Tag: Venezuela

  • Paul Murphy. Venezuela: no pasaran!

    Au Parlement européen, Paul Murphy, élu du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en République irlandaise et parti-frère du PSL) a dénoncé l’hypocrisie des protestations de la droite au Venezuela.

  • Venezuela : Analyse des évènements du 12 février

    Par Gabriela Sanchez, Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela)

    Ce 12 février, trois personnes ont été tuées à Caracas (deux partisans de droite et un partisan du gouvernement), tandis que des douzaines d’autres ont été blessées et arrêtées au cours de manifestations qui ont pris place dans tout le Venezuela afin de célébrer la ‘‘Journée de la Jeunesse’’, qui se déroule tous les ans.

    Beaucoup d’images ont émergé ces derniers jours semblant démontrer la responsabilité des agents de la SEBIN (les Services Secrets Bolivariens) dans la mort de ces 3 manifestants. Les rumeurs abondent concernant l’infiltration d’agents provocateurs. Après le 12 février, les manifestations ont été quotidiennes, tant de la part de la droite que de la part du gouvernement. S’il est normal qu’il y ait des défilés séparés des partisans du gouvernement et de l’opposition de droite, la violence générée, essentiellement par l’aile droite réactionnaire, marque pourtant une nouvelle phase cruciale dans le processus bolivarien.

    Maduro a qualifié ces manifestations de coup d’Etat rampant et nombreux sont ceux qui, à gauche, ont comparé ces événements à ceux du coup d’Etat intenté contre Chavez en 2002. Un mandat d’arrêt a été délivré contre Leopoldo Lopez (un dirigeant de la droite réactionnaire impliqué dans le coup d’Etat de 2002). D’un autre côté, l’aile droite a essayé de présenter cette lutte comme un combat pour la ‘‘libération’’ d’une ‘‘dictature’’ responsable de tous les maux du monde dont l’inflation, le crime et la corruption.

    Certains dirigeants de droite ont déclaré que les manifestations étaient des mobilisations ‘‘populaires’’ représentant la majorité des Vénézuéliens. Quelques groupes de gauche ont même dit que ces manifestations sont représentatives du ‘‘mécontentement’’ général et légitime qui existe parmi toutes les couches de la société. L’un de ces groupes a même été jusqu’à appeler à la constitution d’un front uni des diverses couches concernées dans un combat pour un gouvernement des travailleurs, sans prendre en compte le fait que les raisons pour lesquelles se mobilisent chacune des classes sont complètement différentes.

    Ces dernières années, il y a eu des centaines de manifestations, sur les questions du logement, du crime, ou pour l’obtention de contrats de travail collectifs par exemple. Nous avons également connu des occupations d’usine ainsi que des appels lancés par des travailleurs au gouvernement pour nationaliser les usines et en donner le contrôle et la gestion aux travailleurs eux-mêmes. Beaucoup de ces actions ont été rapportées sur notre site et sur ceux du Comité pour une Internationale Ouvrière. Mais ces manifestations et les objectifs visés par les participants de ces mobilisations diffèrent nettement de ceux des évènements du 12 février.

    Parmi la gauche, tant au Venezuela que dans le reste du monde, les avis divergent quant à la position que doivent adopter les révolutionnaires et de la marche à suivre concernant la menace de la droite.

    Un autre coup d’Etat?

    Le 16 février, dans un discours à la nation, Maduro a affirmé que la droite comprend actuellement deux camps, l’un cachant son soutien aux récentes manifestations et essayant de se présenter comme démocratique alors que l’autre soutient ouvertement l’idée d’un coup d’Etat appuyé par les USA contre le gouvernement. Même si aucune illusion ne doit être entretenue concernant le rôle de l’impérialisme américain, d’importantes différences existent entre ce qui se déroule actuellement et ce qu’il s’est produit en 2002, en particulier au sujet de la droite et de ses partisans ainsi que des militaires.

    La droite a mis des années à se regrouper après des années de défaites et l’échec du coup d’Etat et du sabotage économique. Ce n’est qu’en 2012 qu’elle a été capable de ‘‘s’unir’’ pour présenter un candidat commun aux élections présidentielles, Capriles Radonski, contre Chavez. Les dirigeants de droite ont changé de tactique et ont commencé à instrumentaliser les thèmes qui touchent la classe des travailleurs et les pauvres auxquels le gouvernement ne répond pas, comme le logement, le crime et l’aggravation de la situation économique.

    Même si la droite a perdu les élections, elle a tout de même obtenu plus de 6 millions de voix et elle a déclaré qu’elle continuerait à se battre ‘‘démocratiquement’’ pour tous les Vénézuéliens. Les élections présidentielles suivantes, en avril 2013, ont livré un résultat où la différence entre Capriles et Maduro n’était que de 200.000 votes. Ce suffrage a été contesté par la droite et les tactiques employées ont commencé à diverger en son sein. On trouve d’un côté Capriles le ‘‘démocrate’’ et Leopoldo Lopez et Maria Carolina Machado, plus réactionnaires, de l’autre.

    Cette division est devenue plus claire au cours de ces derniers mois et Lopez et Machado ont appelé à participer à différentes manifestations, le pont culminant ayant été atteint le 12 février au cours de cette manifestation appelée ‘‘la Sortie’’ (c’est-à-dire la sortie du régime). Même des partisans de la droite ont écrit dans les journaux que ces méthodes allaient aboutir à une nouvelle chute du soutien pour la droite et qu’il fallait tirer les leçons du coup d’Etat de 2002 et de ses conséquences.

    La droite plus modérée a cherché à se distancier des manifestations menées par un petit groupe d’étudiants ayant visé les bureaux du gouvernement ainsi que des bâtiments et propriétés publics. De manière très ironique, ces étudiants nantis ont choisi de mener leurs actions dans leur propre quartier, en dérangeant ainsi leur propre classe sociale plus que quiconque. Par la suite, nombreux ont été ceux qui ont déclaré qu’il s’agissait de l’œuvre d’agents infiltrés, mais étant donné que ces manifestations ont eu lieu 5 soirs d’affilée, il serait naïf de croire que les ‘‘infiltrés’’ auraient pu continuer à organiser ainsi leurs actions à un tel niveau.

    Mais même les manifestations quotidiennes de centaines d’étudiants sur la place principale d’Altamira (une banlieue de Caracas habitée par la classe moyenne supérieure) n’ont pas bénéficié du soutien de la majorité des habitants. Quant au défilé du dimanche pour la ‘‘paix’’ et la libération d’étudiants emprisonnés, à l’instigation de la droite, si elle a pu attirer des milliers de personnes, le soutien au secteur le plus réactionnaire était très limité, contrairement aux manifestations massives organisées par la droite à la veille du coup d’Etat de 2002. En ce temps-là, une manifestation organisée Place d’Altamira était systématiquement massive.

    Bien entendu, les événements peuvent rapidement changer une situation et nous devons en être conscients. L’arrestation de Lopez et la répression des petites manifestations étudiantes nocturnes peuvent conduire de plus larges couches de la droite à soutenir des mesures plus réactionnaires. De prochaines actions et manifestations de plus grande ampleur sont de l’ordre du possible, mais elles resteront le plus probablement cantonnées aux mêmes quartiers déjà gouvernés par la droite.

    L’autre différence majeure avec le coup d’Etat de 2002 est le rôle joué par les militaires. En 2002, la droite bénéficiait encore du soutien d’une partie de l’armée mais, depuis lors, le chavisme a consolidé son soutien de diverses manières. En ce moment, l’armée soutient le gouvernement dans sa grande majorité et il est probable qu’aucune défection ne soit tolérée au sein des forces armées.

    Manifestation, mécontentement et classe sociale

    Ce n’est pas un secret, le mécontentement est important au sein de la société vénézuélienne au sujet de bon nombre de questions parmi lesquelles l’économie, le crime et le logement pour ne citer que celles-là. Nous trouvons cette colère on ne peut plus légitime, mais il existe une différence très marquée entre la manière dont ces sujets sont perçus par les différentes classes sociales dans la société ainsi qu’entre leurs revendications. L’impact de la crise économique que vit le pays, par exemple, a un énorme impact sur la classe des travailleurs et les pauvres, bien plus que sur la classe moyenne et la bourgeoisie.

    Comme en tout temps de crise capitaliste, la classe ouvrière et les pauvres sont les plus touchés. Aujourd’hui, la majorité des Vénézuéliens lutte pour être capable de joindre les deux bouts. Le salaire minimum mensuel, même s’il augmente chaque année, n’est toujours pas à hauteur du taux d’inflation (officiellement de 56% en 2013 contre une augmentation du salaire minimum de 45%). Cette inflation affecte tout, du papier toilette aux uniformes scolaires, et est en réalité beaucoup plus élevée concernant les biens de première nécessité et la nourriture, qui ne sont pas régulés par l’Etat, qui régule à peu près tout sauf les produits de base.

    Même si les réformes impulsées par en-bas sous Chavez ont été progressistes et ont conduit à une gigantesque chute de la pauvreté dans le pays, le chavisme a échoué à rompre avec le capitalisme. Les réformes sont donc très vulnérables, en particulier dans un pays reposant presqu’uniquement sur l’exportation de pétrole. Les effets de la crise mondiale se sont durement faits ressentir lorsque le cours du pétrole a plongé de 50%. Nous avons alors assisté à des coupes budgétaires dans le financement de plusieurs réformes qui avaient été acquises de haute lutte. Il est évident que les coupes budgétaires dans les missions sociales et la santé ont plus gravement frappé les plus pauvres. Aujourd’hui, ces derniers font la queue dès l’aurore, jour après jour, pour avoir accès aux soins de santé gratuits alors que, dans les quartiers riches de la capitale, un service vétérinaire itinérant gratuit va soigner les animaux domestiques des riches grâce au financement du gouvernement, ancré à droite.

    Les étudiants pauvres n’ont la plupart du temps pas assez de professeurs pour leur donner cours dans toutes les matières et les places manquent dans les universités publiques. Ce sont les adolescentes des barrios et des régions rurales qui ont le plus de probabilité de tomber enceintes et donc de laisser tomber l’école : le Venezuela a le plus fort taux d’adolescentes enceintes en Amérique Latine. Elles ont aussi le plus de chances de vivre dans des logements insalubres.

    La classe ouvrière et les pauvres constituent la majorité des Vénézuéliens et, malgré un important déclin du soutien au gouvernement, cette majorité sait qu’un retour de la droite ne va pas améliorer leur situation.

    Le processus bolivarien a laissé ses traces, et la classe des travailleurs est bien consciente qu’un retour de la droite ne changera rien à toutes ces questions. Beaucoup de gens sont bien conscients que ce qu’il faut, c’est une réelle révolution. Même si la définition de ce que représentent le socialisme et la révolution reste confuse parmi les masses, ces aspirations restent profondément présentes. Ce qu’il manque, c’est une organisation capable de les développer en revendications.

    Les couches les plus avancées de la classe ouvrière protestent avec raison contre la bureaucratie, la corruption, les éléments contre-révolutionnaires au sein du gouvernement ainsi que contre la répression des grèves et des droits des travailleurs entre autres contradictions inhérentes au chavisme. Même si les revendications spécifiques peuvent varier en fonction du lieu de travail et du degré de combativité, la plupart des travailleurs s’accorderaient avec la revendication du contrôle ouvrier et de la gestion ouvrière, avec la construction d’une réelle représentation de la classe des travailleurs ainsi qu’avec la défense des droits syndicaux, du droit de s’organiser et de faire grève. La minorité qui a manifesté ces dernières semaines ne partage très clairement pas ces revendications, elle ne partage pas les mêmes intérêts, elle ne fait pas face aux même difficultés quotidiennes.

    Les images d’étudiants manifestant et de nombre de leurs actions pourraient facilement être prises pour des images de jeunes en Grèce, en Espagne et dans beaucoup de pays qui luttent contre la féroce austérité capitaliste. Mais les étudiants au Venezuela ne subissent pas un chômage de 60%, ne connaissent pas de gigantesques coupes budgétaires dans l’enseignement et ne sont pas confrontés une vie misérable. Ces étudiants font partie des privilégiés de la société vénézuélienne. Ils étudient dans les meilleures écoles et universités privées, conduisent des voitures ou des motos de luxe et, pas toujours mais très souvent, ont la possibilité de partir en vacances à l’étranger.

    Le Venezuela est l’un des pays les plus violents au monde et la droite a raison de dire qu’il faut s’y attaquer. Les travailleurs le disent eux aussi. Mais aborder la question de la criminalité nécessite de se confronter aux inégalités inhérentes au capitalisme. La criminalité ne sera pas résolue sous un gouvernement de droite qui refusera de s’en prendre aux racines du mal.

    Aucune forme de coup d’État ne sera soutenue par la majorité des Vénézuéliens ni ne sera tolérée par eux. La menace de la droite fera descendre les pauvres et la classe des travailleurs dans la rue pour soutenir le gouvernement s’il n’existe aucune autre alternative. Pour les révolutionnaires, la question-clé est de savoir comment intervenir pour mettre en avant un programme combatif orienté vers le socialisme, sans laisser se laisser emporter par un soutien sans critique au chavisme ou par des revendications de paix entre les classes, une idée vide de sens.

    Les rassemblements pour la paix

    La droite tout comme le gouvernement ont manifesté pour ‘‘la paix’’ après les événements du 12 février. Maduro a publiquement invité Capriles à le rencontrer pour parler des manifestations et pour trouver ensemble une issue à la crise. Cette approche basée sur une réconciliation avec la droite n’est pas une nouveauté pour le chavisme.
    A la suite des tumultueux événements de 2002, Chavez avait appelé la population à rentrer chez elle. Plutôt que d’appeler à la constitution de comités sous l’impulsion des travailleurs et des autres couches de la société pour enquêter sur le coup d’Etat, il a déclaré que tous les Vénézuéliens avaient besoin de travailler ensemble et d’oublier ! Les événements qui ont suivi le coup et la pression de la base ont poussé le chavisme à se radicaliser en différents moments, mais des tentatives de lier alliance avec des couches de la bourgeoisie on systématiquement été faites.
    L’élection de Maduro en avril dernier n’a pas donné lieu à des meetings de masse des travailleurs et des pauvres afin de discuter de la manière d’organiser le changement de société. Maduro a par contre convoqué une réunion avec le chef de la famille Mendoza, une des familles les plus riches et puissantes du pays. En résumé, l’entreprise familiale Polar a reçu l’assurance de pouvoir continuer à s’enrichir sans entraves du gouvernement, sa production et l’importation de nourriture qui s’effectue par son intermédiaire recevant même l’aide du gouvernement. Polar a également reçu la gestion de diverses grandes usines précédemment expropriées.

    Les rassemblements ‘‘pour la paix’’ sont des moyens pour le gouvernement de chercher du soutien parmi toutes les couches de la société et d’éviter d’être poussé à des actions plus radicales. A certains moments, comme nous l’avons déjà vu au cours du processus bolivarien, le gouvernement va réagir à la pression par en-bas. Cette pression n’a cependant pas encore permis la nationalisation de l’économie dans son ensemble, le secteur bancaire par exemple, et encore moins l’implantation d’une économie planifiée.

    Quelles perspectives ?

    Les perspectives sont aujourd’hui très ouvertes. La situation actuelle est en mouvement et la façon dont les choses vont se jouer dépend de nombreux facteurs. La répression d’Etat contre les manifestations pourrait conduire à une augmentation du soutien de l’aile droite et à un sentiment plus favorable pour des actions radicales de sa part. Au lendemain du 12 février, Maduro a déclaré que toute manifestation qui n’avait pas reçu d’autorisation était illégale et que l’Etat s’en occuperait. Nous devons nous opposer à toute mesure du gouvernement pour restreindre le droit à manifester, car ces mesures peuvent être utilisées contre les travailleurs et les pauvres, ce qui a d’ailleurs déjà été le cas.

    Le retour de la droite serait une défaite pour les socialistes du monde entier. Ce dont nous avons besoin pour y faire barrage, c’est d’un mouvement de masse de la classe des travailleurs et des pauvres, unis sous un programme de lutte pour le socialisme. Un tel mouvement peut gagner à sa cause une partie de la classe moyenne, qui joue aussi un rôle historiquement important dans la révolution.

    Un appel à un front uni de la gauche comme première étape en cette direction ne pourrait pas être plus approprié qu’aujourd’hui. Un front de gauche lierait ensemble les revendications des travailleurs et des pauvres et devrait, par la discussion et le débat démocratique au niveau national, développer un programme destiné à aboutir à changement révolutionnaire de société.

    Un tel programme devrait se baser sur la rupture avec le système capitaliste et pour une économie démocratiquement planifiée, avec la nationalisation totale du secteur bancaire et des secteurs-clés de l’économie, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Le pouvoir devrait être donné aux conseils locaux et au peuple organisé en leur sein, avec l’élection de dirigeants élus, révocables à tous moments et ne bénéficiant d’aucun privilège, avec notamment un salaire équivalent à celui d’un travailleur qualifié.

  • Venezuela: la crise s’intensifie

    L’économie du Venezuela fait face à une inflation et une spéculation hors de contrôle ainsi qu’à d’importantes pénuries de nourriture. En même temps, les forces capitalistes gagnent en audace à cause des divisions croissantes au sein du gouvernement. Le vide à la tête du gouvernement vénézuélien depuis la mort d’Hugo Chávez, associé à l’intensification de la crise économique globale et aux limites des réformes gouvernementales, a contribué à exposer les faiblesses et les contradictions de la fameuse ”révolution bolivarienne”. Cela marque une nouvelle étape dans le développement de la lutte des classes.

    Johan Rivas, Socialismo Revolucionario (CIO-Venezuela)

    Dans le même temps, l’absence d’une organisation conscientisée de la classe ouvrière et des pauvres, opposée au capitalisme, à la corruption et à la bureaucratisation, a permis aux forces de droite de lancer une nouvelle offensive politique et économique dans le but de reprendre le flambeau.

    Depuis la mort de Chávez au mois de mars, les contradictions du chavisme se sont accentuées, ce qui a conduit à des clivages et à des divisions entre les secteurs civil et militaire pour le contrôle du PSUV (Partido Socialista Unido de Venezuela) au pouvoir et du gouvernement. Cela a conduit à une crise politique du PSUV, qui se reflète dans le choix des candidats pour les élections municipales qui auront lieu le 8 décembre.

    L’imposition de candidats par la direction du parti sans prendre en considération la base et les représentants des communautés a provoqué des fissures. Dans certaines régions, des membres en colère de la base du PSUV, qui se réclament du ”chavisme rebelle”, ont présenté des candidats indépendants sans consulter la direction du parti. Diosdado Cabello, vice-président du PSUV et président du parlement, a qualifié ceux qui ne ”respectent pas” les décisions du parti de traîtres et de contre-révolutionnaires, ajoutant qu’aucun candidat non-membre du PSUV ne pourrait être digne de l’héritage de Chávez.

    Dans un contexte qualifié de ”sabotage” et de ”guerre économique” par le gouvernement, la bourgeoisie est accusée de conspiration, alors qu’en même temps, le gouvernement tente de former des alliances avec des capitalistes qu’il qualifie de ”nationaux” et de ”démocratiques”.

    Le successeur de Chávez, Nicolás Maduro, n’a pas appelé à un rassemblement des travailleurs, des pauvres et des mouvements sociaux afin de développer un plan politique révolutionnaire pour affronter le capitalisme (et la violence des casseurs réactionnaires qu’il encourage) après son élection le 14 avril. Au lieu de cela, il a rencontré de grands patrons et des représentants de la bourgeoisie, dont la famille Mendoza, propriétaire de l’entreprise d’alimentation et de boissons POLAR, le plus gros monopole du pays. Le gouvernement leur a offert de grosses concessions pour qu’ils puissent promouvoir leurs affaires, notamment en les autorisant à ignorer d’importantes obligations concernant les droits des travailleurs et en leur octroyant des conditions de financement plus favorables, avec comme résultat une forte hausse du prix des aliments de base et une dévaluation de la monnaie nationale de 46%.

    Les patrons ne se sont pas montrés satisfaits et font maintenant pression pour plus de flexibilité sur le marché des changes et pour une dévaluation accélérée, ce que le gouvernement envisage. En même temps, ils exigent un affaiblissement du droit du travail, qui représente 20 à 30% du coût de la production. Selon les patrons, les droits des travailleurs sont l’un des facteurs derrière les pénuries dans l’économie.

    Inflation et spéculation

    Malheureusement, les principaux porte-paroles des fédérations syndicales comme la CBST (Central Bolivariana Socialista de Trabajadores) et l’UNETE (Unión Nacional de Trabajadores de Venezuela) ont aussi déclaré que l’absentéisme des employés est un facteur du déclin de la production. Ils ”modèrent” cependant leurs propos en disant que les travailleurs ont besoin de davantage de stimulation pour contribuer davantage au travail de leur entreprise.

    Bien sûr, il y a d’autres raisons à la baisse de la production. Par exemple, dans la région de Cordero dans l’Etat de Lara, l’entreprise de poulet SOUTO a fait banqueroute et a été fermée de manière frauduleuse, un coup orchestré par ses propriétaires. Puis, en août, l’entreprise toute entière et ses nombreuses usines ont fermé, ce qui a contribué à la pénurie d’aujourd’hui. Les travailleurs de SOUTO ont organisé une résistance héroïque pendant plusieurs mois, exigeant la nationalisation des usines sous contrôle des travailleurs et de la communauté. La réaction du gouvernement a été d’augmenter les importations de nourriture, y compris de poulet. Il existe bien d’autres exemples.

    La bureaucratie syndicale semble préférer s’allier de manière opportuniste à l’opposition au gouvernement plutôt que de lutter pour une action unie pour la défense des droits des travailleurs et une alternative révolutionnaire à la droitisation du gouvernement et au sabotage orchestré par la droite.

    Les mesures du gouvernement empirent la situation économique. La rareté des denrées atteint des niveaux historiques, généralement 20%, mais parfois 50% et même 100% pour certains produits comme le lait, le poulet, l’huile,… Les tentatives des bureaucrates de contrôler les prix ont échoué et les patrons continuent à spéculer. L’inflation atteint en moyenne 40%, et s’élève à 70% en ce qui concerne la nourriture. Les prix élevés du pétrole dans le monde, qui ont dépassé les 100$ depuis des années, n’ont pas suffi à permettre au gouvernement de maintenir ses politiques sociales, qui sont de plus en plus sapées au profit des concessions accordées à certains patrons (qui tentent malgré tout de faire tomber le gouvernement).

    Le gouvernement connaît une sérieuse crise de liquidités, principalement causée par des problèmes de production dans l’entreprise pétrolière nationale PDVA et à la CVG (secteur national du métal et des mines), qui représentent 97% du PIB. Phénomène accru par les fuites massives de capitaux causes par les capitalistes et les mafias.

    Malgré des recettes de 900 milliards de dollars ces 14 dernières années, le gouvernement est dans un déficit profond qui ne fait qu’empirer. La Chine est devenue son principal créancier. Mais le régime chinois s’inquiète de l’instabilité du Venezuela et de ses demandes constantes pour plus de crédit. Maduro s’est ainsi rendu en Chine au mois d’octobre pour demander un allongement de crédit. Le régime chinois investit dans la technologie, la construction, les télécommunications et l’automobile, en plus de chercher à s’approprier d’énormes espaces cultivables. Cela peut sembler paradoxal pour un pays qui connaît une énorme pénurie alimentaire.

    Il s’agit d’une politique très risquée. Malgré sa croissance record des dernières années, la Chine n’est pas immunisée à la crise du capitalisme. Le ralentissement de son économie et l’effondrement économique du Venezuela, combinés à une chute généralisée des prix du pétrole, mettraient le pays dans une situation critique. Cela élèverait aussi l’intensité de la lutte des classes.

    Sous prétexte de combattre la corruption et la fuite de capitaux, le gouvernement s’en prend aux gens ordinaires qui, pour une raison ou une autre, souvent pour cause de nécessité absolue, se retrouvent enrôlés dans des réseaux criminels qui achètent de la monnaie étrangère à bas prix et la revendent à des prix bien plus élevés sur le marché noir. Les dirigeants de ces réseaux s’en sortent pour la plupart sans problèmes.

    La domination du marché noir des devises étrangle l’économie, avec une spéculation massive sur les prix. Par exemple, les prix des vols en avion ont augmenté de 400%. Les appareils électroniques et les téléphones qui coûtent généralement entre 100 et 500$ à l’étranger coûtent entre 1000 et 5000$ au Venezuela ! Le gouvernement a pris de nouvelles mesures via l’agence nationale de contrôle des devises, la DADIVI, pour limiter la quantité de devises étrangères auxquelles les Vénézuéliens peuvent avoir accès à l’étranger. Mais cela ne représente que le sommet de l’iceberg, environ 10% des fuites de capitaux seulement.

    Inégalités croissantes

    Rien que l’année dernière, 23 milliards de dollars ont été donnés au secteur privé pour compenser les ”coûts de l’importation”. Cet argent a disparu dans des entreprises fantômes créées pour faciliter la corruption, avec l’implication d’éléments de la bureaucratie d’Etat. Le gouvernement tente d’éviter ce sujet qui a provoqué le mécontentement parmi la base des chavistes, qui s’est mise à se demander si la croisade contre la corruption était vraiment sérieuse. Le gouvernement tente de cacher le fait que la bureaucratie décide de tout sans réelle participation des travailleurs, et que les taux élevés de corruption au sein de l’Etat ont provoqué et encouragé cette crise.

    Ces 14 dernières années, le gouvernement a gardé intactes les principales forteresses économiques des capitalistes, qui continuent à maintenir et à augmenter leurs profits. 70% du PIB reste concentré entre les mains de 1% de la population. L’année dernière, 97% des revenus des banques du pays venaient de la PDVSA. Les 1% les plus riches contribuent donc à moins de 3% ! 60% de cet argent a été dépensé en importations, en majorité de nourriture et de biens manufacturés, en grande partie à destination du secteur privé. La classe parasite bénéficie donc de la plus grande partie de l’argent du pétrole et du PIB.

    L’ALEM (Association Sud-Américaine des Economistes Marxistes) estime qu’au Venezuela, il y a 423 « unités » de production agricole. 2% d’entre elles possèdent 17 millions d’hectares, 55% des terres. Depuis 1999, l’Etat a augmenté les vides juridiques pour les grandes entreprises. Les multinationales basées à l’étranger ne paient aucune taxe sur la production vénézuélienne, juste celles de leur pays « d’origine ». Cette nouvelle législation a été dénoncée par Luis Brito Garcia, membre de gauche bien connu du Conseil Fédéral. Il dit que l’Etat a perdu 17 milliards de $ en taxes depuis 2009 à cause de cette législation. Cette réduction de taxe doit clairement être abolie, tout comme les taxes injustes telles que la TVA.

    Malgré le fait que la radicalisation des masses a poussé Chávez à nationaliser des entreprises et à exproprier de grands propriétaires terriens, faisant ainsi trembler le capitalisme et l’impérialisme, ces mêmes capitalistes ont maintenu et même augmenté leurs bénéfices sous Chávez et Maduro. Par exemple, le secteur banquier et financier privé continue à battre des records de profits, même en période de récession.

    De plus, malgré des conflits diplomatiques et des tentatives de nouvelles alliances avec la Russie et la Chine, l’économie vénézuélienne reste très dépendante des Etats-Unis, qui restent son principal partenaire dans des secteurs-clés. Le Département d’Etat des Etats-Unis a ainsi résumé la situation : ”Les tensions diplomatiques entre le gouvernement du Venezuela et l’administration des Etats-Unis n’affectent pas et n’ont rien à voir avec les relations commerciales fructueuses entre les deux pays.”

    Les victoires du passé menacées

    La classe ouvrière fait face à de nombreux défis majeurs au Venezuela, et pas qu’à celui de remplacer le poids politique de Chávez. Le défi principal est de continuer avec le processus qui a posé la question d’une révolution socialiste pour mettre fin à la pauvreté dans l’esprit de larges couches des travailleurs et des pauvres.

    Cependant, l’absence d’une organisation de la base des travailleurs et des pauvres, prête à jouer un rôle-clé, fait que le processus restera faible et limité à des réformes démocratiques et populistes dans le cadre du capitalisme. C’est le facteur principal qui explique comment un processus qui est devenu une référence si forte pour ceux en lutte contre le capitalisme à travers le monde a été incapable de se défaire définitivement du système.

    La crise politique et économique actuelle menace non seulement d’en finir avec les acquis de la révolution, mais augure aussi une défaite politique. Cela pourrait être utilisé par la classe dominante, comme c’est déjà en partie le cas, pour argumenter que le « socialisme » a échoué, qu’il s’agit d’un modèle obsolète et que l’on ne peut que chercher à réformer le capitalisme et à atteindre la paix sociale entre les classes. Rien ne pourrait être plus faux, au vu de la réalité dans laquelle nous vivons à l’échelle globale.

    Le gouvernement a parlé de sabotage et de guerre économique contre lui durant toute la période actuelle. Il l’a répété à l’occasion de la 40ème commémoration du coup d’Etat militaire contre Salvador Allende au Chili en 1973. Il a tenté de faire une référence historique de manière mécanique pour convaincre le peuple que la situation actuelle n’a rien à voir avec ses échecs politiques mais ne représente qu’une autre tentative du capitalisme et de l’impérialisme d’en finir avec la révolution. Il s’agit clairement de manipulation visant à dissimuler le fait que le gouvernement s’est engagé dans une politique de conciliation de classe, trahissant les aspirations des travailleurs qui ont soutenu Chávez et l’idée d’une révolution socialiste.

    Le rôle de l’armée

    L’échec de la politique économique du gouvernement et ses affaires avec les capitalistes ont fait trembler sa base sociale. Les élections du 14 avril ont montré que le chavisme a perdu 2 millions de votes en moins de 5 mois. Il y a un mécontentement croissant parmi la base du chavisme et les travailleurs qui, malgré la confusion et le manque de direction politique, conserve ses aspirations révolutionnaires et de changement de régime. Cela rend impossible pour l’aile droite et la bureaucratie chaviste de contrôler la situation à 100% ou de prévenir une nouvelle explosion révolutionnaire.

    Dans une telle situation, l’armée joue souvent un rôle d’arbitre et intervient pour préserver la stabilité du système. Cependant, il s’agit aussi d’un sujet complexe et il existe de nombreuses contradictions politiques au sein même de l’armée. Au Venezuela, certains éléments de l’armée sont d’origine prolétaire, contrairement à de nombreux autres pays de la région, et Chávez avait introduit l’idée du socialisme parmi les troupes, avec cependant une vision nationaliste.

    Même si ces idées socialistes sont abstraites et confuses, elles ouvrent la possibilité de divisions et de confrontations au sein des forces armées. Malgré tout, la majorité des militaires sont décidés à protéger le système, et ils pourraient jouer un rôle-clé.

    Maduro a aussi exercé plus de pouvoir sur l’armé, bien plus que Chávez. De nombreux départements-clés de l’Etat sont dirigés directement ou non par des personnalités militaires, dans le but de pacifier une partie du mécontentement qui s’élève dans l’armée. Le gouvernement a annoncé des augmentations de salaires pour le personnel militaire, et de nouveaux crédits pour acheter des armes et de l’équipement et financer des réparations. Rien de nouveau ; Chávez avait adopté une approche similaire. La différence, c’est que Chávez avait suffisamment de charisme et d’autorité pour être capable d’équilibrer la balance entre l’armée et les secteurs civils. Il profitait aussi d’une meilleure situation économique.

    Les contradictions croissantes au sein du chavisme, la crise politique et économique, et l’intensification des divisions parmi les partis qui soutiennent le gouvernement, particulièrement le PSUV, ouvrent la voie à une réorganisation de la gauche et de la base qui lutte pour une radicalisation et un approfondissement de la révolution bolivarienne.

    Dans la prochaine période, nous assisterons à une montée des conflits sociaux, comme c’est déjà le cas pour les travailleurs du métal de SIDOR et pour d’autres travailleurs. La nécessité d’une direction bâtie sur les luttes des travailleurs et des pauvres reste un facteur décisif. Cela représente le principal défi pour la gauche révolutionnaire.

    D’un autre côté, vu la balance actuelle des forces, il ne serait pas surprenant que la bourgeoisie reprenne tout le pouvoir, soit via une alliance de droite, MUD (Mesa de Unidad Democratica), ou à travers une contre-révolution au sein du chavisme même. Cependant, ce serait une erreur de tirer des conclusions défaitistes, car les contradictions du capitalisme au Venezuela atteignent leurs limites.

    A l’échelle mondiale, la crise du capitalisme se poursuit. Le changement ne viendra pas tout seul, mais, dans le contexte d’une nouvelle période de la lutte des classes, tout gouvernement qui opère sur une base capitaliste connaîtra la possibilité d’explosions révolutionnaires des travailleurs et des pauvres.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprend donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


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    A noter dans votre agenda

    • Sa. 27 avril. Meeting de la gauche à Charleroi
    • 1er mai: participation aux activités de premier mai
    • 16 mai : Gand. Débat consacré aux Sanctions Administratives Communales entre le bourgmestre Termont et la campagne anti-SAC TegenGas.
    • 18 mai : Anvers. Commémorations : ‘‘4 ans après la fin sanglante de la guerre civile au Sri Lanka’’.
    • 4-7 juillet. Camp d’été des Etudiants de Gauche Actifs.
    • 21-26 juillet : Ecole d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière

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    Pourquoi j’ai rejoint le PSL

    Je n’ai jamais été intéressée par la politique auparavant, jusqu’à ce que j’entame mes études d’assistante sociale cette année. Mais j’avais toujours été sensible aux injustices. Je suis dégoutée des médias, des salaires des grands patrons, de ce système qui renforce l’exclusion et qui nous divise. Je suis fatiguée des discours racistes, etc. Comme le dit Keny Arkana, je crois que je n’en peux plus d’ « être née dans un monde où la vie est moins importante que l’économie ».

    J’ai cherché à voir plus loin, à analyser davantage les choses et j’ai entendu parler d’EGA (Étudiants de Gauche Actifs). Il m’a fallu un certain temps avant d’oser me rendre à une réunion. J’étais effrayée à l’idée de ne pas être à la hauteur étant donné mon manque d’information en la matière. J’ai finalement osé participer à l’une de leurs réunions… puis à une seconde et… à une troisième. La vérité c’est que j’ai très vite adhéré au parti parce que j’y apprends toujours plus à chaque réunion, parce que j’y affine mon opinion politique, et parce que la satisfaction d’essayer de changer les choses et de faire bouger les mentalités vaut tous les sentiments du monde.

    Le PSL m’a permis de mieux comprendre la politique en général et le système capitaliste dans lequel nous vivons. Il me permet d’acquérir une formation politique de qualité et de faire des liens entre ce que j’apprends et ce que je vois et entends dans les médias ou dans ma vie quotidienne.

    A tous les lecteurs de ce journal qui ne sont pas encore investis dans la lutte ; à tous ceux qui étouffent à l’étroit dans un système qui nous manipule : révoltez-vous et unissons-nous dans la lutte !

    Marie, étudiante, Liège.

    Si vous êtes à la recherche d’un monde meilleur, venez au Comité pour une Internationale Ouvrière et à sa section belge, le PSL ! Les discussions et réunions politiques intéressantes m’ont attiré, mais les manifestations et les visites au piquet de grève de Ford m’ont mis en contact avec les véritables lieux où les problèmes sociaux et économiques sont discutés et contestés. Cette manière de faire la politique est en contraste frappant avec ces parlementaires du statu quo.

    Jochen, Limbourg


    Week-end socialisme

    Plus de 220 personnes étaient présentes au week-end ‘‘Socialisme 2013’’ à Bruxelles les 13 et 14 avril dernier. Parmi eux, nombre de militants de Belgique et d’ailleurs au bagage politique bien rempli au côté de novices. Tous voguent à travers les étals de brochures et d’ouvrages politiques avant de commencer les discussions.

    Par Robin (Liège)

    Pas le temps de souffler, le premier meeting ‘‘Les jeunes en lutte pour leur avenir’’ commence à mon arrivée. Au menu, l’austérité en Europe du Sud, les effets catastrophiques des SAC et le sexisme sont exposés en leur accolant une critique féroce et lucide. Mon intérêt va croissant. Le ton est donné. Il y aura encore un meeting le soir sur l’alternative politique large à construire à la gauche du PS et d’Ecolo, et un autre le dimanche pour clôturer l’événement, consacré à la crise européenne et à la lutte internationale pour le socialisme.

    Pour moi, le plus gros intérêt du week-end réside cependant dans les commissions (pas moins de 19 différentes sur le week-end !). C’est la structure idéale pour aller plus en profondeur sur une thématique particulière. Ces séances en petits groupes brassent un panel très large de sujets, passant de la pertinence d’une grille d’analyse marxiste aux luttes des cheminots en passant par la menace d’Aube Dorée en Grèce. La frustration m’envahit lorsque je découvre que plusieurs commissions ont lieu en même temps et que je ne peux donc pas assister à tout… Leur principe de ‘‘conférence/débat’’ permet de poser ses questions ou de faire part de son point de vue et de son expérience sur le sujet. Les échanges sont animés et les interventions nombreuses. Mais malgré la difficulté de leur tâche, les traducteurs accomplissent un travail remarquable !

    Je me rends vite compte que je me suis pris au jeu et je commence à cerner la véritable richesse d’un tel cycle de formation. Les discussions entre camarades de longue et courte date foisonnent pendant les pauses et je m’immisce dans plusieurs d’entre elles. On parle tantôt avec humour, tantôt avec sérieux de fascisme, de sexisme, d’occupations d’usines, de socialisme démocratique, de révolution permanente et j’en passe… Certains thèmes abordés me touchent au quotidien et d’autres, plus abstraits, me paraissent encore à éclaircir mais je n’hésite pas à poser mes questions. Je ne reprends enfin conscience du temps qui passe qu’une fois le meeting de clôture terminé.

    J’étais déjà convaincu par les valeurs, l’analyse et les méthodes de mon organisation ; avec l’expérience acquise ce week-end, je réalise encore plus l’ampleur de la tâche qui nous attend mais, paradoxalement, je la trouve moins insurmontable.


    Camp d’été des Etudiants de Gauche Actifs

    Réservez déjà vos journées du 4 au 7 juillet ! Le camp des Etudiants de Gauche Actifs fait son retour, l’occasion idéale de tirer le bilan de l’année académique écoulée pour mieux préparer la rentrée. Détente, discussions politiques, barbecue, soleil (on espère…), ambiance conviviale : que demander de plus ?

    Au menu, tout un tas de discussions tous ensemble ou en petits groupes sur l’approche des marxistes révolutionnaire par rapport à l’Etat et à la répression, sur la différence entre les réformes et la révolution, sur l’économie marxiste, sur le processus de révolution et de contre-révolution en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, sur la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, sur la situation actuelle au Venezuela, sur la lutte contre l’extrême-droite, l’anti-sexisme et la défense des droits des femmes… En bref, il y aura de quoi discuter et de quoi se former ! Prenez contact dès maintenant pour vous inscrire à infoocialisme.be (le programme complet sera disponible sous peu sur www.socialisme.be.

  • Élections présidentielles vénézueliennes : La menace de la contre-révolution grandit

    Les travailleurs doivent prendre des mesures urgentes pour contrer le capitalisme et la droite

    Lors d’un vote très serré, Nicolas Maduro a réussi de justesse à remporter les élections présidentielles vénézueliennes contre le candidat de droite Capriles, avec seulement 200.000 suffrages de plus. On attendait de Maduro, le successeur attitré de Chavez, qu’il triomphe avec une plus large majorité. Ce succès limité démontre clairement la menace d’une victoire des forces contre-révolutionnaires de droite.

    W. Prieto et J. Rivas, Socialismo Revolucionario (CIO Venezuela)

    Depuis les élections, la droite, qui a exigé un recomptage des votes (tout comme John Kerry, représentant de l’impérialisme américain), semble vouloir freiner la confrontation directe. Elle semble désormais décidée à saper le nouveau faible gouvernement, avec pour objectif de le renverser de force, vraisemblablement avec l’organisation de nouvelles élections dès que possible.

    Après l’annonce de la mort de Chavez le 5 mars de cette année, des millions de personnes ont envahi les rues en affichant leur chagrin et leur soutien à la Révolution Bolivarienne. Cet évènement, combiné aux résultats des élections gouvernementales de décembre lors desquelles le chavisme a remporté 20 sièges sur 23, illustre que les chavistes étaient bien placés pour remporter n’importe quelle élection présidentielle populaire.

    Quand l’élection présidentielle fut appelée le 14 avril, tout indiquait une victoire claire de Maduro, malgré le mécontentement grandissant parmi les masses vis à vis de la situation économique et l’inefficacité et la bureaucratisation des structures étatiques.

    Avant ces élections, Socialismo Revolucionario (SR) avait publié un document basé sur notre position antérieure, celle des élections présidentielles d’octobre 2012, dans lequel nous déclarions : ”Un vote pour Maduro ne suffira pas” (voir la version de ce texte en anglais). SR a défendu un programme de revendications révolutionnaires démocratiques et socialistes pour pousser la révolution en avant, vaincre le capitalisme et corriger le programme actuel qui n’ouvre aucune voie vers l’achèvement de la révolution socialiste.

    La position de SR était clairement en contraste avec celles d’autres organisations de gauche. Beaucoup mettaient en avant la position sectaire d’un vote blanc sans tenir compte des conséquences d’une victoire de la droite, de l’extrême polarisation dans le pays et de la conscience actuelle des masses. D’un autre côté, il y avait un appel opportuniste à voter pour Maduro sans aucune critique du processus ou du programme qu’il défendait.

    Contrairement à bon nombre de ces groupes, nous avons distribué des tracts dans les stations de métro à Caracas lors des jours précédents les élections et pendant la manifestation finale de la campagne électorale de Maduro. Ce faisant, nous avons reçu de vives critiques mais également beaucoup d’intérêt de la part des membres de base du parti de Chavez, le PSUV.

    Ces membres affirmaient penser que la mort de Chavez allait ouvrir un espace pour discuter de la direction de la révolution. Mais dans les faits, la direction du PSUV a fait comprendre qu’il n’était pas temps pour les dirigeants du parti de soulever les critiques car il fallait soutenir la candidature de Maduro.

    Beaucoup de dirigeants chavistes étaient, et sont toujours, menacés d’expulsion, pour avoir fait des critiques même si celles-ci étaient de plus faible mesure que celles défendues par les membres de SR. De telles méthodes visant à empêcher le débat et les critiques internes, une méthode bien connue du stalinisme, ont eu un effet extrêmement négatif, particulièrement au sein d’un parti qui prétend agir au nom du socialisme révolutionnaire.

    Maduro a remporté les élections avec un score minimal. Cela a été une sonnette d’alarme, même pour les membres les moins critiques du PSUV, qui soulève des questions au sein des rangs du parti et qui portera ces critiques sur le devant de la scène. En seulement sept mois après les dernières élections présidentielles, Maduro a perdu près de 700.000 voix des 8 millions qu’avait obtenu Chavez.

    Même Diosdado Cabello, l’actuel président de l’Assemblée Nationale et un des dirigeant du PSUV, s’est interrogé publiquement sur le fait qu’un travailleur puisse voter pour ses oppresseurs (Capriles) et a affirmé que qu’il était désormais temps pour une ”auto-réflexion”.

    La réponse à la question de Cabello est qu’il n’y a aucune alternative révolutionnaire qui soit présentée à la classe ouvrière, aux pauvres et aux exploités, tout comme à des parts de la classe moyenne. Beaucoup, malheureusement, considèrent la droite hypocrite, populiste et opportuniste comme la solution à leurs problèmes. Ces problèmes basiques quotidiens et l’absence de discussion autour de ceux-ci rendent difficile pour certain de soutenir le gouvernement. La réticence des dirigeants soi-disant révolutionnaires pour la discussion a écarté beaucoup de personnes du gouvernement. Le travailleur qui se voit dire que les fréquentes coupures d’électricité sont en partie de la faute de sa consommation et le travailleur qui paie la crise actuelle par la dévaluation monétaire et qui doit faire face à des pénuries alimentaires peuvent malheureusement être séduits par une droite populiste dangereuse qui se dépeint désormais elle-même comme une force démocratique et désirant simplement ”l’unité”.

    Les pénuries alimentaires d’ailleurs sont le résultat de l’existence persistante d’une couche bourgeoise parasitaire au Venezuela aujourd’hui. C’est également la responsabilité du gouvernement qui continue à la soutenir financièrement dans l’importation des produits mais qui ne placera pas cette même industrie dans les mains des travailleurs.

    Et maintenant ?

    Aujourd’hui, nous avons une droite qui a retrouvé sa confiance et obtenu une base sociale importante. Electoralement, elle est presque au même niveau que le chavisme. Cela a été en partie dû à la capacité de la droite de tirer démagogiquement parti des erreurs et des faiblesses du gouvernement et de combler partiellement le vide d’une opposition socialiste d’une gauche critique qui n’a pas été en mesure de se développer dans le processus révolutionnaire.

    Le gouvernement Maduro a maintenant la balle dans son camps. Il peut choisir la voie de la réconciliation avec la droite ou la voie de radicalisation et d’approfondissement du processus vers le socialisme. S’il opte pour cette dernière option – ce que nous espérons et ce pour quoi nous nous battrons – il devra prendre en compte la large base sociale qui voit aujourd’hui la droite comme son alternative pour le changement et proposer une nouvelle voie pour gagner une fois de plus son soutien.

    Après 14 ans de lutte, un affaiblissement général du mouvement et un nombre considérable de mécontentements et d’erreurs accumulés, il faudra une lutte massive pour surmonter ces obstacles et développer un mouvement pour pousser en avant la révolution socialiste sur une base démocratique.

    Cela est l’un des nombreux défis auquel est confronté le gouvernement Maduro. Nous ne pouvons pas tomber dans le piège de penser que les sept millions de personnes qui ont voté pour Capriles sont capitalistes ou oligarques. Comme Fidel Castro l’a dit à Chavez lors d’une réunion il y a quelques années : ”Ne croyez pas que les cinq millions de personnes qui sont aujourd’hui dans l’opposition au Venezuela sont bourgeoises.”

    Socialismo Revolucionario met en garde contre la menace grandissante des forces contre-révolutionnaires de droite. Les travailleurs, les pauvres et tous ceux qui veulent pousser la révolution en avant doivent rapidement tirer les leçons de la montée de la droite dans ces élections. Il est nécessaire de continuer la révolution et de rompre avec le capitalisme.

    Les masses de travailleurs et de jeunes doivent s’unir de toute urgence afin d’abattre la menace de la contre-révolution. Les masses doivent construire leurs propres organisations et leurs propres forces. Par l’occupation des lieux de travail, l’établissement de comité de contrôle démocratique et de défense contre les attaques de la droite. Elles doivent lutter pour la nationalisation des moyens de production (largement restés dans les mains de la classe parasitaire capitaliste) sous le contrôle inconditionnel des travailleurs et des communautés, et non sous le contrôle bureaucratique actuel. Une organisation démocratique des travailleurs et des communautés est nécessaire au sein de comités pour organiser une économie planifiée qui satisfera nos besoins et non pas ceux de la classe dirigeante. Cette économique sera différente de celle qui existe actuellement sous l’appellation biaisée de ”socialisme” au Venezuela.

    De telles mesures ne stopperont pas seulement l’avancée de la droite mais regagneront aussi nos frères et s?urs qui ont été séduits par la droite. Elles gagneront aussi la solidarité internationale de ceux qui se battent pour un véritable changement et nous seront le stimulus pour que ces changements deviennent réalité. De tels pas sont urgents pour contrer le triomphe de la droite.

  • Le Chavisme sans Chavez, quelles perspectives ?

    Près d’un million de Vénézuéliens ont défilé dans les rues de Caracas le jeudi 7 mars pour saluer l’homme qui était devenu un symbole, celui d’un processus politique qui a montré que l’on pouvait refuser le diktat néolibéral et mener une politique en faveur des plus pauvres. Détesté par la droite pour avoir redonné vie à l’idée que l’Etat avait le droit de contrôler l’économie et d’y intervenir au nom du bien commun, admiré par les masses pour avoir utilisé la rente pétrolière en investissant dans de nombreuses politiques sociales (notamment dans les soins de santé et l’éducation), il restera à jamais dans les mémoires comme une source d’inspiration pour les jeunes et les travailleurs à travers le monde. Comme l’a dit notre camarade Tony Saunois, ‘‘à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.’’

    Par Ben (Charleroi), article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    Chavez a remis à l’avant-plan l’idée de construire une société socialiste en tant qu’alternative au chaos capitaliste. Faisons en sorte que cette idée ne disparaisse pas avec lui ! Transformons la douleur du deuil en une nouvelle étape de la lutte de la classe des travailleurs pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger !

    Une nouvelle période

    Le Venezuela rentre dans une nouvelle phase et il est difficile de dire quel scénario est le plus probable dans la période à venir. A court terme, il semble que Nicolas Maduro, vice-président de Chavez et président par intérim, sera le candidat du PSUV (le Parti socialiste unifié du Venezuela) et sera élu. Le soutien pour les politiques que Chavez a menées est si fort qu’il sera difficile de revenir dessus sans combat. Les travailleurs et les jeunes les plus conscients n’abandonneront pas facilement ce qui a été conquis durant cette dernière décennie.

    Mais en face, la droite est à l’affût. Il est vrai que la force des masses vénézuélienne et la grande augmentation du niveau de conscience de classe dans la société a tellement mis à mal le patronat vénézuélien et ses laquais politiques que beaucoup ont cru (et certains le croient encore) qu’ils avaient disparu à jamais. Pourtant, la droite s’est patiemment reconstruite aussi bien électoralement que dans la rue.

    Dépendance au pétrole et économie capitaliste

    Selon nous, la faute la plus grave que commet le Chavisme, c’est l’insistance à vouloir à tout prix conclure des compromis et des alliances avec la bourgeoisie, ce qui implique de ne pas rompre définitivement avec le capitalisme. En fait, la politique économique du Chavisme est une politique d’accroissement de l’intervention étatique en faisant en sorte de laisser en place une économie capitaliste mixte. L’exploitation est donc toujours bien présente et les capitalistes gardent la majorité du pouvoir économique dans leurs mains. Le projet d’un ‘‘socialisme du 21ème siècle’’ est donc resté à l’état de slogan malgré l’aspect positif des politiques sociales que sont les missions (des programmes sociaux dans les soins de santé, l’enseignement,…).

    Un autre danger est l’énorme dépendance du Venezuela vis-à-vis de sa rente pétrolière. Celle-ci menace les politiques sociales qui ont été menées en cas de baisse du prix du pétrole. Signalons d’ailleurs que le budget de la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA réservé aux missions a baissé de 30% ces dernières années.

    Boli-bourgoisie et bureaucratie

    Un danger important également est l’existence, au sein du mouvement chaviste, de la bureaucratie et de la ‘‘boli- bourgeoisie’’. La boli-bourgeoisie est composée d’une partie de l’ancienne élite qui a compris les possibilités de profit en se ralliant au chavisme, et également d’une couche de ‘’nouveaux riches ‘’ qui s’est construite directement sur ce processus. Cette couche est loin de vouloir construire le socialisme, elle n’aspire qu’à se transformer en nouvelle classe capitaliste.

    La bureaucratie, quant à elle, a également des intérêts étrangers à ceux des travailleurs. La bureaucratie a pour objectif propre le maintien et le développement de ses privilèges. Ce n’est possible qu’à travers un jeu d’équilibriste. D’un côté, elle doit empêcher la droite de revenir (la bureaucratie vivant sur le dos du mouvement chaviste) mais de l’autre côté, elle doit empêcher toute forme de démocratie ouvrière, car celle-ci pourrait mettre à mal sa position parasitaire.

    L’absence d’une organisation indépendante et consciente de la classe ouvrière constitue donc une grave faiblesse dans la situation au Venezuela. Une telle organisation pourrait faire émerger des organes de démocratie ouvrière et se mettre à la tête du processus révolutionnaire afin de le tirer à sa conclusion victorieuse : la révolution socialiste. Au lieu de cela, le mouvement chaviste est dirigé du haut vers le bas, sans moyen de contrôle réel de la part de la classe ouvrière. Les méthodes bureaucratiques, autoritaires et de plus en plus répressives peuvent alors se développer.

    Transformer le soutien à l’idée du socialisme en une réalité concrète

    Pour que les acquis du Chavisme survivent, l’unité de la classe des travailleurs et des pauvres est plus que jamais nécessaire. Si les masses ne reprennent pas le processus dans leurs propres mains, on se dirigera vers un démantèlement des acquis du Chavisme, soit par le retour de la droite au pouvoir, soit des mains même de l’aile droite du mouvement chaviste. Il n’est en effet pas possible de maintenir les mesures sociales en place au Venezuela sans rompre définitivement avec le capitalisme.

    Mais nous sommes convaincus qu’il existe toujours une chance pour que le processus se radicalise, ouvrant la possibilité de transformer la volonté de socialisme en mesures socialistes véritables. Pour cela, un programme clairement socialiste sera indispensable.

    Un programme socialiste

    Un bon début de programme à mettre en place pourrait être :

    • L’introduction d’un véritable système de contrôle ouvrier, via des comités de délégués élus et révocables, qui contrôleraient la marche quotidienne des entreprises. L’ouverture des livres de comptes de toutes les entreprises – y compris des entreprises nationalisées – afin d’être inspectées par des comités de travailleurs, pour mettre un terme à la corruption et déraciner la bureaucratie.
    • Ces comités doivent être reliés au niveau de leur ville, de leur région et au niveau national. Les entreprises d’Etat doivent être gérées sur base d’un système de gestion démocratique ouvrière, les conseils d’administration de telles entreprises devant être composés de représentants élus des travailleurs de l’industrie, des couches plus larges de la classe ouvrière et des pauvres, et d’un gouvernement ouvrier et paysan. tous les cadres doivent être élus et révocables à tout moment, et ne doivent pas recevoir plus que le salaire moyen d’un ouvrier qualifié.
    • L’expropriation des banques, des multinationales et des 100 familles les plus riches qui contrôlent toujours l’économie vénézuélienne, et l’introduction d’un plan socialiste démocratique de production.
    • La formation d’une fédération syndicale indépendante et démocratique, avec une direction élue, redevable à et contrôlée par la base des membres. La lutte pur un tel programme est maintenant urgente afin d’insuffler un souffle nouveau dans la révolution vénézuélienne et d’empêcher sa stagnation et la menace de la contre-révolution.
  • Comment les politiciens et les patrons transforment la réalité

    Ce n’est pas la concurrence, mais la solidarité qui crée les richesses

    Ce n’est pas la solidarité, mais la concurrence qui appauvrit

    Ce dossier traite du fondement-même de la société actuelle ; la production basée sur la concurrence. On nous le rappelle chaque heure, chaque minute, chaque seconde : si nous ne sommes pas concurrentiels, nous allons tous périr ensemble. Des syndicalistes combatifs lanceront une contre-offensive au cours des prochaines semaines et des prochains mois. La concurrence n’est plus depuis longtemps un moteur pour la création de richesses, au contraire. La production actuelle, le développement de la science et de la technique, exigent un autre modèle économique dont la base ne serait plus la concurrence et la compétition, mais la coopération et la solidarité.

    Par Eric Byl, dossier par dans l’édition de mars de Lutte Socialiste

    L’idéologie dominante

    La propagande du patronat, nous la connaissons. Ce sont toujours ces mêmes patrons qui sont interviewés par une élite ‘‘choisie’’ de journalistes neutres dans des médias de masse qu’ils contrôlent eux-mêmes, que ce soit de façon directe ou indirecte.

    Ce sont toujours ces mêmes politiciens qui, avec en vue de futurs postes lucratifs dans des conseils d’administrations d’entreprises, viennent répéter les mêmes ‘‘vérités’’. Dans le meilleur des cas, les journalistes sont forcés de se retenir mais, dans leur majorité, ils sont imprégnés de la logique patronale et, très souvent, sollicitent ouvertement une future carrière politique. Leur bas de laine ? Pour survivre, il faut augmenter la compétitivité des entreprises.

    Il existe aussi une propagande plus raffinée, plus systématique et par conséquent mortellement efficace. Des publicités, des feuilletons, des films, des magazines, des journaux commerciaux et des quotidiens soutiennent tous, de façon consciente ou inconsciente, l’idée qu’il faut être concurrentiel pour avoir du succès. Même le sport, où une bonne dose de compétition devrait stimuler le développement physique et psychologique de tous, est transformé en un plaidoyer pour une concurrence impitoyable. Le moyen de propagande peut-être le plus efficace d’entre tous est la simple transmission des valeurs et des mœurs dominantes de la société par les parents, les amis, l’école, l’église, etc. C’est ce dont Marx parlait en disant que l’idéologie dominante dans une société est en général celle de la classe dominante.

    Le socialisme scientifique

    Il ne s’agissait pas simplement d’une intuition que Marx a appliquée par la suite aux sociétés précapitalistes, mais au contraire une loi tendancielle déduite après une étude approfondie de l’histoire humaine telle qu’elle était jusqu’alors connue. D’où l’appellation de socialisme scientifique. C’est tout à fait différent du ‘bon sens’ dont parlent si souvent nos politiciens. Ils ne font que repérer des caractéristiques de leur environnement immédiat pour décréter que ces “découvertes” sont des lois universelles. Quelques exemples ? ‘‘L’homme est naturellement égoïste’’, ‘‘l’exploitation a toujours existé et existera toujours’’, ‘‘l’homme a besoin de la concurrence en tant que stimulant pour produire’’,… Toutes ces ‘‘vérités’’ doivent nous convaincre de fatalisme et nous faire accepter notre sort.

    Avec son approche scientifique, Marx a pu non seulement reconnaitre la validité relative d’une loi tendancielle, mais également en voir les limites. Pendant 3 millions d’années (200.000 ans pour l’Homo sapiens), les humains ont vécu en tant que chasseurs-cueilleurs. Il n’y avait ni égoïsme ni exploitation, ils vivaient de façon sociale et solidaire, non pas par générosité, mais simplement puisque les conditions matérielles – vivre de ce qu’offre la nature – ne permettait pas de faire autrement. Ce n’est qu’il y a 10.000 ans, avec la révolution agraire, que l’exploitation est devenue la meilleure forme d’adaptation à son environnement. A la division du travail selon le sexe, les capacités physiques et l’âge s’est ajoutée une division du travail permanente entre activités physiques et spirituelles.

    L’espace nous manque ici pour analyser chaque type de société que nous avons connu depuis lors. Mais ce qui les caractérise tous, c’est l’existence d’un monopole de la violence aux mains de l’élite dominante et d’idéologies adaptées pour faire accepter aux sujets qu’ils cèdent une partie de leur travail à cette élite, qu’importe s’il s’agissait d’une caste dominante – dont le pouvoir est basé sur sa place spécifique dans la division de travail, comme avec le mode de production asiatique ou le stalinisme – ou d’une classe dominante qui possède directement les moyens de production telle que les sociétés esclavagistes, féodales, capitalistes ou l’une des nombreuses formes intermédiaires.

    Marx est parvenu à la conclusion qu’une société peut tenir tant qu’elle réussit à développer les forces productives. Du moment qu’elle n’en est plus capable, le déclin s’amorce, le moteur de l’histoire – la lutte des classes – se met en marche ou, en cas d’absence de lutte des classes, la société est écrasée par d’autres plus dynamiques. Dans des telles périodes, les contradictions de la société deviennent plus aigües, de plus en plus visibles et de plus en plus insupportables. L’ancienne société ne veut pas encore céder la place, la nouvelle ne peut pas encore casser le carcan de l’ancienne. Cela provoque une crise qui atteint toutes les anciennes institutions, qui s’accrochent toutes désespérément à leurs privilèges et à leur vision idéologique, le dogme libéral de la concurrence dans le cas du capitalisme. C’est ce qui explique que des processus qui prendraient autrement des siècles peuvent soudainement éclater et se dérouler en quelques heures, quelques jours ou quelques années.

    une offensive pour annuler l’effet de la manifestation du 21 février

    Les syndicalistes venaient à peine de ranger leurs pancartes et de replier leurs calicots que l’offensive patronale reprenait de la vigueur. “La manifestation superflue” écrivait le lendemain le quotidien flamand De Morgen. “Coene s’alarme de la compétitivité morose”, annonçait De Tijd. Le jour d’après De Standaard avertissait: “Sans mesures drastiques, la Belgique s’expose à une amende européenne”. Le message ? ‘N’écoutez pas ces 40.000 syndicalistes bruyants, conservateurs et grisonnants, divisés en interne et isolés de leurs troupes, mais écoutez plutôt des personnalités importantes comme Luc Coene, gouverneur de la Banque Nationale et le Commissaire Européen Oli Rehn, sinon nous allons tous périr.’

    C’était comme si ces articles dénonçant que 18 des 100 plus grosses multinationales au monde utilisent la voie belge pour éviter de payer des milliards d’euros d’impôts n’avaient jamais étés publiés. Nous, par contre, nous avons retenu que les 25 sociétés de financement et holdings les plus capitalisés (qui gèrent ensemble 340 milliards d’euros et ont fait en 2011 un profit cumulé de 25 milliards d’euros) ont seulement payé 183 millions d’euros d’impôts, soit à peine 0,7% à peine (1) . Ne parlons pas cette fois-ci d’Arnault et de Depardieu. Mais nous ne pouvons que tirer l’attention sur le fait que les déductions d’impôts des entreprises ont, en 2010, largement dépassé la totalité des impôts de sociétés ! (2) Que disent Oli Rehn ou le rapport de Luc Coene à ce sujet ? Que dalle. Le rapport mentionne juste que “Les impôts sur les bénéfices des sociétés ont fortement progressé pour la troisième année consécutive.” (3)

    Une coïncidence est fort bien possible, mais le timing de la publication du rapport annuel de la Banque Nationale arrive très exactement au bon moment pour la droite politique et le patronat. Il se peut que ce soit une coïncidence aussi qu’Oli Rehn s’est senti appelé à consacrer quelques phrases à la Belgique le lendemain de la manifestation, mais nous ne serions pas étonnés d’apprendre que cela lui a été chuchoté.

    Dans la presse flamande, ça y va cash. La presse francophone doit être plus prudente. Pourquoi ? En mars de l’an dernier déjà, un sondage d’Ipsos avait dévoilé que 71% de la population Belge voulait réduire les avantages fiscaux des grosses entreprises. (4) Cette majorité se retrouvait dans toutes les régions mais, au sud de la frontière linguistique, elle n’était pas seulement plus large, mais aussi plus explicite et plus manifeste. C’est pourquoi Onkelinx réplique dans Le Soir que les nouvelles propositions de Luc Coene pour une nouvelle réforme de l’index sont une folie. Elle explique le fait qu’elle est déjà en train d’appliquer cela au gouvernement par la pression de la droite.

    Sous le titre “Les Belges accusent le coût salarial’’ , La Libre a publié un sondage de Dedicated. Bien que le titre de l’article suggère le contraire, les résultats sont alarmants pour le patronat et ses laquais politiques. Pas moins de 72% des sondés veulent des garanties d’emplois des multinationales en échange des avantages fiscaux. Plus frappant encore : 60% sont favorables à l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit (72% en Wallonie, 66% à Bruxelles et même une majorité de 52% en Flandre). A la question de savoir si les autorités doivent contrer les fermetures par des nationalisations ou des régionalisations, 43% des sondés répondent par l’affirmative, une majorité à Bruxelles (52%) et en Wallonie (53%), mais aussi une minorité significative de 36% en Flandre. (5)

    Pas d’investissement

    Le mythe selon lequel il est possible de sortir de la crise par l’austérité est sérieusement miné. Nombreux sont ceux qui ne croient plus que de nouvelles concessions sur les conditions de travail et les salaires suffiront à restaurer la compétitivité des entreprises et à relancer l’économie.

    De plus en plus de salariés se rendent bien compte que chaque concession de leur part ne conduit qu’à de nouvelles concessions ailleurs. Ainsi, nous sommes tous entrainés dans une spirale négative de casse sociale. Le nombre de dépressions et de maladies psychologiques liées au stress augmente, tout comme le manque de perspective et le sentiment de se sentir traité comme des mouchoirs jetables.

    “Nous achèterons une usine à pneus en Chine ou en Inde, nous y payerons un salaire horaire inférieur à un euro et nous exporterons vers la France tous les pneus dont elle a besoin. Vos ouvriers, faites-en ce que vous voulez.” C’est ce que l’investisseur Américain Maurice Taylor a répondu à la demande de négociations sur la reprise du site de Goodyear à Amiens, menacé de fermeture.(6) Ce n’est pas étonnant que beaucoup de gens considèrent l’austérité comme un moyen de l’élite pour accumuler encore plus de richesses. Ils ne croient plus que plus de profits conduiront à plus d’investissements. Selon Trends, l’an dernier, les 30.000 plus grosses entreprises ont payé 40% de leurs profits aux actionnaires. (7) Quant aux entreprises européennes non-financières, elles disposent d’une réserve de cash de 2000 milliards d’euros, mais refusent de les investir.

    A en croire Coene, cela s’explique par le manque de confiance, tant des consommateurs (ce qui explique l’arrêt de la consommation) que des producteurs (qui craignent que les investissements ne seront pas suffisamment rentabilisés). N’est-il plutôt pas possible d’imaginer que les richesses ne sont pas réparties équitablement ? En fait, les produits de luxe se portent très bien, alors que la production de masse est partout en surcapacité malgré le besoin manifeste de logements sobres en consommation énergétique, d’écoles, de matériel convenable dans les transports publics, etc.

    Un problème de redistribution?

    D ans ‘Socialisme utopique et socialisme scientifique’ Friedrich Engels avait déjà accentué le fait que le capitalisme a socialisé la production. Nous sommes de nombreux producteurs à travailler sur un même produit, mais les moyens de production restent privés.

    De plus, le travailleur ne reçoit en salaire qu’une partie de son travail, le reste, c’est du profit qui peut être réinvesti ou qui disparait dans les poches des actionnaires. Il y a donc d’office une tendance systématique à la surproduction. Finalement, ceux qui disposent encore d’épargnes ne sont pas tentés de les dépenser alors que rode le spectre du chômage, alors qu’augmentent les coûts des soins de santé, de l’enseignement et des autres services et alors que la retraite légale permet de survivre de plus en plus difficilement. Une nouvelle dose d’austérité n’arrangera rien.

    Mais si le problème s’explique entre autres par l’inégalité de la répartition des richesses, n’est-il pas possible de corriger le marché et d’atténuer la concurrence ? Avec un gel des prix par exemple, comme Vande Lanotte l’a fait pour l’énergie ou comme Chavez au Venezuela ? Le gel des prix ne supprime pas la concurrence mais la déplace vers ailleurs, avec la diminution de la masse salariale dans le secteur concerné. De plus, un gel des prix sans nationalisation des entreprises concernées peut très bien, comme au Venezuela, conduire à des étagères vides en conséquence du refus de vendre des investisseurs privés qui peuvent aussi carrément décider de réorienter leurs investissements vers d’autres secteurs. Ne pouvons-nous pas atténuer les effets de la concurrence par un impôt plus important sur les sociétés, par un impôt sur les fortunes comme la CSC le défend ou par une taxe des millionnaires comme nos collègues du PTB le défendent ? Si le PSL avait l’occasion de voter pour ces mesures dans un parlement, nous le ferions certainement, mais pas sans expliquer d’avance les limites et les dangers de ces mesures. Les simples mesurettes de Hollande en France ont entrainé une fuite de capitaux de 53 milliards d’euros en deux mois à peine, en octobre et novembre 2012. De plus importantes mesures feraient sauter de joie les banques internationales dans la perspective d’accueillir une vague de capital en fuite. La population risquerait bien de se retrouver avec une sévère gueule de bois et l’idée que la gauche peut être positive pour le social, mais catastrophique pour l’économie.

    Un problème de profitabilité

    Dans ‘Misère de la philosophie’, Marx a répondu à Proudhon, qui lui aussi ne voulait pas abolir la concurrence, mais la limiter, “chercher un équilibre” . Marx y appelle la société capitaliste “l’association basée sur la concurrence.” Il démontre “que la concurrence devient toujours plus destructive pour les rapports bourgeois, à mesure qu’elle excite à une création fébrile de nouvelles forces productives, c’est-à-dire des conditions matérielles d’une société [socialiste, NDLA] nouvelle. Sous ce rapport, du moins, le mauvais côté de la concurrence aurait son bon.”

    Dans ‘Beginselen van de Marxistische économie’ (les bases de l’économie marxiste, non-traduit en français), Ernest Mandel l’expliquait en disant que les causes principales de la concurrence sont l’indétermination du marché et la propriété privée des moyens de production. C’est ce qui oblige le capitaliste à se mettre à la tête du progrès technologique, afin de ne pas se laisser dépasser par la concurrence. Cela exige de plus en plus de capitaux pour l’achat de machines de plus en plus modernes. Amortir ces machines pèse de plus en plus sur la quantité de profits réalisée par unité de capital investi. Des capitalistes moins riches sont poussés vers des secteurs moins productifs, d’autres partent en faillite et rejoignent les rangs des salariés.

    La concurrence conduit donc à la concentration, la formation de monopoles qui entrent en concurrence à un plus haut niveau. La concurrence économique pousse à l’accumulation de quantités de capitaux de plus en plus importantes. Ces capitaux sont soustraits du travail non rémunéré du salarié, la plus- value, d’où la contrainte économique d’augmenter cette dernière de manière permanente. La lutte sur le rapport entre le travail non-rémunéré et le travail rémunéré, entre la plus-value et le salaire (le taux d’exploitation), c’est le contenu élémentaire de la lutte des classes.

    La concurrence entre capitalistes entraîne une concurrence entre travailleurs. Avec les syndicats, les travailleurs essayent d’étouffer la concurrence entre travailleurs, en vendant leur force de travail de façon collective et non plus individuelle. Leur organisation collective devient donc un moyen de partiellement compenser la relation de soumission du travailleur face au capitaliste. Ainsi, la politique économique des travailleurs fait face à celle de la bourgeoisie. Le fondement de la politique économique de la bourgeoisie, c’est la concurrence, celui de la politique économique des travailleurs, c’est la solidarité.

    Dans les branches de l’industrie les plus développées, la production, la science et la technique ont depuis quelque temps atteint un niveau supérieur aux possibilités des investisseurs privés. Cela a provisoirement pu être surmonté avec la mobilisation de capitaux “dormants” (notamment des fonds de pensions), des subsides publics, des investissements militaires et la commercialisation de l’enseignement et des soins de santé. Mais la mise au point de nouveaux produits exige tellement de recherche et de développement et le capital investi doit être amorti à une échéance tellement courte (afin de ne pas se faire rattraper par des produits encore plus performants) que même ses moyens palliatifs ne suffisent plus. Des découvertes scientifiques essentielles sont cachées à l’aide de brevets afin de se protéger de la concurrence. Du temps, de l’énergie et des moyens précieux sont ainsi gaspillés.

    Aujourd’hui, la concurrence provoque la paralysie, fait obstacle au libre échange de savoirs ; ne nous permet pas d’investir les moyens nécessaires à prendre à bras-le-corps les grands défis écologiques, sociaux et économiques ; et condamne des millions de jeunes et d’autres travailleurs à être des spectateurs sans emploi. La concurrence ne détruit pas seulement nos emplois, nos conditions de vies, nos communautés, notre environnement, mais aussi souvent des unités de production performantes que nous pourrions utiliser pour répondre à de nombreux besoins sociaux urgents.

    Seule une société basée sur la solidarité, où toutes les banques et toutes les institutions financières seraient réunies en une seule banque sous le contrôle démocratique de la collectivité, pourra suffisamment mobiliser de moyens et les utiliser comme un levier pour une planification démocratique de l’économie en fonction des intérêts de toute la collectivité. Cette solidarité sera évidemment internationale.


    Notes

    1. De Tijd 2 février 2013 page 5
    2. De Tijd 13 février 2013
    3. http://www.nbb.be/doc/ts/Publications/ NBBreport/2012/FR/T1/rapport2012_TII. pdf Selon ce rapport, l’impôt des sociétés (plus d’un million de sociétés) représentait 3,2% du PIB en Belgique en 2011. Nous en sommes ainsi quasiment revenus au niveau d’avant la crise. Au total, cela signifie 11,6 milliards d’euros. Nous ne connaissons pas les profits cumulés de toutes les entreprises. Mais grâce à Trends, nous savons que les 30.000 plus grosses sociétés ont réalisé cette année-là un profit net cumulé de 76 milliards d’euros, contre 57 milliards d’euros en 2010 et 63 milliards d’euros en 2009. Cela laisse supposer que le taux réel d’impôt des sociétés ne peut être de plus de 9%, alors que le taux légal est de 33,99%. Les autorités perdent ainsi 30 milliards d’euros de revenus !
    4. Faire payer les grandes entreprises: le Belge est pour – Le Soir 14 mars 2012
    5. La Libre – 22 février 2013 page 6 en 7
    6. Het Nieuwsblad – 21 février 2013
    7. http://trends.knack.be/economie/nieuws/ bedrijven/trends-top-30-000-nettowinst-van- 76-miljard-euro/article-4000217926367.htm
  • Hugo Chavez est mort, mais la lutte continue !

    Des millions de travailleurs vénézuéliens, de pauvres et de jeunes pleurent la mort du président vénézuélien, Hugo Chavez

    À une époque où le fossé entre les politiciens de l’establishment qui défendent les grandes entreprises et les super-riches d’une part et les masses d’autre part semble se creuser inexorablement, la figure de Chavez se détachait de ce processus. En fait, à l’ère des mesures d’austérité, les décisions qu’il a prises pour lutter contre la pauvreté ont agi tel un phare.

    Tony Saunois, Secrétaire Général du Comité pour une Internationale Ouvrière

    Les travailleurs et les jeunes du Venezuela sont rejoint dans leur peine par de nombreux autres à travers le monde qui ont été inspirés par le régime d’Hugo Chavez et l’ont soutenu en tant qu’alternative à l’impérialisme, au néolibéralisme et au capitalisme. Face à cela, les plus pernicieux des commentateurs capitalistes n’ont jamais ménagé ni leur peine, ni leur temps, ni leur encre pour décrire leur haine de ce régime.

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    Pour en savoir plus:

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    La douleur du deuil et la colère des masses contre ces attaques doivent être canalisée dans une nouvelle étape de la lutte de la classe ouvrière pour le socialisme au Venezuela et à l’étranger.

    L’hypocrisie des commentateurs capitalistes

    Depuis sa mort, de nombreux articles ont dénoncé le régime vénézuélien et Chavez ‘‘l’autocrate’’, le ‘‘dictateur’’, le ‘‘caudillo’’. Certains ont tenté de dépeindre sa mort comme la fin d’un autre régime socialiste en faillite. Le torrent de bile de ces commentateurs avait tout d’abord été préparé dans l’espoir que Chavez serait défait aux élections présidentielles d’octobre 2012. Mais tout cela a dû être mis de côté. Contrairement aux attentes des médias dominants internationaux et des politiciens capitalistes, Chavez avait remporté un troisième mandat avec 55% des suffrages, avec un taux de participation de 80%. Les politiciens capitalistes en place en Europe ne peuvent que rêver d’un tel résultat.

    Ces mêmes commentateurs s’étaient fait remarquer par leur silence assourdissant lors de la tentative de coup d’Etat de 2002 réalisé avec le soutien de l’impérialisme américain. Lorsque ces champions autoproclamés de la démocratie s’en prennent à Chavez, ils laissent soigneusement de côté le fait qu’il a fait face à pas moins de 17 élections et référendums depuis 1998, et qu’il en a remporté 16.

    Ces commentateurs, et les politiciens capitalistes qui sont derrière eux, ne peuvent pas supporter le fait qu’un dirigeant qui parle de ‘‘socialisme’’ et de ‘‘révolution socialiste’’, un dirigeant qui a fait face à l’impérialisme américain et à la classe capitaliste, puissent attirer à lui un soutien populaire aussi massif. Ils craignaient également le mouvement révolutionnaire potentiel des masses sur lequel reposait Chavez.

    “Por ahora” – ‘‘Pour l’instant”

    Chavez n’est pas apparu sur la scène politique en tant que dirigeant disposant d’une idéologie et d’un programme bien définis. Il a embrassé diverses idées de façon empirique – sous la pression des événements au fur-et-à-mesure de leur déroulement.

    Chavez a été porté au pouvoir en 1998 avec une majorité écrasante. Initialement, il ne parlait que de ‘‘révolution bolivarienne’’ et de la réforme de l’ancien système corrompu. Chavez, tout comme des milliers de personnes au Venezuela dont les jeunes officiers dont il faisait partie, a été radicalisé par le "Caracazo" qui a secoué le Venezuela en 1989.

    Carlos Perez avait alors remporté les élections en s’opposant au néolibéralisme du Fonds Monétaire International. Mais ce dernier a fait volte-face et a appliqué la ‘‘thérapie de choc’’ du néolibéralisme, déclenchant un soulèvement de masse des citadins pauvres. L’armée a été déployée et environ 3000 personnes ont été abattues. Les opposants de droite de Chavez n’ont que peu de choses à dire sur ces événements. Chavez, de son côté, a été radicalisé et affectées par ces horreurs. En 1992, il a dirigé une révolte populiste militaire de gauche contre le gouvernement assassin de Perez. Suite à la défaite de ce coup d’Etat, il a proclamé la révolution ‘‘terminée. Pour l’instant.’’ Ce ‘‘Por ahora’’ était destiné à être dans l’esprit des masses.

    Sorti de prison deux ans plus tard, il a construit son soutien et a pu parvenir au pouvoir lors des élections de 1998, les masses du pays exigeant la fin du néolibéralisme et un véritable changement.

    Les réformes limitées, mais populaires, que son gouvernement a introduits grâce à la richesse pétrolière du pays ont suffi à faire enrager l’élite dirigeante qui a tenté un coup d’Etat en 2002, suivi par un lock-out patronal. Après 48 heures, le coup d’Etat s’est effondré et Chavez a été ramené à Caracas et au pouvoir. Lors du coup d’Etat, les masses ont envahi la rue pour s’opposer au nouveau régime de droite tandis qu’une révolte a explosé parmi les rangs de l’armée et des officiers subalternes.

    Le coup d’Etat de droite de 2002

    L’effondrement du coup d’Etat de droite dirigé par Pedro Carmona a porté un coup décisif à la classe dirigeante et au capitalisme. La classe ouvrière et les pauvres ont eu l’occasion de prendre en main la gestion de la société. Malheureusement, à ce moment-là, Chavez a choisi de faire appel à ‘‘l’unité nationale’’ pour conclure un accord avec des sections de la classe capitaliste. Le lock-out patronal a été rompu après une lutte de 12 mois. A chaque fois, Chavez a été sauvé par le mouvement de masse issu de la base.

    Ces événements ont extrêmement radicalisé Chavez qui, en 2005, a commencé à parler de ‘‘révolution socialiste’’. C’est dans cette période qu’il a également fait référence aux idées de l’un des dirigeants de la révolution russe, Léon Trotsky, ainsi qu’à celles de Karl Marx et qu’il a appelé à la fondation d’une Cinquième Internationale.

    Cela a empli de rage tant la classe dirigeante vénézuélienne que l’impérialisme américain. Des nationalisations et des nationalisations partielles de sociétés importantes ont été appliquées. La mise en place d’un service de santé de base ainsi que la généralisation de programmes d’éducation et d’alphabétisation ont énormément amélioré la popularité du gouvernement. De manière significative, à l’élection de 2006 – à la suite de ce virage à gauche – Chavez a remporté sa plus grande victoire électorale avec plus de 62% des voix!

    Cette évolution a eu un effet extrêmement positif en mettant la question du socialisme à l’avant plan au Venezuela et, dans une certaine mesure, également en Amérique latine et à l’étranger. L’idée de la ‘‘révolution’’ et même du ‘‘socialisme’’, de même que de réformes radicales, sont largement dominants dans la conscience de la majorité des Vénézuéliens. Il s’agit d’un héritage positif de Chavez. Il ya un clair rejet de toute idée d’un retour à ‘‘l’ancien régime’’.

    Blows to capitalism, but no decisive break

    Cependant, en dépit de cette phraséologie radicale, Chavez et le gouvernement bolivarien, en réponse à la crise économique mondiale qui a commencé en 2007, n’ont pas réagi en développant un programme de rupture anticapitaliste, mais ce sont plutôt déplacés dans la direction inverse.

    La classe capitaliste avait été ébranlée, mais sans être vaincue. Elle est donc restée au contrôle des leviers économiques. De l’intérieur de la République bolivarienne a aussi surgi une nouvelle force : la ‘‘boli-bourgeoisie’’, une couche puissante de la société qui est devenue riche sur le dos du mouvement chaviste.

    Cela, en combinaison avec l’émergence d’une puissante bureaucratie et de la détérioration de la situation économique, a assuré que, malgré les réformes populaires (que le Comité pour une Internationale Ouvrière a soutenues), d’énormes problèmes sociaux de pauvreté, de chômage, de corruption et de criminalité ont demeuré présents. Ces problèmes perdurent et découlent de l’échec à renverser le capitalisme.

    Un mécontentement et une frustration généralisée se sont développé en conséquence de cela et en combinaison avec l’approche de haut en bas et administrative de la bureaucratie, avec une absence de contrôle et de gestion démocratiques des travailleurs dans le processus révolutionnaire, alors que Chavez bénéficiait d’un soutien massif. Les récentes grèves des enseignants et des travailleurs du métal ont été réprimées par l’Etat, toutes ces mesures ayant donné une arme à la droite pour combattre le régime.

    Transformer les aspirations socialistes en réalité

    Si le candidat de droite Henrique Capriles et la droite vénézuélienne espèrent que la mort de Chavez va se traduire en une opportunité aisée pour eux de prendre le pouvoir, ils se trompent. Malgré le mécontentement présent, l’idée de soutenir le processus révolutionnaire, celle du socialisme et la volonté de défendre les réformes sont profondément ancrées dans la société vénézuélienne.

    A court terme, le plus probable est la victoire électorale de Nicolas Maduro, le vice-président nommé par Chavez comme son successeur. Le ralliement des partisans de Chavez et des masses pauvres pour vaincre la droite est déjà en développement. Capriles et la droite font, tout comme Maduro, appel au calme, à la paix et à l’unité. La droite ressent sa faiblesse et prend bien garde à ne pas provoquer de réaction parmi les masses.

    Alors que certains commentateurs de droite ont instrumentalisé la mort de Chavez pour déverser leur haine anti-socialiste, d’autres sections du capitalisme et de l’impérialisme ont été plus prudents. Les déclarations prudentes du président américain Barack Obama ainsi que du secrétaire d’Etat aux affaires étrangères britannique William Hague ont pour objectif d’ouvrir une nouvelle ère de coopération avec un futur gouvernement dirigé par Maduro. Ils sont parvenus à la conclusion que la droite a peu de chance de remporter les élections et ont donc laissé la porte ouverte tenter de collaborer avec le nouveau gouvernement ‘‘chaviste’’.

    Maduro et les autres dirigeants n’auront pas la même autorité que Chavez. Une nouvelle ère s’ouvrira avec ces élections. Les divisions entre courants différents au sein du mouvement chaviste peuvent éclater après la tenue des élections. Des sections de la classe dirigeante sont à la recherche de cela afin de finalement vaincre le mouvement chaviste.

    Ces perspectives soulignent la nécessité urgente de l’unité de la classe ouvrière et des pauvres contre la droite. Les masses doivent reprendre le processus révolutionnaire en leurs propres mains avec des organisations indépendantes et un programme pour transformer les ‘‘aspirations socialistes’’ soulevées par Chavez en réalité. La mort de Chavez ne marque pas la fin de la lutte. Un nouveau chapitre va maintenant commencer.

  • Afrique du Sud : Fondation du Workers and Socialist Party

    La récente fondation du Workers and Socialist party (WASP) est un évènement qui a le potentiel de changer le paysage politique de l’Afrique du Sud tout comme la lutte de Marikana l’a fait au niveau industriel. A la base de cette initiative se trouvent le Democratic Socialist Movement (affilié au Comité pour une Internationale Ouvrière) et des représentants des comités de grève de Bokoni Platinum à Limpopo, Royal Bafokeng and Murray and Roberts à Rustenburg et North West and KDC à Carltonville. Le lancement de ce nouveau parti a eu lieu en dépit de faits apparemment sans rapport, mais qui sont très susceptibles des actes délibérés de sabotage : le retrait de l’autorisation de tenir le meeting au stade de Limpopo quelques heures à peine avant sa tenue, les très dures conditions de libération des dirigeants du comité de grève de la mine de platine de Bokoni et le boycott de l’événement par les médias.

    Communiqué de presse initialement publié le 17 décembre par le Comité Exécutif du DSM, les représentants du comité de grève de la mine de Bokoni, de Harmony Gold, d’Anglo Gold Ashanti, de Royal Bafokeng et de Murray Roberts.

    En dépit de ces difficultés pour cet événement qui devait être un rassemblement et une conférence de presse destinés à annoncer l’intention de lancer un nouveau parti et pour célébrer la libération sous caution des dirigeants du comité de grève de la mine de Bokoni, les représentants qui ont pu être présents après l’annulation du rassemblement n’étaient pas découragés et étaient déterminés. Les participants ont été très inspirés par la lecture de quelques messages de solidarité issus des mines de Harmony Gold, d’Anglo Gold Ashanti ainsi que des organisations sœurs du DSM au Nigeria, au Venezuela, en Chine et ailleurs, y compris de la part de paul Murphy, élu du Socialist Party irlandais au parlement Européen.

    La nécessité d’un parti comme le Workers and Socialist Party a été clairement mis en évidence par les rapports des divers dirigeants de comités de grève au sujet de la situation qui existe dans les mines dans le pays suite à la grève. A Bokoni, un état d’urgence a été imposé et les travailleurs trouvés dans les villages environnants et qui n’étaient pas au travail ont été forcés de se présenter à la mine. A Harmony Gold, les travailleurs ont repris la grève et, ailleurs, le mécontentement couve sous la surface. Le plus grand nombre de revendications pour lesquelles les travailleurs ont fait grève dès le mois d’août, en payant le prix d’une grande perte de revenus et des vies sacrifiées suite au massacre de Marikana, restent insatisfaites.

    La fondation du WASP fut modeste, en présence de 20 délégués seulement, et a concrétisé l’idée d’une alternative basée sur un programme socialiste s’engageant à la nationalisation des secteurs dominantes de l’économie et notamment de l’industrie minière. Le WASP devra considéré comme l’une de ses revendications clé la nationalisation des mines sous la propriété, la gestion et le contrôle direct des travailleurs dans le cadre d’un processus conduisant à la transformation socialiste de la société, seule base sur laquelle une solution durable aux problèmes des mineurs et de la classe ouvrière dans son ensemble peut être trouvée.

    Cet événement est donc la première étape historique dans le processus de lancement d’un parti de masse des travailleurs construit sur les comités de grève, le premier bataillon dans la lutte pour unir les travailleurs des mines, des usines, des fermes, des communautés ainsi que les étudiants en vue de créer une force redoutable, le 21 mars 2013.

    Le WASP devra se distinguer de tous les autres partis politiques par son programme clairement socialiste, son approche de la politique électorale, mais aussi sur le terrain des luttes. Ses représentants publics seront soumis à la révocabilité immédiate et toucheront le même salaire qu’un travailleur. Il devra faire la différence face à l’ANC, où tous les candidats en lice pour la présidence du parti sont engagés dans la préservation de l’asservissement de la classe ouvrière sous le capitalisme – le système dont le WASP est dédié à l’abolition.

    Dans les prochains jours et mois menant à son lancement, le WASP va mobiliser du soutien en sa faveur avec une résolution appelant à la construction du parti, afin de populariser l’idée d’une alternative au sein de formations organisées telles que les syndicats, les organisations communautaires, les mouvements sociaux et les organisations politiques, toutes invitées à adopter cette résolution pour rejoindre le WASP. Le WASP va se battre pour unifier les protestations des services publics, les luttes étudiantes contre les frais de scolarité inabordables et les luttes sur les lieux de travail en général, contre les licenciements et la flexibilité. Dans le cadre de la mobilisation pour le lancement du WASP, ses militants se rendront dans tout le pays afin de récolter un million de signatures en vue de se présenter aux élections de 2014. Le WASP mènera également une campagne pour la révocation de tous les représentants politiques incompétents et corrompus afin de les remplacer par des représentants du WASP – des représentants des travailleurs, au salaire des travailleurs. Le WASP va se lancer de tout son poids dans les campagnes de lutte contre la corruption.

    Une série de rassemblements régionaux sont prévus pour adopter la résolution qui sera la base du programme du WASP, en direction du lancement officiel du parti en mars.

  • Venezuela : Chavez l'emporte face a la droite, mais il faut de réelles politiques socialistes

    Ils étaient des milliers à affluer vers Miraflores, le palais présidentiel à Caracas, le dimanche 7 octobre au soir afin de célébrer la victoire d’Hugo Chavez à l’élection présidentielle. Certaines scènes rappelaient fortement la défaite du coup d’État de la droite en 2002, avec des soldats de la garde présidentielle brandissant des drapeaux du haut du toit du palais présidentiel tandis que d’autres soldats rejoignaient les travailleurs, les jeunes, les chômeurs et tous ceux qui s’étaient rendus au centre-ville pour célébrer la défaite du candidat de la droite, Henrique Capriles.

    Tony saunois, Caracas.

    La victoire de Chávez, sa cinquième victoire électorale depuis 1998, a infligé une défaite à l’aile droite du Venezuela et est saluée par le Comité pour une Internationale Ouvrière et sa section vénézuélienne, Socialismo Revolucionario, ainsi que par les travailleurs et les véritables socialistes à l’échelle internationale. Une victoire de l’aile droite aurait abouti à une attaque contre la classe ouvrière vénézuélienne, aurait directement signifié de revenir sur le programme de réformes progressistes et aurait initié une politique offensive de la part de la classe dirigeante nationale et internationale destinée à célébrer une nouvelle défaite du ”socialisme”. La participation massive à ces élections (plus de 80% contre 75% en 2006, soit la participation plus élevée depuis des décennies) reflète la polarisation politique et de classe qui continue de se développer dans la société vénézuélienne.

    Au moment où plus de 98% des votes avaient été dépouillés, Chávez en avait gagné 8.133.952 (55,25%), contre 6.498.527 (44,14%), pour Capriles, le riche homme d’affaires. Chávez l’a emporté dans pas moins de 20 des 24 États du Venezuela. S’il termine ce mandat de six ans, Chavez sera à la fin au pouvoir depuis deux pleines décennies. Il deviendra alors le Président le plus longtemps en exercice au Venezuela depuis Juan Vicente Gomez (au pouvoir de 1908 à 1935!) Mais au contraire de la dictature de Gomez, Chávez a été élu avec le soutien des masses. Les politiciens capitalistes et les dirigeants des anciens partis ouvriers en Europe et ailleurs doivent regarder avec envie ces victoires électorales successives et la capacité de Chavez à mobiliser des millions de partisans. Aucun autre leader politique de ces dernières élections n’a en effet eu la possibilité d’attirer des millions de personnes lors de ses meetings électoraux ou encore d’être accueilli par des foules si importantes venant célébrer sa victoire.

    Le caractère populiste de la campagne de la droite

    Cette campagne électorale a été présentée au Venezuela comme étant "historique" et devant déterminer l’avenir du pays au travers d’un choix entre ”deux modèles distincts”. Toutefois, l’argumentation de Chávez au cours de la campagne électorale n’a pas reflété l’existence d’un tel choix et n’a pas défendu un clair programme socialiste destiné à rompre avec le capitalisme. Il n’a pas non plus préconisé cette solution dans son discours face à la foule qui l’acclamait à Miraflores.

    La campagne électorale a reflété des aspects importants et de nouvelles caractéristiques de la lutte qui s’est déroulée au Venezuela au cours de ces quatorze dernières années, suite à la première victoire de Chávez.

    L’une des caractéristiques les plus importantes de cette élection était le caractère de la campagne de la droite. Les politiques appliquées et les luttes qui se sont déroulées au cours de ces quatorze dernières années ont laissé derrières elles un puissant soutien en faveur de politiques sociales radicales et, dans une certaine mesure, en faveur de l’idée générale de ”socialisme”, maintenant profondément ancrée au sein de la conscience politique populaire.

    Compte tenu de la radicalisation de la conscience politique de gauche actuellement dominante dans la société vénézuélienne, Capriles a été contraint de présenter son programme de droite de façon populiste, en masquant son agenda de néolibéral. Cela constitue un changement significatif dans la stratégie de l’aile droite.

    La propagande et les discours de Capriles ont tenté de répondre à la détresse des pauvres et promis de défendre l’Etat-providence. Il a fait valoir qu’il ne démantèlerai pas toutes les ”missions” (le programme de réforme mis en place par Chavez en matière de santé et d’éducation). Il a appelé à la défense des syndicats ”indépendants” et a essayé de gagner le soutien des travailleurs du secteur public en promettant de mettre fin à la participation obligatoire à des rassemblements et à des manifestations Pro-Chávez (une source majeure de mécontentement). Capriles a énergiquement sillonné le pays en essayant de se présenter comme une nouvelle figure ”radicale” en opposition à l’ancienne figure "fatiguée" de Chavez afin de gagner le vote des jeunes. Il a d’ailleurs réussi à obtenir un certain succès dans ce domaine.

    Le véritable programme de la droite était bien caché au fond de son matériel, avec des plaidoyer pour une moindre intervention de l’Etat et un rôle accru de l’investissement privé dans l’économie. Lors du coup d’Etat manqué de la droite en 2002, Capriles joué un rôle dans l’attaque de l’ambassade cubaine par la droite. Si la droite l’avait remporté dans ces élections, un gouvernement Capriles aurait tenté de faire reculer les programmes de réformes de Chávez et d’introduire plus de mesures néo-libérales.

    Ces modifications dans la propagande de la droite sont le reflet de l’équilibre réel des forces politiques à ce stade. Capriles a été contraint de freiner l’extrême-droite. Amplifier les forces de l’extrême-droite ou soutenir explicitement les politiques néo-libérales ne se serait traduit que par une plus grande défaite pour Capriles.

    Un sérieux avertissement

    Malgré la victoire bienvenue de Chávez, ces élections représentent également un avertissement à partir duquel d’importantes leçons doivent être tirées pour éviter une possible future victoire de la droite. Tandis que le pourcentage de votes en faveur de Chavez a diminué de 7,6% par rapport à la dernière élection en 2006, Capriles a augmenté la part de la droite de 7,2%. Sur base d’une plus grande participation aux élections, Chávez a pu augmenter son score de voix en chiffres absolus de 824.872, mais Capriles a augmenté le vote de la droite de 2.206.061! Cela représente un sérieux avertissement. A l’exception du référendum sur la réforme constitutionnelle de 2007, ce fut le plus faible pourcentage obtenu par Chavez lors d’une élection.

    La droite n’a d’accroître son soutien électoral à chaque élection, ce qui reflète une lente mais bien réelle contre-révolution rampante. Mais le soutien aux politiques radicales de gauche reste dominante à ce stade et les masses, y compris certaines sections qui cette fois ont voté pour la droite, sont opposées à toute tentative de revenir à l’ordre ancien qui existait avant Chávez au pouvoir.

    Cependant, le fait est qu’il n’y a pas de rupture avec le capitalisme ni de véritable programme socialiste basé sur le contrôle et la gestion démocratique des secteurs clés de l’économie par la classe ouvrière et tous ceux qui sont exploités par le capitalisme. Cette situation permet à la droite d’exploiter le mécontentement et la frustration qui découlent de la détérioration des conditions sociales, de la corruption et de l’inefficacité qui accompagne la croissance de la bureaucratie chaviste ainsi que l’approche bureaucratique de bas en haut du gouvernement.

    Le plus grand pourcentage de votes jamais obtenu à ce jour par Chávez a été atteint lors des élections de 2006. A l’époque, Chavez avait pu compter sur un soutien électoral de 62%. De manière significative, cette campagne a également été la plus radicale de Chavez, avec la question du ”socialisme” dominant le débat et véritablement placée au premier plan de la campagne. Cette époque était marquée par le développement révolutionnaire qui a suivi la tentative de coup d’Etat de la droite et le lock-out patronal de 2002-03. Toutefois, depuis cette victoire, plutôt que d’avoir avancé dans la mise en place d’un programme visant à rompre avec le capitalisme et à mettre en place un véritable système de contrôle et de gestion démocratique des travailleurs, le processus révolutionnaire est au point mort et est sur la défensive.

    Le gouvernement a de plus en plus collaboré avec la classe dominante et a cherché à parvenir à un accord avec elle, d’où sa politique de ”réconciliation nationale” et les accords passés avec la fédération patronale. Ceci, avec l’émergence de ceux qui se sont enrichis sur le dos du mouvement Chaviste – la ”boli-bourgeoisie” – conduit inévitablement à un mécontentement croissant ainsi qu’à des protestations contre le gouvernement.

    Réformes et désespoir dans les quartiers les plus pauvres

    La réponse du gouvernement face à la crise économique mondiale du capitalisme qui a débuté en 2007 n’a pas été de faire avancer un programme de rupture avec le capitalisme, mais de se déplacer dans la direction opposée et de chercher à l’apaiser en se déplaçant vers la droite. Depuis, des concessions fiscales accrues ont été données aux multinationales. La compagnie pétrolière nationale PDVSA, qui a financé le programme de réforme des ”missions”, a aussi réduit son budget pour ces dernières de près de 30%.

    La répression contre les grévistes de toutes sortes a également été accrue au cours de ces dernières années. Les travailleurs du secteur public sont soumis à la loi de sécurité et de défense de la Nation qui permet l’interdiction des grèves et même de simples protestations dans le secteur public. La police d’Etat dans la ville de Barcelona a ainsi tué deux dirigeants ouvriers à l’usine automobile Mitsubishi. Le gouverneur de cet Etat est un chaviste. Des travailleurs de Toyota ont subi le même sort.

    Malgré les populaires politiques de réforme que sont les ”missions”, qui ont aidé des millions de gens pour leur santé ou encore leur enseignement, les conditions sociales dans les ”barrios” (les quartiers) plus pauvres restent catastrophiques et montrent peu de signes d’amélioration. Celles-ci ont été le terreau d’une hausse spectaculaire de la criminalité, de la violence et des enlèvements visant à soutirer de l’argent aux familles des victimes. Le Venezuela possède l’un des taux les plus élevés de meurtre dans le monde : le chiffre officiel du gouvernement fait état de 19.000 décès en 2011. Ce n’est très certainement là qu’une sous-estimation de l’ampleur du phénomène.

    Le Venezuela est actuellement l’un des pays les plus violents au monde. Dans un district majoritairement riche près de Caracas, El Hatillo, 70 enlèvements ont eu lieu jusqu’à présent cette année! L’expérience des membres du Comité pour une Internationale Ouvrière est typique. Un membre du CIO vivant dans un ”barrio” est arrivé lors d’une réunion le jour précédent l’élection pour parler de l’assassinat de son beau-frère qui s’était déroulé la veille. Un autre a expliqué qu’on avait tiré sur son propriétaire. D’autres parlent de collègues de travail qui ont été enlevés. Un autre encore a parlé d’un incident lors d’un retrait d’argent auprès d’une banque pour le travail, il a été volé cinq minutes plus tard par des jeunes armés sur une moto, un texto avait été envoyé par un employé de la banque pour les avertir du retrait, l’employé ayant touché une partie du butin par la suite. De telles attaques mettent la vie des pauvres et de la classe moyenne dans un état d’anxiété et de peur quasi permanent.

    La situation du logement reste désespérée en particulier dans les quartiers les plus pauvres. Le gouvernement, dans la période qui a précédé l’élection, a lancé un programme de logement de manière précipitées, et il prétend avoir construit plus de 200.000 nouveaux logements. Beaucoup de gens mettent en question ces chiffres. Beaucoup de ceux qui ont vu leurs cabanes emportées par de fortes pluies en 2010 restent dans des refuges. Là, les conditions de vie peuvent être si mauvaises que même des massacres des occupants ont eu lieu par d’autres occupants ou par les cartels de la drogue qui opèrent dans les barrios. Pourtant, ce qui est en cours de construction ce sont en réalités de nouveaux ghettos: des appartements minuscules dans des blocs sans facilités, construits sur n’importe quelle parcelle de terre vide ou expropriée. Une de ces nouvelle construction est isolée avec une seule route pour y aller et en sortir, avec au moins une heure de marche pour parvenir au métro le plus proche.

    La corruption, le manque de planification et de contrôle démocratique ainsi que les méthodes techniques de construction inadéquates ont souvent conduit à ce que des fissures apparaissent dans les blocs avant même qu’ils ne soient occupés!

    Ces conditions sont le terreau potentiel pour le développement de bandes armées de jeunes poussés aux vols avec violence ou aux enlèvements dans le seul but de survivre. Ils sont aussi un terreau de mécontentement sur lequel la droite peut s’appuyer, ce qui pourrait conduire à la démoralisation et l’apathie envers le gouvernement.

    Référence minimale au socialisme

    La campagne de Chávez au cours de cette élection était plus à droite que la campagne menée en 2006. C’était alors peu de temps après que Chavez ait proposé le lancement du PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezuela) en tant que ”parti révolutionnaire”. Chávez faisait à ce moment-là référence à Trotsky, à la révolution permanente et au programme de transition. Il parlait de la construction d’une ”cinquième internationale” des ”partis de gauche”. Mais cette fois ci, dans cette élection, rien de tout cela n’était évident. La référence au socialisme était minime, et quasiment inaudible jusqu’à la dernière semaine de la campagne. Le principal slogan de Chavez était ”Chávez au cœur de la patrie”. Il a pris un caractère très nationaliste avec des promesses de développer la ”patrie”. L’élection a été hautement personnalisée dans les deux camps. Alors que les principales avenues de Caracas étaient pleines lors de la manifestation de clôture, il était manifeste que les pancartes mettaient en vedette Chavez et la ”patrie” sans autre contenu politique. Les bannières du PSUV ou des syndicats étaient absentes. Beaucoup de travailleurs portaient des chemises des entreprises pour lesquelles ils travaillaient et, souvent, ils expliquaient qu’ils étaient là parce qu’ils y avaient été ”obligés” par leurs employeurs.

    Alors que nombreux sont ceux qui se sont ralliés avec enthousiasme à Chávez comme étant leur seul espoir et par crainte de la droite, certains ont tout simplement été mobilisés autour de slogans pour ”Hugo Chávez et la patrie”, sans autre contenu.

    Ces caractéristiques reflètent l’absence d’une force politique indépendante organisée des travailleurs et des pauvres, comme le CIO l’a déjà commenté dans des articles précédents. Ceci, et l’ approche bureaucratique de ha ut en bas du gouvernement, a sérieusement affaibli le mouvement dès sa première période, ce contre quoi le CIO a constamment mis en garde. Cette approche du haut en bas a de nouveau été remarquée durant la campagne électorale. À deux reprises, lorsque Chavez a parlé à des réunions de masse dans le pays, certains scandant "Chávez oui, mais pas…", se référant aux candidats chavistes imposés pour les prochaines élections régionales, en décembre. Chávez a répondu en disant que si les candidats imposés sont rejetés alors ils doivent aussi rejeter Chávez!

    L’absence d’un mouvement ouvrier démocratique et indépendant est l’une des plus grandes faiblesses et un des plus grands dangers de la situation présente. Il a déjà permis à l’aile droite de réaliser des gains et des avancées. Si la classe ouvrière, les jeunes et les pauvres ne construisent pas une force indépendante démocratique organisée, la menace de la droite et l’avance de la contre-révolution se développera. Il n’est pas exclu que l’aile droite obtiennent des gains lors des élections régionales du mois de décembre compte tenu des pourritures que sont certains des candidats chavistes.

    Malheureusement, suite à sa victoire, le président Chávez, en parlant à ses partisans, n’a donné aucune indication afin de prendre des mesures pour renverser le capitalisme. Il a offert le dialogue à l’opposition. "Nous sommes tous des frères de la patrie”, a-t-il tonné après avoir prié l’opposition d’accepter le résultat. Il a parlé de construire un Venezuela uni. Des deux côtés on a insisté sur ce même point vers la fin de la campagne. Comme à la clôture du scrutin, il y avait un barrage de propagande télévisée des deux côtés appelant à la paix, l’unité et la réconciliation. Chávez, comme Capriles ont appelé au ”calme” et à la ”tranquillité”, évidemment par crainte que la polarisation ne puisse entraîner des affrontements et une sorte d’explosion sociale.

    Une ”économie mixte” ou une rupture anticapitaliste ?

    Quand Chavez a salué la foule après sa victoire, il a fait deux références au socialisme. Cependant, elles ont été noyées dans les déclarations que sont les "Viva Bolivar! Viva La Patria! Viva Venezuela!" Pendant la campagne, il a fait valoir que le ”socialisme” de l’Union soviétique a échoué et qu’un nouveau type de système est nécessaire au 21ème siècle. Mais ce n’était pas là un rejet de la mascarade de socialisme qu’a constitué l’ancien régime stalinien totalitaire, ce n’était pas une déclaration destinée à favoriser l’instauration d’un programme favorable à la démocratie ouvrière. Les politiques de Chávez illustrent le fait que ce qu’il entend par ce ”nouveau type de système” est une ”économie mixte” combinant le capitalisme avec des interventions de l’État et des réformes. Les réformes que le Comité pour une Internationale Ouvrière ont soutenues sont maintenant repoussées vers l’arrière et démantelées. Elles ne pouvaient être maintenues et renforcées que sur base d’une rupture avec le capitalisme et de l’introduction d’une planification socialiste et démocratique de l’économie.

    Capriles est clairement en train d’attendre son heure et a maintenant l’intention de consolider sa base dans l’après campagne électorale. Chávez est préparé à poursuivre ses politiques de conciliation et de travail avec les sections de la classe dominante qui sont prêtes à collaborer avec lui. Une telle politique va de plus en plus pousser son gouvernement a entrer en confrontation avec les travailleurs et les pauvres. Le mécontentement social va augmenter. Il est urgent qu’un mouvement ouvrier socialiste, démocratique et indépendant se construise avec un programme de rupture anticapitaliste. Si cela n’est pas fait, alors, face à la désintégration sociale et à l’aliénation, la menace de la droite ne peut que se développer.

    L’approfondissement de la crise économique capitaliste mondiale aura un lourd impact sur le Venezuela. Une baisse significative du prix du pétrole, principal produit d’exportation du Venezuela, d’une valeur de 60 milliards de dollars l’an dernier, peut menacer de saper les politiques de Chávez. On ne peux pas exclure que Chávez pourrait être repoussé vers la gauche et introduire des mesures plus radicales qui empiètent sur le capitalisme. Toutefois, cela est loin d’être certain et elles ne représenteraient pas en elles-même une transformation socialiste. Pour rompre avec le capitalisme et construire une véritable alternative socialiste démocratique, il est encore nécessaire et urgent de construire un mouvement ouvrier socialiste indépendant, démocratique et politiquement conscient.

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