Your cart is currently empty!
Tag: Turquie
-
État turc: Le régime commet un massacre à Cizre
Seule la lutte unitaire des travailleurs peut efficacement contrer la guerre civile rampante La nuit du 7 février, la chaîne de télévision publique turque, principal vecteur de communication du gouvernement, a marqué les esprits avec l’annonce de nouvelles laissant croire qu’un massacre collectif avait été commis dans une des nombreuses provinces kurdes touchées par le couvre-feu. Les nouvelles disaient que, depuis 12 jours, les forces armées turques menaient une opération dans la cave d’un bâtiment où se trouvaient des “terroristes” et qu’à la fin de l’opération ils avaient neutralisés 60 personnes. Cette évolution inquiétante montre la nouvelle dimension que prend la guerre déclarée par l’État envers le peuple kurde.
Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)
Après les élections du 7 juin dernier, Erdogan et son gouvernement ont mis un terme au processus de paix (engagé par le gouvernement en 2012 entre le gouvernement et le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, NDLR) et ont poursuivi l’oppression de la volonté d’autodétermination du mouvement kurde en se servant de tous types d’armes et de technologie. Depuis 5 mois, le couvre-feu est instauré dans des provinces spécifiques suivies d’opérations militaires à l’aide des soldats et de policiers membres des unités spéciales. Dans de nombreuses provinces, comme Silopi ou encore Sur, le couvre-feu est toujours d’application. Dans l’une des provinces centrales, Diyarbak?r, le couvre-feu a dépassé la durée de 2 mois. Jusqu’à présent, des centaines de civils – enfants, personnes âgées et femmes – ont perdu la vie. Des centaines de maisons et de bâtiments ont été détruits et des milliers de personnes ont dû quitter leurs domiciles. Les services de santé et l’enseignement sont devenus impraticables.
Que ce passe t-il à Cizre?
Comme dans toutes ces provinces, la province de Sirnak où se situe Cizre, la guerre civile a transformé divers lieux en débris comparable à une ville de Syrie. A Cizre, le 41e jour du couvre-feu, le 23 janvier, de nombreuses personnes dont 28 blessés se trouvant dans une maison atteinte par un canon se sont réfugiées dans une cave. Le lendemain, certains députés du parti HDP ont fait une demande au ministre de l’Intérieur pour envoyer une ambulance aux personnes blessées, et juste après cela, la mort de 3 d’entre eux a été annoncée.
Par contre, aucun des blessés ni des personnes réfugiées à cet endroit n’était autorisé à s’en aller. Suite à cela, certains des députés du HDP ont décidé d’entamer une grève de la faim dans le ministère de l’intérieur. De l’autre côté, le gouverneur de Sirnak affirme avoir envoyé des ambulances mais, selon lui, les blessés n’ont pas réagi par un « réponse positive ». Pendant ce temps, la Cour Suprême a rejeté la demande du HDP de prendre des mesures contre la violation des droits humains et contre la torture.
Jour par jour, le nombre de morts dans cette cave et les réactions face à cela augmentaient de plus en plus. Le groupe d’aide envoyé par le TTB (représentants des médecins) et le SES (syndicats des ouvriers de la santé et des services sociaux) a été refusé d’entrer à Cizre en raison des fusillades et du fait que ces personnes aient été accusées d’être des militants. Leurs efforts pour atteindre les personnes réfugiées dans la cave ont été contrecarrés et 11 personnes essayant d’atteindre les blessés avec un drapeau blanc ont été arrêtées. Malgré les vidéos et témoignages issus de cette cave, le gouvernement s’est figé sur sa propagande affirmant qu’il n’y avait peut-être personne dans la cave ou encore que les ambulances envoyées là-bas étaient prises pour cibles de fusillades.
Après l’article de TRT disant que 60 personnes avaient trouvé la mort, le Premier ministre Davutoglu a nié les faits et a ensuite déclaré que seuls 10 résistants avaient perdu la vie. Rapidement, TRT a retiré l’info de son site web. Mais il est possible que cette correction ait été faite par le gouvernement dû à la peur d’un nouveau soulèvement ressemblant à celui d’octobre 2014. Durant cette année-là, le rôle joué par Erdogan dans l’attaque de la ville de Kobané par Daesh (l’Etat Islmaique) avait donné naissance à un soulèvement et à des protestations spontanées d’une ampleur encore inégalée. D’autre part, le gouvernement veut que les gens s’habituent à ce genre de morts.
Durant la réunion du parti le 9 février, le coprésident du HDP Selahattin Demirta? a partagé les infos qu’il a reçues. ”Depuis plus ou moins 20 jours, nous parlons d’une sauvagerie se passant à Cizre (…) Malgré les informations erronées, c’est bien ce qui se passe. Dans cette rue, dans quelques bâtiments, il y a en tout entre 70 et 90 personnes. La majorité sont des civils. Une partie sont des universitaires qui se trouvaient là par solidarité, et l’autre étant le peuple de Cizre. Depuis 20 jours, les forces spéciales ont lancé des attaques au tank 24h sur 24. Il n’y a pas de fusillades, les attaques envers ces bâtiments sont unilatérales. Des personnes se trouvant dans ces bâtiments nous appellent. Nous avons leurs noms, ils nous disent ”il y a des civils blessés à côté de nous, nous voulons sortir d’ici. Dès que nous sortons nos têtes par la fenêtre, ils nous tirent dessus”. Des gens ont été abattus, mais personne ne dit rien. Nous avons reçu confirmation que des gens sont toujours en vie. Nous avons des enregistrements de 32 minutes. (…) Ils sont vivants. Il y a eu un massacre collectif mais personne n’en parle. Il n’y a plus d’opérations à Cizre mais les corps sont éparpillés un peu partout comme s’ils étaient là depuis bien longtemps…”
Danger de guerre civile
Il semble que le gouvernement a réussi à couvrir ses meurtres en réagissant rapidement et en empêchant, pour l’instant, une explosion de colère. Mais il est en même temps très clair que le gouvernement de l’AKP est bloqué dans un bourbier dans les villes kurdes. Les représentants du gouvernement ont affirmé que cette opération de cinq mois devait être une Blitzkrieg, courte mais efficace. Elle n’a cependant pas été si courte qu’initialement prévu. Et le dernier incident de Cizre souligne que qu’un mécontentement explosif s’accumule dans le pays.
La classe des travailleurs de la partie Ouest de la Turquie a été sous l’influence d’une forte propagande nationaliste depuis juin, jusqu’à un seuil dangereux. Une grande partie de la société préfère tourner la tête au loin et prétendre que de tels incidents ne se produisent pas. Certains soutiennent l’Etat et adoptent une approche nationaliste turque. Pour le moment, seuls les socialistes et les partis de gauche s’opposent activement aux politiques du gouvernement et ils sont submergés par la pression de l’Etat. Les médias unilatéralement du côté du gouvernement utilisent manipulations et démagogie pour alimenter le nationalisme et la haine. En conséquence de ce climat, les Kurdes de l’Ouest ont subi de violentes attaques en septembre dernier.
Cependant, l’espoir que le gouvernement puisse encore à un moment donné s’asseoir à la table de négociation et relancer le dialogue avec les Kurdes existe toujours parmi beaucoup de ces derniers. Ceci est une des raisons pour lesquelles une guerre civile ethnique n’a pas encore éclaté. C’est aussi pourquoi les Kurdes ne se sont pas orientés vers une révolte tous azimuts, comme la révolte liée à Kobané des 6 et 7 octobre, en dépit de toutes les attaques dont ils ont été victimes. Le fait que le HDP et le mouvement kurde tiennent encore la porte ouverte aux négociations, même dans leurs discours les plus radicaux et durant les incidents de répression les plus brutaux, est une autre raison qui permet de comprendre cette patience. Mais des massacres tels que celui de Cizre et les opérations militaires prolongées vont radicalement changer cette attitude dans les villes kurdes.
L’interview de la mère d’une victime des tirs à Cizre, publiée le 10 février dans le journal Cumhuriyet, révèle le degré d’atrocité, de déception et de colère actuel: «Ce sont tous des gangsters engagés dans une sale guerre. Nous avons crié pour la paix, mais à partir de maintenant nous ne voulons plus de paix. Qu’est-ce que ces gens au sous-sol ont fait pour mériter de subir des attaques de chars et d’armes chimiques? Et ils [l’Etat] mettent leurs photos [aux morts] sur Internet, juste pour nous torturer. Ils torturent les gens… Nous ne voulons plus la paix, au plus nous demandons la paix, au plus ils nous envahissent avec des chars et des canons et brûlent nos enfants. Maintenant, il est temps pour la guerre.»
Le pays est tel un ciel avec deux sombres nuages, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest, qui se chargent jour après jour en électricité et qui risquent d’entrer en collision. Mais il est certain qu’il n’y aura qu’un seul gagnant de cette collision, Erdogan et les magnats qu’il représente.
La classe ouvrière turque n’a aucun intérêt à priver les Kurdes de leurs droits civils et démocratiques. Au contraire, ils doivent s’unir avec les travailleurs et les pauvres kurdes contre la répression et l’exploitation. Pour cela, il est nécessaire que les travailleurs turcs soutiennent les revendications démocratiques des Kurdes et que les Kurdes fassent consciemment appel à leurs frères et sœurs de classe à l’Ouest, dans le but de construire une lutte commune et unitaire contre les politiques dévastatrices et anti-ouvrières d’Erdogan.
Les opérations anti-Kurdes actuelles constituent une menace pour tout le monde. Compte tenu du niveau de danger auquel nous sommes confrontés, en dépit de toutes les pressions et de la situation compliquée dont nous avons hérité, il n’y a pas d’autre issue possible que la construction d’un front uni sur base de l’unité de la classe ouvrière et de tous les opprimés. Ce qui est arrivé en Irak et en Syrie comprend d’importantes leçons et avertissements pour la classe ouvrière de l’Etat turc. Le choix posé est le suivant : une lutte commune et égalitaire contre le système capitaliste ou le chaos, la guerre civile et plus encore de violence d’Etat.
-
Moyen-Orient. Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaitre
En Arabie saoudite et dans l’État turc, l’année 2016 a commencé sous le signe d’une sanglante répression qui n’a suscité qu’une très timide indignation dans les médias de masse et parmi les politiciens de l’establishment en Occident. La politique du ‘‘deux poids deux mesures’’ des puissances occidentales face à la barbarie est bien connue dès lors qu’il s’agit de régimes ‘‘amis’’.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste
Répression de l’opposition
‘‘Deux poids, deux mesures’’, c’est également l’approche du président Erdogan face au ‘‘terrorisme’’. Sous cet adage, l’État turc a tout d’abord intensivement bombardé des positions détenues par des forces kurdes du nord de la Syrie qui résistent courageusement à Daesh (l’État Islamique), alors que ce dernier était curieusement relativement épargné. Par la suite, la population kurde de l’État turc s’est vu imposer un couvre-feu dans plusieurs localités du sud-est à majorité kurde. Elle subit des humiliations quotidiennes, les arrestations se comptent par milliers et les meurtres arbitraires commis par les forces de l’ordre contre des ‘‘terroristes’’ âgés de 7 à 77 ans sont nombreux. Il en a été légèrement plus question sur la scène internationale lorsqu’une vingtaine d’universitaires ayant signé une pétition réclamant l’arrêt des massacres de l’armée ont été arrêtés en janvier.
En Arabie saoudite, le régime a récemment procédé à l’exécution de 47 prisonniers pour fait de ‘‘terrorisme’’. Parmi eux se trouvaient divers djihadistes, mais aussi un responsable chiite, le cheikh Nimr al-Nimr Baqr, un adversaire politique de premier plan du régime sunnite saoudien. Il s’était notamment fait remarquer en 2011 dans le cadre des mobilisations de masse qui avaient déferlé sur toute la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord et avaient, entre autres, mis fin aux régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte. La clique dirigeante saoudienne, qui a exécuté 151 personnes l’année dernière, est bien connue pour sa chasse aux sorcières contre les dissidents, en particulier parmi la communauté de la minorité chiite.
Dans les deux pays, cette démonstration de force n’est pas sans lien avec des inquiétudes grandissantes au sujet de la dégradation de la situation économique et des explosions de colère qui peuvent survenir suite aux nouvelles mesures antisociales. L’Arabie saoudite dépend ainsi de la vente du pétrole pour 90% de ses revenus. L’effondrement du prix du pétrole a entrainé une imposante croissance du déficit budgétaire du pays. En réaction, le régime a réduit les dépenses publiques (notamment pour les produits de première nécessité) et augmenté les prix de l’essence, de l’électricité et de l’eau.
Tensions régionales
Ces éléments viennent se rajouter à un cocktail de déstabilisation déjà puissant dans la région : guerre en Syrie, chaos irakien, offensives de la Russie et des Occidentaux contre Daesh, crise au Yémen, tensions communautaires au Liban, déferlement de millions de réfugiés en Jordanie, au Liban et dans l’État turc, chute des prix du pétrole,…
Les dirigeants saoudiens sunnites éprouvent colère et panique face au rapprochement en cours entre les puissances occidentales et la dictature chiite iranienne. L’Iran est le principal rival politique régional de l’Arabie saoudite. Ainsi, depuis les dernières exécutions, l’ambassade d’Arabie saoudite dans la capitale iranienne a été incendiée. Le régime saoudien a ensuite été accusé d’avoir intentionnellement bombardé l’ambassade iranienne à Sanaa, la capitale du Yémen, où les deux pays se livrent une guerre par procuration. Au Yémen, l’Arabie saoudite a engagé une centaine d’avions qui bombardent les chiites du pays, contre une quinzaine d’avions à peine en Irak contre Daesh (pas plus que les Pays-Bas et le Danemark réunis). L’Iran et l’Arabie saoudite sont également engagés dans une confrontation indirecte au Bahreïn ou encore au Liban.
Quelle issue ?
Un incontrôlable monstre de Frankenstein a été créé dans la région, notamment en raison des multiples interventions impérialistes au cours des décennies, alors que l’autorité et la capacité d’action de ces puissances occidentales ont depuis fortement pâli. L’avenir est plus qu’incertain. Comment, par exemple, faire face à une extension du chaos vers l’État turc? Si les massacres contre les Kurdes débouchent sur une guerre civile, comment gérer l’afflux de réfugiés actuellement contenu dans le pays ?
Il y a 5 ans, à partir de la chute de la dictature tunisienne en janvier 2011, une vague de protestations de masse et le début d’un processus de révolution et de contre-révolution ont ébranlé toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Même si ce sont les forces de la contre-révolution – qu’elles soient représentées par les régimes réactionnaires de la monarchie saoudienne ou d’Erdogan, par Daesh,… – qui tiennent actuellement le haut du pavé, l’issue de ce combat entre la barbarie et un monde nouveau n’est pas encore déterminée.
L’État turc a connu de puissantes protestations de masse et grèves ces dernières années, illustrées notamment par l’entrée au Parlement du parti progressiste pro-kurde HDP (le seuil électoral y est de 10%…). En Iran, la récession économique fait aussi poindre pour le régime le péril de nouvelles mobilisations de masse similaires à celles de 2009. Et en Tunisie, le mois de janvier a vu survenir de nouvelles mobilisations imposantes dans le pays suite à une révolte de la jeunesse à Kasserine. Et nous avons pu voir en 2011 à quel point les évènements révolutionnaires pouvaient faire appel les uns aux autres par-delà les frontières pour se renforcer.
‘‘Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres’’ disait le révolutionnaire italien Gramsci dans entre-deux-guerres. Un nouvel embrasement de la région sur base des conflits entre classes sociales est inévitable, mais il faudra veiller à ne pas répéter les erreurs des précédents mouvements.
Les travailleurs et les pauvres de la région doivent s’organiser sur base de leurs propres forces, en toute indépendance de classe, et mener le combat non seulement contre l’impérialisme, mais aussi contre les cliques dirigeantes régionales jusqu’à la fin de ce système de misère, d’exploitation, de terrorisme et de guerre.
-
Assassinat de Tahir Elci, communiqué de presse du Conseil démocratique kurde
Tahir Elci, président de l’Association du Barreau de Diyarbakir, a été assassiné par des forces obscures de l’État turc. Nous condamnons cette attaque brutale.
Le président de l’Association du Barreau de Diyarbakir, Tahir Erçi, a été exécuté au cours d’une conférence de presse qu’il tenait à Diyarbakir. Cette conférence de presse a eu lieu juste avant le fameux minaret «à quatre pieds». Il y a quelques jours, ce bâtiment historique a été endommagé par les troupes gouvernementales à l’artillerie lourde. Afin de protester contre cet acte, Tahir Elci et ses confrères avaient organisé une conférence de presse. C’est à ce moment qu’a eu lieu la tentative d’assassinat fatale.
Tahir Elci était déjà la cible du gouvernement de l’AKP et de l’Etat en raison de son combat pour les droits humains, la liberté et la paix. Il avait déclaré sur la chaîne de télévision turque que le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) n’était pas une organisation terroriste. A partir de ce moment, il est devenu une cible ouverte.
Il a ensuite été arrêté et emmené au tribunal où il a été jugé avec pour une peine de prison qui pouvait aller jusqu’à 7,5 ans. Hier, il a été tué par ceux qui estimaient cette punition insuffisamment lourde.
Nous sommes familiers de ce genre d’attaque. Des milliers d’hommes politiques et de militants kurdes ont été tués jusqu’à présent par les mêmes forces obscures et de la même manière. Nous savons qui a donné l’ordre. Les clients sont ceux qui ne pouvaient tolérer ses déclarations, son combat et sa personnalité. Ces clients sont le gouvernement de l’AKP et les forces obscures qui ont commandité par le passé la mort de milliers de politiciens et de militants kurdes. Il ne faut pas chercher les coupables ailleurs.
Il s’agit d’une attaque contre les politiciens kurdes, contre les Kurdes et contre le mouvement pour la liberté. Nous condamnons cette attaque brutale et ses commanditaires. Nous tenons à exprimer nos condoléances à la famille de Tahir Elci, à ses amis et ses collègues ainsi qu’à l’ensemble du peuple kurde. Nous allons continuer la lutte de Tahir Elci et poursuivre la défense des mêmes idéaux. Ici, nous appelons également notre peuple à commémorer la lutte du martyr Tahir et à élever son combat pour la liberté à de nouveaux sommets.
Nous appelons les forces démocratiques de Turquie et du monde qui se trouvent du côté de la paix, de la démocratie et des droits humains, à se montrer solidaires de la lutte des Kurdes pour la liberté et à condamner cette attaque brutale et barbare.
Le Conseil Démocratique Kurde – Koerdistan Nationaal Congres
-
Turquie: Guerre, intimidations et répression des droits démocratiques derrière la victoire de l'AKP
La lutte pour l’unité des travailleurs, la paix et la justice sociale est plus importante que jamais.
Le Parti conservateur AKP a remporté une majorité décisive lors des élections générales qui ont eu lieu ce dimanche, en remportant 315 sièges sur les 550 que comprend le Parlement (pour 49,3% des suffrages). L’opposition capitaliste principale, le CHP, n’a que légèrement augmenté son soutien depuis la tenue des élections de juin dernier tandis que le parti d’extrême-droite MHP a chuté de 16% à 12%, une perte essentiellement au profit de l’AKP.Par Mike Cleverley, Socialist Party (COI-Angleterre et Pays de Galles)
La rhétorique nationaliste menaçante de l’AKP et la campagne militaire brutale menée contre les Kurdes ont sans aucun doute réussi à attirer le vote d’une couche importante de partisans du MHP. Ces élections représentent un coup de pouce pour le président Erdogan, mais cette aide est insuffisante pour lui permettre de modifier la Constitution turque afin de consolider les pouvoirs présidentiels.
Le parti pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple), dont le soutien électoral en juin dernier avait été stimulé par le vote de jeunes Turcs radicaux, a également perdu 21 députés et franchit tout juste le seuil électoral antidémocratique de 10% nécessaire pour obtenir des sièges au parlement. Cette perte de soutien pour le HDP sera une déception pour la gauche, mais nombreux sont ceux qui remettront en question à juste titre l’idée de la tenue «d’élections libres» alors que des villes et villages kurdes étaient militairement assiégés. Beaucoup de partisans du HDP ont été arrêtés au cours de ces derniers mois et les locaux du HDP ont été physiquement pris pour cibles par des foules liées à l’AKP et au MHP.
Ces élections ont pris place dans un contexte d’intimidation massif, de violence généralisée et de répression de l’opposition – y compris avec interférence du président le jour du scrutin, contrairement à ce que précise la Constitution qu’il est censée défendre. Avant les élections, des rumeurs émanant d’un dénonciateur au sein du gouvernement ont accusé l’AKP d’avoir installé ses partisans en position de truquer les résultats du scrutin.
Un nombre croissant de rapports de fraudes électorales et de perturbations du scrutin émergent, en particulier des régions kurdes où le HDP avait obtenu des scores élevés en juin. Différentes tactiques d’intimidation ont visé les électeurs, les journalistes critiques et les observateurs électoraux. Certains observateurs électoraux internationaux ont été embarqués par la police et des bureaux de vote ont été fermés ou privés d’accès par l’armée. Dans un certain nombre de régions, des bulletins de vote ont disparu, tandis qu’à Izmir, par exemple, il y a eu 700.000 voix de plus que le nombre d’électeurs inscrits!
Quelques jours avant les élections, le groupe Koza Ipek Holdings, qui publie des médias liés à des opposants d’Erdogan, a été repris et les rédacteurs en chef ont été remplacés par des partisans de l’AKP. L’Association du Barreau turc a condamné ces mesures comme étant inconstitutionnelles.
Ces actions et le climat général de crise ont sans aucun doute contribué à assurer la victoire de l’AKP. Le HDP a très certainement également été touché par sa décision d’annuler les rassemblements prévus après l’attaque à la bombe à Ankara le 10 octobre.
Tous ces facteurs ont contribué à ce que ces élections soient totalement biaisées. La voix de l’opposition était difficilement audible tandis que celle du parti au pouvoir a été amplifiée.
Mais le résultat de ces élections ne saurait masquer les profondes divisions qui règnent au sein de la classe dirigeante. Cela ne se reflète pas seulement dans l’existence de l’AKP et de son rival plus laïc, le CHP, mais aussi dans le difficile équilibre du pouvoir entre le président Erdogan et le Premier ministre Davutoglu.
Les trois partis de l’opposition se pencheront sur les résultats électoraux pour y détecter les fraudes, dont le fait que 650.000 électeurs ont disparu des listes d’électeurs entre les élections de juin et celles de novembre tandis que 400.000 nouveaux électeurs ont fait leur apparition. Ces anomalies semblent être concentrées dans les districts électoraux où la marge était étroite entre les résultats des deux principaux partis en juin.
Ces élections sont intervenues à un moment où la classe des travailleurs et les syndicats gagnent en confiance. La grève générale de deux jours qui a immédiatement suivi les attentats d’octobre à Ankara (pour lesquels la politique de l’AKP est à blâmer) a illustré la puissance potentielle de la classe des travailleurs. Malheureusement, cette grève n’a pas été suivie d’un appel à intensifier la mobilisation, en laissant ainsi le mouvement sans stratégie claire. L’AKP a continué de dominer le discours public dans la perspective de ces élections.
La grève générale d’octobre est survenue après une période prolongée de la lutte des travailleurs. En mai 2014, après une catastrophe minière, les travailleurs avaient protestés contre l’effroyable manque de sécurité dans les mines turques. En mai 2015, une grève a éclaté à l’usine Renault et a entrainé dans l’action d’autres usines du cœur industriel du pays en dépit des lois anti-syndicales extrêmement dures. En Turquie, les «syndicats autorisés» omettent souvent de protéger les intérêts des travailleurs. En conséquence de cela, la Turquie possède la plus faible proportion de travailleurs syndiqués de l’OCDE (les «pays développés»). Les médecins sont eux aussi entrés en grève en mai 2015 pour protester contre les charges de travail excessives.
Les socialistes en Turquie organisés autour de Socyalist Alternatif (CIO-Turquie) continueront de faire campagne pour l’unité des travailleurs et pour un parti des travailleurs de masse indépendant, vers lequel le HDP pourrait potentiellement constituer un tremplin s’il s’oriente vers les travailleurs de toutes les communautés avec un programme d’action audacieux et s’il démocratise ses structures internes.
Un tel parti doit adopter un programme clairement socialiste reposant sur la propriété et le contrôle publics des grandes industries; sur le droit à l’autodétermination du peuple kurde et sur la fin des attaques contre les droits nationaux kurdes sous couvert d’une prétendue lutte contre le terrorisme. -
Ankara. Un double attentat à la bombe tue plus de 100 personnes lors d'une manifestation pacifiste
Les 48 heures de grève générale à l’appel des syndicats doivent être la première étape de la construction d’un mouvement unitaire de masse contre le régime meurtrier d’Erdo?an
L’horrible double attentat qui a frappé un rassemblement de protestation pacifiste organisé par plusieurs syndicats à Ankara, la capitale de l’Etat turc, ce samedi 10 octobre, a conduit, au dernier décompte, à au moins 128 morts ainsi qu’à des centaines de blessés. C’est le plus grand attentat terroriste de l’histoire du pays. Beaucoup de victimes sont toujours en unités de soins intensifs dans divers hôpitaux tandis qu’un certain nombre de corps, rendus méconnaissables, n’a pas encore été identifié. Cette attaque, de par son ampleur humaine et politique, a ébranlé le pays jusque dans ses fondements.
Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)
La manifestation de samedi était organisée par la Confédération des syndicats du secteur public (KESK), la Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie (DISK), l’Association turque médicale (TTB) et l’Union des chambres des ingénieurs et architectes turcs (TMMOB). Quelques minutes avant le début de la manifestation, une bombe a explosé à l’endroit où les militants du parti de gauche et pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple) étaient rassemblés. Une deuxième explosion a eu lieu à une cinquantaine de mètres de là, apportant plus de destruction et de morts sur son chemin. Les témoins, parmi lesquels des membres de Sosyalist Alternatif (CIO) arrivés sur la scène quelques minutes après l’attentat, ont rapporté des scènes d’horreur indicible.
Ces témoins ont également confirmé les rapports faisant état de tentatives policières visant à entraver l’arrivée des secours. Des gaz lacrymogènes ont été lancés sur la foule de manifestants survivants et des proches de victimes ainsi que des ambulances ont été stoppés par la police. La police anti-émeute a été envoyée sur la scène du carnage avant même que les premières ambulances ne soient arrivées. Huseyin Demirdizen, de l’Association des médecins de Turquie (TTB) a déclaré : “Alors que les médecins de l’Union des travailleurs de la santé ont appelé à des dons de sang, le gouvernement a annoncé qu’il n’y avait pas besoin de sang. Si des travailleurs de la santé n’avaient pas été sur place parce qu’ils participaient à la manifestation, le nombre de décès et de blessés aurait été beaucoup plus élevé.”
Presque immédiatement après l’attaque, le régime a décidé de bloquer Twitter et Facebook, dans une tentative évidente d’empêcher les rapports issus des gens présents sur place et de laisser le champ libre aux médias contrôlés par l’AKP (Parti de la Justice et du Développement, le parti au pouvoir), qui ont accusé des groupes de gauche ou le PKK d’être derrière le double attentat.
La première réponse des forces de l’Etat n’a laissé aucun doute planer quant à la responsabilité du régime vis-à-vis de ce qui est non seulement une tragédie, mais aussi clairement un massacre politiquement orchestré. Quel que soit le rôle exact joué par le régime d’Erdo?an dans cette attaque, sa responsabilité politique est écrasante. Cet attentat a eu lieu dans le contexte d’une stratégie du régime d’Erdogan et de ses sbires basée sur l’escalade de la violence et des provocations, y compris avec des attaques physiques, contre la gauche et le mouvement national kurde. Une brutale guerre d’agression est également en cours de la part de l’armée turque contre le PKK et le peuple kurde au Sud-Est du pays. Des centaines de personnes ont déjà été tuées. Même après que le PKK ait déclaré ce samedi observer un cessez-le-feu avant les élections du 1er novembre, l’armée turque a bombardé des positions du PKK au sud-est de la Turquie et au nord-est de l’Irak, tuant des dizaines de personnes au cours du seul week-end.
Le battement de tambour “anti-terroriste” du régime ne trompe personne, cela n’a été qu’une couverture pour une répression visant la gauche ainsi que les activistes pro-kurdes et du HDP, qui ont massivement été les victimes d’une campagne de terreur orchestrée par l’Etat. Au cours de ces dernières années, des groupes comme l’Etat Islamique et d’autres groupes djihadistes ont, au contraire, bénéficié de la complicité établie de l’Etat turc dans le cadre de leurs activités en Syrie.
Désolation et rage
La tristesse et la désolation provoquées par les horribles attentats de ce samedi se sont rapidement jointes, à juste titre, en une rage contre le gouvernement AKP, y compris à l’échelle internationale. Le samedi après-midi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le gouvernement à Istanbul et d’autres villes du pays. Le dimanche, à Ankara, environ 10.000 personnes étaient de retour dans les rues, près de la gare où les bombardements avaient eu lieu la veille. Cela illustre l’état d’esprit de défi et d’intrépidité qui existe actuellement. A l’enterrement de certaines des victimes, la colère des masses était profonde, et il est très peu probable qu’elle s’évapore de sitôt.
Les quatre confédérations syndicales de gauche ont appelé à la tenue d’une grève générale de 48 heures ces 12 et 13 octobre. Il s’agit d’une réponse très appropriée qui doit être soutenue par la gauche et les travailleurs à l’échelle internationale. Une grève générale qui rassemble le peuple kurde et turc pour combattre de manière unitaire est la meilleure riposte à offrir à Erdo?an et les tentatives de sa clique dirigeante d’utiliser le sang des travailleurs pour diviser la résistance contre leur politique et pour assurer leur pouvoir ainsi que les profits des riches capitalistes qu’ils défendent. Au vu de l’échec total des forces de l’Etat et de la police pour protéger la population, les rassemblements et manifestations de gauche et syndicales devront être correctement protégées par un bon service d’ordre. Des mesures d’auto-défense appropriées, impliquant toutes les communautés, doivent être prises en collaboration avec les organisations syndicales.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) veut apporter sa pleine solidarité, sa sympathie et ses condoléances à tous ceux qui ont été victimes de l’attaque de samedi, à tous ceux qui ont perdu des proches, des amis et des camarades. La meilleure façon d’honorer leur mémoire est de continuer la lutte contre le régime brutal et dictatorial d’Erdo?an, contre les puissances impérialistes qui se tiennent derrière lui et contre le capitalisme, et en faveur d’un monde socialiste et démocratique.
-
Bruxelles. La manifestation contre la violence en Turquie se heurte à la répression
Alors qu’Erdogan était en visite en Belgique la semaine dernière, ses gardes du corps étaient à couteaux tirés avec les agents de sécurité, jusqu’à l’éclatement de bagarres. De son côté, la presse avait été quelque peu malmenée durant la visite, le porte-parole de Charles Michel ayant même fait pression sur une équipe de la RTBF afin que cette dernière ne divulgue pas certaines images. Simultanément, il a été annoncé que les partisans belges du PKK seraient poursuivis. Le fait que le président turc ait réussi à obtenir cela indique quelle sera l’attitude du gouvernement belge face aux violences qui ont actuellement lieu en Turquie…
Lors d’une action de protestation suite à l’attaque à la bombe qui a frappé Ankara ce samedi, la police belge a adopté une approche répressive, des centaines de manifestants ont été accueillis à coups de gaz lacrymogène et de matraques à l’ambassade de Turquie. Un manifestant a brutalement été arrêté. Ces incidents sont survenus à la suite de provocations commises par des partisans du régime turc.
La manifestation qui est partie de l’ambassade de Turquie vers le Parlement européen a su compter sur la participation de centaines de personnes, à l’image de l’immense colère éprouvée face à ces actes de violence. Les manifestants voulaient exprimer leur solidarité avec les victimes des attentats et dénoncer la politique de M. Erdogan et de son parti, l’AKP, une politique qui conduit à une escalade de violence.
Voici une série de photos de la manifestation de Bruxelles, y compris de l’arrestation, prises par PPICS.
-
[PHOTOS] Action de protestation contre la répression anti-kurde du régime turc
Hier, environ 300 personnes, essentiellement des Kurdes, se sont réunis pour tenir une action de protestation à Bruxelles contre la répression de l'Etat turc contre la population kurde qui se fait derrière le prétexte de la lutte contre le terrorisme. Le PSL était présent en solidarité, avec un stand d'information sur lequel se trouvait notamment le magazine de notre section-soeur dans l'Etat turc.
-
Massacre à Suruç : une atteinte à l’un de nous est une atteinte à nous tous
Les peuples kurde et turc payent le prix du soutien d’Erdo?an à l’Etat IslamiqueCe lundi, au moins 30 militants de la Fédération socialiste des associations de jeunesse (SGDF) ont été tués dans une explosion provoquée par un kamikaze de l’Etat Islamique dans la ville de Suruç, située au sud-ouest de l’Etat turc près de la frontière syrienne. Ces jeunes militants étaient rassemblés pour une conférence de presse avant de partir pour Kobané, à treize kilomètres de Suruç, où ils prévoyaient d’aider à la reconstruction de la ville.
Déclaration de nos camarades de Sosyalist Alternatif (CIO en Turquie)
Cette attaque est une conséquence directe de la politique du président turc Erdo?an, qui soutient l’Etat Islamique en Syrie. Ces derniers jours, Erdo?an a planifié une intervention militaire en Syrie et son discours à la suite de cette dernière attaque terroriste a démontré une nouvelle fois ses intentions bellicistes. Les atrocités de ce lundi montrent clairement que ce sont les travailleurs et les pauvres, Turcs et Kurdes, qui payent le prix du soutien tacite d’Erdo?an aux groupes de l’Etat Islamique.
Le massacre prouve aussi que les militants de l’Etat Islamique, armés de fusils et des bombes, agissent et se déplacent librement à l’intérieur de la Turquie.
Pour la première fois, l’Etat Islamique a directement attaqué une organisation socialiste sur le territoire turc. Cela démontre le caractère profondément réactionnaire et anti-travailleurs de ce groupe terroriste.
Nous, Sosyalist Alternatif (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc), sommes solidaires de la SGDF et considérons que cette attaque est une attaque contre nous tous.
• Stop à la guerre et aux projets des forces armées turques concernant la Syrie et le Rojava!
• Ouverture des frontières pour faciliter le déplacement des personnes et des biens à Kobané, afin de reconstruire la ville!
• Nous exigeons la démission immédiate des ministres turcs des Affaires étrangères et de l’Intérieur!
• Stop au soutien du gouvernement turc à l’Etat Islamique et aux autres groupes djihadistes!
• Stop à la politique hostile de l’état turc envers le PYD et le peuple kurde!
• Pour une lutte de masse des travailleurs et des pauvres, kurdes et turcs, contre le terrorisme des djihadistes et contre le gouvernement de l’AKP! -
État turc: percée historique pour la gauche tandis que l'AKP essuie sa pire défaite en 13 ans
Le 7 juin a ébranlé le paysage politique de l’État turc. Le soir des élections, de nombreux militants de gauche et kurdes ont ressenti quelque chose de similaire à ce qu’ils avaient vécu au moment du mouvement du Parc Gezi, été 2013. Le parti islamiste et conservateur AKP a subi un plus grand revers que ce que la plupart des sondages avaient prévus en perdant pas moins de 2,6 millions de votes et 69 députés par rapport aux dernières élections législatives de 2011. Le parti de gauche pro-kurde «Parti démocratique du Peuple» (HDP) a remporté 13% des voix, soit plus que le seuil de 10% nécessaire à dépasser pour faire son entrée au Parlement. Ce seuil électoral constitue une mesure extrêmement anti-démocratique mise en œuvre à la suite du coup d’Etat militaire de 1980, précisément pour empêcher partis kurdes d’obtenir la moindre représentation parlementaire.
Par Michael Gehmacher SLP (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO) & et des correspondants de Sosyalist Alternatif (section du CIO dans l’État turc).
Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans le pays, surtout dans les régions kurdes du sud-est, pour accueillir la percée électorale du HDP. C’est la première fois de l’histoire de la Turquie qu’un parti pro-kurde arrive au Parlement. L’entrée au Parlement de nombreuses militantes du HDP ou encore de nombreux représentants de mouvements sociaux et politiques ou de différents types de minorités revêt une haute valeur symbolique dans le contexte du système politique turc traditionnellement dominé par des hommes de droite assez âgés. Bon nombre des 80 nouveaux élus du HDP appartiennent à des minorités ethniques, religieuses ou sociales. Leur présence au parlement turc est un coup dur pour l’élite nationaliste réactionnaire, tout comme le fut la présence du premier candidat ouvertement gay de l’histoire de la République turque.
Cette élection a été marquée par une polarisation croissante car, au côté de la percée du HDP, les nationalistes d’extrême-droite du MHP (Parti d’action nationaliste) sont passés de 13% à plus de 16%. La campagne électorale a été secouée d’explosions de violence, en particulier contre le HDP, avec des dizaines d’agressions physiques contre des bureaux du HDP et ses militants à travers le pays.
Le MHP a attisé le nationalisme turc, en particulier en qualifiant de «traître» l’AKP (Parti pour la justice et le développement, au pouvoir depuis 2002) en raison du processus de paix en cours entre le gouvernement et le mouvement kurde. Mais le MHP a également joué une carte sociale populiste. En combinaison d’éléments nationalistes, le MHP a plaidé pour l’augmentation du salaire minimum, pour la réduction des impôts sur le carburant et pour l’arrêt des licenciements dans le secteur public. Il s’agit d’une autre indication du fait que les questions sociales sont devenues plus importantes en raison des problèmes de l’économie turque et de la crainte de pertes d’emplois.
L’AKP lèche ses plaies
La situation sociale et économique qui prévaut actuellement a joué un rôle crucial dans cette élection. Nombreux sont ceux qui ont le sentiment que leurs conditions de vie se sont améliorées au cours des années où l’AKP s’est retrouvé au pouvoir. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles une couche des pauvres, en particulier ceux qui sont visés par les campagnes caritatives de l’AKP, a continué à voter pour ce parti au fur et à mesure.
Les choses ont toutefois commence à changer. La situation économique s’est détériorée ces deux dernières années, le chômage et l’inflation sont repartis à la hausse et les difficultés ont été croissantes pour des millions de familles de la classe des travailleurs de Turquie. Avec l’accentuation générale des attaques contre les droits démocratiques et le renforcement des tendances autocratiques du régime (extension des pouvoirs de la police, attaques contre les droits syndicaux, emprisonnement de journalistes critiques et de militants opposés au régime, musèlement des médias sociaux, etc.), toute une couche d’électeurs et de partisans de longue date de l’AKP s’en sont détachés. Un des plus grands exemples de ce processus fut la tentative du président Erdogan de s’assurer une majorité parlementaire absolue (des deux tiers) dans le but de modifier la Constitution afin d’accroître son pouvoir personnel. Finalement, l’AKP a perdu sa majorité parlementaire, même simple, en n’obtenant plus que 41% des voix. Cela ouvre une période d’instabilité et d’incertitude politique quant à la formation du prochain gouvernement.
La victoire du HDP
Pour la gauche et pour tous ceux qui aspirent à une société meilleure, le remarquable succès électoral du HDP ouvre une fenêtre d’opportunités politiques. Depuis les élections, le HDP est devenu le sujet de de discussions dans les villes.
Le HDP est une coalition entre groupes, partis et individus de gauche dont le coeur est originaire du mouvement national kurde. Au cours de ces derniers mois, la direction du parti a réussi à mobiliser de nombreux militants de différents mouvements sociaux et politiques, tels que le mouvement LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuel(le)s, Transgenres, Queers et Intersexes) ou des défenseurs de l’environnement. Le BDP kurde (le bras politique du PKK interdit) reste la force dominante à l’intérieur du parti. Mais ce dernier a également commencé à attirer un nombre croissant d’électeurs turcs qui ont tiré la conclusion que l’AKP d’Erdogan et le principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), ne représentent pas leurs intérêts. La grande majorité des électeurs du HDP sont des travailleurs, des retraités, de petits agriculteurs et des jeunes dont beaucoup ont été radicalisés par les importantes luttes des travailleurs et des jeunes qui ont eu cours ces dernières années pour exiger de meilleures conditions de travail, refuser le travail précaire, défendre les droits démocratiques, etc. Beaucoup de militants du HDP se considèrent comme socialistes ou communistes.
Le HDP défend notamment un meilleur système de soins de santé, un système d’éducation plus fort et soutenu par l’Etat, une hausse du salaire minimum à 1.800 livres turques par mois et le raccourcissement de la semaine de travail à 35 heures sans perte de salaire. Tous les autres partis réclament beaucoup moins, mais le fait que le HDP ait amené ces questions sociales au cœur du débat public – même si cela ne dominait pas dans la propagande du parti – a forcé les autres partis à se positionner sur ces questions.
Globalement, les dirigeants du HDP ont mis davantage l’accent sur des idées vagues de «percée démocratique», de «démocratie radicale», de «grande humanité», etc. La campagne a aussi beaucoup porté sur les droits des minorités nationales et des personnes LGBTQI. La direction du HDP a aussi essayé de surfer sur les sentiments religieux d’une couche de la population. Dans un de ses discours de campagne, Figen Yüksegdag, co-dirigeant du HDP, a déclaré que de la corruption des dirigeants de l’AKP est une «insulte à l’islam». Ce que veut vraiment la direction du HDP n’est pas clair, ce qui est compréhensible au vu du fait que la composition sociale et politique du parti est loin d’être homogène. Le HDP veut-il devenir un nouveau parti des travailleurs ou entend-il se transformer en un parti libéral vaguement de gauche comme le sont les partis Verts dans la plupart des pays européens?
La crise du capitalisme s’approfondit à travers le monde et la Turquie ne fait pas exception à la règle. Les travailleurs et les jeunes font face à des temps difficiles. Pour défendre les droits démocratiques et lutter pour des conquêtes sociales, un parti militant ancré au sein de la classe des travailleurs sera un instrument crucial, un parti ayant des liens solides avec les syndicats et les mouvements sociaux, un parti où les députés utilisent leur position élue comme plate-forme pour la défense des luttes sociales.
Si les députés du HDP utilisent la première session parlementaire pour lancer une campagne audacieuse pour leurs revendications sociales et politiques (hausse du salaire minimum, semaine des 35 heures, suppression des lois anti-grève, etc.), ils pourraient gagner beaucoup de respect parmi les travailleurs et la jeunesse du pays. Cela permettrait également d’exposer le double discours de partis comme le CHP «kémaliste» et le MHP d’extrême-droite, qui avaient la hausse du salaire minimum dans leur programme électoral mais ne sont pas prêts à lutter pour faire de cette revendication une réalité. Un nouveau parti des travailleurs défendant leurs intérêts au travers de revendications sociales fortes pourrait grandement croître en Turquie. Des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs ont de grands espoirs envers le HDP pour qu’il joue ce rôle. Il est probable que son nombre d’adhérents augmente fortement.
Pourtant, de nombreux travailleurs turcs sont toujours hostiles au HDP. Certains d’entre eux considèrent le HDP comme une manœuvre du PKK, comme un parti dominé par d’anciens cadres du PKK, où les décisions importantes sont prises entre le dirigeant emprisonné du PKK, Abdullah Ocalan, et les dirigeants du HDP. C’est une raison importante qui argumente en faveur de structures démocratiques et transparentes. Il est particulièrement important que les travailleurs et les jeunes puissent voir comment les décisions se prennent et qu’ils puissent constater qu’il n’y a pas «d’agenda caché du PKK».
La direction du HDP a obtenu beaucoup de soutien du peuple turc durant ces élections, mais la grande majorité de ces partisans et électeurs appartiennent à la classe moyenne libérale. Construire un pont entre les travailleurs kurdes et turcs est une tâche essentielle pour l’avenir du mouvement ouvrier en Turquie. Le HDP, compte tenu de son succès électoral, peut faire des pas importants dans cette direction. En se saisissant de tout problème social, de chaque petite grève ou forme de résistance des travailleurs et en utilisant leur position dans les médias et au Parlement, le HDP pourrait devenir une «caisse de résonance» pour l’ensemble de la classe des travailleurs.
Il est évidemment positif que le HDP ait exclu toute coalition avec l’AKP dès le début. Mais ils devraient aussi exclure sans équivoque toute coalition ou tout soutien à d’autres forces, ce qui n’est pas encore tout à fait clair. Quel que soit le nouveau gouvernement, il sera responsable de coupes sociales et d’une politique de droite. Plutôt que d’appeler tous les partis à être «responsables», à contribuer à la stabilité politique et en donnant priorité aux négociations de coalition avec les forces pro-capitalistes, la direction du HDP doit préparer la résistance à venir. Le HDP pourrait, par exemple, utiliser l’élan de sa campagne électorale réussie et sa position nouvellement acquise pour convoquer des assemblées de masse en invitant les travailleurs, les jeunes, les militants, etc. à venir discuter ensemble de comment construire les prochaines étapes de la lutte.
L’expérience de nombreux partis de gauche à travers le monde montre qu’après des succès électoraux initiaux, le danger est réel que ces partis s’orientent ensuite vers la droite. Pour éviter cela, il faut développer un programme politique cohérent, des structures démocratiques à tous les niveaux et une implication active de la base.
Défendre une véritable orientation socialiste pour le HDP, basée sur le soutien à l’action de masse de la classe des travailleurs et sur la nationalisation des banques et des grandes industries, sera une tâche clé des militants dans la période à venir. Construire des connexions organiques avec la base des mouvements sociaux et syndicaux sera également crucial pour assurer que cette formation ne finisse pas dans un bourbier de compromis politiques, de coalitions avec les forces pro-capitalistes et d’application de la politique d’austérité.
-
Kurdistan : La bataille de Kobanê à la croisée des chemins
Que signifie l’ « assistance » militaire américaine pour la lutte kurde ?
La situation à Kobanê a mis la question kurde au centre de l’attention dans le monde entier. Le canton de Kobanê, qui fait partie de Rojava (ou Kurdistan Occidental), est assiégée depuis la mi-septembre par criminels de « l’État Islamique » (EI) et est devenu l’un des centres de la résistance contre le déchaînement djihadiste.
Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière
Alors que le majeure partie de la Syrie a sombré dans la guerre sectaire, les 3 enclaves à majorité kurde de Rojava ont été désertées par les forces du régime d’Assad en 2012. Depuis au Rojava, « l’auto-administration » et l’autonomie territoriale ont été proclamées par les forces qui ont saisi le pouvoir politique, dominées par le PYD (Parti de l’Union Démocratique – la version Syrienne du Parti des Travailleurs Kurdes, ou PKK), et un équilibre ethnique et religieux fragile a été maintenu. L’identité et la langue kurdes longtemps niés et ont été reconnus ainsi que les droits formels pour les groupes religieux et les minorités ethniques.
L’État Islamique a attaqué Kobanê, le canton le plus vulnérable et exposé de Rojava, de presque tous les côtés avec des armes lourdes, des tanks et des missiles, en essayant pendant plus de 5 semaines d’écraser la résistance de la ville. Rojava et son modèle explicitement laïc représentaient un défi direct au programme théocratique réactionnaire de EI. Les femmes combattantes armées d’AK-47 en première ligne contre un groupe totalement misogyne ont stimulé l’imagination de beaucoup de gens dans le monde entier.
Contrairement aux atrocités qui ont lieu dans beaucoup d’endroits d’Irak et de Syrie, les cantons de Rojava ont été un symbole de résistance pour des millions de Kurdes, de travailleurs et de jeunes de la région. Des manifestations, des occupations et des actions ont eu lieu dans toute l’Europe en soutien à la lutte à Kobanê, auxquelles les membres du CIO ont pris part.
Les acquis de Rojava et la résistance à Kobanê ont offert un pont potentiel sur la route des Kurdes pour l’auto-détermination et, plus généralement, un possible point de référence pour raviver la lutte des travailleurs et des pauvres contre les horreurs de EI et les régimes dictatoriaux au Moyen-Orient. Cependant, toutes les complications politiques et les dangers de ce qui s’est récemment développé dans cette régions doivent être abordés, car une défaite dans cette lutte, au contraire, lâcherait encore plus de souffrances sur les personnes de la région.
Kobanê tient bon
Beaucoup de commentateurs prédisaient que Kobanê tomberait en quelques jours mais son destin est encore sur la balance, bien que certaines parties de la ville soient sous contrôle des djihadistes. L’une des raisons pour cela est que le PYD et ses unités armées, le YPG (Unités de Protection du Peuple) et le YPJ (Unités de Protection des Femmes) se sont battus héroïquement. En fait, ils ont été jusqu’ici les seuls combattants efficaces contre l’avancée d’EI. Ils se distinguent des faibles performances de l’armée irakienne complètement corrompue et des forces Peshmerga (les forces armées du gouvernement semi-autonome Kurde du Nord de l’Irak qui ont cédé les montagnes Sinjar et d’autres territoires à EI presque sans combattre. Cela montre que lorsque le peuple a un but sérieux pour lequel se battre, leur moral et leur détermination peut même surmonter, dans une certaine mesure, leur infériorité technique et militaire.
Cela a mis l’impérialisme américain et sa croisade militaire contre EI – jusqu’ici, qui n’est pas du tout couronnée de succès – sous une pression de plus en plus forte. Initialement, les stratèges américains étaient prêts à voir Kobanê capturée par les troupes de EI. « Aussi horrible que ce soit de voir en temps réel ce qui se passe à Kobanê… vous devez vous retirer et comprendre l’objectif stratégique », commentait John Kerry fin septembre. Mais il y a deux semaines, les USA sont passé de quelques frappes aériennes parcimonieuses et réticentes contre EI à Kobanê à des efforts plus déterminés d’assistance aux combattants de YPG, y-compris en parachutant des armes, des munitions et du matériel médical, disant que ce serait « moralement difficile et irresponsable de ne pas aider ceux qui combattent EI à Kobanê ». Pour illustrer ce retournement, un représentant de YPG occupe maintenant une position dans le centre des opérations jointes de la coalition à Erbil, la capitale du Nord de l’Irak, pour coordonner les frappes aériennes à Kobanê avec l’armée américaine.
La motivation de ce changement de politique était qu’ils réalisaient de plus en plus que la prise de la ville par EI serait un coup humiliant au prestige et à la crédibilité américaines : Obama ne pouvait pas se permettre qu’EI remporte une nouvelle victoire militaire. Et permettre à un groupe affilié à ce que les USA et l’UE listent encore comme organisation terroriste (le PKK) faire le gros des combats de terrain contre les combattants d’EI n’améliorait pas non plus l’image des puissances occidentales. L’impérialisme américain avait donc besoin de reprendre l’initiative.
Les politiques turques en lambeaux
Il n’est pas un secret que l’armée turque laisse sa frontière ouverte pour permettre aux militants Djihadistes d’entrer dans le territoire Syrien, permettant même aux combattants de EI de retraverser vers la Turquie pour recevoir des soins médicaux comme pour vendre du pétrole au marché noir. Ces manœuvres étaient motivées, en partie, par les illusions « néo-Ottomanes » du président Turc Erdo?an et son Parti de la Justice et du Développement (AKP). Cela a laissé croire au dirigeant Turc, pendant les premières étapes de la guerre civile Syrienne, que le régime d’Assad serait rapidement renversé et que la Turquie deviendrait un élément dirigeant de l’axe régional dominé par les Sunnites. Mais cette politique a été explosée par les événements du terrain.
Similairement, le gouvernement Turc a clairement voulu voir Kobanê vaincu par EI, pour donner une leçon brutale au mouvement Kurde en Turquie. Beaucoup de gens ont vu à la télé des images de dizaines de tanks Turcs alignés à la frontière turque-syrienne, alors que les combats faisaient rages à quelques kilomètres de là. Bien sur, la plupart des Kurdes ont raison de rejeter toute intervention de l’armée Turque dans la région, car cela ne serait que pour satisfaire la soif de pouvoir et l’hégémonie de l’élite dirigeante turque, certainement pas pour les droits des habitants locaux. La principale revendication était d’ouvrir la frontière pour permettre aux renforts et aux équipements d’entrer, mais l’armée turque a bloqué l’aide envoyée aux combattants Kurdes, empêchant des milliers de gens de traverser la frontière et de rejoindre la défense de la ville assiégée.
La perception internationale que le régime Turc passe des accords sous la table avec EI contre les Kurdes Syriens gagne du terrain. Enflammées par la politique d’Erdo?an à Kobanê, les manifestations et émeutes récentes des Kurdes de Turquie (affrontements entre des militants Kurdes et les forces de l’État turc, mais aussi avec des fondamentalistes islamistes Kurdes, ainsi qu’avec des nationalistes Turques d’extrème-droite), ont fait 44 morts. Ces événements ont rappelé au régime qu’entretenir une guerre détournée contre les Kurdes de Syrie était difficile à faire sans raviver le conflit avec les Kurdes de Turquie.
Le processus de paix au bord du gouffre
Dans un message du 28 octobre, Abdullah Öcalan, le dirigeant emprisonné du PKK, a dit que le processus de paix engagé début 2013 entre le PKK et l’État Turc était « passé à une autre étape », ajoutant qu’il était maintenant « plus optimiste ». Cette déclaration a été faite juste après que la colère de la population Kurde de Turquie ait explosé, montrant que les masses Kurdes ne semblent pas partager ces vues optimistes. Pendant ce temps, de violents incidents impliquant les forces de l’État Turc et les militants Kurdes se sont multipliés ces dernières semaines.
La grande majorité du peuple de Turquie, d’origine Turque comme Kurde, ne veulent pas retourner à l’état de guerre. Pour empêcher ce scénario sanglant, la gauche Kurde et Turque comme le mouvement syndical, ont la première responsabilité dans la reconstruction d’une lutte de masse pour les droits du peuple Kurde, et pour lier cette lutte à la lutte nécessaire d’organiser tous les travailleurs, les jeunes et les pauvres de toute ethnies et régions contre le régime capitaliste de l’AKP.
Ce dernier a annoncé récemment un plan extensif de privatisations – dont les conséquences humaines ont été démontrées par un autre accident minier dans le Sud du pays mardi dernier – qui montre, une fois encore, que le gouvernement AKP n’est pas seulement un ennemi des Kurdes mais aussi un ennemi de la classe ouvrière et des pauvres vicieusement au service du big-business.
Le demi-tour d’Erdo?an
Erdo?an et son cercle dirigeant qualifient officiellement le PYD et EI d’organisations « terroristes ». En vérité, Erdo?an a clairement favorisé le poison djihadiste. Cela ne sera pas sans conséquences pour le peuple de Turquie. EI a développé des réseaux de recrutement et des cellules d’opération en Turquie, et ses rangs comportent des centaines de jeunes Turcs. Le danger d’un retour de feu terroriste en Turquie est réel.
La tension monte aussi entre les USA et le régime d’Erdo?an. La classe dirigeante américaine est de plus en plus mécontente de la Turquie, qui est membre de l’OTAN. Washington pense que la Turquie a appuyé les forces même que les USA bombardent depuis quelques semaines, ce qui montre le manque de volonté de certains des partenaires des USA dans la mal-nommée « Coalition des Volontaires ».
Étant donnés ces facteurs, le gouvernement Turc a finalement été forcé de faire demi-tour en ce qui concerne Kobanê. Insatisfaits de la décision unilatérale des USA d’assister le PYD, Erdo?an a essayé de trouver une alternative sans perdre la face, en permettant à 150 combattants Peshmerga, liés au Gouvernement Régional du Kurdistan (KRG) de l’Irak du Nord, d’aller à Kobanê via la Turquie.
Le régime d’Erdo?an a développé des relations très étroites avec les dirigeants notoirement corrompus et pro-capitalistes du KRG. Le président du KRG, Masoud Barzani, et son parti, le KDP (Parti Démocratique du Kurdistan), qui jusque récemment étaient eux-même apparemment contents de voir le YPG se faire écraser à Kobanê, ont un historique de collaboration directe avec l’armée Turque pour essayer d’éliminer les combattants du PKK sur le territoire dirigé par le KDP.
Ces Peshmerga doivent rester à l’écart du front de Kobanê. En fait, la signification politique de ce coup est bien plus pertinent que sa justification militaire. Par cette manœuvre, les dirigeants Kurdes essaient de diluer et de contre-balancer l’influence de PYD, et de mettre un pied dans le Kurdistan Syrien en faisant entrer en jeu leurs partenaires de droite. Le fait même que les Peshmerga soient encore autorisés à aller et venir en franchissant la frontière alors que beaucoup de manifestants Kurdes de Turquie et de réfugiés de Kobanê sont systématiquement empêchés de le faire, montre les machinations cyniques d’Erdo?an.
Les socialistes et la bataille pour Kobanê
Bien avant que la bataille pour Kobanê soit sous les projecteurs des médias, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) avait souligné le besoin de construire partout dans la région des organes non-sectaires et démocratiques comme base pour organiser une défense populaire de masse non seulement contre EI, mais aussi contre tout autre groupe extrémiste religieux, contre les forces brutales et sectaires des régimes Syrien et Irakien, et contre l’intervention impérialiste – ces dernière ayant une grande responsabilité dans la croissance des bandes djihadistes qui attaquent maintenant Kobanê.
Pour cimenter l’unité au travers des lignes nationales, ethniques et religieuses, une telle lutte demande d’être équipée d’un programme qui soit sans compromis en faveur des droits égaux pour tous les peuples et communautés opprimés de la région, leur droit à l’auto-détermination inclut.
Face à la menace de génocide ethnique par les meurtriers d’EI, les défenseurs de Kobanê et beaucoup de Kurdes dans le monde entier ont demandé à la « communauté internationale » de les assister contre les unités de EI, bien mieux équipées. C’est une demande compréhensible étant donné les circonstances, cependant c’est une approche erronée dont les masses de Kobanê et d’autres endroits de Rojava peuvent payer un lourd prix. Si les gouvernements occidentaux étaient vraiment intéressées au bien-être de la population de Kobanê, ou même à vaincre EI sans arrières-pensées, il y a longtemps qu’ils auraient procuré des armes aux défenseurs de la ville, sans demander de concessions politiques en contre-partie. Cependant, ce qui se passe maintenant est toute une autre histoire.
L’assistance américaine en termes d’armement est, en effet, utilisée pour faire du chantage et pousser les combattants de Kobanê à la soumission politique, et le PYD à s’aligner de plus en plus sur la politique américaine. Washington a essayé de donner du pouvoir au Conseil National Kurde (KNC), une coalition de droite des partis Kurdes Syriens qui sont appuyés par Barzani, comme contre-poids aux PYD à Rojava. Mais le 22 octobre, le PYD a officiellement signé un accord de partage du pouvoir avec les pro-capitalistes du KNC pour administrer conjointement les régions Kurdes de la Syrie.
3 jours plus tôt, le commandement général de l’YPG a publié une déclaration : « Nous allons travailler à consolider le concept d’un véritable partenariat pour l’administration de ce pays en rapport avec les aspirations du peuple syrien avec toutes ses classes ethniques, religieuses et sociales ». C’est un précédent dangereux. Alors que la Constitution du Rojava mentionne la protection du droit du travail, le développement durable et le bien-être général, ces buts ne peuvent être obtenus en plaidant l’harmonie entre toutes les classe sociales.
Ces développements marquent une tentative claire de l’impérialisme américain et ses partenaires d’installer une direction Kurde plus complaisante à Rojava. Le CIO avait averti de ces développements : « toute solution à la lutte Kurde reposant sur l’appui politique de l’impérialisme occidental devrait être rejetée, et les livraisons d’armes ne peuvent être acceptées que sur base du rejet des « conditions » imposées par les puissances extérieures qui vont contre les intérêts des masses du peuple Kurde. » (‘The battle for Kobanê’, 02/10/2014) .
Aussi épouvantables et menaçantes que soit l’action de EI, ce n’est pas le seul danger qui pèse sur Kobanê et Rojava. Les accord secrets avec l’impérialisme doivent être rejetés, car ils font courir le risque de créer un changement qualitatif dans le caractère des combats sur le terrain.
Même le régime syrien de Bashar al-Assad et le gouvernement russe ont bien accueilli le déploiement des forces Peshmerga à Kobanê. Tous les vautours survolent la région pour y imposer leur influence, avec l’intention de restaurer « l’ordre » seulement sur base de leurs intérêts de classe. Kobanê et les autres cantons de Rojava pourraient être réduits à des pions dans les manœuvres des puissances extérieures et leurs mandataires locaux, mettant sur le côté les éléments authentiques de la résistance des peuples, et poignardant dans le dos la lutte que des milliers de personnes ont déjà paye de leur vie.
Lutte pour la démocratie socialiste
Le CIO pense que la force et la survie de le lutte à Rojava sont directement liés à l’implication active des masses de la population locale. Alors que des pas ont été faits dans cette direction, les manœuvres mentionnées ci-dessus montrent le manque de transparence démocratique dans la façon dont la lutte est menée et comment les décisions sont prises.
Sans contrôle démocratique et auto-organisation authentique des masses, il y a un danger réel que ces caractéristiques démocratiques prennent le dessus. La lutte dans toutes les enclaves de Rojava, sous ses aspects militaires et politiques, devrait être organisée aussi largement et démocratiquement que possible, sur base de transparence des décisions à tous les niveaux. Les assemblées populaires rapportées devraient être élargies et démocratisées avec des représentants révocables. Les partis politiques devraient exercer le pouvoir seulement sur base de leur poids réel dans la société, et non sur base des accords secrets imposés par en haut par des pouvoirs extérieurs. A Kobanê, malgré leur bravoure indiscutable, les quelques milliers qui sont restés défendre la ville se sont battus tous seuls. Le gros de la population locale a fui la ville. Mais plus tôt, le PYD aurait pu appeler à l’initiative de tous les travailleurs, paysans et jeunes, en encourageant à s’unir, à mettre en place des comités de défense, à monter des barricades, et à jouer ainsi un rôle actif dans la protection et la fortification de leur ville – sur le modèle de la résistance anti-fasciste à Barcelone en 1936, bien que dans des circonstances différentes. Ceux qui n’étaient pas en position d’être directement impliqués dans la lutte aurait pu être impliqués dans l’assistance à la résistance de d’autres façons (logistique, infirmerie etc).
Malheureusement, les méthodes de guérilla du PKK/PYD, basées sur l’idée d’une minorité vaillante combattant au nom de la masse de la population, a été un obstacle à l’organisation des dizaines de milliers de personnes qui pouvaient jouer un rôle crucial dans le reversement des flux et reflux du siège de EI.
Face à la menace continuelle d’EI, la masse de la population de chaque ville et village de tout Rojava a besoin d’être énergiquement encouragée à effectuer un entraînement militaire basique et à organiser des organes de défense, sur des bases non-sectaires. Cela permettrait de forger une force et une unité maximum et de préparer la résistance à l’ennemi djihadiste assiégeant.
Les combattants restant à Kobanê ne seront pas capables de maintenir leur combat indéfiniment dans l’isolation si leur lutte n’est pas activement reprise par un plus grand nombre dans les régions environnantes. Cela aiderait à rompre le siège de Kobanê par les djihadistes dans l’Ouest, l’Est et le Sud de la ville et aussi par l’armée turque dans le Nord.
Les premiers alliés de la résistance Kurde ne devraient pas être la super-puissance impérialiste américaine ni aucune force capitaliste, mais la mobilisation active et indépendante de la classe ouvrière et des pauvres dans cette région du monde et au niveau mondial. Le sabotage des acquis de Rojava par les forces pro-capitalistes et pro-impérialistes serait, au contraire, un retour en arrière et compliquerait la lutte durable des Kurdes pour leurs droits, ainsi que la lutte unifiée dont tous les pauvres et les opprimés de la région pour une vie meilleure ont besoin. C’est pourquoi il et nécessaire d’approfondir la lutte Kurde, et d’essayer de l’étendre géographiquement en atteignant les masses ouvrières et pauvres de toute la région avec un programme audacieux pour le changement social.
Le magazine allemand Der Spiegel a rapporté qu’une centaine d’usines et d’ateliers de la ville syrienne Alep ont récemment été déménagées dans le canton occidental de Rojava, Efrîn. L’attitude du gouvernement régional d’Efrîn, cherchant activement à attirer des entreprises privées dans la région souligne la contradiction interne de tenter de construire un nouveau modèle basé sur la justice sociale tout en fonctionnant dans le cadre du capitalisme. Le développement de ce que le PYD et le PKK appellent « con-fédéralisme démocratique », sans se débarrasser de la nature profiteuse et exploiteuse de la propriété capitaliste, et sans implanter une réforme terrienne en profondeur, va mener à la compétition entre localités pour l’investissement des capitaux et son inévitable corollaire : un nouveau « nivellement par en-bas » des droits des travailleurs et des conditions de vie.
Cela montre le besoin pour les masses de Rojava d’élever leur lutte sur le terrain économique, en prenant les usines et en collectivisant les terres, et d’établie les conditions d’un plan de production socialiste démocratique. Cela et la garantie des pleins droits démocratiques pour tous, donnerait un exemple aux masses de toute la région sur la façon de construire une voie pour sortir de la pauvreté, de la guerre, du sectarisme religieux et de l’oppression nationale.
• Solidarité avec le peuple de Kobanê et de Rojava – Stop au massacre djihadiste
• Rupture du siège de Kobanê – pour l’ouverture immédiate de la frontière turco-syrienne à tous ceux qui veulent aider la défens de la ville. Pour l’envoi à Kobanê de colonnes de volontaires organisés en commun par la gauche kurde et turque, les organisations communautaires et les syndicats
• Pour le renforcement de comités de défense non-sectaires de masse pour sécuriser toutes les parties de Rojava sur la base de l’organisation démocratique et implantée des travailleurs, des jeune et des paysans pauvres
• Aucune confiance en l’impérialisme – non aux accord secrets avec les puissances étrangères et autres forces pro-capitalistes
• Pour la construction d’une lutte unifiée de tous les travailleurs et les pauvres de Turquie contre les politiques capitalistes et le règne autoritaire de l’AKP
• Non aux lois patriotiques sécuritaires et à toutes les lois répressives en Turquie
• Retrait de l’interdiction des organisations kurdes en Europe et aux USA
• Pleins droits démocratiques pour le peuple kurde – pour le droit à l’auto-détermination des Kurdes dans toutes les régions du Kurdistan, ainsi que de toutes les communautés opprimées de la région
•Pour une Rojava socialiste et démocratique au sein d’une confédération socialiste et volontaire du Moyen-Orient





