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  • Dans le collimateur des “marchés”

    Ces dernières semaines la Belgique s’est retrouvée le couteau sous la gorge du fait des marchés. En conséquence, les autorités devront payer plus d’intérêts à long terme qu’en Allemagne pour la dette publique, à un certain moment jusqu’à 1,4% en plus. Pour le quotidien flamand De Tijd, cela coûterait annuellement 230 millions d’euros en plus, soit 21 euros par Belge. Le coût des crédits d’investissement ou des crédits au logement montent aussi en flèche. De plus, le doute s’installe concernant la solvabilité du secteur financier belge. Si les autorités doivent à nouveau venir en aide aux banques, cela risque de totalement miner les finances publiques. La Belgique devient-elle la ‘‘Grèce de la mer du Nord’’ ?

    Par Eric Byl

    Selon tous les économistes, l’économie belge ne peut être comparée à celles des ‘PIGS’ (Portugal, Irlande, Grèce et Espagne). Le déficit budgétaire reste dans la marge du pacte de stabilité européen: 4,6% du PIB, 0,2% de mieux que l’objectif. La dette publique reste encore très considérable mais, à 97,2%, elle n’est pas plus élevée qu’en 2003. A l’époque, la moyenne de la zone euro était à 69%, contre 84% en 2010. La Belgique a donc rattrapé une bonne partie de son retard. Comment l’expliquer?

    Le travailleur belge est toujours parmi les plus productifs au monde. Il ou elle créée plus de valeur par heure de travail et preste chaque année plus d’heures que ses collègues des pays voisins, y compris d’Allemagne. Les travailleurs belges ont aussi arraché un système de sécurité sociale qui a amoindri les pires effets de la crise, notamment grâce au chômage temporaire. L’économie belge, important sous-traitant l’économie allemande, a ainsi pu s’accrocher à la machine d’exportation allemande quand elle s’est mise en branle. C’est ce qui explique aussi que la fortune financière nette ‘des Belges’ est de quelques 750 milliards d’euros (soit 210% du Produit Intérieur Brut, contre 130% au grand maximum dans les pays voisins).

    Pourquoi alors les spéculateurs étrangers, surtout eux, se débarrassent-ils des obligations d’Etat belges ? Pensent-ils vraiment que le pays va éclater et que la dette publique devra être renégociée ? Plus de 6 mois après les élections, des investisseurs aspirent à un gouvernement qui introduise la casse sociale, comme cela se fait déjà depuis quelques temps dans les pays voisins. Tous nos politiciens sont d’accord là-dessus, y compris du côté de la NVA et de son donneur d’ordres, la fédération patronale flamande Voka. Ils tremblent devant l’idée d’être dominés par la bourgeoisie belge principalement francophone, mais ils ne voient aucun inconvénient à nous livrer aux caprices du capital spéculatif international. Au contraire, avec la régionalisation, ils espèrent faire des travailleurs flamands, wallons et bruxellois des proies encore plus attractives pour ‘les marchés’ internationaux.

    L’exemple de l’Irlande a démontré que la production de richesses n’est pas une garantie de stabilité économique. Dans les sondages, les représentants locaux du néolibéralisme commencent à glisser en faveur de la gauche radicale. Déjà 45% de la population se dit en faveur de ne pas amortir les dettes des banques, 25% n’a pas d’opinion à ce sujet. La population irlandaise réalise bien que “les marchés” sont ces mêmes banques qui, à chaque fois que leurs mises tournent mal, font appel à ‘‘l’autorité’’. Dans notre pays non plus, la production de richesses n’est pas une garantie de stabilité. Dès la création de la Belgique, cette richesse a été écrémée par une poigné d’investisseurs, principalement financiers, d’où la prépondérance du secteur financier dans notre économie. Ce secteur financier a investi partout dans le monde dans des produits très rentables, mais aussi très douteux. Les autorités ont déjà dû injecter 20 milliards d’euros pour sauver les banques et, de plus, ils ont dû garantir les dettes du secteur bancaire à hauteur de 80 milliards d’euros.

    A travers ces filiales en Europe de l’Est, en Irlande et en Angleterre, la KBC s’est engagée sur une voie peu sûre tandis que Dexia serait vulnérable à travers ses partenaires en Espagne et en Italie. Ces deux banques seraient fortement exposées à des produits à risque issus des pays ‘PIGS’. Nous savons déjà ce qui s’est passé avec Fortis.

    Tout comme un fruit pourri infecte le reste du panier, le mauvais crédit détruit le crédit plus fiable. Lorsque ces obligations d’Etat perdent en crédibilité, cela mine encore plus la position des banques. Ageas, l’assureur de l’ancienne Fortis notamment, possède pour 10 milliards d’euros de bons d’Etats belges, Dexia 8 milliards et la KBC 22 milliards. S’il faut les passer en pertes, Dexia et la KBC feront probablement à nouveau appel aux autorités, ce qui minerait à son tour la solvabilité de l’Etat Belge.

  • Si nous ne voulons pas payer pour la crise : Il est temps de descendre dans la rue

    Il semble qu’il ne reste que l’option d’élections anticipées qui soit capable d’offrir une issue à l’impasse que les partis politiques ont eux-mêmes créée. Plusieurs mois de négociation n’ont pas semblé avoir d’impact négatif sur le pays. Dans cette période, la croissance économique belge est passée de 0,4% (attendu lors de l’élaboration du budget fin 2009) à 2,1%. Le déficit budgétaire est quant à lui passé de 6% en 2009 à 4,8% en 2010. Il en faudrait moins pour se permettre une nouvelle ronde communautaire. Mais cette situation ‘favorable’ n’était dans la crise qu’une petite pause au cours de laquelle la Belgique a surfé sur la croissance économique de l’Allemagne, plus forte et vers où se dirige une bonne part de l’exportation belge.

    Par Bart Vandersteene, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    ‘Les marchés’ règnent sur le pays

    ‘Les marchés’ ont la Belgique dans le collimateur, cette pression externe a ramené De Wever & Co autour de la table de négociation. “Nous devons rassurer les marchés,” répète-t-on partout. Le Roi a ainsi demandé au premier ministre démissionnaire Yves Leterme d’épargner cette année 4 milliards d’euros sur le budget, plus que prévu, pour prouver ‘aux marchés’ que la Belgique peut commencer à appliquer l’austérité même sans nouveau gouvernement.

    Le chômage et la pauvreté croissante sont bien loin de procurer des nuits blanches ‘aux marchés’ et à nos politiciens, au contraire de leur capacité à continuer à garantir les superprofits pour les riches.

    C’est pourquoi il faut couper dans le budget, pour calmer des ‘marchés’ souvent présentés comme une donnée neutre, anonyme. Mais la réalité les montre simplement tels des charognards capitalistes avides de faibles proies sur le dos desquelles plus de profits peuvent être réalisés. Obéir ‘aux marchés’ signifie accepter leur dictature, et pas un seul parti présent au Parlement ne veut y changer quoi que ce soit. Mais ça ne signifie pas pour autant que c’est impossible.

    ‘‘You can’t buck the market’’ (tu ne peux rien faire contre le marché), proclamait Margaret Thatcher il y a 30 ans. Sous son impulsion en tant que premier ministre de Grande-Bretagne, un changement politique important s’est opéré : tout ce qui était aux mains du gouvernement a été privatisé. Le marché libre était destiné à régner sans restriction, avec en conséquence un gigantesque transfert de richesses des pauvres vers les riches. La destruction de l’Etat-providence s’est accompagnée de bénéfices illimités pour les riches. Cette politique est précisément à la base de la crise économique actuelle, dont on nous dit qu’elle nécessite des années d’austérité sévères pour au final se retrouver abandonner dans une société fondamentalement autre.

    Prendre la rue !

    Les syndicats, les mouvements sociaux, et la gauche conséquente doivent se réunir autour d’une plateforme d’action claire: ne pas payer pour leur crise, retirer le secteur financier des mains des requins capitalistes, défendre la sécurité sociale, instaurer un salaire minimum de 2.000 euros bruts/mois, supprimer la Déduction des Intérêts Notionnels, appliquer un impôt sur les fortunes (pour les fortunes supérieures à un million d’euros),…

    Un tel programme combatif pourrait compter sur un grand enthousiasme parmi la population. Finalement, les discussions communautaires seraient réduites à leur juste proportion et les organisations patronales comme le Voka, l’Unizo, la FEB et leurs amis ‘des marchés’ recevraient une bonne réponse sous forme de riposte sociale.

    Ce n’est que si la rue commence à sérieusement remuer que les travailleurs et leurs familles, l’immense majorité de la population, pourront mettre tout leur poids dans la balance. Les 4 milliards à assainir cette année ne sont qu’un avantgoût de ce qui va nous tomber dessus : nous devons refuser de les laisser aller chercher cet argent dans nos poches. La suppression de cadeaux fiscaux pour les patrons, comme la Déduction des Intérêts Notionnels, rapporterait au-delà de ces 4 milliards. Mais ce n’est pas ce genre de politique que défendent les partis traditionnels.

    Ne nous laissons pas faire ! Résistons et affirmons clairement : nous ne voulons pas payer leur crise!

  • Shame: Manifestation et mécontentement massifs contre la crise politique

    Hier, les rues de Bruxelles ont résonné au rythme d’une manifestation de plusieurs dizaines de milliers personnes (entre 35 et 45.000). L’ensemble des médias n’avaient eu de cesse de parler de cet appel la semaine dernière, la différence est frappante avec la manière dont sont traitées les mobilisations syndicales de cette ampleur, généralement reléguée au rang de vulgaires ‘fait divers’. La participation massive à la manifestation ‘Shame’ est toutefois un reflet de l’énorme mécontentement qui se développe face à la crise politique. La question est cependant de savoir quel gouvernement nous voulons…

    Ce mécontentement, cette colère, les partis traditionnels ne peuvent l’ignorer. Même le président de la N-VA Bart De Wever a été relativement prudent dans sa manière de traiter du sujet, certainement la semaine dernière. Il sait bien entendu pertinemment bien qu’il est actuellement impossible de rassembler un nombre similaire de partisans de la scission de la Belgique dans une manifestation.

    La manifestation elle-même rassemblait des publics très divers et avait un caractère confus quant au contenu. On pouvait retrouver dans le cortège des manifestants de l’extrême-droite à la gauche. A côté d’appels à “dissoudre tous les partis” pour donner le pouvoir au Roi se trouvaient des appels pour plus de solidarité, avec notamment une banderole en néerlandais comportant le slogan: “Geen Vlaanderen van de werkgevers” (‘‘Non à une Flandre des patrons’’). De nombreux symboles nationalistes étaient présents (des drapeaux belges), mais des groupes de manifestants n’étaient clairement pas là pour ça. D’autre part, il ne s’agissait pas d’une manifestation de ‘‘francophones’’, de très nombreux Flamands étaient aussi là, avec pancartes et banderoles en néerlandais.

    Concernant le caractère confus, les organisateurs avaient tout fait pour le préserver en appelant à une manifestation “apolitique”. C’est d’ailleurs très étrange dans le cadre d’une manifestation visant à réclamer la formation d’un gouvernement… Ces mêmes organisateurs ont pourtant déclaré qu’il s’agissait d’un signal clair ‘‘au politique’’.

    Le PSL était présent, mais en aucun cas pour ce ranger derrière le drapeau tricolore ou pour soutenir la formation de n’importe quel gouvernement. Il était important pour nous d’être présents à une manifestation semblable pour répondre au mécontentement et tenter de donner une orientation concernant le contenu.

    Nous sommes donc intervenus derrière le slogan: “Un gouvernement pour s’attaquer aux banques et aux spéculateurs, pas aux travailleurs et à leurs familles / Een regering om de banken en speculanten aan te pakken, niet de werknemers en hun gezinnen”, un slogan qui clarifie de suite quel type de gouvernement nous voulons. Il est certain que pour une telle orientation, nous ne pouvons en aucun cas nous en remettre aux partis qui négocient actuellement et qui ont en tête de constituer un gouvernement de casse sociale, un gouvernement d’austérité qui voudra nous faire payer la crise. Nous publions également quelques photos de la manifestation :

    • Reportage-photos (1)
    • Reportage-photos (2)

  • La Lituanie prête à museler les associations gays, intervention de Joe Higgins au Parlement Européen

    Le Parlement lituanien envisage d’infliger de lourdes amendes (allant de 580 à 2.900 euros) aux organisations faisant la «  promotion publique des relations homosexuelles », déjà interdite dans les écoles. Cette loi interdirait toute discussion publique de l’homosexualité ainsi que toute information à ce sujet en matière de prévention ciblée contre le VIH notamment. Il va s’en dire que les Gay Pride seraient également interdites. Cette loi proposée par le parti d’extrême droite Ordre et Justice pourrait entrer en vigueur au printemps prochain et n’est rien d’autre qu’une nouvelle excuse pour opprimer les droits des LGBT.

    L’année passée, les autorités lituaniennes avaient tenté par tous les moyens d’interdire la tenue de la Baltic Pride. En fin de compte, la marche a bien eu lieu, mais près de 1.000 néo-nazis ou intégristes armés de bouteilles de verre et de pierres avaient fait le déplacement avec la volonté d’en découdre avec les gays et les lesbiennes.

    «J’ai beaucoup d’admiration pour les milliers de gays et leurs supporters qui ont bravé les campagnes de haine et osé participer à cette Baltic Pride l’an dernier», entonnait l’eurodéputé Joe Higgins en pleine séance plénière du Parlement Européen. «La Lituanie, qui s’est débarrassée de la dictature stalinienne il y a tout juste 20 ans, envisage maintenant de supprimer le droit de vivre librement conformément à son orientation sexuelle. Le capitalisme et l’économie de marché ont fait des ravages dans ce pays où le chômage atteint 18%, et même 35% chez les jeunes. Ce projet de loi, comme celui récemment déposé en Ouganda, est une façon de détourner l’attention des problèmes importants », glissait-il au sein de l’hémicycle…

    Nous avons encore du chemin à faire affin d’obtenir l’égalité des droits pour les LGBT en Europe. Les droits des gays lituaniens nous concernent tous, car si les homosexuels sont persécutés au sein de l’Union, c’est peut être aussi nos droits difficilement acquis en Belgique qui seront remis en questions. An injury to one is an injury to all.

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • 50 ans de l’assassinat de Patrice Lumumba, héro de l’indépendance du Congo

    Le 17 janvier 1961, Patrice Lumumba, Premier Ministre de la jeune République du Congo, était lâchement assassiné dans la brousse du Katanga ; soit seulement 6 mois après l’indépendance de l’ex colonie belge. Cet assassinat perpétré par le gouvernement fantoche du Katanga ‘‘indépendant’’ avec la complicité active des autorités belges et américaines marquait le début d’une répression féroce envers les forces populaires, ouvrières et paysannes qui avaient conquis l’indépendance de haute lutte conduisant à la dictature sanguinaire de Mobutu qui dura 35 années.

    D’un correspondant au Congo

    Patrice Lumumba était de la génération des leaders petit-bourgeois qui dirigèrent les luttes de libération nationale en Afrique au cours des années ’50, ’60 et ’70. Celui-ci faisait partie de la couche appelée de manière insultante les ‘‘évolués’’ par les autorités coloniales belges : il possédait un travail bien rémunéré pour un ‘‘nègre’’ et avait suivi une bonne instruction.

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    Pour en savoir plus:

    • 50 ans d’indépendance formelle de la RD Congo: Pour l’indépendance réelle et pour le socialisme !
    • DOSSIER : Le cauchemar d’être femme au Congo
    • La nouvelle alliance pro-impérialiste entre Kabila et Kagamé scellée avec le sang congolais.
    • RDC: Solidarité contre la répression des membres de Parlement Debout
    • Film : Katanga Business
    • Afrique : ou le socialisme, ou uen barbarie sans cesse plus grande

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    Comme bon sujet colonial et comme bon catéchiste, le rêve de Lumumba était lors de sa jeunesse d’être un belge. L’ironie voulait que le jeune Patrice ait pris au sérieux les mots d’ordre de ‘‘civilisation’’ propagés par les prêtres et fonctionnaires artisans de la colonie. Cependant, rapidement, il dut se rendre compte que ces mots d’ordre n’étaient qu’une mascarade et que les nègres n’étaient là que pour extraire les matières premières nécessaires aux capitalistes belges et servir de garde-chiourme pour les meilleurs d’entre eux. Il décida donc de s’engager dans la lutte anticoloniale afin de sortir ses ‘‘frères de race’’ de cet asservissement.

    Lumumba était de cette classe petite-bourgeoise : celle qui vogue entre deux eaux mais également celle qui sait s’appuyer sur les masses populaires ouvrière et paysannes pour conduire une lutte de libération nationale. C’est principalement sous l’effet de ces masses que la doctrine et l’action de Lumumba évoluèrent radicalement. Lorsqu’avec les masses descendirent dans la rue revendiquant l’indépendance immédiate, Lumumba n’eut de cesse de soutenir cette revendication ; lorsque cette indépendance fut conquise, il se bâti aux côté des masses en tant que Premier Ministre avec l’idée selon laquelle une indépendance de façade ne suffisait pas et que les richesses du pays devait profiter au peuple congolais contre les ingérences de l’ex colonie soucieuse de maintenir l’exploitation de ses entreprises malgré l’indépendance formelle ; enfin, il organisa la lutte armée de ses partisans regroupés à Stanleyville contre le Coup d’Etat de Mobutu téléguidé par Bruxelles et Washington.

    Cependant, Lumumba n’eut guère de temps pour tirer les leçons de ses erreurs. Si celui-ci était mû par une foi inébranlable dans le peuple congolais et la nécessité de l’indépendance réelle, il était également proie à un idéalisme qui frisait la naïveté : sa vision du peuple congolais comme un tout indivisible le poussa à accepter – sur pression de la Belgique – un gouvernement avec le "Parti des nègres payés" comme aimaient appeler les congolais ces leaders noirs qui n’avaient d’autres ambitions que de remplacer le blanc dans l’extorsion des richesses du peuple. Ce sont ces laquais de l’impérialisme qui ordonneront son assassinat vendant l’indépendance contre un poste ministériel et une place dans un Conseil d’administration d’une multinationale belge ou américaine.

    Lumumba ne comprit que quelques semaines avant ce triste sort qu’il ne pouvait s’appuyer que sur l’action coordonnée des masses ouvrières et paysannes afin de conquérir l’indépendance réelle.

    Il ne comprit que tardivement également que l’indépendance réelle et le bénéfice des richesses du pays à son peuple ne pouvait passer que par la prise en main de ses richesses par les masses elles-mêmes et que jamais les impérialistes ne permettraient qu’une part, même infime, de cette richesse de leur échappe.

    Le 17 mai 2011, la voix de Lumumba, héro de la première indépendance du Congo résonnera dans le cœur de chaque congolais. Nous espérons qu’à partir d’aujourd’hui, les ouvriers et paysans du Congo lutteront afin de "reconstruire notre indépendance et notre souveraineté ; parce que sans dignité il n’y a pas de liberté ; sans justice il n’y pas de dignité et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres." en tenant compte des erreurs de Lumumba et en s’inspirant de sa foi inébranlable et de sa détermination sans faille.

    Nous savons que cette lutte triomphera et que "L’histoire prononcera un jour son jugement, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, à paris, à Washington ou aux Nations Unie ; ce sera celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera, au Nord et au Sud du Sahara, une histoire de gloire et de dignité"


    NB : les deux citations sont tirées du testament que Patrice Lumumba laissa à sa compagne, sachant sa fin proche.

  • C’était il y a tout juste 50 ans : le 13 janvier, la Loi Unique est votée à la Chambre

    A Charleroi, au lendemain de la brutale et violente agression contre les travailleurs de la CGSP, un millier de grévistes des ACEC (Ateliers de Construction Électrique de Charleroi) partent de l’usine pour se retrouver à plus de 3.000 à parcourir la ville dans tous les sens, à la recherche des gendarmes, qui restent invisibles malgré qu’un avion de la gendarmerie survole à basse altitude le centre-ville à plusieurs reprises. Ce jour-là, les manifestants, très décidés, défilent en rangs serrés prêts à en découdre, mais ils ne rencontrent personne. Après l’agression à Charleroi, la volonté de poursuivre la lutte se trouve décuplée.

    Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la ”Grève du Siècle”, sont basés sur le livre de Gustave Dache ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61”

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    – Rubrique "60-61" de ce site

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    12 janvier
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    Sur le front de la grève générale, plusieurs autres manifestations ont encore eu lieu, après le vingt-cinquième jour de grève, notamment à Charleroi, Verviers et Wandre (en région liégeoise), il y a encore eu des incidents avec des blessés. Cependant, mis à part quelques reprises en plus de celles des autres jours, les secteurs économiques les plus importants tels que la métallurgie, la sidérurgie, les verreries restent intacts.

    La Centrale Générale de la FGTB, qui a toujours été l’adversaire de cette grève, se prononce publiquement contre l’abandon de l’outil. Le bureau du PSB repousse aujourd’hui la proposition de la FGTB wallonne qui suggérait l’ouverture d’un second front politique par la démission collective des parlementaires du PSB ou par leur absence aux séances d’examen de la Loi Unique, mesure qui, d’ après la FGTB wallonne, aurait donné un sens aux déclarations des mandataires réformistes du PSB selon lesquelles la Loi Unique est inamendable et ne saurait en aucun cas servir de base de discussion au Parlement.

    Les responsables de l’aile wallonne de la FGTB ont la mémoire courte : ils ont déjà oublié que Van Acker et L. Major ont déjà proposé au Parlement des amendements à cette Loi de Malheur.

    A l’issue de la réunion de Saint-Servais, il est décidé de remettre au Roi un mémorandum commun PSB-FGTB qui énumère les mesures préconisées par le PSB pour sortir le pays de l’impasse. Il n’y a plus aucun doute que l’accent est mis sur le fédéralisme. Ainsi, les chefs du PSB et de la FGT B en sont réduits à une demande auprès du souverain, au 25ième jour d’une grève générale qui paralyse toujours l’économie du pays, avec ces dizaines et des dizaines de milliers d’ouvriers toujours engagés dans un conflit classe contre classe.

    Au moment même où la Loi Unique est votée à la Chambre, par 115 voix contre 90 et une abstention, les élus socialistes et la FGTB wallonne ne trouvent rien de mieux que de décider comme seule action extra-parlementaire pour sortir le pays de l’impasse, non pas le recours à la lutte révolutionnaire, mais bien d’aller implorer le Roi. En même temps, pour rassurer les travailleurs sur leurs intentions, le PSB déclare : «mais la lutte contre son application continuera jusqu’au bout.»

    Jusqu’à aujourd’hui, les grévistes avaient pourtant maintenu vivant leur ardeur dans la lutte, ce qui a permis à la classe ouvrière de maintenir paralysée l’ensemble de l’économie du pays. Encore aujourd’hui, par peur d’initiative spontanée des grévistes, toutes les installations ferroviaires sont toujours militairement gardées. Des instructions sont données, au cas où ; «Tirez, vous ferez les sommations après.» Ces mêmes militaires, qui se trouvaient encore en juillet dernier au Congo, s’indignent, car leurs instructions différaient sensiblement : «Tirez, à la dernière minute et épargnez les vies humaines.»

    A l’initiative d’André Renard, une réunion plénière des élus socialistes wallons se tient à Saint-Servais et adopte la résolution suivante :

    «Les députés, sénateurs, députés permanents et bourgmestres socialistes des arrondissements wallons réunis, après un mois de grève cruelle et farouche des travailleurs wallons dont ils sont solidaires, se constituent en assemblée légitime et majoritaire du peuple wallon. Décident de solliciter du Roi une audience au cours de laquelle il lui sera remis une adresse solennelle dont ils approuvent les termes à l’unanimité. Réclament pour la Wallonie le droit de disposer d’elle-même et de choisir les voies de son expansion économique et sociale.»

    Pour se faire une idée précise de la position politique des directions réformistes du PSB et de la FGTB en plein conflit social à caractère insurrectionnel et révolutionnaire, il est nécessaire et utile de rappeler l’adresse des mandataires socialistes au Roi, parue dans le journal La Wallonie le lundi 16 janvier 1961 (voir ci-dessous).

    A la lecture de cette adresse au Roi, les travailleurs du pays sont en droit de se poser la question : que font les dirigeants du PSB des idées républicaines qui ont toujours prédominé, dans un passé pas si lointain, dans le Parti comme, par exemple, en 1950 dans le conflit sur la Question Royale ? Avec cet appel, le Roi s’est vu rassuré, il a compris que les socialistes wallons ne voulaient pas mobiliser la classe ouvrière pour la conquête du pouvoir ou aller au-delà de « l’intérêt général » du pays. Ses revendications sont de nature à rester strictement dans les limites autorisées par l’Etat bourgeois.

    Les intentions du pouvoir politique majoritaire en Wallonie n’étaient certainement pas d’organiser la résistance, voire la rébellion, mais «de bien servir, à la fois, la Wallonie et la Belgique» dominée par un régime d’exploitation capitaliste. A ce sujet, dans son livre page 181, Robert Moreau, secrétaire national adjoint de la FGTB, écrira : «Nos camarades syndicalistes ne nous en voudront pas d’exprimer ici le sentiment que cette réunion et ce texte remis au Roi le samedi matin 14 janvier ont davantage impressionné le Chef de l’Etat que les quatre semaines de grèves et de manifestations.»

    C’est bien là les déclarations d’un allié d’André Renard, appartenant à l’aile gauche de l’appareil réformiste de la FGTB et qui considère sans honte que «cette réunion et le texte» ont davantage impressionné le chef de l’Etat que les nombreuses manifestations à caractère insurrectionnel et les semaines de grève générale qui ont paralysé l’économie du pays avec les risques constants de débordements généralisés qu’elle engendrait.

    Les travailleurs wallons pouvaient en effet être fiers des dirigeants du PSB et de la FGTB qui, après un mois de grève générale, avaient obtenu le droit d’implorer auprès du monarque l’autodétermination pour la Wallonie.

    A Namur, André Genot déclare : «la lutte que nous connaissons aujourd’hui s’apparente aux grandes luttes du 19e siècle. D’ores et déjà, la bataille est gagnée, c’est ma conviction profonde»

    «Cette grève est gagnée, c’est aussi le sentiment de la classe ouvrière, celle qui sait que demain ne sera pas ce qu’était hier. Celle-ci vient de faire un grand pas vers la société socialiste.» peut on aussi lire dans les pages du Peuple du 14 janvier 1961.

    Les dirigeants de la FGTB wallonne doivent maintenant s’efforcer de faire croire que la classe ouvrière a gagné cette grève, qu’elle a fait un grand pas vers la société socialiste, alors que, dans la réalité de la lutte des classes, il n’en est rien. Mais voilà, pour tenter de cacher leur capitulation et de mener la lutte engagée jusqu’au bout, ils veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. C’est une tactique qui ne trompe que leurs auteurs et surtout pas les travailleurs, conscients de la réalité.


    Adresse des mandataires socialistes au Roi

    «Sire,

    En 1912, le Roi Albert, dont la mémoire reste chère à nos populations, a reçu du grand socialiste et du grand wallon que fut Jules Destrée, une lettre au sujet des dangers que devaient faire courir au pays, formé de deux peuples, des institutions unitaires mal adaptées à la réalité.

    Par la suite, le sang versé sur les champs de bataille par les Flamands et les Wallons pour la défense de leurs libertés a raffermi la solidarité des deux peuples distincts par leur langue et par leur culture, mais liés par de grands souvenirs et par l’exercice de leur démocratie.

    A l’heure des revendications flamandes, les travailleurs wallons ont su comprendre des griefs qui n’étaient pas les leurs et aider à résoudre des problèmes de la Flandre et de la Belgique.

    Nous pensons qu’il plaira à Votre Majesté d’entendre aujourd’hui la voix des mandataires socialistes wallons, représentants légitimes et majoritaires de leur Peuple. Ils sont douloureusement conscients des causes profondes qui mobilisent depuis bientôt un mois la classe ouvrière de leur région dans une grève cruelle autant que farouche.

    Au siècle dernier, la Wallonie, rapidement adaptée à une civilisation nouvelle, a mis les trésors de son sol et de sa main d’oeuvre au service de la Belgique, dont alors elle assura la prospérité. Notre classe ouvrière n’a retiré de cet effort prodigieux que souffrances et misères. Peu à peu cependant, elle a pris conscience de sa condition et de ses droits. Enfin, au lendemain de la première guerre mondiale, elle a obtenu, avec le suffrage universel, le moyen d’accéder à son émancipation politique, prélude indispensable à son émancipation économique et sociale.

    Hélas, tandis que nos pères conquéraient difficilement des conditions de vie meilleures, les richesses naturelles de la Wallonie s’épuisaient, l’importance de sa population fléchissait, son précieux élan industriel souffrait des faiblesses d’un régime économique qui, soucieux du profit immédiat, se révéla bientôt incapable d’un effort cohérent et soutenu d’organisation.

    Nos industries ont vieilli et peu à peu beaucoup d’ entre elles sont mortes, victimes de la concentration capitaliste, mais aussi de leur inadaptation aux méthodes et aux formes modernes de production. Partout en Wallonie, le long de nos vallées et aux flancs de nos collines, de sinistres squelettes d’usines abandonnées attestent cette ruine progressive.

    Nos charbonnages, vides de leur substance aisément exploitable, ont dépéri, puis un à un se sont fermés. On ne compte plus, près des « terrils » qui restent là comme les lourds témoignages de tant de travail humain, les « belles-fleurs » définitivement immobiles et silencieuses.

    Pendant ce temps, le patronat transportait ses entreprises anciennes ou nouvelles vers le pays flamand, avec l’espoir d’y trouver une main d’œuvre plus abondante et moins onéreuse. Il transférait à Bruxelles, siège de tous les pouvoirs nationaux, ses banques, ses sociétés et leurs bureaux.

    Ceux de nos industriels qui veulent survivre en restant fidèles à la région wallonne trouvent difficilement les capitaux nécessaires à la modernisation de leurs entreprises tandis que des milliards de francs s’évadent vers des pays étrangers.

    Depuis un demi-siècle, les socialistes wallons dénoncent les dangers qui menacent non seulement nos travailleurs, mais aussi la Wallonie et la Belgique.

    Depuis un demi-siècle, ils traduisent aussi bien la détermination des travailleurs wallons d’échapper à l’emprise d’une majorité parlementaire flamande à prédominance conservatrice que la volonté du monde du travail de participer effectivement à la gestion de la vie économique de sa région.

    Les socialistes wallons ont dit aussi la nécessité d’appliquer avec audace et énergie, les réformes de structure que d’autres pays occidentaux ont trouvé un des chemins de leur salut, qu’il s’agisse d’orienter l’économie, de la planifier et de l’organiser en fonction de l’intérêt général. Sire, les travailleurs wallons entendent travailler en paix et pratiquer, à chaque occasion, la solidarité, qui est leur religion politique à l’ égard de tous ceux qui, chez nous où ailleurs, vivent comme eux de leur labeur. Au moment où naissent des communautés économiques nouvelles, ils entendent contribuer à la prospérité de l’ensemble du pays mais ils veulent aussi que soient respectés leurs droits et leurs intérêts légitimes.

    L’évolution de la Belgique donne au Peuple wallon le sentiment de n’être ni compris, ni entendu de ceux qui gouvernent le pays. Ils s’interrogent sur son destin au sein de la communauté belge. Il met en cause, formellement, le caractère unitaire de nos institutions traditionnelles.

    Il cherche les solutions qui, sans attenter à l’indépendance ni à l’intégrité du pays, consacreraient l’existence en Belgique de deux Peuples dotés chacun de sa personnalité, de sa culture et de ses aspirations propres.

    Il demande que la Constitution soit révisée de telle façon que nos institutions nationales garantissent les Wallons contre les effets du profond déséquilibre interne dont souffre le pays.

    Votre sagesse, Sire, entendra, nous en avons la conviction, un appel qui s’inspire de la volonté de bien servir à la fois, la Wallonie et la Belgique.

    Le vendredi 13 janvier 1961

    Les députés, sénateurs, députés permanents et bourgmestres socialistes des arrondissements wallons du pays. »

  • C’était il y a tout juste 50 ans : le 11 janvier 1961

    La grève générale commence petit à petit à s’ essouffler. Des reprises ont lieu par ci par là. Bien entendu, dans les grands centres industriels, la grève est toujours bien effective, mais les grévistes ont compris que les mots d’ordre d’action autres que des manifestations dans le «calme, l’ ordre et la discipline» ne viendront pas. Les appareils syndicaux et politiques montrent des signes évidents de capitulation.

    Cet article, ainsi que les autres rapports quotidiens sur la ”Grève du Siècle”, sont basés sur le livre de Gustave Dache ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61”

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    – Rubrique "60-61" de ce site

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    10 janvier
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    A Liège et à Charleroi, malgré une légère reprise dans les grands magasins et dans les cinémas et malgré les quelques trams qui circulent sous la protection de la gendarmerie, les travailleurs des secteurs clefs de l’ économie sont toujours en grève totale, de même dans le Centre, le Borinage, à Gand, à Anvers, à Hoboken et à Louvain.

    A Mons, une manifestation rassemble, selon le journal « Le Peuple » du 12 janvier, 25.000 manifestants. Le premier orateur est un parlementaire du PSB, hué par les grévistes, qui l’empêchent de parler. Il faut l’ intervention de Renard pour demander que le parlementaire, M. Busieu, puisse prononcer quelques mots, ce qu’il fait dans l’indifférence générale.

    Dans la région flamande du pays malgré les pressions et les difficultés énormes, les piquets de grèves sont toujours très actifs. Des incidents graves éclatent à Hoboken entre gendarmes et piquets de grève : on apprend qu’il y a dix blessés parmi les ouvriers, dont un blessé grave. En effet, la fière monte à Hoboken entre gendarmes et grévistes. Alors que le piquet de grève ne fait que discuter avec des hommes qui veulent travailler, des bagarres éclatent. Un gréviste est blessé à mort, le crâne défoncé et la mâchoire démise, victime des gendarmes qui sont sur le pied de guerre, avec baïonnettes au fusil. Deux autres sont blessés à coups de crosse et un autre d’ un coup de baïonnette. Ils sont transportés à l’ hôpital.

    A Ruppel, des barrages de pavés sont établis sur les routes. Des bagarres éclatent, les gendarmes tenant leur fusil par le canon et frappant de toutes leurs forces en hurlant : «ça doit finir!» Le commandant des gendarmes avait ordonné «Quittez immédiatement ce lieu, sinon vous avez le choix entre la prison ou l’hôpital.» Les gendarmes avaient bu pour se donner du courage, ils puent l’alcool. Après les bagarres, un bulldozer déblayeles routes.

    Les journaux signalent encore des sabotages à Ath-Tournai. Une rupture de voie occasionne le déraillement d’ une micheline. Des arrestations arbitraires ont encore eu lieu. Les grévistes des ACEC manifestent à Charleroi. Ils réclament : «A Bruxelles», «Belgique, République».

    Dans toute la Belgique, on signale que l’action des forces de répression se fait plus violente. Les piquets de grève sont attaqués par la gendarmerie, les membres des Comités de grève sont emprisonnés. La bourgeoisie commence dès maintenant à démanteler l’ embryon d’ ordre ouvrier qui s’ est créé spontanément au cours de la grève générale insurrectionnelle. Elle ne peut tolérer que la classe ouvrière organisée continue plus longtemps à imposer sa volonté en contrôlant la circulation, en réglant les approvisionnements, les heures d’ ouvertures des magasins, etc.

    Face à la répression et aux directions syndicales qui avaient souvent donné l’ ordre de «ne pas insister devant la police», les travailleurs ont comme d’ habitude fait preuve de la plus grande imagination. Les gendarmes cherchent à faire circuler les piquets en les dispersant loin des portes des entreprises. Les grévistes organisent sur-le-champ des piquets tournants, qui défendent l’ entrée de l’usine sans donner à la police la possibilité de les disperser. Partout, les piquets se renforcent, se font plus mobiles. Le système de relève se perfectionne. Les communications entre piquets s’organisent. Chaque piquet dispose d’ automobiles et de motos. Les piquets de grève sont reliés à un centre local.

    Les centres locaux se regroupent en centres régionaux. De même, la technique des manifestations s’ améliore. On apprend à se diviser devant les charges de gendarmerie et à se reformer dès que l’ alerte est passée. On apprend les bons itinéraires, les moyens de s’ armer d’ objets divers. On apprend à diviser les forces de police et à se défendre des photographes de presse qui la renseignent. Toute cette tactique de combat ouvrier est le résultat des actions spontanées de la classe ouvrière pendant la grève générale.

  • Action de solidarité devant les magasins belges de Laura Ashley

    Quelques militants du Parti Socialiste de Lutte ont mené une action de protestation devant les magasin de Laura Ashley à Bruxelles et à Anvers ce samedi après-midi, dans le cadre d’une campagne de solidarité internationale avec les travailleurs d’un des magasins de cette chaîne internationale, à Dublin en Irlande. Les 22 travailleurs du magasin au Grafton Street ont étés licenciés fin octobre, la direction estimant faire plus de profit en louant l’immeuble à Disney, plutôt qu’en continuant à exploiter le magasin elle-même.

    Par Tim (Bruxelles)

    Malgré un profit de 10,5 millions de livres britanniques au cours des six premiers mois de 2010, la direction refuse de négocier un plan social pour les employés licenciés et de déplacer les licenciés vers d’autres magasins Laura Ashley. De plus, pas un centime de prime de départ au delà du strict minimum légal. Depuis fin octobre, les travailleurs irlandais de Laura Ashley sont en grève et, après 11 semaines de blocage du magasin, la direction refuse toujours d’entamer des négociations.

    Les actions chez Laura Ashley peuvent compter sur un large soutien parmi les couches larges des travailleurs irlandais: plusieurs syndicats se sont déclarés solidaires et ont visité le piquet de grève, de même que des membres du Socialist Party, le parti frère du PSL en Irlande. C’est sur base des discussions que nos camarades ont eues avec les travailleurs de Laura Ashley que la question d’actions de solidarités internationales est venue sur la table. A travers toute l’Europe, les sections nationales du CIO, l’internationale à laquelle appartient le PSL, ont mené action devant les magasins de Laura Ashley.

    En Belgique, des protestations ont eu lieu devant les magasins de Bruxelles d’Anvers, où nous avons distribués des tracts de solidarité au passants. Ce type d’action de solidarité internationale est très important dans un tel conflit : cela montre aux travailleurs qu’ils ne sont pas seuls dans leur lutte et cela fait pression de toute l’Europe contre l’arrogante direction irlandaise de Laura Ashley pour qu’elle cède aux justes exigences des travailleurs licenciés. Cette expérience de solidarité internationale est très importante aussi pour le futur : elle devra également être appliquée dans la lutte contre les mesures antisociales que prennent actuellement les gouvernements dans toute l’Europe ainsi que contre l’arrogance des multinationales qui essaient de mettre en concurrence leurs différents sièges pour s’en prendre aux droits des travailleurs.

    Photos de Bruxelles

  • Luttons contre les assainissements sur tous les front!

    Des syndicats combatifs et démocratiques et un nouveau parti des travaill eurs, voilà ce dont nous avons besoin !

    Le système a tremblé sur ses bases sous le choc de la pire crise du capitalisme depuis la deuxième guerre mondiale. Pendant une brève période, la chute de l’économie mondiale, la ‘‘Grande Récession’’, a supprimé une bonne part des profits des patrons. Des entreprises multinationales renommées, comme General Motors, et des dizaines de grandes banques ont flirté avec la faillite. Le terme de ‘‘socialisme pour les riches’’ est apparu au moment où les différents Etats ont allongé des milliards d’euros pour sauver la peau des industriels et des banquiers, menacé par la crise de surproduction et l’explosion des bulles spéculatives.

    Par Jan Vlegels, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    La facture a été livrée à ceux qui gèrent l’Etat, les laquais politiques du patronat. En 2009 déjà, les banques et les grandes entreprises ont déjà recommencé à réaliser des profits records, alors que les Etats les plus touchés (la Grèce, l’Irlande, les Etats baltes,…) ont rapidement fait face à des plans d’austérité draconiens. Là où restait un peu plus de marge, surtout dans les grandes puissances traditionnelles et leur périphérie directe, il semblait qu’on voulait surtout relancer la production avec des mesures de stimulation de l’économie avant de sabrer dans les conditions de vie et de travail de la population. Le calme n’a duré que peu de temps avant la tempête.

    Dans la plupart des pays européens, les grandes vacances ont été la période de préparation pour l’épreuve de force inévitable avec la classe ouvrière. Les mois qui ont suivi, d’immenses paquets de mesures d’austérité ont été rendus publics. Malgré la menace, plus que probable, de l’arrivée d’une ‘‘double dip’’ (une rechute de l’économie notamment basée sur une demande trop fiable), les gouvernements ont attaqué les moyens des ménages.

    La confrontation avec la classe des travailleurs est inévitable, même en Belgique où la bourgeoisie essaie généralement d’éviter une telle attaque frontale et où l’offensive patronale a déjà du retard à cause de la crise politique.

    Augmentation de l’âge de la pension, augmentation de la TVA, démantèlement des services publics, privatisations, accroissement du contrôle des chômeurs, multiplication du minerval des universités,… L’impact de telles mesures sur la vie des travailleurs est incalculable. On serait découragé pour moins que ça, et c’est d’ailleurs le pari des capitalistes européens : écraser tout le monde sous l’austérité et espérer que les masses se redressent trop tard. Bien que ce ne soit pas totalement dénué de fondement – dans un certain nombre de pays, il n’y a provisoirement pas encore de mouvements de résistance généralisés -, les premières réactions du mouvement ouvrier européen nous renforcent dans la conviction que le ‘‘pari’’ de la bourgeoisie s’avérera perdu : des actions de grande envergure ont déjà eu lieu en France, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Irlande, en Grande-Bretagne,…

    Petit à petit, il deviendra clair pour tout le monde, y compris la bourgeoisie, que la classe ouvrière européenne ne va pas accepter l’austérité sans combat. Nous pouvons nous attendre à une intensification des luttes dans la période à venir. Il n’est cependant pas garanti que ces mouvements conduisent directement à des victoires au vu des difficultés déjà présentes dans les premières phases de protestations.

    Partout, les directions syndicales évitent d’organiser efficacement la résistance, aucune stratégie claire avec un plan d’action n’est mise en avant. Cela, en combinaison de l’absence d’une traduction politique de cette résistance, est un sérieux handicap pour le mouvement ouvrier dans la construction de son rapport de forces.

    La création de nouveaux partis des travailleurs – basés sur des membres actifs et ouverts à tous les courants présents dans le mouvement ouvrier – sera cruciale pour lutter contre la bourgeoisie sur le plan politique. Il nous faut aussi défendre la démocratisation des syndicats et appeler les directions syndicales à organiser la résistance, en mettant entre autres en avant l’organisation d’actions européennes, comme une grève générale européenne.

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