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  • L’affaire Houtart : la figure de proue des progressistes catholiques compromise

    L’an dernier, l’Église catholique a été confrontée à une série de scandales de pédophilie, en Belgique comme dans plusieurs autres pays. En Flandre, le scandale a éclaté quand l’évêque brugeois Van Geluwe a avoué avoir abusé sexuellement d’un membre de sa famille durant des années. Aujourd’hui, la stupeur ne frappe plus seulement les croyants catholiques tandis que le célèbre chanoine de gauche François Houtart – qualifié en première page du Soir de ”pape de l’altermondialisme” – est maintenant compromis.

    Par Anja Deschoemacker

    François Houtart, professeur émérite de l’UCL, après une vie passée au soutien des mouvements de libération et de lutte sociale à travers le monde, a été à la base de la formation du Forum Social Mondial. Il est très connu dans les cercles d’ONG, mais lui-même allait au-delà des idées souvent limitées au moralisme qui y règnent, en se déclarant ouvertement anticapitaliste. Suivant cette logique, on pouvait toujours le trouver dans des appels à l’unité de la gauche, y compris sur le plan électoral. Il était inspiré par les mouvements de masse en Amérique Latine qui ont mis au pouvoir des régimes alternatifs ainsi que par les meilleures traditions de lutte du mouvement ouvrier chrétien.

    C’est en fonction de cette vie d’activités progressistes qu’une campagne avait commencé afin de le présenter pour le prix Nobel de la Paix, entre autres par le Forum Social Mondial. Il avait récemment lui-même stoppé cette campagne, en mettant en avant plusieurs raisons. La cause concrète de cette décision était une demande de retrait de la part d’une cousine.

    Cette affaire a été rendue publique par une lettre que François Houtart a lui-même envoyée au Soir (et publiée le 28 décembre), dans laquelle il avoue être le chanoine dont parle une des plaintes reçue par la commission Adriaenssens. Cette affaire n’est pas tout à fait claire : Houtart, qui a maintenant 85 ans, avoue avoir ”touché les parties intimes” d’un garçon de sa famille âgé de huit ans, mais la lettre écrite à la commission sous la main de la sœur de la victime parle sans détour de ”viol”. Chez la victime, cet acte a été cause de sérieuses souffrances psychologiques, et il ressort de la lettre que la façon très positive dont François Houtart était présenté dans les médias a entraîné une énorme colère et frustration.

    C’est une affaire très pénible, y compris pour les personnes et les organisations qui considéraient Houtart comme une autorité et cherchaient son soutien pour toutes sortes d’initiatives. Il avait déjà démissionné du conseil d’administration du Cetri, (Centre Tricontinental, un centre d’étude et de formation consacré aux relations Nord-Sud mis sur pied par Houtart). Cette décision a été prise en concertation entre lui et la direction actuelle du Cetri, après qu’il ait confirmé les rumeurs autour de ce scandale. Dans d’autres organisations aussi, sa démission va s’imposer.

    Cela va faire mal dans la communauté catholique également. Depuis l’entrée en fonction de Léonard comme archevêque, les courants plus progressistes de l’Église, tout comme les courants du centre, sont en effet dans la défensive. Après le discrédit qui a frappé la figure de proue du centre, Danneels, en raison de son manque criant d’initiative pour mettre fin à la culture du silence autour des abus d’enfants dans l’Église, c’est maintenant une des figures les plus connues de l’aile la plus progressiste de l’Église qui est touchée par un scandale pédophile.

    Si, pour François Houtart, son engagement social était une sorte de forme ”d’épuration” pour son crime, comme le suggère Le Soir en réaction à la lettre d’Houtart, ce dernier cherchait de toute façon dans la bonne direction; dans la nécessité de s’en prendre à la cause de la misère à laquelle une grande partie de l’humanité est confrontée, et notamment au système de profit capitaliste. Le PSL/LSP n’a jamais coopéré avec Houtart, nous avons été actifs sur d’autres terrains. Beaucoup des revendications qu’Houtart met en avant ne vont, selon nous, pas assez loin et restent trop limitées à quelques réformes économiques ou démocratiques insuffisantes pour pouvoir réellement aboutir à un changement. Elles ont un certain caractère utopiste car elles ne les relient pas la nécessité de la lutte de classe et une stratégie avec laquelle la classe ouvrière peut, au niveau mondial, reprendre le pouvoir des mains des classes dirigeantes. Mais son indignation face aux crimes du système capitaliste mondial, y compris dans la période où le consensus général était le néolibéralisme, ainsi que son engagement permanent faisaient de lui un allié potentiel pour tous ceux qui voulaient mener la bataille.

    Pour la victime, l’engagement social de l’homme ne peut pas excuser le crime commis il y a quarante années, et cela est compréhensible. La discussion qui s’est déchainée cette dernière année illustre que les victimes d’abus sexuels dans l’Église ont été marquées à vie. Même si Léonard a raison quand il précise que les abus d’enfants existent partout, aussi et surtout dans les familles mais également dans les clubs de sport, les organisations de jeunesse,… cela fait tout, sauf pardonner l’Église catholique en tant qu’institution. Car ces scandales montrent la contradiction entre les paroles moralistes de l’Église catholique – qui a une influence réelle sur la politique d’avortement ou encore de contraception dans plusieurs pays avec ses organisations locales et sa présence dans tout un tas d’institutions internationales – et la réalité, qui est de faire silence et de couvrir pendant des décennies les crimes de ses propres prêtres.

    Le pouvoir que cette institution s’était donné – un pouvoir presque absolu dans des institutions comme les internats catholiques il y a encore quelques décennies – avec des prêtres qui jouissaient d’une grande autorité dans les communautés populaires offrait aux prêtres pédophiles un environnement dans lequel ils pouvaient commettre leurs crimes de manière quasiment totalement impunie. Le tabou autour de la sexualité contribuait aussi à créer un climat où le silence était central et où des prêtres pédophiles pouvaient continuer à faire de nouvelles victimes durant des années. Le célibat ne peut pas seul expliquer ces dérapages, il y a bien plus de prêtres qui ont eu une relation normale, bien que cachée, avec une femme ou un homme adulte qu’il y en a qui ont abusé d’enfants. Mais le célibat imposé a certainement contribué à construire une vision tordue de la sexualité, ce qui a contribué à ce qu’une partie des prêtres dérape.

    Une très grande partie des affaires qui ont – récemment été rendues publiques portent sur des crimes qui se sont passés il y a longtemps, comme c’est le cas avec Van Geluwe et Houtart, mais qui, par manque de reconnaissance de la victime et de punition de l’auteur, ont continué à faire des dégâts dans les têtes des victimes. Maintenant, l’ulcère a éclaté. Pas seulement en Belgique, mais dans toute une série de pays où l’Église avait une position semblable. La position et le pouvoir de l’appareil de l’Église ont déjà été fortement touchés par des décennies de sécularisation, comme en Belgique. La position actuelle de l’Église ne garantit plus que les victimes vont garder le silence, ni que la justice va la couvrir.

    L’abus d’enfants doit être combattu dans tous les secteurs de la société. Cela se passe surtout là où des adultes ont un pouvoir réel sur l’enfant en question, donc dans les familles mais aussi dans toutes sortes de groupes où des enfants tombent sous l’autorité d’adultes, en raison de la faible position des enfants dans la société, de leur minorité et/ou de leur incapacité à échapper à l’abus. Tous les experts sont d’accord pour dire que les chiffres officiellement connus au sujet des abus ne sont que la partie visible de l’iceberg.

    Le PSL appelle à plus de prévention, entre autres par la formation autour de cette question dans l’enseignement primaire et secondaire, pour que le tabou puisse être cassé, mais nous pensons qu’il faut plus pour en finir avec ce problème. Nous avons besoin d’une société qui ne laisse pas tout simplement les enfants aux soins de leur famille et sous leur autorité, mais qui fait réellement tout pour que les enfants de toutes les familles aient accès à toutes les chances de se développer, une société qui les traite comme des membres de la société à part entière. Voilà ce qui pourrait constituer une base pour que l’abus d’enfants devienent chose du passé.

    Une société socialiste offrirait aux enfants une réelle éducation sociale, dans la pratique, et serait une société où les enfants, dès leur jeune âge et en tenant compte de leurs capacités, seraient impliqués dans la gestion des points de la société qui les concernent. Tout comme les femmes abusées, ils ne devraient plus se taire par honte et/ou peur, parce ce qu’ils se sauraient protégés par la société. Évidemment, une société socialiste devrait encore supporter l’héritage du passé dans ses premières générations – avec ses relations de pouvoir et sa discrimination, son exploitation et son oppression. Elle devrait gérer ces traces consciemment et utiliser la connaissance déjà emmagasinée et encore à développer dans les sciences sociales et psychologiques. Cette société aurait les moyens en mains pour poser les bases afin d’en finir avec cet héritage, alors que les relations d’oppression entres personnes sont partie intégrante du capitalisme.

  • C’était il y a tout juste 50 ans: le 2 janvier 1961

    De nombreuses et nerveuses manifestations se déroulent dans le pays. A Bruxelles, une manifesta-tion spontanée se déroule suite à la mort de François Van der Trappen. Sur certains murs de la capi-tale, on peut lire des chaulages qui disent : « Le 3 au Parlement. » Les manifestants se rendent face à la Sabena, les grévistes enfoncent le cordon de gendarmes et brisent les vitrines. Les autopompes actionnent leurs canons à eau. A Charleroi, après la manifestation, il y a 14 arrestations pour faits de grève. En Flandre, on assiste ce lundi matin à une nette extension de la grève générale, surtout dans le secteur privé et notamment à Malines, Rupel, Saint-Nicolas et Dixmude.

    Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la ”Grève du Siècle”, sont basés sur le livre de Gustave Dache ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61”

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    – Rubrique "60-61" de ce site

    19 décembre

    20 décembre

    – 21 décembre

    22 décembre

    23 décembre

    24 décembre

    25 décembre

    26 décembre

    27 décembre

    28 décembre

    29 décembre

    30 décembre

    31 décembre

    1er janvier

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    La droite de la FGT B nationale est impuissante à stopper le mouvement de grève spontanée en Flandre. Comme l’avait dit Louis Major le 22 décembre à la Chambre : «personne ne peut plus aujourd’hui arrêter le mouvement.»

    Mais les travailleurs attendent toujours, sans succès, des mots d’ordre autres que ceux de battre le pavé à longueur de journée, des mots d’ordre qui ne viendront pas.

    Les sociaux-démocrates du PSB en appellent au roi. Le quotidien social-démocrate Le Peuple publie aujourd’hui: «Les milieux syndicaux et patronaux, comme les partis politiques, devraient avoir des assurances qu’ils n’ont pas, au sujet de la manière dont le chef de l’Etat, tenu dans l’ignorance jusqu’ à son retour, a été informé de la situation réelle par des ministres qui font tout pour cacher au pays l’élémentaire vérité au sujet de la redoutable crise qu’il traverse.» Comme à son habitude, le PC suit son grand frère du PSB, et leur journal, le Drapeau Rouge commente : «Il serait temps, en effet, que le chef de l’Etat se rende exactement compte de la situation et qu’il mette fin, on ne peut plus rapidement, à l’activité désastreuse du gouvernement Eyskens.» Comme en réponse à ces appels désespérés au Roi, les travailleurs à Mons, à Charleroi, à Liège et ailleurs crient : « Vive la République ! »

    Face aux dangers que représente le mouvement de grève générale, qui n’en finit plus de paralyser le pays et qui finalement risque d’échapper au contrôle des appareils réformistes, le PSB décide d’introduire dans le conflit une revendication réalisable à long terme. C’est ainsi que les fédérations wallonnes du PSB se réunissent à Namur et jettent dans le conflit une nouvelle revendication : le fédéralisme.

    On constate ainsi que les objectifs de la grève générale évoluent. Du côté syndical, la FGTB est toujours opposée à la Loi Unique, mais elle ne donne pas de mot d’ordre autre que des manifesta-tions accompagnées de slogans portant sur le retrait de la Loi Unique mais, surtout, appelant au «calme, ordre, discipline.» Le mot d’ordre de marche sur Bruxelles, réclamé à plusieurs reprise avec force par les grévistes, est complètement ignoré par les appareils de la FGTB wallonne. On signale un peu partout des mouvements de troupes vers Bruxelles. Le gouvernement craint la marche.

    Le Peuple informe aussi que les institutrices de la localité de Gilly se sont mises à la disposition du Comité de grève local. De tels faits sont fréquents depuis le début de la grève. Les professeurs et les intellectuels ne craignent pas de se mêler aux ouvriers et de contribuer aux tâches quotidiennes de l’organisation de la grève générale, comme tout le monde. D’une manière générale, ces faits mon-trent l’immense audience que la grève générale a sur l’ensemble de la population. Le constat le plus remarquable de ces journées est la façon dont les couches les plus politisées des classes moyennes soutiennent le mouvement de grève générale. La petite bourgeoisie comprend fort bien que la Loi Unique les touche également, on notera à ce sujet ce que dit L’Echo de la Bourse du 1ier janvier 1961 : «D’étranges dispositions financières que rien ne justifie, si ce n’ est – chez leurs inspira-teurs – le désir de poser le premier jalon pour l’ instauration d’une fiscalité atroce, propre à provo-quer en Belgique le laminage de la classe moyenne et la disparition des travailleurs indépen-dants.» Nombreux sont ceux dans la petite bourgeoisie qui comprennent qu’il leur faut, pour survivre, se ranger du côté du prolétariat qui se bat contre leur ennemi commun, et qui est seul ca-pable de leur résister. Petits commerçants, artisans, cafetiers, boulangers, petits rentiers, toutes ces catégories se sont montrées disciplinées et respectueuses des consignes données par les comités de grève, aux réunions desquels il arrive parfois que l’un de leurs représentants participe.

    Cette situation d’appui de la petite bourgeoisie des villes est très importante pour le succès final du mouvement. Mais les organisations syndicales et politiques dissimulent la véritable nature de classe de cette alliance derrière la phraséologie démocratique. La grève générale, ce n’est pas pour elles l’alliance du prolétariat et de la petite bourgeoisie contre le grand capital, c’est le soulèvement du peuple contre la Loi Unique ainsi que contre le gouvernement Eyskens. Les espoirs des directions ouvrières réformistes vont alors tout naturellement vers une résolution du conflit par voies parle-mentaires d’alliance avec le PSC. Ces bureaucrates prétendent nier les dures nécessités de la lutte de classe. L’audience que la grève générale exerce sur le reste de la population est significative des possibilités offertes au prolétariat en lutte pour atteindre son objectif final.

    L’objectif historique de la grève générale belge est de porter un coup mortel aux institutions bour-geoises et au système capitaliste, et de les détruire. Tel est le sens réel de la volonté, spontanément affirmée à plusieurs reprises par les travailleurs, de marcher sur Bruxelles. Le but des dirigeants ré-formistes et staliniens n’est pas d’attaquer la grande bourgeoisie des banques et des monopoles en la personne du premier ministre Eyskens mais, au contraire, d’attaquer personnellement Eyskens, accusé de s’entêter et de ne pas respecter la «démocratie» afin d’éviter que les coups des travailleurs ne se dirigent contre la bourgeoisie en tant que classe. Leur but, c’est le renversement d’Eyskens sur le plan parlementaire.

    Cette tactique des directions ouvrières trouve une expression fidèle dans le numéro de janvier de la revue «Socialisme», revue théorique du PSB ou René Evalenko, analysant les raisons du succès de 1950 par rapport à celle de l’échec de 1960 écrit : «Un deuxième facteur est qu’en 1950, les so-cialistes avaient trouvé un appui dans la bourgeoisie libérale. (…). Il n’en était plus de même ici, car l’action des travailleurs avait nettement pris l’aspect de la lutte des classes.» Comme si ; en 1950, avec le début de l’organisation de la marche sur Bruxelles, ce n’était pas la lutte des classes !

    Déjà à cette époque, le mouvement de grèves avait eu sur la petite bourgeoisie libérale une attraction importante et qui s’est confirmée dans la grève générale de 1960, comme nous venons de le voir avec l’appui de la petite bourgeoisie des villes. Avec ce genre d’écrits nous devons constater qu’il n’y a pas que les journaux de droite qui lancent des informations mensongères ; certains intellectuels de gauche veulent cacher et nier les alliances entre la petite bourgeoisie et le prolétariat.

  • Ils sèment la misère, organisons la colère!

    La crise n’a pas été dure pour tout le monde : cette année s’est déroulée sous le signe des super bonus pour les banquiers et les grands actionnaires. Par contre, les gouvernements européens, après avoir grassement assaisonné l’élite capitaliste avec l’argent du contribuable, demandent aujourd’hui aux travailleurs de rembourser l’argent donné aux super-riches. Partout en Europe, les mesurent d’austérité tombent comme un couperet sur la tête de l’ensemble des travailleurs. Diminution des salaires, recul de l’âge de la pension, licenciements massifs de fonctionnaires, accès aux allocations sociales rendu plus difficile, coupe dans la sécurité sociale,… En Angleterre, il est même envisagé de faire gratuitement travailler les chômeurs !

    Par Laure (Bruxelles)

    Ces attaques ne font qu’aggraver une situation déjà extrêmement alarmante. En Belgique, 15% de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté, soit 1 personnes sur 7, et nous ne connaissons pas encore le détail des mesures d’austérité qui suivront la formation d’un gouvernement !

    Seulement, la pauvreté ne se décompte pas uniquement en chiffres, ce sont surtout des conséquences dramatiques qui font les choux gras des rubriques de faits ‘‘tristement’’ divers dans la presse bourgeoise. Une des dernières en date faisait état de cette mère de deux enfants qui avait abandonné son petit dernier dans un parking en expliquant ‘‘qu’elle n’avait pas les moyens financiers de s’en occuper’’ (Le Soir, 7 octobre 2010).

    La précarité, aujourd’hui, ne touche plus seulement les couches les plus fragilisées de la population, les chômeurs, les pensionnés, les femmes, les immigrés (même si celles-ci restent les plus exposées), elle frappe une proportion de plus en plus importante de travailleurs. Le nombre de travailleurs pauvres n’a cessé d’augmenter ces dernières années et s’élevait déjà en 2009 plus de 4% des travailleurs déclarés (la moyenne européenne s’élève quant à elle à plus de 15%). Mais selon le service de lutte contre la pauvreté, les travailleurs entre 18 et 65 ans risquant de se retrouver dans la pauvreté atteignait les 24,6% en 2008, et n’a depuis fait que croître !

    Cela n’a malheureusement rien d’étonnant puisque les bas salaires se généralisent et les vrais contrats se raréfient, laissant place à l’expansion des boulots précaires, à durée déterminée, ultra-flexibles. D’autre part, depuis la crise, les licenciements pleuvent sévèrement et viennent gonfler le flot déjà important du chômage : la FGTB dénonçait en février dernier la perte de 350 emplois par jour en Belgique !

    En parallèle, les salaires n’augmentent pas, tandis que le coût de la vie, lui, ne cesse de croître. Comment est-il possible de vivre décemment lorsque le loyer constitue en moyenne déjà plus d’un tiers du revenu, et certainement lorsque ce revenu est inférieur à 2.000€? Chaque région de Belgique compte des dizaines de milliers de personnes sur les listes d’attente d’un logement social.

    Non seulement, les capitalistes, bien installés dans leur tour d’ivoire et de satin, se dorent la pilule sur le dos des travailleurs, en les exploitant, en les pressant comme des citrons pour des salaires de misère, mais, en plus, ils sont les seuls responsables de la crise dont nous sommes victimes, et qu’ils veulent nous faire payer aujourd’hui.

    En nous enfonçant dans la précarité, les capitalistes se font leur beurre, cette situation doit cesser ! Organisons nous pour lutter contre les coupes budgétaires, contre les licenciements, contre tout ce qui signifie pour nous un pas en plus vers la précarité ! Organisons nous et résistons contre ce système qui engendre la misère ! Pour une réelle répartition des richesses : nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle des travailleurs ! Pour une lutte contre le chômage, non contre les chômeurs : 32 heures de travail par semaine, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires !

  • C’était il y a tout juste 50 ans: Le samedi 24 décembre : Un Noël de combat

    ‘‘Les grèves continent à faire tâche d’huile même en Flandre’’ peut on lire dans titre l’Indépendance du 24 décembre 1960. Et ‘‘quelques actes de sabotages ont été commis sur les lignes du chemin de fer’’. Encore une fois, le constat est que la grève générale s’amplifie, elle atteint même les endroits les plus reculés de Flandre.

    Cet article, ainsi que les prochains rapports quotidiens sur la ”Grève du Siècle”, sont basés sur le livre de Gustave Dache ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61”

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    – Rubrique "60-61" de ce site

    19 décembre 1960

    20 décembre 1960

    – 21 décembre 1960

    22 décembre 1960

    23 décembre 1960

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    Au Limbourg, les débrayages se succèdent et se renforcent, à Anvers, à Furnes, à Dixmude et à Louvain, où les grévistes ont bloqué le trafic ferroviaire, il en va de même. A la gare de Bruges, seulement trois trains ont quitté la gare. Les postiers sont dans la rue, le courrier n’est plus distribué. 15.000 travailleurs manifestent dans les rues de Gand. Les grévistes se rendent en nombre au local de la CSC pour réclamer un mot d’ordre de grève.

    Les militaires stationnés en Allemagne en permission en Belgique doivent rejoindre leur unité par leurs propres moyens. Face aux nouvelles intensifications de la grève générale, la réponse du gouvernement est faite de manœuvres d’intimidations. Partout dans le pays, pour un oui, pour un non, des dizaines et des dizaines de grévistes sont arrêtés et incarcérés.

    La position de la CSC nationale contre la grève ainsi que le refus de la FGTB nationale de lancer le mot d’ordre de grève générale ont pour conséquence d’instaurer la division d’une partie des travailleurs, dans ces circonstances toutes particulières où faire le jaune est dédouané par la direction nationale de la CSC. Les grévistes recourent de plus en plus à certains actes de sabotage, dont le principal objectif est d’empêcher les jaunes de se rendre au travail. La responsabilité de ces actes de sabotage commis par les grévistes incombe entièrement aux directions nationales de la CSC et de la FGTB.

    Etant donné que la grève générale progresse toujours partout dans le pays, le gouvernement se prépare à l’affrontement et à la répression contre les grévistes. Plusieurs mesures sont prises telles que le renforcement de la surveillance des passages à niveau, des ponts de chemin de fer et des gares par les gendarmes et la troupe. Des concentrations de forces de répressions sont placées dans les grands centres où la grève est totale. Mais les forces de gendarmeries et la troupe ne peuvent se déplacer que très lentement : les routes sont parsemées de clous, les rues sont dépavées, des barricades avec des bois et des poteaux de signalisations sont mêmes installés à certains endroits stratégiques.

    Le pouvoir bourgeois est paralysé, des gendarmes supplétifs ont été rappelés, les soldats ne peuvent en aucun cas être mis en contact avec les grévistes. A Liège, la police saisit un tract destiné aux soldats. Le journal « La Wallonie », dont André Renard est le directeur, est également saisi pour avoir publié l’appel aux soldats dont voici le texte :

    ‘‘Soldats, la classe ouvrière belge est entrée dans une lutte décisive pour son droit à l’existence. Le gouvernement va utiliser la troupe, aux côtés de la gendarmerie, pour tenter de briser les grèves et de réprimer le mouvement social en cours.

    ‘‘Nous vous demandons de comprendre et de faire votre devoir. Si on vous commande de travailler à la place des ouvriers dans des entreprises ou des services immobilisés par la grève, croisez-vous les bras!

    ‘‘Si l’ on vous met en face de grévistes ou de manifestants, souvenez-vous qu’ ils sont vos parents, vos frères, vos amis. Fraternisez avec eux. Vous êtes mobilisés pour défendre le pays, et non pour l’ étrangler. Ne craignez rien. Tout le mouvement ouvrier socialiste est là pour vous défendre.

    ‘‘Soldats, ne soyez pas traîtres à votre classe. Nous comptons sur vous. L’Action Commune’’

    En plus des saisies, des perquisitions ont lieu le dimanche matin au domicile de plusieurs militants socialistes et syndicalistes FGTB, dont André Renard lui-même, ainsi que dans la plupart des locaux du PSB et de la FGTB. A la suite de ces perquisitions, une information est ouverte par le Parquet pour : ‘‘excitation de militaires à la désobéissance.’’

    Dans cette phase de la grève générale, l’appel aux soldats est le slogan le plus dangereux pour le pouvoir bourgeois. Celui-ci le sait mieux que quiconque. C’est aussi la démonstration claire qu’elle n’est pas absolument sûre de ses troupes et que la situation peut lui échapper à tout moment face à l’attraction que la grève générale exerce sur l’armée et sur la population. Cet important mot d’ordre n’est venu ni du PC, ni de La Gauche, mais de la tendance Renard.

    La bourgeoisie belge garde le souvenir de la désagrégation de son appareil répressif mobilisé contre les grévistes en 1950 et de nombreuses précautions sont prises, la discipline a été renforcée. Cependant, en bien des endroits, des tentatives de fraternisation ont lieu entre les grévistes et la troupe, les grévistes rentrent en contact avec les soldats.

    Ce samedi 24 décembre, c’est la nuit d’un Noël de combat, dans les quartiers ouvriers, aux portes des usines, les piquets de grève sont à leur poste de combat. Les grévistes FGTB et CSC sont au coude à coude. On chante l’Internationale, la Marseillaise, le Chant des Partisans,…

    Le centre de Bruxelles capitale est en état de siège. Des convois militaires prennent position, des patrouilles circulent l’arme au poing. L’E tat n’a pas trop de toute sa police et de toute son armée pour tenter de faire croire qu’il est resté maître de la situation. Le gouvernement comptait sur une démobilisation des mouvements de grève, mais c’est bien le contraire qui se passe. Les travailleurs chrétiens participent même toujours plus nombreux à la grève.

    Les éditoriaux de la presse de droite qui soutiennent le gouvernement font tous preuve d’inquiétude et de désarroi : ils ont compris que c’est le régime lui-même qui est en danger. La Libre Belgique appelle le gouvernement à la solution de force : ‘‘Le gouvernement semble avoir commencé à comprendre qu’il ne pouvait tout de même pas tolérer qu’une infecte anarchie d’origine communiste continue à s’installer dans le pays et qu’ il est totalement inadmissible que les dirigeants des syndicats socialistes se substituent aux autorités régulières pour contrôler la circulation dans les rues, le travail dans les ateliers, l’ ouverture et la fermeture dans les magasins. Il convient de mettre fin immédiatement à cette anarchie. C’est un domaine où toute capitulation de l’autorité est un crime contre la nation. Tout de même l’ordre est indivisible. Toute reculade en entraîne d’autres.’’

    L’effroi de la bourgeoisie est porté à son comble par l’ordre ouvrier qui s’établit spontanément partout dans le pays. Les grévistes sont maîtres de la rue… Au cours de sa montée, aucune force réactionnaire n’est capable d’arrêter la lutte.

    Du côté des journaux ouvriers, Le Drapeau Rouge, l’organe du Parti Communiste, publiera le 26 décembre un long éditorial qui affirme: ‘‘La grève est puissante, puissante par ses objectifs, qui mettent en cause toute la politique des monopoles, et, par conséquent, du moins sous certains aspects, le régime lui-même. Il est bien certain que M. Eyskens aurait déjà abandonné une partie qu’ il sait perdue d’ avance pour lui et pour ses associés, si les banques, la Cour et Malines (où réside Van Roy) ne pesaient pas de tout leur poids sur ses épaules pour le clouer à son inconfortable siège ministériel. Si le mouvement se développait sans entraves, on pourrait prévoir que, ce prochain mercredi, la Chambre serait convoquée d’ urgence pour s’ entendre dire sans doute que le gouvernement abandonne son projet de loi de malheur, et s’ en va.’’

    Ainsi pour les dirigeants du Parti Communiste stalinien, cette grève met en cause le régime lui-même, mais ce n’est pas pour eux le régime qu’il faut abattre, mais plutôt la seule personne du premier ministre G. Eyskens. Pour les dirigeants du PC, il ne s’agit pas de se battre comme les grévistes contre les banques, les monopoles, la Cour ou le Cardinal qui interviennent pour entraver le mouvement de grève. D’ ailleurs, pour la direction du PC, les grèves doivent se dérouler dans ‘‘l’ordre, le calme et la discipline’’ – comme le préconise la bureaucratie de la FGTB. Arrêter les frais : après une semaine de grève générale, c’est le désir de toute la droite du pays ; mais aussi et surtout des directions réformistes du PSB et de la FGTB qui, depuis le début, se posent la question : où cette grève générale va-t-elle nous conduire, qu’allons-nous encore bien pouvoir faire pour empêcher qu’elle ne débouche sur un affrontement révolutionnaire, alors que nous n’avons déjà pas réussi à empêcher le déclenchement de celle-ci ?

    Le journal La Gauche, organe de la tendance de gauche du PSB, titre le 24 décembre: ‘‘Tous dans la grève, jusqu’au retrait pur et simple du projet capitaliste de la loi unique’’ Jusque-là rien à redire. C’est un objectif correct, voulu par l’écrasante majorité des grévistes, mais il est limité. La Gauche le comprend très bien, et c’ est pourquoi elle poursuit en ajoutant ‘‘A sa place, les travailleurs imposeront des solutions socialistes.’’

    Mais là où cela se complique, c’est quand il fait référence au programme des ‘‘réformes de structures’’, qui n’est d’ ailleurs autre que le programme officiel du PSB et de la FGTB. Les ‘‘réformes de structures’’ sont certes des mesures de fond (comme le service national de soins de santé, la nationalisation de l’énergie, la planification de l’économie), mais la réalisation de ces mesures ne ferait qu’aligner le capitalisme belge sur certains autres capitalismes voisins plus évolués que lui et qui ont déjà réalisé une partie ou l’ensemble de ces réformes, tout en étant toujours sous le joug du régime capitaliste d’ exploitation effrénée. Par exemple, le service national de santé existe en Angleterre.

    Les capitalistes anglais ont cédé cette réforme en vue d’apaiser, avec la complicité des dirigeants travaillistes, les objectifs socialistes révolutionnaires du prolétariat britannique. De même, les capitalistes français, craignant de tout perdre, avaient dû accepter la nationalisation de l’énergie en 1945 pour contenir, avec l’aide des staliniens et des réformistes, la montée révolutionnaire des masses afin qu’elle reste dans le cadre de l’ordre bourgeois.

    En fait, ces revendications ne peuvent être considérées comme « socialistes » que dans la mesure où les travailleurs imposent par leur action le contrôle ouvrier sur les nationalisations, contrôle réalisé par les travailleurs eux-mêmes, par le biais de comités élus et sous contrôle de la base ouvrière.

    Ce n’est pas par hasard que dans le programme de La Gauche, aucune référence ne soit faite au contrôle ouvrier, qui se place au-delà de ce que la bourgeoisie peut accepter sous la pression de la grève générale tout en préservant son système de profit. Le programme de La Gauche se situe non pas dans la perspective révolutionnaire, mais bien dans le cadre d’ une politique réformiste de pression exercée sur la classe dominante qui ne va donc pas au-delà de ce que la bourgeoisie peut accepter, comme ce fut le cas en Angleterre et en France notamment.

    En évitant de mettre le contrôle ouvrier comme condition indispensable à la nationalisation de l’énergie ainsi que l’expropriation sans rachat ni indemnité, les dirigeants de La Gauche se refusent à poser le problème du renversement de l’ E tat bourgeois. De ce fait, ils vident le mot d’ordre de la nationalisation de tout son contenu révolutionnaire, et transforment une revendication transitoire en un mot d’ordre réformiste.

    Il suffisait de parcourir la Belgique durant la grève générale pour constater à quel point les travailleurs étaient conscients du « complot » des banques, de la S.G.B. (l’ancienne Société Générale) contre leur niveau de vie. Il n’était pas trop tôt non plus, loin de là, pour lancer aussi le mot d’ordre transitoire de l’expropriation des banques privées. Une telle agitation aurait très exactement répondu à la portée révolutionnaire de la grève générale, mais La Gauche y a substitué des mots d’ordre lamentables par leur timidité, en se plaçant derrière les appareils réformistes. L’étude approfondie de la collection de La Gauche durant cette période est riche en enseignements sur la politique défendue par la tendance Mandel, dirigeant de La Gauche. Nous y voyons s’affirmer le caractère profondément capitulard, réformistes et liquidationniste, totalement étranger au marxisme, qui explique les positions prises durant cette grève générale par les représentants de La Gauche de Mandel.

  • C’était il y a tout juste 50 ans… 20 décembre 1960: Spontanéité et débordement des appareils

    Le mot d’ordre de grève n’avait été lancé que par la Centrale Générale des Services Publics de la FGTB mais, ce matin du 20 décembre 1960, la colère ouvrière brise toutes les digues installées par toute la bureaucratie pour empêcher l’éclatement de la grève générale dans le secteur privé. Elle rassemble aussi, bien au-delà des seuls membres de la FGTB.

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    Rubrique "60-61" de ce site

    19 décembre 1960, la veille d’un grand combat
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    Le 20 décembre, c’est la date que le gouvernement avait choisi pour commencer la discussion sur la Loi Unique au Parlement: en pleine période des préparatifs pour les fêtes de fin d’année, un moment plus difficile pour la mobilisation ouvrière. La direction du PSB et de la FGTB comptait également sur cette période pour éviter de prendre l’ initiative de déclencher la bataille.

    Les ACEC et les verreries de Charleroi, Cokerill à Liège et les dockers anversois sont les premiers à cesser le travail spontanément, sans attendre de mots d’ ordre. Cette avant-garde se dirige ensuite vers les autres entreprises afin de généraliser le mouvement de grève à l’ensemble de la classe ouvrière du pays, rejoignant ainsi la CGSP et indépendamment de la hiérarchie de la FGTB qui n’ avait jusque là pris aucune décision d’ action. La direction de la CSC nationale s’ était, quant à elle, prononcée contre toute grève.

    La grande presse dévoile que le PSB n’ a plus ses troupes en main, qu’il y a divorce entre les sommets et la base. On n’insistera jamais trop sur le caractère spontané du démarrage de la grève générale, sur les initiatives des ouvriers à la base, qui ont pris eux-mêmes à bras le corps la décision d’étendre le mouvement de grève à toutes les entreprises. Ce sont les travailleurs eux-mêmes qui ont pris cette décision spontanément, sans attendre les consignes des appareils bureaucratiques.

    Quand on tire les enseignements des grands combats que la classe ouvrière belge a mené dans le passé, on s’ aperçoit très vite qu’il y avait dans cette grève des indices qui ne trompaient pas. La volonté, la spontanéité dans l’ action, la virulence, l’ initiative collective,… sont autant de signes de luttes, montrant que la spontanéité révolutionnaire du prolétariat était capable de bousculer et de renverser l’ ordre établi ; la lutte posait de fait la question du pouvoir…

    Si, avant le 20 décembre 1960, il y avait du côté des travailleurs wallons une certaine effervescence contre la Loi Unique, les travailleurs flamands n’étaient pas restés sans réaction. Le 8 octobre déjà, une première manifestation contre la Loi Unique s’ était déroulée à Anvers, en front commun, et les représentants chrétiens, socialistes et libéraux y avaient violemment attaqué le projet du gouvernement Eyskens et avaient décidé de poursuivre la lutte par une action de grève pour le 17 octobre 60. A la veille du mariage du Roi, le 13 décembre 60, les travailleurs gantois avaient spontanément arrêté le travail pendant deux heures en guise de protestation contre la Loi Unique.

    Dès le premier jour de la grève, le 20 décembre, la Flandre n’ est pas en reste pour se lancer dans la lutte. A Anvers et à Gand, les débrayages spontanés se multiplient et s’étendent également à plusieurs secteurs malgré l’opposition farouche des organisations syndicales et politique, et plus particulièrement de la FGTB où la pression pour l’ action est la plus forte.

    Le secrétaire général de la FGTB et député socialiste d’ Anvers, Louis Major, déclarera à la Chambre le 21 décembre 1960 que : «Nous avons essayé, Monsieur le premier ministre, par tous les moyens, même avec l’ aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.» (Citation reprise dans les Annales parlementaires, Chambre des Représentants, 21 décembre 1960, p.20) Louis Major est resté fidèle à cette position durant toute la grève générale de 60-61.

    Toute la presse du 21 décembre relatera que les états-majors ont été dépassés par leurs troupes le 20 décembre. Le journal « La Cité » écrit ainsi : «on signale qu’en plusieurs endroits, les dirigeants de la FGTB eux-mêmes auraient été pris de court (…) Il semble bien qu’en certains endroits du moins, le contrôle du mouvement échappe à la direction de la FGTB.» Effectivement, la FGTB est débordée par les débrayages spontanés et l’ action des travailleurs, qui se déploient dans la rue. Certains militants ouvriers de base commençaient petit à petit à s’ organiser pour pallier au manque de direction de la grève. Un peu partout, dans plusieurs régions du pays, des contacts ont lieu, de même que des réunions, des discussions, des concentrations et des distributions de tracts.

    Débordée, la FGTB est obligée de suivre le mouvement. La direction nationale se décharge de sa responsabilité, et c’est aux régionales de prendre une décision. A Charleroi par exemple, ce n’ est que trente heures après que la grève ait éclaté spontanément, après qu’elle ait été générale dans toute la région et dans le pays, que la FGTB a été contrainte d’ annoncer le mot d’ ordre de grève générale pour la régionale.

    On a beaucoup épilogué sur la grande combativité des ouvriers wallons certes, mais en négligeant parfois de mettre sur un pied d’égalité la combativité des ouvriers flamands, qui devaient faire face à de plus grandes difficultés. C’est d’ ailleurs en Flandre qu’a lieu l’occupation de la régie de l’électricité, pendant dix jours, du 20 au 30 décembre. Ce n’ est pas un acte banal, mais une action très significative de la volonté et de la combativité qui existaient aussi parmi la masse des travailleurs de Flandre. C’est la seule entreprise en Belgique qui fut occupée par les grévistes pendant la grève générale de 60/61.

    L’ occupation d’ une entreprise, quoique encore relativement pacifique comme ce fut le cas, a une énorme importance symptomatique. Par cette action les ouvriers disent : « Nous sommes les maîtres dans l’ entreprise ». En cette journée du 20 décembre, la combativité était grande, tant chez les travailleurs flamands que bruxellois et wallons.

  • Quel front progressiste contre la N-VA et le patronat ?

    Fin octobre, la FGTB a lancé une campagne pour la solidarité et contre le nationalisme. En soi, c’est une bonne chose, les syndicats doivent aussi prendre position sur des projets politiques. Mais la façon dont Rudy De Leeuw (président de la FGTB) a mis en avant cette campagne n’est pas un pas en avant dans la lutte pour défendre la sécurité sociale.

    Par Bart Vandersteene

    De Leeuw a appelé à la formation d’un front progressiste du PS, du SP.a et des verts pour contrer la N-VA. Le SP.a et Groen se sont empressés de rejeter cette proposition. Ils veulent rejoindre un gouvernement dirigé par la N-VA et ont trouvé que la note de De Wever était une bonne base pour poursuivre les négociations.

    Le PSL n’est pas non plus pour le projet de la FGTB, mais pour des raisons nettement différentes. Pour nous, il s’agit d’une nouvelle tentative de consolider le statu quo politique limitant le choix et la discussion politique aux partis traditionnels existants.

    On a pu lire dans l’éditorial du magazine flamand Knack du 27 octobre quelques raisons de se méfier de ce soi-disant front progressiste. ‘‘Au congrès du syndicat chrétien, le président Cortebeeck se demandait : ‘Estce qu’on doit accepter que la Flandre devienne un paradis patronal sur base d’un cimetière social ?’ Cortebeeck et De Leeuw n’étaient probablement pas au pays pendant une longue période… Ils auraient sinon constaté ce que le président de la FEB Leysen a écrit dans une brochure de la Chambre du Commerce belgo-Japonaise. Leysen y décrit la Belgique comme le pays où le taux de taxation réel des entreprises est le plus bas au monde – grâce à la déduction des intérêts notionnels -, et comme un pays très favorable pour les entrepreneurs en termes d’embauches et de licenciements. En bref, le paradis des employeurs existe déjà et s’appelle Belgique.’’

    Et d’après la direction de la FGTB, nous devons compter sur ceux-là même qui ont créé ce paradis des employeurs pour stopper la création d’un paradis encore plus intéressant pour les employeurs en Flandre ? Le PS et le SP.a sont les seuls partis qui ont participé à presque chaque gouvernement sur le plan national et régional depuis plus de 20 ans et sont responsables de la politique menée.

    Certains pensent qu’une défaite électorale de la social-démocratie peut les conduire à un virage à gauche. Ils ont tort. Le SP.a a déjà connu plusieurs défaites mais, même avec la crise économique, il n’est pas question de virage à gauche. A la question : ‘‘Votre parti se tourne résolument vers les électeurs du centre. Mais est-ce qu’un parti socialiste ne doit pas se concentrer sur les couches les plus défavorisées de la société ?’’, Caroline Gennez, la présidente du parti, a répondu : ‘‘Nous ne devons pas aller encore plus à gauche, ces dernières années nous avons déjà tourné à gauche.’’ Que celui qui l’a remarqué se fasse connaître…

    Dans le quotidien De Morgen, le journaliste Walter Pauli se demandait: ‘‘Supposons qu’il y ait un compromis et que le SP.a et Groen se mettent d’accord sur la régionalisation partielle de l’impôt sur le revenu. Qu’est ce que Rudy De Leeuw dira alors aux travailleurs ? Que le SP.a et Groen ont montré leur faillite ?’’ Il a raison. En tant que président de la FGTB, Rudy De Leeuw devrait dénoncer que la social- démocratie et les verts n’offrent aucune alternative. En termes de dénonciation de la N-VA, De Leeuw est d’ailleurs mal placé… En tant président du SP.a à Denderleeuw, il fait partie d’une coalition locale avec le CD&V et… la N-VA !

    Les syndicats jouent un rôle important au niveau politique, mais tant que leurs directions continuent de soutenir les ‘‘amis’’ des partis traditionnels, les élections sont limitées au choix entre la peste et le choléra. Contre la politique néolibérale agressive du patronat et de la N-VA, il faut clairement dire que nous n’accepterons pas que les travailleurs et leurs familles payent la crise capitaliste. Seule une gauche combative peut défendre ce message de façon crédible.

  • 10e Congrès Mondial du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Relations mondiales : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’

    Rapport de la discussion sur les relations mondiales au 10ème Congrès mondal du CIO

    Le 10e Congrès Mondial du Comité pour une International Ouvrière (CIO) a commencé la semaine dernière en Belgique. Ont participé à cet événement entre autres des délégués et des visiteurs en provenance d’Afrique du Sud, d’Allemagne, d’Angleterre et du pays de Galles, d’Argentine, d’Australie, d’Autriche, de Belgique, du Chili, de Chypre, d’Écosse, d’Espagne, des États-Unis, de France, de Grèce, de Hong Kong, d’Inde, d’Irlande, d’Israël, d’Italie, du Kazakhstan, de Malaisie, des Pays-Bas, du Nigéria, de Pologne, du Portugal, du Québec, de Russie, du Sri Lanka, de Suède, de Taïwan, de Tchéquie, et du Venezuela. Malheureusement, les délégués de Bolivie et du Pakistan n’ont pas pu venir, à cause du refus de leur visa.

    Sarah Sachs-Eldridge, délégation du Socialist Party (CIO – Angleterre et pays de Galles)

    Ce Congrès a duré une semaine et a discuté des principaux enjeux auxquels est confrontée la classe ouvrière internationalement dans cette période d’attaques d’austérité sauvages ainsi que des tâches du CIO.

    Les principales discussions lors du Congrès ont porté sur les relations mondiales, sur l’économie mondiale, sur l’Europe, l’Asie, l’Amérique latine, l’Afrique, et sur la construction du CIO.

    Le CIO est une organisation internationale socialiste et démocratique. Au cours du Congrès, les documents et les résolutions ont été discutés, amendés, puis soumis au vote. Un nouveau Comité Exécutif International a également été élu.

    Nous publierons les versions finales des principaux textes du Congrès. Notre site international (www.socialistworld.net) a déjà publié le projet initial de document de Congrès concernant les relations mondiales. Une version mise à jour de ce document sera publiée par la suite, avec les documents concernant l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie, la Russie et l’Europe de l’Est, de même qu’un document sur la situation en Afrique.

    Ci-dessous, nous publions un rapport de la première discussion du Congrès, celle sur les relations mondiales, rédigé par Sarah Sachs-Eldridge, de la délégation d’Angleterre et Pays de Galles (Socialist Party). D’autres rapports des principales discussions qui ont eu lieu tout au long du 10e Congrès suivront au cours des prochains jours.


    Des millions de personnes ont participé aux manifestations et aux grèves en France. Il y a eu des grèves générales en Grèce, au Portugal – la plus grande depuis la révolution de 1974 -, en Espagne et en Inde où une grève générale a impliqué 100 millions de travailleurs. Un immense mouvement partiellement victorieux s’est développé en Afrique du Sud et de nombreuses autres expressions de colère ont éclaté face à la crise la plus dévastatrice depuis les années ’30.

    Dans son introduction à la discussion, Peter Taaffe du Secrétariat international (SI) du CIO a cité William Butler Yeats, un célèbre poète nationaliste irlandais, qui avait dit : ‘‘Tout est changé, complètement changé’’ à propos des évènements d’Irlande. Pour décrire les événements de ces derniers mois, cette phrase reste d’actualité. Les contributions au débat portant sur les pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine, d’Amérique du Nord, du Moyen-Orient, d’Europe et d’Europe de l’Est ont bien démontré que pas un pays au monde n’a été épargné par la crise économique mondiale.

    Une crise prolongée

    Les gouvernements de plusieurs pays et régions peuvent bien clamer haut et fort que leurs économies sont à l’abri de tout danger et sur la voie de la reprise, il existe un potentiel pour une nouvelle chute de l’économie mondiale, ou en tous cas pour une stagnation prolongée avec une croissance faible. En fait, il n’y a aucun “remède” clair à appliquer pour la bourgeoisie, et des divisions existent entre et à l’intérieur des différentes classes dirigeantes quant à savoir quelles mesures devraient être prises.

    En cette époque de changements rapides, les gouvernements peuvent être enclins à des revirements soudains. La situation est lourde de troubles sociaux et politiques d’une ampleur tragique.

    Les relations mondiales sont dans un état d’instabilité croissante. Nous ne vivons plus dans un monde “unipolaire” où le pouvoir ultime des États-Unis, en tant que plus grande économie au monde, est accepté. Ceci peut mener à une hausse des frictions et des conflits.

    L’impression prédominante est que nous sommes dans une période de flux. Des luttes de la classe ouvrière ont lieu ou sont à l’ordre du jour dans chaque région du monde. Les socialistes doivent être prêts à ajuster leur tactique et leurs méthodes organisationnelles au fur et à mesure que la lutte de classe se développe et que les conditions objectives changent. De nouveaux mots d’ordre et revendications seront lancés lorsque cela sera requis.

    Des changements soudains

    Dans son introduction, Peter Taaffe a décrit comment, au cours d’un intervalle relativement court, l’économie irlandaise a été noyée, passant d’une des économies les plus prospères au monde à, non pas la récession, mais la dépression. Dans un sondage effectué il y a six ans auprès de 100 pays, on avait révélé que le peuple irlandais était le plus heureux au monde, sur base de la hausse des salaires et d’une phase de croissance apparemment sans fin. Mais ce 27 novembre, 100.000 manifestants sont descendus à Dublin malgré le froid polaire pour y exprimer leur rage, leur dégout et leur amertume face à la situation complètement différente, dans laquelle la majorité de la population est maintenant confrontée à des coupes sévères dans leur niveau de vie.

    La classe ouvrière irlandaise a montré qu’elle était capable de trouver par elle-même le chemin de la lutte, même lorsque les dirigeants syndicaux ont abandonné de la manière la plus poltronne qu’il soit leur responsabilité qui était de mener celle-ci. La survie du gouvernement, élu il y a moins de deux ans, ne tient plus qu’à un fil.

    La présence en Irlande du CIO et de Joe Higgins, l’eurodéputé socialiste de Dublin, signifie qu’il existe une voix qui est présente afin d’articuler l’opposition à la politique pro-marché, et qu’il existe le potentiel pour défier cette politique lors des élections générales de 2011, autour de l’Alliance de la Gauche Unie (United Left Alliance) récemment établie.

    L’ampleur de la crise économique mondiale, qui a commencé avec la crise des subprimes aux États-Unis en 2007, s’est largement fait ressentie lors de la crise bancaire de 2008. Le CIO a averti du fait que les patrons, dont la rapacité et le système du “tout pour le profit” sont responsables de la crise, ne seraient pas capables de trouver une issue facile pour sortir de cette crise, et qu’ils chercheraient à en faire payer le cout par les travailleurs.

    Cette crise a été si grave que, au départ, il n’était pas évident de voir comment une dépression de l’ampleur de celle des années ′30 pouvait être évitée. Toutefois, de nombreux gouvernements, après avoir jeté un œil par-dessus le gouffre et ayant aperçu le danger de la répétition d’une dépression qui durerait une décennie entière, ont pris peur et ont mis en place de grands plans d’urgence de relance de l’économie afin d’amortir les pires effets de la crise.

    Les travailleurs payent la facture

    De nombreuses contributions ont illustré à quel point les dirigeants ne sont pas parvenus à protéger les travailleurs et les pauvres. Par exemple, depuis le début de la crise, les plans de relance aux États-Unis ont empêché un million de pertes d’emplois, mais huit millions d’autres emplois ont été perdus depuis 2007. Dans les pays de l’OCDE, c’est 17 millions de travailleurs qui ont été virés des usines. On ne tient pas compte ici des travailleurs qui subissent le travail temporaire et/ou précaire, ce qu’on a commencé à appeler aux États-Unis des “jobs de survie”.

    À la grand’ messe du G20 à Toronto, il y a eu un accord général pour cesser l’intervention politique et financière et les plans de relance, et pour passer à des plans d’austérité, destinés à satisfaire les marchés. Il n’y a pas une confiance totale dans cette politique, qui a eu pour conséquence des coupes énormes dans de nombreux pays, suscitant déjà la colère et l’action de la classe ouvrière.

    Mais la colère, la frustration et l’opposition n’ont pas encore trouvé une expression dans la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière. Ce facteur représente un grand obstacle dans la lutte. Comme le document sur les relations mondiales l’a fait remarquer : ‘‘S’il existait des partis de masse de la classe ouvrière – même à l’image des partis ouvrier-bourgeois du passé – alors, en toute probabilité, les idées réformistes de gauche, centristes et révolutionnaires seraient en ce moment en train d’être largement discutées dans la société, et en particulier dans les rangs du mouvement ouvrier organisé.’’

    La Chine

    Un aspect important de la discussion a été le rôle de l’énorme plan de relance en Chine. Celui-ci a été combiné à une expansion massive du crédit, principalement de la part des banques d’État. L’investissement dans la construction de routes, de bâtiments et d’autres projets d’infrastructure a été une tentative de focaliser les mesures d’incitation sur la hausse de la demande intérieure.

    Un impact très important de ce plan a été de donner aux travailleurs la confiance de lutter. L’année 2010 a vu une nouvelle vague de grèves balayer la Chine, d’une nature en grande partie offensive, dans le but d’obtenir de meilleurs salaires. Les travailleurs ont vu l’économie s’accroitre, et en ont réclamé leur part. La croissance de ce mouvement et son développement va être crucial dans le développement de la lutte des travailleurs partout dans le monde.

    Dans sa réponse lors de la discussion, Robert, du Secrétariat International du CIO, a souligné les questions importantes qui sont posées : quel est l’attitude de ces travailleurs par rapport à la lutte pour les droits démocratiques, et syndicaux, par rapport aux syndicats officiels, à l’État et au gouvernement ?

    Toutefois, la discussion a bien clarifié le fait que les conséquences du plan de relance en Chine se sont fait ressentir dans de nombreux domaines. La croissance économique dans toute une série de pays, tel qu’en Allemagne, est liée au plan de relance chinois.

    Anthony, d’Australie, a expliqué le fait qu’une des raisons pour lesquelles l’économie australienne est jusqu’à présent parvenue à éviter les pires effets de la crise qui a touché les autres pays est la force du secteur minier et l’exportation massive de matières premières vers la Chine. Tout ralentissement de la croissance de l’économie chinoise aurait des répercussions désastreuses.

    Après être sortis de 30 ans de guerre civile, la classe ouvrière et les pauvres du Sri Lanka sont confrontés aux conditions les plus difficiles. Siritunga, du Sri Lanka, qui a passé la moitié de sa vie dans cette guerre, a décrit comment les “retombées de la paix” tant promises ne se sont absolument pas concrétisées. Au lieu de cela, le budget de 2010 a vu une hausse des dépenses militaires, qui constituent maintenant près du quart des dépenses de l’État, ce qui illustre la montée de la répression employée par le régime Rajapakse.

    Les puissances régionales, telles que l’Inde et la Chine qui ont soutenu l’effort de guerre, continuent à intervenir au Sri Lanka dans leur propres intérêts économiques et stratégiques, sans que cela ne profite le moins du monde aux populations laborieuses de la région.

    Toute une série de personnes ont pris la parole au sujet de la lutte d’influence entre les États-Unis et la Chine, en particulier dans certaines régions comme l’Asie-Pacifique.

    Derrière les statistiques qui montrent une croissance économique, la Chine est en train d’exporter son modèle de production basé sur la surexploitation de la main d’œuvre, avec des bas salaires et sans aucun droit syndical ou autre pour le personnel.

    André du Brésil et Patricio du Chili ont tous les deux expliqué comment l’exportation de matières premières vers la Chine a eu un effet d’amortir la crise économique mondiale dans toute une série de pays d’Amérique latine. Au Brésil, un processus de “reprimairisation” de l’économie est en cours (un développement du rôle de la place de l’extraction de matières premières), avec une désindustrialisation de plus en plus grande. Si cette tendance venait à se confirmer, elle sera accompagnée d’attaques sur les droits des travailleurs, d’une dégradation de l’environnement, et de traitements horribles pour les peuples indigènes.

    Des mouvements de masse

    Lors des précédents Congrès du CIO, au début des années ′2000, c’était le processus révolutionnaire en cours en Amérique latine qui se trouvait à l’avant-plan de la lutte. Tandis que ce processus s’est pour le moment temporairement ralenti, c’est la classe ouvrière européenne qui est aujourd’hui entrée en action.

    Là, même en l’absence de leurs propres partis de masse ou même semi-de masse, les travailleurs ont entrepris une action extrêmement audacieuse, et développent d’instinct leurs propres revendications. Andros de Grèce a expliqué comment l’expérience du mouvement de masse en Grèce a mené à ce qu’aujourd’hui, un Grec sur deux est en faveur de la nationalisation des banques, et un sur trois est pour le non-payement de la dette de l’État, pour laquelle on demande à la classe ouvrière de payer la facture. De telles idées ont été capables de se développer même sans que la plupart des partis d’une certaine taille ne les aient mises en avant, à l’exception de la section grecque du CIO, Xekinima.

    Rob de Russie a décrit le massacre affligeant des services publics, des salaires et des pensions qui s’est produit à travers toute l’Europe de l’Est. Dans toute une série de pays, les mouvements de protestation ont été énormes, avec par exemple le mouvement de masse dans les rues de la Lettonie qui a fait tomber le gouvernement. Mais en l’absence de tout parti ouvrier capable de prendre le pouvoir, c’est tout simplement une autre version de l’ancien gouvernement qui a été mise en place.

    La présence du CIO au Kazakhstan signifie qu’il existe le potentiel pour construire un nouveau parti des travailleurs de masse. La campagne ‘Kazakhstan 2012’, dans laquelle sont actifs les membres du CIO, a lancé plusieurs campagnes visant à défendre la population contre les expulsions de domicile, et à construire des syndicats indépendants. Elle se déclare en faveur de la ‘‘renationalisation de tout ce qui a été privatisé, sous le contrôle des travailleurs.’’ 2012 sera la date des prochaines élections présidentielles, où l’on espère que le régime répressif au pouvoir en ce moment sera remplacé. Un nouveau centre syndical y a aussi été récemment fondé.

    Le Moyen-Orient

    Les dernières fuites organisées par Wikileaks ont brutalement mis au grand jour les frictions qui existent entre les différents régimes du Moyen-Orient, comme le CIO l’avait fait remarquer auparavant.

    Yasha d’Israël a expliqué que les derniers documents suggèrent le fait que le régime israélien est sérieusement en train de se préparer à une attaque contre l’Iran, même si ce scénario est improbable. Robert a décrit comment l’intervention américaine en Irak a mené au renforcement du rôle régional de l’Iran. Mais le régime iranien n’est pas stable, comme l’a bien montré le mouvement de 2009.

    La classe ouvrière égyptienne a trouvé sa force dans le nombre de luttes qui se sont déroulées au cours des dernières années. Le taux de participation de 15% à peine lors des dernières élections montre à quel point aucun des partis politiques ne parvient à susciter le moindre enthousiasme parmi les travailleurs et les jeunes. Mais comme l’a fait remarquer Igor de Russie, une fois qu’un mouvement va commencer à se développer contre le régime détesté de Moubarak, la classe ouvrière pourrait jouer un rôle très important.

    Avec la “contagion” de la crise économique qui s’étend à partir de la Grèce jusqu’en Irlande, et maintenant potentiellement à l’Espagne, au Portugal, à la Belgique et au Royaume-Uni, c’est la question de la survie même de l’euro qui est posée.

    Illustrant les tours de passe-passe financiers qui ont conduit à la crise économique, Robin d’Angleterre a décrit comment la valeur notionnelle de tous les “dérivatifs” est équivalente à onze fois la valeur de production annuelle mondiale ! Il a expliqué que la crise économique mondiale en cours en ce moment n’est pas juste une crise cyclique faisant partie du cycle normal de croissance et décroissance du système capitaliste, mais que c’est une crise basée sur l’absence de demande. Les plans d’austérité massifs ont réduit le pouvoir d’achat des travailleurs.

    Aron d’Allemagne a fait une contribution au sujet de la tendance vers des mesures protectionnistes, dans la lutte pour une plus grande part du marché mondial. C’est là la trame de fond derrière la “guerre des devises” qui se déroule en ce moment. Les États-Unis ont lancé un autre tour massif de “facilitation quantitative” (c’est à dire, la création d’argent à partir de rien) et tentent d’inonder le monde de dollars afin d’améliorer leurs opportunités d’exportation. Paraphrasant un politicien américain, Aron a résumé ainsi l’attitude de l’administration américaine : ‘‘C’est notre monnaie, mais c’est votre problème’’.

    Cependant, les États-Unis ne peuvent pas simplement claquer des doigts et s’attendre à ce que le reste du monde accoure se mettre en rang. Peter a expliqué que l’État chinois est loin de se porter volontaire pour prendre les coups, et a exprimé la menace comme quoi si la Chine devait réévaluer sa monnaie, le monde assisterait à la fermeture de 40 millions d’usines chinoises, ce qui pourrait entrainer un mouvement de masse de la classe ouvrière chinoise, une perspective qui suscite des sueurs froides chez les gouvernements de tous les pays.

    Les conflits

    Mais la guerre des monnaies n’est pas le seul conflit qui menace le monde. La friction entre les Corées du Nord et du Sud pourrait se développer. L’Irak est une plaie béante et Judy d’Angleterre a montré que la guerre d’Afghanistan, qui est maintenant perçu comme la guerre d’Obama, est impossible à remporter pour l’impérialisme.

    Ceci sape le soutien en faveur d’Obama mais, comme Philip des États-Unis l’a dit, ce n’est pas le seul facteur de mécontentement : il y a aussi la colère croissante de la classe ouvrière et de la classe moyenne face au chômage, aux expulsions de domicile, et à d’autres effets de la crise sur leur vie de tous les jours.

    Sur base de cette expérience, c’est un sentiment anti-establishment qui a dominé les élections de novembre aux États-Unis. Le Tea Party, qui cherche à se faire passer comme l’alternative au statut quo tout en étant en réalité lié à des personnes telles que les dirigeants de la chaine Fox News, chaine droitière et pro-capitaliste, pourrait bien tirer profit de ce sentiment et de l’absence d’une alternative ouvrière de gauche. Toutefois, un sondage a révélé la nécessité urgente et le potentiel pour un tel parti, puisque plus de la moitié des personnes qui y ont répondu déclaraient avoir une mauvaise image du Parti démocrate tout comme du Parti républicain. En fait, le Tea Party a lui-même provoqué deux contre-manifestations à Washington.

    La riposte de la jeunesse

    Ty, des États-Unis, a décrit les batailles héroïques qui se sont déroulées dans le secteur de l’éducation. Des étudiants, des enseignants et des parents se sont organisés contre les coupes budgétaires et contre les attaques brutales contenues dans le programme scolaire Charter.

    Même alors qu’ils sont en train de mettre en place des plans de relance pour les grandes boites, les gouvernements vont tenter de forcer leur agenda néolibéral qui consiste à reprendre l’ensemble des précédents acquis de la classe ouvrière, tels que l’éducation, la santé et les pensions.

    Mais l’action estudiantine aux États-Unis n’est qu’un exemple parmi une nouvelle vague de mouvements de la jeunesse qui est en train de se développer. Vincent de Hong Kong a raconté comment 2.000 étudiants chinois ont démoli la cafétéria privatisée de leur campus lors d’une bataille autour de l’augmentation du prix des bouteilles d’eau. Au Royaume-Uni, les étudiants et les lycéens sont en marche en ce moment-même. En Grèce, en Malaisie, en Italie et en Irlande, les étudiants se battent pour leur avenir.

    Au Nigéria, où l’âge moyen est de 19 ans, la lutte pour l’avenir fait partie de la vie de tous les jours. Segun du Nigéria a dépeint l’horreur de la vie des travailleurs sous le capitalisme dans le monde néocolonial. Toutes les promesses rompues en terme de route, d’écoles, etc. a mené certains vieux travailleurs à commencer à penser que la vie était peut-être meilleure du temps de la colonie. Il a décrit à quel point la privatisation et la soif de profit peuvent devenir extrêmes, avec l’exemple d’une route privatisée de 6 km mais qui compte trois péages !

    Cependant, la classe ouvrière a montré sa force potentielle dans les huit fantastiques grèves générales de la dernière décennie. Le défi est maintenant de mobiliser ce potentiel dans une lutte pour changer la société.

    La crise environnementale

    La crise du changement climatique et la destruction de l’environnement ne sont qu’une des nombreuses preuves qui toutes démontrent à quel point l’idée du capitalisme en tant que système progressiste a été discréditée. Bart de Belgique a proposé des mots d’ordre qui puissent trancher à travers le scepticisme qui peut se développer face à des mesures soi-disant “vertes” telles que les taxes environnementales. Les socialistes doivent lier ce problème à celui de la crise générale, en remettant en question le droit à la propriété privée de la recherche scientifique, et avec des revendications telles que des emplois écologiques et la reconversion des usines.

    La discussion a bien confirmé que le sentiment et la compréhension de la classe ouvrière, de la jeunesse et de certaines couches de la classe moyenne est en train de changer et d’évoluer à travers l’expérience de la crise économique, politique et sociale, et surtout l’expérience des luttes émergentes.

    Le sentiment parmi les travailleurs et la jeunesse

    Les sentiments anti-banquiers, anti-establishment et anti-politiciens sont très vivaces. Sascha d’Allemagne a expliqué qu’il y a un potentiel pour un développement très rapide de ce sentiment, et que parmi certaines couches, il a acquis un caractère anticapitaliste plus prononcé. Au fur et à mesure que s’accentue l’expérience de la pire crise depuis les années ′30 et que pleuvent les coupes budgétaires qui s’abattent sur la classe ouvrière, il va y avoir une mise en question de plus en plus grande de la manière dont ces coupes peuvent être combattues et de quelle est l’alternative.

    Mais cela ne veut pas dire que les attaques violentes sur le niveau de vie vont automatiquement conduire à une plus grande volonté de se battre et une plus grande ouverture aux idées socialistes. Il peut y avoir un effet d’hébétement sous le choc de la crise, comme on l’a vu en Grèce au début de la crise. La question de la direction de la classe ouvrière va également jouer un rôle dans l’évolution d’une conscience combative et socialiste.

    Ce qui est propre à cette situation, c’est le potentiel qu’a la classe ouvrière d’infliger des défaites aux gouvernements, divisés et hésitants. Des revirements soudains de tactique de la part de la bourgeoisie peuvent se produire. Tout en essayant de forcer la mise en œuvre de leur agenda néolibéral, ils peuvent passer en un tour de main de la hache de l’austérité à la planche à billets virtuelle afin de se lancer dans de nouveaux plans de relance. Lynn a souligné le fait que toute une série d’économistes qui naguère prêchaient le monétarisme sont maintenant en train d’appeler à de nouvelles mesures de relance.

    Kevin d’Irlande a décrit la situation du sud de l’Irlande comme étant “en gestation d’une révolte”, et la discussion a amené à la conclusion que, en ce qui concerne l’Irlande comme en ce qui concerne les relations mondiales, nous sommes véritablement entrés dans une période différente.

  • AIP: Aucun accord plutôt qu’un accord vide de contenu !

    A la mi-novembre ont débuté les négociations pour un nouvel Accord Interprofessionnel (AIP) pour 2011- 2012. Ceux qui pensaient que se serait au tour des travailleurs de se faire cajoler après les banques peuvent l’oublier. Les patrons, comme d’habitude, ne voient pas d’espace pour accorder des augmentations salariales et le gouvernement n’a, dit on, pas de sous pour financer un accord. Pendant ce temps se multiplient les provocations patronales dans des entreprises qui se moquent de la législation sociale. Dans ces conditions, accepter un accord sans contenu peut dépasser les bornes, même pour nos dirigeants syndicaux modérés.

    Par Eric Byl

    Les patrons n’ont toutefois pas de raison de se plaindre. L’année passée, les salaires (hors bonus) des tops managers en Belgique ont augmenté de 1,9% alors que ceux de leurs collègues chez nos trois partenaires commerciaux privilégiés (Allemagne, France, Pays-Bas) étaient gelés. Si nous tenons également compte de leurs bonus, leur augmentation a même grimpé à 6%, bien plus que chez nos voisins. Les managers du secteur public ne sont pas en reste. Les trois patrons des chemins de fer se sont accordé une augmentation salariale moyenne de 6,4%. Le patron de La Poste Johnny Thys a même reçu 10% de plus et gagne maintenant plus d’un million d’euros. Un postier auxiliaire à 8,43 euro de l’heure devrait travailler presque 70 années pour atteindre ce salaire annuel. Les tops managers des grandes entreprises cotées dans le Bel 20 ont obtenu l’an dernier une augmentation moyenne de 23,5%, ils gagnent maintenant 2,27 millions d’euros par an. Là aussi, la règle qui prévaut est que les plus riches ont la plus grande avidité. Il ne faut pas chercher la raison bien loin : les entreprises du Bel 20 font à nouveau de bonnes affaires. Pendant la première moitié de 2010, ils ont réalisé un profit global de 10,3 milliards d’euros, le double de la même période en 2009.

    Ce n’est cependant pas ce dont parle le rapport technique du Conseil Central de l’Economie (CCE) ‘‘sur les marges maximales disponibles pour le développement des coûts salariaux’’. Ce rapport s’attarde surtout sur le fait que, au cours de la période précédente de 2009- 2011, le coût salarial a évolué 0,5% plus rapidement que chez nos trois partenaires commerciaux privilégiés. Depuis 2000, la différence serait déjà de 3,9%, le fameux handicap salarial, une anomalie dont les patrons revendiquent l’abolition sans délai. Puisque le coût salarial dans nos pays voisins grimpera de 5% en 2011-2012, cela donnerait donc une marge maximale de 4,5% en Belgique. Après avoir déduit l’indexation attendue, prévue à 3 ,9%, il ne reste que 0,6%, à étaler sur deux ans. En plus, les patrons ont remarqué que le CCE s’était même trompé de 1,1% lors de son rapport précédent. En bref : nous pouvons déjà nous estimer heureux si nous ne devons pas reverser une partie de notre salaire !

    La CSC appelle à la prudence concernant ces données. Puisque les comptes nationaux ‘‘ne tiennent pas compte des 3.788 millions d’euros de subventions des coûts salariaux en 2010 par voie fiscale (2.220 millions), par l’activation des allocations (339 millions) et par les titres services (1.229 million). Si on tient compte de tout cela, le handicap salarial de 3,9% est réduit à 1,0% en 2010.’’ Si nous tenons également compte des diminutions de contributions patronales (4.868 millions d’euros en 2009), le handicap salarial devient rapidement un bonus salarial. Ainsi, le professeur d’économie Paul De Grauwe (de l’université de Louvain) s’énerve à la vue de tant d’avidité patronale. ‘‘Les statistiques européennes montrent que tous les pays de la zone euro ont vu s’affaiblir leur position de concurrence mutuelle depuis 2000.’’ Il déclare encore : ‘‘de l’autre côté de la balance se trouve seulement l’Allemagne, qui mène depuis des années une politique de modération forte. Des onze pays à la base de l’euro, sept font pire que la Belgique.’’

    De Grauwe ne trouve d’ailleurs pas que la Belgique doive suivre l’exemple allemand : ‘‘si tout le monde fait ça, nous finirons tous avec des salaires plus bas et avec moins de consommation.’’ Au contraire, ‘‘ finalement il va y avoir, en Allemagne aussi, un contrecoup.’’ Les patrons savent bien que leurs revendications sont inacceptables. C’est pour ça qu’ils remettent à chaque fois en question l’adaptation au bien-être des allocations, un ‘‘acquis’’ du sommet ministériel d’Ostende, il y a quelques années, tout comme l’allongement des prépensions. Ainsi, ils espèrent forcer les syndicats à accepter un accord, même s’il n’y a rien dedans. Mais il n’est pas certain qu’ils réussissent cette fois-ci. La FGTB a finalement remis en avant l’augmentation des salaires minimums bruts et les deux syndicats revendiquent des négociations libres sur l’augmentation des salaires bruts. Il est peu probable que le patronat accepte.

    L’agression patronale est d’ailleurs vue par quelques patrons comme un sauf-conduit pour remettre en question n’importe quoi. L’attaque brutale de Brink’s sur le statut employé de leur personnel et sa condamnation devant la justice illustre une fois encore que l’approche des organisations patronales créé l’espace pour un retour aux méthodes du 19e siècle, ce qu’ils n’approuvent évidemment pas officiellement. Voilà qui promet pour la discussion concernant le statut unique ouvrier-employé.

    A la base, on n’attend pas un accord sans contenu où les concessions faites aux travailleurs sont remises en cause à tout bout-de-champ. Les prépensions peuvent aussi être réglées par un soi-disant mini-accord et la liaison au bienêtre des allocations est une enveloppe spécifique que les patrons ne doivent pas toucher. S’il n’y a pas d’accord sur la norme salariale pour le 15 décembre, le gouvernement pourra en imposer un. On fait le pari qu’ils seront moins généreux avec les travailleurs qu’avec les banques il y a un an ?

  • La Belgique, paradis fiscal pour les grandes entreprises

    Ces dernières années, l’impôt sur les sociétés a fortement diminué en Belgique, c’est le moins que l’on puisse dire. Le taux officiel de 33,99% n’est plus encore payé que par des PME naïves. Certaines entreprises ont à peine été imposées, voire même pas du tout. Cette tendance n’a été que renforcée par la Déduction des Intérêts Notionnels. Les données des 500 plus grandes entreprises ont été examinées, et le PTB (Parti du Travail de Belgique) en a publié un aperçu.

    Beaucoup de grandes entreprises n’ont tout simplement pas payé d’impôt en 2009: AB Inbev, Groupe Bruxelles Lambert, Arcelor Finance, Solvay, Dexia Investment Company, Umicore, KBC, Pfizer,… tandis que d’autres en ont à peine payé. Les 50 sociétés qui ont payé le moins d’impôt (sur une liste de 500) ont en moyenne été imposées à hauteur de… 0,57% ! C’est bien loin du taux officiel, et même plus bas que le taux appliqué en Irlande. Là-bas, le taux d’imposition pour les sociétés est de 12%, ce qui a été introduit avec l’argument qu’une telle mesure ne pourrait qu’attirer des entreprises à venir s’installer dans le pays. Au niveau fiscal, nous assistons depuis quelques années déjà à une course vers le bas entre les divers pays, c’est à celui qui imposera le moins les grandes entreprises. A ce titre, notre pays fait figure d’exemple.

    Ici et là, on fait des remarques sur ces chiffres, généralement sans aller plus loin qu’en faisant remarquer que les structures internes des grandes compagnies sont compliquées, ce qui fait qu’une de ses branches peut ne pas payer d’impôt tandis qu’une autre bien. Dans le cas d’Anheuser-Busch Inbev, concrètement, cela veut dire qu’aucun impôt n’est perçu sur un montant de 6,378 milliards d’euros de bénéfice, et que d’autres branches d’AB Inbev payent un impôt, mais sur des sommes bien plus petites.

    Pour les grandes entreprises, Saint Nicolas a été très généreux ces dernières années, les cadeaux-fiscaux n’ont pas manqué! Quant à la Déduction des Intérêts Notionnels, c’était la cerise sur le gâteau, un élément saisi par les patrons pour vendre notre pays à l’étranger et dire à quel point il était intéressant. Mais les mêmes, dans notre pays, n’ont de cesse de parler de la trop haute pression fiscale de Belgique. Cette rhétorique ne tient pas la route. Dans la pétrochimie par exemple, les grandes entreprises ne payent quasiment pas d’impôt: ExxonMobil paye 1.019 euros d’impôt sur un profit de 5 milliards d’euros, BASF 126.000 euros sur un profit de 579 millions d’euros (0,02%), Bayer 5,7 millions d’euros sur un profit de 192 millions d’euros (2,99%). Ce genre de pourcentage est devenu la norme dans le monde des grandes entreprises.

    Toutes ensemble, les 50 entreprises qui ont payé le moins d’impôt auraient dû payer 14,3 milliards d’euros en plus si le taux de 33,99% avait été respecté. Mais, sur un total de 42,7 milliards d’euros de profit, seul un montant de 243 millions d’euros a été perçu.

    Ces chiffres ont évidement une incidence sur nombres de discussions qui ont actuellement lieu. Premièrement, tout comme nous l’avons dit ci-dessus, il est clair que la rhétorique selon laquelle le patronat paierait de trop hautes taxes est fausses. Notre pays est un paradis fiscal pour les grandes entreprises. Deuxièmement, alors qu’on nous demande de payer pour la crise, il apparait que lors d’une année de crise, 50 grandes entreprises ont réalisé au moins 42,7 milliards d’euros de profit. Enfin, il est étrange de constater que les syndicats n’nt pas utilisé ces chiffres dans le cadre des négociations pour l’Accord Interprofessionnel alors qu’ils avaient eux aussi accès à ces chiffres (déposés à la Banque Nationale). Cet été encore, la CSC avait utilisé différentes données de 2008. A ce moment, la CSC dénonçait que 7 grandes entreprises n’avaient pas payé d’impôt, notamment avec la Déduction des Intérêts Notionnels. Il était question de 5,8 milliards d’euros de déduction fiscale pour 35 grandes entreprises.

    La CSC avait déclaré: ‘‘ Sept entreprises ont déduit plus d’intérêts que ce qu’elles ont enregistré comme bénéfice comptable, ce qui leur a permis de ne pas payer d’impôts. L’une d’entre elles a même déduit des intérêts notionnels d’un montant cinq fois supérieur à son bénéfice comptable. Qu’une société déduise trop ne pose du reste pas de problème: elle pourra continuer à déduire les années suivantes. Conséquence: pas d’impôts pendant des années.’’ Et encore: ‘‘Si parmi les 35 grandes entreprises qui ont eu recours à la déduction des intérêts notionnels durant l’exercice 2008, nous ne retenons que celles qui ont enregistré un bénéfice, nous constatons que ces dernières n’ont payé en moyenne que 8,5% d’impôt des sociétés.’’ Les nouvelles données démontrent que ce pourcentage a encore baissé. Selon le PTB, ces 500 grandes entreprises ont eu un taux d’imposition de 3,76% contre 24,2% en 2001.

    Les syndicats vont-ils utiliser ces chiffres pour mener campagne en faveur de la suppression de la Déduction des Intérêts Notionnels et des autres cadeaux fiscaux ? Ou pour réfuter les arguments patronaux voulant nous imposer une modération salariale afin de préserver notre “position concurrentielle” ? Qu’attendre de plus pour partir à l’offensive avec les revendications des travailleurs?

  • Meetings et présentation du livre: “La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61”

    Avec Gustave Dache, auteur et militant de l’époque: Un témoignage ouvrier sur la grève du siècle

    Ces dernières années ont véritablement été explosives pour le capitalisme mondial. On aurait bien peine maintenant à trouver un pays ou une région que l’on pourrait considérer comme stable, sous l’onde de choc de la crise et de ses répercussions : licenciements, développement d’un chômage de masse, coupes budgétaires,… mais aussi riposte des travailleurs. Et dans ce contexte réapparait aujourd’hui une des plus formidables armes de la classe des travailleurs : la grève générale.

    Tract du PSL et d’EGA

    En 2009, la grève générale a touché les Antilles françaises, à partir de la Guadeloupe. En Grèce, au cours de la première partie de cette année uniquement, 6 grèves générales se sont déroulées. Le 29 septembre dernier, la grève générale espagnole a touché 10 millions de travailleurs. Dans les pays où il n’est pas encore question d’en organiser une dans l’immédiat, les discussions se développent à ce sujet.

    Dans ce cadre, revenir sur les leçons de la grève générale de cinq semaines de l’hiver 1960-61 en Belgique est très important, même s’il est peu probable de voir se reproduire un évènement de cette ampleur dans l’immédiat. A la base de ce conflit qui a ébranlé les fondations mêmes du système capitaliste se trouvait un plan d’austérité brutal, la Loi Unique, similaire aux plans d’austérité qui frappent aujourd’hui de nombreux pays. Hélas, cette grève insurrectionnelle et révolutionnaire n’a pas abouti à sa conclusion logique: le renversement du capitalisme et l’instauration d’une société orientée vers les besoins de tous.

    Pour commémorer le cinquantième anniversaire de la «grève du siècle», le PSL a édité le livre ‘‘La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60/61’’ écrit par Gustave Dache, un ancien ouvrier qui a participé à ces évènements en toute première ligne. Ce livre n’est pas seulement un témoignage historique de grande valeur, c’est aussi et surtout une aide précieuse afin de tirer les leçons correctes de cette grève et des faiblesses de sa direction pour préparer les luttes à venir.

    Venez discuter avec nous de l’actualité des leçons de cette lutte !

    Premières dates:

    • Mardi 14 décembre à 19h15: Wavre, au café "Scoubidou", rue haute N°31
    • Vendredi 17 décembre à 19h30: Gand, au Vredeshuis
    • Samedi 18 décembre à 16h: Louvain, au café "De Blauwput"
    • Lundi 20 décembre à 19h30: Bruxelles, au “Randstaat”, 45-47 rue du jardinier à Molenbeek (Métro Comte de Flandre)
    • Mercredi 22 décembre à 19h: Liège, à "L’île aux trésors", 28 place du XX août (en face de l’université)
    • Samedi 8 janvier à 20h: Namur, au café / taverne "Les baladins du Sud", 31 rue Général Michel
    • Mercredi 9 février à 19h:Anvers, au Multatuli

    Plus d’infos:

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