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Tag: Venezuela
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Venezuela : Analyse des évènements du 12 février
Par Gabriela Sanchez, Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela)
Ce 12 février, trois personnes ont été tuées à Caracas (deux partisans de droite et un partisan du gouvernement), tandis que des douzaines d’autres ont été blessées et arrêtées au cours de manifestations qui ont pris place dans tout le Venezuela afin de célébrer la ‘‘Journée de la Jeunesse’’, qui se déroule tous les ans.
Beaucoup d’images ont émergé ces derniers jours semblant démontrer la responsabilité des agents de la SEBIN (les Services Secrets Bolivariens) dans la mort de ces 3 manifestants. Les rumeurs abondent concernant l’infiltration d’agents provocateurs. Après le 12 février, les manifestations ont été quotidiennes, tant de la part de la droite que de la part du gouvernement. S’il est normal qu’il y ait des défilés séparés des partisans du gouvernement et de l’opposition de droite, la violence générée, essentiellement par l’aile droite réactionnaire, marque pourtant une nouvelle phase cruciale dans le processus bolivarien.
Maduro a qualifié ces manifestations de coup d’Etat rampant et nombreux sont ceux qui, à gauche, ont comparé ces événements à ceux du coup d’Etat intenté contre Chavez en 2002. Un mandat d’arrêt a été délivré contre Leopoldo Lopez (un dirigeant de la droite réactionnaire impliqué dans le coup d’Etat de 2002). D’un autre côté, l’aile droite a essayé de présenter cette lutte comme un combat pour la ‘‘libération’’ d’une ‘‘dictature’’ responsable de tous les maux du monde dont l’inflation, le crime et la corruption.
Certains dirigeants de droite ont déclaré que les manifestations étaient des mobilisations ‘‘populaires’’ représentant la majorité des Vénézuéliens. Quelques groupes de gauche ont même dit que ces manifestations sont représentatives du ‘‘mécontentement’’ général et légitime qui existe parmi toutes les couches de la société. L’un de ces groupes a même été jusqu’à appeler à la constitution d’un front uni des diverses couches concernées dans un combat pour un gouvernement des travailleurs, sans prendre en compte le fait que les raisons pour lesquelles se mobilisent chacune des classes sont complètement différentes.
Ces dernières années, il y a eu des centaines de manifestations, sur les questions du logement, du crime, ou pour l’obtention de contrats de travail collectifs par exemple. Nous avons également connu des occupations d’usine ainsi que des appels lancés par des travailleurs au gouvernement pour nationaliser les usines et en donner le contrôle et la gestion aux travailleurs eux-mêmes. Beaucoup de ces actions ont été rapportées sur notre site et sur ceux du Comité pour une Internationale Ouvrière. Mais ces manifestations et les objectifs visés par les participants de ces mobilisations diffèrent nettement de ceux des évènements du 12 février.
Parmi la gauche, tant au Venezuela que dans le reste du monde, les avis divergent quant à la position que doivent adopter les révolutionnaires et de la marche à suivre concernant la menace de la droite.
Un autre coup d’Etat?
Le 16 février, dans un discours à la nation, Maduro a affirmé que la droite comprend actuellement deux camps, l’un cachant son soutien aux récentes manifestations et essayant de se présenter comme démocratique alors que l’autre soutient ouvertement l’idée d’un coup d’Etat appuyé par les USA contre le gouvernement. Même si aucune illusion ne doit être entretenue concernant le rôle de l’impérialisme américain, d’importantes différences existent entre ce qui se déroule actuellement et ce qu’il s’est produit en 2002, en particulier au sujet de la droite et de ses partisans ainsi que des militaires.
La droite a mis des années à se regrouper après des années de défaites et l’échec du coup d’Etat et du sabotage économique. Ce n’est qu’en 2012 qu’elle a été capable de ‘‘s’unir’’ pour présenter un candidat commun aux élections présidentielles, Capriles Radonski, contre Chavez. Les dirigeants de droite ont changé de tactique et ont commencé à instrumentaliser les thèmes qui touchent la classe des travailleurs et les pauvres auxquels le gouvernement ne répond pas, comme le logement, le crime et l’aggravation de la situation économique.
Même si la droite a perdu les élections, elle a tout de même obtenu plus de 6 millions de voix et elle a déclaré qu’elle continuerait à se battre ‘‘démocratiquement’’ pour tous les Vénézuéliens. Les élections présidentielles suivantes, en avril 2013, ont livré un résultat où la différence entre Capriles et Maduro n’était que de 200.000 votes. Ce suffrage a été contesté par la droite et les tactiques employées ont commencé à diverger en son sein. On trouve d’un côté Capriles le ‘‘démocrate’’ et Leopoldo Lopez et Maria Carolina Machado, plus réactionnaires, de l’autre.
Cette division est devenue plus claire au cours de ces derniers mois et Lopez et Machado ont appelé à participer à différentes manifestations, le pont culminant ayant été atteint le 12 février au cours de cette manifestation appelée ‘‘la Sortie’’ (c’est-à-dire la sortie du régime). Même des partisans de la droite ont écrit dans les journaux que ces méthodes allaient aboutir à une nouvelle chute du soutien pour la droite et qu’il fallait tirer les leçons du coup d’Etat de 2002 et de ses conséquences.
La droite plus modérée a cherché à se distancier des manifestations menées par un petit groupe d’étudiants ayant visé les bureaux du gouvernement ainsi que des bâtiments et propriétés publics. De manière très ironique, ces étudiants nantis ont choisi de mener leurs actions dans leur propre quartier, en dérangeant ainsi leur propre classe sociale plus que quiconque. Par la suite, nombreux ont été ceux qui ont déclaré qu’il s’agissait de l’œuvre d’agents infiltrés, mais étant donné que ces manifestations ont eu lieu 5 soirs d’affilée, il serait naïf de croire que les ‘‘infiltrés’’ auraient pu continuer à organiser ainsi leurs actions à un tel niveau.
Mais même les manifestations quotidiennes de centaines d’étudiants sur la place principale d’Altamira (une banlieue de Caracas habitée par la classe moyenne supérieure) n’ont pas bénéficié du soutien de la majorité des habitants. Quant au défilé du dimanche pour la ‘‘paix’’ et la libération d’étudiants emprisonnés, à l’instigation de la droite, si elle a pu attirer des milliers de personnes, le soutien au secteur le plus réactionnaire était très limité, contrairement aux manifestations massives organisées par la droite à la veille du coup d’Etat de 2002. En ce temps-là, une manifestation organisée Place d’Altamira était systématiquement massive.
Bien entendu, les événements peuvent rapidement changer une situation et nous devons en être conscients. L’arrestation de Lopez et la répression des petites manifestations étudiantes nocturnes peuvent conduire de plus larges couches de la droite à soutenir des mesures plus réactionnaires. De prochaines actions et manifestations de plus grande ampleur sont de l’ordre du possible, mais elles resteront le plus probablement cantonnées aux mêmes quartiers déjà gouvernés par la droite.
L’autre différence majeure avec le coup d’Etat de 2002 est le rôle joué par les militaires. En 2002, la droite bénéficiait encore du soutien d’une partie de l’armée mais, depuis lors, le chavisme a consolidé son soutien de diverses manières. En ce moment, l’armée soutient le gouvernement dans sa grande majorité et il est probable qu’aucune défection ne soit tolérée au sein des forces armées.
Manifestation, mécontentement et classe sociale
Ce n’est pas un secret, le mécontentement est important au sein de la société vénézuélienne au sujet de bon nombre de questions parmi lesquelles l’économie, le crime et le logement pour ne citer que celles-là. Nous trouvons cette colère on ne peut plus légitime, mais il existe une différence très marquée entre la manière dont ces sujets sont perçus par les différentes classes sociales dans la société ainsi qu’entre leurs revendications. L’impact de la crise économique que vit le pays, par exemple, a un énorme impact sur la classe des travailleurs et les pauvres, bien plus que sur la classe moyenne et la bourgeoisie.
Comme en tout temps de crise capitaliste, la classe ouvrière et les pauvres sont les plus touchés. Aujourd’hui, la majorité des Vénézuéliens lutte pour être capable de joindre les deux bouts. Le salaire minimum mensuel, même s’il augmente chaque année, n’est toujours pas à hauteur du taux d’inflation (officiellement de 56% en 2013 contre une augmentation du salaire minimum de 45%). Cette inflation affecte tout, du papier toilette aux uniformes scolaires, et est en réalité beaucoup plus élevée concernant les biens de première nécessité et la nourriture, qui ne sont pas régulés par l’Etat, qui régule à peu près tout sauf les produits de base.
Même si les réformes impulsées par en-bas sous Chavez ont été progressistes et ont conduit à une gigantesque chute de la pauvreté dans le pays, le chavisme a échoué à rompre avec le capitalisme. Les réformes sont donc très vulnérables, en particulier dans un pays reposant presqu’uniquement sur l’exportation de pétrole. Les effets de la crise mondiale se sont durement faits ressentir lorsque le cours du pétrole a plongé de 50%. Nous avons alors assisté à des coupes budgétaires dans le financement de plusieurs réformes qui avaient été acquises de haute lutte. Il est évident que les coupes budgétaires dans les missions sociales et la santé ont plus gravement frappé les plus pauvres. Aujourd’hui, ces derniers font la queue dès l’aurore, jour après jour, pour avoir accès aux soins de santé gratuits alors que, dans les quartiers riches de la capitale, un service vétérinaire itinérant gratuit va soigner les animaux domestiques des riches grâce au financement du gouvernement, ancré à droite.
Les étudiants pauvres n’ont la plupart du temps pas assez de professeurs pour leur donner cours dans toutes les matières et les places manquent dans les universités publiques. Ce sont les adolescentes des barrios et des régions rurales qui ont le plus de probabilité de tomber enceintes et donc de laisser tomber l’école : le Venezuela a le plus fort taux d’adolescentes enceintes en Amérique Latine. Elles ont aussi le plus de chances de vivre dans des logements insalubres.
La classe ouvrière et les pauvres constituent la majorité des Vénézuéliens et, malgré un important déclin du soutien au gouvernement, cette majorité sait qu’un retour de la droite ne va pas améliorer leur situation.
Le processus bolivarien a laissé ses traces, et la classe des travailleurs est bien consciente qu’un retour de la droite ne changera rien à toutes ces questions. Beaucoup de gens sont bien conscients que ce qu’il faut, c’est une réelle révolution. Même si la définition de ce que représentent le socialisme et la révolution reste confuse parmi les masses, ces aspirations restent profondément présentes. Ce qu’il manque, c’est une organisation capable de les développer en revendications.
Les couches les plus avancées de la classe ouvrière protestent avec raison contre la bureaucratie, la corruption, les éléments contre-révolutionnaires au sein du gouvernement ainsi que contre la répression des grèves et des droits des travailleurs entre autres contradictions inhérentes au chavisme. Même si les revendications spécifiques peuvent varier en fonction du lieu de travail et du degré de combativité, la plupart des travailleurs s’accorderaient avec la revendication du contrôle ouvrier et de la gestion ouvrière, avec la construction d’une réelle représentation de la classe des travailleurs ainsi qu’avec la défense des droits syndicaux, du droit de s’organiser et de faire grève. La minorité qui a manifesté ces dernières semaines ne partage très clairement pas ces revendications, elle ne partage pas les mêmes intérêts, elle ne fait pas face aux même difficultés quotidiennes.
Les images d’étudiants manifestant et de nombre de leurs actions pourraient facilement être prises pour des images de jeunes en Grèce, en Espagne et dans beaucoup de pays qui luttent contre la féroce austérité capitaliste. Mais les étudiants au Venezuela ne subissent pas un chômage de 60%, ne connaissent pas de gigantesques coupes budgétaires dans l’enseignement et ne sont pas confrontés une vie misérable. Ces étudiants font partie des privilégiés de la société vénézuélienne. Ils étudient dans les meilleures écoles et universités privées, conduisent des voitures ou des motos de luxe et, pas toujours mais très souvent, ont la possibilité de partir en vacances à l’étranger.
Le Venezuela est l’un des pays les plus violents au monde et la droite a raison de dire qu’il faut s’y attaquer. Les travailleurs le disent eux aussi. Mais aborder la question de la criminalité nécessite de se confronter aux inégalités inhérentes au capitalisme. La criminalité ne sera pas résolue sous un gouvernement de droite qui refusera de s’en prendre aux racines du mal.
Aucune forme de coup d’État ne sera soutenue par la majorité des Vénézuéliens ni ne sera tolérée par eux. La menace de la droite fera descendre les pauvres et la classe des travailleurs dans la rue pour soutenir le gouvernement s’il n’existe aucune autre alternative. Pour les révolutionnaires, la question-clé est de savoir comment intervenir pour mettre en avant un programme combatif orienté vers le socialisme, sans laisser se laisser emporter par un soutien sans critique au chavisme ou par des revendications de paix entre les classes, une idée vide de sens.
Les rassemblements pour la paix
La droite tout comme le gouvernement ont manifesté pour ‘‘la paix’’ après les événements du 12 février. Maduro a publiquement invité Capriles à le rencontrer pour parler des manifestations et pour trouver ensemble une issue à la crise. Cette approche basée sur une réconciliation avec la droite n’est pas une nouveauté pour le chavisme.
A la suite des tumultueux événements de 2002, Chavez avait appelé la population à rentrer chez elle. Plutôt que d’appeler à la constitution de comités sous l’impulsion des travailleurs et des autres couches de la société pour enquêter sur le coup d’Etat, il a déclaré que tous les Vénézuéliens avaient besoin de travailler ensemble et d’oublier ! Les événements qui ont suivi le coup et la pression de la base ont poussé le chavisme à se radicaliser en différents moments, mais des tentatives de lier alliance avec des couches de la bourgeoisie on systématiquement été faites.
L’élection de Maduro en avril dernier n’a pas donné lieu à des meetings de masse des travailleurs et des pauvres afin de discuter de la manière d’organiser le changement de société. Maduro a par contre convoqué une réunion avec le chef de la famille Mendoza, une des familles les plus riches et puissantes du pays. En résumé, l’entreprise familiale Polar a reçu l’assurance de pouvoir continuer à s’enrichir sans entraves du gouvernement, sa production et l’importation de nourriture qui s’effectue par son intermédiaire recevant même l’aide du gouvernement. Polar a également reçu la gestion de diverses grandes usines précédemment expropriées.Les rassemblements ‘‘pour la paix’’ sont des moyens pour le gouvernement de chercher du soutien parmi toutes les couches de la société et d’éviter d’être poussé à des actions plus radicales. A certains moments, comme nous l’avons déjà vu au cours du processus bolivarien, le gouvernement va réagir à la pression par en-bas. Cette pression n’a cependant pas encore permis la nationalisation de l’économie dans son ensemble, le secteur bancaire par exemple, et encore moins l’implantation d’une économie planifiée.
Quelles perspectives ?
Les perspectives sont aujourd’hui très ouvertes. La situation actuelle est en mouvement et la façon dont les choses vont se jouer dépend de nombreux facteurs. La répression d’Etat contre les manifestations pourrait conduire à une augmentation du soutien de l’aile droite et à un sentiment plus favorable pour des actions radicales de sa part. Au lendemain du 12 février, Maduro a déclaré que toute manifestation qui n’avait pas reçu d’autorisation était illégale et que l’Etat s’en occuperait. Nous devons nous opposer à toute mesure du gouvernement pour restreindre le droit à manifester, car ces mesures peuvent être utilisées contre les travailleurs et les pauvres, ce qui a d’ailleurs déjà été le cas.
Le retour de la droite serait une défaite pour les socialistes du monde entier. Ce dont nous avons besoin pour y faire barrage, c’est d’un mouvement de masse de la classe des travailleurs et des pauvres, unis sous un programme de lutte pour le socialisme. Un tel mouvement peut gagner à sa cause une partie de la classe moyenne, qui joue aussi un rôle historiquement important dans la révolution.
Un appel à un front uni de la gauche comme première étape en cette direction ne pourrait pas être plus approprié qu’aujourd’hui. Un front de gauche lierait ensemble les revendications des travailleurs et des pauvres et devrait, par la discussion et le débat démocratique au niveau national, développer un programme destiné à aboutir à changement révolutionnaire de société.
Un tel programme devrait se baser sur la rupture avec le système capitaliste et pour une économie démocratiquement planifiée, avec la nationalisation totale du secteur bancaire et des secteurs-clés de l’économie, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Le pouvoir devrait être donné aux conseils locaux et au peuple organisé en leur sein, avec l’élection de dirigeants élus, révocables à tous moments et ne bénéficiant d’aucun privilège, avec notamment un salaire équivalent à celui d’un travailleur qualifié.
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A propos du parti – Nouvelles du PSL
Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprend donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.
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A noter dans votre agenda
- Sa. 27 avril. Meeting de la gauche à Charleroi
- 1er mai: participation aux activités de premier mai
- 16 mai : Gand. Débat consacré aux Sanctions Administratives Communales entre le bourgmestre Termont et la campagne anti-SAC TegenGas.
- 18 mai : Anvers. Commémorations : ‘‘4 ans après la fin sanglante de la guerre civile au Sri Lanka’’.
- 4-7 juillet. Camp d’été des Etudiants de Gauche Actifs.
- 21-26 juillet : Ecole d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière
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Pourquoi j’ai rejoint le PSL
Je n’ai jamais été intéressée par la politique auparavant, jusqu’à ce que j’entame mes études d’assistante sociale cette année. Mais j’avais toujours été sensible aux injustices. Je suis dégoutée des médias, des salaires des grands patrons, de ce système qui renforce l’exclusion et qui nous divise. Je suis fatiguée des discours racistes, etc. Comme le dit Keny Arkana, je crois que je n’en peux plus d’ « être née dans un monde où la vie est moins importante que l’économie ».
J’ai cherché à voir plus loin, à analyser davantage les choses et j’ai entendu parler d’EGA (Étudiants de Gauche Actifs). Il m’a fallu un certain temps avant d’oser me rendre à une réunion. J’étais effrayée à l’idée de ne pas être à la hauteur étant donné mon manque d’information en la matière. J’ai finalement osé participer à l’une de leurs réunions… puis à une seconde et… à une troisième. La vérité c’est que j’ai très vite adhéré au parti parce que j’y apprends toujours plus à chaque réunion, parce que j’y affine mon opinion politique, et parce que la satisfaction d’essayer de changer les choses et de faire bouger les mentalités vaut tous les sentiments du monde.
Le PSL m’a permis de mieux comprendre la politique en général et le système capitaliste dans lequel nous vivons. Il me permet d’acquérir une formation politique de qualité et de faire des liens entre ce que j’apprends et ce que je vois et entends dans les médias ou dans ma vie quotidienne.
A tous les lecteurs de ce journal qui ne sont pas encore investis dans la lutte ; à tous ceux qui étouffent à l’étroit dans un système qui nous manipule : révoltez-vous et unissons-nous dans la lutte !
Marie, étudiante, Liège.
Si vous êtes à la recherche d’un monde meilleur, venez au Comité pour une Internationale Ouvrière et à sa section belge, le PSL ! Les discussions et réunions politiques intéressantes m’ont attiré, mais les manifestations et les visites au piquet de grève de Ford m’ont mis en contact avec les véritables lieux où les problèmes sociaux et économiques sont discutés et contestés. Cette manière de faire la politique est en contraste frappant avec ces parlementaires du statu quo.
Jochen, Limbourg
Week-end socialisme
Plus de 220 personnes étaient présentes au week-end ‘‘Socialisme 2013’’ à Bruxelles les 13 et 14 avril dernier. Parmi eux, nombre de militants de Belgique et d’ailleurs au bagage politique bien rempli au côté de novices. Tous voguent à travers les étals de brochures et d’ouvrages politiques avant de commencer les discussions.
Par Robin (Liège)
Pas le temps de souffler, le premier meeting ‘‘Les jeunes en lutte pour leur avenir’’ commence à mon arrivée. Au menu, l’austérité en Europe du Sud, les effets catastrophiques des SAC et le sexisme sont exposés en leur accolant une critique féroce et lucide. Mon intérêt va croissant. Le ton est donné. Il y aura encore un meeting le soir sur l’alternative politique large à construire à la gauche du PS et d’Ecolo, et un autre le dimanche pour clôturer l’événement, consacré à la crise européenne et à la lutte internationale pour le socialisme.
Pour moi, le plus gros intérêt du week-end réside cependant dans les commissions (pas moins de 19 différentes sur le week-end !). C’est la structure idéale pour aller plus en profondeur sur une thématique particulière. Ces séances en petits groupes brassent un panel très large de sujets, passant de la pertinence d’une grille d’analyse marxiste aux luttes des cheminots en passant par la menace d’Aube Dorée en Grèce. La frustration m’envahit lorsque je découvre que plusieurs commissions ont lieu en même temps et que je ne peux donc pas assister à tout… Leur principe de ‘‘conférence/débat’’ permet de poser ses questions ou de faire part de son point de vue et de son expérience sur le sujet. Les échanges sont animés et les interventions nombreuses. Mais malgré la difficulté de leur tâche, les traducteurs accomplissent un travail remarquable !
Je me rends vite compte que je me suis pris au jeu et je commence à cerner la véritable richesse d’un tel cycle de formation. Les discussions entre camarades de longue et courte date foisonnent pendant les pauses et je m’immisce dans plusieurs d’entre elles. On parle tantôt avec humour, tantôt avec sérieux de fascisme, de sexisme, d’occupations d’usines, de socialisme démocratique, de révolution permanente et j’en passe… Certains thèmes abordés me touchent au quotidien et d’autres, plus abstraits, me paraissent encore à éclaircir mais je n’hésite pas à poser mes questions. Je ne reprends enfin conscience du temps qui passe qu’une fois le meeting de clôture terminé.
J’étais déjà convaincu par les valeurs, l’analyse et les méthodes de mon organisation ; avec l’expérience acquise ce week-end, je réalise encore plus l’ampleur de la tâche qui nous attend mais, paradoxalement, je la trouve moins insurmontable.
Camp d’été des Etudiants de Gauche Actifs
Réservez déjà vos journées du 4 au 7 juillet ! Le camp des Etudiants de Gauche Actifs fait son retour, l’occasion idéale de tirer le bilan de l’année académique écoulée pour mieux préparer la rentrée. Détente, discussions politiques, barbecue, soleil (on espère…), ambiance conviviale : que demander de plus ?
Au menu, tout un tas de discussions tous ensemble ou en petits groupes sur l’approche des marxistes révolutionnaire par rapport à l’Etat et à la répression, sur la différence entre les réformes et la révolution, sur l’économie marxiste, sur le processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sur la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, sur la situation actuelle au Venezuela, sur la lutte contre l’extrême-droite, l’anti-sexisme et la défense des droits des femmes… En bref, il y aura de quoi discuter et de quoi se former ! Prenez contact dès maintenant pour vous inscrire à infoocialisme.be (le programme complet sera disponible sous peu sur www.socialisme.be.
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Le Chavisme sans Chavez, quelles perspectives ?
Près d’un million de Vénézuéliens ont défilé dans les rues de Caracas le jeudi 7 mars pour saluer l’homme qui était devenu un symbole, celui d’un processus politique qui a montré que l’on pouvait refuser le diktat néolibéral et mener une politique en faveur des plus pauvres. Détesté par la droite pour avoir redonné vie à l’idée que l’Etat avait le droit de contrôler l’économie et d’y intervenir au nom du bien commun, admiré par les masses pour avoir utilisé la rente pétrolière en investissant dans de nombreuses politiques sociales (notamment dans les soins de santé et l’éducation), il restera à jamais dans les mémoires comme une source d’inspiration pour les jeunes et les travailleurs à travers le monde. Comme l’a dit notre camarade Tony Saunois, ‘‘à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.’’
Par Ben (Charleroi), article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
Chavez a remis à l’avant-plan l’idée de construire une société socialiste en tant qu’alternative au chaos capitaliste. Faisons en sorte que cette idée ne disparaisse pas avec lui ! Transformons la douleur du deuil en une nouvelle étape de la lutte de la classe des travailleurs pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger !
Une nouvelle période
Le Venezuela rentre dans une nouvelle phase et il est difficile de dire quel scénario est le plus probable dans la période à venir. A court terme, il semble que Nicolas Maduro, vice-président de Chavez et président par intérim, sera le candidat du PSUV (le Parti socialiste unifié du Venezuela) et sera élu. Le soutien pour les politiques que Chavez a menées est si fort qu’il sera difficile de revenir dessus sans combat. Les travailleurs et les jeunes les plus conscients n’abandonneront pas facilement ce qui a été conquis durant cette dernière décennie.
Mais en face, la droite est à l’affût. Il est vrai que la force des masses vénézuélienne et la grande augmentation du niveau de conscience de classe dans la société a tellement mis à mal le patronat vénézuélien et ses laquais politiques que beaucoup ont cru (et certains le croient encore) qu’ils avaient disparu à jamais. Pourtant, la droite s’est patiemment reconstruite aussi bien électoralement que dans la rue.
Dépendance au pétrole et économie capitaliste
Selon nous, la faute la plus grave que commet le Chavisme, c’est l’insistance à vouloir à tout prix conclure des compromis et des alliances avec la bourgeoisie, ce qui implique de ne pas rompre définitivement avec le capitalisme. En fait, la politique économique du Chavisme est une politique d’accroissement de l’intervention étatique en faisant en sorte de laisser en place une économie capitaliste mixte. L’exploitation est donc toujours bien présente et les capitalistes gardent la majorité du pouvoir économique dans leurs mains. Le projet d’un ‘‘socialisme du 21ème siècle’’ est donc resté à l’état de slogan malgré l’aspect positif des politiques sociales que sont les missions (des programmes sociaux dans les soins de santé, l’enseignement,…).
Un autre danger est l’énorme dépendance du Venezuela vis-à-vis de sa rente pétrolière. Celle-ci menace les politiques sociales qui ont été menées en cas de baisse du prix du pétrole. Signalons d’ailleurs que le budget de la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA réservé aux missions a baissé de 30% ces dernières années.
Boli-bourgoisie et bureaucratie
Un danger important également est l’existence, au sein du mouvement chaviste, de la bureaucratie et de la ‘‘boli- bourgeoisie’’. La boli-bourgeoisie est composée d’une partie de l’ancienne élite qui a compris les possibilités de profit en se ralliant au chavisme, et également d’une couche de ‘’nouveaux riches ‘’ qui s’est construite directement sur ce processus. Cette couche est loin de vouloir construire le socialisme, elle n’aspire qu’à se transformer en nouvelle classe capitaliste.
La bureaucratie, quant à elle, a également des intérêts étrangers à ceux des travailleurs. La bureaucratie a pour objectif propre le maintien et le développement de ses privilèges. Ce n’est possible qu’à travers un jeu d’équilibriste. D’un côté, elle doit empêcher la droite de revenir (la bureaucratie vivant sur le dos du mouvement chaviste) mais de l’autre côté, elle doit empêcher toute forme de démocratie ouvrière, car celle-ci pourrait mettre à mal sa position parasitaire.
L’absence d’une organisation indépendante et consciente de la classe ouvrière constitue donc une grave faiblesse dans la situation au Venezuela. Une telle organisation pourrait faire émerger des organes de démocratie ouvrière et se mettre à la tête du processus révolutionnaire afin de le tirer à sa conclusion victorieuse : la révolution socialiste. Au lieu de cela, le mouvement chaviste est dirigé du haut vers le bas, sans moyen de contrôle réel de la part de la classe ouvrière. Les méthodes bureaucratiques, autoritaires et de plus en plus répressives peuvent alors se développer.
Transformer le soutien à l’idée du socialisme en une réalité concrète
Pour que les acquis du Chavisme survivent, l’unité de la classe des travailleurs et des pauvres est plus que jamais nécessaire. Si les masses ne reprennent pas le processus dans leurs propres mains, on se dirigera vers un démantèlement des acquis du Chavisme, soit par le retour de la droite au pouvoir, soit des mains même de l’aile droite du mouvement chaviste. Il n’est en effet pas possible de maintenir les mesures sociales en place au Venezuela sans rompre définitivement avec le capitalisme.
Mais nous sommes convaincus qu’il existe toujours une chance pour que le processus se radicalise, ouvrant la possibilité de transformer la volonté de socialisme en mesures socialistes véritables. Pour cela, un programme clairement socialiste sera indispensable.
Un programme socialiste
Un bon début de programme à mettre en place pourrait être :
- L’introduction d’un véritable système de contrôle ouvrier, via des comités de délégués élus et révocables, qui contrôleraient la marche quotidienne des entreprises. L’ouverture des livres de comptes de toutes les entreprises – y compris des entreprises nationalisées – afin d’être inspectées par des comités de travailleurs, pour mettre un terme à la corruption et déraciner la bureaucratie.
- Ces comités doivent être reliés au niveau de leur ville, de leur région et au niveau national. Les entreprises d’Etat doivent être gérées sur base d’un système de gestion démocratique ouvrière, les conseils d’administration de telles entreprises devant être composés de représentants élus des travailleurs de l’industrie, des couches plus larges de la classe ouvrière et des pauvres, et d’un gouvernement ouvrier et paysan. tous les cadres doivent être élus et révocables à tout moment, et ne doivent pas recevoir plus que le salaire moyen d’un ouvrier qualifié.
- L’expropriation des banques, des multinationales et des 100 familles les plus riches qui contrôlent toujours l’économie vénézuélienne, et l’introduction d’un plan socialiste démocratique de production.
- La formation d’une fédération syndicale indépendante et démocratique, avec une direction élue, redevable à et contrôlée par la base des membres. La lutte pur un tel programme est maintenant urgente afin d’insuffler un souffle nouveau dans la révolution vénézuélienne et d’empêcher sa stagnation et la menace de la contre-révolution.
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Comment les politiciens et les patrons transforment la réalité
Ce n’est pas la concurrence, mais la solidarité qui crée les richesses
Ce n’est pas la solidarité, mais la concurrence qui appauvrit
Ce dossier traite du fondement-même de la société actuelle ; la production basée sur la concurrence. On nous le rappelle chaque heure, chaque minute, chaque seconde : si nous ne sommes pas concurrentiels, nous allons tous périr ensemble. Des syndicalistes combatifs lanceront une contre-offensive au cours des prochaines semaines et des prochains mois. La concurrence n’est plus depuis longtemps un moteur pour la création de richesses, au contraire. La production actuelle, le développement de la science et de la technique, exigent un autre modèle économique dont la base ne serait plus la concurrence et la compétition, mais la coopération et la solidarité.
Par Eric Byl, dossier par dans l’édition de mars de Lutte Socialiste
L’idéologie dominante
La propagande du patronat, nous la connaissons. Ce sont toujours ces mêmes patrons qui sont interviewés par une élite ‘‘choisie’’ de journalistes neutres dans des médias de masse qu’ils contrôlent eux-mêmes, que ce soit de façon directe ou indirecte.
Ce sont toujours ces mêmes politiciens qui, avec en vue de futurs postes lucratifs dans des conseils d’administrations d’entreprises, viennent répéter les mêmes ‘‘vérités’’. Dans le meilleur des cas, les journalistes sont forcés de se retenir mais, dans leur majorité, ils sont imprégnés de la logique patronale et, très souvent, sollicitent ouvertement une future carrière politique. Leur bas de laine ? Pour survivre, il faut augmenter la compétitivité des entreprises.
Il existe aussi une propagande plus raffinée, plus systématique et par conséquent mortellement efficace. Des publicités, des feuilletons, des films, des magazines, des journaux commerciaux et des quotidiens soutiennent tous, de façon consciente ou inconsciente, l’idée qu’il faut être concurrentiel pour avoir du succès. Même le sport, où une bonne dose de compétition devrait stimuler le développement physique et psychologique de tous, est transformé en un plaidoyer pour une concurrence impitoyable. Le moyen de propagande peut-être le plus efficace d’entre tous est la simple transmission des valeurs et des mœurs dominantes de la société par les parents, les amis, l’école, l’église, etc. C’est ce dont Marx parlait en disant que l’idéologie dominante dans une société est en général celle de la classe dominante.
Le socialisme scientifique
Il ne s’agissait pas simplement d’une intuition que Marx a appliquée par la suite aux sociétés précapitalistes, mais au contraire une loi tendancielle déduite après une étude approfondie de l’histoire humaine telle qu’elle était jusqu’alors connue. D’où l’appellation de socialisme scientifique. C’est tout à fait différent du ‘bon sens’ dont parlent si souvent nos politiciens. Ils ne font que repérer des caractéristiques de leur environnement immédiat pour décréter que ces “découvertes” sont des lois universelles. Quelques exemples ? ‘‘L’homme est naturellement égoïste’’, ‘‘l’exploitation a toujours existé et existera toujours’’, ‘‘l’homme a besoin de la concurrence en tant que stimulant pour produire’’,… Toutes ces ‘‘vérités’’ doivent nous convaincre de fatalisme et nous faire accepter notre sort.
Avec son approche scientifique, Marx a pu non seulement reconnaitre la validité relative d’une loi tendancielle, mais également en voir les limites. Pendant 3 millions d’années (200.000 ans pour l’Homo sapiens), les humains ont vécu en tant que chasseurs-cueilleurs. Il n’y avait ni égoïsme ni exploitation, ils vivaient de façon sociale et solidaire, non pas par générosité, mais simplement puisque les conditions matérielles – vivre de ce qu’offre la nature – ne permettait pas de faire autrement. Ce n’est qu’il y a 10.000 ans, avec la révolution agraire, que l’exploitation est devenue la meilleure forme d’adaptation à son environnement. A la division du travail selon le sexe, les capacités physiques et l’âge s’est ajoutée une division du travail permanente entre activités physiques et spirituelles.
L’espace nous manque ici pour analyser chaque type de société que nous avons connu depuis lors. Mais ce qui les caractérise tous, c’est l’existence d’un monopole de la violence aux mains de l’élite dominante et d’idéologies adaptées pour faire accepter aux sujets qu’ils cèdent une partie de leur travail à cette élite, qu’importe s’il s’agissait d’une caste dominante – dont le pouvoir est basé sur sa place spécifique dans la division de travail, comme avec le mode de production asiatique ou le stalinisme – ou d’une classe dominante qui possède directement les moyens de production telle que les sociétés esclavagistes, féodales, capitalistes ou l’une des nombreuses formes intermédiaires.
Marx est parvenu à la conclusion qu’une société peut tenir tant qu’elle réussit à développer les forces productives. Du moment qu’elle n’en est plus capable, le déclin s’amorce, le moteur de l’histoire – la lutte des classes – se met en marche ou, en cas d’absence de lutte des classes, la société est écrasée par d’autres plus dynamiques. Dans des telles périodes, les contradictions de la société deviennent plus aigües, de plus en plus visibles et de plus en plus insupportables. L’ancienne société ne veut pas encore céder la place, la nouvelle ne peut pas encore casser le carcan de l’ancienne. Cela provoque une crise qui atteint toutes les anciennes institutions, qui s’accrochent toutes désespérément à leurs privilèges et à leur vision idéologique, le dogme libéral de la concurrence dans le cas du capitalisme. C’est ce qui explique que des processus qui prendraient autrement des siècles peuvent soudainement éclater et se dérouler en quelques heures, quelques jours ou quelques années.
une offensive pour annuler l’effet de la manifestation du 21 février
Les syndicalistes venaient à peine de ranger leurs pancartes et de replier leurs calicots que l’offensive patronale reprenait de la vigueur. “La manifestation superflue” écrivait le lendemain le quotidien flamand De Morgen. “Coene s’alarme de la compétitivité morose”, annonçait De Tijd. Le jour d’après De Standaard avertissait: “Sans mesures drastiques, la Belgique s’expose à une amende européenne”. Le message ? ‘N’écoutez pas ces 40.000 syndicalistes bruyants, conservateurs et grisonnants, divisés en interne et isolés de leurs troupes, mais écoutez plutôt des personnalités importantes comme Luc Coene, gouverneur de la Banque Nationale et le Commissaire Européen Oli Rehn, sinon nous allons tous périr.’
C’était comme si ces articles dénonçant que 18 des 100 plus grosses multinationales au monde utilisent la voie belge pour éviter de payer des milliards d’euros d’impôts n’avaient jamais étés publiés. Nous, par contre, nous avons retenu que les 25 sociétés de financement et holdings les plus capitalisés (qui gèrent ensemble 340 milliards d’euros et ont fait en 2011 un profit cumulé de 25 milliards d’euros) ont seulement payé 183 millions d’euros d’impôts, soit à peine 0,7% à peine (1) . Ne parlons pas cette fois-ci d’Arnault et de Depardieu. Mais nous ne pouvons que tirer l’attention sur le fait que les déductions d’impôts des entreprises ont, en 2010, largement dépassé la totalité des impôts de sociétés ! (2) Que disent Oli Rehn ou le rapport de Luc Coene à ce sujet ? Que dalle. Le rapport mentionne juste que “Les impôts sur les bénéfices des sociétés ont fortement progressé pour la troisième année consécutive.” (3)
Une coïncidence est fort bien possible, mais le timing de la publication du rapport annuel de la Banque Nationale arrive très exactement au bon moment pour la droite politique et le patronat. Il se peut que ce soit une coïncidence aussi qu’Oli Rehn s’est senti appelé à consacrer quelques phrases à la Belgique le lendemain de la manifestation, mais nous ne serions pas étonnés d’apprendre que cela lui a été chuchoté.
Dans la presse flamande, ça y va cash. La presse francophone doit être plus prudente. Pourquoi ? En mars de l’an dernier déjà, un sondage d’Ipsos avait dévoilé que 71% de la population Belge voulait réduire les avantages fiscaux des grosses entreprises. (4) Cette majorité se retrouvait dans toutes les régions mais, au sud de la frontière linguistique, elle n’était pas seulement plus large, mais aussi plus explicite et plus manifeste. C’est pourquoi Onkelinx réplique dans Le Soir que les nouvelles propositions de Luc Coene pour une nouvelle réforme de l’index sont une folie. Elle explique le fait qu’elle est déjà en train d’appliquer cela au gouvernement par la pression de la droite.
Sous le titre “Les Belges accusent le coût salarial’’ , La Libre a publié un sondage de Dedicated. Bien que le titre de l’article suggère le contraire, les résultats sont alarmants pour le patronat et ses laquais politiques. Pas moins de 72% des sondés veulent des garanties d’emplois des multinationales en échange des avantages fiscaux. Plus frappant encore : 60% sont favorables à l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit (72% en Wallonie, 66% à Bruxelles et même une majorité de 52% en Flandre). A la question de savoir si les autorités doivent contrer les fermetures par des nationalisations ou des régionalisations, 43% des sondés répondent par l’affirmative, une majorité à Bruxelles (52%) et en Wallonie (53%), mais aussi une minorité significative de 36% en Flandre. (5)
Pas d’investissement
Le mythe selon lequel il est possible de sortir de la crise par l’austérité est sérieusement miné. Nombreux sont ceux qui ne croient plus que de nouvelles concessions sur les conditions de travail et les salaires suffiront à restaurer la compétitivité des entreprises et à relancer l’économie.
De plus en plus de salariés se rendent bien compte que chaque concession de leur part ne conduit qu’à de nouvelles concessions ailleurs. Ainsi, nous sommes tous entrainés dans une spirale négative de casse sociale. Le nombre de dépressions et de maladies psychologiques liées au stress augmente, tout comme le manque de perspective et le sentiment de se sentir traité comme des mouchoirs jetables.
“Nous achèterons une usine à pneus en Chine ou en Inde, nous y payerons un salaire horaire inférieur à un euro et nous exporterons vers la France tous les pneus dont elle a besoin. Vos ouvriers, faites-en ce que vous voulez.” C’est ce que l’investisseur Américain Maurice Taylor a répondu à la demande de négociations sur la reprise du site de Goodyear à Amiens, menacé de fermeture.(6) Ce n’est pas étonnant que beaucoup de gens considèrent l’austérité comme un moyen de l’élite pour accumuler encore plus de richesses. Ils ne croient plus que plus de profits conduiront à plus d’investissements. Selon Trends, l’an dernier, les 30.000 plus grosses entreprises ont payé 40% de leurs profits aux actionnaires. (7) Quant aux entreprises européennes non-financières, elles disposent d’une réserve de cash de 2000 milliards d’euros, mais refusent de les investir.
A en croire Coene, cela s’explique par le manque de confiance, tant des consommateurs (ce qui explique l’arrêt de la consommation) que des producteurs (qui craignent que les investissements ne seront pas suffisamment rentabilisés). N’est-il plutôt pas possible d’imaginer que les richesses ne sont pas réparties équitablement ? En fait, les produits de luxe se portent très bien, alors que la production de masse est partout en surcapacité malgré le besoin manifeste de logements sobres en consommation énergétique, d’écoles, de matériel convenable dans les transports publics, etc.
Un problème de redistribution?
D ans ‘Socialisme utopique et socialisme scientifique’ Friedrich Engels avait déjà accentué le fait que le capitalisme a socialisé la production. Nous sommes de nombreux producteurs à travailler sur un même produit, mais les moyens de production restent privés.
De plus, le travailleur ne reçoit en salaire qu’une partie de son travail, le reste, c’est du profit qui peut être réinvesti ou qui disparait dans les poches des actionnaires. Il y a donc d’office une tendance systématique à la surproduction. Finalement, ceux qui disposent encore d’épargnes ne sont pas tentés de les dépenser alors que rode le spectre du chômage, alors qu’augmentent les coûts des soins de santé, de l’enseignement et des autres services et alors que la retraite légale permet de survivre de plus en plus difficilement. Une nouvelle dose d’austérité n’arrangera rien.
Mais si le problème s’explique entre autres par l’inégalité de la répartition des richesses, n’est-il pas possible de corriger le marché et d’atténuer la concurrence ? Avec un gel des prix par exemple, comme Vande Lanotte l’a fait pour l’énergie ou comme Chavez au Venezuela ? Le gel des prix ne supprime pas la concurrence mais la déplace vers ailleurs, avec la diminution de la masse salariale dans le secteur concerné. De plus, un gel des prix sans nationalisation des entreprises concernées peut très bien, comme au Venezuela, conduire à des étagères vides en conséquence du refus de vendre des investisseurs privés qui peuvent aussi carrément décider de réorienter leurs investissements vers d’autres secteurs. Ne pouvons-nous pas atténuer les effets de la concurrence par un impôt plus important sur les sociétés, par un impôt sur les fortunes comme la CSC le défend ou par une taxe des millionnaires comme nos collègues du PTB le défendent ? Si le PSL avait l’occasion de voter pour ces mesures dans un parlement, nous le ferions certainement, mais pas sans expliquer d’avance les limites et les dangers de ces mesures. Les simples mesurettes de Hollande en France ont entrainé une fuite de capitaux de 53 milliards d’euros en deux mois à peine, en octobre et novembre 2012. De plus importantes mesures feraient sauter de joie les banques internationales dans la perspective d’accueillir une vague de capital en fuite. La population risquerait bien de se retrouver avec une sévère gueule de bois et l’idée que la gauche peut être positive pour le social, mais catastrophique pour l’économie.
Un problème de profitabilité
Dans ‘Misère de la philosophie’, Marx a répondu à Proudhon, qui lui aussi ne voulait pas abolir la concurrence, mais la limiter, “chercher un équilibre” . Marx y appelle la société capitaliste “l’association basée sur la concurrence.” Il démontre “que la concurrence devient toujours plus destructive pour les rapports bourgeois, à mesure qu’elle excite à une création fébrile de nouvelles forces productives, c’est-à-dire des conditions matérielles d’une société [socialiste, NDLA] nouvelle. Sous ce rapport, du moins, le mauvais côté de la concurrence aurait son bon.”
Dans ‘Beginselen van de Marxistische économie’ (les bases de l’économie marxiste, non-traduit en français), Ernest Mandel l’expliquait en disant que les causes principales de la concurrence sont l’indétermination du marché et la propriété privée des moyens de production. C’est ce qui oblige le capitaliste à se mettre à la tête du progrès technologique, afin de ne pas se laisser dépasser par la concurrence. Cela exige de plus en plus de capitaux pour l’achat de machines de plus en plus modernes. Amortir ces machines pèse de plus en plus sur la quantité de profits réalisée par unité de capital investi. Des capitalistes moins riches sont poussés vers des secteurs moins productifs, d’autres partent en faillite et rejoignent les rangs des salariés.
La concurrence conduit donc à la concentration, la formation de monopoles qui entrent en concurrence à un plus haut niveau. La concurrence économique pousse à l’accumulation de quantités de capitaux de plus en plus importantes. Ces capitaux sont soustraits du travail non rémunéré du salarié, la plus- value, d’où la contrainte économique d’augmenter cette dernière de manière permanente. La lutte sur le rapport entre le travail non-rémunéré et le travail rémunéré, entre la plus-value et le salaire (le taux d’exploitation), c’est le contenu élémentaire de la lutte des classes.
La concurrence entre capitalistes entraîne une concurrence entre travailleurs. Avec les syndicats, les travailleurs essayent d’étouffer la concurrence entre travailleurs, en vendant leur force de travail de façon collective et non plus individuelle. Leur organisation collective devient donc un moyen de partiellement compenser la relation de soumission du travailleur face au capitaliste. Ainsi, la politique économique des travailleurs fait face à celle de la bourgeoisie. Le fondement de la politique économique de la bourgeoisie, c’est la concurrence, celui de la politique économique des travailleurs, c’est la solidarité.
Dans les branches de l’industrie les plus développées, la production, la science et la technique ont depuis quelque temps atteint un niveau supérieur aux possibilités des investisseurs privés. Cela a provisoirement pu être surmonté avec la mobilisation de capitaux “dormants” (notamment des fonds de pensions), des subsides publics, des investissements militaires et la commercialisation de l’enseignement et des soins de santé. Mais la mise au point de nouveaux produits exige tellement de recherche et de développement et le capital investi doit être amorti à une échéance tellement courte (afin de ne pas se faire rattraper par des produits encore plus performants) que même ses moyens palliatifs ne suffisent plus. Des découvertes scientifiques essentielles sont cachées à l’aide de brevets afin de se protéger de la concurrence. Du temps, de l’énergie et des moyens précieux sont ainsi gaspillés.
Aujourd’hui, la concurrence provoque la paralysie, fait obstacle au libre échange de savoirs ; ne nous permet pas d’investir les moyens nécessaires à prendre à bras-le-corps les grands défis écologiques, sociaux et économiques ; et condamne des millions de jeunes et d’autres travailleurs à être des spectateurs sans emploi. La concurrence ne détruit pas seulement nos emplois, nos conditions de vies, nos communautés, notre environnement, mais aussi souvent des unités de production performantes que nous pourrions utiliser pour répondre à de nombreux besoins sociaux urgents.
Seule une société basée sur la solidarité, où toutes les banques et toutes les institutions financières seraient réunies en une seule banque sous le contrôle démocratique de la collectivité, pourra suffisamment mobiliser de moyens et les utiliser comme un levier pour une planification démocratique de l’économie en fonction des intérêts de toute la collectivité. Cette solidarité sera évidemment internationale.
Notes
- De Tijd 2 février 2013 page 5
- De Tijd 13 février 2013
- http://www.nbb.be/doc/ts/Publications/ NBBreport/2012/FR/T1/rapport2012_TII. pdf Selon ce rapport, l’impôt des sociétés (plus d’un million de sociétés) représentait 3,2% du PIB en Belgique en 2011. Nous en sommes ainsi quasiment revenus au niveau d’avant la crise. Au total, cela signifie 11,6 milliards d’euros. Nous ne connaissons pas les profits cumulés de toutes les entreprises. Mais grâce à Trends, nous savons que les 30.000 plus grosses sociétés ont réalisé cette année-là un profit net cumulé de 76 milliards d’euros, contre 57 milliards d’euros en 2010 et 63 milliards d’euros en 2009. Cela laisse supposer que le taux réel d’impôt des sociétés ne peut être de plus de 9%, alors que le taux légal est de 33,99%. Les autorités perdent ainsi 30 milliards d’euros de revenus !
- Faire payer les grandes entreprises: le Belge est pour – Le Soir 14 mars 2012
- La Libre – 22 février 2013 page 6 en 7
- Het Nieuwsblad – 21 février 2013
- http://trends.knack.be/economie/nieuws/ bedrijven/trends-top-30-000-nettowinst-van- 76-miljard-euro/article-4000217926367.htm
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Venezuela : Chavez l'emporte face a la droite, mais il faut de réelles politiques socialistes
Ils étaient des milliers à affluer vers Miraflores, le palais présidentiel à Caracas, le dimanche 7 octobre au soir afin de célébrer la victoire d’Hugo Chavez à l’élection présidentielle. Certaines scènes rappelaient fortement la défaite du coup d’État de la droite en 2002, avec des soldats de la garde présidentielle brandissant des drapeaux du haut du toit du palais présidentiel tandis que d’autres soldats rejoignaient les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et tous ceux qui s’étaient rendus au centre-ville pour célébrer la défaite du candidat de la droite, Henrique Capriles.
Tony saunois, Caracas.
La victoire de Chávez, sa cinquième victoire électorale depuis 1998, a infligé une défaite à l’aile droite du Venezuela et est saluée par le Comité pour une Internationale Ouvrière et sa section vénézuélienne, Socialismo Revolucionario, ainsi que par les travailleurs et les véritables socialistes à l’échelle internationale. Une victoire de l’aile droite aurait abouti à une attaque contre la classe ouvrière vénézuélienne, aurait directement signifié de revenir sur le programme de réformes progressistes et aurait initié une politique offensive de la part de la classe dirigeante nationale et internationale destinée à célébrer une nouvelle défaite du ”socialisme”. La participation massive à ces élections (plus de 80% contre 75% en 2006, soit la participation plus élevée depuis des décennies) reflète la polarisation politique et de classe qui continue de se développer dans la société vénézuélienne.
Au moment où plus de 98% des votes avaient été dépouillés, Chávez en avait gagné 8.133.952 (55,25%), contre 6.498.527 (44,14%), pour Capriles, le riche homme d’affaires. Chávez l’a emporté dans pas moins de 20 des 24 États du Venezuela. S’il termine ce mandat de six ans, Chavez sera à la fin au pouvoir depuis deux pleines décennies. Il deviendra alors le Président le plus longtemps en exercice au Venezuela depuis Juan Vicente Gomez (au pouvoir de 1908 à 1935!) Mais au contraire de la dictature de Gomez, Chávez a été élu avec le soutien des masses. Les politiciens capitalistes et les dirigeants des anciens partis ouvriers en Europe et ailleurs doivent regarder avec envie ces victoires électorales successives et la capacité de Chavez à mobiliser des millions de partisans. Aucun autre leader politique de ces dernières élections n’a en effet eu la possibilité d’attirer des millions de personnes lors de ses meetings électoraux ou encore d’être accueilli par des foules si importantes venant célébrer sa victoire.
Le caractère populiste de la campagne de la droite
Cette campagne électorale a été présentée au Venezuela comme étant "historique" et devant déterminer l’avenir du pays au travers d’un choix entre ”deux modèles distincts”. Toutefois, l’argumentation de Chávez au cours de la campagne électorale n’a pas reflété l’existence d’un tel choix et n’a pas défendu un clair programme socialiste destiné à rompre avec le capitalisme. Il n’a pas non plus préconisé cette solution dans son discours face à la foule qui l’acclamait à Miraflores.
La campagne électorale a reflété des aspects importants et de nouvelles caractéristiques de la lutte qui s’est déroulée au Venezuela au cours de ces quatorze dernières années, suite à la première victoire de Chávez.
L’une des caractéristiques les plus importantes de cette élection était le caractère de la campagne de la droite. Les politiques appliquées et les luttes qui se sont déroulées au cours de ces quatorze dernières années ont laissé derrières elles un puissant soutien en faveur de politiques sociales radicales et, dans une certaine mesure, en faveur de l’idée générale de ”socialisme”, maintenant profondément ancrée au sein de la conscience politique populaire.
Compte tenu de la radicalisation de la conscience politique de gauche actuellement dominante dans la société vénézuélienne, Capriles a été contraint de présenter son programme de droite de façon populiste, en masquant son agenda de néolibéral. Cela constitue un changement significatif dans la stratégie de l’aile droite.
La propagande et les discours de Capriles ont tenté de répondre à la détresse des pauvres et promis de défendre l’Etat-providence. Il a fait valoir qu’il ne démantèlerai pas toutes les ”missions” (le programme de réforme mis en place par Chavez en matière de santé et d’éducation). Il a appelé à la défense des syndicats ”indépendants” et a essayé de gagner le soutien des travailleurs du secteur public en promettant de mettre fin à la participation obligatoire à des rassemblements et à des manifestations Pro-Chávez (une source majeure de mécontentement). Capriles a énergiquement sillonné le pays en essayant de se présenter comme une nouvelle figure ”radicale” en opposition à l’ancienne figure "fatiguée" de Chavez afin de gagner le vote des jeunes. Il a d’ailleurs réussi à obtenir un certain succès dans ce domaine.
Le véritable programme de la droite était bien caché au fond de son matériel, avec des plaidoyer pour une moindre intervention de l’Etat et un rôle accru de l’investissement privé dans l’économie. Lors du coup d’Etat manqué de la droite en 2002, Capriles joué un rôle dans l’attaque de l’ambassade cubaine par la droite. Si la droite l’avait remporté dans ces élections, un gouvernement Capriles aurait tenté de faire reculer les programmes de réformes de Chávez et d’introduire plus de mesures néo-libérales.
Ces modifications dans la propagande de la droite sont le reflet de l’équilibre réel des forces politiques à ce stade. Capriles a été contraint de freiner l’extrême-droite. Amplifier les forces de l’extrême-droite ou soutenir explicitement les politiques néo-libérales ne se serait traduit que par une plus grande défaite pour Capriles.
Un sérieux avertissement
Malgré la victoire bienvenue de Chávez, ces élections représentent également un avertissement à partir duquel d’importantes leçons doivent être tirées pour éviter une possible future victoire de la droite. Tandis que le pourcentage de votes en faveur de Chavez a diminué de 7,6% par rapport à la dernière élection en 2006, Capriles a augmenté la part de la droite de 7,2%. Sur base d’une plus grande participation aux élections, Chávez a pu augmenter son score de voix en chiffres absolus de 824.872, mais Capriles a augmenté le vote de la droite de 2.206.061! Cela représente un sérieux avertissement. A l’exception du référendum sur la réforme constitutionnelle de 2007, ce fut le plus faible pourcentage obtenu par Chavez lors d’une élection.
La droite n’a d’accroître son soutien électoral à chaque élection, ce qui reflète une lente mais bien réelle contre-révolution rampante. Mais le soutien aux politiques radicales de gauche reste dominante à ce stade et les masses, y compris certaines sections qui cette fois ont voté pour la droite, sont opposées à toute tentative de revenir à l’ordre ancien qui existait avant Chávez au pouvoir.
Cependant, le fait est qu’il n’y a pas de rupture avec le capitalisme ni de véritable programme socialiste basé sur le contrôle et la gestion démocratique des secteurs clés de l’économie par la classe ouvrière et tous ceux qui sont exploités par le capitalisme. Cette situation permet à la droite d’exploiter le mécontentement et la frustration qui découlent de la détérioration des conditions sociales, de la corruption et de l’inefficacité qui accompagne la croissance de la bureaucratie chaviste ainsi que l’approche bureaucratique de bas en haut du gouvernement.
Le plus grand pourcentage de votes jamais obtenu à ce jour par Chávez a été atteint lors des élections de 2006. A l’époque, Chavez avait pu compter sur un soutien électoral de 62%. De manière significative, cette campagne a également été la plus radicale de Chavez, avec la question du ”socialisme” dominant le débat et véritablement placée au premier plan de la campagne. Cette époque était marquée par le développement révolutionnaire qui a suivi la tentative de coup d’Etat de la droite et le lock-out patronal de 2002-03. Toutefois, depuis cette victoire, plutôt que d’avoir avancé dans la mise en place d’un programme visant à rompre avec le capitalisme et à mettre en place un véritable système de contrôle et de gestion démocratique des travailleurs, le processus révolutionnaire est au point mort et est sur la défensive.
Le gouvernement a de plus en plus collaboré avec la classe dominante et a cherché à parvenir à un accord avec elle, d’où sa politique de ”réconciliation nationale” et les accords passés avec la fédération patronale. Ceci, avec l’émergence de ceux qui se sont enrichis sur le dos du mouvement Chaviste – la ”boli-bourgeoisie” – conduit inévitablement à un mécontentement croissant ainsi qu’à des protestations contre le gouvernement.
Réformes et désespoir dans les quartiers les plus pauvres
La réponse du gouvernement face à la crise économique mondiale du capitalisme qui a débuté en 2007 n’a pas été de faire avancer un programme de rupture avec le capitalisme, mais de se déplacer dans la direction opposée et de chercher à l’apaiser en se déplaçant vers la droite. Depuis, des concessions fiscales accrues ont été données aux multinationales. La compagnie pétrolière nationale PDVSA, qui a financé le programme de réforme des ”missions”, a aussi réduit son budget pour ces dernières de près de 30%.
La répression contre les grévistes de toutes sortes a également été accrue au cours de ces dernières années. Les travailleurs du secteur public sont soumis à la loi de sécurité et de défense de la Nation qui permet l’interdiction des grèves et même de simples protestations dans le secteur public. La police d’Etat dans la ville de Barcelona a ainsi tué deux dirigeants ouvriers à l’usine automobile Mitsubishi. Le gouverneur de cet Etat est un chaviste. Des travailleurs de Toyota ont subi le même sort.
Malgré les populaires politiques de réforme que sont les ”missions”, qui ont aidé des millions de gens pour leur santé ou encore leur enseignement, les conditions sociales dans les ”barrios” (les quartiers) plus pauvres restent catastrophiques et montrent peu de signes d’amélioration. Celles-ci ont été le terreau d’une hausse spectaculaire de la criminalité, de la violence et des enlèvements visant à soutirer de l’argent aux familles des victimes. Le Venezuela possède l’un des taux les plus élevés de meurtre dans le monde : le chiffre officiel du gouvernement fait état de 19.000 décès en 2011. Ce n’est très certainement là qu’une sous-estimation de l’ampleur du phénomène.
Le Venezuela est actuellement l’un des pays les plus violents au monde. Dans un district majoritairement riche près de Caracas, El Hatillo, 70 enlèvements ont eu lieu jusqu’à présent cette année! L’expérience des membres du Comité pour une Internationale Ouvrière est typique. Un membre du CIO vivant dans un ”barrio” est arrivé lors d’une réunion le jour précédent l’élection pour parler de l’assassinat de son beau-frère qui s’était déroulé la veille. Un autre a expliqué qu’on avait tiré sur son propriétaire. D’autres parlent de collègues de travail qui ont été enlevés. Un autre encore a parlé d’un incident lors d’un retrait d’argent auprès d’une banque pour le travail, il a été volé cinq minutes plus tard par des jeunes armés sur une moto, un texto avait été envoyé par un employé de la banque pour les avertir du retrait, l’employé ayant touché une partie du butin par la suite. De telles attaques mettent la vie des pauvres et de la classe moyenne dans un état d’anxiété et de peur quasi permanent.
La situation du logement reste désespérée en particulier dans les quartiers les plus pauvres. Le gouvernement, dans la période qui a précédé l’élection, a lancé un programme de logement de manière précipitées, et il prétend avoir construit plus de 200.000 nouveaux logements. Beaucoup de gens mettent en question ces chiffres. Beaucoup de ceux qui ont vu leurs cabanes emportées par de fortes pluies en 2010 restent dans des refuges. Là, les conditions de vie peuvent être si mauvaises que même des massacres des occupants ont eu lieu par d’autres occupants ou par les cartels de la drogue qui opèrent dans les barrios. Pourtant, ce qui est en cours de construction ce sont en réalités de nouveaux ghettos: des appartements minuscules dans des blocs sans facilités, construits sur n’importe quelle parcelle de terre vide ou expropriée. Une de ces nouvelle construction est isolée avec une seule route pour y aller et en sortir, avec au moins une heure de marche pour parvenir au métro le plus proche.
La corruption, le manque de planification et de contrôle démocratique ainsi que les méthodes techniques de construction inadéquates ont souvent conduit à ce que des fissures apparaissent dans les blocs avant même qu’ils ne soient occupés!
Ces conditions sont le terreau potentiel pour le développement de bandes armées de jeunes poussés aux vols avec violence ou aux enlèvements dans le seul but de survivre. Ils sont aussi un terreau de mécontentement sur lequel la droite peut s’appuyer, ce qui pourrait conduire à la démoralisation et l’apathie envers le gouvernement.
Référence minimale au socialisme
La campagne de Chávez au cours de cette élection était plus à droite que la campagne menée en 2006. C’était alors peu de temps après que Chavez ait proposé le lancement du PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) en tant que ”parti révolutionnaire”. Chávez faisait à ce moment-là référence à Trotsky, à la révolution permanente et au programme de transition. Il parlait de la construction d’une ”cinquième internationale” des ”partis de gauche”. Mais cette fois ci, dans cette élection, rien de tout cela n’était évident. La référence au socialisme était minime, et quasiment inaudible jusqu’à la dernière semaine de la campagne. Le principal slogan de Chavez était ”Chávez au cœur de la patrie”. Il a pris un caractère très nationaliste avec des promesses de développer la ”patrie”. L’élection a été hautement personnalisée dans les deux camps. Alors que les principales avenues de Caracas étaient pleines lors de la manifestation de clôture, il était manifeste que les pancartes mettaient en vedette Chavez et la ”patrie” sans autre contenu politique. Les bannières du PSUV ou des syndicats étaient absentes. Beaucoup de travailleurs portaient des chemises des entreprises pour lesquelles ils travaillaient et, souvent, ils expliquaient qu’ils étaient là parce qu’ils y avaient été ”obligés” par leurs employeurs.
Alors que nombreux sont ceux qui se sont ralliés avec enthousiasme à Chávez comme étant leur seul espoir et par crainte de la droite, certains ont tout simplement été mobilisés autour de slogans pour ”Hugo Chávez et la patrie”, sans autre contenu.
Ces caractéristiques reflètent l’absence d’une force politique indépendante organisée des travailleurs et des pauvres, comme le CIO l’a déjà commenté dans des articles précédents. Ceci, et l’ approche bureaucratique de ha ut en bas du gouvernement, a sérieusement affaibli le mouvement dès sa première période, ce contre quoi le CIO a constamment mis en garde. Cette approche du haut en bas a de nouveau été remarquée durant la campagne électorale. À deux reprises, lorsque Chavez a parlé à des réunions de masse dans le pays, certains scandant "Chávez oui, mais pas…", se référant aux candidats chavistes imposés pour les prochaines élections régionales, en décembre. Chávez a répondu en disant que si les candidats imposés sont rejetés alors ils doivent aussi rejeter Chávez!
L’absence d’un mouvement ouvrier démocratique et indépendant est l’une des plus grandes faiblesses et un des plus grands dangers de la situation présente. Il a déjà permis à l’aile droite de réaliser des gains et des avancées. Si la classe ouvrière, les jeunes et les pauvres ne construisent pas une force indépendante démocratique organisée, la menace de la droite et l’avance de la contre-révolution se développera. Il n’est pas exclu que l’aile droite obtiennent des gains lors des élections régionales du mois de décembre compte tenu des pourritures que sont certains des candidats chavistes.
Malheureusement, suite à sa victoire, le président Chávez, en parlant à ses partisans, n’a donné aucune indication afin de prendre des mesures pour renverser le capitalisme. Il a offert le dialogue à l’opposition. "Nous sommes tous des frères de la patrie”, a-t-il tonné après avoir prié l’opposition d’accepter le résultat. Il a parlé de construire un Venezuela uni. Des deux côtés on a insisté sur ce même point vers la fin de la campagne. Comme à la clôture du scrutin, il y avait un barrage de propagande télévisée des deux côtés appelant à la paix, l’unité et la réconciliation. Chávez, comme Capriles ont appelé au ”calme” et à la ”tranquillité”, évidemment par crainte que la polarisation ne puisse entraîner des affrontements et une sorte d’explosion sociale.
Une ”économie mixte” ou une rupture anticapitaliste ?
Quand Chavez a salué la foule après sa victoire, il a fait deux références au socialisme. Cependant, elles ont été noyées dans les déclarations que sont les "Viva Bolivar! Viva La Patria! Viva Venezuela!" Pendant la campagne, il a fait valoir que le ”socialisme” de l’Union soviétique a échoué et qu’un nouveau type de système est nécessaire au 21ème siècle. Mais ce n’était pas là un rejet de la mascarade de socialisme qu’a constitué l’ancien régime stalinien totalitaire, ce n’était pas une déclaration destinée à favoriser l’instauration d’un programme favorable à la démocratie ouvrière. Les politiques de Chávez illustrent le fait que ce qu’il entend par ce ”nouveau type de système” est une ”économie mixte” combinant le capitalisme avec des interventions de l’État et des réformes. Les réformes que le Comité pour une Internationale Ouvrière ont soutenues sont maintenant repoussées vers l’arrière et démantelées. Elles ne pouvaient être maintenues et renforcées que sur base d’une rupture avec le capitalisme et de l’introduction d’une planification socialiste et démocratique de l’économie.
Capriles est clairement en train d’attendre son heure et a maintenant l’intention de consolider sa base dans l’après campagne électorale. Chávez est préparé à poursuivre ses politiques de conciliation et de travail avec les sections de la classe dominante qui sont prêtes à collaborer avec lui. Une telle politique va de plus en plus pousser son gouvernement a entrer en confrontation avec les travailleurs et les pauvres. Le mécontentement social va augmenter. Il est urgent qu’un mouvement ouvrier socialiste, démocratique et indépendant se construise avec un programme de rupture anticapitaliste. Si cela n’est pas fait, alors, face à la désintégration sociale et à l’aliénation, la menace de la droite ne peut que se développer.
L’approfondissement de la crise économique capitaliste mondiale aura un lourd impact sur le Venezuela. Une baisse significative du prix du pétrole, principal produit d’exportation du Venezuela, d’une valeur de 60 milliards de dollars l’an dernier, peut menacer de saper les politiques de Chávez. On ne peux pas exclure que Chávez pourrait être repoussé vers la gauche et introduire des mesures plus radicales qui empiètent sur le capitalisme. Toutefois, cela est loin d’être certain et elles ne représenteraient pas en elles-même une transformation socialiste. Pour rompre avec le capitalisme et construire une véritable alternative socialiste démocratique, il est encore nécessaire et urgent de construire un mouvement ouvrier socialiste indépendant, démocratique et politiquement conscient.