Tag: Venezuela

  • 2012 : Une année cruciale pour la classe ouvrière Vénézuélienne

    Les élections vont se dérouler dans la polarisation politique et l’incertitude économique

    L’élection présidentielle au Venezuela aura lieu le 7 octobre prochain. Ces élections seront cruciales à la fois pour le gouvernement Chavez et pour la récente aile droite Mesa de Unidad Democratica (Plateforme Unité Démocratique, connue sous l’abréviation MUD). Pour la première fois depuis que Chavez a pris le pouvoir en 1998, l’aile droite a réussi, du moins superficiellement, à mettre de côté ses divergences et à élire une personne pour la représenter, Henry Capriles Radonski. Capriles est multimillionnaire et, jusque récemment, gouverneur d’Etat.

    Par Gabriela Sanchez (CIO-Venezuela)

    En parvenant à trouver un candidat unique pour les représenter et avec la montée de la contestation sur les sujets du logement, des salaires, de la corruption, une crise dans les prisons et le système de soins de santé, la montée des crimes violents et les problèmes de santé de Chavez, la droite a retrouvé sa confiance. Elle se donne l’image d’une force « démocratique » qui déclare lutter pour un réel changement et le « progrès ». Elle a mis en avant beaucoup de questions auxquels le gouvernement n’a jamais répondu de façon sérieuse. Pour la première fois, elle a peut-être trouvé un candidat crédible pour défier Chavez, même s’il n’est pas encore certain qu’elle va gagner.

    Les sondages varient significativement d’un institut ou d’une entreprise à l’autre. Chaque camp proclame que les sondages qui l’avantagent sont « indépendants » et nie la corruption et le truquage dans les enquêtes.

    Une « guerre des sondages » a en fait éclaté, et offre au Chavisme comme à la droite une diversion des problèmes réels. Beaucoup de sondeurs eux-mêmes ont publiquement renié les accusations, l’un d’eux, Hinterlaces, avertissant même Capriles qu’il devrait se concentrer à attaquer Chavez et sa politique et non pas les instituts de sondage.

    Une société polarisée

    La guerre des sondages n’aide pas beaucoup les Vénézueliens dans la situation politique dans laquelle ils se trouvent. Depuis l’élection de Chavez, et plus particulièrement après le coup d’état de 2002, les Vénézueliens se sont de plus en plus polarisés entre le Chavisme et la droite. Il est évident que, dans une situation pré- et contre-révolutionnaire, cette polarisation apparait de façon à ce que la société se divise sur une ligne de classe. Le Venezuela est juste un exemple dans une longue série de luttes. Des processus similaires se sont produits au Chili sous Allende et pendant la Guerre Civile Espagnole pour ne citer que ceux-là.

    Au Venezuela, chaque camp a activement encouragé la polarisation ; par exemple quand Chavez a lancé le Parti Socialiste Unifié du Venezuela (PSUV) et a averti les dirigeants syndicaux et d’autres à l’extrême gauche que « si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ». Ainsi tout le monde est forcé de décider qui il supporte, sans espace pour la critique quelle qu’elle soit.

    Ceci est plus apparent que jamais à gauche, où depuis des années beaucoup de groupes « révolutionnaires », comme le Parti Communiste du Venezuela, ont parfois donné carte blanche au gouvernement, et n’ont déclaré que récemment que plus de critique est nécessaire. Les groupes tels que le nôtre, qui n’ont pas manqué de critiquer le gouvernement, ont subi un isolement politique et des camarades ont été confrontés à des menaces et à des intimidations sur leurs lieux de travail et en public.

    Ironiquement, c’est Capriles, qui représente la classe dirigeante, qui a déclaré qu’il serait un président pour « tout le monde – même les rouges ». Par opportunisme, ils capitalisent sur la fatigue que beaucoup de Vénézuéliens ressentent dans cette situation politique.

    Incertitude économique

    La droite utilise aussi la récession récente du Venezuela en 2009-2011, en résultat de la chute des prix du pétrole, en citant la mauvaise gestion économique comme exemple de l’incompétence du gouvernement. Celui-ci continue de reposer fortement sur les exportations de pétroles pour ses finances.

    Pendant la récession, plutôt que de radicaliser et d’utiliser la crise pour démontrer la nécessité de rompre avec le capitalisme, le gouvernement a pris exactement les mêmes mesures que beaucoup d’autres gouvernements capitalistes. Ceci bien sûr après avoir initialement nié que le Venezuela serait affecté par la crise financière mondiale.

    Le gouvernement a augmenté la taxe IVA (une taxe sur les biens et services), dévalué la monnaie et effectué des coupes budgétaires. Les travaux des hôpitaux qui étaient auparavant ralentis à cause de la corruption se sont arrêtés. Ces mesures et l’inflation annuelle de 22 à 28% frappent de plein fouet la classe ouvrière et les pauvres.

    Ce budget d’austérité, même s’il a un peu augmenté à cause de la montée du prix du pétrole attendue à 60$ par baril, a permis au gouvernement d’amasser une fortune dans un fonds parallèle. Ces fonds ont donc été utilisés ces 8 derniers mois pour mener beaucoup de programmes sociaux, dont la nouvelle Mission Logement qui, selon le gouvernement, a construit des milliers de maisons pour les masses de gens réfugiés après les inondations de 2010. Ils ont garanti des paiements de sécurité sociale partiels à des milliers de personnes, particulièrement des familles qui vivent dans une extrême pauvreté.

    Alors que ces réformes ont été bien accueillies par certaines des sections les plus pauvres de la société, elles n’ont pas été suffisantes pour changer fondamentalement les problèmes quotidiens auxquels les gens font face.

    Bien que la récession paraisse terminée à présent, il est certain que l’économie va faire face à de nouveaux défis dans le futur. Il est probable que l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole va pousser à la régulation et à la baisse des prix du pétrole dans une tentative d’augmenter la demande mondiale.

    Ni le gouvernement ni la droite n’ont mis en avant cette possibilité. Apparemment, de tels propos ne sont pas pour plaire aux campagnes présidentielles !

    En plus des difficultés économiques, des lois récentes rendent le droit de grève plus difficile, avec beaucoup d’industries déclarées zones sans grèves car elles représenteraient « une menace pour la sécurité nationale ».

    La classe ouvrière et la gauche

    Comme mentionné plus haut, la gauche organisée a été en grande partie fragmentée et ses composantes isolées entre elles en résultat de l’extrême polarisation politique existante. La situation aujourd’hui vient de l’absence d’un authentique parti révolutionnaire de masse. Pendant la période de 2002 à 2005, toutes les conditions existaient pour le succès d’une révolution socialiste. Le problème était qu’il n’existait pas un parti préparé à profiter de la situation. Au lieu de cela, Chavez a consolidé le pouvoir aux mains du gouvernement et de la bureaucratie, qui a rapidement augmenté en importance.

    Il est cependant vrai que le Processus Bolivarien a aidé à développer un certain niveau de conscience de classe. Des mots tes que socialisme, révolution et pouvoir ouvrier sont utilisé communément dans beaucoup d’usines et de barrios dans le pays. Cependant la compréhension actuelle de ce que ces mots veulent dire et de comment y parvenir diffèrent.

    Les prochains mois vont être un défi politique pour la gauche au Venezuela. A mesure que les élections approchent, l’espace pour le débat et la critique sera encore plus réduit. Notre section continue à mettre en avant la revendication pour un mouvement indépendant de la classe ouvrière et pour le socialisme démocratique authentique. Nous sommes actifs dans la tentative d’organiser un front de gauche pour défendre les droits de la classe ouvrière et pour une gauche indépendante, même s’il est extrêmement difficile de travailler dans le climat actuel.

    Même si ce n’est pas certain, il est probable que Chavez va remporter les élections. Le gouvernement a été capable de distancer quelque peu de Chavez le mécontentement vu dans les rues contre le gouvernement. Beaucoup de gens, avec raison, voient encore Chavez comme le Président qui leur a donné une voix et un accès aux soins de santé à l’éducation pour la première fois.

    La droite, malgré leur rhétorique, n’offre clairement pas d’issue pour la classe ouvrière et sa victoire aux élections rendrait probablement les conditions de s’organiser encore plus difficiles. Dans un contexte de situation économique détériorée, ils appliqueraient les mêmes mesures d’austérité que les autres gouvernements capitalistes dans le monde entier.

    Pour le CIO au Venezuela, voter Chavez n’est pas suffisant. Si nous voulons avoir une chance de répondre aux questions sociales qui existent, nous devons construire un mouvement préparé à aller rapidement dans la direction de l’authentique socialisme démocratique. Seule une société basée sur la propriété publique de tous les secteurs-clé de l’économie, le contrôle démocratique par en bas, et un plan durable de production peut utiliser les richesses qui existent pour augmenter rapidement les conditions de vie de la majorité.

    Nous avons besoin d’un gouvernement de gauche mais, plus important, nous avons besoin de construire un mouvement indépendant dans les lieux de travail, dans les barrios et parmi les jeunes, qui s’organiserait pour prendre le contrôle de l’économie des mains des capitalistes et de la bureaucratie du gouvernement.

  • Grèce : Révolution et contre-révolution sur fond de crise croissante de la zone euro

    C’est véritablement un séisme politique qui a pris place le 6 mai dernier en Grèce. Ces élections constituent un signe avant-coureur de bouleversements politiques et sociaux plus intenses encore. Partout à travers l’Europe, les travailleurs et leurs organisations doivent être solidaires de la population grecque et s’opposer résolument aux diktats de la troïka (Union Européenne, Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne). Cette solidarité passe aussi par la lutte contre les attaques des divers gouvernements partout en Europe.

    Résumé d’un dossier de Tony Saunois (CIO) et d’Andros Payiatos, Xekinima (CIO-Grèce)

    Suite à l’impossibilité de former un gouvernement, de nouvelles élections doivent se tenir le 17 juin. Cette paralysie est une expression des chocs violents dont a été victime la société grecque dans le cadre d’un processus de révolution et de contre-révolution. Le prestigieux Financial Times a ainsi mis en garde: ‘‘Il peut y avoir des émeutes et des pillages. Un coup d’État ou une guerre civile sont possibles’’ (édition du 18 mai).

    Alexis Tsipras (Syriza): “Une guerre entre le peuple et le capitalisme”

    Syriza (‘Coalition de la Gauche Radicale’) est sortie grand vainqueur du scrutin en passant de 4,6% à 16,78%, de quoi donner espoir à de nombreux travailleurs et militants de gauche en Grèce et ailleurs. La classe dirigeante est terrifiée face à cette large contestation de la Troïka et de l’austérité.

    Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les sociaux-démocrates du PASOK se sont systématiquement agenouillés devant les diktats de la Troïka, assurant ainsi que le pays soit littéralement occupé par les grandes banques, la Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International et l’Union Européenne. Le 6 mai, le peuple grec a riposté par une claque monumentale envoyée à ces deux pantins de l’Europe du capital. Alors qu’ils obtenaient généralement 75% à 85% ensemble, ils n’ont maintenant recueilli que 32,02% (18,85 pour la ND et 13,18% pour le PASOK).

    D’ici aux élections du 17 juin, Syriza peut encore renforcer son soutien électoral. La coalition de gauche radicale sera-t-elle à la hauteur des espoirs placés en elle? Selon nous, ce n’est possible qu’avec un programme socialiste révolutionnaire, un programme de rupture avec le capitalisme. Toute recherche de solutions au sein du système actuel est vaine.

    Si la gauche est mise en échec, l’extrême droite pourrait se saisir du vide politique. Nous avons d’ailleurs assisté le 6 mai à l’émergence du parti néo-fasciste ‘‘Aube Dorée’’ qui a obtenu 6,97% et 21 élus. Depuis lors, ces néonazis ont chuté dans les sondages, mais l’avertissement est sérieux.

    Un niveau de vie attaqué à la tronçonneuse

    Le Produit Intérieur Brut grec a chuté de 20% depuis 2008, cet effondrement économique réduisant à néant la vie de millions de personnes. Dans les services publics, les salaires ont chuté de 40%. L’église estime que 250.000 personnes font quotidiennement appel aux soupes populaires. Dans les hôpitaux (où le nombre de lits a diminué de moitié), les patients doivent dorénavant payer à l’avance pour bénéficier d’un traitement. Un hôpital a même gardé un nouveau-né jusqu’à ce que sa mère puisse payer la facture de l’accouchement. Des milliers d’écoles ont aussi été fermées.

    La classe moyenne est détruite. Le nombre de sans abri a explosé et ils font la file aux côté de leurs frères d’infortunes immigrés pour recevoir un peu de nourriture et pouvoir intégrer un abri dans ces sortes de camps de réfugiés qui constituent la version européenne des bidonvilles. Le chômage frappe 21% de la population active et 51% de la jeunesse tandis que les centaines de milliers d’immigrés sont agressés sans relâche par l’extrême droite. La gauche doit riposter avec un programme de mesures d’urgence.

    Les travailleurs contre-attaquent

    Sous la pression de la base, au moins 17 grèves générales ont été organisées en deux ans, dont trois de 48 heures, sans que les attaques antisociales ne cessent. Mais un certain désespoir se développe puisque la lutte n’a pas remporté d’avancées. Le désespoir a poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir à l’étranger. Environ 30.000 immigrés clandestins grecs sont en Australie, certains sont même partis au Nigeria ou au Kazakhstan. D’autres ont choisi une fuite plus tragique : le taux de suicide grec est aujourd’hui le plus élevé d’Europe.

    Cette situation n’est pas sans rappeler la dépression américaine des années ‘30. La haine et la colère sont telles à l’encontre de l’élite grecque et de ses politiciens qu’ils ne sont plus en sécurité en rue ou au restaurant. Les riches cachent leur argent en Suisse ou dans d’autres pays européens, tandis que la majorité de la population bascule à gauche du fait des conséquences de la crise.

    Syriza refuse une coalition avec le PASOK et la ND

    Syriza a déclaré que le PASOK et la ND voulaient qu’elle se rende complice d’un crime en participant au gouvernement avec eux. Alexis Tsipras a proposé de constituer un bloc de gauche avec le Parti communiste grec (KKE) et la Gauche démocratique (une scission de SYRIZA) pour mener une politique de gauche.

    Le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, appelle à l’abolition des mesures d’austérité et des lois qui ont mis fin aux conventions collectives de travail et ont plafonné le salaire minimum à 490 euros par mois. Il a exigé une enquête publique concernant la dette de l’Etat et, dans l’intervalle, un moratoire sur le remboursement des dettes.

    Ce programme est insuffisant face à la profondeur de la crise, mais il représente un bon point de départ afin de renforcer la lutte contre l’austérité et le débat sur un véritable programme de rupture avec le capitalisme.

    De son côté, la direction du KKE a refusé de rencontrer Tsipras. Le parti communiste s’enfonce dans son approche sectaire, à l’opposé du mouvement ouvrier, et il le paye dans les sondages. Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, plaide pour la création d’un front de gauche depuis longtemps. Si cet appel reçu un accueil plutôt hostile dans un premier temps, il a ensuite progressivement bénéficié de plus de soutien pour finalement être repris par Alexis Tsipras et Syriza.

    Une liste unitaire serait sortie première des élections du 6 mai, et aurait de ce fait reçu le bonus de 50 sièges supplémentaires accordés au plus grand parti selon la législation électorale grecque. Même si cela n’avait pas été suffisant pour obtenir une majorité parlementaire, cela aurait offert une place encore plus centrale à la gauche pour la deuxième élection de juin et pour la campagne concernant cette perspective très réaliste d’un véritable gouvernement de gauche.

    Mais le KKE a refusé et reste sur le banc de touche. Pourtant, en 1989, ce parti n’a eu aucune réticence à entrer en coalition avec… les conservateurs de la Nouvelle Démocratie ! La secrétaire générale du KKE, Aleka Papriga, se réfère maintenant à cette expérience pour justifier son refus d’un front de gauche, comme si un front unitaire basé sur la lutte contre l’austérité pouvait être mis sur le même pied qu’un gouvernement pro-capitaliste avec les conservateurs ! Malheureusement, d’autres formations de gauche ont également adopté une attitude négative sur cette question, particulièrement Antarsya (une alliance anticapitaliste).

    Tant le KKE qu’Antarsya sont maintenant sous la pression de leurs bases. Une partie de la base d’Antarsya appelle publiquement à la constitution d’un front avec Syriza, mais la majorité de la direction reste obstinément sur sa position, au mépris du prix à payer. En 2010, cette alliance avait encore réalisé 2% aux élections communales, contre 1,2% en mai, et cela pourrait encore diminuer. De son côté, le KKE a à peine progressé aux élections en mai et les sondages parlent d’une chute de 8,5% à 4,4% pour le 17 juin.

    Tsipras a menacé de ne pas rembourser entièrement les dettes du gouvernement, d’économiser sur les dépenses militaires et de lutter contre le gaspillage, la corruption et l’évasion fiscale des riches. Il exige un contrôle public du système bancaire, et appelle même parfois à la nationalisation. Il s’est encore prononcé pour un New Deal, à l’instar de celui que Roosevelt avait mis en avant pour les États-Unis dans les années ‘30. Syriza a donc pour programme un ensemble de réformes qui ne rompent pas avec le capitalisme, mais c’est tout de même un début. Pour nous, un programme d’urgence de travaux publics doit être lancé, lié à la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie, sur base d’une planification démocratique et socialiste de la société.

    Le programme de Syriza a ses limites, mais il a le mérite d’être clairement opposé à l’austérité. Syriza refuse d’ailleurs de participer à toute coalition gouvernementale destinée à appliquer des mesures antisociales. Cette approche peut pousser la formation au-delà des 20% dans les sondages, jusqu’à 28%. Cette rapide croissance de soutien illustre le potentiel électoral pour les formations de gauche lorsque les conditions objectives sont réunies et qu’elles adoptent un profil clair.

    Le refus de Syriza de collaborer à une coalition bourgeoise change radicalement de la position d’autres forces de gauche par le passé. En Italie, la position du Parti de la Refondation Communiste (PRC) a été très sérieusement affaiblie par sa participation à des coalitions locales. En Espagne, récemment, Izquierda Unida (Gauche Unie) est entré en coalition avec les sociaux-démocrates du PSOE en Andalousie, ce qui peut menacer son soutien parmi la population.

    L’Union Européenne et l’euro

    Les partis capitalistes et la Troïka tentent désespérément de renverser cette situation, et font campagne en disant que ces élections sont en fait un référendum sur l’adhésion à la zone euro. Tous leurs efforts visent à présenter la résistance à l’austérité comme la porte de sortie hors de l’eurozone et de l’Union européenne.

    Sur ce point, la position de Syriza est trop faible, bien qu’il s’agisse de l’expression d’un sentiment largement répandu dans la population. Selon un sondage, cette dernière est à 79% opposée à quitter l’euro. Les craintes de ce qui se passerait ensuite sont compréhensibles; un isolement de l’économie grecque, relativement petite, pourrait ramener les conditions sociales au niveau des années 1950 et 1960 et l’inflation au niveau élevé des années 1970 et 1980. Syriza et la gauche doivent faire face à ces craintes et expliquer quelle est leur alternative.

    Tsipras parie sur le fait que la Grèce ne sera pas éjectée de l’eurozone en raison des conséquences que cela entraînerait pour le reste de l’Europe. Cela n’est toutefois pas certain, même s’il est vrai qu’une partie des classes dirigeantes européennes a peur de ce cas de figure et des perspectives pour l’euro si l’Espagne et d’autres pays sont aussi poussés vers la sortie.

    De l’autre côté, les classes dirigeantes d’Allemagne et d’autres pays craignent que de trop grandes concessions pour préserver la Grèce dans l’eurozone ne soient un précédent dont se pourraient ensuite se servir l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande,… Le ‘Centre for Economic and Business Research’ a déjà indiqué que la fin de l’euro sous sa forme actuelle est une certitude.

    Syriza se trompe en pensant que le rejet de l’austérité peut être combiné à l’eurozone. La zone euro est une camisole de force économique que les grandes puissances capitalistes et les grandes entreprises utilisent afin d’imposer leur politique. Syriza se doit de formuler une réponse claire face à la probabilité qu’un gouvernement de gauche soit expulsé de la zone. D’ailleurs, on ne peut pas non plus exclure qu’un gouvernement décidé à accepter l’austérité soit tout de même confronté à ce scénario de sortie.

    Si de nombreux Grecs craignent cette perspective, cela ne signifie pas qu’ils sont prêts à accepter n’importe quoi. Si une Grèce dirigée par un gouvernement de gauche est poussée hors de l’eurozone, elle devra immédiatement institué un contrôle public sur le capital et le crédit afin d’éviter toute fuite des capitaux. Les institutions financières et les autres grandes entreprises devront immédiatement être nationalisées et le remboursement de la dette publique aux banques et aux institutions financières suspendu. Le gouvernement devra rendre public les livres de compte des banques et inspecter minutieusement les accords conclus avec les institutions internationales. Le gouvernement devra aussi exproprier les riches et protéger les petits investisseurs et épargnants. De cette manière, un véritable plan de relance serait de l’ordre du possible, un plan démocratiquement élaboré dans le cadre d’une planification socialiste basée sur le contrôle public des principaux secteurs de l’économie.

    Vive l’internationalisme socialiste !

    Un véritable gouvernement de gauche devra simultanément tout faire pour appeler à la solidarité du mouvement syndical du reste de l’Europe, et en particulier en Espagne, en Irlande, au Portugal et en Italie. Ensemble, ces pays ont le potentiel de construire une alternative à l’Europe du capital vers une confédération socialiste basée sur une adhésion volontaire, première étape vers une Europe socialiste.

    Pour y parvenir, nous devons renforcer les liens entre toutes les organisations de gauche et le mouvement syndical de ces divers pays. Sans une telle approche, la résistance contre l’austérité sera partiellement désarmée, et un flanc laissé au développement du nationalisme.

    Une nouvelle phase de la lutte

    Si Syriza se retrouve le plus grand parti du pays, ou s’il prend la tête d’un gouvernement de gauche, la crise ne serait toutefois pas immédiatement battue. Au contraire, cela ne marquerait que l’ouverture d’une nouvelle phase à laquelle les travailleurs et leurs familles doivent être préparés.

    Syriza doit se renforcer en organisant tous ceux, et ils sont nombreux, qui veulent combattre l’austérité. L’appel de Tsipras pour constituer un front de gauche doit se concrétiser avec l’organisation de réunions locales et nationales des partis de gauche, des syndicats, d’habitants de quartiers, d’étudiants,…

    Des comités locaux démocratiquement constitués sont la meilleure base pour se préparer à la prochaine période de lutte et assurer que suffisamment de pression existe pour qu’un gouvernement de gauche applique une politique réellement centrée sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles.

    La classe dirigeante se sent menacé par Syriza et par la gauche. Nous devons nous saisir de cette énorme opportunité. Rester spectateur n’est pas une option.


    Leçons passées et présentes d’Amérique latine

    Nous sommes évidemment dans une autre époque, mais des similitudes existent entre la Grèce actuelle et le Chili des années 1970-73 ou encore avec le développement des régimes de gauche au Venezuela, en Bolivie ou en Argentine.

    Au début des années ’70, le Chili a connu une forte polarisation politique mais la droite et la classe dirigeante s’étaient préparées pour sortir de l’impasse. L’organisation fasciste ‘Patria y Libertad’ (une organisation paramilitaire) occupait les rues et attaquait les militants de gauche. Finalement, l’armée a organisé le coup d’Etat du 11 septembre 1973 qui a porté Pinochet au pouvoir.

    En Grèce, le potentiel du développement d’une organisation paramilitaire existe, avec ‘‘Aube Dorée’’. Cette organisation fait l’éloge de la dictature militaire grecque dite ‘‘des colonels’’ (1967-1973) et même d’Hitler. Une partie de la classe dirigeante peut tirer la conclusion qu’il n’existe pas d’alternative face à la menace de la gauche et peut être tentée de ‘rétablir l’ordre’. Cela ne sera pas le premier choix de la classe dirigeante, mais ce danger n’en est pas moins réel. La baisse du soutien d’Aube Dorée dans les sondages n’est pas synonyme de sa disparition.

    Même sans soutien massif un groupe comme Aube Dorée ou Patria y Libertad peut être une menace physique pour les minorités et le mouvement ouvrier. Aube Dorée envoie ses ‘chemises noires’ attaquer les immigrés et menace ouvertement les homosexuels (leur prochaine cible). La création de comités d’auto-défense est urgente.

    Si Syriza peut former un gouvernement avec un front de gauche, ce gouvernement peut rapidement être poussé plus encore à gauche. Ce fut le cas d’Allende au Chili en 1970 ou de Chavez (Venezuela), de Morales (Bolivie) et de Kirchner (Argentine). Un tel gouvernement peut prendre des mesures contre les capitalistes, y compris par des nationalisations. D’autre part, un gouvernement grec de gauche pourrait bientôt servir d’exemple pour l’Espagne et le Portugal, entre autres.

    Syriza et Tsipras ne parlent pas encore de socialisme, mais cela pourrait changer. Dans une interview accordée au quotidien britannique ‘‘The Guardian’’ Tsipras parle d’une guerre entre la population et le capitalisme. Chavez lui non plus ne parlait pas de socialisme à son arrivée au pouvoir. Il a été poussé à gauche par la pression populaire.

    Sous l’impact de la crise et de la lutte des classes, le soutien pour des demandes comme la nationalisation, le contrôle et la gestion ouvrière peut rapidement grandir. Des gouvernements de gauche peuvent être mis sous pression pour prendre de telles mesures, au moins partiellement. Ce fut d’ailleurs également le cas du premier gouvernement du PASOK grec en 1981. Si les partis capitalistes obtiennent une majorité pour former un gouvernement dirigé par la Nouvelle Démocratie, ce sera un gouvernement sans crédibilité, ni autorité, ni stabilité. Un tel gouvernement entrera vite en confrontation avec l’intense colère du mouvement ouvrier grec. Syriza pourra s’y renforcer. Dans une telle situation Xekinima proposera une campagne active pour la chute du gouvernement par des grèves, des occupations et des manifestations de masse.

    La croissance rapide de Syriza est un élément positif. La crise sociale et politique constitue un test, tant pour Syriza que pour toutes les autres forces politiques. Avec un programme approprié, des méthodes correctes et une bonne approche, il est possible d’avancer. Sinon, la gauche peut disparaître aussi rapidement qu’elle a avancé. Xekinima joue un rôle actif dans les discussions au sein et autour de Syriza afin de parvenir aux conclusions politiques nécessaires pour développer les luttes.

  • Argentine : Kirchner nationalise l’entreprise de pétrole YPF

    L’annonce de la présidente péroniste de l’Argentine, Cristina Fernandez Kirchner, que 51% des parts de l’YPF seraient prises par l’Etat a rencontré un soutien massif en Argentine et a été vu comme une attaque envers la multinationale Repsol. Mais elle s’est attirée les foudres de l’impérialisme.

    Tony Saunois, CIO

    Le ministre de l’industrie espagnol, José Manuel Soria, a dénoncé cela comme un acte ”d’hostilité envers l’Espagne qui aura des conséquences”. Rajoy a parlé d’un acte ”arbitraire et hostile” qui casse le ”climat d’amitié” entre les deux pays. Le British Financial Times a reproduit ce ressentiment. Son éditorial, titré ”un acte lamentable de piraterie économique”, a mis en garde l’Argentine qu’elle pourrait être ”suspendue du G20” et prévenu Kirchner : ”Elle ne devrait pas oublier que tout acte ont des conséquences”. (FT 18/4/2012)

    Le président néolibéral du Chili, Pinera, et Camderon, du Mexique, se sont aussi joints aux critiques contre cette acte de Krichner. Même Evo Morales le président Bolivien, dans une réaction assez lâche, a argumenté que c’était une question bilatérale entre deux Etats et que son gouvernement jouissait de bonnes relations avec Repsol ! Son propre gouvernement a pourtant subi des attaques similaires de la part du Brésil lorsqu’il a pris des mesures du même type contre Petrobras, la multinationale brésilienne ! (Depuis l’écriture de cet article, Morales a annoncé la nationalisation de l’entreprise de Transport d’électricité TDE, NDLR)

    La nationalisation des parts de l’YPF est un développement significatif qui a des conséquences importantes au-delà de l’Argentine, c’est d’ailleurs ce qui se cache derrière le déversement de venin contre l’intervention d’Etat de Kirchner. La classe dominante mondiale a peur que cela puisse constituer un précédent pour d’autres gouvernements alors que la crise économique mondiale s’aggrave. ‘‘Le chant des sirènes populistes séduit à nouveau…’’ a ainsi titré Moisés Naim dans son article paru dans le Financial Times du 19 avril 2012. Ces développements en Argentine sont une anticipation de ce qui pourrait se développer dans d’autres pays alors que la crise du capitalisme s’intensifie. En ce sens ils signifient le début d’une nouvelle ère.

    L’hostilité et l’opposition internationales aux mesures similaires de Hugo Chàvez au Venezuela dans le passé (quand son gouvernement avait également agi contre Total, BP et Chevron), elles n’atteignaient pas le même niveau que les réactions actuelles consécutives à l’intervention de Kirchner. C’est que la situation mondiale est maintenant beaucoup plus critique pour le capitalisme mondial. L’idée que d’autres gouvernements puissent être forcés d’intervenir et d’aller encore plus loin dans les nationalisations de secteurs de l’économie (que cela soit sous la pression de la population ou pour défendre leurs propres intérêts) terrifie à présent la classe dominante.

    Une nouvelle politique de la classe dominante?

    L’intervention de Kirchner, en saisissant 51% des parts de l’YPF, pourrait être annonciatrice d’une nouvelle situation où les gouvernements se verraient forcés d’intervenir, par une intervention d’Etat, afin de tenter d’atténuer les effets d’une sérieuse récession prolongée ou d’un marasme économique.

    Cela remet aussi la question de la nationalisation à l’ordre du jour politique ; la classe dominante craint que la classe ouvrière se saisisse de ce mot d’ordre et exige son application. Les développements en Argentine sont en conséquences extrêmement importants internationalement.

    L’intérêt géopolitique de l’Amérique Latine et des Amériques est un élément supplémentaire important. Le déclin perceptible d’Hugo Chàvez laisse un espace que Kirchner tente de remplir. L’impérialisme États-Unien a donc été plus prudent dans sa réaction, ne voulant pas pousser Kirchner davantage dans la ‘‘camp populiste’’. Le journal espagnol El Pais a cité un haut fonctionnaire États-Unien qui, à la suite du récent Sommet des Amériques en Colombie, disait que : ‘‘Nous avons des divergences occasionnelles avec l’Argentine, mais nous ne voulons pas que cela (la nationalisation de l’YPF) compromette notre large coopération économique et sur la sécurité’’ avec l’Argentine. (El Pais 16/4/12)

    Cette re-nationalisation partielle de YPF est directement issue des conséquences désastreuses des privatisations massives menées en Argentine dans les années ’90 sous le règne du président péroniste Carlos Menem. Traditionnellement, le péronisme (un mouvement nationaliste populiste) a adopté une politique de lourdes interventions de l’Etat dans l’économie. Mais Menem avait change d’orientation et s’est dirigé vers des privatisations massives, résultat de l’adoption de la logique néolibérale qui prévalait intentionnellement. Il s’agissait à tel point d’un nouveau départ pour le péronisme qu’il a été surnommé le “Menemismo”.

    L’YPF a été privatisé en 1992. Tout comme les autres privatisations, ce fut un désastre pour les masses, mais a qui représentait d’immenses opportunités pour les capitalistes argentins et pour les multinationales telles que Repsol qui sont retournées en Amérique Latine tels de nouveaux conquistadores, en achetant des pans entiers de l’économie d’Argentine et de l’Amérique Latine.

    Ces privatisations ont véritablement été catastrophiques pour l’économie. Comme Kirchner l’a fait remarquer, le manque d’investissements et de développement dans les secteurs de l’énergie et du pétrole a eu pour conséquence que l’Argentine a dû commencer à importer du gaz et du pétrole pour la première fois depuis plus de 17 ans. Et cela malgré la découverte de champs de gaz étendus, connus sous le nom de Vaca Muerta (la ‘‘vache morte’’). ‘‘Cette politique vide, de ne pas produire, de ne pas explorer, nous a pratiquement transformés en un pays non-viable en raison de la politique du business, et non à cause d’un manque de ressources’’, était l’une des raisons invoquées par Kirchner pour prendre une part majoritaire de l’YPF. (El Pais 17/4/12)

    Récemment encore, l’Aérolinéas Argentinas privatisée, les compagnies d’électricité et quelques autres ont aussi été renationalisées, en partie pour des raisons similaires. Ce changement de politique par le gouvernement Kirchner fait suite à un net ralentissement de l’économie, à une augmentation de l’inflation, à l’introduction de coupes budgétaires ainsi qu’au développement du chômage.

    Ce qu’elle dit dans les faits, c’est que si le secteur privatisé n’assurera pas les services essentiels, alors l’Etat va intervenir et le faire. Cependant, malgré l’épanchement d’hostilité de la part des représentants du capitalisme et de l’impérialiste, Kirchner n’a pas effectué une nationalisation socialiste.

    Trotsky et le Mexique de 1938

    En mars 1938, le gouvernement populiste radical du Mexique dirigé par Làzaro Càrdenas a nationalisé les compagnies pétrolières Anglo-Américo-Néerlandaises. Trotsky argumentait que cette étape devait être soutenue et que les syndicats et la classe ouvrière devraient lutter pour un contrôle et une gestion démocratique par les travailleurs dans la nouvelle industrie d’Etat, bien que celle-ci n’ait pas été construite sur des bases socialistes. Cette approche est une leçon pour l’Argentine aujourd’hui.

    De la même manière, les marxistes britanniques revendiquaient le contrôle et la gestion démocratique par les travailleurs lors des nationalisations des houillères, des chemins de fer et d’autres secteurs de l’économie par le gouvernement travailliste d’après-guerre. Ils proposaient concrètement que les conseils de ces entreprises soient formés d’un tiers de syndicalistes de l’industrie en question, un tiers de représentants de la Confédération Syndicale (représentant la classe ouvrière au sens large) et d’un tiers de représentants du gouvernement.

    La nationalisation partielle de Kirchner a été suffisante pour provoquer la colère de la classe dirigeante. Elle ne signifie pas qu’un simple changement dans la politique du gouvernement, il s’agit d’un changement dans la politique de la dynastie Kirchner elle-même. Christina Kirchner n’a pas été partisane de la classe ouvrière et des pauvres d’Argentine. Son prédécesseur et défunt mari, Néstor Kirchner, était un partisan enthousiaste de la privatisation de l’YPF en 1992. En 1999, il a vendu 5% des parts de l’YPF à Repsol détenues en Patagonie, dans la province de Santa Cruz où il était alors Gouverneur.

    Comme Repsol augmentait sa possession de YPF jusqu’à 99%, Kirchner a alors appuyé une politique d’ « Argentinisation » et a insisté pour qu’un pourcentage reste détenu par des intérêts argentins. En conséquence, le groupe Argentin Peterson, possédé par la famille Eskenazi, a reçu 25% des parts de l’YPF. Celles-ci n’ont pas été touchées par la récente nationalisation partielle.

    Au gouvernement, les Kirchner ont amassé une fortune. Quand Nestor Kirchner a été élu président en 2003, la fortune du couple était estimée à 2,35 millions de dollars. Pendant son règne, la richesse des Kirchner a augmenté d’un étourdissant 900% en 7 ans. Au moment de la mort de Nestor en 2012, ils possédaient 18 millions de dollars avec 27 maisons, appartements, magasins et hôtels à leur nom. En 2003, la famille n’avait pas d’intérêts économiques dans la ville Patagonienne El Calafate. En 2010, les Kirchner dirigeaient 60 à 70 % de l’activité économique de la ville.

    Les mesures prises par Cristina Kirchner, qui vont être très populaires en Argentine, sont une intervention d’Etat pour essayer de résoudre la crise de l’énergie. Elles ont été prises en partie pour essayer de résoudre le déficit énergétique et l’échec de Repsol à développer l’industrie. Elles sont aussi une tentative par Kirchner d’obtenir du soutien dans un contexte d’économie déclinante et d’attaques contre la classe ouvrière. Elle a essayé d’invoquer la mémoire de la populiste radicale et nationaliste Evita Peron (en annonçant les mesures devant une image d’une Evita souriante et en présence des Madres de la Plaza, les mères des milliers de disparus sous la dictature militaire).

    Cette intervention montre comment la classe dominante peut être contrainte de changer sa politique et de soutenir l’intervention d’Etat quand elle y est forcée ou quand ses intérêts sont menacés.

    En faisant cela, Kirchner a frappé un grand coup aux intérêts de l’impérialisme espagnol et de sa multinationale Repsol. Elle a agité le spectre que d’autres coups plus forts soient frappés contre les autres pays et replacé la question des nationalisations à l’ordre du jour politique. Cela a terrifié la classe dirigeante du monde entier. La revendication de nationalisations doit maintenant être reprise par les organisations des travailleurs mondialement. En Espagne, la formation de gauche Izquierda Unida s’est opposée au gouvernement Espagnol et a défendu le droit du gouvernement Argentin à nationaliser l’YPF, ce qui est positif. Cependant, l’achat de 51% des parts de l’YPF ne constitue pas une ‘‘nationalisation socialiste’’. Kirchner elle-même a été très claire lorsqu’elle a déclaré : ‘‘Le modèle n’est pas l’étatisation, c’est clair, mais la récupération de la souveraineté et du contrôle du fonctionnement de l’économie.’’ (El Pais 17/4/12)

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections à travers le monde (dont le PSL en Belgique) s’opposent aux protestations des politiciens impérialistes et capitalistes.

    Nous soutenons toutes les mesures authentiques prises contre l’impérialisme. Nous demandons que des actions réelles soient entreprises contre la domination impérialiste de l’économie et des capitalistes nationaux qui exploitent les peuples d’Argentine. Nous soutenons donc une nationalisation socialiste démocratique du secteur de l’énergie entier.

    Pour la nationalisation de Repsol, de toutes les multinationales et de tout l’YPF en ne payant une compensation que sur base de besoins prouvés ! Le secteur de l’énergie nationalisé devrait alors être dirigé démocratiquement par la classe ouvrière d’Argentine, dans le cadre d’un plan démocratique de toute l’économie basé sur la nationalisation des grandes entreprises.

  • Kazakhstan : Libération de Natalia Sokolova, l'avocate des grévistes du pétrole !

    Le régime est sous la pression de la campagne internationale

    Le 8 mars, la Cour Suprême du Kazakhstan a pris la décision de ‘requalifier’ les charges criminelles pesant sur Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes de l’entreprise pétrolière “KarazhanbasMunai”. En conséquence, la sentence de 6 ans de prison rendue en août 2011 a été annulée. A la place, Natalia Sokolova a été condamnée à 3 ans de conditionnelles, elle sera sous la surveillance de la police pour 2 années supplémentaires et est interdite de participer à des “activités sociales” (c’est-à-dire des activités politiques ou syndicales). Elle a donc été relâchée et a pu retourner chez elle, auprès de son mari.

    Déclaration du Mouvement Socialiste du Kazakhstan

    Le Mouvement Socialiste du Kazakhstan félicite Natalia Sokolova, les travailleurs du Kazakhstan et, plus particulièrement, les travailleurs du secteur pétrolier de Mangystau pour la libération de Natalia Sokolova. Il s’agit là d’une victoire pour la classe ouvrière du Kazakhstan toute entière. Les autorités considéraient la condamnation de Natalia Sokolova comme un avertissement lancé à la population du Kazakhstan, afin de défier quiconque de lutter. Mais au lieu de cela, le régime a dû faire face à une campagne croissante de solidarité internationale, jusqu’au point d’être forcé de la relâcher.

    La campagne internationale de solidarité a impliqué plusieurs syndicats, syndicalistes, organisations de défense des droits de l’Homme, partis de gauche, etc. Un rôle particulièrement important a été joué par le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses différentes sections à travers le monde, qui ont organisé une série de piquet, de protestations et de conférences de presse exigeant, notamment, la libération de Natalia Sokolova. Depuis le Nouvel An, ce travail a été organisé par la Campaign Kazakhstan.

    Ce n’est pas une coïncidence si le Parlement Européen a discuté de la situation au Kazakhstan la semaine suivante. Grâce au travail de la Gauche Unitaire Européenne et, en particulier, de Paul Murphy (député européen du Socialist Party en Irlande et section irlandaise du CIO) ainsi que son équipe, même les factions de droite au Parlement ont soutenu la revendication de la libération de Natalia Sokolova dans leurs résolutions. Ces derniers ignorent généralement la condition des travailleurs et des syndicalistes, qui souffrent sous la poigne de régimes autoritaires, et préfèrent concentrer leur attention sur le cas des politiciens pro-capitalistes et des militants des droits de l’Homme. Mais grâce à la pression continue du bureau de Paul Murphy, cela ne s’est pas produit cette fois-ci. Il était quasiment certain que l’appel à la libération de Natalia Sokolova allait être repris par le Parlement Européen la semaine suivante.

    La visite d’Andrej Hunko au Kazakhstan (un membre du Bundestag allemand et du parti de gauche Die Linke) a également constitué un évènement important. Il soutient la Campaign Kazakhstan. Andrej Hunko a visité le Kazakhstan en tant qu’observateur durant les élections frauduleuses organisées par le régime dans le pays en janvier dernier. Il a utilisé cette opportunité pour visiter Natalia Sokolova en prison, pour lui exprimer sa solidarité et lui assurer qu’il participerait aux efforts visant à mettre le maximum de pression sur le régime.

    Piquets do solidarité

    Dans le monde russophone, la section russe du CIO a été impliquée dans l’organisation de piquets de solidarité dès le début du conflit social dans le pétrole. Plusieurs conférences de presse ont été tenues afin de briser le silence médiatique à propos de la grève et pour assurer que la libération de Natalia Sokolova soit soulevée à chaque fois que cela était possible. Par la suite, ce travail a été renforcé par des piquets tenus à Moscou, Saint Pétersbourg et Kiev avec l’aide d’autres groupes de gauche et d’organisations syndicales.

    En janvier, Natalia a été nominée par le syndicat Zhanartu (affilié au Mouvement Socialiste du Kazakhstan) pour recevoir le prix de l’International Trade Union Congress en tant que “syndicaliste de l’année”. Cette nomination est soutenue par Comité Norvégien Helsinki et par le Bureau International des Droit de l’Homme du Kazakhstan. Cette nomination à elle seule a causé un grand embarras au régime kazakh. Des pressions ont régulièrement été exercées par la sureté d’Etat (KNB) sur Natalia afin qu’elle rejette cette nomination.

    Le rôle joué par le Mouvement Socialiste du Kazakhstan dans le pays n’est pas non plus à négliger. Plusieurs actions et piquets ont été tenus au Kazakhstan, avec souvent à la clé l’arrestation des militants. Zhanna Baitelova, Dmitry Tikhonov et Arman Ozheubaev ont ainsi été détenus en prison durant deux périodes de 15 jours. Des dizaines d’autres activistes ont reçu des amendes pour avoir participé aux actions de protestation. Nos camarades du syndicat Odak ont assuré que l’information concernant ces arrestations et intimidations se répandent dans tout le pays.

    Maintenons la pression sur le régime

    Il est impossible de faire ici une liste complète de toutes les actions qui ont été organisées dans de nombreux pays, en Autriche, en Australie, en Belgique, à Hong Kong, en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, aux USA, en Suède, en France, au Venezuela, au Pakistan et en Pologne. Des supporters en Irlande et en Belgique ont également déployé des banderoles lors de matchs où jouait l’équipe du Kazakhstan. Des piquets ont été tenus devant des grandes entreprises ayant des contrats au Kazakhstan à Londres et à Berlin. Des dizaines de délégations syndicales à travers le monde se sont aussi saisi du sujet.

    Même si Natalia est toujours considérée comme coupable, sa libération est une grande victoire pour le mouvement ouvrier et la campagne internationale de solidarité. Cela démontre que des victoires peuvent être obtenues malgré l’opposition du régime, des patrons et de leurs partisans sur la scène internationale, malgré aussi le silence des médias officiels et la résistance des bureaucrates syndicaux. La pression exercée sur l’Ak-ordy (la résidence présidentielle) a fonctionné. Nous devons maintenant poursuivre cette campagne et maintenir la pression pour la libération des 43 travailleurs du pétrole actuellement détenus pour “incitation au conflit social” et participation à des “réunions syndicales illégales”, pour la libération de Vadim Karamshin, pour le retrait des charges pesant contre les dirigeants de l’opposition Ainur Kurmanov et Esenbek Ukteshbayev, et pour la libération de tous les prisonniers politiques du pays.

  • Illusion de stabilité en Amérique Latine

    Nous publions ci-dessous un rapport de la commission consacrée à la situation en Amérique Latine qui s’est tenue lors de la rencontre du Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une internationale Ouvrière. L’Amérique Latine donne l’apparence illusoire d’être curieusement isolée du contexte mondial de stagnation, de récession et de crise économique. Les économies basées sur l’exportation, particulièrement au Brésil, ont bénéficié de la demande chinoise insatiable de matières premières et enregistré de forts taux de croissance.

    Matt Dobson, Socialist Party (CIO-Ecosse)

    Andre Ferrari de la LSR (CIO-Brésil) a introduit cette discussion, qui a illustré les contradictions et les déséquilibres sur lesquels ces illusions d’une croissance continue et de stabilité politique sont construites. La croissance économique ne va pas réduire les écarts de richesse communs à tous les pays où les conditions épouvantables de la majorité. Le Brésil, alors qu’il bénéficie de son partenariat avec la Chine, a aussi accumulé d’énormes dettes.

    Le ralentissement économique à venir en Chine et l’aggravation de la crise en Europe et aux USA va amoindrir la demande d’exportations et les investissements, menaçant la croissance de la région à court terme et menant probablement rapidement à un ralentissement de l’économie. Cela conduira à une nouvelle période de conflits de classe mouvementés, dangereux pour la continuité des partis, dirigeants et gouvernements qui sont dans leur deuxième ou troisième mandat en Colombie, au Brésil, en Argentine et au Venezuela.

    Cela s’est déjà vu au Pérou; le nouveau gouvernement d’Ollanta a été élu sur la promesse d’imiter les réformes en faveur des pauvres du premier gouvernement Lula au Brésil et de Chavez au Venezuela. Mais, immédiatement confronté à un mouvement social dans le secteur minier, Ollanta a décrété l’état d’urgence. Ollanta s’est droitisé avant même les élections. Durant la campagne, entouré des conseillers brésiliens de Lula, il s’est « Lularisé » ou « dé-Chavezé ».

    Anticipant la crise à venir, Dilma, qui remplace Lula à la présidence du gouvernement PT, a abandonné l’extension de l’intervention de l’état et a un nouveau programme d’ajustement fiscal qui fera des coupes dans les programmes sociaux. Mais même avant que cela ne soit mis en œuvre, la croissance du Brésil n’a pas été capable de contenir l’éclatement de conflits de classe. Luciano de LSR a rapporté que, comme les politiciens ont promis d’amener la plus grande économie de la région dans le « premier monde », la classe ouvrière organisée a répondu en entrant en action pour exiger le partage des richesses générées par le boom économique. Des grèves ont perturbé les projets d’infrastructures du gouvernement, qui essayent à tout prix (dont la destruction de l’environnement) de créer un accès à l’océan Pacifique et aux marchés inexploités des pays voisins et des projet prestigieux de la Coupe du Monde et des Jeux Olympiques à venir.

    Des mouvements de grève ont éclaté au cœur de la machine d’état : les pompiers de Rio ( qui sont militarisés et armés) ont fait grève avec le soutien massif de la population. Des sections-clé des travailleurs ont été impliqués dans des luttes, comme les travailleurs des banques, les enseignants, les travailleurs du pétrole, de la construction, et les métallos.

    La Bolivie et le Venezuela

    La première décade de ce siècle a vu des soulèvements révolutionnaires dans toute la région, des mouvements de masse propulser au pouvoir des dirigeants et des gouvernements, dont les politiques de réformes en faveur des pauvres ont été les premières à défier le consensus du néo-libéralisme après l’effondrement du stalinisme. Mais depuis quelques années, les régimes de Morales en Bolivie et de Chavez au Venezuela se sont droitisés, ont enrayé la révolution n’ont pas fermement rompu avec le capitalisme et les grands propriétaires terriens.

    Cela a permis aux forces de la contre-révolution de gagner du terrain. Les membres du CIO en Bolivie ont rapporté que Morales, prêt à tout pour les investissements des multinationales Brésiliennes, et se rendant compte que la Bolivie est menacée par la crise économique lorsque les réserves de gaz seront épuisées dans quinze ans, a attaqué les communautés indigènes sur lesquelles il avait construit sa base, autorisant la construction d’une autoroute à travers des aires rurales protégées. Un mouvement des fermiers producteurs de coca soutenus par la classe ouvrière a fait reculer le gouvernement.

    Avec la maladie de Chavez et la montée du soutien pour l’opposition de droite néo-libérale, due aux problèmes économiques, le Venezuela est entré dans une période incertaine. William de Socialismo Revolucionario (CIO au Venezuela) a rapporté que l’augmentation des investissements dans les programmes sociaux et le prix élevé du pétrole pourraient permettre au gouvernement d’être ré-élu en octobre. La santé instable de Chavez pourrait déclencher une crise après les élections, même s’il est ré-élu, ce qui semble le plus probable. Les travailleurs ne sont pas satisfaits des organisations bureaucratiques, des coalisions politiques, des partis et des fédérations syndicales qui ont été construites pour assurer le maintien du régime au pouvoir plus que comme des outils pour la lutte des masses.

    Les forces du CIO dans chacun de ces pays ont apporté un soutien critique aux réformes et nationalisations de Chavez et Morales, défendant les acquis sociaux obtenus par la pression des masses contre les attaques de la contre-révolution, et ont expliqué que pour consolider ces acquis il est nécessaire de rompre avec le capitalisme. Cependant, l’échec de ces régimes à rompre avec le capitalisme les a conduits à se droitiser.

    Aujourd’hui, la tâche des socialistes dans chacun de ces pays est de construire des organisations de la classe ouvrière et des pauvres indépendantes, des partis politiques qui s’engagent à se battre pour la réquisition des industries, des banques, des terres et de l’économie sous la propriété démocratique publique. Alors que la situation au Venezuela est compliquée par les attaques du régime contre les syndicats qui luttent, le soutient pour l’idée de construire une nouvelle force politique basée sur la classe ouvrière et les pauvres s’élargit en Bolivie, ce qui montre les puissantes traditions socialistes et révolutionnaires en Bolivie, en comparaison du Venezuela. Les organisations des travailleurs qui étaient cruciales dans le mouvement révolutionnaire qui a mené Morales au pouvoir cherchent maintenant une alternative combattive.

    Le Chili

    Dans la dernière période, le Chili était à la traine des développements révolutionnaires, mais désormais ses luttes sociales et politiques sont les plus avancées de la région. Celso de Socialismo Revolutionnario (CIO au Chili) a rappelé la perspective du CIO que l’élection du gouvernement néo-libéral de Pinera ne représentait pas un tournant à droite de la société chilienne, ce qui s’est confirmé par le soulèvement des étudiants et celui contre l’augmentation du prix du gaz dans le Sud.

    Dans les luttes les plus considérables depuis la chute de la dictature, les étudiants ont commencé par un mouvement pour l’éducation gratuite et contre les dettes écrasantes, gagné le soutien des travailleurs, culminé par un grève générale en Août et revendiqué la nationalisation de l’industrie du cuivre. Au cours de la lutte contre l’augmentation du prix du gaz, les travailleurs et les pauvres ont pris une ville du Sud du Chili et l’ont dirigé au travers d’une assemblée populaire (une tradition de la lutte contre le régime de Pinochet) jusqu’à ce que l’état envoie l’armée intervenir.

    Un thème de la discussion sur le Chili a été la faillite du parti Communiste qui n’a pas apporté de direction ni de stratégie à la lutte des étudiants. Celso a souligné que cela s’est reflété dans le développement d’un fort sentiment « anti-parti » chez les jeunes, un héritage du stalinisme et de la dictature. Il y a cependant besoin qu’une force authentiquement socialiste se développe, pendant que le capitalisme et ses institutions comme l’église, le parlement, les partis politiques, la police, perdent leur autorité par des décades de néo-libéralisme.

    Le Mexique, affaibli par la crise économique des USA, subit la pire situation économique de la région. Après plus de dix ans, le retour du PRI au pouvoir paraît probable, puisque des gouvernements néo-libéraux successifs sous Fox et Calderon ont créé une vague de mécontentement qui pourrait amener une marée de lutte des travailleurs et des jeunes. La guerre contre la drogue de Calderon était en réalité une guerre civile contre la population du Nord et contre tout mouvement social émergent, provoquant un mouvement des familles des tués qui prend de l’impulsion.

    Alec Thraves (Socialist Party – CIO-Angleterr et Pays de Galles) a fait un rapport de sa visite à la récente conférence du large parti de gauche brésilien PSOL. LSR, la section brésilienne du CIO, joue un rôle-clé dans le bloc de gauche du parti, qui s’oppose aux tentatives de la droite de faire des alliances électorales avec les partis qui défendent le marché et les coupes. LSR se bat aussi pour faire de Conlutas un centre syndical combattif dans tout le pays.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (1)

    1. L’été dernier, l’illusion selon laquelle le capitalisme mondial allait parvenir à s’extraire du pétrin dans lequel il se trouve depuis 2008 a de nouveau volé en éclats. On était parvenu à changer la Grande Dépression en une Grande Récession. C’est pourquoi on avait ouvert les robinets à argent, les dettes privées avaient été transférées aux gouvernements et les stimulants de masse avaient sauté. Depuis lors, une question cruciale tient en suspens les économistes et les politiciens : à partir de quand les déficits budgétaires peuvent-ils être purgés, sans pour autant de nouveau rejeter l’économie dans la récession ?

    2. Bonne question ! Au lieu de redémarrer au turbo sur les starting-blocks, l’économie mondiale continue à cahoter. Cela suscite des tensions, qui deviennent difficiles à cacher même avec diplomatie. Ces derniers 18 mois, les États-Unis et la FED ont continué à arroser l’économie avec leur pompe à pognon. C’est entre autres comme cela que le déficit budgétaire des États-Unis va atteindre cette année un nouveau record de 1.645 milliards $. Dans le meilleur des cas, cela pourra redescendre en-dessous de 1.000 milliards $ à partir de 2013. En même temps, le bilan de la FED, l’autorité monétaire destinée à lubrifier l’économie, a grimpé de 1.000 milliards $ avant la crise du crédit, à 3.000 milliards $ en juillet de cette année.

    3. Le gouvernement chinois a encore une fois surpassé l’américain. En pourcentage du PIB, les stimuli chinois dépassent de moitié les américains. Grâce à ses banques sous contrôle d’État, 3000 milliards $, soit 60% du PIB, sont passés au crédit. Cela n’a pu se faire que par la nature hybride de l’État chinois. Même si cela fait bien longtemps déjà que la demi-caste, demiclasse dirigeante a décidé de passer à une économie de marché, elle dispose encore toujours de leviers qui lui permettent de mobiliser les forces productives d’une manière dont les autres économies purement de marché ne peuvent que rêver. Le régime a ainsi pu neutraliser l’effet de la grande récession sur son économie et dans la foulée soutenir l’économie américaine afin d’éviter d’être entrainé en chute libre avec elle.

    4. La Chine a accumulé 3.200 milliards $ en réserve au cours de ces dernières décennies, 66% en dollars, 26% en euro. Elle aimerait bien diversifier ce trésor. Un peu partout dans le monde, les détenteurs de capitaux sont très conscients de cela. C’est pourquoi la Chine se trouve sous pression. Le moindre signe qu’elle commence à vendre ses réserves en dollars causera une fuite subite, chacun cherchant à se débarrasser de ses dollars, conduisant à une implosion de cette devise, et à une baisse subite de la valeur de ses réserves. Mais sur un plus long terme, le fait de garder ces réserves en dollars pourrait s’avérer encore plus grave.

    5. L’économie chinoise est bien la deuxième au monde par sa taille, mais avec 1.250 millions d’habitants, la consommation des particuliers est sous celle de l’Allemagne, avec ses 82 millions d’habitants. La Chine a exporté près de 1.600 milliards $ en 2010. La dépendance envers le marché américain est énorme. Le surplus commercial (c.à.d, les exportations moins les importations) avec les États-Unis en 2010 était de 273 milliards $, plus que le surplus commercial total, qui est lui de 183 milliards $. Face au surplus commercial avec les États-Unis, il y a il est vrai un déficit commercial avec les pays fournisseurs de matières premières et de mains d’oeuvre encore meilleur marché dans la plupart des pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique. La Chine a donc tout intérêt à ce que l’économie américaine continue à tenir le coup.

    La Chine – nouvelle superpuissance mondiale ?

    6. Les mesures prises par le gouvernement chinois ont assuré une poursuite de la croissance dans toute une série de pays, dont par exemple le Brésil et l’Australie, mais cela n’est pas sans risque. Le Brésil présente à nouveau des signes d’économie coloniale qui produit essentiellement des matières premières et des produits semi-finis et en échange ouvre son marché aux produits manufacturés chinois. On y voit même un processus de désindustrialisation. Avec l’immense hausse de la productivité en Chine, en moyenne de 9,6% entre 2005-2009, cela a fait croître l’illusion que la Chine est sur le point de détrôner les États-Unis en tant que principale puissance mondiale. Tout comme les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale avaient chassé de cette position le Royaume-Uni.

    7. Cela est cependant peu probable. Aussi bien le Royaume-Uni que les États-Unis disposaient durant toute leur phase ascendante des techniques de production les plus modernes. C’était leur efficience de production qui déterminait les limites scientifiques et technologiques du reste du monde. Tous deux ont connu leur période de gloire dans une période d’expansion économique. Les Etats-Unis – après que ses plus importants concurrents aient été aplatis sous les bombardements, l’Amérique latine leur étant tombée dans les mains comme un fruit bien mûr – ont pu imposer leurs termes commerciaux et leur monnaie au reste du monde capitaliste, et ont développé une économie de guerre, sans pour autant avoir à subir les désavantages de la guerre. Voilà quelles ont été les conditions par lesquelles les techniques de production qui étaient déjà connues avant la Deuxième Guerre mondiale, mais qui se heurtaient auparavant aux limites du marché, ont pu être appliquées pour la première fois à une échelle de masse.

    8. Déjà en 1950, les États-Unis étaient beaucoup plus productifs que leurs concurrents. La productivité de l’Allemagne et de la France n’atteignait même pas la moitié de la productivité américaine. L’Union Soviétique n’en atteignait à peine que le tiers, et le Japon un cinquième. Les seuls qui atteignaient des résultats comparables étaient l’Australie, le Canada et… le Venezuela. Le Royaume-Uni était alors déjà un bon quart moins productif, juste un peu mieux que l’Argentine, mais derrière Hong Kong. Dans les années ’60 et ’70, la productivité aux États-Unis ne s’est cependant accrue que de moins de +3%, alors qu’elle s’accroissait de +5% dans les quinze pays de l’Union Européenne et de +8% au Japon. Comment cela se fait-il ? Selon la FED, à New York (Current Issues v13, n8), parce que lorsque la quantité de capital placée par travailleur est basse, le capital est relativement productif. Il a alors un haut produit marginal (la quantité par laquelle la production s’accroit pour chaque nouveau travailleur engagé) et contribue visiblement à la croissance de la productivité.

    9. Ce phénomène a déjà été expliqué par Marx. Il a fait remarquer le changement dans la composition organique du capital. Avec la composition organique, on détermine le rapport entre capital “vivant et variable” et capital “mort et constant”. Le capital vivant est consacré aux heures de travail de la main d’oeuvre et fournit une plus-value. Le capital mort est consacré aux bâtiments, aux matières premières, aux machines, et transmet sa valeur à celle du produit final, mais sans y ajouter de plus-value. La concurrence force les capitalistes à au moins suivre les techniques les plus modernes, et donc à investir de plus en plus dans du capital mort, aux dépens du capital vivant. L’effet clairement contradictoire de cela est le fait que le taux de profit – le profit réalisé par unité de capital investie – a une tendance à baisser. Les marxistes appellent cela “la loi de la baisse tendancielle du taux de profit”.

    10. Comme seconde raison pour expliquer la faible croissance de la productivité aux USA dans els années ’60 et ’70, la FED explique que des pays connaissant une degré moindre de technologie et de techniques de production, qui attirent des investissements étrangers et autres joint-ventures, pouvaient facilement copier les USA. On appelle cela la “loi de l’avancée en tant que frein” ou, pour employer une terminologie plus multilatérale et plus marxiste, la “loi du développement inégal et combiné”. Cela explique la croissance plus rapide de la productivité au Japon après la Deuxième Guerre mondiale, mais aussi pourquoi un pays qui se coupe du monde extérieur est au final condamné à stagner et à rester en arrière. La Corée du Nord ou l’Albanie d’Enver Hoxha, de véritables caricatures d’autarcie, en sont des témoins flagrants.

    11. La rapide hausse de la productivité au Japon et dans l’Union européenne a cependant cessé au début des années ’90. Selon la FED, cela s’est produit en Europe à cause de la “rigidité du produit et du travail”. Selon nous, cela s’est produit parce que le mouvement ouvrier en Europe est mieux parvenu qu’aux États- Unis à résister contre les tentatives du patronat de rehausser le taux d’exploitation. Pour le Japon, la FED explique qu’au fur et à mesure que la productivité d’un pays atteint son summum, le produit marginal baisse, et il devient plus difficile de copier, et de ce fait la hausse de la productivité devient plus difficile à réaliser. Nous ajouterions ceci : à moins qu’il ne survienne une situation exceptionnelle. La destruction massive de l’infrastructure et des moyens de production pendant la Deuxième Guerre mondiale constituait une telle situation exceptionnelle.

    12. Les États-Unis ont connu leur période de gloire durant l’âge d’or des années ’50 et ’60. À ce moment, la croissance économique était tirée par l’État social, avec la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, l’apparition de véritables allocations sociales, de services publics et d’un système d’impôt progressif. L’économie chinoise est au second rang si on compare sa taille pour tout le pays mais, en termes de richesse par habitant, elle se trouve à la 95e place. Le pays connait une énorme croissance de la productivité de par les raisons définies ci-dessus, auxquelles il faut ajouter son infrastructure, son niveau d’enseignement et sa centralisation, tout cela hérité de son économie planifiée. Pourtant, la productivité par travailleur en 2005 n’y était que de 15% supérieure à ce qu’elle est aux États-Unis. La Chine devrait surmonter cela, alors que nous sommes en plein milieu d’une période de contraction économique.

    Les déséquilibres de l’économie chinoise

    13. Tout comme pour le Japon en son temps, la croissance économique chinoise est essentiellement poussée par les investissements. Au début, cela permet une croissance fébrile mais, après un certain temps, cela devient un frein. Entre 2000 et 2010, les investissements se sont accrus chaque année en moyenne de 13,3%, mais la consommation des particuliers n’a cru que de 7,8%. Cela signifie un transfert de la consommation vers les investissements. La baisse des salaires, l’expansion du crédit et un cours de change sous-évalué ont tous contribué à cela. La part de la consommation dans le PIB au cours de cette période est passée de 46% à 34%, tandis que celle des investissements passait de 34% à 46%. Pour 1% de croissance du PIB, il fallait encore dans les années ’90 une croissance du capital de 3,7%, en 2000, ce 1% de croissance exigeait par contre une hausse des investissements de 4,25%. On voit donc que la rentabilité de l’investissement diminue.

    14. C’est pourquoi Wen Jiabao, le premier ministre chinois, a déclaré l’économie ‘‘instable, déséquilibrée, non-coordonnée et au final, non-durable’’. On craint que ‘‘ne soient piégés les revenus moyens.’’ C’est le phénomène où un pays ne parvient plus à croître à partir du moment où il a atteint un niveau bien défini. L’incapacité à livrer l’accès aux couches moyennes pour la majorité de la population est un de ces symptômes. Les bas salaires et la répartition inégale sont il est vrai la source de la croissance des investissements. En fait, la croissance devrait être plus basée sur la consommation des particuliers. La croissance des investissements devrait être inférieure à celle du PIB. Dans les années ’80, le Japon a tenté de soutenir la croissance avec le crédit d’investissement, sans effet : cela a conduit à une explosion du crédit. Dans les années ’90, la correction est arrivée, avec les conséquences catastrophiques que l’on connait.

    15. Plus encore qu’à l’époque au Japon, les investissements en Chine sont basés sur du crédit. Sans un soutien artificiel, une grande partie ne serait pas rentable. Le moindre affaiblissement de la croissance à 7% ferait s’écrouler les investissements à 15% du PIB. Toute tentative de réorienter les moyens vers les ménages causerait une encore plus grande baisse des investissements. De ce fait, on voit que les investissements deviennent une source de stagnation, au lieu d’être un moteur pour la croissance. La Chine a maintenant un PIB par habitant comparable à celui du Japon en 1950 (juste après la guerre et juste avant le début de sa phase de croissance rapide longue de 25 ans). On dit que le PIB par habitant de la Chine pourrait atteindre 70% de celui des États-Unis en 2035, comme l’a fait le Japon en 1975 – à ce moment, l’économie chinoise serait plus grande que celle des États-Unis et de l’Europe ensemble. Bien que la taille de la population chinoise offre une échelle et des possibilités supplémentaires pour la répartition du travail, il y a aussi d’importants inconvénients qui y sont liés, le gigantesque besoin en matières premières n’est pas des moindres.

    16. La création d’argent avec laquelle le gouvernement chinois a tenté de repoussé la crise en 2009 et 2010 n’a pas réduit sa dépendance face aux exportations et aux investissements. Sur le marché de l’immobilier, il y a énormément de spéculation, dont l’argent est financé par des prêts. Cela a causé une énorme hausse des prix. La bulle immobilière a entrainé avec elle du capital spéculatif. Les investisseurs courent, il est vrai, le risque d’une réévaluation du yuan par rapport au dollar. Les hausses salariales sont compensées par la hausse des prix à la consommation. Le taux d’inflation “alarmant” provient apparemment de la croissance rapide du crédit et de la monnaie et de la hausse du prix du pétrole, des matières premières et des denrées alimentaires ; cela est renforcé par les spéculateurs qui attendent que la demande augmente. L’exportation massive de produits chinois fait en sorte qu’il y a un afflux massif de devises étrangères. Les entreprises tout comme les particuliers peuvent facilement prêter de l’argent, comme le robinet à crédit a été coupé sur injonction des autorités. Mais tandis que le gouvernement national coupe le robinet à crédit, celuici reste grand ouvert auprès des autorités locales.

    Guerre des devises et commerciale

    17. L’Occident trouve que le dernier plan quinquennal s’attaque insuffisamment aux problèmes structurels. On doit faire quelque chose pour résoudre la dépendance aux exportations et le fossé entre riches et pauvres. L’Occident a peur d’un affaiblissement de la croissance. Nouriel Roubini avertit d’un danger de crash. Mais leurs remarques ne sont certainement pas désintéressées. Ils espèrent gagner en compétitivité en forçant la Chine à réévaluer sa monnaie. Ils veulent aussi gagner l’accès à quelques miettes du marché intérieur chinois, mais celui-ci doit d’abord être mis sur pied. Pour la Chine, ils défendent par conséquent ce que partout ils combattent à tout prix : de meilleurs salaires et une sécurité sociale. Mais l’idée que la Chine puisse subitement gonfler sa consommation sans toucher aux intérêts des détenteurs de capitaux privés est une illusion. L’économie chinoise est une économie de marché libre dans la mesure où une hausse significative des salaires ou une réévaluation comparable du yuan provoquerait une chute du niveau d’investissements, et avec elle, de la croissance économique.

    18. Les gouvernements américains et européens demandent à la Chine ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se permettre. À première vue, c’est plutôt agréable. Dans la pratique, il s’agit d’une manoeuvre audacieuse. Ainsi, l’assouplissement quantitatif dont a fait usage la FED avait comme prévu affaibli le dollar au milieu de l’an passé. Cela a incité les spéculateurs à s’adonner au “carry trade”, c.à.d. à emprunter des dollars à un taux quasi nul pour les placer dans des pays avec un taux plus élevé. L’investisseur encaisse la différence de taux, sans même y engager son propre argent. L’affluence d’investissements a poussé la valeur des devises des pays receveurs, au détriment de leur compétitivité. Le premier à utiliser le terme de “guerre monétaire” a été le ministre des finances brésilien Guido Mantega, mais il exprimait ainsi ce à quoi beaucoup d’autres gens pensaient déjà. Le Brésil demande à l’OMC de prendre des sanctions contre les pays qui laissent filer trop bas leur taux de change. Il y a aussi le dumping. La Chine menace d’une guerre commerciale si les États-Unis décident de placer des taxes à l’importation sur les produits chinois.

    États-Unis : la politique anticyclique échoue

    19. Les États-Unis sont désespérément à la recherche de quelqu’un qui puisse reprendre une partie de leurs problèmes. De là viennent la pression sur la Chine pour qu’elle réévalue sa monnaie, la guerre monétaire à peine voilée, et le plaidoyer en faveur d’une politique monétaire plus conviviale en Europe. Depuis la catastrophe qu’a été le passage du “war-president” George W Bush avec ses cadeaux fiscaux aux riches, l’idée dominante est à présent de lutter contre la crise par une politique anticyclique. Ce courant est représenté par le président Obama, son ministre des Finances Timothy Geithner, et le président de la FED Bernanke. Tout comme leurs opposants, ils trouvent que l’État doit remettre de l’ordre dans ses dépenses, mais pas d’une manière qui risque d’hypothéquer la croissance. Ils craignent que des économies drastiques ne rejettent à nouveau l’économie dans la récession, voire la dépression. En plus de cela, ils souhaitent une participation de la part des riches, pour éviter des réticences de la part de la population face au plan d’austérité. Le gourou de la Bourse Warren Buffet affirme publiquement vouloir payer plus d’impôts.

    20. Cette politique s’est composée des stimuli de 800 milliards $ au début 2009, et de deux opérations d’assouplissement quantitatif par la FED, pour un total de 1850 milliards $. Entretemps, on a lancé le QE 1.5, avec lequel des remboursements libérés sont consacrés à des prêts d’États supplémentaires. La FED a également décidé de bétonner le taux nul jusqu’à 2013. Au final, elle a vendu pour 400 milliards $ de bons d’État à court terme (jusque 3 ans) et a acheté pour un montant semblable en bons d’État à long terme (de 6 à 30 ans). Rien ne semble cependant fonctionner. La consommation des particuliers n’a pas repris parce que les ménages tentent maintenant de rembourser leurs dettes, parce que le chômage sape le pouvoir d’achat, et parce que les autorités locales économisent sur les services et sur le personnel. Malgré des taux très bas, les entreprises américaines continuent à simplement stocker leur argent, pour un montant de 1,84 milliards de dollars, et préfèrent racheter leurs propres actions plutôt que d’investir.

    21. L’absence de résultat sape la crédibilité du gouvernement. Cela renforce la confiance des opposants, qui avaient pourtant pris un fameux coup avec la disparition de Bush. Cela a fait changer de camp ceux qui hésitaient. Au sein de la FED, Bernanke doit de plus en plus compter avec l’opposition, mais il ne doit pas se présenter à des élections. Obama et ses Démocrates n’ont pas ce luxe. Au niveau des Etats et au niveau plus local, des économies copieuses sont déjà bien avancées, même là où des Démocrates sont au pouvoir. Le mouvement Tea Party a sauté sur le mécontentement pour se présenter en tant que défenseur de l’Américain travailleur. Pour les Républicains, ces radicaux de droite étaient des partenaires bienvenus qui les ont aidés à obtenir la majorité à la Chambre basse en 2010.

    Le fouet de la contre-révolution

    22. Mais ce soutien pourrait bien s’avérer être un cadeau empoisonné. Le rôle des partisans du Tea Party dans l’attaque brutale contre les conditions de travail et les droits des travailleurs, entre autres au Wisconsin, a provoqué une réaction de masse. Pour les jeunes et les travailleurs, cela a été un moment décisif. Cela, en plus de son empressement à laisser les États-Unis faire défaut sur leurs paiements (pendant le débat sur le plafond légal de la dette), a endommagé le soutien populaire du Tea Party. Cela pourrait être décisif pour les élections présidentielles de 2012. Trouver un équilibre entre l’establishment des Républicains et les activistes qui exigent un plus grand rôle avec le Tea Party, devient de plus en plus difficile. Un Républicain modéré a officiellement une plus grande chance de récupérer des votes démocrates. Mais c’est surtout les dangers liés au fouet de la contre-révolution, qui font que l’establishment se réunit catégoriquement derrière la candidature de Mitt Romney. Il n’est pas exclu que ce “Grand Old Party” se dirige vers une scission après les élections présidentielles, et que le système des deux partis ne se rompe en premier lieu sur son flanc droit.

    23. Cela ne signifie pas pour autant qu’Obama a déjà gagné. Pour relever le plafond de la dette, on prévoit des économies pour 2.500 milliards $ au cours des dix prochaines années. Pas un mot sur plus d’impôts pour les riches. Le nombre de pauvres a augmenté l’an passé jusqu’à 46,2 millions, le nombre le plus élevé en 52 ans. 15% des Américains sont pauvres, le plus haut chiffre depuis ’93 : 10% des Blancs, 12% des Asiatiques, 26% des Hispaniques et 27% des Noirs. 50 millions d’Américains sont non-assurés, 48 millions des personnes entre 18 et 64 ans sont sans travail. Le revenu médian des ménages est retombé à son niveau de 1996. Le revenu médian personnel d’un travailleur adulte masculin, rapporté en dollars de 2010, était l’an passé inférieur à celui de 1973. Entre 1980 et 2009, le revenu des 20% les plus riches s’est accru de 55%, celui des 20% les plus pauvres a baissé de 4%. En 2007, 23,7% du revenu national allait aux 1% les plus riches, soit la même proportion que ce qui avait été atteint en 1929, juste avant la Grande Dépression.

    24. À chaque fois que l’on espère que l’économie a été sauvée et que l’on pense alors à débrancher la mise sous perfusion par la FED, apparait l’une ou l’autre statistique qui envoie tout valser. En août, pas un seul job n’a été créé. Les chiffres parus en juillet ont dû être fortement revus à la baisse. Immédiatement est réapparue l’angoisse que l’économie allait droit vers une nouvelle récession. Obama a lancé un nouveau plan d’emploi pour 447 milliards $, dont 240 milliards pour la réduction de moitié des impôts sur salaire, une mesure essentiellement destinée à soutenir les PME. De l’argent a été libéré pour des investissements dans des autoroutes, des chemins de fer et des écoles, et des moyens ont également été prévus pour tempérer le nombre de licenciements d’enseignants dans les écoles d’État. Pour réduire le chômage officiel de 9,1% à 5% en 5 ans, il faudrait cependant créer tous les mois 300.000 nouveaux emplois. Depuis le début de 2010, cela n’a été que 100.000 en moyenne, mais cela aussi s’est fortement réduit ces derniers temps.

    25. Ce plan ne suffira pas à remettre sur pied l’économie américaine pour une croissance durable. Il n’est qu’une répétition du plan précédent, en mode mineur. Avec de la chance, cela pourrait de nouveau tirer la croissance de l’emploi, jusqu’à la fin de ce plan. Le problème fondamental n’est toutefois pas un manque de moyens pour investir. Les entreprises ont tous les moyens qu’il leur faut. Elles ne croient cependant pas que l’investissement dans la production pourra rapporter suffisamment. Bon nombre d’entreprises reçoivent aujourd’hui bien plus de profits de par leurs transactions financières que de leur production. De plus, il n’est plus garanti qu’il existe encore un marché pour pouvoir absorber la production. Avec le développement actuel de la science et de la technique, les innovations nécessitent des années de recherche pour un rendement qui doit être réalisé dans un délai de plus en plus court. À peine un produit est-il développé qu’avec les possibilités actuelles il suffit tout au plus de quelques années pour saturer le marché mondial.

    26. Entretemps, l’État américain accumule les dettes. Tôt ou tard, il faudra bien les payer. Jusqu’à récemment, on considérait que cela était une donnée sûre. L’impasse dans le débat autour du plafond de la dette a cependant semé le doute. Qui aurait pensé que les politiciens aller amener les États-Unis au bord d’un défaut de paiement afin d’obtenir gain de cause dans la discussion budgétaire ? L’agence de notation Standard & Poors a décidé pour la première fois dans l’Histoire de baisser la garantie sur crédit de l’État américain. Elle a pris cette décision au lendemain d’un rapport avec une faute de calcul de pas moins de 2.000 milliards $. En plus, les marchés s’en foutaient de cette notation. La demande en bons du Trésor américain n’a pas descendu, de sorte que les États-Unis peuvent prêter au même taux que l’Allemagne. Cela ne va encourager la FED à faire de la lutte contre l’inflation une priorité. Au contraire, un peu d’inflation serait plus que bienvenu afin d’éponger la montagne de dettes. Le seul problème à cela est la difficulté de doser l’inflation.

    Zone euro : priorité à l’austérité

    27. La visite du ministre des finances américain Timothy Geithner au sommet européen de Wrocław n’a pas été extrêmement bien reçue. Geithner était là pour avertir l’Europe. Il aura remis en mémoire le glissement incontrôlable de Lehman Brothers jusqu’à la faillite, pour convaincre l’UE d’abandonner les spéculations sur la banqueroute de l’État grec. Il y a aussi plaidé en faveur d’un large élargissement du fonds de stabilité européen, qu’il fallait selon lui quadrupler. Les dirigeants des États-Unis craignent une nouvelle crise de l’économie mondiale, cette fois avec d’encore plus grandes conséquences que pendant la Grande Récession, déjà aussi parce que les Banques centrales et les États au cours de la précédente récession ont déjà épuisé toutes leurs munitions. Il y a apparemment plaidé en faveur d’une injection ferme et résolue de moyens afin de tuer dans l’oeuf la crise de la dette.

    28. Pour l’Europe, cela est cependant encore plus difficile que l’assainissement du budget aux États-Unis ou que la rehausse de la consommation des particuliers en Chine. Les politiciens européens sont également partagés quant à la manière de combattre la crise au mieux. Aux États-Unis domine pour le moment la tendance qui veut mettre la priorité sur la croissance plutôt que sur l’austérité. Mais il ne faut pas s’étonner que les rapports de force en Europe soient tout à fait opposés. La tendance qui veut donner la priorité à l’austérité “afin de soutenir la croissance de manière structurelle” y est dominante. Ce n’est guère surprenant. La zone euro est une union monétaire, mais pas une union fiscale ni politique. Elle consiste en 17 pays qui ont tous leur propre bourgeoisie, leur propre gouvernement et leurs propres intérêts. À qui rapporte le fait que la priorité soit mise sur la croissance ? Aux récipiendaires directs. Et à qui est-ce que ça rapporte qu’on ait des économies d’abord, avant les dépenses ? Les payeurs nets. Ces derniers sont les pays les plus forts, qui sont dominants dans la détermination de la politique de la zone euro et de la BCE.

    29. Le PSL et le CIO ont toujours été d’avis que l’unification européenne n’est pas possible sur une base capitaliste. Nous sommes également depuis longtemps convaincus du fait qu’une récession économique mettrait une croix sur le projet d’une monnaie unique européenne, même avant que l’euro n’arrive en existence. Les unions monétaires ne sont pas quelque chose de nouveau. Les pays insulaires autour de l’Australie utilisent le dollar australien et il existe encore quelques anciennes unions monétaires coloniales, telles que le franc CFA. D’autres unions monétaires ont existé par le passé sur une base volontaire entre des États plus ou moins comparables. L’Union monétaire scandinave par exemple, qui a duré de 1873 à 1914. Ou l’Union latine, à partir de 1865 entre la Belgique, la France, la Suisse et l’Italie, qui a ensuite été rejointe par l’Espagne et la Grèce, et enfin par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et le Venezuela (entre autres). Cette union a tenu jusqu’en 1914, bien qu’elle n’ait été officiellement dissoute qu’en 1927. Nous pensions cependant que la conjoncture économique, cette fois, exclurait complètement l’idée d’une nouvelle union monétaire. Nous nous sommes trompés. Nous restons néanmoins convaincus que la crise va à un moment donné faire éclater la zone euro, mais pas au point d’avant l’introduction de l’euro.

    30. Les bourgeoisies nationales d’Europe n’ont jamais eu l’intention, ni avec l’Union européenne, ni avec la zone euro, d’unifier les peuples d’Europe par la paix. Cela n’a jamais été que de la rhétorique, derrière laquelle était caché la signification réelle, c’est-à-dire la création de leviers pour la maximalisation du profit et de la casse sociale. C’est évident, la réalité de la division du travail croissante et le besoin de devenir plus fort dans la concurrence avec d’autres blocs commerciaux aura joué, mais jamais jusqu’au point où cela irait au prix des intérêts nationaux particuliers. Le traité de Nice et plus encore celui de Lisbonne ont en tant que but de faire de l’Europe la région la plus compétitive au monde. C’était sans doute l’intention de laisser converger petit à petit les économies nationales, même si les normes de Maastricht et le pacte de stabilité qui ont été institués à cette fin ont été abusivement utilisés par les politiciens nationaux pour rejeter sur eux la responsabilité de la politique nationale. La plupart des pays n’ont jamais atteint les conditions requises par les normes de Maastricht, encore moins du pacte de stabilité, et la Belgique non plus.

    31. Jusqu’à avant la crise de la dette, les économistes étaient convaincus que la convergence était un fait. Ils voyaient les caractères communs superficiels, mais pas les contradictions croissantes sous la surface. Ils voyaient surtout ce qu’ils voulaient voir. En 2006, Marc De Vos, de l’agence Itinera, écrivait dans une carte blanche dans De Tijd : « L’Irlande nous apprend qu’une relative inégalité de revenu est le prix à payer pour une expansion économique rapide, dont néanmoins tout le monde, y compris les pauvres en termes absolus, s’enrichit ». De Vos ne raconterai plus aujourd’hui de telles sornettes de la même manière, mais en ce temps-là, il était complètement aveuglé par l’expansion économique. Dans notre réponse dans les textes de notre Congrès de 2006, nous indiquions déjà une contradiction que lui-même n’allait découvrir que quelques années plus tard : « … le symptôme spécifique par lequel l’Irlande depuis des années a connu un taux d’intérêt réel négatif. Le taux d’intérêt est il est vrai défini par la Banque centrale européenne et se trouve depuis des années sous les chiffres de l’inflation irlandaise. Le crédit extrêmement bon marché est indirectement financé par un grand afflux de capital étranger ». À cela, nous ajoutions : « Une profonde récession sur le plan mondial fera cependant éclater l’économie artificiellement gonflée de l’Irlande (du Sud) ».

    32. Aujourd’hui, tout le monde reconnait que les contradictions n’ont pas diminué, mais plutôt augmenté. Avec la politique du bas taux d’intérêt qu’ont exigé de la BCE les pays à la plus forte économie, d’énormes bulles immobilières et paradis fiscaux ont été créés dans la périphérie, ce qui ailleurs a été utilisé pour casser les acquis sociaux et mettre sur pied des secteurs à bas salaires. Le fait que cette bulle se viderait à un moment donné, cela fait des années que les socialistes le prédisent. Les spreads, la différence de coûts que doivent payer les Etats nationaux pour pouvoir emprunter, n’ont jamais été aussi grands. Dans Le Soir, le professeur d’économie Paul De Grauwe (KUL) expliquait qu’il s’était trompé. Au sujet d’un pays qui adhérait à une union monétaire, il dit : « Nous avions toujours pensé que ce pays devenait plus fort, mais non ! » L’Espagne a un plus petit déficit budgétaire et une plus petite dette que le Royaume-Uni, mais ce dernier peut financer sa dette à 2,52% sur dix ans, tandis que l’Espagne doit le faire pour deux fois ce prix. Cela vient, selon De Grauwe, du faite que la Banque centrale britannique peut si besoin est imprimer de l’argent elle-même afin de satisfaire à ses obligations, mais l’Espagne dépend pour cela de la BCE.

    Tragédie grecque

    33. Les pays en-dehors de la zone euro peuvent stimuler l’exportation par la dévaluation de leur propre monnaie. Qui se trouve dans la zone euro est condamné à la “dévaluation interne”, un terme à la mode pour dire “casse sociale”. Il n’y a entre temps plus un seul pays de la zone euro qui n’est pas en train d’assainir. Les uns parce qu’ils ont dû faire appel à l’aide de la “troïka” de la Commission européenne, de la BCE et du FMI, les autres pour pouvoir éviter d’avoir à faire un tel appel. Les plans d’austérité dure doivent diminuer les déficits budgétaires et améliorer la compétitivité, mais ça ne marche pas. Ils sapent au contraire le pouvoir d’achat par la baisse des salaires, les attaques sur toutes les allocations sociales, la hausse du chômage et dans la plupart des pays une hausse des impôts directs sur les biens de consommation. Cela touche à son tour la petite bourgeoisie, les entreprises de distribution et les entreprises qui sont orientées vers le marché interne de chaque pays. Les véritables investisseurs sont découragés d’investir, les spéculateurs qui espèrent des rachats d’entreprises (d’État) sont encouragés. Avec la vente urgente des entreprises d’État, on perd des revenus annuels fixes en échange d’une cacahouète. Les revenus des impôts se ratatinent, et les dépenses sociales augmentent, car de plus en plus de gens y font appel.

    34. Les pays qui sont mis sous curatelle de la troïka partent directement dans une spirale de croissance négative. Dans le deuxième trimestre de 2011, l’économe grecque s’est contractée de 6,9% par rapport à l’année précédente. Le déficit budgétaire va apparaitre de 8,5% au-dessus de l’objectif de la troïka. À quoi d’autre peut-on s’attendre ? Le revenu moyen des ménages a été diminué de moitié l’an passé. Le pays menace à tout moment de faillite. Lorsque la Grèce a reçu le premier paquet de sauvetage de 110 milliards d’euro qui lui avait été promis, c’était afin d’éviter le défaut de payement sur le prêt d’État de 8 milliards d’euro devant être payé le 19 mai 2010. C’était le plus grand paquet jamais vu. Entretemps, le taux d’intérêt auquel cet emprunt a été mis à disposition de la Grèce a été diminué, et le délai de payement a été doublé. Néanmoins la Grèce a dû être soutenue une bonne année plus tard avec la promesse d’un nouveau paquet.

    35. Cette fois, il s’agit de 109 milliards d’euros. À compléter avec une contribution théorique du secteur financier via un échange d’obligations volontaire par lequel les détenteurs d’obligations grecques devraient accepter une “tonte” de 21%, d’une valeur totale de 37 milliards d’euro. Pour les banques, c’est une bonne affaire, mais pour l’État grec, cela ne va pas énormément arranges son problème de dette. Ses obligations sont il est vrai déjà maintenant échangées sur le marché secondaire à moins de 50% de leur valeur nominale. Et même avant que ce nouveau plan soit accepté par les parlements nationaux des pays de la zone euro, la Grèce est cependant de nouveau au bord du défaut de paiement. Les analystes supposent que la question n’est plus de savoir si la Grèce va vers la faillite, mais de savoir à partir de quand elle le sera.

    36. Lorsque cela se produira, les conséquences en seront catastrophiques. L’État ne pourra plus prêter ses prêts et allocations, ou alors de manière extrêmement réduite. Les factures ne seront plus payées, ou alors pas avant de longs délais. Par le non-paiement (complet ou partiel) des dettes, le pays se verra dépourvu de liquidités. Le secteur financier entrera en faillite, tout comme de nombreuses entreprises. Les pensions, aussi bien celles des pensionnés actuels que celles des futurs pensionnés, seront fortement minées. Les investisseurs tenteront de quitter le pays. Les épargnants tenteront de récupérer leur argent. Il y aura un raid sur les banques. Des troubles sociaux, mais certainement aussi des pillages seront à l’ordre du jour. Lorsque l’Argentine a fait faillite en 2001, des dizaines de gens sont morts dans des émeutes, l’état d’urgence a été instauré et la situation n’a finalement pu se stabiliser qu’après que la monnaie soit tombée à 25% sous sa valeur.

    37. Pour quelques économistes, c’est là le seul scénario possible, et il vaut peut-être mieux le commencer tout de suite parce que le cout social et économique n’en sera autrement que plus grand. Nouriel Roubini plaide en faveur d’une faillite et d’un départ de la zone euro, dans l’espoir qu’une forte dévaluation rétablisse la compétitivité à terme. Remonter le temps n’est cependant pas sans un certain cout. Quitter la zone euro est différent que de ne jamais y avoir adhéré. Qui va financer les dettes si la Grèce introduit sa propre monnaie ? Maintenant elles s’élèvent déjà à 142% du PIB. Ces dettes sont surtout en euro. Si la drachme est réintroduite, et qu’on a comme on s’y attend une dévaluation de 60% par rapport à l’euro, la dette sera soudainement équivalente à 230% du PIB. Il faudra alors des mesures encore plus drastiques afin d’éviter un raid sur les banques et imposer des contrôles de capital. Les entreprises avec des prêts dans le pays entreront en faillite. Les produits importés deviendront plus chers et le niveau de vie des familles sera encore plus réduit. Sur une base capitaliste, il n’y aura à ça non plus aucune réponse.

    38. Certains plaident en faveur d’une reconversion des obligations nationales en obligations européennes, dans l’espoir de décourager les spéculateurs. L’idée est de répartir le risque en empaquetant ensemble les bonnes et les mauvaises obligations d’État, un peu comme ce qui avait été fait avec les hypothèques foireuses. On craint cependant le célèbre dégât moral, par lequel la pression en faveur d’une discipline budgétaire diminue et le nombre de mauvaises obligations d’État après un certain temps entraine avec elles les bonnes vers le bas. Au lieu de répartir en tant que tel le risque jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, cela détériorerait au contraire les bons emprunts, comme on l’a vu en 2008 avec les subprimes. D’autres espèrent pouvoir limiter cela en transformant seulement 60% de ces dettes d’État en obligations européennes. Mais cela aussi ne résoudrait rien du tout, car les spéculateurs continueraient à spéculer en pourcentage au-dessus de 60%. Les pays les plus forts de la zone euro s’opposent à l’introduction d’obligations européennes. Pour reprendre les mots de Karel Lannoo dans Knack : les obligations européennes sont le point de conclusion d’une union fiscale et politique, pas le point de départ.

    Payer ou se séparer

    39. Paul de Grauwe, selon ses propres mots, dit ne rien comprendre. « Nous disposons des moyens », dit-il, « la BCE peut imprimer de l’argent autant qu’elle veut ». Cela ne causera pas d’inflation, ajoute-t-il. Mais les pays forts de la zone euro ne sont pas prêts à cela. À part le fait qu’ils abandonneraient également ainsi le contrôle sur la politique monétaire, joue à nouveau le fait que cela enlèverait la pression pour remettre de l’ordre dans les budgets. Le problème le plus important est cependant réellement le danger de l’inflation. Il est vrai que le simple fait d’imprimer de l’argent ne mènera pas immédiatement à une forte inflation. Après tout, l’inflation se produit du fait que la quantité d’argent en circulation grandit plus vite que la quantité de biens et de services disponibles. Cette quantité n’est pas seulement définie par la quantité d’argent dans la société, mais aussi par la rapidité avec laquelle cette quantité d’argent change de propriétaire. Quand l’argent est retenu par les épargnants, les investisseurs en actions comme au début de ce siècle lorsque a eu lieu le phénomène de l’inflation du prix des actifs, ou quand les entreprises qui l’entassent sans le dépenser, alors cet argent ne va pas vers l’économie réelle et n’a aucun ou quasi aucun effet sur l’inflation.

    40. Une comparaison avec le mouvement actuel du prix du pétrole, et de manière plus large de toutes les denrées énergétiques, clarifie cependant ce que l’effet pourrait être d’une création large d’argent par la BCE. À chaque fois que la croissance économique stagne, le prix du pétrole diminue, par lequel il existe un espace pour respirer. Mais dès que l’économie repart à la hausse, le prix du pétrole remonte à nouveau, par lequel la croissance est entravée. Le même peut se produire avec une trop grande hausse de la quantité d’argent. À chaque fois que l’économie stagne, le danger de l’inflation laisse la place à un danger de déflation, mais aussitôt que l’économie repart et que l’argent recommence à rouler, une trop grande quantité d’argent peut mener à une explosion d’inflation. La Chine a maintenant déjà à se battre contre une inflation galopante. Les politiciens allemands gardent encore toujours un traumatisme dû au souvenir de l’hyperinflation pendant la république de Weimar. En outre, le souvenir plus réaliste de la stagflation des années ’70 est encore plus frais dans la conscience.

    41. Le lecteur critique peut interjeter que la création d’argent aux États-Unis n’a tout de même pas mené à une inflation hors de contrôle. Nous avons déjà attiré l’attention sur le fait que les États-Unis, en opposition à la zone euro, sont un État-nation avec une bourgeoisie nationale qui non seulement dispose de sa propre monnaie, mais aussi d’une unité politique et fiscale. En outre, les réserves en dollars existent déjà et elles sont réparties à travers le monde entier. Une création d’argent comparable dans la zone euro est facilement une de trop, aussi pour la Chine ou d’autres pays avec d’importantes réserves de valeurs. En 2012, la zone euro doit refinancer 1700 milliards d’euro, dont un quart par la France, 23% par l’Italie, 19% par l’Allemagne et 20% par l’Espagne, la Grèce, l’Irlande et le Portugal tous ensemble. Selon la Deutsche Bank, la Chine pourrait investir pour un montant de 175 milliards d’euro dans des titres de dette européens, soit “une goutte d’eau sur une assiette chaude”.

    42. Le 21 juin, il a été décidé d’élargir la disponibilité du fond de stabilité européen. La hausse espérée des moyens pour le fonds d’urgence est cependant demeurée lettre morte. Juste fin septembre, le parlement allemand a voté l’élargissement déjà décidé auparavant de sa contribution pour les garanties du fonds de stabilité européenne. Ainsi, le fonds dispose maintenant finalement des 440 milliards d’euro annoncés depuis janvier. Pour faire face à une faillite grecque, voire à une infection à d’autres pays européens, cela est largement insuffisant. La Chine et les États-Unis appellent à un élargissement du fonds à 2000 milliards d’euro. Cela illustre le fait qu’ils prennent au sérieux une faillite de la Grèce et ne croient pas en l’illusion que l’on peut placer la Grèce en quarantaine. Malgré la position “unique” de la Grèce, qui a déjà reçu pour 250 milliards d’euro, la crise de la dette des États s’est étendue à l’Irlande, qui a reçu un prêt d’urgence de 86 milliards d’euro, et au Portugal, avec un prêt de 78 milliards d’euro. L’Espagne qui a elle seule autant de dettes (637 mld €) que l’Irlande (148 mld €), la Grèce (328 mld €) et le Portugal (161 mld €) réunis, tente désespérément de rester à flot avec l’aide de la BCE. Si l’Italie, avec une dette (1842 mld €) trois fois plus grande que celle de l’Espagne, venait à glisser, alors même quadrupler le fonds d’urgence ne suffira plus. Comment vont-ils faire accepter cela aux 17 parlements de la zone euro ?

    43. Il y a la menace d’une nouvelle crise bancaire. Les banques françaises sont pour plus de 600 milliards d’euro exposées aux PIIGS, les banques allemandes, britanniques et américaines pour chacun de ces pays, pour environ 500 milliards d’euro. La base du capital des banques européennes a été renforcée après la crise de 2008, mais pas de la manière dont cela a été fait aux États-Unis. La plupart n’avaient pas calculé qu’elles allaient devoir renoncer à leurs obligations d’État grecques. Si demain cependant aussi les obligations espagnoles et italiennes doivent être annulées, le fait que le fonds d’urgence puisse désormais être utilisé pour recapitaliser les banques aussi sera un maigre réconfort. Les bourgeoisies européennes se sont mises dans une situation à la “catch 22”. Abandonner l’euro serait une énorme saignée pour les entreprises qui sans nul doute présenteront la facture aux travailleurs et à leurs familles. Cela serait un énorme coup porté au prestige des bourgeoisies européennes et cela mettrait fin à la collaboration qui a eu lieu après la Deuxième Guerre mondiale. Cela saperait en outre la position à l’export des pays les plus forts de la zone euro. Mais le cout du maintien de la zone euro continue à augmenter, et la question est à partir de quand ce prix sera-t-il trop grand ?

    44. En fait, il existe déjà depuis quelques mois un très grand consensus sur le fait que la politique de la dévaluation interne ne fonctionne pas, mais qu’il n’y a pas d’alternative. En conséquence, on continue contre tout meilleur jugement dans la même politique. La plus jeune réalisation a été le vote au Parlement européen du fameux “sixpack”. Officiellement, cela est la réponse à la crise économique, mais on abuse de cette occasion pour institutionnaliser la politique de l’orthodoxie néolibérale. Les États-membres doivent dorénavant présenter leur budget aux institutions européennes avant de pouvoir les faire valider par leurs parlements nationaux. On peut imposer des entraves budgétaires et des plafonds de dette sont infranchissables. Qui les enfreint peut être sanctionné. En même temps, on discute cependant d’un détour pour pouvoir élargir le fonds d’urgence. Comme si on n’avait pas déjà fait assez de dégâts avec toutes ces manipulations financières, on veut y placer un effet de levier. La BCE prêterait des sommes d’argent illimitées à quiconque veut acheter les obligations d’État des pays faibles de la zone euro, avec les 440 milliards d’euro du fonds d’urgence en tant que garantie. De cette manière, on peut garantir pour quatre ou cinq fois plus d’euro en obligations d’État, et on espère contrer la spéculation contre les obligations d’Italie ou d’Espagne.

    45. On peut bien se demander à quoi ils sont occupés. En fait, ils continuent simplement à faire la même merde jusqu’à ce que la séparation inévitable et douloureuse ne se présente. C’est logique : sur base du capitalisme, il n’y a pas d’issue. Le problème fondamental est il est vrai que le marché capitaliste sous-utilise et contrecarre les capacités scientifiques et techniques. Nous devons libérer l’économie de la chasse au profit et la mettre au service de la société et de son cadre de vie et de travail, par la mise en propriété collective libre des secteurs-clés de l’économie et de la science, et par la planification démocratique. Le gouvernement qui fait cela, se ferait vraisemblablement jeter de la zone euro à coups de pieds au cul. Ce ne serait pas une autarcie délibérément choisie. Les jeunes et les travailleurs partout en Europe comprendraient bien vite que la bourgeoisie tente par là de les isoler de la seule alternative possible. Cela aurait l’effet exactement opposé.

  • Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (2)

    Révolution et contre-révolution

    46. Cela exige une habile dose de dialectique afin de commencer à comprendre cette crise. Les vieilles certitudes sont dépassées par les contradictions que se sont accumulées sous la surface depuis des années. Des contradictions apparentes ne sont, d’un autre côté, que leurs propres compléments dialectiques. Ce qui hier fonctionnait encore bien, est aujourd’hui totalement bloqué. Les impasses et les changements de rythme vertigineux des processus graduels, leur revirement soudain et brusques transformations, caractérisent la situation. Nous nous trouvons dans une période de révolution et de contre-révolution, dans laquelle l’être humain se débarrasse de sa vieille enveloppe qui ne suffit plus aux besoins, dans ce cas le capitalisme. Des siècles auparavant, les révolutions prenaient la forme de déménagements massifs de population et par la suite, de guerres religieuses. Malgré les passions religieuses avec lesquelles elles étaient couplées, à ce moment-là aussi les conditions matérielles étaient la force motrice derrière ces processus. Que ce soit maintenant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ou bien en Chine, aux États-Unis, au Chili ou en Europe méridionale, les mouvements qui se sont déroulés cette année et sont toujours en cours, sont un dérivé direct de la Grande Récession.

    47. De puissants groupes médiatiques, une oppression dictatoriale brutale et la mesquinerie religieuse ne pouvaient pas empêcher le fait que les conditions matérielles ont finalement poussé les masses à surgir sur la scène politique. Cela s’est produit contre toute attente de la part des dirigeants locaux et de leur large appareil policier, de l’impérialisme et aussi des militants locaux. Mohammad Bouazizi n’était certainement pas le premier jeune chômeur en Tunisie à s’être immolé en guise de protestation contre le manque de perspectives. Sa mort a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, quelque chose couvait déjà sous la surface depuis le grand mouvement de grève dans les mines de Gafsa en 2008. À ce moment là, Ben Ali était encore parvenu à isoler et étouffer le mouvement. Cela avait aussi à voir avec les bonnes relations que les dirigeants de la fédération syndicale UGTT entretenaient depuis des années avec la dictature. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali) n’a été que le 17 janvier expulsé de l’“Internationale socialiste”, trois jours après la démission de Ben Ali.

    48. Les 500 000 syndicalistes ne sont cependant pas restés insensibles avant l’explosion sociale qui s’est répandue à partir du 17 décembre à vitesse grand V de Sidi Bouzid à tout le reste du pays. Malgré le fait que la direction nationale ait menacé de poursuite judiciaire, les sections locales et régionales ont pris part aux protestations et ont souvent offert un cadre organisateur. En une semaine, les dissidents avaient gagné toutes les sections. Les protestations se faisaient de plus en plus bruyantes. Le régime a réagi avec une répression brutale, mais le mouvement avait surmonté sa peur. Cela a causé la division au sein de la clique dirigeante. Au final, même l’armée a dû être retirée de Tunis de sorte qu’elle ne soit pas contaminée. Les troupes de sécurité ont tenté de créer le chaos afin de discréditer le mouvement et de le diviser. Dans les quartiers, des comités de sécurité ont été établis en réponse à cela, et ensuite des comités pour le démantèlement du RCD, des comités pour le ravitaillement, etc. Les dirigeants d’entreprise se voyaient refuser l’accès à leur entreprise en raison de leurs liens avec le régime de Ben Ali.

    La révolution enfle

    49. Les marxistes décrivent une telle situation comme une situation de “double pouvoir”. Pour la bourgeoisie et l’impérialisme, il fallait supprimer le pouvoir de la rue et à nouveau canaliser le pouvoir vers ses institutions fiables. Pour le mouvement en Tunisie et pour le mouvement ouvrier international, il s’agit de ne plus laisser ce pouvoir s’échapper. De cela découle notre appel à élargir les comités, à les structurer de manière démocratique, et à les réunir sur les plans local, régional et national afin de poser la base pour une nouvelle société, avec une nouvelle constitution révolutionnaire. Un petit parti révolutionnaire de quelques dizaines de militants aurait pu changer le cours de l’Histoire avec un tel programme. Cela n’était hélas pas le cas. Les partis et groupes de gauche qui y étaient bien présents, ont choisi soit un soutien critique au gouvernement temporaire, soit d’orienter le mouvement vers les urnes et d’attribuer la question de la constitution à un comité pluraliste de “spécialistes”.

    50. Leur argument a été le classique « D’abord la démocratie, et puis on verra après pour le socialisme ». Il y a toujours bien une raison : pour ne pas défier l’impérialisme, pour conserver l’unité des démocrates, ou parce que les masses n’étaient pas prêtes. Cela reflète un manque de confiance dans le mouvement ouvrier et dans la capacité des masses. Ils ont laissé passer le moment. Les comités ont néanmoins été rapidement imités en Égypte et d’ailleurs aussi en Libye. En Égypte, est arrivée la construction de camps de tentes permanents qui fonctionnaient comme quartier général de la révolution. Cela a été un exercice en autogestion avec leurs propres équipes média, équipes communication, service d’ordre et même à un moment donné une prison improvisée. Ici il n’y avait aucune trace de la bestialité de la clique dirigeante. Ici il semblait clair que les soi-disant groupes de lynchage étaient l’oeuvre d’agents provocateurs du régime. Les coptes et musulmans égyptiens y travaillaient de manière fraternelle les uns avec les autres et se protégeaient les uns les autres pendant les services religieux. Ce n’est que par après que le vieux régime, via l’armée, a pu reprendre un peu plus de contrôle, que les tensions religieuses se sont à nouveau enflammées.

    51. C’était une caractéristique frappante du mouvement qu’il ait pu transcender les contradictions nationales, religieuses, tribales et ethniques avec un énorme sentiment de respect et de liberté. Ce sentiment pour le respect s’est également exprimé dans le rôle proéminent des femmes. Il y avait évidemment divers degrés, mais ce phénomène s’est produit dans toutes les révolutions, que ce soit en Tunisie, en Égypte mais aussi au Bahreïn, au Yémen, en Syrie et dans d’autres pays de la région. Dans chaque révolution, il y a des moments où les masses partent en confrontation directe avec l’élite dirigeante. La plupart prennent la forme d’une marche sur le parlement, le palais présidentiel, le ministère de la Défense, et autres institutions qui symbolisent le pouvoir dirigeant. Cela s’est passé à Tunis, au Caire, à Sana’a (Yémen), et à Manamah (Bahreïn). C’était ici que le manque d’un programme c’est exprimé de la manière la plus criante. Une fois arrivés sur place, les manifestants ne savaient en effet plus par quoi d’autre commencer. Ils restaient à trépigner sur place, puis finissaient par rentrer chez eux.

    52. Trépigner sur place, ce terme a parfois été pris de manière très littérale. L’occupation de la place Tahrir, de la place Parel (à Manamah), et de tant d’autres places symbolise ceci. On sentait par intuition qu’on ne pouvait pas simplement rester là. Les travailleurs occupaient leurs entreprises, les communautés avaient pris le contrôle de leur quartier, mais le moment de la prise du pouvoir, ils l’ont laissé filer. On a estimé la contribution des travailleurs sans doute importante, tout comme celle des mosquées ou des bloggers, mais la révolution, celle-ci appartenait au “peuple”. Le caractère de classe de la société n’avait pas assez pénétré. On s’est battu contre le chômage et la pauvreté, pour de meilleures conditions sociales, pour la liberté et pour la démocratie, mais on n’a pas encore compris que c’est contre l’organisation capitaliste de la société qu’il faut lutter si on veut tout cela. On a vu les travailleurs comme une partie de la population, pas encore comme avant-garde d’une nouvelle organisation de la société sur base de la propriété collective. Les travailleurs eux-mêmes ne se voyaient pas comme ça, parce qu’il n’y avait aucune organisation ouvrière, aucun syndicat et encore moins de partis qui puissent ou qui veuillent donner une expression à cela en termes de programme et d’organisation.

    53. Dans une telle situation, le vieux pouvoir, après avoir fourni les quelques sacrifices symboliques exigés, rétablit petit à petit son emprise. Les masses ont cependant développé une énorme énergie, ont surmonté leur peur, et sont devenues conscientes de leur propre force. En outre, les conditions matérielles vont continuer à les encourager à chaque fois à rentrer en action de nouveau. Une chance énorme a été perdue, mais la lutte n’est pas terminée. La prise du pouvoir n’est plus en ce moment en tête de liste à l’ordre du jour, mais la construction de syndicats, de partis ouvriers et surtout aussi de noyaux révolutionnaires, n’est pas seulement nécessaire, mais sera beaucoup mieux compris par la couche la plus consciente. De plus, une couche de militants va observer de manière beaucoup plus attentive les nuances qu’elle avait encore considérées comme peu importantes pour le mouvement.

    L’impérialisme reprend pied dans le pays

    54. L’impérialisme était encore en train de mener une guerre d’arrière-garde avec les partisans d’Al-Qaeda, lorsque les masses ont jeté par-dessus bord ses pantins dans la région et ont ainsi réalisé en quelques semaines ce qu’al-Qaeda n’a jamais pu faire. Il a perdu tout contrôle. Les masses dans la région étaient d’ailleurs très conscientes du fait que Moubarak, Ben Ali et autres dictateurs étaient maintenus en place par l’impérialisme. Il a fallu la brutalité du régime de Kadhafi en Libye pour que l’impérialisme puisse à nouveau prétendre jouer un rôle dans la région. Au début, les jeunes de Benghazi, qui avaient commencé la révolution, avaient laissé savoir à la presse internationale qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence de la part de l’impérialisme. Bientôt apparaissaient cependant les drapeaux royalistes et des chefs rebelles autoproclamés, ex-laquais de Kadhafi, partaient rendre visite à l’Élysée.

    55. Kadhafi a sauté sur l’occasion pour semer le doute quant aux objectifs des rebelles. Cela lui a donné la possibilité d’infléchir le conflit social et politique en un conflit militaire, avec sa propre armée armée jusqu’aux dents. À l’est du pays, cela a fait croitre l’appel à un soutien militaire d’Occident, et les ex-laquais de Kadhafi ont vu leur chance pour pouvoir arracher l’initiative hors des mains de la jeunesse révolutionnaire. Cela a duré plus longtemps et couté plus cher que l’impérialisme avait prévu au départ. Il est loin d’être sûr qu’ils parviendront à stabiliser la situation. La Libye pourrait bien devenir le seul pays de la région dans lequel le fondamentalisme islamiste parvienne à accéder au pouvoir. Il y aura bien des courants qui ainsi justifieront leur soutien à Kadhafi. Ils affirmeront que l’entrée triomphale du “libérateur” Sarkozy, est une mise en scène. C’est d’ailleurs bien possible. Ils s’apercevraient cependant mieux que Sarkozy et l’impérialisme n’auraient pas pu prendre l’initiative sans la brutalité de Kadhafi.

    56. Le président syrien, Assad, a suivi dans les traces de Kadhafi. L’impérialisme ne va pas y intervenir aussi rapidement, à cause du danger de déstabiliser la région. Il est cependant certainement à la recherche d’une alternative à Assad, sans doute en préparation du résultat d’une probable guerre civile. Ici aussi un soutien, même critique, au régime brutal d’Assad, en guise de ce qui voudrait passer pour une rhétorique anti-impérialiste, serait une faute capitale pour la gauche et ne ferait que pousser les masses dans les bras de l’impérialisme. La manière dont l’impérialisme en revanche est déjà ouvertement en train de se partager le butin en Libye, même avant que Kadhafi ne soit renversé, illustre à nouveau le fait que le mouvement ouvrier international ne peut jamais donner la moindre confiance en l’impérialisme, et donc pas non plus ni à l’OTAN, ni à l’ONU, pour défendre ses propres intérêts. Dans nos textes, nous faisions allusion aux troupes révolutionnaires de Durruti en 1936, pendant la Révolution espagnole, afin d’illustrer ce qui aurait pu être entrepris dans une telle situation.

    Révolution permanente

    57. On ne peut pas être socialiste, si on n’est pas en même temps internationaliste. Les mouvements sociaux ont toujours eu une tendance à passer outre les frontières nationales. Le processus de mondialisation et les nouveaux médias ajoutent une dimension supplémentaire à cela. En Chine, le régime a pris des mesures pour étouffer dans l’oeuf toute contagion par le mouvement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au Chili aussi, mais avec beaucoup moins de succès. Même les travailleurs et jeunes américains grèvent désormais “like an Egyptian”, entre autres au Wisconsin. Ils construisent des campements en plein dans l’antre du lion, à Wall street, et n’ont plus peur de la répression. Les syndicats sont de plus en plus impliqués. Même les travailleurs et jeunes israéliens ont donné une claque à tous ceux qui pensaient que dans ce pays vivait une grande masse réactionnaire sioniste. Cela confirme notre thèse selon laquelle le fossé entre la bourgeoise sioniste et les travailleurs et jeunes israéliens s’approfondit. Pour les masses palestiniennes, voilà leur allié le plus important.

    58. Le centre du mouvement est clairement passé de l’Amérique latine au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord et surtout à l’Europe. L’Amérique latine a déjà servi dans les années ’80 de laboratoire pour le néolibéralisme. Cela y a mené à des mouvements de masse. Dans toute une série de pays, comme au Venezuela, en Bolivie, et en Équateur, sont arrivés au pouvoir des régimes dont les agissements n’ont pas été du gout de l’impérialisme. Ils se sont en général basés sur un populisme de gauche, ont pris tout une série de mesures sociales importantes, et malgré le fait qu’aucun d’entre eux n’ait complètement rompu avec le capitalisme, ils ont été une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs partout dans le monde.

    Révolte en Europe

    59. Les recettes que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international gardaient pour le “tiers monde”, ont été après la crise de 2008 appliquées pour la première fois dans un État-membre de l’UE, d’abord dans les nouveaux, puis dans les plus anciens. Comme cela était encore requis, cela a été le test ultime de la loyauté de la social-démocratie envers la politique néolibérale. Elle a réussit avec la plus grande distinction. La réaction du mouvement ouvrier ne s’est pas fait attendre. Il y a eu des manifestations et des grèves massives en protestation contre l’austérité illimitée dans presque chaque pays de l’Union européenne. Ce n’est pas la combativité qui manque. La stratégie des dirigeants syndicaux a cependant en général été un plaidoyer en faveur d’une austérité moins dure, d’une répartition plus équitable des pertes et d’une austérité qui n’entrave pas la croissance. Toute action a été aussi freinée et sabotée que possible. Malgré le fait que l’austérité touche tous les secteurs, les mouvements spontanés ont été isolés autant que possible. Aucune perspective n’a été offerte quant à une possibilité de victoire. C’est comme si on fait grève et manifeste, seulement pour confirmer que l’on n’est pas d’accord avec la politique d’austérité mise en oeuvre, mais sans mot d’ordre clair, sans parler d’une alternative.

    60. Ici et là les directions syndicales ont été obligées d’appeler à des grèves générales. Mais ce surtout des grèves appelées en vitesse et d’en haut qui, malgré la participation massive, sont peu ou pas du tout préparées, et qui ne sont pas orientées vers la construction d’un véritable rapport de force. En général ils servent tout au plus à laisser échapper de la vapeur. Dans ces mobilisations, les travailleurs sentent leur force potentielle, mais réalisent qu’il n’y a aucune stratégie derrière elles afin d’assurer une victoire. En Grèce, nous sommes entretemps à la 12ème journée de grève générale, mais le gouvernement n’a pas été ébranlé d’un millimètre. Cela mène à la frustration envers les dirigeants, qui sont désormais déjà aussi fortement haïs par leur base que les politiciens qui appliquent l’austérité. Certaines centrales qui adoptent une attitude plus combative, telle que la FIOM (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – Fédération des ouvriers salariés métallurgistes), la centrale des métallos en Italie, membre de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), ou bien quelques syndicats britanniques dans les services publics comme le PCS et le RMT (le Public and Commercial Services union et le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), peuvent cependant compter sur une approbation enthousiaste. Aux Pays-Bas, il n’est pas exclu que l’on voie une scission entre la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging – Confédération syndicale néerlandaise) et ses deux plus grandes centrales, la FNVbondgenoten (centrale de l’industrie) et la Abvakabo (Algemene Bond van Ambtenaren / Katholieke Bond van Overheidspersoneel – Centrale générale des fonctionnaires / Centrale chrétienne du personnel étatique) sur base de la question des pensions. Nous pouvons nous attendre à ce que la lutte de classe dans la période à venir se répande également au sein des structures syndicales, avec l’expulsion des militants combatifs, mais aussi le remplacement des vieux dirigeants usés par de nouveaux représentants plus combatifs.

    61. Les attaques sont cependant si dures et si généralisées que de nombreux jeunes et aussi de nombreux travailleurs ne peuvent ou ne veulent pas attendre que les choses soient réglées à l’intérieur des syndicats. Certains ne croient tout simplement plus en le fait que les syndicats puissent encore un jour devenir un instrument de lutte, encore moins pour pouvoir obtenir un véritable changement. Il faut dire que les dirigeants ne font pas le moindre effort pour réfuter cette impression. On dirait bien qu’ils sont heureux d’être libérés de ce fardeau. Toute une série de jeunes et de travailleurs se reconnaissent dans le mouvement de la place Tahrir. Ils croient que les syndicats et les partis sont des instruments du siècle passé, qui par définition mènent à la bureaucratie, aux abus et à la corruption, et que maintenant une nouvelle période est arrivée, celle des réseaux et des nouveaux médias. Il faut bien dire que ces réseaux peuvent être exceptionnellement utiles aux syndicalistes aussi, afin de pouvoir briser la structure verticale bureaucratique au sein de leurs syndicats.

    62. Les nouvelles formations de gauches sont encore moins parvenues à apporter une réponse. Elles devraient se profiler en tant que partis de lutte qui formulent des propositions afin d’unifier tous les foyers de résistance et de contribuer à l’élaboration d’une stratégie qui puisse mener à une victoire. Au lieu de cela, ces nouvelles formations, dans le meilleur des cas, se contentent de courir derrière le mouvement. Elles voient la lutte sociale non pas comme un moyen de mobiliser de larges couches pour une alternative à la politique d’austérité, mais espèrent uniquement obtenir de bons scores électoraux sur base du mécontentement. C’est une grave erreur de calcul. Elles se profilent en tant qu’aile gauche de l’establishment politique, comme le Bloco de Esquerda au Portugal, qui ne va pas plus loin que la revendication de la renégociation de la dette, ou comme le PCP (Parti communiste portugais), qui ne dénonce que la répartition injuste de l’austérité. La plupart de ces nouvelles formations de gauche, comme Syriza en Grèce, le SP hollandais, ou Die Linke en Allemagne, viennent maintenant d’effectuer un virage à droite. Tandis que le monde se retrouve sens dessus-dessous, le NPA est hypnotisé par les prochaines élections présidentielles.

    63. En intervenant avec tact dans le mouvement des indignados et autres mouvements qui prennent place en-dehors des mouvements sociaux traditionnels, ces nouvelles formations de gauche pourraient convaincre ces jeunes du fait qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre la légitime aversion envers les politiciens et les dirigeants syndicaux et la base syndicale, et de la manière dont fonctionnerait un parti démocratique de la classe ouvrière. Au lieu de cela, elles restent absentes, ou participent à titre individuel. Il y a pourtant besoin d’une coordination entre les différents mouvements de protestation et d’une orientation vers la seule classe qui puisse réaliser le changement de société, la classe ouvrière. Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter et mobiliser autour de la seule revendication capable de mettre un terme à la casse sociale : la fin du remboursement de la dette aux banques. Ce n’est que par la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de la finance, sous le contrôle démocratique du personnel, que la collectivité pourra mobiliser l’ensemble des forces productives dans la société et accorder un emploi et un salaire décent pour chacun.

    64. Les mouvements en-dehors des structures officielles sont très explosifs, mais ils ont aussi la tendance à rapidement s’éteindre. Les énormes contradictions et les attaques continues de la part de la bourgeoisie engendrent cependant toujours plus de nouveaux foyers. Il y a des similitudes avec le mouvement antimondialisation du début de ce millénaire. C’était surtout un mouvement contre la répartition inéquitable, mais de manière abstraite, la partie officielle du mouvement oeuvrait surtout à des issues afin de tempérer le “capitalisme sauvage”. Les dirigeants syndicaux ont soutenu, tout comme les ONG, tandis que les travailleurs étaient plutôt observateurs que participants actifs. La crise économique est maintenant présente de manière bien plus proéminente. Le mouvement exprime des questions qui portent sur le système lui-même. Ce n’est plus seulement une protestation, mais aussi un appel au changement. Les travailleurs ne sont plus observateurs, mais participants actifs. Les dirigeants syndicaux, les ONG et les universitaires ne jouent clairement plus le même rôle central. Cela concerne maintenant nos emplois, nos salaires, nos vies. La volonté de changement et la composition sociale du mouvement mène également à la recherche d’une alternative. C’est la caractéristique la plus importante.

    65. Il est clair que les jeunes et les travailleurs adoptent de manière intuitive une position internationaliste. La crise frappe partout. Il n’y a aucune solution possible dans le cadre d’un seul pays. Même si le CIO n’a pas partout les quantités numériques que nous avions au milieu des années ’80, notre poids relatif à l’intérieur du mouvement ouvrier organisé est aujourd’hui plus fort qu’à ce moment-là. Nous avons des militants dans la plupart, si pas dans tous les pays où les travailleurs et les jeunes sont en mouvement, certainement en Europe. Dans un certain nombre de pays, nous jouons un rôle important, quelquefois décisif au sein des syndicats ou dans les mouvements étudiants. Nous avons la chance de disposer d’une série de figures publiques saillantes, aussi de parlementaires, y compris dans le Parlement européen. Nous devons saisir cela afin de recadrer notre lutte à l’intérieur de celle pour une fédération socialiste des États d’Europe.

    66. La faiblesse de la gauche peut mener à des actes de désespoir tels que les émeutes au Royaume-Uni, que la droite ne se prive pas d’utiliser pour susciter un soutien social en faveur de plus de répression. Le populisme de droite va utiliser la défaillance de la gauche et le plaidoyer pour une austérité plus douce pour se projeter en tant que soi-disant barrage contre la casse du bien-être de la population autochtone travailleuse. La période à venir va cependant faire pencher le pendule plus à gauche. Le mouvement que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un signe avant-coureur de nouvelles explosions de masses, dans lesquelles le mouvement ouvrier va se réarmer politiquement et organisationnellement. Même une poignée de socialistes de lutte tenaces et bien préparés peut jouer un rôle déterminant dans cela. La faillite de l’Argentine en 2001 a mené à des mouvements de masse. En 18 mois, il y a eu 8 grèves générales. Puis on suivi des occupations d’entreprise. Les jeunes chômeurs, les piqueteros, construisaient chaque jour des barricades dans les rues. Les classes moyennes qui voyaient leurs économies s’évaporer sont descendues en masse dans les rues avec des pots et des casseroles, les carcerolazos, comme on les a appelés. Le 19 décembre 2001, des masses de chômeurs et de travailleurs précaires ont attaqué les supermarchés pour satisfaire leur faim. Le gouvernement a appelé à l’état d’urgence. Un jour plus tard, a eu lieu une confrontation de dizaines de milliers de manifestants avec la police. Il y a eu des dizaines de morts, et des centaines de blessés. En deux semaines, se sont succédé cinq présidents.

    67. Hélas, il manquait un parti révolutionnaire avec une alternative socialiste. Lorsque le mouvement social s’est terminé dans une impasse, beaucoup de gens se sont concentrés sur le terrain électoral. Luis Zamora, un ex-trotskiste avec un soutien de masse, n’aurait pas gagné les élections, mais a pu avoir utilisé son influence dans les élections pour mobiliser des milliers de travailleurs et de jeunes et avoir fait un début avec la construction d’un parti ouvrier socialiste. Zamora a hélas décidé de ne pas participer et s’est mis de côté dans cette lutte. Le contexte international dans lequel ce mouvement a pris place était cependant du point de vue de la bourgeoisie bien plus stable qu’aujourd’hui. De la même manière, nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des mouvements explosifs qui peuvent prendre toute une série de formes possibles et de plus, auront un bien plus grand effet international. De temps à autre, ce mouvement se traduira plutôt sur le plan électoral, comme avec l’élection des cinq parlementaires de l’Alliance de gauche unie en Irlande. Pour nous, la lutte ne s’arrête pas là, mais il s’agit d’employer ce terrain aussi au maximum et d’utiliser les positions conquises en tant que tribune pour renforcer la lutte sociale.

  • Est-ce la fin de l’Euro ?

    La décote de 50% des obligations du gouvernement grec ainsi que l’engagement d’une nouvelle aide d’urgence de 130 milliards € en échange d’un autre plan d’assainissements drastiques n’ont pas encore sauvé la Grèce d’une banqueroute imminente. Les pare-feux que l’on a voulu créer autour du pays afin de priver les marchés financiers de l’envie de spéculer sur les dettes des autres pays de la zone euro en installant un bazooka de 1.000 milliards € ne les a pas impressionné.

    Article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

    Depuis, tout ce qui a le potentiel de foirer le fait véritablement. Le technocrate grec Papadémos, le premier Premier ministre non-élu depuis la dictature des colonels imposé par l’Europe après la démission forcée de Papandréou, ne réussit pas à aligner sa coalition d’unité nationale. Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie refusent d’accepter sa nouvelle austérité et veulent se rendre aux urnes au plus vite. Par conséquent, l’Europe continue de bloquer les 8 prochains milliards € d’aides en urgence. D’ailleurs, le risque d’aller en défaut de paiement continue pour décembre.

    Par ailleurs, l’effet de levier placé sur le fond européen d’urgence n’a rien ébranlé. Papandreou avait à peine été renvoyé que le clown d’Italie, Berlusconi, était également évincé avec toute sa clique. Mais rien de cela n’a fonctionné non plus. En réalité, la démocratie est un luxe que l’Europe ne se permet que lorsque ses intérêts ne sont pas en jeu. L’annonce d’une révision du traité de l’UE par la France et l’Allemagne avec, pour la première fois, une clause destinée à pouvoir éjecter des pays de la zone euro, est revenue à jeter de l’huile sur le feu. Mais cette option est visiblement considérée dans ces 2 pays.

    Il n’en fallait pas plus aux investisseurs pour déverser des obligations européennes. Des obligations italiennes et espagnoles, mais aussi belges, françaises et même hollandaises, autrichiennes et finlandaises. De plus, les obligations allemandes n’en profitent plus. Cela peut indiquer que les marchés financiers abandonnent l’Euro. En théorie, la zone euro a encore les moyens de se défendre, mais des obligations européennes et une intervention de la Banque Centrale Européenne (BCE) signifieraient que l’Allemagne se défasse de sa politique monétaire. François Baroin, ministre français des Finances, suggère de contourner cela en donnant une licence bancaire au fonds d’urgence qui pourrait alors emprunter de façon illimitée à la BCE.

    Il n’est pas exclu que des échappatoires techniques soient trouvées pour repousser l’éclatement de la zone euro, mais cet éclatement est justement inévitable, bien qu’il ne soit pas possible de revenir à la situation exacte d’avant l’introduction de l’euro. L’Euro partagerait ainsi un sort identique à ses prédécesseurs. D’ailleurs, l’idée que la monnaie européenne est la première en son genre est un mensonge. Déjà en 1866, l’Union Monétaire Latine a été créée et a duré près de 50 ans jusqu’en 1914. Elle n’a été officiellement dissoute qu’en 1927. La Belgique, la France, la Suisse et l’Italie en étaient les membres fondateurs, rejoints ensuite par l’Espagne la Grèce et plus tard par la Roumanie, la Bulgarie, la Serbie, Saint-Marin et… le Venezuela. Mais cela aussi, c’est de l’histoire ancienne.

  • Une bonne contribution aux discussions sur un nouveau projet de gauche

    Depuis fin septembre, le nouveau livre d’Erik De Bruyn est disponible dans les librairies flamandes. De Bruyn s’est fait connaître avec sa candidature à la présidence du SP.a, le parti social-démocrate flamand, en 2007, où il avait obtenu 33% des votes contre Caroline Gennez. Quatre ans plus tard, De Bruyn continue, avec ‘Rood’, en dehors de la social-démocratie. Son nouveau livre est une bonne occasion de mener le débat concernant le projet de gauche qu’il nous faut. Même si ce livre n’existe qu’en néerlandais, nous pensons qu’il est utile de publier notre critique dans les deux langues, car il s’agit d’une contribution au débat entourant l’ouvrage.

    Par Bart Vandersteene, membre de la direction de Rood

    Ce livre donne un aperçu du fonctionnement interne du SP.a et des possibilités très limitées pour construire une opposition de gauche au sein de la social-démocratie. Malgré son bon résultat en 2007, les portes étaient fermées pour De Bruyn au bureau du parti (au niveau national ou régional) de même que pour une place éligible aux élections.

    En avril de cette année, SP.a-Rood a décidé de quitter le parti. ‘‘Juste au moment où l’opinion publique se lance contre l’establishment, le parti ne réussit pas à capter l’esprit et se trouve de l’autre côté des barricades’’ (p.75). Nous pensons que cette méfiance et cette aversion contre l’élite datent de plus longtemps déjà et qu’elles se sont longtemps orientées contre le SP.a, un parti qui a participé au pouvoir (à différents niveaux) depuis 1988 et qui, au fur-et-à-mesure des années, cache de moins en moins qu’il défend une variation de la même politique néolibérale en faveur des riches et puissants. Cela a conduit depuis longtemps à l’existence d’un vide politique à gauche.

    La décision de quitter le SP.a a eu un bon impact sur le contenu du livre. De Bruyn est plus clair dans ses analyses du capitalisme et au sujet de la nécessité d’une alternative socialiste. Les mouvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont aussi eu un effet contagieux sur Erik. Cependant, nous sommes en désaccord avec certaines de ses conclusions. Il va trop loin dans le rejet des formes organisées de la politique par les jeunes espagnols. L’aversion légitime contre les partis traditionnels ne met pas de côté la nécessité d’un parti démocratique des travailleurs et des jeunes.

    ‘‘La démocratie et la participation doivent être des réflexes de chacun à chaque niveau. La démocratie et la participation sont beaucoup trop importants pour les externaliser à de soi-disant experts qui en font leur profession (…) L’avenir appartient aux réseaux, aux structures participatives.’’ (p. 197) Les réseaux sont utiles, mais pour un engagement à plus long terme, approfondi et démocratique avec des procédures de décision et des structures, il nous faut autre chose. L’absence de parti large de la classe ouvrière ne signifie pas qu’il y a ‘‘une ère post-parti politique’’.

    Erik De Bruyn a des doutes concernant l’appel ‘pour un nouveau parti des travailleurs’, un appel soutenu par le PSL depuis les années 1990. ‘‘Les solutions socialistes sont rejetées par l’opinion publique comme étant irréalistes (…) L’affaire ne peut pas être résolue simplement par la création d’un nouveau parti des travailleurs. La gauche doit s’orienter envers des couches plus larges, sans tomber dans un discours du centre. La crise touche les travailleurs, mais aussi les cadres, les indépendants et les petits entrepreneurs.’’ (p. 93) La gauche doit ‘‘aller plus loin que le concept dépassé du ‘nouveau parti des travailleurs’. D’un côté l’élément d’un parti des travailleurs doit être mis en avant, mais de l’autre côté il doit être beaucoup plus audacieux que ça.’’ (p. 189)

    La crise capitaliste frappe partout et toutes les couches de la société. Les cadres et les petits indépendants reçoivent aussi quelques gifles. Certains cadres sont mis de côté, comme tous les travailleurs. Des petits entrepreneurs ne tiennent pas le coup dans la compétition avec les grandes chaînes et les multinationales. Ils sont aussi menacés par les parasites tels que les banques et Electrabel. La seule façon d’y échapper, c’est de suivre la seule classe dans la société qui peut édifier une autre organisation sociale. C’est la classe ouvrière. Bien sûr, un ‘parti des travailleurs’ sera ouvert à d’autres couches, mais dans sa composition et son programme – dans son caractère – il doit être un ‘parti des travailleurs’, avoir un caractère et des méthodes ouvrières.

    Il y a clairement un nombre de sujet sur lequel nous avons des désaccords avec Erik. Il limite ses revendications à ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. Nous pensons que cela conduit à des dangers. Cela explique probablement pourquoi Erik continue à répandre des illusions dans le socialisme ‘réinventé’ en Amérique-Latine. Malgré des réformes positives au Venezuela et en Bolivie, Chavez et Morales refusent surtout de rompre fondamentalement avec la logique capitaliste. Cela conduit à une impatience et à une frustration croissantes parmi les masses, de même que la menace de la contre-révolution. Une réponse socialiste part des besoins concrets et essaie de les lier en revendications et slogans concrets avec la nécessité d’un changement fondamental de société. Le manque d’un tel programme est néfaste pour les nouveaux partis de gauche dans des pays dans l’œil du cyclone, comme pour le Bloc de Gauche au Portugal.

    Dans sa critique des dictatures staliniennes, Erik écrit que la chute des ces régimes est due à ‘‘l’absence de deux facteurs : la démocratie et le marché.’’ L’élément important du ‘socialisme dans un pays’ est oublié dans le texte. Ce qu’Erik veut dire avec ‘absence de marché’ est un mystère pour nous. Que tous les secteurs clés deviennent tout de suite gratuits et soient donc en dehors de la sphère d’échange économique, comme l’enseignement et les soins de santé, nous semble évident. Est-ce qu’Erik trouve que l’Union Soviétique est allée trop loin? Lorsque nous parlons du ‘marché’, il ne s’agit en général pas de l’organisation de la consommation (comme avec le marché du dimanche matin) mais de la production (le ‘libre marché’). Avec l’économie planifiée nous n’entendons pas l’expropriation des petits commerçants, mais bien des secteurs clés de l’économie. Est-ce que ces secteurs doivent être gérés par un régime public ou laissés au ‘libre marché’ pour que les capitalistes puissent prendre les meilleurs morceaux et les profits ? Est-ce qu’Erik trouve que le marché aurait dû jouer un rôle plus important ?

    Les propositions du livre pour des réformes d’Etat nous semblent faibles, sans toucher aux intérêts de l’élite économique et politique actuelle. L’approche sur la société multiculturelle et le port du voile reste également un point de discussion et de désaccord.

    Malgré ces critiques, nous trouvons dans ce livre une impulsion importante à la discussion sur la construction d’un nouveau projet de gauche. Nous recommandons le livre et voulons utiliser cette occasion pour mettre en avant nos différences de manière ouverte et honnête. Le fait que Rood veut constituer un mouvement large et ouvert avec en son sein diverses organisations et positions politiques est enrichissant.

    Enfin, encore un avertissement vis-à-vis d’une confiance trop exagérée dans les nouveaux médias. Erik propose une ‘‘plate-forme participative sur l’internet’’ pour ‘‘utiliser la connaissance et l’expertise collective des gens, comme précurseur d’une société socialiste radicalement démocratique et autogérée’’ (p. 191). Nous pensons que les outils de communications offrent de grandes opportunités, mais ils ne peuvent pas remplacer une réelle participation dans les discussions et les réunions. Une participation politique à l’ordinateur semble accessible, mais c’est beaucoup moins contraignant, plus volatile et il y manque un élément important : la dynamique démocratique de groupe.


    ‘La rédaction de Lutte Socialiste vend le livre ‘De terugkeer van de dwarsliggers’ à 14 euros (et 3,5 euros d’expédition). Dans les librairies, le livre est vendu à 17,5 euros. Commandez ce livre en versant sur le n° de compte de Socialist Press 001-3907596-27 avec ‘De Bruyn’ en mention.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette nouvelle rubrique de socialisme.be vous proposera régulièrement des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    A noter dans votre agenda

    • 16-18 septembre : Camp de formation marxiste de Etudiants de Gauche Actifs destiné à préparer cette nouvelle année académique
    • Di. 25 septembre : Bruxelles. Slutwalk – protestation contre le sexisme, RDV 14h30 Gare du Nord
    • Sa. 29 octobre : Seconde Journée du Socialisme en Flandre, à l’initiative de la Table Ronde des Socialistes
    • sa.-di. 26-27 novembre : Congrès régionaux du PSL
    • 3 décembre : Manif climat
    • 8 mars 2012: manifestation anti-NSV à Louvain
    • 25 mars 2012 : protestations contre le rassemblement des réactionnaires antiavortement à Bruxelles

    [/box]

    Pourquoi je suis devenu membre

    Thomas, Liège

    D’abord, j’aimerais dire que je suis une personne qui prend conscience du monde dans lequel elle vit et qui est convaincue qu’il faut agir au lieu de simplement constater.

    J’ai toujours senti en moi le besoin de m’indigner face à des situations que je ne jugeais pas justes et, à partir de ce moment, il m’est venu la nécessité de militer au sein du PSL.

    En effet, ce qui m’a plu au PSL, c’est la mentalité non-électoraliste de ses membres et leur acharnement face à un monde qui ne croit qu’en la réussite personnelle, tel un “american dream” étendu sur la planète entière.

    Je suis le genre de personne qui pense que le bien être personnel est amené par le bien être collectif au sein de n’importe quelle société et je suis convaincu que nous pouvons tendre vers ce type de société si chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, conscient de la nécessité de changer la prison dorée dans laquelle nous vivons depuis le XVIIIème siècle.

    En conclusion, j’ai rejoint le PSL par besoin personnel, par nécessité et surtout pour l’humanité qui habite chacun de ses membres.

    Pour une société meilleure, amis camarades, vive la révolution !


    Ecole d’été réussie avec 360 marxistes de 33 pays

    Par Hanne (Anvers)

    Le PSL fait partie d’une organisation internationale, le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière), qui est active dans une cinquantaine de pays sur tous les continents. Fin juillet, l’école d’été européenne du CIO s’est déroulée à Louvain et a rassemblée 360 participants issus d’Europe mais aussi des Etats-Unis, du Venezuela, du Brésil, du Nigéria, de Tunisie, d’Israël, de Palestine, du Liban, d’Inde, de Malaisie, du Kazakhstan ou encore d’Australie.

    Cette école d’été fut particulièrement intéressante au vu de la situation politique internationale. Nous avons connu les renversements de régimes dictatoriaux en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la lutte de masse dans des pays Européens comme la Grèce, des mouvements aux Etats-Unis (au Wisconsin). Même Israël connaissait alors les débuts d’un mouvement de masse. En même temps, le capitalisme connaît une crise profonde et les capitalistes ne savent plus comment guérir leur système malade.

    Il faut remonter aux années ’60 pour retrouver autant de mouvements de révolte au même moment, avec des slogans et des tactiques qui se reprennent et se diffusent à large échelle. Cela illustre le sentiment de solidarité internationale. Dans un contexte de changements rapides et de mouvements, des discussions internationales telles que celles menées à cette école d’été sont indispensables.

    Les participants ont été particulièrement intéressés par les discussions sur les récents mouvements de masse, et les sessions consacrées à la Grèce, au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord ont par conséquent très certainement constitué le point d’orgue de cette semaine. Tant là où nos forces sont un peu plus développées (en Grèce par exemple) que là où nous posons nos premiers pas (en Espagne, en Tunisie ou en Egypte), la question du programme à défendre et des perspectives sur lesquelles le baser est un élément des plus cruciaux.

    Tout au long de cette école, le fil conducteur a sans doute été le fait que nous nous trouvons actuellement à un tournant de la situation objective mondiale. Mais le CIO s’y était déjà préparé depuis un bon moment, et nous faisons actuellement de très bonnes interventions. En Grèce, nous attirons une couche de militants ouvriers et de jeunes ; en Espagne, nous avons posé les premières bases destinées à construire une section solide. Le retour de la lutte des classes en Grande-Bretagne a immédiatement conduit à une croissance du Socialist Party qui, pour la première fois depuis des années, a à nouveau franchi la barre significative des 2000 membres. En Irlande, nous avons maintenant deux élus au Parlement – Joe Higgins et Clare Daly – qui, tout comme notre député européen Paul Murphy, étaient présents à l’école d’été.

    Chaque jour a connu son lot de discussions diverses et variées sur la lutte syndicale, la position des femmes, la lutte contre l’homophobie et la défense des LGBT, la situation particulière du Kazakhstan aujourd’hui, l’Asie, le Nigéria, l’antifascisme,… Un enthousiasme gigantesque était présent, de même que la volonté de profondément s’engager dans les luttes.

    L’enthousiasme s’est d’ailleurs notamment illustré lors de l’appel financier, dont la récolte s’élève à pas moins de 25.000 euros pour aider à la construction de nos forces au niveau international. Sur base de sérieuses discussions politiques et de notre programme socialiste cohérent, nous pouvons faire des pas en avant même si, dans la période actuelle, les éléments compliquant ne manquent pas.


    Fonds de lutte : 73% de notre objectif trimestriel obtenu après deux mois

    Voici ci-dessous un état des lieux de notre récolte de fonds de lutte pour la période Juillet-septembre 2011. Chaque trimestre, nous voulons récolter 11.000 euros de soutien financier parmi nos membres et nos sympathisants. Après deux mois, nous avons obtenu 8.044,45 euros de soutien, soit 73% de notre objectif. Il est donc parfaitement possible de réaliser le reste de notre objectif au cours du mois de septembre.

    Vous voulez participer à cet effort ? C’est bien entendu possible, en prenant un ordre permanent de soutien par exemple. A partir de 2 euros ou plus par mois, vous recevrez d’ailleurs chaque mois un exemplaire de notre mensuel, Lutte Socialiste. Versez votre contribution sur le compte n°001-2260393-78 du PSL avec pour communication “soutien”.

    • Hainaut-Namur : 75%
    • Brab. FL – Limbourg : 74%
    • Bruxelles Brab.Wall. : 62%
    • Flandre Or. et Occ. : 60%
    • Anvers : 59%
    • Liège-Lux.: 16%
    • National : 271%
    • TOTAL: 8.044,45 €, soit 73%
0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop