutes les heures d’exploitation. Par le passé, il y avait un accompagnateur pour chaque chauffeur. Mais la course à la rentabilité des patrons de la Stib et de la région est passée par là.

    Combien couterait la gratuité de la Stib ? « C’est une décision politique » selon la Stib. Marie De Schrijver a essayé de répondre à cette question dans son article pour « Le Soir » qui couvrait notre action à Saint-Gilles : « On peut tabler sur les 165 millions € de recettes directes (2010), même si le calcul est plus nuancé. On en déduirait le prix de l’émission et la vente des titres de transports, ou encore des contrôles et portiques. Mais s’y ajouterait le coût d’une augmentation de la fréquentation. La dotation annuelle globale, qui s’élève à 400 millions €, devrait pallier cette absence de recettes ». Nous ne défendons évidemment pas l’idée selon laquelle l’introduction de la gratuité se ferait au détriment d’une partie des plus de 6.500 emplois à la Stib. Au contraire, pour nous la gratuité demandera des investissements publics massifs pour un développement gigantesque du réseau s’accompagnant de la création de nombreux emplois décents.

    En lieu et place d’un plan ambitieux pour les transports en commun, la région a concocté un plan sur le stationnement qui sera d’application dès le 1e janvier 2014. Ce plan, amené à être concrétisé par les communes, prévoit la généralisation des cartes riverains pour toutes les communes (5 € la première carte, 50 € la deuxième, etc…) permettant un stationnement dans un rayon de 1,5 km autour du domicile. Pour le reste, le plan généralise les horodateurs pour les places de stationnement en voirie tout en diminuant drastiquement le nombre de ces places. Le plan prévoit une compensation par des places « hors voirie », comme des parkings souterrains, encore plus chers, comme le parking Vinci place Flagey à Ixelles, fruit d’un PPP dans lequel la commune a investi 7 millions €.

    Initialement les horodateurs visaient à éviter les voitures « tampon » et réguler le stationnement dans les artères commerçantes. Aujourd’hui, il s’agit de véritables vaches à lait pour combler les déficits communaux, installés jusque dans les coins les plus reculés. En 2011, les horodateurs rapportaient 42 millions € au communes bruxelloises dont 15 à Bruxelles, 5 à Anderlecht et Schaerbeek, 3 à Etterbeek et 2,2 à Ixelles.

    Saint-Gilles a suivi la tendance à l’augmentation des prix à 20 € la demi-journée de stationnement et a budgétisé ainsi 4 millions € en 2012. Le PTB Saint-Gillois a mené une campagne contre ce plan parking, en revendiquant la gratuité pour la 1ere carte riverain au lieu de 5 €. Cela a été repris par le PS dans son programme électoral et appliqué dans le nouveau budget 2013. « Nous nous étions réjouis que la pression de notre campagne citoyenne ait fait plier le PS », déclarait Benjamin Pestieau au sujet du programme électoral du PS. Cela illustre pourtant les limites de la politique « des petites victoires », le PS se servant ainsi d’une revendication peu coûteuse pour emballer socialement son plan d’austérité sur le parking.

    Les revenus des taxes communales pour les 19 communes ont augmenté de près de 52 millions € entre 2009 et 2012 (pour une croissance de 17,5 millions € entre 2006 et 2009). Les revenus des horodateurs en sont la raison principale. Seul Berchem, Watermael-Boitsfort et Auderghem n’appliquent pas encore ce système de parcmètres. A défaut de résoudre structurellement les problèmes de mobilité de la capitale avec une offre en transports en commun adéquate, le gouvernement régional et les communes utilisent cette lacune pour traire un peu plus les personnes qui résident ou travaillent à Bruxelles.

    Le cynisme du gouvernement régional va jusqu’à présenter ce plan comme une avancée pour la population, puisqu’il s’agirait d’une « harmonisation », et que « tout citoyen qui cherche à se garer aura droit à un traitement juste et égal » selon les dires de Brigitte Grouwels (ministre Bruxelloise entre autre des transports, CD&V). Pour les personnes travaillant dans une commune dans laquelle ils n’habitent pas, ce traitement juste et égal consiste en un abonnement qui chiffre à 750 € l’année comme l’ont dénoncé les travailleurs de l’hôpital Brugmann en octobre 2012.

    Deux assemblées générales du personnel réunissant 400 travailleurs avaient permis de mobiliser les travailleurs du site Horta dans un plan d’action contre le plan parking de la Ville de Bruxelles. Ils ont revendiqué que le parking de l’hôpital ne soit plus réservé qu’aux cadres, qu’une carte de riverain gratuite soit mise à disposition du personnel et la gratuité pour le trajet domicile-travail via une meilleure offre en transports en commun. Malheureusement, l’absence d’initiative des directions syndicales pour élaborer un plan d’action n’a pas permis d’élargir la lutte à l’ensemble des travailleurs du service public bruxellois.

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (3)

    Comme cela était déjà souligné dans la première partie de ce dossier consacré à Bruxelles, la capitale connait une croissance de sa population. Le nombre d’enfants et de jeunes est croissant ce qui pose de nombreux défis pour le logement, mais aussi pour l’enseignement et l’accueil des enfants. Les pénuries sont nombreuses. Ces deux aspects sont examinés dans cette troisième partie.

    Des années de sous-investissement dans l’enseignement

    L’enseignement bruxellois est-il responsable du chômage ? Cette question a été posée par le journal Le Soir à différents politiciens au pouvoir à la région dans le cadre d’un de ses dossiers « SOS Bruxelles ». Ces politiciens ont vu dans cette question une belle échappatoire, leur permettant de se débiner de leur responsabilité vis-à-vis de l’emploi et de pointer du doigt un autre niveau de pouvoir, les communautés, comme étant le responsable des problèmes d’emploi à Bruxelles.

    En termes de précarité et de sous-investissement, il est vrai que les écoles sont dans une situation critique à Bruxelles. D’ici 2015, on estime qu’il y aura un besoin de 23.000 places dans l’enseignement, dont 18.000 dans le fondamental. Pour 2020, ce sont 27.000 places qui seront nécessaires dans le fondamental (20.000 dans le primaire, 7.000 en maternel), soit l’équivalent de 1400 classes.

    Saint-Gilles est au même titre que d’autres communes bruxelloises de la première couronne particulièrement touchée par ce problème. Actuellement, il n’y a plus aucune place en première primaire et la situation générale devrait encore s’aggraver. « C’est une centaine d’enfants que l’on ne peut pas accueillir en première primaire pour l’instant et à côté de cela, c’est près de 300 enfants que l’on ne peut pas accueillir en maternelle », indique Alain Hutchinson, échevin de l’enseignement à Saint-Gilles (PS). A nouveau, il est question du boom démographique. Ce à quoi répond à juste titre Alain Hutchinson : « Dieu sait que nous avons aujourd’hui des bureaux d’études qui nous font des statistiques, des études démographiques,… Je ne comprends pas comment on a pas vu arriver cette vague-là ». Le boom démographique est à nouveau bien utile pour donner un cache-sexe aux politiques d’assainissements du PS cette fois-ci à la Communauté française.

    En septembre, la Communauté française a annoncé la création de près de 20.000 places supplémentaires d’ici 2017 dans les écoles de Wallonie et de Bruxelles, selon une interview accordée à Sudpresse par Jean-Marc Nollet (ministre de la petite enfance, de la fonction publique, de la recherche scientifique, de la gestion immobilière et des bâtiments scolaires au Gouvernement de la Communauté française, Ecolo). Parmi ces 20.000 places, 11.447 sont promises aux écoles bruxelloises, ce qui est loin d’être suffisant par rapport aux besoins.

    Pour faire face à cette pénurie, la région bruxelloise avait pris l’initiative de lancer un « plan écoles d’urgence » début de l’année 2012, Picqué en profitant pour prendre une posture princière en vue des élections communales. Ce plan d’urgence était constitué d’un budget de 12 millions € octroyés à 12 communes (surtout du nord-ouest) pour 29 projets (25 préfabriqués et 4 rénovations) dont 75% sont francophones. L’objectif était d’aboutir à 3.836 places dans le fondamental pour septembre 2013 (1/3 en maternelle, 2/3 en primaire). Cela reste à nouveau loin de répondre aux 27.000 places nécessaires dans le fondamental, d’autant plus que la durée de vie des préfabriqués est limitée tout comme les conditions d’enseignement. Ces containers offrent un cadre d’enseignement précaire et leur installation des désagréments, comme l’illustre l’école Ulenspiegel à Saint-Gilles où deux « classes modulaires » ont été placées sur le terrain de foot de la cour de récré. Il n’y a donc aucune réponse structurelle à la pénurie.

    Saint-Gilles est l’une des communes où il est le plus difficile de trouver une place pour ses enfants dans une école près de chez soi. Le PS a fait des promesses électorales importantes en matière d’enseignement : 1000 nouvelles places dans le fondamental pour le réseau communal d’ici 2016 et une nouvelle école secondaire d’enseignement général. Celle-ci serait envisagée sur l’ancien site de l’ECAM, fraîchement acquis par la commune dans le cadre du contrat de quartier « Bosnie ».

    Pour le fondamental, un plan communal existe depuis 2011 et prévoit pour 2015-2017 la réaffectation de l’ancienne école rue Louis Coenen pour y accueillir les 120 élèves de l’école du Parvis et un nouveau bâtiment rue Vlogaert qui accueillerait les cours de promotion sociale. Ainsi l’école du Parvis pourrait être réaménagée et créer 320 nouvelles places dans le fondamental. Pour les 680 autres places promises d’ici 2016, tout porte à croire que les promesses pré-électorales resteront une nouvelle fois lettres mortes vu que rien n’a été fait depuis les élections et qu’un an plus tard, Saint-Gilles est la seule commune qui n’a toujours pas de déclaration de politique générale. Ou peut-être que l’on assistera à l’un ou l’autre préfabriqué et autre bricolage à la veille des élections comme en 2012 ?

    Enfin, le bilinguisme apparaît de plus en plus régulièrement comme un requis pour les emplois à Bruxelles. Le peu de travailleurs bruxellois rentrant dans ces critères en dit long sur la qualité de l’enseignement en place à Bruxelles. Sur les 163 écoles primaires en immersion de la Communauté française, seules 10 se trouvent à Bruxelles. Dans le secondaire, cette proportion est de 17 écoles sur 91. Pour contrer ce manque et alors qu’une majorité de Bruxellois sont favorables à un enseignement bilingue, beaucoup de parents ont inscrit leurs enfants dans des écoles de la Communauté flamande ces dernières années. De son côté, la Communauté flamande a mis en place une discrimination pour contrer ce phénomène, qui risquerait de mettre trop en évidence son sous-investissement : il y a désormais une priorité pour les enfants dont les deux parents sont néerlandophones. Et malgré cette priorité, il y a tout juste assez de places et des centaines d’enfants néerlandophones ne trouvent pas de place dans une école dans leur commune ou même dans l’école du réseau choisi. Par conséquent, un nombre (inconnu) d’enfants se déplacent vers la périphérie pour trouver une école. Cette question est source de dispute entre la commission communautaire flamande et le gouvernement flamand.

    Des années de sous-investissement dans l’accueil de la petite enfance

    Au niveau de la petite enfance aussi, les sous-investissements ont abouti à une pénurie de places d’accueil. La population bruxelloise des moins de 3 ans va passer à 57.615 enfants en 2020 (par rapport à 52.254 cette année). De leur côté, l’ONE et Kind & Gezin offrent une capacité d’accueil de seulement 16.424 places, soit un taux de recouvrement de 31,34% seulement. Pour ce qui est des crèches subventionnées et pratiquant une participation liée à la situation financière des parents en lien avec leurs revenus n’atteint que 18,13%. A nouveau, la pénurie s’exprime d’autant plus fort dans les communes du croissant pauvre, où on dénombre en moyenne entre 0,1 et 0,3 place par enfant de moins de 3 ans et ce alors que la croissance démographique y est la plus forte. À Saint-Gilles par exemple, le taux de recouvrement est de 23,11%, dont seulement 10% dans le secteur subventionné.

    Pour tenter de combler les pénuries criantes, la région a lancé un plan d’urgence en 2007. Ce « plan crèches » avait pour ambition de mettre en service 500 nouvelles places par an. A ce jour, ce plan n’a permis de créer que 819 places. Le plan a également ses limites au niveau institutionnel. Suite à un recours d’une ASBL flamande à la cour institutionnelle, la région a dû mettre fin à son plan en 2011, la petite enfance ne faisant pas partie de ses compétences.

    La région a malgré tout tenté de contourner l’arrêté en passant par l’octroi de subsides, avec l’objectif d’ouvrir 1934 places entre 2012 et 2015. Cependant, l’ONE ne libère pas assez d’agrégations pour les nouvelles crèches, par conséquent environ 1100 des nouvelles places créées sont en stand-by. La raison de ce retard dans les agrégations par l’ONE est simple : il n’y avait plus de programmation pour de nouvelles places depuis 2010. Bien que le gouvernement inter-francophone tente de corriger le tir avec le plan cigogne III lancé en 2013 et qui a pour but de rendre effectives 1600 places chaque année en communauté française, cela risque fort d’être insuffisant puisque ce même plan cigogne III devra déjà être réévalué dès 2014 dans le cadre de débats sur le plan Marshall.

    Les crèches communales Saint-Gilloises ont actuellement une capacité d’accueil de 327 enfants. Cela a été rendu possible avec l’ouverture de 4 nouvelles crèches en 2011 et 2012. Trois autres projets existent pour 2013 et 2014, dont une crèche de 10 places dans le cadre du contrat de quartier « Midi-Fontainas » et 2 crèches pour un total de 42 places avec le contrat de quartier « Parc-Alsemberg». Un autre projet pourrait être envisagé dans le futur bâtiment scolaire de la rue Vlogaert.

    Mais pour atteindre leur promesse électorale de minimum 200 nouvelles places, 8 autres crèches au moins devraient voir le jour. Ce qui ne répondrait toujours pas au besoin puisque plus de 750 familles sont sur les listes d’attente dans la commune. Et à en croire Cathy Marcus, il est peu probable de voir un nouveau plan crèche. Cette dernière déclarait en tant que bourgmestre faisant fonction à l’assemblée du nouveau contrat de quartier « Bosnie» qu’on avait déjà fait assez pour les crèches lors des deux précédents contrats de quartier et qu’il fallait tenir compte des réalités budgétaires. Les écoles et les crèches sont-elles coincées dans un problème institutionnel ?

    Pour les écoles comme pour les crèches, la cour constitutionnelle a donné raison aux recours de la communauté flamande contre la région, confirmant que cela ne fait pas partie des compétences régionales. Cet arrêt de la cour n’empêche toutefois pas la réalisation des plans de la région déjà actés mais rend impossible toute reconduction de ces plans. Pour éviter un discrédit total face aux pénuries dans les communes bruxelloises, l’Olivier a sorti un plan B : un prêt spécial de 60 millions € pour les communes, libre à elles d’investir dans les infrastructures collectives.

    Faut-il dès lors régionaliser l’enseignement et l’accueil de la petite enfance ? Selon Jean-Claude Marcourt (PS), la régionalisation permettrait d’assurer que les spécificités locales soient mieux rencontrées. Pourtant rien n’indique que la région bruxelloise est sous-considérée par la Communauté française : pour l’enseignement, la région bruxelloise perçoit 52% du budget sur l’encadrement différencié, 26% du budget sur les rénovations et 58% du budget sur les nouvelles écoles. Le problème se retrouve dans le montant global, le jeu de ping-pong entre entités est une mise en scène pour le camoufler. La rhétorique « c’est de la faute des communautés » est un jeu de dupes institutionnel, les mêmes partis étant présents à ces différents niveaux de pouvoir.

    Dans notre texte de congrès précédent, nous expliquions que nous n’étions pas contre des simplifications et réaménagements de compétences qui permettraient de résoudre des absurdités, tant que cela s’accompagne des moyens adéquats. La logique des partis traditionnels est justement l’inverse : aménager les compétences pour mieux répartir les assainissements.

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (2)

    A Bruxelles, le taux de chômage est particulièrement élevé. Un cinquième des habitants de Bruxelles est au chômage, situation qui concerne près d’un tiers des jeunes, des données qui font immédiatement penser à l’Europe du Sud. Les autorités n’ont aucune réponse à offrir. La pauvreté augmente, de même que l’insécurité, et la seule “réponse” de cet establishment se résume à la répression et aux sanctions. Cette seconde partie de notre dossier consacré à Bruxelles est consacré à ce sujet.

    Un manque d’emploi structurel

    Au mois de juillet, le taux de chômage était de 20,4% pour l’ensemble de la région. Ce taux est stable sur les deux dernières années, tout comme le taux de chômage parmi la jeunesse qui est de 31,2%. Cette stabilisation après plusieurs années d’augmentation due à la crise illustre la catastrophique pénurie d’emplois et que chaque nouvelle perte d’emploi ne fera que consolider un chômage structurel déjà massif. Lorsque Picqué est arrivé au pouvoir à la région bruxelloise en 1989, le taux de chômage n’était encore « que » de 12,4%.

    Le chômage de masse à Bruxelles est caractérisé par une prédominance de travailleurs peu ou pas qualifiés, la plupart du temps jeunes. C’est la conséquence inévitable de la désindustrialisation, dont les emplois ne peuvent être comblés par un autre secteur. L’idée selon laquelle le secteur de l’horeca et les commerces pourraient combler l’absence d’emplois dans l’industrie est une illusion qui se confirme chaque jour un peu plus. Le nombre de faillites en Belgique a atteint un record cette année avec 2.011 faillites sur les 9 premiers mois, soit 29% de plus qu’en 2012. Parmi les régions, c’est Bruxelles qui enregistre la plus forte hausse du pays. Les secteurs de l’horeca, la construction, le commerce de détails y sont les secteurs les plus touchés. Ces emplois ne sont donc pas disponibles en quantité suffisante et présentent en outre une précarité accrue des conditions de travail.

    Il y a dès lors une inadéquation marquée entre la main d’œuvre peu qualifiée et le marché de l’emploi à Bruxelles, puisque les quelques 714.000 emplois comptabilisés dans la région se retrouvent essentiellement dans les services, dans l’administration publique et dans les secteurs financiers et immobiliers ; bref des emplois qui demandent pour la plupart un diplôme d’études supérieures ou un multilinguisme. Par conséquent, l’argument selon lequel les quelques 350.000 navetteurs quotidiens occupent l’emploi des Bruxellois ne tient pas la route : le nœud du problème est le manque d’emploi colossal.

    L’idée de ne pas remplacer un départ sur trois dans la fonction publique s’étend à tous les niveaux de pouvoir. Ainsi après le fédéral, les communautés, et les régions, certaines communes emboitent le pas comme Ixelles. Ces politiques de sacrifice de l’emploi public auront un effet considérable non seulement pour les travailleurs du secteur vu le manque généralisé de personnel déjà existant mais aussi pour l’ensemble des chômeurs bruxellois qui verront leurs perspectives d’avenir encore plus bouchées.

    Le secteur des ALR à Bruxelles comptait en 2010 48.966 agents pour 42.227 ETP (équivalent temps plein). Aujourd’hui il n’y a plus que 40% des agents qui sont statutaire pour 58% encore en 1995. La prépondérance des contractuels est fort marquée pour le personnel des communes et CPAS, premier employeur bruxellois avec plus de 27.000 travailleurs, atteignant même près de 80% pour les CPAS. Cela est stimulé par la politique de la région qui se limite à subsidier des ACS engagés par les communes pour 25 millions € par an. Les zones de police sont l’exception, avec un nombre de nommés définitif avoisinant les 95%. Quant aux bas salaires en vigueur dans le secteur des ALR, l’argument des directions syndicales et du gouvernement Picqué face aux actions des travailleurs était qu’il fallait attendre le refinancement de Bruxelles pour une revalorisation salariale. Depuis, il n’y a que des assainissements qui entrainent des pertes d’emplois et une dégradation encore accrue du statut et des conditions de travail.

    La croissance annuelle moyenne de dépenses en personnel par habitant pour les communes lors de la dernière législature communale fut de 1,8%, soit sous l’inflation moyenne de 2,4% pour la même période. De 2005 à 2011, le nombre d’ETP est passé de 14.577,33 à 15.056,34 ce qui est loin de répondre à l’augmentation des besoins consécutifs à la croissance démographique. Ainsi Picqué se félicite-t-il que les communes « aient géré efficacement l’emploi » ! Aussi, Saint-Gilles est la seule commune à avoir commencé à couper significativement dans l’emploi communal avant même les élections de 2012 avec une diminution du nombre d’emploi passant de 675 ETP en 2009 à 647 ETP en 2011. En région bruxelloise, 69% des travailleurs des communes sont domiciliés dans la région, et à Saint-Gilles c’est 77%. Parmi ceux-ci, seuls 29% sont statutaires (à Saint-Gilles, c’est à peine 17%).

    Que faire de tout ce chômage ?

    Selon le ministère bruxellois de l’emploi, environ 50.000 Bruxellois travaillaient en Flandre en mars 2013. Il s’agit d’une hausse de 10% sur les deux dernières années et de 43% en 10 ans. L’augmentation concerne surtout des emplois dans le secteur industriel en périphérie de Bruxelles. Cela est une conséquence du contrôle accru des demandeurs d’emploi bruxellois et de la mise en place d’accords de coopération entre Actiris et le VDAB (office flamand de l’emploi) visant à augmenter la flexibilité d’une région à l’autre pour les chômeurs, notamment moyennant un investissement en cours de langues auprès du VDAB. En 2012, Actiris a ainsi financé 7.143 chèques-langues en 2012, en augmentation de 50% par rapport à 2011 (4.651 chèques, 58,5% pour le néerlandais, 35,1% pour l’anglais, 6,1% pour le français et 0,3% pour l’allemand). Par rapport à 2010, l’augmentation du nombre de chèques-langues est même de 139%. En 2010, seulement 8% des chercheurs d’emplois bruxellois avaient une bonne connaissance de l’autre langue nationale selon le gouvernement bruxellois.

    Il serait illusoire de croire que l’ensemble des travailleurs sans emploi Bruxellois trouvent un boulot dans la périphérie en Flandre. La coopération entre les offices de l’emploi de différentes régions ne crée aucun nouvel emploi. En outre, ces emplois nécessitent une facilité de déplacement à la charge des travailleurs et une connaissance minimale du néerlandais. En réalité, cette stratégie a surtout pour objectif de mettre une pression supplémentaire sur les chercheurs d’emploi dans le cadre de la chasse aux chômeurs et de la mise en place de sanctions.

    L’actuel patron d’Actiris, Grégor Chapelle (PS), n’hésite pas à clarifier le rôle qu’il veut donner à l’office bruxellois de l’emploi. Dans un entretien au journal « L’Echo », il explique : « le message de propagande est clair, Actiris doit être autant au service des demandeurs d’emploi que des employeurs. Et plus que tout, il faut améliorer les relations avec les employeurs ». Interpellé par la journaliste sur l’importance du taux de chômage à Bruxelles de l’ordre de 20%, le patron d’Actiris estime que c’est un faux problème : « les 20% sont un taux de chômage politique, le taux de chômage réel sur la communauté métropolitaine n’est que de 11%, dans la moyenne des grandes villes européennes ».

    Lors de son entrée en fonction à la présidence du gouvernement bruxellois, Rudy Vervoort avait pourtant tenu à se positionner par rapport à son prédécesseur en assurant qu’avec lui, la priorité serait donnée à l’emploi des jeunes. Pour donner du corps à cette campagne de communication, il a lancé la formule « 30 mesures, 10 millions €, 4.000 emplois ». Le détail est tout de suite moins flatteur : 100 contrats ACS dans les crèches, 4.350 stages en entreprise, selon les besoins du patronat. Bref, pour ce qui est de l’emploi des jeunes à Bruxelles, Vervoort n’en fait que des cadeaux fiscaux aux entreprises comme il l’a appris avec les gouvernements Picqué.

    Ces maquillages écœurants des chiffres et autres politiques de cadeaux fiscaux illustrent que le chômage de masse est admis par les politiciens traditionnels comme un phénomène structurel sans solution à Bruxelles. Il ne s’agit dès lors pas de s’attaquer au chômage, mais d’utiliser plus efficacement encore les chômeurs comme armée de réserve pour les entreprises sous peine de sanctions, de sorte à conforter la 5e place de Bruxelles dans le classement des régions les plus attractives d’Europe pour les investisseurs.

    Une jeunesse sans perspective d’avenir

    La situation précaire de l’emploi se répercute violemment sur les conditions de vie de la jeunesse. Dans les quartiers du croissant pauvre, le taux de chômage dans la jeunesse est de minimum 45%. A Cureghem et à Molenbeek, ce taux est même de plus de 50%. Le travail au noir et les jobs précaires (intérims, temps partiels, titres-services, ACS…) sont les seules perspectives de travail pour la jeunesse, ce qui ne permet évidemment pas de se projeter dans l’avenir.

    Les deux prochaines années, la dégressivité accrue des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion devraient encore plus aggraver la situation en augmentant l’appauvrissement et l’exclusion sociale. Selon la FGTB, ce sont environ 30.000 bénéficiaires d’allocations d’insertion qui se verront purement et simplement exclus au 1e janvier 2015. A terme, ce sont plus de 50.000 personnes et leurs familles qui risquent de basculer dans la pauvreté et l’exclusion rien qu’à Bruxelles.

    En Espagne, le terme « los ninis » désigne à présent cette couche parmi les 15-29 ans qui n’ont pas d’emplois, sont exclus de formations professionnelles ou sont déscolarisés. Ils représentent 24 % des 15-29 ans en Espagne et 13,9 % en Belgique. Nul doute que ce chiffre est beaucoup plus élevé dans le croissant pauvre à Bruxelles. Selon les termes de l’OCDE, ces « ninis » sont un reflet du déclin économique de la société. La seule thématique liée à l’avenir des jeunes des quartiers pauvres encore discutée par les politiciens traditionnels est de savoir quelle est la répression la plus correcte à mettre en œuvre pour garder un semblant de contrôle social.

    La répression et les sanctions comme seule réponse face à la dégradation du tissu social

    A Bruxelles, où prennent place la plupart des manifestations de tous types, le phénomène de la répression et des violences policières a été fort exprimé ces dernières années. A plusieurs reprises durant l’été 2012, le quartier Matonge a été le théâtre d’un véritable déchainement raciste de l’appareil répressif vis-à-vis de la communauté africaine dès lors que celle-ci manifestait. De manière plus sporadique, des militants de gauche se sont vus lourdement réprimés à diverses occasions, comme ce fut le cas du jeune Ricardo lors du festival de soutien aux sans-papiers à Steenokkerzeel.

    Dans ce contexte-là, les Sanctions Administratives Communales (SAC) sont un outil rêvé pour les partis traditionnels et leur appareil répressif. L’arbitraire de ces sanctions permet une utilisation « à la carte », tantôt pour des incivilités, tantôt pour des faits divers absurdes comme cette personne à Schaerbeek coupable d’avoir déposé un pot de fleur devant chez soi, et très certainement pour des manifestations et protestations, comme celle organisée à l’encontre du « banquet des riches » en octobre 2012.

    Les communes d’Ixelles et Bruxelles sont les fers de lance de cette politique. Freddy Thielemans (PS) a rendu le système rentable. Pour la nouvelle législature communale, 1 millions € est prévu pour augmenter le nombre d’agents constatateurs, avec l’objectif que cela rapporte 3 millions €. Ainsi dans son nouveau budget, la commune a scindé les « amendes pour incivilités » et les « taxes pour incivilités » (utilisées pour faire payer le collage d’affiches aux éditeurs responsables). Chacun de ces deux postes devrait rapporter 500.000 € annuellement à la commune. Même politique à Ixelles : des centaines de SAC sont distribuées lors d’opérations « coup de poing », la majorité pour jets de mégots, mais aussi pour avoir promené un chien sans laisse ou avoir mis la musique trop fort en voiture.

    En mai 2013, la ministre pour l’égalité des chances Joëlle Milquet (CDH) a fait une proposition de loi visant à utiliser les SAC pour réprimander toute attitude sexiste en rue pour combattre ce fléau. Cette proposition faisait encore écho au reportage « Femme de la rue » qui avait marqué les esprits, en mettant sur le devant de la scène la problématique du sexisme en augmentation dans toute une série de quartiers pauvres à Bruxelles. Milquet va-t-elle s’en prendre aux multinationales véhiculant des publicités à tous les coins de rue et présentant la femme comme un objet ? Va-t-elle combler la différence salariale entre hommes et femmes ? Va-t-elle résoudre la situation de précarité sociale à la base des discriminations ? Non ! Cette loi n’est que de la simple hypocrisie qui sert à sauver l’image « pro-femmes » de Milquet pendant que plusieurs mesures de son gouvernement touchent de manière particulièrement forte les femmes. Les allocations de chômage baissent le plus fortement chez les chômeurs « cohabitant » (surtout des femmes et des jeunes vivant encore chez les parents), poussant ces chômeurs dans la dépendance totale. En même temps, elle met la responsabilité du sexisme inhérent au capitalisme chez des hommes en tant qu’individus, en niant tout lien avec le système qu’elle défend.

    D’un autre côté, si la gauche n’arrive pas à progresser et à offrir une perspective viable, des groupuscules d’extrême-droite vont pouvoir se profiler (comme Nation, le FN,…). En mettant en avant des « solutions » qui ne s’attaquent pas aux fondements du système capitaliste et aux responsables de la crise, ils vont dévier l’attention vers des thèmes comme la criminalité. Les résultats que Nation a faits pendant les élections communales de 2012 à Evere (4,47%) et à Forest (1,24%) et l’expérience d’autres pays comme la Grèce montrent que le danger de l’extrême-droite doit être pris au sérieux, surtout dans une période de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui.

    La pauvreté et l’exclusion sociale comme conséquences de la crise du capitalisme provoque une aliénation accrue parmi une couche de la population. C’est la base à partir de laquelle la criminalité, les tensions et les discriminations peuvent se développer. Les forces réactionnaires de la société (racistes, intégristes religieux,…) sont utilisées dans ce contexte par les classes dominantes pour dévier l’attention des véritables problèmes sociaux sous-jacents. Tout est fait pour instrumentaliser les moindres faits et gestes de groupuscules hystériques de droite islamiste comme Sharia4belgium pour stigmatiser toute une communauté.

    Un développement continuel de la précarité et de la pauvreté

    Au mois de mai 2013, les CPAS ont compté sur l’ensemble de la Belgique près de 150.000 personnes recevant une aide de leur part, ce qui est un record. A Bruxelles, cela concerne 32.000 personnes, soit 5% des 18-64 ans, et 14% de plus qu’en 2008. C’est 3 fois plus que dans le reste du pays, et au sein du croissant pauvre c’est encore 5 fois plus. La composition des personnes ayant recours au CPAS évolue et reflète la situation de précarité de la société : de plus en plus de jeunes sont concernés (un tiers des bénéficiaires du revenu d’intégration ont moins de 25 ans) et les femmes sont à présent majoritaires, le plus souvent à la tête de familles monoparentales.

    Alors que les besoins sociaux auprès des CPAS sont en augmentation, le gouvernement fédéral a entériné une réduction des dépenses sur les CPAS de 37,4 millions € lors de l’ajustement budgétaire de février 2013. Les communes, qui doivent combler les manques dans les budgets de leur CPAS, voient ainsi un surcoût qui leur revient directement. En outre, le service public de l’intégration sociale constate également que l’écart entre communes riches et pauvres s’est creusé au cours des 10 dernières années. Dans les communes à revenu médian élevé, le nombre de bénéficiaires du CPAS pour 1000 habitants est passé de 7,8 à 5,5 alors que dans les communes à revenu médian faible ce chiffre est passé de 19,7 à 29,6. A Bruxelles, tout cela signifie une aggravation des déficits budgétaires et des pénuries pour les communes de la première couronne où se retrouvent concentrés les quartiers pauvres.

    Selon le forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, il y aurait environ 1900 sans-abris « dénombrables » en 2013 (selon différentes associations d’aide, ce serait même 2500, dont 500 de plus sur la dernière année), dont environ 40% de femmes, une proportion en augmentation. Au Samu Social, leur nombre a triplé entre 2002 et 2011, passant de 300 à 1000. En 1999, les femmes ne représentaient encore que 1% des sans-abris au Samu Social. Dans les maisons d’accueil, 96% des familles monoparentales accueillies sont des mères séparées. Cette représentation accrue des femmes parmi les sans-abris est comme pour le CPAS un reflet de la précarisation des conditions de vie des femmes dans la société en conséquence directe des politiques d’assainissement dans les infrastructures et services collectifs.

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (1)

    Cette semaine, une grande attention sera portée à la situation politique et sociale de la capitale, sur base du texte de perspectives élaboré pour le Congrès régional des sections bruxelloises du PSL qui s’est tenu fin novembre dernier. Ce texte sera publié cette semaine en 5 parties. Nous commençons ici avec la croissance démographique de la capitale et ses conséquences sur le logement.

    Introduction

    Le congrès de district est l’occasion pour les membres du parti de se concentrer sur les discussions autour des perspectives locales. Quels sont les plans d’assainissements aux différents niveaux de pouvoir ? Quelles sont les effets sur la population et les réactions ? Cet approfondissement doit en définitive nous permettre d’être parés à intervenir. En plus de nos secteurs d’intervention traditionnels, nous avons acquis une nouvelle expérience ces deux dernières années : le terrain communal, à Ixelles et surtout à Saint-Gilles. Les textes de congrès permettent également de collectiviser cette expérience, pour affiner nos futures interventions.

    Le 7 mai 2013, Charles Picqué (PS) a démissionné de son mandat de président du gouvernement de la région bruxelloise, laissant par la même occasion la place à Rudy Vervoort (PS), bourgmestre de la commune d’Evere. Celui qui présida la région bruxelloise durant 20 ans (1989-1999 ; 2004-2013) laisse en héritage une véritable « fracture sociale », conséquence de deux décennies de politiques néolibérales. Avec ce texte, nous voulons rentrer dans le détail de cet héritage et des politiques qui en sont la cause.

    Y a-t-il un problème démographique à Bruxelles ?

    Ces dernières années, les médias n’ont cessé de parler du « boom démographique » comme étant la cause de tous les maux à Bruxelles. La population bruxelloise augmente actuellement de 20.000 personnes en moyenne chaque année (soit une croissance d’un peu moins de 2%), du fait d’un solde migratoire positif pour les 15-30 ans et d’un taux de natalité plus important que les décès, reflétant ainsi le rajeunissement de la population. Aujourd’hui, après une croissance démographique de 9,8% entre 2006 et 2011, la région bruxelloise compte 1,140 million d’habitants, soit le même niveau de population que durant les années ’70. Cette croissance est nettement plus marquée dans les quartiers les plus pauvres (16% à Saint-Josse, 15% à Molenbeek, 13% à Berchem et Bruxelles et 12% à Anderlecht et Schaerbeek) que dans les plus riches (3% à Uccle et Woluwé Saint-Pierre, 0,8% à Watermael-Boitsfort). Saint-Gilles a connu elle une croissance légèrement inférieure à la moyenne régionale à 9,4%.

    D’ici 2020, on estime qu’il y aura environ 140.000 personnes de plus en région bruxelloise, nécessitant 80.000 logements supplémentaires. A l’heure actuelle, il n’y a que 4.000 nouveaux logements par an, en incluant les réhabilitations, ce qui est donc loin de répondre aux besoins. Parmi ces nouveaux logements, deux tiers sont mis sur le marché par le privé et seulement 2,5% sont du logement social. A ce rythme, le soi-disant objectif de Christos Doulkeridis (secrétaire d’Etat bruxellois en charge du logement, Ecolo) d’atteindre 15% de logement « à finalité sociale » à Bruxelles pour 2020 semble bien illusoire.

    Selon le dernier rapport annuel de l’agence immobilière bruxelloise Trevi, « si l’offre persiste à être aussi inférieure aux besoins, une pénurie va se consolider à Bruxelles, maintenant à la hausse les prix de logements et les loyers ». Cela signifie que si le gouvernement régional laisse encore se développer la pénurie, les promoteurs et autres investisseurs privés n’hésiteront pas à faire encore plus de profit là-dessus. A l’inverse, une politique de construction massive de logements sociaux publics permettrait non seulement de répondre aux besoins mais aussi d’endiguer l’augmentation des prix en réalisant une pression à la baisse sur le marché du logement privé.

    Les Bruxellois payent au prix fort les pénuries de logement

    A la place de cela, les appartements, qui représentent 90% des 550.000 logements à Bruxelles, sont vus par les détenteurs de capitaux comme un investissement rentable puisque les loyers ont augmenté en moyenne de 45% depuis 2002. Cette tendance est également illustrée par le faible taux d’occupation de leur logement par les propriétaires, qui n’est que de 40%, alors qu’en Wallonie et en Flandre ce taux est d’environ 70%.

    Cette situation se reflète également dans l’augmentation du prix moyen des appartements depuis 2002 : +122,3% pour l’ensemble de la région, ce qui est supérieur à l’augmentation des prix dans le reste de la Belgique. En particulier, cette augmentation est de +134,9% à Saint-Gilles, +137,1% à Ixelles et +168,1% à Saint-Josse. Cela n’est pas très étonnant lorsque l’on compare l’évolution de la population de ces communes avec l’évolution du nombre de logements durant ces dix dernières années. A Saint-Gilles par exemple, pendant que la population a augmenté de 14% en dix ans, le nombre de logements n’a augmenté que de 3%. Le prix moyen d’un appartement en région bruxelloise est estimé aujourd’hui à 224.547 €, soit l’équivalent d’une villa en province de Liège, Namur, Hainaut ou Luxembourg. Quant aux maisons, la tendance est similaire : l’augmentation sur la même période est de +191,3% pour l’ensemble de la région (+330,9% à Ixelles !), alors que l’augmentation des prix sur l’ensemble de la Belgique est de +118,1%.

    Pourtant, selon Doulkeridis, le prix et le manque de logements à Bruxelles sont des faux problèmes et il existerait toute une série de solutions : construction, réhabilitation de logements et bureaux vides, rénovations… Et surtout le développement de « l’habitat groupé », au sein duquel plusieurs générations d’une même famille vivraient sous le même toit. Parmi les pistes proposées, les logements sociaux n’y figurent pas vraiment, au mieux il s’agit de solutions hybrides en partenariat avec le privé dites « conventionnées », quand le rôle des pouvoirs publics n’est pas limité à « soutenir à de bonnes conditions le privé ». La tendance est de ne parler systématiquement que de logements publics et non plus de logements sociaux. Ainsi le PS promet 350 nouveaux logements publics et 150 logements « conventionnés » à Saint-Gilles dans son programme électoral de 2012, mais aucun logement social !

    Les autorités communales de Saint-Gilles se félicitent de disposer de la deuxième plus importante régie foncière du pays après Bruxelles-Villes, disposant de plus de 800 logements (170 en plus sur la dernière législature communale). Après les élections de 2006, il a été demandé aux communes et CPAS de fixer un plafond pour les conditions d’octroi de ces logements. Seules les communes d’Anderlecht, Evere, Molenbeek et Schaerbeek ont fixé un plafond destiné à un public à bas revenu mais toujours au-dessus des conditions d’accès à un logement social. Les autres communes fixent également des plafonds de revenus mais à des montants bien plus élevés, c’est notamment le cas de la commune de Saint-Gilles qui fixe un plafond de revenus annuels imposables à 40.000 € (isolé) ou 70.000 € (ménage).

    L’effet de cette condition de revenus maximums aboutit quasiment à ne pas fixer de limite, quand on sait que 92% de la population bruxelloise déclarait en 2007 des revenus inférieurs à 50.000 €. En conséquence, les loyers de ces logements suivent les prix du marché privé. Ils appellent cette régie le « bras armé » de la commune en matière d’urbanisme. Dans les faits, cette régie achète les bâtiments peu entretenus dans les quartiers pauvres, les rénove et les remet sur le marché locatif vers des couches à plus hauts revenus.

    En tout cas, Doulkeridis n’a jamais été capable d’expliquer comment il était concrètement possible d’arriver à 15% de « logement public à finalité sociale » pour 2020. S’agissait-il d’une promesse électorale malhonnête de la part d’Ecolo ? Par « logements publics à finalité sociale», on considère essentiellement les logements sociaux, les logements « assimilés à du logement social », dont le plafond de revenus est supérieur de 20%, et le logement public pour lequel une allocation-loyer est accordée. Cette allocation est octroyée par la région au locataire de logement public qui se trouve dans les conditions d’octroi d’un logement social1. Cette dernière invention de Doulkeridis lancée en grande pompe en 2008 est un véritable flop. Initialement, 2 millions € étaient prévus au budget de la Région. Lors des deux premières années, seuls 30.000 € avaient été utilisés. Depuis, le montant budgétisé a été revu à la baisse à 266.000 €.

    Comment expliquer cela ? Les communes ne souhaitent pas octroyer les logements publics aux bas revenus et font par conséquent leur possible pour éviter d’accorder les aides dues. À Ixelles par exemple, pour une partie du parc, les revenus du ménage doivent atteindre des plafonds minimums. A Saint-Gilles les conditions d’accès au logement public stipulent que le loyer ne doit pas dépasser les 40% des revenus du ménage. Selon les différents règlements communaux, ce chiffre varie entre 33% et 50%. Or, une famille bruxelloise consacre en moyenne plus de 30% de son revenu au logement. Pour les plus bas revenus cela dépasse souvent les 50%. Dès lors ces conditions permettent d’éviter les « mauvais payeurs » et d’assurer la rentabilité de la location, en excluant les plus bas revenus.

    Finalement, ces politiques signifient que le marché public ne vise pas à résoudre les problèmes sociaux des habitants mais au contraire vise de plus en plus à les remplacer par d’autres habitants disposant d’un revenu plus important. Dans ce contexte, le logement social est clairement mis sur une voie de garage par le gouvernement bruxellois, et ce alors que le parc en logement social ne permet même pas de répondre à 50% de la demande officielle. Environ 39.000 logements sociaux étaient dénombrés en mai 2013 (à peine 440 de plus qu’il y a 10 ans !), soit l’équivalent de 8% seulement de l’ensemble des logements. La liste d’attente quant à elle dépasse les 41.000 personnes. Cette liste d’attente est telle qu’elle ne représente même plus le besoin réel, beaucoup de ménages abandonnant l’idée d’introduire une demande, celle-ci n’étant au mieux rencontrée que dans une dizaine d’années pour les plus chanceux. Selon un dossier du Soir « SOS Bruxelles », plus de 50% des ménages bruxellois rentrent dans les conditions d’accès à un logement social.

    Pas de logement pour les plus pauvres, mais de beaux projets pour les plus aisés

    Il y a une volonté claire du gouvernement de maintenir une pénurie, pour mieux attirer les promoteurs et investisseurs privés en charge alors de réaliser un processus de gentrification dans les communes, comme dans les autres grandes villes de Belgique. Avec ce processus, les communes tentent d’attirer la classe moyenne, aux revenus plus élevés, dans des quartiers modestes de sorte à augmenter les revenus fiscaux. L’argent public est alors dépensé pour développer l’attractivité plutôt que dans le bien-être des habitants. Sous prétexte d’organiser une mixité sociale, il s’agit en réalité d’évacuer les plus pauvres à la place de traiter la pauvreté en soi. Dans ce contexte, construire des logements sociaux serait non seulement non-productif mais surtout cela engendrerait le risque pour les communes d’attirer les pauvres que les autres chassent.

    Dans un entretien au Soir sur les enjeux de l’immobilier bruxellois en juin dernier, le nouveau directeur de la Société de Développement pour la Région de Bruxelles (SDRB, institution publique pararégionale en charge de l’immobilier), Benjamin Cadranel (PS, jusque-là directeur du cabinet de Picqué depuis 2007), prenait la position suivante : « A Bruxelles, la population précarisée est captive au cœur de la ville, or la population qu’il faut convaincre de rester ou revenir au centre de Bruxelles c’est la classe moyenne ». Il précise ainsi que cela nécessite « d’éviter de concentrer dans le noyau urbain un nombre excessif d’allocataires sociaux », s’accordant sur ce point avec l’échevin de l’urbanisme de la Ville de Bruxelles, Geoffroy Coomans de Brachène (MR). Un nombre « excessif » étant probablement pour eux ce qui correspond à plus de 2,5% de logements sociaux.

    Cette politique a été poussée à son paroxysme notamment dans certains quartiers huppés à Ixelles, où les majorités communales ne cessent de faire la cour aux exilés fiscaux qui chercheraient à profiter du paradis pour les riches qu’est la Belgique. La manifestation de la FGTB du 14 septembre dernier pour plus de justice sociale et de pouvoir d’achat avait pris son départ symboliquement à la place Brugmann à Ixelles pour dénoncer cette différence de traitement accordé aux riches par les différents niveaux de pouvoir en Belgique.

    Mais c’est aussi dans les quartiers les plus précaires du croissant pauvre que prennent place les projets d’embellissement. Cela est d’autant plus choquant quand, dans ces quartiers, il est mis en avant qu’aucun moyen n’est disponible pour les besoins sociaux. La tour UpSite, qui sera construite en 2014 le long du canal dans le quartier de Tour & Taxis, en est un bon exemple. Cette tour, qui sera la plus haute tour à logements de Bruxelles, comportera des commerces ainsi que 106 appartements qui seront vendus à un prix de 3.500 €/m². Avec la tour UpSite, le gouvernement bruxellois tente de réaliser son vieux fantasme d’attirer les classes moyennes dans les quartiers autour du canal pour les transformer en quartiers résidentiels huppés, sur les modèles d’Amsterdam ou Paris, et en chasser la pauvreté qui s’y est concentrée à la suite de la désindustrialisation. Les bureaux et logements vides ? Offerts aux promoteurs pour encore plus de beaux projets !

    Pour la première fois en 2012, le gouvernement bruxellois s’est attaqué aux bureaux vides pour les convertir en nouveaux logements. Christos Doulkeridis et Charles Picqué ont ainsi choisi huit projets « emblématiques », en accordant pour chacun de ces projets une prime de 30 €/m² aux promoteurs. En juin 2012, la région a délivré le premier permis de reconversion de bureaux en logements à Cofinimmo pour l’immeuble « Livingstone » dans le quartier européen. Les travaux devraient se terminer en décembre 2014 pour y installer notamment 122 appartements haut de gamme. Ces appartements seront vendus à 3.500 €/m², et sont ouvertement destinés aux hauts fonctionnaires européens.

    Le soin de la réhabilitation des bureaux vides est volontairement laissé aux promoteurs par la région, toujours dans le même objectif d’embellissement des quartiers et de construction de logements pour la classe moyenne. Pourtant, la « loi Onkelinx » datant de 1993 permet la réquisition des logements vides (il y en aurait 15.000 à 30.000 à Bruxelles) par les autorités publiques pour les mettre à disposition des sans-abris. Dans le contexte actuel, ce raisonnement pourrait très bien être étendu aux bâtiments dans lesquels se retrouvent les quelques 1,6 millions m² de bureaux vides de la région (2,5 millions m² si l’on compte la périphérie), ce qui permettrait d’offrir un logement accessible à des couches plus larges que les seuls sans-abris. A la place de cela, la région offre l’opportunité aux promoteurs de faire leur beurre là-dessus. A nouveau, c’est un choix politique qui n’a rien de démographique.

    Jean-Edouard Carbonnelle, le patron de la plus grande société immobilière de Belgique Cofinimmo dont l’activité est centrée à Bruxelles, a bien perçu la nouvelle poule aux œufs d’or que lui a offert le gouvernement Picqué IV. Lors de sa prise de fonction en avril 2012, il explique la réorientation de l’activité immobilière de son groupe, jusque-là concentrée sur l’immobilier de bureau. « A Bruxelles, depuis le milieu des années 2000, l’offre de bureaux est devenue trop importante. Parallèlement, Bruxelles est soumise à une pression démographique de plus en plus importante. Une manière d’y répondre est de convertir des immeubles de bureau en logements et c’est ce que nous commençons à faire avec le projet Livingstone dans le quartier européen ». Cofinimmo a clôturé l’année 2012 avec un bénéfice net en hausse à 121,8 millions €, contre 113,2 millions € en 2011.

    Cependant, pour le gouvernement bruxellois, les communes et les promoteurs, il y a une exception à cette tendance car la demande de nouveaux bureaux continue de croître autour des gares. Ces nouveaux projets de bâtiments de bureaux ne répondent pas à un besoin supplémentaire en bureaux mais visent en réalité à attirer ceux déjà présent à Bruxelles pour mieux s’accaparer des parts de marché. Le projet immobilier d’Atenor et CFE de construire trois tours de bureaux dites « Victor » situés sur la frontière de Saint-Gilles et d’Anderlecht dans le quartier de la Gare du Midi est un bon exemple. Ces tours d’une hauteur de 148 m, soit un peu moins que la Tour du Midi, devraient accueillir 104.000 m² de bureaux et 6.000 m² de logements. Face à la pression des riverains, Picqué a suspendu temporairement ce dossier. Un autre projet envisagé est celui d’Eurostation qui envisage la création de 250.000 m² de nouveaux bureaux, dont le projet de prestige Jean Novel qui consiste en un bâtiment en V au-dessus des voies.

    Le quartier du Midi possède déjà 300.000 m² de bureaux qui ont été construits des deux côtés des voies, au prix de la démolition de nombreux logements et de l’expropriation de leurs habitants. Le quartier du Midi à Saint-Gilles est un quartier pauvre composé également d’une forte population issue de l’immigration portugaise et espagnole ainsi que marocaine depuis les années ‘70. De 1992 à 2008, la région a réalisé 5 plans d’expropriation accompagnés d’un « harcèlement administratif systématique, de manœuvres dilatatoires » ou encore « d’attitudes injurieuse »2. Ce développement accompagnait l’introduction du TGV en Gare du Midi. Dans un article du « Soir » datant de 1990, Jean-Claude Vantroyen écrivait alors : « Charles Picqué veut vraiment « son » TGV dans « sa » gare du Midi pour nettoyer le bas de « sa » commune… »

    Depuis l’urbanisation de Saint-Gilles entre 1850 et 1925, il y a toujours eut un « haut » ou l’on retrouvait des maisons bourgeoises et un « bas » ouvrier avec le développement d’industrie (fabrique de produits chimiques et filature de lin) qui remplacèrent les terrains agricoles. L’ancienne chocolaterie Côte d’Or quant à elle ferma ses portes fin des années ‘80 pour faire place à un immeuble de bureau et à la rénovation de la place Victor Horta. Depuis l’ère Picqué, cette situation s’est renforcée avec l’attraction de toujours plus de couches « plus aisées » dans le haut de la commune et l’éradication continue du quartier du Midi livré en pâture aux promoteurs construisant bureaux et hôtels.

    Ainsi Picqué déclarait à propos de sa commune de Saint-Gilles en 1992 : « Si on veut, à terme, garantir un meilleur équilibre budgétaire local, il est évident qu’une mutation sociologique de certains quartiers doit être encouragée sans tarder ». Qu’en est-il 20 ans plus tard ? Si on regarde le budget 2012, il y une augmentation prévue de 5% sur les recettes de l’IPP, tout comme sur les recettes liées au revenu cadastral ou aux taxes sur les bureaux. Au même moment, le nombre d’aides sociales a augmenté de 20% en 2 ans.

    Les additionnels au précompte immobilier (PRI) sont, avec 29%, la principale source de revenu des communes bruxelloises. Les communes qui accueillent les populations les plus aisées ont un rendement important contrairement au plus pauvres, à l’exception de Bruxelles et Saint-Josse qui ont le rendement le plus élevé du fait de la présence de nombreux bureaux sur leur territoire. En dehors de celles-ci, Saint-Gilles a le meilleur rendement des communes du croissant pauvre. En plus du PRI, les bureaux et chambres d’hôtels sont également taxés. Les taxes sur le patrimoine équivalent à 45% de l’ensemble des taxes communales.

    En 1995, Saint-Gilles était la commune avec le revenu moyen par habitant le plus faible derrière St-Josse. Dix ans plus tard, Molenbeek l’a dépassé dans ce triste classement. Durant toute cette période, le revenu moyen des Bruxellois s’est terriblement dégradé à l’exception de Saint-Gilles et Saint-Josse. Entre 2005 et 2009, c’est à Saint-Gilles et à Watermael-Boisfort que la croissance est la plus élevée avec 3,66% en moyenne annuelle, au-dessus des 2,5% pour l’ensemble de la région bruxelloise, des 3,32% de la région flamande et des 3,45% de la région wallonne. En ce qui concerne les revenus sur l’IPP (qui représentent 13% des recettes budgétaires des communes bruxelloises), c’est Etterbeek, Saint-Gilles, Ixelles qui ont connu une croissance de plus de 7% par an entre 2006 et 2010. Ceci est le reflet du changement de composition sociale de certains quartiers sur fond d’un appauvrissement généralisé.

    Toute cette attitude de la région bruxelloise et des communes par rapport au logement démontre qu’il s’agit plus d’un choix politique que d’un impondérable problème démographique. L’utilisation du phénomène de « boom démographique » par le gouvernement Picqué est une stratégie pour se déresponsabiliser des pénuries en logement, en présentant le manque de moyens sous un autre angle. Il s’agirait d’une demande trop importante, et non d’un manque de moyen. Aborder une pénurie sous cet angle permet aussi à Picqué de ne pas avoir à remettre en question les assainissements et d’éviter d’aborder la question « Où peut-on aller chercher les moyens nécessaires pour répondre aux besoins ? »

    Ces projets de standing se retrouvent également sur le campus de « La plaine » à l’ULB avec des tours à appartements privés haut de gamme, et ce alors que les prix des kots étudiants ont augmenté ces dernières années suite au manque de logements disponibles. Alors que les promoteurs immobiliers étaient seuls contre tous dans ce projet, la commune a malgré tout délivré les autorisations, illustrant encore une fois le caractère antidémocratique de la gestion des logements à Bruxelles.

    Pour les étudiants, cette politique de prestige s’additionne à la marchandisation de l’enseignement consécutive aux politiques néolibérales comme le traité de Bologne. Les études supérieures représentent un investissement financier toujours plus important, comme l’illustre l’augmentation continuelle des recours aux jobs étudiants. En 2012, 450.000 étudiants ont travaillé comme jobistes en Belgique, soit l’équivalent de 8,9 millions de jours prestés, une hausse de 16% par rapport à l’année 2011. Plus significatif encore, le recours des étudiants au CPAS. Par rapport à il y a dix ans à Bruxelles, on estime que leur nombre a plus que triplé !

  • Manifestation : ‘‘Mon corps, mon choix, ma liberté’’

    En décembre dernier, les droits des femmes ont subi une énorme attaque en Espagne, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy (Parti Populaire) réclamant une réforme de la loi relative à l’avortement qui représente concrètement un retour en arrière de 30 ans. C’est dans ce cadre que plus de 2.000 personnes ont manifesté hier à Bruxelles, de l’ambassade espagnole jusqu’au Parlement européen. Au cours des discussions que nous avons pu avoir avec les manifestants, il était frappant de voir à quel point le sentiment que les droits des femmes sont partout menacés était partagé parmi les manifestants.

    Photo ci-contre : Navid, photos ci-dessous : MediActivista

    Pour beaucoup, le choc et l’effroi ont dominé lorsqu’ils ont pris connaissance de ce projet de loi. Dans les faits, il s’agit d’une suppression de l’avortement en Espagne, à l’exception d’un danger prouvé pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme ou en cas de viol, pour autant qu’une plainte ait été déposée. Cette proposition du gouvernement doit encore passer au Parlement, mais le Parti populaire y détient la majorité absolue. Un tel retour en arrière était considéré comme impossible par de nombreuses personnes, mais cette conquête sociale n’a pas échappé à la lame de fond antisociale qui frappe l’Espagne de plein fouet.

    Hier, parmi les rangs des manifestants, on pouvait trouver de nombreux membres du PSOE (parti social-démocrate espagnol) et d’autres partis traditionnels belges. Mais si ces partis clament défendre les droits des femmes dans les micros des médias dominants, ils n’en restent pas moins responsables de l’application de mesures d’austérité qui ont fait des ravages parmi la population, et parmi les femmes tout particulièrement. Comme le titrait le tract distribué par le PSL à l’occasion de cette manifestation : la position des femmes dans la société est menacée par la crise et l’austérité‘‘Aucun des partis établis n’est innocent du déclin subit par la majorité des travailleurs – femmes et hommes – au cours du dernier quart de siècle. Le système capitaliste qu’ils défendent n’est pas seulement responsable de cette crise qui dure depuis cinq ans déjà, mais aussi de la position inférieure systématiquement imposée aux femmes et encore de toutes les autres discriminations et inégalités qui hantent cette société !’’ Considérer ces partis en alliés équivaut à laisser entrer le loup dans la bergerie du mouvement social.

    Face à ce recul et face à l’offensive généralisée que subissent nos conquêtes sociales, la seule arme que nous avons à notre disposition est celle de la mobilisation de masse et de la construction d’un rapport de forces. C’est ainsi que nous avons pu par le passé arracher de nombreux droits, mais nous voyons aujourd’hui combien ces conquêtes sont éphémères dans le système actuel. C’est pourquoi il est selon nous crucial de lier nos luttes à la défense d’un autre projet de société. Le système dans lequel nous vivons aujourd’hui est un système où 85 personnes à peine possèdent une richesse équivalente à celle des 3,5 milliards de personnes les plus pauvres ! Pas moins de 7 personnes sur 10 vivent dans des pays où l’inégalité a augmenté au cours de ces trente dernières années. Impossible d’imaginer parvenir à une égalité réelle dans un système pareil.

    Une autre date de mobilisation est déjà prévue relative au droit des femmes à décider de leurs, le 30 mars prochain, à Bruxelles également. Depuis plusieurs années déjà se développe à travers l’Europe un mouvement anti-avortement prétendument ‘‘pro-life’’ ou ‘‘pro-vie’’. Comme l’exprimait une pancarte brandie hier : ‘‘Pro-life is a lie, you don’t care if women die’’ (Pro-vie, c’est un mensonge, ça ne vous fait rien si des femmes meurent). Une manifestation de la plateforme pro-choix aura lieu contre cette prétendue ‘‘Marche pour la Vie’’. Mobilisons-nous donc déjà pour ce 30 mars 2014, rendez-vous à 13h Place d’Espagne à Bruxelles. Défendons le droit à l’avortement ! Luttons contre la politique d’austérité qui limite notre choix !

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop