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Tag: Unité à gauche
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Stop à la Loi Travail Peeters! Dégageons Michel et la politique d’austérité par la grève!
LuxLeaks, SwissLeaks, Excess Profit Rulings, Panama Papers… Nous vivons tous au-dessus de nos moyens ?!MANIF SYNDICALE le 24 mai à Bruxelles
& DÉBAT du PSL le 1er juin, 19h, Pianofabriek (35 rue du Fort à Saint-Gilles)En plus des premières mesures d’austérité de ce gouvernement thatchérien MR-NVA- CD&V-Open Vld (saut d’index, augmentation de l’âge légal de la pension, réduction des contributions sociales pour les entreprises, augmentations des taxes, etc.) survient une nouvelle avalanche antisociale faites de nouvelles taxes et de reformes structurelles.
Tract du PSL (ce tract a été envoyé à l’imprimeur juste avant l’annonce du nouveau plan d’action syndical) // Tract en version PDF
=>Lire notre article: L’enjeu du plan d’action : construire un mouvement de masse pour faire tomber le gouvernement
Non au projet de loi « travail » à la belge
Un contrôle budgétaire suffit pour balancer par-dessus bord des “valeurs occidentales” comme la journée des huit heures et la semaine de 38 heures qui pourra devenir 45h. C’en est fini de payer des heures supplémentaires et d’engager du personnel lors d’un surcroît de travail. Dorénavant, nous travaillerons jusqu’à tomber malade. Le recours au travail intérimaire n’est maintenant officiellement plus limité aux surcroîts de travail mais est aussi possible à durée indéterminée.
Les malades de longue durée doivent retourner au travail, sans quoi ils seront sanctionnés. Les pensions dans le secteur public sont “recalculées”. Objectif ? Travailler plus longtemps pour des pensions fortement réduites. Les travailleurs à temps partiel à horaire variable ne pourront recevoir leur horaire qu’un jour à l’avance.
Bref une loi « travail » comme la loi El Khomri en France ici signée Kris Peeters (CD&V), le soi-disant visage social du gouvernement. Pour le ministre de l’emploi et de l’économie, nous vivons tous au-dessus de nos moyens et ce n’est qu’un avant-goût de ce qui nous attend avec le budget d’austérité 2017. La Cour des comptes estime qu’il s’agira de 9 milliards d’euros d’austérité pour tous les niveaux de pouvoir.
Créer le climat social pour un 2e plan d’action

Le prétexte du gouvernement est que “nos entreprises doivent rester compétitives”. Mais les entreprises sont pillées par les actionnaires, les CEO et leurs amis consultants. L’année dernière, les entreprises du Bel20 ont ensemble enregistré un bénéfice net de 17,7 milliards, dont 9,9 milliards (+7%) directement offerts aux actionnaires. Le salaire moyen des CEO de ces entreprises a augmenté de 20% l’année dernière! Après LuxLeaks, Swissleaks et les Panama Papers, on estime les richesses placées offshore pour éluder le fisc à 57 milliards d’euros. Quand l’Europe impose au gouvernement de rembourser 940 millions d’euros pour attribution illégale d’Excess Ruling Profits en cadeau aux grandes entreprises, le gouvernement va en appel. Les premières concentrations syndicales du 19 avril (FGTB) et du 20 avril (CSC) étaient prometteuses. Nous devons créer, pendant les actions mais aussi dans les entreprises – via des assemblées générales du personnel -, dans les écoles et les quartiers, un climat social qui rendra possible un deuxième plan d’action de même ampleur voire plus grand que celui de l’automne 2014.
Des assemblées générales interprofessionnelles et une nouvelle manifestation nationale (on parle du 24 mai), comme celle du 6 novembre 2014 seraient un bon point de départ. Cela ébranlerait sérieusement le gouvernement. Si, après l’été, nous embrayons avec de nouveaux jours de grèves provinciales, suivis d’une grève nationale de 48 heures, nous pourrons mettre un terme à ce gouvernement de l’horreur. Chaque gouvernement qui viendra ensuite au pouvoir devra se chauffer d’un autre bois.
Les partenaires politiques impropres au modèle de confrontation
Tant que le patronat optait pour le dialogue social pendant la période d’Etat-providence, les partenaires politiques traditionnels des syndicats, comme le PS et le CD&V, pouvaient encore prétendre défendre nos intérêts, même si c’était déjà de manière faussée.
Depuis que le patronat est passé à une politique de confrontation, ses partenaires politiques traditionnels se sont avérés totalement inaptes. Et ce juste au moment où le gouvernement coule chaque accord qui sort du cadre au niveau des entreprises, des secteurs ou même lors de la concertation sociale au sein du groupe des 10. Ce ne sont pas les syndicats mais le gouvernement qui politise chaque conflit social.
Organiser politiquement la lutte
Les syndicats sont les organisations qui regroupent le plus grand nombre. Chaque appel sérieux est massivement suivi. Beaucoup essaient, à leur manière, de renforcer la lutte sociale dans Toute autre Chose, Nuit Debout, Bloquons les 45h et d’autres mobilisations spontanées.
Il est temps que les syndicats aident à organiser politiquement cette lutte. Il est temps que nous ouvrions la voie au parlement à de véritables représentants des travailleurs, des jeunes, des pensionnés, des malades… Un deuxième plan d’action ne peut se limiter à stopper la politique d’austérité et encore moins à la chute du gouvernement mais doit permettre de faire converger les forces dans les entreprises, en rue, dans les quartiers pour imposer une autre politique.
Pour un nouveau parti large des travailleurs
Ailleurs en Europe, de nouveaux partis de gauche défient la social-démocratie. Depuis que Corbyn est devenu président, il y a au sein du Labour britannique une lutte entre une ancienne aile droite bourgeoise et une nouvelle aile ouvrière. La primaire de Sanders aux USA illustre le potentiel d’un parti qui casse complètement avec la politique de Wall Street.
Une initiative ferme en ce sens de la part des syndicats, ouverte aux nouveaux mouvements sociaux, au PTB et aux autres forces de gauche radicale, éveillerait un enthousiasme écrasant et redessinerait, en quelques mois, le paysage politique.
Pour une alternative à l’Austérité
Le PSL sait que le mouvement projettera de nombreuses aspirations plus spécifiques mais nous estimons que les revendications reprises ci-dessous peuvent aider à déterminer l’orientation :
- Restauration complète de l’index, négociations salariales libres et salaire minimum de 15€ bruts/heure
- Pas de sape des contrats de travail via la sous-traitance, l’intérim ou autres emplois précaires
- Pas touche au statut des fonctionnaires publics, pas de démantèlement des services publics, pas de privatisation ni libéralisation, insourcing plutôt qu’outsourcing
- Rétablissement de la prépension, pas touche à la pension anticipée et aux systèmes de fin de carrière avec RTT
- Relèvement des pensions à minimum 75% du dernier salaire gagné avec un minimum de 1500€ par mois
- Stop à la chasse aux chômeurs, pas de dégressivité, pas de service à la communauté mais plein emploi par une réduction du temps de travail généralisée à 30h/semaine sans perte de salaire.
Nous n’avons encore jamais produit autant de richesse qu’aujourd’hui. Ce ne sont pas les moyens qui manquent mais la volonté politique. Le PSL veut lui aussi une fiscalité plus juste mais ceux qui détiennent le capital et les propriétaires immobiliers feront payer la pression fiscale plus forte aux consommateurs, travailleurs ou locataires. Seule une nationalisation des secteurs-clés de l’économie sous contrôle démocratique de la communauté offre des garanties par rapport à cela. Nous voulons la fin de ce système dépassé de propriété privée des moyens de production et de course au profit et un socialisme démocratique moderne avec libre utilisation de la connaissance et des moyens au profit de tous.
- MANIFESTATION le 15 mai “Bloquons les 45H” – 14H Gare centrale
- MANIFESTATION syndicale nationale le 24 mai. 11h, Bruxelles (plus d’informations suivront sous peu quant à cette manifestation).
- SOIRÉE DÉBAT le1er juin – 19h – Pianofabriek, 35 rue du Fort à Saint-Gilles : “Quelle réaction face aux attaques du gouvernement? Comment organiser notre riposte et préparer un 2e plan d’action? Quelle alternative face à l’austérité?” Avec des militants et délégués syndicaux de la FGTB et de la CSC, des participants de la plateforme “Bloquons les 45h”, …
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[DOSSIER] Nouveaux mouvements, vieux dilemmes: réforme ou révolution ?
L’élection du gouvernement Syriza en février 2015 a été saluée par un soutien enthousiaste de la part de la classe des travailleurs en Grèce et dans toute l’Europe, qui s’est transformé en une amère déception après sa capitulation devant la Troïka en juillet dernier. Mais les inégalités et la politique d’austérité continuent à radicaliser des millions de personnes, ce qui fait germer de nouveaux mouvements de gauche. Paul Murphy (Socialist Party, section-sœur du PSL en Irlande et député de l’Anti Austerity Alliance) aborde dans ce dossier les importantes leçons à tirer de l’expérience grecque pour en finir avec le règne des 1%.
« Selon moi, l’atmosphère est un peu similaire à celle d’après 1968 en Europe. Je sens, peut-être pas une ambiance révolutionnaire, mais quelque chose comme une impatience généralisée. Quand l’impatience n’est plus un sentiment individuel mais un aspect social, c’est l’introduction de la révolution. » [1]
Ces paroles de Donald Tusk, le président du Conseil Européen, sont révélatrices. Elles démontrent la peur croissante des classes capitalistes en Europe. La domination en apparence incontestée du néo-libéralisme depuis la chute du stalinisme est maintenant vigoureusement contestée dans un certain nombre de pays capitalistes avancés. La profonde crise actuelle du capitalisme, qui a commencé fin 2007, se solde politiquement par des virages à gauche dans les points de vue et la conscience ainsi que dans le développement de nouvelles formations de gauche.
La révolte dans les urnes
La crise a créé des problèmes politiques significatifs pour la classe capitaliste, en particulier dans la périphérie de l’Europe, là où elle est la plus brutale. La crise est si profonde et si longue que, dans la plupart des pays, les deux faces de la pièce politique ont été au pouvoir. Elles ont appliqué des politiques essentiellement identiques basées sur une profonde austérité, ce qui a fait s’effondrer, en particulier, le soutien des partis anciennement sociaux-démocrates, qui maintenaient encore une base électorale plus ouvrière.
La chute des partis traditionnels en-dessous de 50% des voix dans 3 pays en est une illustration frappante – en Grèce, où la Nouvelle Démocratie et le PASOK ont obtenu 34% à eux deux aux dernières élections ; en Espagne, où le PP et le PSOE ont obtenu un score combiné de 49% aux élections européennes de l’an dernier et en Irlande où, aux dernières européennes, le Fianna Fail, le Fine Gael et le parti Travailliste ont aussi récolté moins de la moitié des suffrages. Récemment, aux élections législatives du Portugal, alors que le Parti Social-Démocrate et le Parti Socialiste ont encore réalisé le score de 70,9%, cela représente tout de même une baisse de 7,6% et les voix combinées de la gauche radicale sont passées de 5,4% à 18,5%. Les classes capitalistes en Europe font de plus en plus l’expérience de leur propre crise de représentation politique et elles éprouvent des difficultés à trouver des instruments politiques stables pour assurer leur règne.
La crise et les mouvements contre l’austérité qui se sont développés en particulier dans la périphérie de l’Europe ont aussi accéléré le procédé de création de nouvelles formations de gauche avec des bases de soutien significatives. Ce phénomène n’est bien entendu pas nouveau. Il a émergé depuis le virage à droite dramatique des prétendus sociaux-démocrates, aux environs de l’effondrement de l’URSS et du stalinisme. C’est un processus qui progresse en vagues et qui a vu la montée (et souvent la chute) entre autres de Rifondazione Communista en Italie, du Scottish Socialist Party en Écosse, de Die Linke en Allemagne, du Bloco de Esquerda au Portugal, de l’alliance Rouge Verte au Danemark et de Syriza en Grèce.
La nature prolongée de la crise a donné un élan à ces mouvements. Cela a été le plus visiblement démontré par la propulsion de Syriza au pouvoir en Grèce, début 2015. En parallèle, il y a eu la montée en flèche de Podemos en 2014. La victoire de Jeremy Corbyn aux élections pour la direction du Parti Travailliste en Grande Bretagne et la performance de Bernie Sanders aux primaires Démocrates aux Etats-Unis sont aussi des expressions de ce processus.
Un aspect frappant de cette vague de nouveaux mouvements politiques est la manière extrêmement diverse dont le même phénomène s’exprime dans différents pays. A ce stade, comme de l’eau ruisselant entre des berges préexistantes, les mouvements orientés vers une représentation politique de la classe des travailleurs s’écoulent dans des canaux déjà en partie créés par différents paysages politiques nationaux et traditions de la classe des travailleurs.
C’est ainsi qu’en Grèce, l’élan s’est développé derrière Syriza, une alliance autour d’un noyau de tendance euro-communiste. De 4,7% aux élections européennes de 2009, la formation est grimpée à 36,3% en janvier 2015 et est entrée au gouvernement. En Espagne, où Izquierda Unida (Gauche Unie, rassemblée autour du Parti Communiste) était, surtout dans certaines régions, identifiée aux à l’establishment politique, elle n’a pas bénéficié du même processus. Au lieu de cela, avec l’explosion du mouvement social des Indignados, il s’est exprimé dans une nouvelle force, Podemos, fortement construite autour de la personnalité de Pablo Iglesias.
Corbyn et Sanders piochent dans la montée de la radicalisation
L’effet Corbyn en Angleterre et au Pays de Galles est le plus intéressant de tous. Le Parti Travailliste y avait profondément viré à droite sous la direction de Tony Blair et avait été vidé de toute implication réelle des masses de travailleurs et de pauvres. Ce parti avait franchi le Rubicon pour devenir un parti tout à fait capitaliste, même s’il conservait de son passé certaines caractéristiques, comme un lien formel avec les syndicats et un petit nombre de parlementaires se réclamant du socialisme, comme Jeremy Corbyn.
En raison d’un système électoral particulier, aucun parti de gauche ou travailliste important n’a émergé en Angleterre et au Pays de Galles pour devenir le lieu de rassemblement de ceux qui cherchent une alternative à l’austérité. C’est pourquoi, quand Jeremy Corbyn a présenté sa candidature, initialement considérée comme sans espoir, et qu’il a commencé à défendre une politique fondée sur des principes de gauche anti-austerité, sa campagne a reçu une énorme réponse de la part des jeunes et de la classe des travailleurs. Elle est devenue un flambeau et a su développer un incroyable élan, avec plus de 100.000 nouvelles personnes inscrites comme sympathisants officiels du Parti Travailliste et 60.000 nouvelles adhésions officielles au parti depuis le début de la campagne.
Pendant ce temps, aux USA, un élan sans précédent s’est développé autour de Bernie Sanders, dans le cadre de primaires destinées à décider du prochain candidat aux élections présidentielles au sein d’une organisation qui n’a jamais été un parti ouvrier. Le Parti Démocrate a toujours consciemment agi pour rassembler autour de lui les mouvements sociaux ainsi que les syndicalistes en les détournant ainsi du besoin urgent de lutter de la base et de construire un parti qui représente la classe des travailleurs. Cependant, Sanders, en se présentant comme socialiste démocrate auto-proclamé (en citant les pays scandinaves comme modèle) a, à l’instar de Jeremy Corbyn, su trouver un écho auprès de millions de travailleurs et de jeunes en-dehors de l’appareil du Parti Démocrate. Ses rassemblements ont attiré les plus grandes foules de ces élections présidentielles (souvent plus de 10.000 personnes et près de 30.000 à Los Angeles). Dans les sondages, il a considérablement réduit l’écart avec Hilary Clinton et les sondages en ligne ont montré qu’il a remporté les débats télévisés des primaires démocrates.
Il sera extrêmement difficile à Sanders de remporter la nomination et, malheureusement, il a indiqué qu’il soutiendrait Hillary Clinton en cas de défaite, jouant donc précisément une fois encore un rôle de rassemblement des progressistes derrière le Parti Démocrate. Cependant, sa présence dans le débat, la discussion autour de ses idées et le nombre de personnes qui se sont joints à sa campagne peuvent marquer une étape importante dans les développement de la conscience de classe aux USA et dans la construction d’un parti de gauche de masse.
Le réformisme aujourd’hui
Ces développements sont énormément positifs. Ils représentent un pas qualitatif en avant vers la création de partis de masse de la classe des travailleurs qui peuvent constituer des instruments très importants pour la résistance des travailleurs contre les attaques austéritaires, en donnant un élan à la lutte de masse par la base. Ils peuvent aussi être le terreau pour le développement de forces socialistes révolutionnaires de masse, à la suite de l’expérience des luttes qui sera acquise par les masses et des discussions politiques.
Les idées exprimées par les dirigeants de ces mouvements sont toutefois également dignes de critiques. Fondamentalement, toutes ces figures représentent et reflètent différentes variantes du réformisme. Le réformisme est la notion selon laquelle le capitalisme peut être graduellement démantelé pour, au final, qu’un société socialiste soit créée sans moment de rupture décisive – ou révolution – avec l’organisation capitaliste actuelle de la société.
Le réformisme échoue à reconnaître que la classe capitaliste constitue la classe dominante au sein de la société. C’est le cas en premier lieu par sa propriété et son contrôle des ressources économiques cruciales de la société, mais aussi en étant liée par un millier de ficelles à l’appareil d’État, c’est à dire le judiciaire, les « corps d’hommes armés » dans l’armée et la police et le gouvernement permanent qui existe sous la forme des échelons les plus élevés de la fonction publique.
L’Histoire du mouvement ouvrier a démontré que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973 quand le gouvernement élu de Salvador Allende a été renversé. Aujourd’hui, en Europe, les gouvernements de gauche potentiels ne vont pas seulement devoir faire face à cette menace de la part de leur classe capitaliste autochtone mais également de la part des institutions pro-capitalistes de l’Union Européenne.
Alors que, dans toute l’Europe, les partis réformistes de masse stables étaient une caractéristique du paysage politique de l’ère de croissance économique qui a suivi la deuxième guerre mondiale, c’est une autre histoire aujourd’hui. Étant donné la nature de la crise, et, en fait, la nature de l’UE et de l’euro-zone, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes. Le capitalisme ne dispose plus des réserves de “graisse sociale” qu’il avait dans la période d’après guerre et qui permettaient aux gouvernements social-démocrates de beaucoup de pays européens d’instaurer des réformes considérables dans l’intérêt de la classe ouvrière tout en restant au sein du système capitaliste. Il n’y a pas non plus de croissance importante des prix matières premières, comme ceux qui ont permis à Hugo Chavez et à son gouvernement d’augmenter le niveau de vie des masses au Venezuela sans pour autant mettre fin au contrôle de l’économie par les oligarques.
Au lieu de cela, si n’importe lequel des nouveaux mouvements de gauche prend le pouvoir aujourd’hui, alors la question de la confrontation ou de la capitulation se posera très rapidement. Ce n’est pas une question simplement théorique comme nous l’a illustré les récents événements survenus en Grèce sous le gouvernement dirigé par Syriza. Il faut étudier l’expérience de Syriza au pouvoir car c’était un laboratoire de l’application d’une stratégie réformiste particulière en Europe au stade actuel. Cette expérience continuera d’être un point de référence pour les travailleurs et les militants de gauche dans toute l’Europe dans leur tentative de développer une stratégie capable de réussir à en finir avec l’austérité et le règne des 1%.
Syriza au pouvoir
Le 25 janvier 2015, pour la première fois depuis la chute du stalinisme, un gouvernement dirigé par la gauche a été élu en Europe. Des ondes de choc de panique se sont propagées dans tout l’establishment politique Européen et la classe capitaliste. 239 jours plus tard, le même gouvernement a été ré-élu, avec une abstention record, mais cette fois, il a été bien accueilli par les journaux et les dirigeants politiques européens. Entre ces deux élections ont pris place de véritables montagnes russes d’événements politiques qui ont comporté les héroïques 61% du Oxi (Non) des masses grecques face au chantage de l’austérité ou de la sortie de l’euro lors du référendum de juillet 2015 mais aussi la capitulation de la direction de Syriza à la terreur de la Troïka.
L’expérience de Syriza livre d’importantes leçons pour tous les mouvements qui luttent pour un changement socialiste. Ces leçons ont coûté très cher, à la classe ouvrière et aux pauvres de Grèce en particulier. Pourtant, on a assiste dans toute la gauche européenne et mondiale à des tentatives d’amoindrir ces leçons tout en enjolivant les erreurs de la direction de Syriza. Cette approche se retrouvent parmi ceux qui partagent largement une orientation stratégique similaire à celle de la direction de Syriza.
Léo Panitch, co-éditeur du journal de gauche Socialist Register, a été à la pointe de cette défense. Il a écrit, peu de temps après l’acceptation du Mémorandum d’austérité de 13 milliards d’euros par Syriza : «Nous espérons que Syriza pourra rester unie en tant que nouvelle formation politique socialiste la plus efficace dans la gauche européenne qui a émergé ces dernières décennies. Le rôle d’une gauche responsable est de soutenir cela, tout en continuant à montrer les faiblesses du parti en termes de manque de capacité à construire sur les réseaux de solidarité. (…) Étant donné notre propre faiblesse en cette matière, une patience et une modestie considérables sont requises de la part de gauche internationale alors que nous regardons se dérouler ce drame.” [2]
L’essence de cette idée est que l’on ne peut critiquer les autres forces de la gauche à travers le monde avant d’avoir atteint leur niveau d’influence dans la société. C’est une approche profondément anti-internationaliste et qui se situe dans la droite ligne de celle des partis communistes stalinisés dans les années 1920 et ensuite.
Si cette approche était acceptée, la gauche internationale entière serait simplement condamnée à répéter, l’une après l’autre, les erreurs des autres. Il est tout à fait approprié de tenter d’analyser et de critiquer l’approche stratégique des autres à gauche dans différents pays, tout en maintenant bien sûr l’humilité et le sens des proportions nécessaires.
Un échec de « l’européanisme de gauche »
Ce qui s’est produit en Grèce – un gouvernement de gauche qui trahit son mandat et son programme – représente une défaite pour les travailleurs de toute l’Europe. Les politiciens et les médias de droite du continent ont immédiatement sauté sur l’occasion de renforcer le mur “TINA” (pour “There is no alternative”, il n’y a pas d’alternative, slogan cher à Margaret Thatcher) qui avait vacillé avec l’élection de Syriza.
Mais s’il s’agit d’une défaite pour la gauche dans son entièreté, il est important de reconnaître que ce n’est pas la conséquence de la faillite des idées de la gauche dans leur ensemble. Il faut plutôt y voir l’échec dramatique du réformisme, et en particulier de sa version dominante en Europe, connue comme «l’Européanisme de gauche».
La stratégie de l’européanisme de gauche applique l’approche graduelle du réformisme à l’Union Européenne. Il adopte le point de vue que l’UE pourrait, par les victoires de la gauche dans les différents pays, être transformée en un projet plus social. C’est une conception qui sous-estime complètement la haine de classe et la cruauté de la Troïka et de Merkel.
Plus important encore, il comprend mal le caractère réel de l’UE, qui a été si brutalement démasqué par la crise et la réaction de ses institutions dirigeantes. La construction européenne est structurellement néo-libérale, le néo-libéralisme est dans son ADN, il est inscrit dans le traité de Maastricht, dans le pacte de stabilité et de croissance , dans le Six Pack et le Two Pack (deux «paquets législatifs» européens de 2012 et 2013 respectivement). Le néo-libéralisme constitue l’essence-même du fonctionnement de l’euro et de la Banque Centrale Européenne.
L’Union Européenne est aussi fondamentalement non-démocratique. Le pouvoir repose dans les mains d’institutions non-élues et qui ne répondent de rien, comme la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne. Les règles ont été écrites de telle façon que tout gouvernement de gauche qui transgresserait les règles de l’austérité se trouverait condamné et perdrait son droit de vote sur des questions importantes. Ce n’est que la position légale formelle – la position réelle est encore plus anti-démocratique. La BCE a auparavant mené deux coups d’État silencieux, en Grèce et en Espagne. Elle en a dans les faits mené un nouveau contre le peuple grec, mais cette fois avec la complicité de Tsipras, en utilisant sa capacité à créer la panique bancaire pour pousser à la capitulation.
Des relations de plus en plus impérialistes se développent au sein de l’UE entre les classes capitalistes dominantes du centre, en particulier la classe capitaliste allemande, et les États périphériques. Cela se voit notamment dans la servitude dans laquelle la Grèce se trouve maintenant de facto vis-à-vis de sa dette publique.
En raison de cette conception stratégique de l’européanisme de gauche adoptée par les dirigeants de Syriza et leurs conseillers politiques, ils sous-estiment considérablement leur ennemi. Concrètement, ils pensent que, par peur de la contagion économique, les créanciers pourraient accorder d’importantes concessions. Ils ont lié Syriza à une stratégie visant à rester dans l’euro à tout prix. Ainsi, quand ils se sont retrouvés le révolver sur la tempe avec la menace d’être vraiment exclus de la zone euro, ils ont senti qu’ils n’avaient d’autre option que de battre en retraite.
Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, a averti que le principal danger pour la classe capitaliste européenne n’était pas la contagion économique, mais la contagion politique. Cela s’est confirmé. Les élites capitalistes européennes sont partantes pour prendre le risque d’une contagion économique de façon soit à renverser Syriza, soit à l’humilier pour dissuader les autres et que cela leur serve de leçon.
L’expérience de Syriza est une justification par la négative des éléments-clé d’une approche révolutionnaire. Elle souligne le besoin, pour un gouvernement de gauche, de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme ; la nécessité d’une stratégie de confrontation, plutôt que de compromis, avec l’UE ; la nécessité de préparer la rupture avec la zone euro, au lieu de faire tout son possible pour rester dedans ; tout cela au sein d’un programme socialiste basé sur la mobilisation par en-bas pour s’attaquer au pouvoir de la classe dominante locale, pour lutter en faveur de l’annulation de la dette, pour instaurer un contrôle des capitaux et pour établir la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs. Cela illustre une approche internationaliste de lutte capable de faire une brèche dans l’Europe vers le développement d’une confédération d’États socialistes démocratiques comme étape vers une Europe socialiste.
Réaction face à la défaite de Syriza
La capitulation et la défaite de Syriza ont provoqué un important débat parmi la gauche européenne. La réponse de Podemos en Espagne a malheureusement été un tournant de son programme plus à droite, Pablo Iglesias continuant à défendre la capitulation de Syriza comme étant «réaliste».
Ce virage peut assez bien cadrer dans le discours délibérément ambigu qui façonne le projet de Podemos depuis ses débuts. Il est basé sur les travaux du post-marxiste Ernesto Laclau et de la notion qu’au lieu de construire un mouvement de classe, on peut construire une majorité sociale en utilisant des «signifiants vides» – comme la notion de « ceux d’en bas » – contre la caste politique. Dans les mains de certains membres de Podemos, cela est utilisé pour défendre que ce qui est construit n’est ni de gauche ni de droite, ce qui abouti à un manque de clarté politique. La réaction de la direction de Podémos à la capitulation de Syriza a été une des raisons de la chute de Podemos dans les sondages de 30% à environ 15%.
D’un autre côté, il y a aussi un déplacement à gauche, vers des positions plus critiques envers l’UE et l’euro-zone, sans rompre fondamentalement avec la logique du réformisme. Le tournant à gauche et la position plus euro-critique de la direction du Bloc de Gauche au Portugal est un exemple de cette tendance et a contribué à doubler leur score aux élections générales. Un autre exemple est la scission de Syriza, Unité Populaire, menée par Panagiotis Lafazanis, qui, avec 2,9% des voix seulement, a manqué de peu d’avoir des représentants élus au parlement grec.
Ces développements au niveau national se reflètent aussi dans les débats au sein de la gauche européenne. Une lettre ouverte intitulée « Plan B pour l’Europe » a été lancée par Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Front de Gauche en France. Elle a été co-signée par Oskar Lafontaine, personnalité dirigeante de Die Linke, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, et Zoé Konstantopoulou, l’ancienne présidente du parlement grec, et a depuis été signée par trois parlementaires de l’Anti-Austerity Alliance en Irlande. Elle exprime la conclusion tirée par une partie de la gauche européenne que rester dans le carcan de l’euro à tout prix signifie renoncer à la possibilité de remettre en question la domination du néo-libéralisme.
«Face à ce chantage, nous avons besoin de notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe. Pour renforcer notre position face à leur engagement brutal pour des politiques qui sacrifient la majorité au profit des intérêts d’une infime minorité. Mais aussi pour réaffirmer le principe simple que l’Europe n’est rien d’autre que les Européens et que les monnaies sont des outils pour soutenir une prospérité partagée, et non des instruments de torture ou des armes pour assassiner la démocratie. Si l’euro ne peut pas être démocratisé, s’ils persistent à l’utiliser pour étrangler les peuples, nous nous lèverons, nous les regarderons dans les yeux et nous leur dirons : « Essayez un peu, pour voir ! Vos menaces ne nous effraient pas. Nous trouverons un moyen d’assurer aux Européens un système monétaire qui fonctionne avec eux, et non à leurs dépens». [3]
Ce sont des développements importants. Ils représentent un défi à la domination de l’européanisme de gauche au sein de la gauche européenne, avec plus d’espace pour critiquer cette approche et indiquer un tournant à gauche. Cependant, ils ont toujours des limites considérables. Cela ne représente pas fondamentalement une rupture avec le réformisme.
Les erreurs de la gauche de Syriza
De nouveau, il est utile de revenir à l’expérience de Syriza et en particulier de la gauche de Syriza pour voir ce réformisme euro-critique plus à gauche en action. A un niveau formel, la Plate-forme de Gauche, qui est devenue Unité Populaire, avait un programme qui reproduisait beaucoup d’aspects du programme de Xekinima en Grèce. Il appelait ainsi à la préparation de la sortie de l’euro, à l’annulation de la dette de la Grèce, à la propriété publique des banques et à un programme de reconstruction de l’économie en accentuant l’investissement public. Mais l’appel pour un changement socialiste de société était le grand absent.
La perspective d’une personnalité dirigeante de ce groupe, Costas, Lapavitsas, telle qu’exprimée dans le livre qu’il a co-écrit avec Heiner Flassbeck et publié juste avant la venue de Syriza au pouvoir, s’est totalement confirmée : « Il y a, ainsi, une sorte de « triade impossible » à laquelle ferait face un gouvernement de gauche dans la périphérie. Il est impossible d’avoir à la fois les trois choses suivantes : premièrement, obtenir une vraie restructuration de la dette ; deuxièmement, abandonner l’austérité ; et troisièmement, continuer à opérer dans le cadre institutionnel et politique de l’UE et en particulier de l’Union Économique et Monétaire (…) Ce serait une folie pour un gouvernement de gauche d’imaginer que l’UE blufferait sur les questions de la dette et de l’austérité (…) Si un gouvernement de gauche tente de jouer le bluff, il échouerait très rapidement. »[4]
Malgré cette perspective, ils n’étaient pas du tout prêts à la rapidité et à l’échelle de la trahison de la direction de Syriza. L’approche de la Plate-forme de gauche envers la direction de Syriza est un miroir de l’approche de celle-ci envers l’UE. Tandis que Tsipras a échoué à préparer Syriza à la nature du conflit avec les institutions de l’UE et du besoin de rompre avec l’euro, Lafazanis n’a pas réussi à préparer la Plate-forme de Gauche à la probable capitulation de Tsipras, à un conflit avec lui et à une rupture avec Syriza.
Une des conséquences est qu’au premier vote sur les mesures d’austérité, la plupart des parlementaires de la Plate-forme de Gauche ont voté pour ou se sont abstenus – ce qui a semé la confusion. Ils ont persisté dans leur rhétorique d’unité de parti avec Syriza après qu’il soit devenu clair que Tsipras était déterminé à chasser la gauche du parti et à reconstruire Syriza comme un parti d’austérité.
Pourquoi ces erreurs ont-elles été commises ? Comme avec Tsipras, ce n’est pas une question de faiblesses ou d’échecs individuels. C’est une question politique. Cela est notamment lié aux méthodes d’organisation de la Plate-forme de Gauche. Celle-ci ne fonctionnait pas comme devrait le faire une organisation révolutionnaire, avec un cadre formé qui discute démocratiquement des perspectives, du programme et de la stratégie. Au contraire, elle reproduisait la culture du cercle dirigeant qui existait chez Syriza. Elle était aussi trop prise au piège dans Syriza et dans le parlement, ne faisant pas assez attention à ce qui prenait place au dehors.
Mais cette structure organisationnelle est aussi connectée à sa politique parce que beaucoup de ses stratèges-clé étaient aussi issus d’une tradition essentiellement euro-communiste de gauche. L’euro-communisme est une tendance qui est devenue dominante dans les partis communistes européens dans les années ’70 et ’80, en partie en réaction aux horreurs du stalinisme mais aussi pour s’adapter aux pressions capitalistes dans leurs propres pays. Cela a fait que des partis comme les PC en France et en Italie sont devenus concrètement des partis ouvertement réformistes.
Il nous faut des politiques socialistes
Dans la Plate-forme de Gauche et dans la gauche en Europe en général, l’idée que le moment est aux «gouvernements anti-austérité» en opposition au changement socialiste est très répandue. Cependant, même un «gouvernement anti-austerité» préparé à sortir de l’euro devrait toujours faire face au même dilemme entre confrontation et capitulation. Comme Rosa Luxemburg l’expliquait en 1898 dans «Réforme ou Révolution», ces deux choix ne sont pas deux voies différentes vers un même point, ils aboutissent à deux endroits différents.
Les forces de l’UE n’arrêteraient pas leurs attaques tout simplement parce qu’un pays est sorti de l’euro. La classe dominante locale intensifierait probablement ses attaques, ce qui s’est vu par exemple en Grèce avec les rumeurs d’une possibilité de coup d’État si le pays sortait de la zone euro. Un gouvernement qui serait conséquent dans son anti-austérité devrait inévitablement appliquer des mesures de type socialiste pour défendre l’économie et les s99% contre les attaques des 1% nationaux et mondiaux.
L’absence de reconnaissance que la lutte pour rompre avec l’austérité requiert un mouvement pour un changement socialiste n’est pas seulement une omission théorique. Cela a permis de mettre l’Unité Populaire au pied du mur, d’en faire un simplement un parti anti-euro dans la campagne électorale. Dans son analyse post-électorale, l’Union Populaire a reconnu que défendre la rupture avec l’UE était «difficile à expliquer de manière convaincante au milieu d’une campagne électorale (…) en ayant toutes les forces systémiques contre nous», ce qui a été un facteur considérable dans leur échec à franchir le seuil électoral des 3% pour entrer au parlement.
Alors que les Grecs étaient prêts à voter Non, malgré les avertissements terribles sur la possibilité de quitter l’euro, la perspective de revenir à la drachme n’a pas mis la majorité en confiance. Lier la rupture avec l’euro à un changement socialiste fondamental serait nécessaire pour montrer comment un tel changement pourrait être géré – y compris en plaçant cela dans le contexte de la lutte pour un changement révolutionnaire dans toute l’Europe.
Alors que les institutions européennes espéraient que la défaite de Syriza ferait reculer la gauche pour longtemps, la profondeur de la crise capitaliste est telle qu’ils n’ont pas obtenu l’effet escompté. Au lieu de cela, les développements politiques en direction des nouvelles forces de gauche continuent et s’accélèrent. Après une période de défaites et de revers, le test des idées dominantes au sein de ces forces sur l’expérience des événements est une partie inévitable de la clarification et du développement de forces révolutionnaires de masse.
[1] Financial Times, July 16, 2015
[2] http://www.socialistproject.ca/bullet/1140.php
[3] http://www.counterpunch.org/2015/09/14/breaking-with-austerity-europe/
[4] Heiner Flassbeck and Costas Lapavistas, Against the Troika: Crisis and Austerity in the Eurozone, Verso (London, 2015) -
‘‘Le PTB et le PSL. Différences et points de rencontre possibles dans la construction d’une alternative politique’’
Nous publions un livre d’Eric Byl concernant le PTB et le PSL, leurs histoires, leurs différences et les possibilités de collaboration. Eric a écrit ce texte fin 2013 pour entamer le débat au sein du PSL au sujet de la croissance électorale du PTB. Ce texte est resté un moment en plan, mais il est maintenant terminé avec une préface d’actualisation. Déjà publié en néerlandais, il sera disponible en français dans le courant du mois de janvier.Pourquoi ce livre? Partout en Europe et aux États-Unis, nous observons la progression de forces de gauche et les opportunités qui se présentent à elles. En Grèce, Syriza est même arrivé au pouvoir avec la promesse de rompre avec les politiques d’austérité. Ces promesses n’ont pas été tenues, ce qui a entrainé une grande déception, mais la possibilité parvenir à un réel changement a en même temps été révélée. Il n’y a aucune raison de supposer que le développement d’une puissante force de gauche en Belgique ne soit pas possible. En tant que plus grand parti de gauche, le PTB est le mieux placé pour jouer un rôle dans ce domaine. Les premiers jalons électoraux ont été posés avec deux représentants élus à la Chambre, six parlementaires régionaux et 52 élus locaux dans les communes. Il s’agit d’un développement important pour tous les militants de gauche, pour tous ceux qui désirent une alternative à la politique d’austérité. Nous jugeons par conséquent nécessaire d’approfondir la question du développement du PTB.
Pour comprendre d’où provient le PTB et comment le PSL se positionne par rapport à celui-ci, il est nécessaire de faire une analyse de nos racines et de nos développements différents, lesquels expliquent les divergences de vues importantes qui existent entre ces deux formations. Examiner ce que sont ces dernières et ce qui se trouve à leur base constitue une condition préalable pour entamer une discussion sérieuse à ce sujet.
Le livre revient sur la grève des étudiants du secondaire de 1966, sur le mouvement Leuven Vlaams et sur les occupations d’usines qui ont eu lieu au début des années 1970. Il revient également sur certaines positions politiques, non seulement du PTB mais aussi du PCB, de la LCR et du Vonk concernant divers événements comme la Guerre du Golfe, l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie, la lutte contre le racisme, les événements survenus parmi les Jongsocialisten,…
Nous saluons les progrès du PTB, les idées de gauche sont ainsi remises à l’agenda politique et cela favorise la discussion sur les alternatives à opposer au capitalisme. Le PTB peut également jouer un rôle important dans le processus de reconstruction d’une traduction politique large des revendications du mouvement des travailleurs. Les positions politiques du PTB ont cependant leurs limites, notamment concernant l’attitude complaisante à l’égard d’une coopération et d’une coalition avec la gauche officielle (la social-démocratie) et avec les verts. Cela revient à représenter le flanc gauche des partis de l’austérité alors que, parallèlement, le PTB a une attitude très fermée à l’égard des autres forces à la gauche de ces partis.
Le PSL a fait des propositions constructives pour coopérer avec le PTB là où c’était possible, sans beaucoup de résultats jusqu’à présent. Lors des élections de 2014, toute coopération a été rejetée avec nous et, depuis lors, le rassemblement plus large du côté francophone repris sous le nom de ‘‘Gauche d’Ouverture’’ a été liquidé. Nous comprenons que le PTB veuille consolider sa propre avancée et ne veuille pas mener des discussions interminables au sein de la gauche. Mais, au sein du mouvement des travailleurs, il y a des idées et des courants différents qui ne peuvent pas simplement être balayés du revers de la main.
Des premiers enseignements de l’expérience des nouvelles forces de gauche, comme Syriza, ressort également l’importance d’adopter un programme politique visant à rompre avec le capitalisme. Il ne suffit pas de faire des propositions d’améliorations et de changements qui profitent à la majorité de la population, nous devons aussi examiner comment réaliser ces propositions. Cela nécessite une rupture avec l’ensemble du système. En déconnectant l’alternative socialiste de la lutte de tous les jours, celle-ci s’en trouve affaiblie et l’alternative socialiste devient également plus abstraite. C’est la critique principale que nous portons sur l’approche du PTB.
Nos critiques du PTB ne servent pas à ‘‘marquer des points’’, mais à justement éviter que le PTB ne suive le même chemin que d’autres formations de gauche et ne gaspille les opportunités qui se présentent en participant au pouvoir. Comme le livre le conclut: ‘‘Nous invitons le PTB à ne pas chercher des alliés sur son aile droite. Il n’y a pas plus à y gagner qu’un baiser de Judas pour le PTB et que de se brûler les ailes en participant au pouvoir. Les alliés se trouvent à gauche. Parmi ceux qui sont, lors des luttes, du même côté des barricades. Ils sont plus petits et plus francs, mais ils se situent, contrairement à l’aile droite, du côté des travailleurs et des opprimés et militent, chacun à leur manière, pour des changements réels de la société, dans notre cas, pour une société socialiste.’’
Le livre ‘‘Le PTB et le PSL. Différences et points de rencontre possibles dans la construction d’une alternative politique ” par Eric Byl revient à 12 euros (frais d’envoi compris). Pour le commander, effectuez un virement sur le compte BE 48 0013 9075 9627 de ’Socialist Press’ avec en communication ‘‘livre PTB’’. Le livre sera disponible en français dans le courant du mois de janvier.
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![[INTERVIEW] Grèce : Que défend “l'Unité Populaire”?](https://archive.fr.socialisme.be/wp-content/uploads/sites/3/2015/08/volkseenheid-300x160-1.jpg)
[INTERVIEW] Grèce : Que défend “l'Unité Populaire”?
Une nouvelle force de gauche lancée à la suite de la trahison de Tsipras

Andros Payiatsos Interview d’Andros Payiatsos, (Xekinima, section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière), par Lucy Redler, (SAV, section allemande du Comité pour une Internationale Ouvrière).
En complément d’information, nous vous invitons également à lire : “Grèce : La classe des travailleurs ne va pas arrêter de lutter”
Après que 43 députés de SYRIZA (sur 149) aient refusé de soutenir le troisième mémorandum (un nouvel ensemble de mesures d’austérité) à la mi-août, Alexis Tsipras a démissionné de son poste de premier ministre. Son idée était de renforcer son soutien avec de nouvelles élections. De nombreux Grecs soutiennent encore le gouvernement, les nouvelles mesures antisociales incluses dans le mémorandum ne devant faire ressentir leurs effets qu’à l’automne. Directement après cette annonce, 25 députés, membres de la «Plate-forme de gauche» du parti pour la plupart, ont rompu avec SYRIZA pour former «l’Unité Populaire» (Laiki Enotita). Cette nouvelle force est soutenue par nos camarades grecs de Xekinima. L’entretien suivant donne la parole à Andros Payiatsos, secrétaire général de Xekinima.
Que défend “Unité Populaire”?
«l’Unité Populaire» est une réflexion de l’état actuel de la conscience de classe qui évolue rapidement en Grèce. Au cours de ces trois ou quatre dernières années, le soutien à SYRIZA a massivement augmenté : de 3-4% à 36% aux élections de janvier 2015. Après la trahison de la direction de SYRIZA le 12 juillet, une scission est apparue au sein du parti. De nombreux membres de la base du parti lui ont tourné le dos. «L’Unité Populaire» est une nouvelle formation créée à la gauche de SYRIZA.Son message central est le rejet de de la trahison de SYRIZA envers son programme électoral et ses principes de gauche afin de rester dans la zone euro. Cette question de la position à adopter à l’égard de la zone euro est une question centrale pour «l’Unité Populaire» et sa position est très claire: nous avons besoin d’un programme de défense des intérêts des travailleurs. Si cela doit conduire à sortir de l’euro, alors nous devons le faire sans hésiter. «l’Unité populaire» défend dont une rupture avec la zone euro. Il ne s’agit cependant pas d’une formation nationaliste ralliée autour d’un programme de «retour à la drachme».
Le programme actuellement discuté par «l’Unité Populaire» est un programme anticapitaliste. Il appelle à l’annulation de la dette, à la nationalisation du système bancaire et à la prise sous propriété publique des secteurs-clés de l’économie. Il soulève également la question du contrôle et de la gestion de l’économie et de la société par les travailleurs et reprend l’idée d’une économie planifiée afin de développer celle-ci avec un accent particulier sur l’agriculture, les matières premières et l’industrie. Au lieu d’orienter l’économie vers les services et, surtout, le tourisme, comme ce fut le cas par le passé, «l’Unité populaire» veut se concentrer davantage sur la production de produits réels.
Quelles organisations se trouvent parmi les fondateurs?
«L’Unité Populaire» a à l’origine été créé par les forces regroupées autour de la «Plate-forme de gauche» (de SYRIZA); de quatre autres forces issues de «l’Initiative des 1000» dont Xekinima, de deux groupes originaires du KKE (le Parti communiste grec), de la «Gauche Socialiste – DIKKI» et de trois groupes issus d’Antarysa bien que ne représentant actuellement pas une majorité au sein d’Antarsya.
Selon l’état actuel des discussions, il ressort déjà nettement que son programme sera beaucoup plus progressiste et plus clair que les programmes précédents de SYRIZA. Il n’y a pas d’ambigüité ou d’éléments sujets à des interprétations différentes, contrairement aux programmes adoptés par SYRIZA dans le passé qui essayaient de trouver un compromis entre les ailes droite et gauche du parti pour un résultat devant satisfaire «tous les goûts ».
Il est également clair que les revendications développées dans ce programme ne pourront pas être satisfaites au sein de la zone euro. Le retour à une monnaie nationale ne constitue pas une fin en soi, mais est considéré comme un moyen nécessaire pour sortir l’économie de la crise et la mettre ainsi sur le chemin de la croissance tout en l’orientant vers les intérêts de la classe des travailleurs.
Quel est le potentiel de «l’Unité Populaire» aux élections de septembre?
Les sondages d’opinion suggèrent qu’il s’agit d’une force importante capable d’atteindre les 7 à 8%. Il n’y a cependant aucune garantie que cela soit le cas, mais cela reflète approximativement son potentiel actuel, cela pourrait même être un pourcentage plus élevé. Ce soutien fait écho à celui de SYRIZA, qui a baissé de façon similaire. Il est également important de noter que beaucoup de gens n’iront pas voter. Il est probable que les abstentionnistes constituent le plus grand «parti», en raison de la démoralisation massive qui a pris place.
“L’Unité Populaire” endommage-t-elle les perspectives électorales d’Aube Dorée ?
Je pense que oui. Il est très important que «l’Unité Populaire» se soit développé pour prendre part aux élections. Si cela ne s’était pas produit, Aube Dorée aurait certainement profité de de la trahison de SYRIZA. Nous nous attendons à ce qu’Aube Dorée augmente son soutien électoral avec cette élection, mais cette hausse aurait été beaucoup plus grande si «l’Unité Populaire » n’avait pas été lancé.
Il y aura-t-il des sections locales de «l’Unité Populaire»?
Pour le moment, il n’y a pas de sections locales. «Unité populaire» est une alliance de différentes organisations sans section, ni adhésion individuelle, ni structures propres. Ceci est partiellement dû au fait qu’il s’agit d’une très jeune formation. Xekinima défend la création de sections locales et le lancement d’un appel ouvert aux travailleurs et aux jeunes pour rejoindre l’initiative sur base d’adhésions individuelles, afin que le plus de personnes possible puissent y participer. Inutile de dire que la construction d’un régime interne et de structures démocratiques est cruciale pour l’avenir de «l’Unité Populaire».
Xekinima participe à cette formation, mais aussi à «l’initiative du 17 juillet». Pourquoi ?
C’est vrai. «L’initiative du 17 juillet» a vu le jour le mois dernier, avant la fondation de «l’Unité Populaire» et s’est développée comme un appel à la création d’une nouvelle force de gauche. Sur base de cet appel et d’un programme très radical, «l’initiative du 17 juillet» a attiré un certain nombre de forces différentes. Un mois plus tard environ, «l’Unité Populaire» a été constituée, mais la plupart des forces impliquées dans «l’initiative du 17 juillet» ne sont pas prêtes à rejoindre. Elles proviennent d’horizons politiques différents, sont prêtes à électoralement soutenir «l’Unité Populaire», mais pas à rejoindre.
Actuellement, SYRIZA connait des démissions en masse, mais tous ces gens ne rejoignent pas «l’Unité Populaire». Le noyau de «l’Unité Populaire» se compose de la Plate-forme de gauche de SYRIZA, qui puise ses origines dans le Parti communiste. La gauche en Grèce est large, et tout le monde ne s’identifie pas à ce courant de la gauche grecque, qui n’a pas une forte tradition de démocratie interne ou d’implication dans les mouvements sociaux.
Deux autres facteurs expliquent pourquoi certains de ceux qui quittent SYRIZA hésitent à rejoindre «l’Unité Populaire». Il y a tout d’abord une démoralisation massive et une perte générale de confiance envers les formations politiques à la suite de la trahison de Tsipras. Ensuite, certains des principaux membres de «l’Unité Populaire» étaient ministres dans le gouvernement SYRIZA jusqu’à la création de «l’Unité Populaire» et cela suscite des doutes dans l’esprit de certains militants.
Xekinima participe à «l’Unité Populaire» et fait des suggestions sur la manière dont ce qui jusqu’à présent n’a été qu’une alliance de différentes organisations peut être structuré de manière démocratique, sans être dominé par un groupe, ainsi que sur la manière dont des discussions libres et démocratiques doivent se produire, de même que la possibilité de rejoindre individuellement l’initiative doit être concrétisée. Ce sont d’importantes conditions pour assurer le succès de «l’Unité Populaire». La nouvelle formation doit s’orienter vers les mouvements de la classe des travailleurs afin de les soutenir et d’aider à les développer sur base de son programme. Nous allons maintenir Xekinima en tant qu’organisation révolutionnaire et œuvrer au développement d’une force révolutionnaire de masse à partir de «l’Unité Populaire».
En Allemagne, des représentants de DIE LINKE (Parti de gauche) tels que Gysi, Riexinger et Kipping se sont rangés du côté de Tsipras. Quelle est la tâche de partis comme Die Linke à l’échelle internationale?
Dans ces circonstances, soutenir Tsipras est une terrible erreur. Il a changé de camp. En Grèce, la classe dirigeante est soudainement tombée amoureuse de Tsipras. Les médias, sous le contrôle de la classe dirigeante (les armateurs, les banquiers et les grands capitalistes) se tiennent derrière Tsipras et attaquent «l’Unité Populaire».
La Nouvelle Démocratie (ND), le PASOK et To Potami se disent ouverts à l’idée d’un «gouvernement d’unité nationale» avec Tsipras. En dépit de la propagande de la classe dominante et des espoirs de la direction de SYRIZA, Tsipras ne parviendra probablement pas à avoir un gouvernement majoritaire, de sorte que la possibilité de rejoindre ses ennemis d’hier dans un même gouvernement est très réelle.
Aujourd’hui, Tsipras instaure des mesures que la Nouvelle Démocratie n’aurait pas osé introduire dans la deuxième partie de l’année 2014, comme le plus grand programme de privatisation de l’histoire du pays. Le gouvernement Tsipras a réduit la pension minimale de 490 à 360 euros par mois, ce que n’avait pas osé faire la Nouvelle Démocratie. En outre, Tsipras a accepté que la moindre loi soit préalablement approuvée par la Troïka. Cela signifie que Tsipras est lié au troisième mémorandum et n’a aucune liberté de faire quoi que ce soit qui puisse aller à l’encontre de la volonté de la Troïka.
Enfin, Tsipras a balayé de la manière la plus cynique et brutale qui soit chaque aspect de respect de la démocratie tant vis-à-vis de la société dans son ensemble (en ignorant le magnifique et historique «Non» du référendum du 5 juillet) qu’envers son propre parti, en signant le troisième mémorandum et en appelant à des élections anticipées sans laisser le parti avoir le moindre mot à dire. Ni le Comité central, ni le Secrétariat politique du parti n’ont jamais été autorisés à exprimer une opinion tandis que la décision adoptée par le Comité Central CC d’appeler à un congrès d’urgence du parti dans le courant du mois de septembre a simplement été jetée à la poubelle par Tsipras.
Certains font écho aux arguments du groupe autour de Tsipras et utilisent les chiffres de l’excédent budgétaire primaire pour justifier le mémorandum. C’est également une déception parce que les excédents primaires pour les deux prochaines années seront plus bas (en raison de la pagaille dans laquelle l’économie est à l’heure actuelle) mais, immédiatement après, ils vont augmenter à 3,5% – environ le même chiffre que ce que la Nouvelle Démocratie avait accepté avec le deuxième mémorandum en 2012. Ces arguments veulent nous faire oublier que la dette nationale, après les «réalisations» de Tsipras, va augmenter de 86 milliards d’euros (soit environ 47%) en plus de la dette existante de 180% du PIB.
Malgré tout cela, les masses grecques continueront de se battre. Mais elles ne peuvent pas mener ce combat toutes seules. Elles ont besoin du soutien des travailleurs en Europe et à l’échelle internationale. Les expériences de la Grèce, contiennent d’autre part de précieuses leçons pour la gauche internationale, en particulier en ce qui concerne la question du genre de programme nécessaire pour sortir un pays de la crise. Seul un programme socialiste peut sauver les gens en Grèce, en Europe et dans l’ensemble de la planète de la barbarie du système capitaliste.
Glossaire:
- Antarsya: Coopération anticapitaliste de gauche pour le renversement, alliance de gauche radicale à l’extérieur de SYRIZA
- Dikki: Gauche Socialiste, une scission du Pasok de 1995 qui participle actuellement à «Unité Populaire».
- «L’initiative des 1000” : Initiative fondée en novembre 2012 par 1200 signataires en faveur de l’unité de la gauche grecque et d’un gouvernement de gauche sur base d’une rupture anticapitaliste.
- Initiative du 17 juillet : Cette initiative est née d’une rencontre à Athènes quelques jours après que Tsipras ait accepté le troisième mémorandum, pour lancer un appel visant à la construction d’une nouvelle force de gauche. Xekinima participe à cette initiative. Entre 250 et 300 personnes ont participé à la rencontre initiale.
- KKE: Parti communiste grec, organisation stalinienne et fortement sectaire.
- ND: Nouvelle Démocratie, parti bourgeois conservateur qui a dirigé le précédent gouvernement avant la victoire de SYRIZA aux élections de janvier dernier, en coalition avec le Pasok
- Pasok: Parti social-démocrate grec, fondé en 1974. Il a constitué son premier gouvernement en 1981 après avoir recueilli 48% des voix. En dépit de son programme “de gauche”, il a oeuvré au sein du capitalisme et est maintenant un parti bourgeois qui a massivement perdu son soutien électoral, jusqu’à obtenir moins de 5% aux élections de janvier 2015. Le Pasok a été au gouvernement avec la Nouvelle Démocratie et a soutenu l’austérité.
- To Potami: “La rivière”, parti bourgeois libéral fondé en 2014.
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Grèce : pourquoi Syriza et le KKE ne sont pas parvenus à un accord ?
Seules des politiques socialistes peuvent mettre fin au cauchemar austéritaire !
Article de Xekhinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL)
SYRIZA a formé un gouvernement de coalition avec le parti des Grecs Indépendants, un parti qui a émergé en tant que scission du parti de droite Nouvelle Démocratie. C’est un parti fidèle au système capitaliste, pénétré de la logique du capital et des «forces du marché». Que SYRIZA coopère avec un tel parti signifie bien sûr de s’engager sur une pente glissante et dangereuse.
SYRIZA s’est orienté sur cette voie après avoir contacté le KKE (Parti communiste grec) pour discuter de la possibilité de former un gouvernement de coalition de gauche. Le KKE a refusé toute collaboration avec SYRIZA, refusant jusqu’à donner un vote de confiance à un gouvernement SYRIZA. Cette position – le refus du KKE de tout type de collaboration ou vote de confiance pour un gouvernement dirigé par SYRIZA – a été publiquement répétée à plusieurs reprises au cours de la campagne électorale par les dirigeants du KKE. Il se dit également, au sein de SYRIZA, qu’Alexis Tsipras a téléphoné au secrétaire général du KKE, Koutsoumbas, la nuit même des résultats électoraux, mais que ce dernier a refusé de rencontrer Tsipras.
Pourquoi le KKE a-t-il refusé?
Le KKE justifie ce refus sur base de «différences idéologiques et politiques». Mais pourquoi avoir refusé d’accepter de travailler avec SYRIZA sous certaines conditions? Pourquoi le KKE n’a-t-il pas fait part d’une série de conditions minimales nécessaires à rendre une coopération ou un vote de confiance possible, c’est-à-dire une série de mesures dans l’intérêt de la classe ouvrière et de la masse du peuple grec et contre le pouvoir du grand capital?
Le KKE aurait pu accorder un vote de confiance au gouvernement SYRIZA sur base de l’application de politiques favorables à la classe des travailleurs tout en affirmant maintenir sa complète indépendance idéologique, politique et organisationnelle en restant en dehors du gouvernement. La direction de SYRIZA n’aurait ainsi eu aucune possibilité de justifier de se tourner vers les populistes de droite des Grecs Indépendants. Le KKE aurait ainsi également pu atteindre la base de gauche de SYRIZA et les millions de travailleurs qui ont voté pour SYRIZA afin de se débarrasser de la barbarie de la Troïka.
Le ‘fier’ KKE
Les dirigeants du KKE se disent «fiers» d’avoir maintenu leurs forces et même légèrement augmenté leur score électoral par rapport à juin 2012 (de 1%). En réalité, leur soutien a chuté de 3% en dessous de leur résultat des élections de mai 2012 et il est même inférieur à la moitié des votes obtenus en 1981 (environ 11%)!
Est-il possible pour un «parti communiste» qui se définit comme révolutionnaire de si dire heureux et fier d’avoir 5,4% au moment de la crise économique la plus profonde que le pays ait connu et face à une catastrophe sociale aussi massive? Un parti socialiste / communiste révolutionnaire disposant d’une assise importante parmi la classe des travailleurs, comme c’est le cas du KKE, aurait dû, dans ces conditions, «s’envoler» à l’instar des bolcheviks en 1917. Mais au lieu d’essayer de voir ce qui n’allait pas avec leur politique, les dirigeants du KKE se sont déclarés «satisfaits»!
Que signifie la “coopération”?
Le KKE aurait pu proposer à SYRIZA un programme minimum clair et favorable à la classe des travailleurs comme condition préalable à toute coopération : restauration du salaire minimum, des pensions et des relations de travail; investissements massifs dans l’enseignement et les soins de santé; la fin des privatisations; l’abolition du TAIPED (l’organisme chargé de superviser les privatisations imposées par les accords avec la Troïka); la renationalisation de tous les services publics privatisés; la mise sous propriété publique du système bancaire avec contrôle et gestion des travailleurs; etc. (certaines de ces mesures ont effectivement commencé à être appliquées par le gouvernement SYRIZA).

Bart Vandersteene prendra la parole à Liège ce 5 février au côté d’un représentant de SYRIZA au Parlement européen. Ce débat prendra place à l’ULG, Place du XX Août, à 19h à la salle Wittert. Parallèlement à cet accord minimal, le KKE aurait pu ouvertement et librement expliquer ses désaccords avec SYRIZA, sur l’intention de ce dernier de rester au sein de la zone euro par exemple, sur le fait que SYRIZA ne s’oriente pas vers l’annulation totale de la dette, etc.
Qui aurait à gagner d’une telle prise de position? Si la direction de SYRIZA avait refusé d’accepter l’offre du KKE, sa direction aurait été ouvertement exposée et le KKE aurait pu lancer un appel aux travailleurs et à la base de SYRIZA. Si la direction de SYRIZA avait accepté cet accord avec le KKE, l’attraction du KKE aurait été encore plus grande parmi la masse des travailleurs et la base de SYRIZA puisque la classe ouvrière aurait grandement gagné d’une politique plus à gauche. La plupart des travailleurs se seraient identifiés aux politiques impulsées sous la pression du KKE.
La direction du KKE se décrit comme étant les défenseurs de la révolution en Grèce, mais l’essence du succès des «politiques révolutionnaires» est d’être capable de convaincre les masses de la nécessité de politiques socialistes révolutionnaires, pas de s’isoler d’elles par sectarisme au nom de la «pureté idéologique».
Un gouvernement instable avec les Grecs Indépendants
Agissant de façon «intelligente», la direction de SYRIZA a appelé le KKE à coopérer et, lorsque celui-ci a refusé, elle est entrée en collaboration avec les Grecs Indépendants. À ce stade, de nombreux Grecs considèrent cette option comme la seule qui restait à disposition de SYRIZA et estiment que les dirigeants du KKE ont contribué à l’arrivée de ce résultat.
Malgré cela, dans les rangs de SYRIZA mais aussi chez de nombreux travailleurs, il est clair que ce gouvernement sera instable. Au début, les Grecs Indépendants seront probablement d’accord sur l’instauration d’un certain nombre de politiques populaires et de mesures d’urgence – le gouvernement de coalition est déjà en train d’instaurer une série de réformes favorablement accueillies par les masses – mais les différences centrales émergeront tôt ou tard concernant le caractère fondamental de l’économie capitaliste et les intérêts de l’élite capitaliste. Les conflits apparaîtront au sujet de politiques qui frapperont les riches ou les profits des entreprises et des multinationales, sans encore parler des nationalisations et du contrôle social que les travailleurs doivent exercer.
Ce ne sont pas des questions abstraites ou académiques! Sans ces mesures, l’économie ne sortira pas de la crise à l’avantage des travailleurs. Sans reprise économique, la crise ne pourra pas être vaincue, ce qui conduira à plus d’agitation sociale et politique. Cela se réflétera au sein du gouvernement de coalition, y causant une crise profonde.
Face à la crise
La base de SYRIZA doit se préparer à une crise avec les Grecs Indépendants. Il n’y a qu’une seule façon d’y faire face : mener la lutte au sein de SYRIZA, avec la gauche et les travailleurs qui se situent à l’extérieur du parti, afin que SYRIZA adopte un programme audacieux qui défendra sérieusement les intérêts de la classe ouvrière et des couches moyennes qui sont écrasées par les politiques de la troïka. Fondamentalement, cela signifie d’adopter un programme de rupture anticapitaliste socialiste, ce que la direction de SYRIZA a clairement démontré ne pas vouloir faire sans y être contraints par la pression de la gauche du parti et de la société.
Si et quand les Grecs Indépendants feront mine de refuser de soutenir des mesures gouvernementales qui s’en prendront aux intérêts de la classe dirigeante, SYRIZA devrait se montrer prêt à aller vers un mandat populaire et à appeler à des élections anticipées. Les masses grecques comprendront que les Grecs Indépendants sont un obstacle à la mise en oeuvre de politiques favorables à leurs intérêts. SYRIZA pourrait donc accroître son soutien électoral pour un gouvernement majoritaire en défendant un programme anti-austérité socialiste. La direction de SYRIZA en a-t-elle envie ? Il ne fait aucun doute que c’est pourtant la volonté de la base de SYRIZA et des masses en général. Mais c’est loin d’être clair aux yeux de la direction.
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Le PTB a tenu sa Protest Parade à Bruxelles
Sous un soleil digne de la fin de l’été, des milliers de personnes se sont rendues à Bruxelles dans le cadre de la Protest Parade, les organisateurs du PTB parlant de 7000 participants. Cette manifestation a clairement illustré que la gauche existe toujours bel et bien, de même que la recherche d’alternatives face aux plans d’austérité drastiques du gouvernement de droite dure.
Le plan d’action des syndicats allant crescendo jusqu’à la grève générale du 15 décembre prochain a posé le défi de construire un mouvement de masse pour faire chuter le gouvernement Michel. Mais nous ne voulons pas seulement faire tomber Michel 1er, c’est toute la politique d’austérité qui doit être balayée. L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle tripartite appliquant une politique similaire après la chute de ce gouvernement ne représenterait aucunement une alternative. De nombreuses attaques – comme la suppression progressive de la retraite anticipée ou la remise en cause de l’index – s’appuient sur des politiques menées par le gouvernement précédent. Wouter Beke (CD&V) a déclaré que l’actuel accord gouvernemental aurait tout autant pu être conclu avec les socialistes. C’est surtout le rythme des attaques qui est aujourd’hui différent.
Mais Wauter Beke a raison, un gouvernement Di Rupo 2 ne serait pas une alternative. Nous avons besoin d’un nouveau parti de masse des travailleurs pour rompre avec la politique d’austérité, un parti dans lequel le large éventail d’opinions présent dans le mouvement des travailleurs trouverait sa place. Dans ce cadre, avec sa position de première force de gauche radicale possédant également un poids électoral et plusieurs députés, le PTB est naturellement dans la meilleure position pour jouer un rôle important. Mais devant l’offensive de la droite, nous allons avoir besoin de toutes nos forces. Un piquet de grève est plus fort si tout le monde est présent, dans le respect des sensibilités de chacun au-delà des frontières syndicales ou de statut (ouvrier, employé, intérimaire, travailleur d’un sous-traitant, stagiaire,…). Cela s’applique également à la représentation politique du mouvement des travailleurs. Pour arriver à la constitution d’une alternative large, l’ouverture et le respect des spécificités de chacun sont cruciaux.
Une telle ouverture n’était pas présente à la Protest Parade. Nous avons vu tout le contraire avec une manifestation uniformisée où chaque drapeau, pancarte,… appartenant à d’autres organisations était renvoyé manu militari à la fin de la manifestation. Que les autres forces de gauche, tant les partis que les associations, se retrouvent comme convenu à la fin du cortège, cela ne représentait aucun problème et cela n’a, du reste, été contesté par personne. Mais le simple fait d’aller dire bonjour à des collègues présents ailleurs dans le défilé avec un drapeau ou une pancarte était interdit, ce qui constitue une forme extrême d’imposition du silence pour tout type de discussion. Nous avions visiblement mal compris l’invitation de Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB et élu fédéral, faite envers tout le « peuple de gauche ».
Du côté francophone, lorsque le PTB avait annoncé une ouverture sous la forme de Gauche d’Ouverture, cela avait à juste titre été salué par la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut comme un pas en direction de l’appel lancé par cette régionale le 1er mai 2012 pour réunir sur une base anticapitaliste toutes les forces politiques à la gauche du PS et d’Ecolo. Si la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut avait décidé de mettre davantage l’accent sur cet appel en prenant part à la Protest Parade ou si d’autre sections et délégations combatives avaient décidé d’y participer, se seraient-elles vues confinées à la fin du cortège? Ou alors ces délégations auraient-elles eu à se diviser entre ceux qui voulaient manifester au sein du cortège et ceux qui voulaient manifester avec les drapeaux, les pancartes et les tracts d’autres organisations, derrière la ligne du service d’ordre ?
Pour stopper l’offensive de la droite, la tripartite n’offre aucune alternative, comme nous l’avons dit. Nous sommes à l’aube d’un mouvement de résistance qui a, face à lui, de grands défis. Les Thatchers belges veulent s’en prendre drastiquement à notre niveau de vie et changer le rapport de forces en faveur du capital. Notre camp, celui du mouvement des travailleurs, doit riposter avec toute sa force. La devise de «l’unité dans la diversité», la base de la solidarité, ne peut que nous renforcer.
Les militants du PSL seront présents dans la lutte contre ce gouvernement des riches, côte à côte avec leurs collègues, leurs amis, leurs connaissances,… et ce au-delà des divergences politiques. Il nous faudra de grands efforts pour faire chuter ce gouvernement, et cela nous conduira évidemment à débattre de la manière de traduire le plus efficacement possible le plan d’action syndical sur notre lieu de travail, des prochaines étapes à construire si le gouvernement reste sourd à nos revendications lors de la grève du 15 décembre, de ce qui devrait remplacer le gouvernement Michel,…
Mener et stimuler ce débat, à la fois au travail et dans les actions ou encore parmi les militants, fait partie intégrante de la préparation des prochaines étapes de notre lutte. Le PSL pense à ce titre pouvoir y offrir un apport constructif.
Nous avons envoyé une proposition de déclaration à diverses organisations qui nous avaient dit être favorables à une réaction commune.
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Réaction d’Eric Byl
Certains lecteurs commençaient à être impatients face au silence de « socialisme.be » vis-à-vis des événements que nous commentons ci-dessus et des allégations exprimées par le PTB sur son site à l’encontre du PSL. Nous avons délibérément reporté la publication d’une réponse. Nous ne voulions pas réagir à chaud et préférions laisser les événements retomber quelque peu. Dans le feu de la polémique, on peut en effet avoir tendance à réagir sans considération pour le contexte politique. On peut aussi, comme l’auteur d’un article sur le site du PTB, écrire des choses qui ne sont pas conformes à la vérité et même carrément contradictoires. C’est ainsi que Max Van Cauwenberghe, apparemment l’un des responsables du service d’ordre du PTB, a écrit que les militants du PSL auraient jeté des pétards au service d’ordre du PTB. Ceux qui étaient sur place savent très bien qu’il n’y avait pas de pétards. Il affirme également qu’un membre féminin du service d’ordre a été frappé, a eu des côtes froissées et au moins deux semaines d’incapacité de travail. C’est une lourde accusation. De la part du PTB, qui dispose de suffisamment d’avocats et de médecins, on peut se demander comment cela se fait qu’ils n’ont pas immédiatement publiquement identifié le responsable. L’explication est simple : ce que Max décrit n’est jamais arrivé. Si Max avait un peu réfléchi avant d’écrire ou avait au moins relu une fois son article, il n’aurait pas tout d’abord parlé de façon désobligeante d’une cinquantaine de membres du PSL pour ensuite parler de « de nombreux membres » du PSL qui ont tenté de forcer leur présence aux premiers rangs. Laisser tout d’abord les choses retomber avant d’écrire est vraiment très utile et peut vous aider à éviter d’inutiles malentendus.
Ce que le service d’ordre du PTB a osé dans le cortège de la Protest Parade n’a plus été vu depuis les années ‘80. J’ai moi-même eu Jan Hasaers du PTB au téléphone la soirée précédent la manifestation. Sa proposition que le bloc anticapitaliste se retrouve derrière le PTB lors du rassemblement me semblait chose évidente. Je n’avais pas compris que cela signifiait pour lui et pour le PTB qu’il était interdit à des individus ou à des amis d’aller voir le reste de la manifestation en portant des drapeaux ou des pancartes du PSL pour y saluer un collègue ou aller à la recherche d’une connaissance. Toute personne qui avait un drapeau du PSL, d’EGA ou de Blokbuster, qui portait une pancarte du PSL ou qui avait quelques journaux à vendre était, dans le cortège du PTB, manu militari interpelé et renvoyé derrière les lignes du service d’ordre. Ce n’est pas ce que j’avais compris au téléphone, au contraire, Jan avait même explicitement confirmé qu’il n’y avait aucun problème pour nos ventes de journaux. Le PSL a au moins eu droit à un appel téléphonique, même s’il n’était pas possible de comprendre les intentions réelles du PTB. D’autres n’ont pas du tout été contactés, mais ont tout de même été interpelés sans ménagement pour être renvoyés à l’arrière. C’est au moins arrivé à un anarchiste avec son drapeau rouge et noir. En dépit des affirmations de Max, la LCR s’est aussi plainte que ceux qui voulaient diffuser son tract ont été renvoyés à l’arrière. Le PTB affirme que le PSL ne s’en est pas tenu aux accords convenus entre Jan Hasaers et moi-même au téléphone, mon sentiment était que cette discussion était beaucoup plus fraternelle et ouverte que les actes du service d’ordre du PTB. Cette manifestation fut un succès, mais l’absence totale de drapeaux, pancartes, journaux ou tracts d’autres organisations de gauche nous fait froid dans le dos. Nous espérons que ce n’est pas là le renouveau démocratique que le PTB dit vouloir.
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Photos de la Protest Parade
Par PPICSPar Loïc
Par Liesbeth
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Appel pour un bloc anticapitaliste à la Protest Parade du 19 octobre
Nous sommes tous très préoccupés par le nouveau gouvernement fédéral de droite dure, des autorités qui se sont clairement fixées pour objectif de réaliser en Belgique ce qui n’avait pas été possible dans les années ’80 : fondamentalement modifier les relations de forces en Belgique en faveur du grand capital, selon le modèle de Margaret Thatcher. Pour ce faire, le gouvernement fédéral et son équivalent flamand s’attaquent à toute une série d’acquis historiques avec un saut d’index, l’augmentation de la pension, des attaques dans les soins de santé et contre les chômeurs ou encore la remise en question du droit de grève.
Les années ’80 n’ont pas uniquement été marquées par la droite et ses attaques, ce furent également des années de résistance pour les travailleurs et la jeunesse. Rappelons-nous seulement des Marches des jeunes pour l’emploi de ’82 et ’84, des manifestations massives contre la course à l’armement, de la grève générale de 10 jours des services publics en septembre ’83, des grèves écolières de janvier à avril 1986 et de la manifestation massive de plus de 250.000 affiliés de la FGTB le 31 mai 1986 qui a donné le coup de grâce à ce gouvernement en poussant la CSC à retirer son soutien à la coalition. Tout ceci n’aurait pas été possible sans la volonté d’unifier tous les travailleurs et les jeunes en lutte malgré les divergences tant sur le plan du programme que sur celui des méthodes.
Par contre, si ces gouvernements de droite ont étés capables de raboter les allocations de 25% et les salaires de 15% en moyenne, c’est aussi en raison de l’absence d’une alternative anticapitaliste crédible à cette époque. La gauche radicale défendait encore des régimes et des thèses répugnantes qui ont été instrumentalisées par la social-démocratie pour opposer sa version « démocratique » du socialisme au socialisme totalitaire défendu par une partie importante de la gauche radicale.
Les gouvernements « pragmatiques » qui ont succédé à ceux de droite depuis la fin des années ’80 ne sont pas revenus sur ce que la droite avait brisé, mais ont au contraire continué à appliquer cette même politique, bien qu’à un rythme plus modéré. Cela n’a fait que convaincre de nombreux travailleurs qu’il n’existait pas d’alternative à l’austérité tout en stimulant l’envie des patrons d’en obtenir d’avantage. Cette politique n’a pas permis d’éviter le retour de la droite dure, cela l’a au contraire aider à revenir.
Tout comme dans les années ’80, le Parti Socialiste de Lutte (PSL) considère que ‘l’unité dans la diversité’ constitue une nécessité afin de pouvoir résister à cette offensive de la droite. C’est pourquoi nous appelons à participer en force à la « Protest Parade » organisée par le PTB ce 19 octobre à Bruxelles. Nous ne voulons pas uniquement renforcer numériquement cette manifestation, mais également apporter un ajout programmatique en regroupant et en rendant visible les courants anticapitalistes qui n’ont jamais cautionné le totalitarisme sans pour autant avoir accepté le faux pragmatisme de la social-démocratie.
Nous invitons donc tous les courants et individus anticapitalistes à constituer un bloc anticapitaliste au côté du PSL dans cette Protest Parade, ce qui est également à considérer comme un atout pour la construction d’un tel courant dans les années de lutte à venir.
RENDEZ-VOUS : 19 octobre, 13h30, Gare du Nord
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Avec l’arrivée de 8 parlementaires de gauche radicale, la pensée unique politicienne a été brisée
Raoul Hedebouw, porte-parole du PTB et nouvel élu fédéral.Le résultat final a beau être sous ce que certain sondage avaient prédit, les 8 élus du PTB-GO constituent une véritable percée. Le parti a triplé voire quadruplé ses résultats aux précédentes élections fédérales et régionales. Qu’il n’y ait pas d’élu en Flandre n’y change rien, le PVDA+ double son résultat. Cela offre d’énormes possibilités mais entraîne aussi de grandes responsabilités quant à la manière d’organiser, de structurer et de diriger la résistance face à l’avalanche de casse sociale qui nous arrive dessus.
Par Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL/LSP
Raoul Hedebouw et Marco Van Hees ne sauront où donner de la tête au parlement fédéral. Les directives européennes d’austérité et de libéralisation et les traités comme le traité transatlantique qui vise à garantir la ‘‘libre’’ concurrence à n’importe quelles conditions ne seront désormais plus poussées en douce. La résistance des syndicats, des ONG ou encore des associations d’agriculteurs pourra désormais trouver écho au parlement et, par cette voie, dans les médias de masse.
Au parlement, ils vont être bien étonnés si, lors de la prochaine fermeture d’entreprise, des élus ne plient pas purement et simplement l’échine devant la ‘‘conformité aux lois économiques’’. Ils ne pourront plus simplement éclater de rire à la publication des bénéfices engrangés dans le privé ces dernières années, des cadeaux fiscaux, des subsides salariaux et autres baisses de charges. Et si la discussion ne se limite plus à la négociation du recul social mais aborde aussi l’appropriation collective des moyens de production sous contrôle public en tant qu’alternative, le parlement sera profondément ébranlé.
L’étonnement sera encore plus grand si Raoul, Marco et leurs 6 collègues aux Parlements wallon et bruxellois seront également aux portes des usines et aux piquets. Ils n’ont pas seulement été élus par les membres du PTB, mais aussi par de nombreux syndicalistes, activistes, jeunes et travailleurs. Leur message à ces piquets ne doit, par conséquent, pas se limiter à “Bravo! Et votez pour nous la prochaine fois”. Des manifestations qui plient face aux forces de l’ordre ou des slogans radicaux qui ne s’accompagnent pas d’un plan d’actions ne suffiront pas non plus. La question sera de savoir comment contribuer à réunir toutes les forces militantes présentes dans l’entreprise, dans les entreprises apparentées et les quartiers avoisinants avec l’objectif de construire un rapport de forces et d’arracher des victoires.
La percée d’une formation à gauche de la social-démocratie et des verts était annoncée depuis quelques années. Cela explique les multiples appels du PSL à l’unité à gauche. Il y a un an, le PSL avait ainsi adressé une lettre ouverte à tous les partis et groupes de gauche pour discuter de listes communes sous le nom ‘‘PTB-unité ou quelque chose de semblable’’. Quelques mois auparavant, au comité d’initiative pour l’appel de la FGTB Charleroi-Sud-Hainaut, nous avions proposé de déposer une liste unitaire autour du PTB dans le Hainaut en tant que projet-pilote. Nous estimons que le résultat du PTB-GO confirme que c’était une évaluation correcte de la situation.
Cela vaut aussi pour la Flandre. Au niveau provincial, le PvdA+ manque le seuil électoral de justesse à Anvers, mais Peter Mertens y obtient pas moins de 26.000 voix de préférence. Dans la ville, avec ses 9%, le parti dépasse le CD&V, l’Open VLD ou encore le Vlaams Belang ! A Gand, le PvdA+ rate de peu les 5%. Cela s’inscrit dans la ligne des 9% que le PTB-GO obtient à Charleroi et des 11,5% à Liège. Le parti réalise maintenant une percée également dans les grandes villes. Les sondages indiquaient qu’ils pouvaient encore faire plus. L’illusion d’un vote utile pour damner le pion à la NV-A et le revirement subit des partis traditionnels vers des thèmes sociaux à la fin de la campagne ont peut-être détourné quelques électeurs potentiels in extremis.
Il y a quelques années, Samson du PvdA néerlandais et Hollande du PS français sont aussi parvenus à tromper les électeurs avec une rhétorique quelque peu de gauche. Le PvdA+/PTB-GO a-t-il sous-estimé cette possibilité ? Est-ce pour cela que notre proposition de rassembler ‘‘toutes’’ les forces militantes en Wallonie et à Bruxelles n’a été que partiellement reprise ? Pour le PSL et Gauches Communes, la Gauche d’Ouverture est restée fort hermétique. Le PTB-GO a même rejeté une proposition d’apparentement de liste déposée par VEGA et Gauches Communes à Bruxelles. En Flandre non plus, il n’y avait pas de place pour le LSP au PvdA+.
Nous ne savons pas si cela aurait fait beaucoup de différence. VEGA à Liège et Gauches Communes à Saint-Gilles, qui avaient tous deux plus de 3,5% aux dernières communales, sont retombés à 2,1% et 1,1%. Ils n’ont pas seulement perdu des ‘‘votes utiles’’ contre la NV-A, mais aussi en faveur d’un premier élu PTB-GO. D’autres petites listes de gauche ont été complètement refoulées. A Saint-Gilles, en 2006, la liste PTB et celle du PSL avaient obtenu ensemble 2%. En 2012, les listes qui les reprenaient recueillaient 7,5% et, cette fois, plus de 9%. C’est beaucoup plus que dans les autres cantons électoraux de Bruxelles. Nous pensons que cela est notamment dû à la présence systématique de Gauches Communes dans cette commune, même si beaucoup d’électeurs ont cette fois donné tactiquement leur préférence au PTB-GO.
Quelle que soit l’exacte composition du gouvernement fédéral et des gouvernements régionaux, il est clair que les prochaines années, une avalanche de casse sociale à tous les niveaux déferlera sur nous. S’y opposer voire en inverser la tendance exigera un front de résistance, composé des mouvements sociaux, des syndicalistes de gauches, de la gauche radicale, des activistes de quartier, etc. Un tel appel provenant du PSL aurait peu d’écoute mais s’il émane d’un parti comptant 8 parlementaires et plus de 50 élus locaux, cela aura une beaucoup plus grande portée, surtout si plusieurs centrales ou régionales syndicales s’y joignent et cela pourrait poser la base pour un mouvement d’opposition réel d’en bas.
Pour finir, nous souhaitons ajouter que nous devons lutter pour le maintien de chaque acquis et pour chaque nouvelle conquête sociale. Reporter cela au lendemain de l’instauration du socialisme serait totalement irresponsable. Le PSL n’attend donc pas du PTB qu’il fasse exclusivement de la propagande pour le socialisme jour après jour au parlement. Mais réclamer des logements décents et abordables, un enseignement de qualité, des crèches en suffisance, de l’emploi stable pour tous à des salaires décents, une mobilité saine et accessible, des soins de qualité pour les malades, pour les personnes dont les capacités physiques et mentales sont réduites ou pour les personnes âgées, une solution aux catastrophes écologiques qui arrivent à toute vitesse,… exigera systématiquement, dans le contexte économique actuel, une épreuve de forces avec un système où la production est exclusivement orientée vers le profit.
Chaque solution réelle à ces besoins démontrera l’impossibilité du capitalisme à y répondre et la nécessité d’ériger une autre société. Ceux qui estiment que les ressources naturelles, la connaissance sociale et les grands moyens de production n’appartiennent pas à une poignée de capitalistes mais à la collectivité et qu’une planification démocratique est plus rationnelle que la ‘‘main invisible’’ du marché doivent saisir chaque opportunité de populariser la nécessité d’une société socialiste démocratique de manière réfléchie. Nous pensons que c’est une erreur de censurer cette idée dans le cadre de la campagne électorale ou, comme l’a fait la LCR, de réduire cela à “des réformes structurelles anticapitalistes réelles”. Au parlement, il sera encore plus difficile de défendre cette société socialiste démocratique comme unique alternative sérieuse. Nous estimons cependant que l’énorme fossé entre la richesse que nous produisons tous et les nombreux besoins insatisfaits en offrira plus d’une fois la possibilité. Espérons que le PTB saisisse cette opportunité.
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Élections 2014. L’instabilité politique demeure. La lutte contre la politique d’austérité devra se mener dans la rue.
La crise économique et la réponse austéritaire qui a suivi sur tout le continent ont amplifié la perte d’autorité de l’Union européenne et des partis établis. Les résultats des élections européennes en ont été une illustration, avec une participation qui reste très faible (43%) et un score solide pour un large éventail de partis eurosceptiques. Dans les pays où l’opposition à la politique d’austérité a conduit à une lutte organisée – essentiellement dans le Sud de l’Europe – les forces de gauche ont progressé (notamment Syriza en Grèce, le PCP au Portugal, Izquierda Unida et Podemos en Espagne mais aussi la ‘liste Tsipras’ en Italie). Ailleurs, le mécontentement s’est exprimé de façon plus négative avec d’importants résultats pour, entre autres, le FN (France), l’UKIP (Grande-Bretagne), le Parti populaire danois,…
Analyse des résultats par le Bureau Exécutif du PSL
La polarisation croissante sous pression de la crise s’exprime aussi chez les partis traditionnels. Dans notre pays, cela mène à une discussion sur le modèle d’économies structurelles à exécuter. Dans ses dernières interviews, Jean-Luc Dehaene déclarait que les prochains gouvernements devaient profiter de l’ ‘opportunité’ de quelques années sans élections pour couper sévèrement dans les conquêtes sociales. Il n’est pas question d’économies à la râpe à fromage, mais plutôt à l’aide d’un couteau à désosser. Au cours de la campagne électorale, différents rythmes d’austérité ont été proposés. Ces options restent maintenues après les élections et une seule chose est claire : l’austérité frappera à tous les niveaux, et il faudra s’y opposer.
Une réalité économique mise de côté
Le contexte de la crise économique a été étouffé dans la campagne électorale. La plupart des communiqués parlaient de redressement économique et l’arrivée du bout du tunnel était évoquée. Dans ce cadre, une politique d’austérité renforcerait ‘‘notre’’ position concurrentielle et consoliderait la reprise. Peu était dit sur le fait que cette ‘‘reprise’’ ne bénéficie qu’aux plus riches.
Les entreprises du Bel20 ont réalisé – à l’exception de GDF Suez qui a fait passer dans ses comptes une dépréciation aboutissant à une perte de 9,7 milliards d’euros – 15,5 milliards d’euros de bénéfices en 2013. De cette somme, 10 milliards d’euros ont été reversés en dividendes aux actionnaires tandis que les dirigeants ont gagné 8,6% de plus qu’en 2012, les présidents d’entreprises du Bel 20 gagnant en moyenne 282.892 euros. Le 1% des plus riches dans notre pays empoche 12,63% de toutes les richesses nettes (la valeur commune de toutes les composantes du patrimoine mobilier et immobilier moins les dettes en souffrance) soit autant que les 53% les plus pauvres. Les 5% les plus riches possèdent autant que les 75% les plus pauvres.
Il ressort d’un sondage qu’il est admis que les 20% les plus pauvres détiennent 7,7% du patrimoine et que les 20% les plus riches en détiennent 40,6%. En réalité, il s’agit de 0,17% et de 61,2%. Le fossé entre pauvres et riches est bien plus important que généralement admis : les super riches sont bien plus riches, ceux qui éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts bien plus nombreux. Un Belge sur sept est sous le seuil de pauvreté tandis que sur une période de quatre ans, près de 30 % des Belges ont connu la pauvreté. 20% des pensionnés ont un revenu sous le seuil de pauvreté, 40% des handicapés bénéficiant d’une aide financière vivent sous le seuil de pauvreté,…
Chaque régression économique tire les conditions de vie de la majorité de la population vers le bas. Le risque d’un nouvel effondrement économique est réel, la propagande sur la reprise ne peut cacher que les facteurs compliquant sont nombreux parmi lesquels le manque d’investissements, le ralentissement des pays dits émergents et les dangers consécutifs aux tensions, entre autres, autour de l’Ukraine, qui peuvent mettre sous pression les prix de l’énergie. A temps de désespoir économique, propagande désespérée.
Les partis traditionnels se maintiennent difficilement
Cette propagande désespérée a un impact, mais son effet se réduit. C’est ce que montrent ces dernières élections. Après une dernière semaine de campagne qui a vu une énorme offensive contre la N-VA, ce parti a fini par concrétiser le tsunami prévu. Avec 32%, la N-VA atteint un score plus important que dans les derniers sondages et les résultats des élections communales sont égalés (même s’il y a eu, par ci par là, un recul limité, comme dans la ville d’Anvers où, de 37%, De Wever et Homans sont retombés à 34% et 32% pour les élections régionales et fédérales). La campagne anti-N-VA a eu partiellement un effet contraire. C’est une indication du dépérissement de l’autorité des familles politiques traditionnelles.
Du côté flamand, les chrétiens-démocrates, les libéraux et les sociaux-démocrates obtiennent ensemble 48%. 2010 était la première année où ils avait avaient ensemble moins de 50% et, en comparaison, ils se maintiennent, ce qui constitue pour eux une grande victoire. Mais cette stabilisation a lieu à un point historiquement bas. A eux trois, ils obtiennent de justesse une majorité au parlement flamand (64 sièges sur 124) et dans la représentation néerlandophone à la Chambre (45 sièges sur 87). Du côté francophone, les trois familles politiques traditionnelles obtiennent 70% des voix mais même ici, il y a une baisse. Avec l’arrivée d’élus du FDF, du PTB et du PP, le fractionnement de la carte politique s’accroit là aussi.
La perte du PS est plus limitée que ce qui était évoqué avant les élections. Cette perte – à Bruxelles, léger gain et pour le parlement wallon, gain d’un siège malgré un léger recul – ne résulte aucunement d’une politique de gauche. Après 25 ans de participation gouvernementale, la pauvreté a augmenté et il y a plus de chômeurs. Le 1% des plus riches a progressé, la large majorité de la population a régressé. Avec le PS aux commandes du gouvernement, il n’était plus possible de se cacher derrière l’argument selon lequel tout était de la faute à la “Flandre de droite”. La menace d’un gouvernement dirigé par la N-VA a été le seul argument grâce auquel le PS a pu se maintenir. La propagande de la N-VA quant au choix entre un modèle PS et un modèle N-VA a servi le PS. Le souvenir de la crise politique de 2010 et l’image d’une Belgique sortie relativement intacte de la crise économique ont également joué un rôle dans le renforcement des partis traditionnels.
Instabilité des alternatives
Les résultats sont moins prévisibles et il y a parfois de particulièrement grands glissements avec de nouveaux partis qui connaissent une croissance puis un déclin rapides. Il y a dix ans, lors des élections régionales de 2004, le Vlaams Belang a connu son apogée avec 24,15%. Aujourd’hui, il obtient encore à peine trois sièges à la Chambre (2 à Anvers et 1 en Flandre Orientale). La liste Dedecker a complètement coulé alors qu’en 2008, elle bénéficiait encore de 15% dans les sondages.
La N-VA fait partie de cette liste jusqu’à un certain point, sans être contaminée par le caractère néofasciste du VB ou l’égo-aventurisme de Dedecker, même s’il y a des éléments de ce type à la marge. Ce que ces formations ont en commun, c’est qu’elles jouent sur un large mécontentement. Même au niveau européen, cela s’est exprimé dans les hauts scores pour les forces d’extrême-droite et de droite populiste.
Sur base d’une lutte collective, la conscience de classes s’aiguisera et l’espace pour une réelle alternative sous forme d’un large parti des travailleurs avec un programme socialiste augmentera. Entre-temps, nous devons en finir avec un large spectre de formations populistes de tout crin qui, pendant un certain temps, peuvent prendre le dessus avec leurs « solutions » individuelles ou une image prétendument « anti-establishment ».
Compte tenu de ce contexte, un retour du Vlaams Belang ou d’une formation similaire n’est pas exclu. Dans la forme actuelle, c’est peut-être difficile, le parti recule à trois sièges à la Chambre, six élus flamands, un bruxellois et tout juste un siège à l’Europe. Plus de la moitié du personnel du parti doit être mis à la porte. Dans son bastion d’Anvers, le Vlaams Belang obtient encore 7% et doit laisser passer six autres partis à la Chambre et cinq au parlement flamand avant lui. Dewinter, surtout, a fait beaucoup de provocations au cours de la campagne pour tenter d’encore être au centre de l’attention. Il est cependant faux de penser que nier ces provocations racistes suffira à les faire disparaitre. On peut considérer comme un avertissement le fait que trois néonazis grecs soient élus au Parlement européen. Au plus Dewinter réussit à faire des provocations, au plus loin lui et ses troupes iront.
Même du côté francophone, il ressort qu’il y a un espace pour l’extrême-droite. Le Parti Populaire de Modrikamen, parti populiste de droite, a obtenu un élu à la Chambre et au parlement wallon. A Charleroi, le PP fait 7% tandis que le provocateur réactionnaire professionnel Laurent Louis obtient 5% avec son ‘Debout les Belges’ et le ‘Faire Place Nette’ monté par le Vlaams Belang 3,5%. Laurent Louis a réuni une large assemblée à ses meetings malgré le caractère agressivement antisémite de sa campagne. Le danger de la violence antisémite s’est d’ailleurs manifesté à la veille des élections par un attentat sanglant au musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts.
Faire une croix sur l’extrême droite ou abandonner la lutte contre elle n’est pas à l’ordre du jour. Le caractère varié des formations d’extrême-droite et populistes exige une analyse adéquate qui fasse une évaluation correcte du danger – taxer tout le monde tout simplement de fasciste ne suffit pas – avec en corrélation une mobilisation active autour d’un programme social pour prendre à la racine les problèmes qui font le terreau dont se nourrissent ces formations.
Gains et pertes des Verts
Ecolo a été fortement sanctionné lors de ces élections. La participation gouvernementale au niveau régional n’a pas été bénéfique au parti. La campagne du PS pour un vote utile afin de stopper la N-VA non plus. De plus, il y avait un concurrent à gauche en la personne du PTB. Ecolo a perdu la moitié de ses sièges à Bruxelles, 10 des 14 sièges wallons et 2 des 8 sièges à la Chambre.
Du côté néerlandophone, Groen a progressé. Le parti se profilait comme un parti d’opposition de gauche mettant l’accent sur des thèmes sociaux tels que les longues listes d’attente dans le secteur social. Le programme du parti n’était, cependant, pas très à gauche. Le profil de Groen l’était. Par ailleurs, le parti pouvait utiliser les fortes actions menées autour des problèmes de mobilité à Anvers. D’autre part, le président de Groen, Van Besien a tout de suite dit clairement qu’il voulait participer au gouvernement. Après cette progression, il ne tire manifestement pas assez vite les leçons de l’expérience d’Ecolo aux parlements bruxellois et wallon.
Progression de la gauche radicale
Avec 2 sièges à la Chambre, 2 au parlement wallon et 4 au parlement bruxellois, le PTB/PVDA n’a pas obtenu le résultat attendu suite aux fortes prévisions dans les sondages. A Anvers surtout, on attendait plus mais le parti de Peter Mertens a terminé à un cheveu du seuil d’éligibilité. Avec des scores de 11,5% à Liège et 8,7% à Charleroi, où le PTB est chaque fois le troisième parti après le PS et le MR, ou 8,9% à Anvers et 4,9% à Gand, le PTB a enregistré des scores remarquables qui sont en progression par rapport aux élections communales de 2012.
Malgré une campagne professionnelle et un accès aux médias comme jamais vu jusqu’ici, le PTB avait du mal, au cours des derniers jours de campagne, à maintenir sa position et encore plus à fixer les thèmes des élections. La pression d’une voix utile contre la N-VA et les tentatives de tous les partis de se montrer ”social” ont incontestablement joué un rôle. D’autre part, les résultats montrent qu’il y a de l’espace à gauche de la social-démocratie et des verts. C’est dans ce cadre que nous avions proposé de faire des listes d’unité avec un nom tel que PTB-Unité ou de placer des candidats sur les listes PTB-GO/PVDA+. Malheureusement, ces propositions ont été rejetées et, à Bruxelles, il n’a même pas été possible de faire un regroupement de liste. Pourtant, tout syndicaliste sait que dans une lutte, on est plus fort si l’on implique toutes les forces militantes.
Nous espérons que les 8 élus du PTB tireront le débat public à gauche et joueront un rôle pour la construction d’une opposition de rue contre la politique néolibérale. Une voix politique ne peut être dissociée de la lutte sociale. Nous espérons que le PTB et ses élus œuvreront pleinement au renforcement des actions contre la politique d’austérité et ne se laissera pas freiner par une “collaboration de gauche” avec la social-démocratie et les verts. Notre appel pour un front de résistance à l’austérité est toujours d’actualité : après cette progression électorale, le PTB est bien positionné pour jouer un grand rôle dans sa construction.
A Bruxelles, nous participions aux élections avec Gauches Communes. Nous avons surtout mené une campagne de politisation à Saint-Gilles avec des tracts à contenu. Le résultat obtenu est très faible : pour la Chambre, nous avons obtenu 1,12% à Saint-Gilles. La pression pour un “vote utile” ne s’est pas seulement exprimée dans le résultat du PS mais aussi dans celui du PTB-GO. Notre campagne de politisation a sans conteste contribué au résultat de la gauche radicale à Saint-Gilles, le plus important de toutes les communes bruxelloises.
Quel que soit le gouvernement, l’austérité viendra !
Juste avant que nous nous rendions aux urnes, les premières analyses des cellules de réflexion économiques sur le danger de la crise politique continuelle sont parues. De Tijd titrait “La City londonienne craint une impasse politique belge” (21/5). Dans l’article, il est question de la crainte qu’une formation de gouvernement interminable ne se répète.
La préférence de De Wever et de certains éléments du patronat chez VOKA va sans aucun doute à une majorité de droite dure autour de la N-VA en Flandre. Mais un tel gouvernement n’obtient pas la majorité du côté francophone et de plus, le CDH devrait, pour cela, être séparé du PS. De Wever rêve d’un gouvernement comme celui de Martens dans les années 1980 et compte que cela puisse se faire aujourd’hui sans l’appui de l’un des deux grands syndicats. La tentative d’arriver à un tel gouvernement a peu de chances d’aboutir. Les éléments les plus prévoyants de la bourgeoisie ont peut-être plus confiance en une tripartite stable, si nécessaire avec un gouvernement flamand dont la N-VA fait partie et après une période au cours de laquelle De Wever devra prouver qu’il peut mettre sur pied un gouvernement de droite. Le PS préfère une tripartite et opte plutôt pour le modèle de gouvernement Dehaene avec son Plan Global.
Quels que soient les gouvernements que nous recevions, nous allons vers une forte austérité. Tous les partis établis sont d’accord là dessus. Ils semblent mieux préparés à cela que le mouvement ouvrier. Les liens entre les dirigeants syndicaux et les partis qui appliquent l’austérité ne nous ont rien amené ces dernières années, la politique néolibérale n’a pas été stoppée. Cela mène à la démoralisation et fait passer à l’arrière-plan, la possibilité d’une lutte collective pour le progrès, ce qui laisse l’espace à d’autres “solutions”. Si nous ne combattons pas les attaques par un plan d’actions progressif décidé démocratiquement qui part d’une large tournée d’information et de mobilisation, nous ne pourrons pas stopper l’austérité mais les possibilités électorales pour la droite et l’extrême-droite risquent de rester intactes.
Il serait erroné de penser qu’un tiers des Flamands est convaincu d’une politique d’austérité néolibérale et répressive, pour beaucoup, il s’agissait d’un vote de protestation contre l’establishment. Il ne s’agit pas d’une droitisation mais d’un rejet grandissant du cours actuel des choses avec aucune certitude sur le moyen d’améliorer la situation. Au cours de la dernière semaine de campagne, les partis flamands aussi ont soudain souligné leur caractère ‘social’ avec l’opposition aux attaques contre l’index et la limitation des allocations dans le temps face à la N-VA, mais même ce dernier parti a tout à coup souligné qu’il augmenterait les pensions les plus basses et a nié sur tous les tons le caractère asocial de son programme.
Le potentiel pour une forte opposition de rue est présent. Nous l’avons vu ces dernières semaines avec les grandes mobilisations inattendues sur le bouclage du ring anversois. Il s’agit encore d’actions à propos desquelles il y a de la confusion sur les revendications exactes et les méthodes d’action mais le caractère de masse de ces actions est une locomotive.
Nous pouvons convaincre les électeurs de la N-VA par des mouvements de lutte. Qui d’autre que la gauche peut, en effet, amener une alternative conséquente à la politique d’austérité actuelle ? Là où la gauche l’a fait de manière offensive – comme avec la campagne de Syriza pour un gouvernement de gauche en 2012 – cela a donné d’excellents résultats électoraux. Mais si nous ne construisons pas des perspectives offensives avec un programme conséquent de transformation socialiste de la société, nous n’y arriverons pas.
Les défis pour le mouvement ouvrier sont grands. La bourgeoisie va manœuvrer pour savoir comment le mieux mener une politique d’austérité, à la manière forte ou de façon plus douce. N’attendons pas pour organiser notre résistance !
Modèle Martens: faire des économies sans les sociaux-démocrates
Après une période de crise politique entre 1978 et 1981, un compromis a été conclu avec le gouvernement orange-bleu de Martens et Gol pour mener une politique d’austérité tolérée par la CSC, tout étant discuté à Poupehan avec son dirigeant Jef Houthuys. Le franc belge a été dévalué et il y a eu plusieurs sauts d’index. Lorsque le nouveau ministre du budget Verhofstadt est arrivé en 1986 avec un nouveau plan d’austérité dure à hauteur de 3,5 milliards d’euros, la CSC a eu du mal à stopper les troupes.
Lors des actions des fonctionnaires en 1983, la FGTB était encore seule, l’opposition au plan Sainte-Anne en 1986 risquait d’être tellement large que la pression sur la CSC est devenue insoutenable. 250.000 personnes participaient à une manifestation nationale de la FGTB le 31 mai 1986. Le dirigeant de la CSC Houthuys a envoyé promener ‘da joenk’ le jeune Verhofstadt.
La politique néolibérale dure des gouvernements orange-bleu a fait que les salaires ont diminué en moyenne de 12 à 15%, les allocations jusqu’à 20%. Parallèlement, les profits des entreprises ont augmenté de 57%. Après la chute du gouvernement, officiellement sur la question communautaire, une nouvelle crise a suivi après laquelle arriva un gouvernement de sociaux-démocrates.
Modèle Dehaene: économies avec les sociaux-démocrates
Avec la disparition de la coalition orange-bleue en 1987, les sociaux-démocrates ont été appelés à pratiquer l’austérité également. La situation économique a donné un peu d’espace pour la préparer. En 1993, Dehaene a frappé avec son Plan Global. Sous pression d’en bas, il y a eu une riposte avec la plus grande grève générale depuis 1936.
Le Plan Global faisait partie de la politique d’austérité européenne imposée par le traité de Maastricht. Les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates ont fait un plan d’austérité de – c’est ce qui est ressorti par après – 500 milliards de francs (12,5 milliards d’euros). Cela se passa notamment par l’adaptation de l’index (avec l’introduction de l’indice santé) et la norme salariale.
La direction syndicale a à peine fait quelque chose de la colère à la base et s’est plutôt laissée guidée par des oppositions réciproques. Cela en est resté à une action unique malgré l’énorme potentiel. Au parlement, tous les chrétiens-démocrates et les “socialistes” ont voté pour le Plan Global, une pause toilette à cet instant crucial a peut-être coûté ultérieurement à Dirk Van der Maelen plus qu’un poste de ministre. Le mouvement contre le Plan Global est mort d’une mort tranquille.
Et aujourd’hui ?
Avec le décès de Jean-Luc Dehaene, il a été référé à son “modèle” à plusieurs reprises. De Wever a parlé des années 1980 et des gouvernements Martens et du Plan Global. Il déclarait qu’à l’époque, on “osait encore prendre des décisions” et référait aux “trois sauts d’index et au Plan Global.” Les deux modèles contiennent une politique d’austérité, l’une plus rapide et plus brutale que l’autre.
De Wever s’inspire du jeune ‘da joenk’ Verhofstadt qui était alors encore connu comme le “baby-Thatcher”. Le PS préfère se tourner vers l’homme d’Etat Dehaene et son ‘Plan Global’ rouge-orange. Cette discussion concerne le rythme des attaques, pas les économies en soi.
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Débat à Bruxelles : un front de résistance contre l’austérité?
Mardi dernier, le Garcia Lorca, Alternatives à Bruxelles et Gauches Communes avaient organisé un débat à Bruxelles sur le thème : « Un front de Résistance à l’austérité? » En présence de représentants de divers candidats de gauche pour ces élections ou représentants de partis de gauche, dont Anja Deschoemacker (candidate de Gauches Communes, PSL), Gilles Smedts (candidat de Gauches Communes, PH), Roland Nyns, (candidat de PTB-go!, PC), Caroline Bertels (candidate de Véga), un représentant de la LCR et un représentant de la LCT. Le PTB avait également été invité à participer à cette discussion, mais aucun représentant n’a répondu à l’appel.
Le débat fut riche et intense. Il a beaucoup été question de l’appel de la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut pour un rassemblement à la gauche du Ps et d’Ecolo basé sur un programme d’urgence anticapitaliste ainsi que de l’offensive contre les droits et les acquis de la majorité de la population que les partis traditionnels lanceront une fois les élections passées, à tous les niveaux de pouvoir. En ce qui concerne ces partis, il n’y a qu’un choix à faire entre une austérité brutale et rapide et une austérité graduelle et mieux emballée.
Un front de Résistance contre l’austérité avec liberté de débat et unité d’action est une nécessité et l’ensemble des formations qui soutiennent et participent à l’appel de la FGTB de Charleroi avaient été invitées pour y répondre.
Une nouvelle date de rencontre pour poursuivre cette discussion devrait voir le jour à la rentrée.
Photos ci-dessous : PPICS – banque d’images
Alternatives à Bruxelles est un cadre de travail commun, initié par le PSU (Parti Socialiste Unifié (Maroc) section Belgique, la Fédération de Belgique de Izquierda Unida, la Fédération de Belgique de Refundazione Comunisti Italiani, Die Linke Bruxelles et Syriza Belgique dans le but de coordonner des actions avec d’autres collectifs progressistes de Bruxelles
Gauches Communes sont des listes unitaires rassemblant des travailleurs, des syndicalistes, des jeunes, des pensionnés, des allocataires sociaux et différentes composantes de la gauche qui s’opposent à l’austérité et qui sont déjà préparées à construire un relais politique large véritablement de gauche. Des listes sont présentes pour la Chambre et la Région à Bruxelles. L’initiative est soutenue par le Parti Socialiste de Lutte (PSL-LSP) et le Parti Humaniste (PH-HP). www.reprenonsnoscommunes.be
