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  • [DOSSIER] L’ascension et la chute de Syriza

    Photo: Wikipedia

    Le 5 juillet 2015, un référendum historique eut lieu en Grèce contre le mémorandum d’austérité de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international), avec une majorité écrasante de 61,5% en faveur du « non » (OXI). Plus de deux ans plus tard – comme le rapporte ici ANDROS PAYIATOS, membre de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) – dirigée par un gouvernement Syriza, la société grecque est confrontée à la poursuite des mêmes politiques qui furent appliquées précédemment par les partis traditionnels de la classe dirigeante, le parti social-démocrate Pasok et le parti conservateur Nouvelle démocratie (ND). Que s’est-il passé ?

    Les attaques contre le niveau de vie et les droits du peuple grec se renforcent sous le gouvernement Syriza. Celui-ci essaie de cacher cela en parlant de « négociations difficiles » et de « faire tout son possible » contre les « Institutions », le nouveau nom de la troïka qu’est la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) ). Mais ce n’est que de la poudre aux yeux. Le dernier accord du 15 juin a libéré 8,5 milliards d’euros pour la Grèce (dont 8,2 milliards € seront utilisés immédiatement pour rembourser les prêts). Rien n’a été ajouté aux propositions des institutions faites lors de la réunion de l’Eurogroupe le 22 mai.

    Le Premier ministre de Syriza, Alexis Tsipras, n’utilisa ce moment que pour faire beaucoup de bruit, en interne, en proclamant qu’il n’y aurait pas de franchissement de ce qu’il appelle (très souvent) des “lignes rouges”. Le résultat est toujours le même : les institutions indiquent qu’elles ne reculeront pas ; menaçant que si le gouvernement grec ne calme pas ses ardeurs, il sera expulsé de la zone euro ; Les lignes rouges de Syriza s’amenuisent.

    Le dernier accord impose des fardeaux supplémentaires d’environ 5 milliards d’euros aux masses entre 2019 et 2022. De manière plus générale, de l’année prochaine jusqu’à la fin de 2022, la Grèce versera des intérêts de la dette à hauteur de 3,5% du PIB – avec l’engagement du gouvernement de dégager un « surplus primaire » annuel de 3,5% des recettes fiscales par rapport aux dépenses avant intérêts. Les prêts seront remboursés par de nouveaux prêts. À partir de 2022, les intérêts payés annuellement (excédents primaires) représenteront en moyenne de 2% du PIB. Et ce jusqu’en 2060. C’est le scénario le plus « optimiste ». Sur cette base, la dette souveraine représentera environ 60% du PIB en 2060. Cependant, toutes les institutions ne sont pas d’accord : le FMI affirme que ces excédents primaires sont irréalisables et que la dette sera incontrôlable.

    Jusqu’à ce que les créanciers soient payés, toute politique de tout gouvernement grec doit être approuvée par les institutions. Le gouvernement soi-disant de « gauche » de Syriza adhère à cette clause et impose une nouvelle vague d’austérité.

    Il a encore augmenté l’impôt sur le revenu pour toutes les couches de la population, même celles qui gagnent environ 400 € par mois – le seuil était d’environ 700 € sous le précédent gouvernement ND. Il a augmenté la fiscalité indirecte (de 20%) sur tout, y compris les produits les plus élémentaires comme le café grec et les traditionnels souvlakis. En moyenne, il a réduit les pensions de 9% supplémentaires. Il applique des mesures que la ND et le Pasok avaient ??jugées impossibles à réaliser, avec le plus grand programme de privatisation jamais réalisé. Le marché du travail reste une jungle où l’immense majorité des travailleurs du secteur privé travaillent des mois sans être payés et où l’exploitation atteint des conditions indescriptibles.

    Par conséquence, les sentiments qui dominent parmi les travailleurs sont une colère de masse et, en même temps, une démoralisation massive. L’idée que les politiciens sont des escrocs et des menteurs domine. Dans le passé, les partis traditionnels, ND et Pasok, qui ont gouverné le pays depuis 1981, étaient principalement visés. Aujourd’hui, cela s’applique également à Syriza. Il est passé d’un petit parti avec environ 3% de soutien électoral à une force de masse en remportant plus de 36% en janvier et septembre 2015. Cette croissance spectaculaire fut le résultat des énormes convulsions qui ont parcouru la société grecque qui, face aux attaques de Pasok et ND, s’est tournée vers le petit parti de gauche et l’a transformé en une force de masse, pour le voir ensuite se retourner contre les masses et continuer la même politique.

    Les raisons historiques

    L’effondrement de l’Union soviétique en 1991 créa une situation objective entièrement nouvelle à l’échelle mondiale. Entre autres choses, un énorme vide à gauche se développa après l’effondrement des partis « communistes » staliniens et l’embourgeoisement des partis sociaux-démocrates qui embrassèrent pleinement les idées du « libre marché ». Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses sections nationales avaient prédit que cela donnerait lieu à des tentatives de créer de nouvelles formations de gauche, de nouveaux partis de travailleurs, afin de fournir une représentation politique à la classe des travailleurs et de jouer un rôle dans le développement de ses luttes.

    Le Parti communiste grec (KKE) connut des divisions majeures, sa section des Jeunesses communistes (KNE) quitta en masse. Une autre nouvelle formation était Synaspismos (SYN – signifiant « alliance » ou « collaboration »), créée par les petites forces de l’ancien parti eurocommuniste de Grèce s’unissant à une section du Parti communiste. Avec le Pasok se déplaçant rapidement vers la droite, la gauche fut confrontée à une contraction massive de ses forces. Le KKE descendait à 4 à 5% aux élections, mais conservait encore des racines au sein de la classe des travailleurs, en particulier chez les cols bleus du secteur privé. SYN luttait d’élection en l’élection pour obtenir le minimum de 3% des votes pour entrer au Parlement – pas toujours avec succès.

    Les choses commencèrent à changer vers la fin des années 1990. SYN était la seule formation de gauche semi-massive qui n’était pas sectaire et était capable d’intervenir dans les mouvements altermondialistes et anti-guerre au tournant de ce siècle. Ouvert à la collaboration et aux alliances, il commença à attirer un certain nombre d’autres forces plus petites. Ensemble, ils créèrent un espace de dialogue et d’action unie qui se développa pour former Syriza en 2004. Xekinima, la section grecque du (CIO), prit part à la procédure spatiale, mais refusa de rejoindre Syriza en 2004 car cette plateforme avait été formée à la hâte pour des raisons électorales et avec un programme réformiste de droite qui n’était en aucun cas radical.

    Syriza s’en est très mal sorti aux élections de 2004 et la direction de la droite de SYN décida de tuer le projet. Toutefois, il réapparût en 2007, toujours pour se présenter aux élections. La différence était qu’il y avait eu un changement de direction, avec Alekos Alavanos à la tête du parti qui lançait un processus de gauche. Syriza progressa, obtenant 5% aux élections. Ce fut le début de changements majeurs car la crise mondiale frappait la Grèce en 2009 et creusait le fossé à gauche. Le Pasok fut élu à l’automne 2009 avec une grande majorité, mais il devint l’année suivante l’agent de la troïka et mit en place le premier mémorandum. En juin 2012, la ND remporta les élections et commença à mettre en œuvre le deuxième mémorandum.

    Les attaques massives de ces partis traditionnels, combinées aux énormes luttes sociales qui balayèrent la Grèce, en particulier à partir de 2010-12, jetèrent les bases de la montée de Syriza pour combler l’énorme vide qui avait été créé. À partir du printemps 2010, les confédérations syndicales (GSEE dans le secteur privé et les services publics, et ADEDY dans les services publics) commencèrent à déclencher des grèves générales. Au total, environ 40 grèves générales furent lancées entre 2010 et la victoire de Syriza en 2015.

    Celles-ci étaient couplées avec des occupations et des grèves sectorielles quelques mois durant. À l’automne 2011, il restait peu de bâtiments d’administration qui n’était pas couverts de bannières disant « sous occupation ». En parallèle, de nombreux autres mouvements sociaux et locaux extrêmement importants prirent place, comme la lutte de la population de Keratea contre un site d’enfouissement des déchets ou contre les mines d’or de Skouries à Chalkidiki dans le nord de la Grèce, le mouvement de désobéissance civile contre les péages routier durant l’hiver 2010 et le mouvement Occupy de 2011.

    Bien que des signes de fatigue se soient manifesté au milieu de l’année 2012 après de sérieuses défaites, des luttes d’importance historique subsistent, comme les travailleurs de l’ERT (Télévision publique d’état) en 2013 et les travailleurs de VIOME qui continuaient de garder leur usine en marche : ERT et VIOME fournirent tous deux d’excellents exemples de la façon dont les travailleurs pouvaient gérer la production de manière démocratique sans avoir besoin d’un patron ou de directeurs nommés.

    Pourquoi Syriza?

    À cette époque, seule la gauche pouvait offrir un moyen de sortir de la crise – même si les mêmes conditions favorisèrent la montée de l’extrême droite, qui se développa sous la forme de l’Aube dorée néo-nazie. Mais pourquoi est-ce Syriza qui s’éleva et pas un autre parti ? Avant le début de la crise et dans sa période initiale, le parti de gauche qui suscitait le plus grand intérêt était le KKE. Le front de gauche anticapitaliste, Antarsya, stagnait autour des 1% dans les sondages. Syriza montrait des signes de soutien important, mais avec de grandes fluctuations, alors que le KKE était plus stable, passant de son traditionnel 7-8% à 10-12%.

    L’une des principales différences (pas la seule, bien sûr) entre les trois formations, résidait dans le fait que le KKE et Antarsya étaient sectaires. Ils rejetaient, au nom de « l’authenticité révolutionnaire », l’idée d’un front uni de toute la gauche et des forces du mouvement de masse alors que Syriza était très favorable à l’idée d’une action commune. Le KKE suivit un chemin extrêmement sectaire de de rejet de collaboration avec qui que ce soit – jusqu’à refuser de participer aux mêmes manifestations !

    La percée de Syriza survint lors des élections de 2012, en mai et en juin. En mai, Syriza gagna environ 17% des voix et le KKE 8,5%. Mais en juin, Syriza atteignit 27%, juste derrière la ND et ses 29,7%, alors que le KKE était tombé à 4,5%. Ce qui est important, c’est la façon dont la force relative des partis évoluait avant et au cours des élections. À partir de décembre 2011, les sondages donnaient des pourcentages similaires à Syriza et au KKE – environ 12%. Dans les premières étapes de la campagne électorale – en fait, jusqu’à trois semaines avant le vote du 6 mai 2012 – les deux partis flirtaient chacun avec les 12%.

    Puis, Tsipras lança un appel ouvert au KKE pour un gouvernement commun de gauche. Auparavant, il refusait de lancer ce slogan malgré la pression des sections de la gauche. Sections qui comprenaient Xekinima, qui collaborait étroitement avec Syriza, dont une partie de nos membres faisaient également partie, faisant campagne pour un gouvernement des partis de gauche sur base d’un programme socialiste. L’impact de l’appel était clair. La direction stalinienne du KKE rejeta immédiatement tout type de gouvernement de gauche commun avec Syriza par principe ! Ils déclarèrent même que si Syriza était en mesure de former un gouvernement minoritaire, le KKE ne lui donnerait pas un vote de confiance au Parlement. En d’autres termes, ils le feraient tomber.

    Ce débat à l’intérieur de la gauche fit automatiquement pencher la balance. Syriza gagna et le KKE perdit. Le vote total de gauche en mai 2012 (17% + 8%) était semblable à celui enregistré dans les sondages dans les semaines et les mois précédents (12% + 12%) – sauf que Syriza passa en tête. Cela montre l’importance de l’approche du front uni pour les larges masses, ce qui, malheureusement, est bien au-delà de ce que pouvait concevoir la direction du KKE et de la plupart des organisations de la gauche grecque. Il n’y a pas de chiffres officiels mais, d’après les informations fournies par des membres du KKE, environ un tiers des membres quittèrent délibérément ou furent rejetés parce qu’ils s’opposaient au refus de KKE de répondre positivement à l’appel de Syriza.

    La capitulation était-elle inévitable ?

    La capitulation de Syriza à la troïka n’était pas inévitable. C’était le résultat du manque de compréhension par la direction des processus réels de la perception naïve, sinon criminelle, qu’ils « changeraient la Grèce et l’ensemble de l’Europe », comme Tsipras s’en vantait. C’était le manque de compréhension de la nature de classe de l’Union Européenne et un manque total de confiance dans la classe des travailleurs et sa capacité à changer la société. Lorsque Tsipras se retrouva face à ce que signifiait vraiment de se heurter à la classe dirigeante, il tomba dans le désespoir et capitula, faute d’un manque complet de préparation.

    Toute l’approche était emprunte d’amateurisme. Immédiatement après la victoire électorale de Syriza en janvier 2015, des centaines de millions d’euros commencèrent à s’échapper quotidiennement du pays. Tsipras et son ministre de l’économie, Yanis Varoufakis, n’avaient pas pris les mesures de bases : imposer des contrôles pour arrêter les sorties de capitaux. Ils avaient eu l’exemple à Chypre, en 2013 – où la troïka elle-même avait appliqué un contrôle des capitaux – pourtant, ils n’osèrent pas agir.

    Ensuite, ils firent quelque chose d’encore plus scandaleux. Ils continuèrent à rembourser la dette bien que la troïka ait cessé de fournir de nouveau financement de la dette ! Ils drainèrent l’économie, confisquant chaque euro des mains d’institutions publiques tels que les universités, les hôpitaux et les gouvernements locaux – pour montrer à l’UE qu’ils étaient de « bons garçons ». Ensuite, la BCE intervint pour geler les liquidités des banques et donc les forcer à fermer. L’économie était à genoux.

    Tsipras eut un choix à faire : abandonner et accepter tous les termes des vainqueurs vindicatifs, ou changer de cap et passer à l’offensive. Les masses grecques lui envoyèrent le message lors du référendum historique de juillet 2015 : ripostez et nous serons de votre côté. Mais Tsipras avait déjà décidé. Il céderait à la troïka. Il avait effectivement appelé le référendum dans le but de le perdre. Le résultat le choqua profondément ; Il ne s’attendait pas à une si écrasante victoire. Varoufakis le confirma lors d’une interview récente, disant qu’il avait déclaré à Tsipras “de ne pas faire sortir le peuple” s’il avait déjà décidé de concéder face aux exigences de la troïka.

    Une alternative existe, développée en détail par des organisations de gauche comme Xekinima: imposer un contrôle des capitaux; refuser de payer la dette; nationaliser les banques; passer rapidement vers une monnaie nationale (drachme); utiliser les liquidités fournies par cette monnaie pour financer des travaux publics majeurs, afin d’arrêter la contraction continue de l’économie et de la remettre sur le chemin de la croissance; annuler les dettes des petites entreprises écrasées par la crise et accorder des prêts sous des conditions favorables afin qu’elles puissent se remettre en activité et relancer rapidement l’économie.

    Nationaliser les secteurs clés de l’économie ; planifier l’économie, y compris par un monopole d’État sur le commerce extérieur, dans le but d’acquérir une croissance soutenue qui ne sert pas les bénéfices d’une poignée de propriétaires de navires, d’industriels et de banquiers, mais qui est au service des 99%. Créer des comités spécifiques de planification dans tous les secteurs de l’industrie et de l’exploitation minière, et accorder une attention particulière à l’agriculture et au tourisme qui sont essentiels à l’économie et ont un énorme potentiel. Etablir une économie démocratique, par le contrôle et la gestion par les travailleurs dans tous les domaines et à tous les niveaux. Lancer un appel au soutien et à la solidarité des travailleurs du reste de l’Europe, en les appelant à lancer une lutte commune contre l’Union européenne des patrons et des multinationales. Pour une union volontaire, démocratique et socialiste des peuples d’Europe. En bref, une offensive anticapitaliste et anti-Union Européenne sur base d’un programme socialiste et d’une solidarité de classe internationale aurait dû être la réponse au chantage de la troïka.

    C’était complètement au-delà de ce que pouvait imaginer Tsipras et Co, y compris Varoufakis. Même s’il faut lui reconnaître de ne pas s’être incliné devant les maîtres de l’UE, il n’en demeure pas moins que les politiques économiques appliquées entre janvier et juillet 2015 furent catastrophiques et Varoufakis en est directement responsable. Il nourrissait, et nourrit malheureusement toujours, des illusions sur le fait qu’il pouvait convaincre l’UE de changer ses politiques et se réformer.

    Qu’en est-il du reste de la gauche ?

    La capitulation de la direction de Syriza est un aspect des problèmes rencontrés par les masses des travailleurs grecs. L’autre, dans un certain sens plus important, est l’incapacité des forces de gauche à profiter de la capitulation de Syriza pour fournir une alternative. C’est particulièrement le cas pour les deux principales formations de gauche, le KKE et Antarsya, parlent toutes les deux au nom de l’anticapitalisme et de la révolution socialiste. La plupart de la gauche grecque souffre d’un certain nombre de « péchés éternels » en raison de l’influence massive du stalinisme sur son histoire et son développement. Avec des conséquences tragiques car le KKE et Antarsya ont des forces suffisantes, une masse critique, pour servir de catalyseurs de changements majeurs et de retournement de situation.

    Premièrement, il y a peu de compréhension du programme de transition, de la nécessité d’avoir un lien, un pont, entre les luttes d’aujourd’hui et la transformation socialiste de demain afin que les deux tâches s’entremêlent en un ensemble dialectique. En conséquence, le KKE parle de la nécessité du socialisme, mais ne le présente que comme un but à atteindre dans un avenir lointain qui se produira d’une manière ou d’une autre si et quand le KKE obtient une force suffisante. Le KKE refuse donc de soutenir des revendications telles que la nationalisation ou même la sortie de l’UE, avec pour argument que cela est « dénué de sens sous le capitalisme ».

    Antarsya, ce n’est pas la même chose, il règne cependant toujours une grande confusion dans ses rangs. Certaines sections soutiennent un « programme de transition » mais l’interprètent comme un programme minimum, en le séparant de la question de la prise du pouvoir par les travailleurs et de la transformation socialiste. Antarsya est connue pour sa caractéristique générale de faire de « grands appels à la révolution » sans propositions concrètes sur la façon d’y parvenir.

    Deuxièmement, il n’y a pas de compréhension de la tactique de front uni, expliquée et appliquée par les bolcheviks sous Lénine et par Léon Trotsky dans les années 1930, qu’il résumait comme la possibilité de « marcher séparément mais de frapper ensemble » dans l’action. Le KKE et Antarsya n’ont jamais eu une approche de front uni vers les masses de Syriza. Bien qu’ils aient compris qu’à un certain stade, Tsipras et Co capituleraient aux exigences des capitalistes, ils croyaient que, comme par magie, les masses déçues se tourneraient tout simplement vers eux. Néanmoins, les masses autour de Syriza, ne se joignirent pas à des forces qui les traitèrent avec mépris dans la période précédente. Ils rentrèrent juste chez eux.

    Troisièmement, c’est l’ultimatisme. Aujourd’hui, le KKE agit comme une copie de l’internationale communiste durant la « troisième période » stalinienne. Il accuse ses adversaires d’être des agents de la classe dirigeante et même des collaborateurs du l’Aube dorée néo-nazie. Récemment, à Kefalonia (une île de la mer Ionienne), le KKE distribua un tract contre Xekinima après que nos sympathisants aient remporté des élections pour le syndicat local des professionnels et petits commerçants. Ils affirmèrent que « l’extrême gauche » (Xekinima) collaborait avec les grandes entreprises, le Pasok, la ND, Syriza et Aube Dorée (tous ensemble !) pour vaincre la faction syndicale soutenue par le KKE. Il ne nous reste que nos yeux pour pleurer.

    Enfin, il y a un refus de faire face à la réalité. Après le référendum de juillet 2015 et les élections de septembre, que Tsipras présenta hâtivement aux masses afin de leur faire réaliser ce que signifiait sa capitulation, Xekinima déclara ouvertement que ces événements représentaient une défaite majeure. Nous avons expliqué que cela allait sûrement avoir un impact sérieux sur les mouvements et la gauche en général, bien que cela aiderait une minorité de militants à arriver à des conclusions révolutionnaires.

    La majorité de la gauche, cependant, refusait d’accepter cela. Ils appelèrent à un mouvement de masse pour faire tomber le gouvernement, ce qui ne pouvait tout simplement pas se produire. Ensuite, dans une réponse particulièrement caractéristique du KKE, si les masses ne vinrent pas se battre « c’est parce qu’elles ne comprennent pas ». En d’autres termes, c’est la faute des masses. Une deuxième réponse consistait à amplifier les dimensions d’un mouvement, à rapporter des chiffres erronés sur le nombre de participants aux manifestations, etc. Inutile de dire que ces approches ne pouvaient que conduire la gauche dans une impasse.

    Si ces failles majeures expliquent pourquoi les masses refusèrent de se tourner vers le KKE et Antarsya après la capitulation de Tsipras, qu’en est-il de la gauche interne à Syriza ? La principale opposition, la plateforme de gauche, avait le soutien d’environ un tiers du parti. Elle se scinda en août 2015 et créa l’Unité Populaire (PU) pour se présenter aux élections anticipées de septembre. Au début, les sondages lui donnèrent environ 10% – un soutien de masse significatif – mais ces chiffres retombèrent progressivement jusqu’à moins de 3%. Aujourd’hui, ils tournent autour de 1 à 1,5% dans la plupart des sondages.

    La direction de l’Unité Populaire commit un certain nombre d’erreurs cruciales. Tout d’abord, leur campagne se concentrait sur le passage à une monnaie nationale – son « programme » était non seulement trop limité mais également incohérent. Il défendait l’idée de quitter la zone euro et de refuser de payer la dette, tout en restant dans l’UE ! Sans à supprimer parler du fait qu’on était loin d’un programme radical, anticapitaliste et socialiste, il représentait surtout une combinaison impossible de revendications.

    Le deuxième facteur majeur fut l’arrogance de la direction et son approche bureaucratique top-down. Des milliers d’activistes de gauche, principalement non alignés, s’approchaient de l’Unité Populaire au moment de sa formation, dans l’espoir qu’elle pourrait offrir une issue. Mais ils furent déçus et s’en détournèrent. Ils l’avaient déjà auparavant et n’avaient déjà pas aimé : une direction établie (locale et nationale) qui n’acceptait aucune remise en question ; un programme préétabli qui ne devait pas être discuté ; et une campagne pour élire des députés désignés et pas élus par la base ! Peu avant le jour de l’élection, les responsables de l’Unité Populaire réalisèrent que les choses ne se passaient pas bien et ils tentèrent un virage démocratique de dernière minute, mais il était trop tard.

    Perspectives et tâches

    Vers la fin des années 1990, il était possible de voir d’où viendrait l’initiative pour la création d’une nouvelle formation de gauche en Grèce (laquelle devint Syriza). Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. La phase de défaite que traverse la classe des travailleurs grecs est sérieuse. Cependant, elle n’est pas du tout comparable à la défaite de la guerre civile de 1945-1949 ou à la victoire de la junte militaire de 1967 à 1974. La classe des travailleurs avec ses traditions militantes et d’abnégation seront de retour sur le devant de la scène, il n’y a aucun doute là-dessus. Bien sûr, le calendrier, l’ampleur et les caractéristiques précises de ce retour ne peuvent être prédits à l’avance. Ce processus se déroulera parallèlement à la tentative de construire de nouvelles formations qui pourront représenter politiquement le mouvement des masses et assurer la direction de ses luttes.

    Les activistes de la classe des travailleurs sont confrontés à une double tâche. D’une part, tirer la conclusion politique principale qui découle de la capitulation de Syriza : qu’il n’y a pas de solution dans le cadre du système capitaliste, qu’un programme socialiste révolutionnaire est le seul moyen de sortir de la crise. D’autre part, qu’il faut réunir, dans un large fleuve d’actions, de lutte et de résistance communes, tous les différents courants des mouvements grecs avec l’objectif supplémentaire de galvaniser ceux-ci au sein d’une nouvelle formation élargie avec des caractéristiques de front unique. Un large front uni est nécessaire pour rendre les luttes plus efficaces, tout comme un noyau de révolutionnaires est nécessaire pour lutter pour un programme socialiste au sein de la classe des travailleurs, des mouvements sociaux et de la société.

    Objectivement, il y a un terreau fertile à ces idées. Le problème est subjectif et est lié aux déficiences des forces principales de la gauche. Par conséquent, nous pouvons seulement nous battre pour ces idées et prendre des initiatives lorsqu’il est possible de montrer la voie à suivre. Xekinima fait campagne dans le mouvement de masse et la société pour ces propositions et, prend, en même temps, des initiatives qui nous indiquent le chemin à suivre. Des initiatives telles que des alliances locales de gauche, des « centres sociaux » locaux avec d’autres militants de gauche, des campagnes communes avec d’autres groupes, en particulier sur des questions qui touchent la classe des travailleurs, etc.

    Il y a une retraite dans le mouvement de masse et il y a de la démoralisation. Il y a très peu de luttes majeures, « centrales », mais beaucoup de petites et d’importantes. Parallèlement, de nombreux activistes ont soif d’idées. La phase d’accalmie actuelle prendra fin, tôt ou tard, et de nouveaux soulèvements sont à prévoir. Les forces du socialisme révolutionnaire s’appuient sur cette perspective.

  • Avec un programme progressiste combattif, la gauche peut faire une percée en Flandre

    Le PTB le 1 mai à Anvers. Photo : Liesbeth

    La campagne pour les élections communales a démarré. Le PTB espère obtenir une nouvelle percée électorale et nous espérons que nous pourrons nous joindre à eux. Tout comme lors des dernières élections, le PTB organise une grande enquête pour estimer quels sont les thèmes locaux les plus importants pour ses électeurs potentiels. C’est sur cette base que sera établi le programme électoral de 2018. Il est positif que le PTB veuille de cette manière impliquer des couches plus larges de la population et créer une certaine participation démocratique. Les enjeux sont grands. Nous souhaitons exprimer ici quelques remarques critiques.

    Par Jarmo (Anvers)

    Construire un programme au travers de la mobilisation

    Une enquête peut être utile mais, pour donner une ouverture plus large à des revendications offensives, nous soulignons l’importance des actions et des mouvements sociaux. C’est grâce à cela que la conscience et la clarté autour de revendications spécifiques peuvent être développées et qu’un soutien actif plus large peut être construit. Les marxistes sont présents là où le changement peut réellement être imposé : dans la rue, dans les mouvements sociaux. S’ils sont élus, ils deviennent les porte-parole de ceux-ci et ils défendent leurs revendications au conseil communal. Un programme socialiste de gauche devrait, dès lors, être construit au travers de la lutte.

    Il ressort directement du ‘‘grand questionnaire’’ du PTB que tout est élaboré pour respecter le cadre des compétences du conseil communal et le carcan financier dans lequel les administrations locales se trouvent. Mais pour réellement répondre aux besoins sociaux de la ville, il faudra aller plus loin. Un programme socialiste pour les élections communales doit, selon nous, partir de tous les besoins sociaux sur le plan de l’emploi, de la pauvreté, de la précarisation et du logement et des propositions nécessaires pour s’attaquer au manque de moyens.

    Car des moyens, il y en a. Même dans une ville comme Anvers : les diamantaires fraudeurs et les patrons du port sont assis sur des montagnes d’argent qui doivent être mobilisées d’urgence pour la collectivité. Sans lutte et sans mobilisation, par exemple, en collaboration avec d’autres ‘‘villes rebelles’’, cela ne marchera pas. Des initiatives et campagnes audacieuses peuvent constituer un point de départ.

    Des propositions intéressantes

    Le ‘‘Grand questionnaire’’ que le PTB mène à Anvers (les questions diffèrent de ville en ville) ne manque pas de propositions intéressantes. Nous accueillons positivement l’idée de transports en commun décents et gratuits : cette revendication est nécessaire en complément des propositions autour de la couverture du ring.

    Il y a aussi l’idée de démarrer un projet pilote d’une semaine de travail de 30 heures dans les services communaux. Nous ne pouvons évidemment pas être opposés à cette revendication, mais nous nous demandons tout de même pourquoi parler d’un ‘‘projet pilote’’ au moment où même plusieurs commentateurs de l’establishment se prononcent en faveur d’une répartition plus équitable du travail. Une semaine de 30 heures généralisée sans perte de salaire et avec embauche compensatoire dans les services publics pourrait exercer une pression sur d’autres secteurs pour rendre la charge de travail plus humaine chez eux aussi.

    Mais également des limites…

    Malheureusement, le projet pilote d’une semaine de 30 heures est le seul point sur le travail dans le questionnaire. Dans le contexte actuel où le chômage des jeunes est de 25% dans plusieurs quartiers d’Anvers, c’est particulièrement limité. Il faut tout faire pour offrir une perspective d’avenir à ces jeunes. Cela implique de défendre un programme massif de création d’emplois. Les possibilités ne manquent pas à cet égard.

    Ailleurs dans l’enquête, le PTB parle, par exemple, d’éducateurs de rue sur toutes les places. Il y a aussi une proposition pour développer l’aide aux devoirs à l’école et dans le quartier. Le parti néglige de dire de quel type d’emplois il s’agirait : un véritable emploi ou du volontariat ? Il faut impérativement stipuler qu’il s’agirait de véritables emplois avec de bonnes conditions de travail.

    Pourquoi, par exemple, ne pas revendiquer que, dans le cadre d’un plan d’investissements massifs dans l’enseignement communal, il y aurait engagement de plus de personnel d’accompagnement pour non seulement garantir l’accompagnement mais aussi pour alléger la charge de travail du personnel existant.
    L’enquête prône une ‘‘ville sans profiteurs’’ : pour y parvenir, le PTB veut, entre autres, une ‘‘diminution des salaires les plus élevés des CEO dans les entreprises communales’’. A nouveau : personne ne peut être contre ce type de revendication. Mais elle est tout de même limitée. Nous trouvons bizarre de décrire des services publics comme ‘‘entreprises communales’’ et des cadres comme “CEO” : ne serait-ce pas aller loin dans la logique qui considère les services publics avant tout comme des entreprises lucratives ? Un plan massif d’investissements dans les services publics avec un projet de mobilisation y afférent dans les rues et dans les quartiers pour s’opposer à cela répondrait à beaucoup de besoins et pourrait être une rampe de lancement vers un gouvernement de gauche qui casse avec la politique d’austérité.

    Au final, les mesures proposées dans cette enquête sont légères. Mais une nouvelle percée électorale du PTB serait positive pour toute la gauche et pour les travailleurs. C’est pourquoi le PSL veut participer comme force constructive de soutien à la réalisation de cette percée et, en même temps, se battre pour une rupture anticapitaliste socialiste.

  • Des majorités progressistes en 2019 ?

    Le 1er juillet dernier, un sondage commandé par le MR à l’institut Dedicated Research accordait près de 25% des intentions de vote au PTB en Wallonie. Un coup de tonnerre politique. Et à situation inédite, développements inédits. Peu après, le secrétaire général de l’interrégionale wallonne de la FGTB, Thierry Bodson, déclarait sur les ondes de la Première : ‘‘Si en 2019, il y a possibilité d’une alliance à gauche (Ecolo, PTB, PS), il faut essayer de mettre en place une telle coalition. En politique, il y a des moments qui peuvent ne pas se représenter.’’

    Par Nicolas Croes, rédacteur en chef de Lutte Socialiste

    En septembre, la FGTB a également entamé une série de rencontres en prévision des congrès qui auront lieu en mai 2018 afin de mettre à jour diverses revendications. Et, surprise, le PS n’est plus la seule formation à être consultée. Des discussions sont aussi prévues avec Ecolo et le PTB. En janvier, un nouveau cycle de rencontres devrait avoir lieu avec cette fois-ci pour thème spécifique ce projet d’une alliance gauche-verte en 2019.

    De la crainte à l’audace

    Beaucoup de gens auront certainement réagi en se disant que ces 3 partis ne peuvent pas laisser passer une telle opportunité de mettre un terme aux politiques d’austérité. Mais l’enthousiasme ne règne guère dans les états-majors des partis concernés. Au PS, le silence est assourdissant. Chez Ecolo, la coprésidente Zakia Khattabi s’est réfugiée derrière le ‘‘choix des électeurs’’ de 2019, non sans une certaine condescendance. Et au PTB ? Le président du parti, Peter Mertens, a expliqué dans les pages de La Libre : ‘‘Nous ne participerons pas au pouvoir régional et fédéral en 2019’’? tout d’abord parce qu’il n’existe pas de ‘‘volonté de mettre en place un gouvernement qui voudrait la confrontation totale avec les institutions européennes’’, mais aussi pour éviter de ‘‘casser notre parti en plaçant tous les cadres dans des cabinets ministériels’’(1).

    De telles réactions risquent d’être incompréhensibles aux yeux de toutes les victimes de la barbarie néolibérale. Les risques pointés par Peter Mertens existent cependant bel et bien. Le PTB a beau avoir un appareil de parti impressionnant et un noyau dur de militants loyaux préparés à faire de grands sacrifices, tout cela est-il suffisamment solide pour prendre à bras le corps les défis à venir ?

    Jean-Luc Mélenchon a probablement dû se poser des questions similaires avant de lancer la dynamique de La France Insoumise. Très rapidement, il a toutefois pu construire un large mouvement politique en offrant un espace à toutes les personnes désireuses de lutter contre l’austérité : syndicalistes, écologistes, féministes, membres d’ONG,… Cette approche – ouverte et sans exclusives à gauche – a donné naissance à une dynamique toujours en construction (pensons aux 150.000 personnes réunies à Paris le 23 septembre) qui a indéniablement permis de rapidement créer une spectaculaire force politique. Elle a su attirer à elle un réservoir de talents jusque-là dispersés dans la société. Le paysage politique français en a radicalement été chamboulé.

    Avec une telle approche, l’appel de la FGTB pourrait être saisi comme moyen de construire dès aujourd’hui un front de résistance sociale qui serait également en mesure d’entraîner des syndicalistes de la CSC. La mobilisation de la rue aiderait à clarifier largement qui veut sérieusement mettre fin à la dictature des marchés et qui ne s’intéresse qu’aux belles phrases de campagne électorale. Mais, surtout, l’expérience ainsi acquise permettrait de développer un large cadre de militants expérimentés pour prendre sur leurs épaules le poids du développement d’une alternative politique anti-austérité démocratique et combative. Un mélange entre lâcher-prise et tenir bon.

    C’est grâce à cette force politique qu’il sera possible d’imposer des conditions favorables aux intérêts des travailleurs. Face à la perspective de nouveaux gouvernements de droites dures, nous comprenons bien l’enthousiasme que des ‘‘coalitions progressistes’’ pourra susciter. Mais n’entretenons aucune illusion : tout dépendra du contenu concret de leur politique. Et donc du rapport de force du mouvement social.

    (1) La Libre Belgique, 23 et 24 septembre 2017.

  • L’establishment pris de panique et bousculé par les nouvelles formations de gauche

    Mélenchon, lors de la marche de La France Insoumise du 23 septembre, à laquelle ont participé 150.000 personnes. Photo : Gauche Révolutionnaire

    Le 23 septembre, ce sont 150.000 personnes qui ont répondu à l’appel de la France Insoumise (LFI) pour défiler à Paris contre le ‘‘coup d’Etat social’’ de Macron ! Tandis que ce dernier voyait sa cote de popularité continuer de chuter, LFI arrivait largement en tête des formations citées comme première force d’opposition au gouvernement. ‘‘Je crois en la démocratie, mais la démocratie, ce n’est pas la rue’’, a réagi Macron, visiblement très agacé. A Paris, face à la gigantesque foule, Mélenchon lui a répondu : ‘‘C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE… (…) La bataille n’est pas finie, elle commence.’’

    Par Nicolas Croes

    La révolte dans les urnes

    En France et ailleurs, le paysage politique traditionnel fait face à un séisme inédit. Depuis le début de la crise, les partis traditionnels ont appliqué une politique fondamentalement identique: l’austérité. Electoralement, le prix à payer fut très lourd, tout particulièrement pour les partis sociaux-démocrates. Leur argument du ‘‘moindre mal’’ était usé jusqu’à la corde. Pour les différentes classes capitalistes nationales, aux profondes difficultés économiques s’ajoutait la crise de leurs instruments politiques privilégiés. Longtemps exception à la règle, même le PS d’Elio Di Rupo est maintenant touché.

    Pour l’establishment capitaliste, le pire était encore à venir : le processus de développement de nouvelles formations et courants de gauche a été accéléré. Le phénomène n’était pas neuf, mais le caractère durable de la crise a offert un soutien particulièrement large à des formations telles que SYRIZA et Podemos. SYRIZA est arrivé au pouvoir début 2015. Dans l’Etat espagnol, Podemos et les listes de confluence de gauche prenaient leur envol. Au Royaume-Uni, la direction du Parti travailliste a échappé à l’aile droite du parti. Leurs multiples manœuvres n’ont pas réussi à contenir l’arrivée massive et enthousiaste des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui ont porté le vétéran de la gauche du parti Jeremy Corbyn à sa tête. De l’autre côté de l’Atlantique, Bernie Sanders a chamboulé les primaires Démocrates face à la candidate par excellence du monde de Wall Street, Hillary Clinton.

    Comment parvenir au changement

    Les formations et figures de gauche qui ont su exprimer audacieusement l’envie de changements radicaux ont pu compter sur un large écho. Après des décennies où la pensée unique néolibérale a pesé telle une chape de plomb, l’arrivée d’un programme même limité de réformes progressistes a semblé révolutionnaire aux yeux de beaucoup de personnes, même si le programme de ces nouvelles formations ne dépasse généralement pas le cadre de simples ajustements au système capitaliste. L’idée la plus en vogue est encore que le capitalisme pourrait être graduellement démantelé pour donner naissance à une société égalitaire, sans grandes précisions sur ce que pourrait bien être une telle société.

    De nos jours, c’est encore la classe capitaliste qui constitue la classe dominante. Cette classe sociale possède et contrôle les ressources économiques cruciales de la société (finance, grandes entreprises,…) et est liée à l’appareil d’Etat (justice, forces armées, échelons élevés de la fonction publique,…) par un millier de ficelles. L’Histoire a déjà démontré à maintes reprises que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973.

    De plus, en cette période de crise de longue durée, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes que dans la période exceptionnelle d’après-guerre où existait également la pression de l’URSS. L’expérience de SYRIZA démontre que, aujourd’hui, la confrontation ou la capitulation avec le système capitaliste et ses institutions se posera très rapidement. Pour les créanciers et la classe capitaliste, il faut à tout prix éviter le risque de contagion politique qui pourrait naître d’une rupture avec la politique d’austérité. La plus importante était d’humilier SYRIZA et de décourager de nouvelles initiatives de gauche. Là où un certain espace de réformes progressistes a pu exister, comme au Venezuela, la fin des prix élevés du pétrole a rapidement entrainé la fin de diverses conquêtes sociales tandis que le pays s’enfonçait dans la crise politique et sociale. Au Venezuela, l’échec ne provient pas du socialisme, mais justement de l’absence de rupture socialiste avec le pouvoir du capital.

    Construire le mouvement

    Ces nouvelles formations de gauche représentent de véritables pas en avant pour débattre du programme, de la stratégie et des tactiques nécessaires à la prise du pouvoir par les travailleurs et la jeunesse. L’expérience de Syriza souligne l’intérêt fondamental d’adopter une approche révolutionnaire, c’est-à-dire de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie de confrontation reposant sur le refus du paiement de la dette publique, sur l’instauration d’un contrôle des capitaux, sur la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs, sur l’élaboration démocratique d’une planification de l’économie collectivisée pour répondre aux urgences sociales et écologiques laissées par le capitalisme.

    Afin de contrôler effectivement les leviers de l’économie, la collectivité doit les posséder. On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Il en va de même pour le mouvement social lui-même. Le meilleur moyen d’assurer que ce programme soit appliqué, c’est qu’il soit porté par la base. Pour cela, il faut construire un instrument politique: un parti de masse des travailleurs capable de réunir toute l’énergie du mouvement afin d’en faire une véritable force reposant sur le nombre. Il faut bien entendu donner une direction à cette force, et c’est là tout l’intérêt d’un programme. Pour le PSL, arracher de véritables changements signifie de viser à une transformation socialiste de la société. Chaque pas en avant est positif en soi, mais il doit toujours être conforme à cet objectif.

    #JoinTheWave : construire une campagne de gauche large et inclusive en Belgique ?

    En 2014, la gauche radicale est arrivée au parlement pour la première fois depuis les années ’80. Depuis lors, Les élus du PTB ont donné plus d’échos à un débat qui, jusque-là, était essentiellement limité aux lieux de travail et aux milieux militants. Aujourd’hui, les sondages laissent présager une percée bien plus importante.

    Avec son appel #JoinTheWave (rejoins la vague), le PTB vise à construire une large campagne autour du parti en disant que voter ne suffit pas, qu’il faut aussi s’organiser. Au-delà de la répartition de tâches pratiques auprès des bénévoles pour les campagnes électorales, l’appel #JoinTheWave pourrait opter pour une approche large et inclusive reposant sur l’action. Les campagnes de gauche qui ont connu les plus grands succès électoraux sont celles qui ont su susciter l’enthousiasme et la participation massive dans l’action. Dans l’Etat espagnol, Podemos a bénéficié du mouvement des Indignés. Aux Etats-Unis, il y a eu le mouvement Occupy avant Sanders. Ou encore les meetings et manifestations de masse autour de Corbyn en Angleterre et de Mélenchon en France.

    Cela pourrait ainsi ouvrir la voie à l’engagement actif de dizaines de milliers de personnes impliquées dans les mouvements syndicaux, de jeunesse, féministes, écologistes, antiracistes, pacifistes,… autour du PTB. Et comment mieux lancer une telle campagne que par le moyen d’une large mobilisation vers des débats publics dans toutes les villes, ouverts à toute personne désireuse de rejoindre ‘‘the wave’’, à titre individuel ou avec son parti, sa délégation syndicale, son association,… ? La création de ‘‘groupes d’appui’’ pourrait y être proposée, à l’instar de ceux de la France Insoumise. Ces groupes pourraient donner de l’élan aux campagnes électorales, mais aussi aux mobilisations sociales, comme c’est le cas des groupes d’appui de la France Insoumise.

    Si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate pour tous les employés communaux d’une semaine de 30 heures de travail sans perte de salaire avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour davantage de logements sociaux de qualité et énergétiquement neutres et, entretemps, assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la camisole financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. Dans les années 80’, le conseil municipal de Liverpool, en Angleterre, a trouvé la parade pour lancer son vaste programme d’investissements publics. Il a construit un front de résistance d’une vingtaine de municipalités de gauche. Et, via des grèves et des manifestations de masse, il a forcé le gouvernement Thatcher à céder un refinancement de la ville.

    Une initiative inclusive basée sur l’action peut permettre une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de nous étouffer l’est également ; un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car les marges pour changer la politique n’existent pas sous le capitalisme.

  • Le PTB face à de grands défis : Transformer de bons sondages en véritables changements.

    Une percée historique du PTB

    Cette huitième édition de Manifiesta sera marquée par l’enthousiasme que suscitent les récents sondages favorables au PTB. Ces derniers mois, la résistance sociale contre le gouvernement de droite semblait bloquée. Un élan de gauche s’est développé sur le terrain politique. Que signifiera cette percée historique ? Les élections communales verraient l’arrivée de centaines d’élus. L’année suivante, le PTB obtiendrait potentiellement beaucoup de parlementaires supplémentaires. Ceux-ci feront entendre la voix des personnes ordinaires, non seulement dans les parlements mais également en dehors. Cela poussera fortement vers la gauche l’ensemble des débats.

    Cela place le PTB devant des défis considérables. C’est vrai, ce serait une erreur de faire n’importe quoi pour des succès superficiels. Mais laisser passer le moment en serait une autre. Il faut au contraire de l’initiative pour le saisir au maximum, non seulement électoralement mais aussi afin de dynamiser la résistance contre la casse sociale. La grève du 10 octobre qui ripostera aux provocations de Michel dans les entreprises et dans la rue pourrait ainsi être accompagnée d’une force de contre-attaque sur les plateaux et dans la presse.

    Les partis traditionnels sont frappés d’un discrédit croissant. Le PS a finalement rejoint le processus de crise profonde de la social-démocratie en Europe. Le récent virage à gauche du PS – par crainte de devenir ‘obsolète’ à l’instar de son confrère social-démocrate grec – n’a ni le caractère, ni la crédibilité du mouvement autour de Jeremy Corbyn en Angleterre. D’une part, Di Rupo a lui-même dirigé un gouvernement d’austérité. Il existe d’autre part une alternative électorale à gauche avec le PTB et ses élus qui touchent l’équivalent du salaire moyen d’un travailleur.

    S’inspirer des dynamiques Sanders, Corbyn, Podemos & Mélenchon

    Le PTB a lancé l’appel #JoinTheWave. Les campagnes de gauche qui ont connu les plus grands succès électoraux sont celles qui ont su susciter l’enthousiasme et la participation massive, en reposant sur des campagnes larges et inclusives basées sur l’action. Dans l’Etat espagnol, Podemos a bénéficié du mouvement des Indignés. Aux Etats-Unis, il y a eu le mouvement Occupy avant Sanders. Ou encore les meetings et manifestations de masse autour de Corbyn en Angleterre et de Mélenchon en France.

    Podemos a réussi à remporter ses premières mairies avec des listes de confluence de gauche. Celles-ci rassemblaient différents partis de gauche mais aussi des activistes des mouvements sociaux à l’instar de l’actuelle maire de Barcelone, Ada Colau, ancienne porte-parole de la PAH (Plate-forme des Victimes du Crédit Hypothécaire). La dynamique de la France Insoumise a atteint le demi-million d’adhérent et compte des centaines de groupes d’appui locaux où chaque personne soutenant la candidature de Mélenchon a pu s’impliquer.

    Peter Mertens appelle à ne pas seulement voter PTB mais aussi à s’organiser. Au-delà de la répartition de tâches pratiques auprès des bénévoles pour les campagnes électorales, l’appel #JoinTheWave pourrait opter pour cette approche large et inclusive basée sur l’action.

    Cela pourrait permettre un engagement actif de dizaines de milliers de personnes impliquées dans les mouvements syndicaux, de jeunesse, féministes, écologistes, antiracistes, pacifistes,… autour du PTB. Le lancement d’une telle campagne pourrait débuter par une large mobilisation vers des débats publics dans toutes les villes, ouverts à toute personne désireuse de rejoindre ‘‘the wave’’, à titre individuel ou avec son parti, sa délégation syndicale, son association,… La création de groupes d’appui pourrait y être proposée, à l’instar de ceux de la France Insoumise qui ont largement contribué au succès des meetings de masse de Paris, Marseille, Toulouse et Lille.

    Ces groupes d’appui se construiraient tout d’abord via les campagnes électorales, qui sont en ligne de mire, mais ne se cantonneraient pas qu’à cet aspect. Benoit Lutgen a repositionné le CDH dans la perspective d’un deuxième gouvernement de droite dure après 2019. Les nouvelles attaques comprises dans l’accord d’été du fédéral ont démontré qu’un gouvernement thatchérien ne cessera son offensive que si nous l’arrêtons nous-mêmes. Cela exigerait de transformer l’essai des succès électoraux en large mouvement de résistance, à l’image de la France Insoumise. A côté de son travail parlementaire, ses groupes d’appui portent aujourd’hui l’appel pour la manifestation du 23 septembre contre le ‘‘coup d’Etat social’’ de Macron. Une initiative audacieuse tombée à point nommé pour renforcer la grève nationale de la CGT du 12 septembre et celle du 21 septembre.

    Briser la camisole de force financière des autorités

    Il est vrai que le PTB n’est pas encore en mesure de ‘‘former un gouvernement qui entrera en collision avec les principes actuels de concurrence et de déséquilibre’’ et qui ‘‘à cette fin demandera le soutien actif de la population’’, comme l’a écrit Peter Mertens. Mais si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée.

    Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate pour tous les employés communaux d’une semaine de 30 heures de travail sans perte de salaire avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou, au moins, des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour davantage de logements sociaux, de qualité et énergétiquement neutres et, entretemps, assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc.
    Il y a un énorme contraste entre ce qu’a pu réaliser la mairie de gauche à Barcelone et les majorités précédentes, surtout pour les plus fragilisés par l’impact de la crise : accès garantit aux cantines scolaires, aides aux familles monoparentales, diminution des coûts des crèches, nouveaux logements sociaux. Mais pour la PAH, c’est insuffisant : il est nécessaire de construire 120.000 logements sociaux. Le plan contre la pauvreté énergétique a été boycotté par les fournisseurs privé et la création d’une entreprise publique d’énergie se heurte à la loi de libre concurrence. Ada Colau se heurte aux limites budgétaires et légales pour appliquer l’ensemble de son programme.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la camisole financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. Dans les années 80’, le conseil municipal de Liverpool, en Angleterre, a trouvé la parade pour lancer son vaste programme d’investissements publics. Il a construit un front de résistance d’une vingtaine de municipalités de gauche. Et, via des grèves et des manifestations de masse, il a forcé le gouvernement Thatcher à céder un refinancement de la ville.

    Une initiative inclusive basée sur l’action peut permettre une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais également un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de nous étouffer ; un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car les marges pour changer la politique n’existent pas sous le capitalisme.

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  • Vers une recomposition du paysage politique en 2019

    Photo de Liesbeth

    Les résultats du sondage Dedicated Research, réalisé du 23 au 27 juin, ont été accueillis avec enthousiasme par de nombreux travailleurs et jeunes, y compris au camp d’été d’EGA et du PSL début juillet. Selon ce sondage, le PTB deviendrait le plus grand parti de Wallonie, progresserait fortement à Bruxelles et franchirait le seuil électoral en Flandre. Le PTB/PVDA deviendrait le plus grand groupe au Parlement fédéral avec 26 sièges, à pied d’égalité avec la N-VA. Cette recomposition du paysage politique pourra enflammer le parlement, orienter les débats politiques dans une direction différente et faire entendre la voix du mouvement des travailleurs bien au-delà du parlement.

    Par Eric Byl, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Ce n’était pas l’intention du MR quand il a commandé ce sondage. Il voulait mesurer l’impact électoral des scandales autour de Publifin et Samusocial, en espérant qu’il serait particulièrement mauvais pour le PS. C’est le cas, il plonge à 16%, la moitié de son résultat déjà médiocre de 2014. Mais ce n’est ni le MR (-2,6%) ni le CDH (-4,2%), dans les scandales jusqu’au cou, qui en bénéficient. Ecolo (+ 3,1%) et Défi vont de l’avant, mais c’est surtout le PTB et ses parlementaires au salaire d’un travailleur qui confirme et renforce la percée observée dans les sondages antérieurs.

    La fin de la stabilité

    Nous voyons ici encore que la conscience est habituellement en retard sur la réalité, qui ne progresse pas de manière linéaire mais par chocs, que l’histoire n’est pas le produit de l’évolution mais de la révolution en d’autres termes. L’époque où il était possible de masquer les contradictions de classe sur base de la croissance d’après-guerre est déjà loin. À cette époque, le parti interclassiste CVP pouvait encore se présenter comme l’architecte de la reconstruction, mais c’est devenu intenable au début des crises économiques en 1974-75 et cela explique les divisions politiques en Flandre. A la même période, la social-démocratie revendiquait la paternité de l’État-providence.

    Pendant longtemps, le PS semblait immunisé à la crise internationale de la social-démocratie. Il pouvait compter sur un réservoir de travailleurs combatifs qui étaient envoyés vers le PS par les dirigeants syndicaux et, en même temps, se profiler dans les gouvernements de coalition comme une opposition interne à la majorité flamande de droite. Il n’a pas été puni pour le clientélisme et l’enrichissement personnel, jusqu’à ce que Di Rupo dirige un gouvernement austéritaire et que le PTB, avec ses premiers élus, fournisse une alternative électorale à gauche.

    Ce sondage gêne également l’illusion développée par les dirigeants syndicaux selon laquelle le gouvernement Michel I serait presque automatiquement électoralement punis en 2019, après quoi la situation se ‘‘normaliserait’’ avec un gouvernement de centre-gauche. Au lieu de s’appuyer sur la force du mouvement des travailleurs, ils ont placé tous leurs espoirs dans leurs partenaires politiques traditionnels. Mais la N-VA prospère justement sur les frustrations créées par sa casse sociale. La repousser exige une force qui repose sur le mouvement unifié des travailleurs. Avec sa percée électorale, le PTB peut jouer un rôle important dans les deux régions du pays.

    Que Lutgen attendait son moment pour envoyer le cdH vers la droite, ce n’était pas vraiment une surprise. Le PS lui a offert cette opportunité sur un plateau d’argent. Avec la formation d’une majorité alternative de centre-droit en Wallonie, la reconduction du centre-droite au niveau fédéral est également plus palpable. C’est en soi une petite révolution que Michel ne doit pas à ses propres forces, mais à la faiblesse de l’opposition politique et sociale.

    Percée du PTB

    Mais, avec la progression du PTB, cette révolution est immédiatement éclipsée par une plus grande encore. Michel peut s’imaginer être premier ministre, peut prétendre que lui et son gouvernement ont créé des emplois et peut parler d’un printemps économique, tout cela est très fragile. La grande majorité de la population ne remarque rien, ou si peu, et croit que le gouvernement sert les riches et les classes moyennes supérieures. Le gouvernement a reporté l’équilibre budgétaire, mais il nous fera encore subir des économies considérables et une ‘‘réforme fiscale’’ favorable aux entreprises. Si à cela s’ajoute une nouvelle crise financière internationale, le ralentissement de la croissance européenne et, par conséquent, la baisse des exportations, ou encore une augmentation des taux d’intérêt sur la dette publique, cela causera des problèmes et le PTB pourrait encore accroitre son score électoral.

    Que le PTB mette en garde contre des attentes excessives est compréhensible. Mais une chance telle que celle-ci se présente rarement et si le PTB ne fait aucun effort pour la maximiser, l’élan peut passer. Les formules les plus réussies à l’étranger sont celles qui ont reposé sur des actions concrètes : Podemos en Espagne avec les Indignados, Sanders avec Occupy, Corbyn et Mélenchon avec des manifestations et meetings de masse. Ils ont généralement dû lutter contre la résistance des dirigeants syndicaux conservateurs qui ont soutenu Clinton, le PSOE espagnol et les adversaire de droite de Corbyn. Ce ne sera pas différent en Belgique.

    Chacun d’entre eux a opté, non pas sans opposition, pour une approche inclusive. La France Insoumise de Mélenchon a mis en place des groupes de soutien dans tout le pays, Podemos a participé à des listes de convergence de gauche aux élections locales, etc. Une approche tout aussi axée sur l’action et inclusive aidera le PTB à maximiser le potentiel présent. Le PSL a d’ailleurs soumis par écrit une proposition au PTB pour voir comment nous pouvons y aider, y compris en offrant des candidats au PTB pour les élections communales de 2018.

    Vers des majorités progressistes ?

    Il est vrai que le PTB n’est pas encore en mesure de ‘‘former un gouvernement qui entrera en collision avec les principes actuels de concurrence et de déséquilibre’’ et qui ‘‘à cette fin demandera le soutien actif de la population’’, comme l’écrit Peter Mertens. Mais si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Elles pourraient servir de levier en faveur de l’idée d’un gouvernement majoritaire de gauche, un gouvernement des travailleurs, d’abord au niveau régional.

    Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate d’une semaine de 30 heures sans perte de salaire pour tous les employés communaux avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour plus de logements sociaux, de qualité et énergétiquement neutres, et entre-temps assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc. Cela et bien d’autres mesures concrètes pourraient poser les bases d’une mobilisation massive de la population.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la crise financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. La mobilisation et l’organisation autour d’une lutte pour exiger plus de moyens seront nécessaires, ainsi qu’une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais également un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de se nous étouffer, un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car sinon ‘‘les marges pour changer la politique’’ n’existe pas.

  • Mélenchon, Corbyn, Sanders, etc. Le retour du péril rouge ?

    Le mois de juin a connu deux élections aux résultats inédits, des deux côtés de la Manche. En France, aux élections législatives, le PS a confirmé la débâcle des présidentielles. De ses 287 élus obtenus en 2012 (302 avec ses alliés), il n’en reste plus aujourd’hui que 30 (46 avec ses alliés). ‘‘La déroute du Parti socialiste est sans appel’’, a déclaré le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis. Quelques jours plus tôt, en Grande- Bretagne, le Parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn arrivait à briser la majorité conservatrice sans pour autant remporter les élections. Mais au-delà de l’arithmétique électorale, une bataille essentielle a été gagnée : celle des idées. Le socialisme est redevenu populaire. Et la panique s’est emparée de la classe dirigeante. En route vers un Octobre rouge ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Le pari perdu de Theresa May

    Lorsque la Première ministre conservatrice Theresa May a annoncé la tenue d’élections anticipées, elle entendait considérablement renforcer sa majorité parlementaire. Le Labour (parti travailliste) était 20 points derrière les conservateurs dans les sondages et son dirigeant Jeremy Corbyn était contesté en interne. Ce dernier, élu par les membres de base pour défendre un programme anti-austérité, est aux prises avec une véritable guerre civile que lui mène la droite du parti depuis 2015. Dans les faits, deux partis existent actuellement au sein du Labour: celui des partisans de Tony Blair qui soutiennent une politique favorable aux grandes entreprises et aux riches et celui des nouvelles couches qui entendent mettre un terme à la politique d’austérité autour de Jeremy Corbyn.

    Au mois de mai, le manifeste électoral travailliste a été rendu public. C’était un plaidoyer en faveur de l’enseignement supérieur gratuit, de l’augmentation des dépenses dans les soins de santé, de la renationalisation de la poste et du rail,… La dérision dominait dans la presse dominante du Royaume-Uni. “Le manifeste du Labour nous ramène dans les années ‘70’’, avait ainsi sarcastiquement titré le Daily Mail. Sauf que pour une bonne partie de la population, confrontée à une austérité sauvage depuis des années, cette idée était plutôt séduisante ! Le Labour a finalement terminé sa campagne avec 40 % des voix en l’ayant commencée à 25%, ce qui constitue son meilleur résultat depuis des années. Avec un gain de 30 députés par rapport à la précédente législature, le Labour est apparu vainqueur des élections puisque les conservateurs avaient quant à eux perdu 13 députés, tout en restant malgré tout en tête. Parmi la jeunesse, 71% des électeurs se sont rendus aux urnes pour se prononcer à 72% en faveur du parti de Jeremy Corbyn.

    ‘‘Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer’’ – Jean-Luc Mélenchon

    Quand François Hollande a été élu président en 2012, le PS disposait de la majorité à l’Assemblée et au Sénat, dans les deux tiers des départements ainsi que dans toutes les Régions, sauf une. Mais, à l’exception notable du mariage égalitaire (ouvrant ce droit aux couples de même sexe), sa politique fut synonyme de profond recul social, notamment en matière de législation du travail. Aujourd’hui, le parti a quasiment été balayé de la scène.

    A sa gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon – lui-même élu – est parvenue à obtenir 16 sièges à l’Assemblée tandis que le Parti Communiste Français en obtenait 11. Même si un accord ne survient pas entre le PCF et la FI, cette dernière pourrait constituer un groupe parlementaire. Parmi ses élus figure notamment François Ruffin, rédacteur en chef du journal Fakir et auteur du documentaire césarisé Merci patron !. Il a fait une entrée en fonction fracassante en annonçant qu’il ne garderait de son salaire de parlementaire que l’équivalent du Smic (1480 euros bruts mensuels) et que son mandat serait révocable : ‘‘Si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m’en irai’’, a-t-il assuré.

    Le parti du président Macron peut se targuer de disposer d’une majorité parlementaire, sa légitimité est bien fine compte tenu de l’abstention record qui a marqué ces élections législatives (57% au second tour !), ce à quoi s’ajoutent encore les votes blancs ou nuls (9,9% au second tour) ou encore les électeurs non-inscrits. Jean-Luc Mélenchon décrit la situation comme une ‘‘grève générale civique’’ (en moyenne, les députés n’ont été élus que par 22,4 % des inscrits). Pour lui, cette abstention a une ‘‘signification politique offensive’’ qu’il faudrait transformer en ‘‘Front populaire social, politique et culturel’’ contre le ‘‘coup d’Etat social’’ que préparent Macron et ses alliés.

    Début juin, un baromètre Ifop pour Paris Match indiquait que, pour 39% des sondés, c’est la France Insoumise qui incarne le mieux l’opposition, loin devant Marine Le Pen et le FN, en dépit de leurs efforts visant à instrumentaliser la colère de la population.

    Vers un octobre rouge ?

    Comme constaté précédemment dans la campagne menée par Bernie Sanders aux Etats-Unis, l’enthousiasme et la dynamique que nous avons vus s’épanouir autour de Jeremy Corbyn et de Jean-Luc Mélenchon illustrent que l’audace et les mots d’ordre radicaux savent trouver l’oreille des classes populaires. Mais le plus important est très certainement que cela peut aussi donner confiance pour reprendre le chemin de la lutte.

    Au Royaume-Uni, l’atmosphère sociale a totalement été métamorphosée par la campagne dont la fin fin n’a pas pour autant sonné le glas de la mobilisation. Des manifestations spontanées ont eu lieu dès le lendemain des élections pour poursuivre la lutte contre les conservateurs et Theresa May dans la rue. 3 jours après la tenue des élections, 150.000 personnes avaient rejoint le Labour, qui atteignait donc les 800.000 membres ! John McDonnell, membre du ‘‘cabinet de l’ombre’’ de Corbyn (qui regroupe les principales figures de l’opposition au gouvernement), a directement appelé à ce qu’un million de personnes se mobilisent afin de forcer la tenue de nouvelles élections avec l’aide de ‘‘tous les syndicats’’ et en insistant sur la nécessité de ‘‘sortir dans les rues’’.

    Au moment d’écrire ces lignes, il était question d’une manifestation nationale le 1er juillet tandis que divers dirigeants et militants syndicaux (essentiellement du secteur des services publics) parlaient d’un ‘‘été de la colère’’ menant à un ‘‘octobre rouge’’ qui verrait Jeremy Corbyn devenir Premier ministre.

    Et tout ça, c’était avant le dramatique incendie de la Grenfell Tower de Londres, où plus de 80 personnes ont perdu la vie. Alors que Theresa May n’a pas osé se rendre auprès des sinistrés par crainte d’un accueil glacial, Jeremy Corbyn y a été très favorablement accueilli. Il a tout d’abord appelé à ce que les logements vides du quartier soient saisis pour aider les familles qui devaient survivre à la tragédie et, devant le refus des autorités, il a appelé ses partisans à ‘‘occuper’’ les bâtiments vides pour les victimes de la Grenfell Tower ! Rien de surprenant à ce que le journaliste du Guardian Paul Mason ait décrit l’establishment comme étant ‘‘en pleine panique’’.

    Un potentiel à organiser

    Nos camarades du Socialist Party ont activement soutenu la campagne de Corbyn, tout en soulignant que ces élections devaient être une première étape vers une lutte concrète pour dégager les conservateurs et barrer la route à la politique d’austérité. En France, nos camarades de la Gauche Révolutionnaire ont agi de même dans la campagne de la France Insoumise. Ce combat représente également une excellente opportunité de clarifier avec quel programme, quelles méthodes et quelle stratégie il est aujourd’hui possible de construire une alternative favorable aux travailleurs et aux pauvres.

    Au Royaume-Uni, il faut impérativement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. De prochaines élections générales peuvent avoir lieu à tout moment. Une bonne mobilisation syndicale pourrait d’ailleurs en accélérer la venue. Et il serait intolérable que le Parti travailliste doive à nouveau se mettre à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant et défendent une approche droitière.

    En France, la France Insoumise peut poser les jalons de la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs et de la jeunesse. Dans les deux cas, la situation politique et dans la rue serait métamorphosée s’il existait un nouvel outil de lutte démocratique et fédérateur de masse regroupant différentes sensibilités de gauche tout en leur offrant le droit de participer au débat sur l’orientation politique à adopter.

    Lutter pour le socialisme

    Au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, une nouvelle génération vient de faire son entrée sur la scène politique et s’élance à la recherche d’une alternative. Mais l’hostilité qu’ils ont subie de la part des médias et de l’establishment capitaliste dans son ensemble illustre à quel point le combat sera âpre pour parvenir au pouvoir. Et leur hargne ne fera que croître lorsque nous aurons réussi à gagner une partie du pouvoir.

    Pour empêcher les capitalistes de saper la transformation naissante de la société, des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des plus grandes entreprises et des banques qui dominent l’économie pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Un gouvernement véritablement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs.

  • Le PTB, futur moteur de mouvements de masse ?

    Peter Mertens, président du PTB

    Même s’il ne s’agit encore que de sondages, le PTB/PvdA se trouve à l’aube d’une percée électorale historique. Un nouveau vent de gauche conséquente souffle enfin sur la Belgique. A l’échelle internationale, ce vent nouveau prend de l’ampleur depuis la grande récession de 2008, le détricotage de nos conquêtes sociales par les partis traditionnels ainsi que l’incapacité du capitalisme à promettre autre chose que des crises économiques, sociales, environnementales et humanitaires.

    Par Ben (Charleroi), article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Avec une approche large et ouverte, et sur base d’un programme réformiste de gauche radicale peut-être parmi les plus aboutis du moment, le mouvement qu’est la France Insoumise s’est rapidement construit un soutien, atteignant les 540.000 adhérents en un peu plus d’un an. Le Labour britannique, suite à l’élection de Jeremy Corbyn à sa direction sur base d’un programme anti-austérité, a été complètement transformé dans sa composition sociale. De moins de 200.000 membres en 2015, il est passé à 800.000 membres aujourd’hui de par l’afflux massif de gens ordinaires, principalement issus de la jeunesse, qui ont vu une opportunité de se débarrasser des blairistes (les partisans de Tony Blair) et de lutter pour un programme de gauche véritable. A l’échelle de la Belgique, une progression comparable équivaudrait à rassembler 90.000 personnes. Dans le contexte politique favorable au renouveau politique de gauche, il est tout à fait possible de construire une telle organisation/mouvement de masse voire d’aller beaucoup plus loin quand on sait l’implantation populaire qu’ont les syndicats dans notre pays.

    Le PTB pourrait jouer ce rôle moteur de reconstruction de la gauche politique. Mais pour atteindre un décuplement des forces militantes de gauche véritable, une dynamique plus ouverte sera nécessaire, faite de campagnes ciblées mais aussi de débats larges et publics sur le programme, les stratégies et les tactiques. De tels débats pourraient préparer les électeurs, électeurs potentiels, sympathisants et la population en général à la question de la prise du pouvoir, à comment y parvenir, à la riposte de l’establishment à laquelle il faut s’attendre et à la façon dont nous aurons à répliquer. Pour devenir massive, une telle dynamique nécessite peut-être de lâcher prise, de perdre un peu de contrôle au profit d’initiatives spontanées.

    En France, nous avons activement contribué à la campagne de la France Insoumise. Au Royaume-Uni, nous avons défendu le programme de gauche de Jeremy Corbyn. Nous avons fait de même dans de nombreux pays où s’est levé un nouveau vent de gauche, comme aux Etats-Unis avec Bernie Sanders. Nous comptons faire de même en Belgique avec le PTB. De nouvelles victoires pour le PTB seraient des victoires pour l’ensemble de la gauche en Belgique.

    Mais tout en soutenant ces dynamiques, nous continuerons d’avertir des dangers d’un programme qui laisse la gestion et le contrôle des secteurs clés de l’économie au secteur privé et à la logique de concurrence. L’histoire ancienne comme récente des gouvernements réformistes de gauche a systématiquement montré que ceux-ci sont très vite placés devant le choix de plier face aux attaques de la classe capitaliste ou d’adopter des mesures de plus en plus considérables. S’y préparer n’est pas un luxe, mais une nécessité.

    Le seul chemin permettant de s’assurer que l’économie ne fait pas face à une grève du capital, à de la spéculation boursière et monétaire, ou même à d’autres actes encore plus directs de sabotage et de déstabilisation économiques, ce serait qu’un gouvernement socialiste reprenne sous propriété collective les principaux moyens de production, de distribution et d’échange. Rien qu’en débutant avec l’ensemble des plus grandes entreprises du pays et en établissant un monopole sur le commerce extérieur, un gouvernement socialiste pourrait commencer à organiser l’économie de manière planifiée sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs.

    Nos tâches immédiates

    Bien sûr, un gouvernement des travailleurs n’est pas encore d’actualité en Belgique, il reste encore du chemin à parcourir. Ce chemin ne sera pas linéaire, les hauts et les bas, ainsi que les divers scénarios possibles dépendront de nombreux facteurs, comme par exemple le PS, qui bien qu’en pleine crise ne s’avoue pas encore vaincu. Cela dépendra aussi de l’attitude des syndicats et de l’ampleur de la pression de leur base pour couper les liens avec les partis traditionnels.

    Mais cela dépendra beaucoup de l’attitude du PTB lui-même. C’est une nouvelle période qui s’ouvre avec d’énormes possibilités pour les classes populaires et le PTB sera mis sous pression pour participer au pouvoir. Si la pire erreur serait de vouloir collaborer avec des partis qui appliquent l’austérité, il ne faudrait pas non plus que le PTB soit jugé responsable de l’instauration de coalitions de droite après les prochaines élections, qu’elles soient communales ou régionales.

    Une bonne partie de l’immense potentiel dont dispose le PTB et l’ensemble de la gauche politique, syndicale et associative dépendra de la manière dont le PTB acceptera d’être le moteur d’un mouvement de classe large, ouvert et démocratique – une sorte de front unique regroupant les membres du PTB et des non-membres autour d’objectifs communs – ou s’il préférera garder son attitude de contrôle strict qui risque de jouer un rôle de frein. Tout dépendra aussi de l’approche politique du PTB. Le parti s’efforcera-t-il essentiellement de devenir acceptable face aux partenaires de coalition à venir ou alors décidera-t-il de défendre avec audace une alternative combative reposant sur les intérêts de la majorité de la population en expliquant clairement que cette alternative s’appelle le socialisme ?

  • La percée électorale du PTB place ce parti face à d’énormes défis

    Si des élections devaient avoir lieu aujourd’hui, le PTB serait le deuxième parti en Wallonie, tout juste derrière le MR mais devant les sociaux-démocrates du PS. A Bruxelles, le parti deviendrait la troisième force avec une large avance sur Ecolo, Défi (l’ex-FDF) et les chrétiens-démocrates du CDH. En Flandre, le PTB franchirait le seuil électoral et obtiendrait trois sièges. Au total, le parti aurait donc pas moins de 16 sièges.

    Par Eric Byl, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    Le spectre de la pasokisation doit empêcher quelques pontes du parti de dormir… Avec des résultats comparables aux élections régionales, le PTB obtiendrait pas mal de parlementaires supplémentaires. Cela signifie des centaines d’assistants pour les parlementaires et la fraction au Parlement ainsi qu’un afflux financier phénoménal pour le parti qui permettra sans doute de disposer de dizaines de permanents en plus. Aux élections communales, cela signifierait l’arrivée de centaines d’élus. Ce ne sont évidemment que des sondages, mais tout indique que le PTB réalise une percée historique.

    La social-démocratie ne doit s’en prendre qu’à elle-même

    Ce développement n’est pas dû au hasard. Il s’agit d’une tendance internationale. L’autrefois si puissant PASOK grec est complètement débordé par Syriza. En Espagne, Podemos a dépassé le PSOE social-démocrate. Au Portugal, le bloc de gauche et le parti communiste talonnent la social-démocratie. Aux Pays-Bas, le social-démocrate PvdA a été rayé de la carte aux récentes élections et se retrouve loin derrière le Socialistische Partij, plus radical. En Allemagne, le SPD doit compter avec Die Linke sur son flanc gauche. Le Labour britannique a bien connu une résurgence avec l’élection de Jeremy Corbyn à sa présidence, mais il doit subir plus d’attaques de la part de l’aile droite du Labour que des Tories. En France, Mélenchon ne fut qu’à un pas du second tour des élections présidentielles et le candidat officiel du PS est tombé sous les 7%.

    La social-démocratie ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Des dizaines d’années de politiques de casse néolibérale, le fait de regarder l’électorat traditionnel de haut, d’attirer des parvenus qui ne visent que des carrières rapides, de se débarrasser de l’idéologie socialiste, d’être impliqué dans de nombreuses affaires, avec des dirigeants de parti qui gagnent un tas d’argent,… Tout ça a finalement sapé le mouvement. Ces mêmes dirigeants peuvent prétendre que les programmes de Corbyn, Mélenchon ou du PTB nous conduisent droit à l’abîme économique, la grande majorité des gens n’a cure de cet argument. Sont-ils à ce point éloignés du monde qu’ils n’ont même pas conscience que beaucoup d’entre nous sont déjà dans l’abîme, bien loin de la petite vie luxueuse à laquelle ces élus estiment avoir droit ?

    Percée du PTB

    Le PTB s’enorgueillit d’envoyer au parlement des représentants qui vivent du salaire d’un simple ouvrier. On les voit sur des piquets de grève, aux actions pacifistes, aux manifestations et actions de quartier. Le PTB est et veut rester un parti populaire. Au lieu de négliger ses sections, il essaie de les construire et d’être présent sur le terrain. Il sensibilise, mobilise et organise, ce que la social-démocratie a hélas abandonné depuis des années déjà. Au lieu de sortir des mesures incompréhensibles qui sont toujours tellement pondérées qu’elles se retournent contre les gens, le PTB propose des mesures concrètes liées à l’action sociale, à ses maisons médicales et à sa fraction parlementaire qui fait entendre la voix du commun des mortels au Parlement et dans les débats politiques.

    Au lieu de reprocher aux gens d’être de droite, de suivre les nationalistes et les partis qui prônent l’ordre et la loi, le PTB met l’accent sur la solidarité. Il veut impliquer son élu à Liège, parfait bilingue, pour s’opposer à la droite en Flandre, de la même façon que la social-démocratie a jadis fait élire des Flamands en Wallonie ! Les prédécesseurs du PSL ont été actifs pendant des années au SP et y ont représenté son aile marxiste. La base nous considérait comme des militants très actifs et idéologiquement aguerris, la direction comme des infiltrés qu’il fallait éjecter. Mais qui sont les vrais infiltrés ? Ceux qui ont utilisé le mouvement pour s’enrichir !

    Aujourd’hui encore, le PSL sera aux côtés du mouvement des travailleurs pour renforcer ce qu’il considère être un instrument pour défendre ses droits. Nous voulons oeuvrer à ce que ces sondages en faveur du PTB deviennent réalité, de préférence de manière encore plus éclatante, lors des élections communales de 2018 et des élections régionales, nationales et européennes de 2019. Mais, tout comme à l’époque du SP, nous continuerons à avertir, même de l’extérieur, des pièges à éviter et des faiblesses à surmonter tout en construisant notre propre courant. Les gens ne votent pas pour le PTB juste pour quelques mesures concrètes. Ils le font parce qu’ils veulent rompre avec la politique néolibérale de casse sociale qui creuse tellement le fossé entre pauvres et riches que cela en devient insupportable. C’est impossible sans une confrontation avec l’ensemble du système capitaliste.

    Rompre avec le capitalisme

    Les marges pour mener une autre politique se restreignent de plus en plus aujourd’hui. N’importe quelle majorité, qu’elle soit locale, régionale ou nationale, qui voudrait mettre fin à la casse sociale se trouvera face à un mur d’opposition de la part des patrons et de l’establishment. Ils mettront l’économie financièrement à sec, comme ils l’ont fait en Grèce avec Tsipras. Tsipras avait pris des ‘‘mesures concrètes’’ telles que le relèvement des salaires minimum, le rétablissement du treizième mois pour les pensionnés, l’arrêt des licenciements de fonctionnaires et de la privatisation de l’entreprise énergétique. Mais pour s’opposer à l’establishment, des ‘‘mesures concrètes’’ ne suffisaient pas. Cela exigeait des interventions socialistes comme la nationalisation du secteur financier et des secteurs clé de l’économie, un monopole sur le commerce extérieur et un appel au mouvement ouvrier international pour soutenir le gouvernement de gauche par la mobilisation. Aujourd’hui, Tsipras applique un quatrième mémorandum austéritaire encore plus féroce que les précédents.

    Le PTB veut sensibiliser, mobiliser et organiser, mais le mouvement ouvrier grec était mobilisé, sensibilisé et organisé, surtout dans la période précédant le référendum sur le troisième mémorandum. Les syndicats mobilisent aussi mais, trop souvent, ils baissent encore le ton à la première confrontation sérieuse. Celui qui veut affronter le système capitaliste doit aller plus loin : en préparant dès maintenant les électeurs, les électeurs potentiels et les sympathisants en discutant ouvertement et démocratiquement avec eux de la stratégie, des tactiques et du programme nécessaires. Les opposants l’entendront aussi, mais cela ne pèse pas face à l’énorme avantage de puiser ses forces dans la réelle participation consciente de milliers de militants capable de convaincre et de mobiliser d’autres personnes dans les syndicats,es groupes d’action, les entreprises, les quartiers, les universités et les écoles.

  • Le PS semble finalement rejoindre l’agonie de la social-démocratie européenne

    Partout en Europe, les partis historiques de la social-démocratie font triste mine. L’argument du prétendu ‘‘moindre mal’’ est usé jusqu’à la corde, peu de gens se laissent encore convaincre, surtout depuis le début de la crise économique actuelle. Le spectre d’une ‘‘pasokisation’’ hante les partis sociaux-démocrates, en référence au Pasok, le parti ‘‘socialiste’’ grec passé de 43,92 % aux élections de 2009 à 4,68 % à celles de 2015…

    Par Ben (Charleroi), édito du numéro de mai de Lutte Socialiste

    En France, le PS a perdu plus de 40.000 membres durant le quinquennat de François Hollande, une hémorragie qui représente un quart de ses membres. Le magazine Marianne n’hésite pas à dire aujourd’hui que cette campagne présidentielle marque la fin du PS(1). On pourrait encore parler de l’Italie, de l’Irlande, de l’Espagne,… Contrairement à son homologue flamand, le PS francophone semblait jusqu’ici faire figure d’exception à la règle. En dépit de sa participation au pouvoir (ininterrompue au fédéral entre 1987 et 2014), ce dernier parvenait encore à ne pas paraître trop ridicule lorsqu’il brandissait l’image d’un parti de gauche opposé à la droite flamande. Mais, au siège du PS Boulevard de l’Empereur, les derniers sondages ont dû glacer le sang.

    Tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se casse

    Rien d’étonnant à cela. Déjà du temps où la social-démocratie faisait rêver les masses, ce n’est que sous la pression de ces dernières qu’elle promettait, et réalisait même parfois, une redistribution relative des richesses. La social-démocratie s’est construite dès ses origines en organisant la classe des travailleurs pour tirer parti de sa force – ce qui nécessite un discours radical – tout en oeuvrant à limiter l’impact de cette puissance potentiellement fatale pour le système social en place.(2) Pour reprendre la caractérisation de Lénine, il s’agissait de partis ouvriers à leur base, mais bourgeois à leur direction.

    En Belgique, au sortir de la grande grève générale de l’hiver 60-61, le PS a obtenu 47,1% des voix à la chambre en Wallonie. Une fois élu, il trahira son programme, une expérience amère qui a ouvert la voie à la frustration, à la colère et aux sanctions électorales. Aux élections de 1965, un quart de l’électorat du PS avait déserté. S’accrochant au pouvoir dans des coalitions de plus en plus improbable, le PS a continué à oeuvrer à sa chute jusqu’à la crise des années ‘70 et son rejet dans l’opposition en 1981.

    Quand la social-démocratie revient au pouvoir en 1987, les 43,9% des suffrages obtenus en Wallonie expriment essentiellement le rejet de la droite, ce n’est plus du tout un vote d’adhésion. Depuis lors, tout a reposé sur cette logique de ‘‘moindre mal’’. Suite aux désillusions, aux départs ou aux exclusions de ses éléments les plus combatifs, progressivement :‘‘Voilà le sommet livré à luimême, menacé par les tendances conservatrices et par l’inertie bureaucratique qu’aucune poussée populaire n’équilibre plus. L’organisation reste en place, mais la révolte s’est tue, privant le mouvement d’une dynamique encombrante et précieuse’’.(3)

    Combien sont-ils à avoir résolument tournés le dos au parti après les attaques contre les pensions de 2005 (le Pacte des Générations), à l’image de Fréderic Gillot, devenu depuis député wallon du PTB ? Et après l’instauration de la ‘‘chasse aux chômeurs’’ ? Le manque d’alternative crédible a longtemps permis de freiner la chute du PS. Faute de mieux, et en dépit de son dégoût, l’électorat restait présent.

    Le vent de la lutte des classes souffle à nouveau

    L’arrivée du PTB au parlement a révélé la fragilité de l’électorat du PS. Depuis, au PS, c’est la panique. La direction du parti a bien tenté de se repositionner à gauche. Di Rupo a déclaré que son ‘‘coeur saigne’’ à l’idée de ces dizaines de milliers de chômeurs exclus de leurs allocations. Magnette a saisi l’occasion du CETA pour tenter de donner une image de résistant au PS. C’était trop peu et trop tard. Et puis est arrivé le scandale à tiroirs Publifin-Nethys…

    En mars dernier, un sondage RTBF / La Libre / Dedicated présentait le PTB en deuxième place en Wallonie (20,5 %), dépassant de peu le PS (20,3 %). Autre élément, le PS a perdu la moitié de ses membres depuis les années ’70. Sa crédibilité est en chute libre. Le spectre de la pasokisation doit empêcher quelques pontes du parti de dormir… L’immense espace politique qui existe à gauche va continuer de grandir. Ce qui présente de nombreux et passionnants nouveaux défis très concret pour le PTB et tous les opposants de l’austérité et du néolibéralisme. Comment éviter de tomber dans les mêmes travers que Syriza en Grèce ? Comment répondre au piège de la collaboration avec les partis de l’austérité ? Comment transformer un soutien électoral passif en mobilisation sociale active ? Comment construire cette dynamique en Flandre également ? Autant de questions sur lesquelles le PSL est prêt à contribuer de façon constructive.

    (1) Marianne N°1046-1047 du 14 au 24 avril 2017
    (2) Jean Faniel dans son article intitulé ‘‘le Parti Socialiste est-il populaire ?’’, Revue Politique numéro 62, Décembre 2009.
    (3) M. Liebman, les socialistes Belges 1914-1918, Bruxelles, La Revue nouvelle/FJJ/EVO, 1986, pp 66-67 cité par Jean Faniel

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