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  • [DOSSIER] Protestations massives au Moyen-Orient et en Afrique du Nord: Quelles perspectives pour la révolution en Egypte?

    A la suite des évènements révolutionnaires de Tunisie, les masses égyptiennes ont occupé les rues 18 jours durant. Après le départ de Ben Ali et de Moubarak, les régimes autoritaires de la région craignent pour leur survie. Pourtant, en Egypte, il ne s’agit encore que du début de la révolution.

    Dossier par Peter Taaffe

    Soulèvement révolutionnaire

    En 1936, Léon Trotsky déclarait à propos de la France : ‘‘Jamais la radio n’a été aussi précieuse que ces derniers jours.’’ S’il y a plus de moyens de communication globaux aujourd’hui, le sentiment est identique. Des millions de personnes ont pu suivre le déroulement des évènements et tout a été mis de côté, comme les matchs de l’équipe nationale égyptienne.

    Même dans un mouvement révolutionnaire spontané, la garantie du renversement du vieux régime est souvent liée à l’élément de direction de l’insurrection, direction préparée par les forces révolutionnaires au cours de la période précédente. Cet élément était absent de la révolution égyptienne, que divers commentateurs ont qualifiée de ‘‘révolution sans dirigeant’’ Mais la foule était immense (jusqu’à 6 millions de personnes) et très déterminée.

    Certains facteurs sont responsables de la décision des généraux de finalement laisser tomber Moubarak. L’un d’entre eux est l’occupation de la place Tahrir, qui a constitué un élément de double pouvoir où la rue a contesté le pouvoir d’Etat. Mais les généraux ont pris peur de la foule croissante, certainement au vu du fait que certains commençaient à prendre la direction du Palais présidentiel et d’autres centres du régime, comme les locaux de télévision. Le ministre américain de la Défense, Robert Gates, a appelé les généraux pour pousser au départ de Moubarak. Mais un autre élément décisif est l’implication de la classe ouvrière, avec des grèves et des occupations d’entreprises.

    Un Elément de surprise Ce soulèvement révolutionnaire et insurrectionnel a constitué une surprise pour les commentateurs bourgeois. Dans les documents de notre Congrès Mondial de décembre dernier, on pouvait notamment lire : ‘‘Tous les régimes despotiques et autoritaires de la région craignent à juste titre les mouvements d’opposition de masse qui pourraient se développer en Iran, en Égypte et ailleurs, et qui constitueraient une source d’inspiration pour leurs populations opprimées. Toutefois, à moins que la classe ouvrière ne prenne la direction de tels mouvements, avec un programme de classe indépendant, l’opposition de masse peut emprunter des canaux différents.’’

    Tous les ingrédients de la révolution étaient présents, avec la division au sein de la classe dirigeante, l’entrée en résistance de la classe moyenne, et les travailleurs et les pauvres qui expriment leur mécontentement face à la détérioration de leurs conditions de vie, à l’augmentation des prix et au chômage de masse. Cela avait déjà été démontré par la vague de grève qui avait récemment déferlé sur le pays.

    Il y a aussi une tradition de lutte contre le régime. Le jour où les protestations de masse ont commencé, le 25 janvier, est aussi le jour où les forces britanniques ont perpétré un immonde massacre de manifestants égyptiens, dont des policiers ironiquement. En 1952, il y a eu une révolution contre le Roi et des émeutes de la faim ont eu lieu contre Moubarak mais aussi contre son prédécesseur, Anwar El Sadat. Aujourd’hui, les évènements de Tunis ont été l’étincelle qui a mis le feu à la révolution égyptienne.

    Un coup d’Etat en douceur

    La joie était énorme à l’annonce du départ de Moubarak, mais la révolution n’est pas encore achevée, ce qui est compris par de nombreux combattants égyptiens. Les droits démocratiques ne sont toujours pas d’actualité et la loi martiale (en application depuis 30 ans) n’a toujours pas été abrogée. Comme l’a dit un manifestant : ‘‘Nous n’allons pas nous contenter d’une demi-révolution.’’

    En fait, il y a eu une sorte de coup d’Etat en douceur destiné à garantir les éléments centraux du régime: le capitalisme et la grande propriété terrienne. L’armée reflète la composition sociale de l’Egypte elle-même. Les conscrits en composent environ 40%. Ces derniers ont été radicalisés par la révolution, tout comme une partie du corps des officiers. Les généraux auront des difficultés à faire respecter la stricte discipline militaire.

    Tant la direction de l’armée que l’élite dirigeante espèrent de tout coeur que le rôle des masses est terminé. C’est encore loin d’être le cas. Des illusions existent parmi les masses concernant le rôle de l’armée comme caution de la révolution, idée renforcée par des figures comme Mohamed El Baradei qui a déclaré que l’armée devrait prendre le pouvoir afin d’empêcher toute ‘‘explosion’’ dans le pays. Cela résume la crainte des capitalistes libéraux face aux menaces qui pèsent contre les bases économiques et sociales de l’Egypte capitaliste.

    La menace de la contre-révolution

    Si la classe dirigeante et l’armée ont à faire le choix entre un statu quo et une véritable révolution, certainement une révolution socialiste, ils feront tout pour favoriser la première option. Le révolutionnaire irlandais Henry Joy McCracken avait dit : ‘‘Les riches trahissent toujours les pauvres’’. Cela vaut tout particulièrement pour les propriétaires terriens et les capitalistes pourris qui prédominent dans les pays néocoloniaux. Les responsables de l’ancien régime sont dans un premier temps obligés de s’adapter au nouveau pouvoir, mais uniquement pour ensuite voir comment restaurer leur influence. C’est ce qui s’est produit après la révolution de février 1917 en Russie avec le général réactionnaire Kornilov ou au Chili avec le général Pinochet, qui avait utilisé sa position dans l’armée sous le gouvernement radical d’Allende pour faire un coup d’Etat et noyer la révolution dans le sang. La révolution, à moins de parvenir à sa conclusion socialiste, provoque inévitablement des tentatives contre-révolutionnaires de la part du vieux régime.

    L’armée manoeuvre

    Il ne suffit pas de déposer Moubarak et sa clique, il faut mettre un terme au pouvoir socio-économique sur lequel se base le régime. La direction de l’armée est pieds et poings liée au capitalisme et aux propriétaires terriens. Le chef du conseil suprême de l’armée égyptienne, le maréchal Tantawi, est également l’un des plus gros industriels du pays. L’armée égyptienne ressemble sur ce point à l’élite militaire pakistanaise : elle contrôle une grande part de l’industrie et fait partie de l’élite capitaliste. L’élite de l’armée égyptienne n’est pas seulement liée à la classe dirigeante, elle a intégralement soutenu la politique impérialiste américaine au Moyen Orient. Ces dernières années, le régime égyptien a reçu environ 1,5 milliards de dollars chaque année, dont une bonne part est revenue à la direction de l’armée.

    De ce côté-là, aucun soutien ne peut être attendu pour la révolution. Une fois que la classe ouvrière aura décidé de s’impliquer sur le plan politique avec des mouvements et des grèves de masse qui mettront en avant des revendications autres que seulement sur les salaires et les conditions de travail, l’armée aura vite fait de choisir son camp. Mais d’autre part, il y a un soutien à la révolution à différents niveaux de l’armée. Les soldats doivent aussi s’organiser, même si la radicalisation n’y atteint pas les proportions que l’on a pu connaître dans l’armée portugaise durant la révolution de 1974.

    Parmi les soldats, le rôle de la direction de l’armée va de plus en plus être questionné, ce qui conduira à des conflits. Les forces révolutionnaires doivent y jouer un rôle et poser la question des liens entre la base de l’armée et les protestations de la rue. Cela peut se faire avec des revendications portant sur la constitution de comités de soldats avec les droits démocratiques pour parvenir à un changement dans l’armée et dans la société.

    Un gigantesque gouffre entre les classes

    Il est maintenant d’une importance cruciale de construire sur base des récentes luttes de la classe ouvrière et d’instaurer des comités de travailleurs et des pauvres dans les usines et les quartiers ainsi que de les relier aux niveaux local, régional et national.

    A la base même de la société, parmi les travailleurs les plus exploités et les pauvres, une révolution suscite naturellement la sympathie et le soutien. Le journaliste britannique Robert Fisk a relaté la façon dont les enfants sans abris (au nombre de 50.000 dans la capitale) ont été impliqués dans les évènements révolutionnaires. Le régime a essayé de les récupérer, mais nombreux sont ceux qui ont choisi le camp de la révolution.

    La révolution offre à la classe ouvrière l’opportunité de mettre en avant ses propres revendications au niveau politique ou social. Nombre de facteurs économiques sont à la base des mouvements en Tunisie, en Egypte et ailleurs. Les salaires très bas combinés à la hausse astronomique des prix (certainement pour les produits de base comme la nourriture) ont été parmi les éléments déterminants du déclenchement de la révolution. Cela a conduit la classe moyenne mais aussi les travailleurs et les pauvres à protester. Les statistiques officielles disent que sur une population de 80 à 85 millions d’habitants, 40% vit sous le seuil de pauvreté, 44% sont quasi illettrés et 54% travaillent dans le secteur ‘‘informel’’.

    Le gouffre entre riches et pauvres est abyssal, un gouffre qui s’approfondit à travers le monde sous le coup de la crise économique. Pour tenter de rester au pouvoir, Moubarak avait promis une augmentation salariale de 15% aux six millions de travailleurs des services publics, ce qui n’a toutefois pas suffi à stopper les protestations. Des revendications portant sur les salaires, une semaine de travail plus courte et d’autres revendications du mouvement ouvrier (notamment au sujet des soins de santé et de la sécurité) devront faire partie du programme combatif dont ont besoin les travailleurs pour la période à venir. Pour cela, les travailleurs doivent construire leurs propres organisations et syndicats.

    L’auto-organisation des travailleurs

    Les syndicats indépendants qui se développent maintenant doivent tourner le dos aux dirigeants syndicaux occidentaux qui voudront les limiter à l’intérieur du cadre du capitalisme.

    La lutte ne concerne pas seulement les droits démocratiques comme le droit de grève et le droit de constituer des syndicats. La classe ouvrière a besoin de ses propres organisations de lutte, dans les entreprises mais aussi dans la société de façon plus générale. La classe dirigeante essayera de former un ‘‘Parlement’’ pour défendre ses intérêts. Les masses doivent y opposer leur propre ‘‘Parlement’’ : des conseils de travailleurs et des paysans pauvres qui lutteraient pour une Assemblée Constituante démocratique.

    La nécessité d’une véritable confédération syndicale des travailleurs égyptiens est criante. Cette question est liée à la création d’une expression politique indépendante, flexible et démocratique de la classe ouvrière organisée, l’équivalent des comités de masse créés durant la révolution russe et que l’on a aussi pu voir durant des évènements similaires dans l’histoire. Quand, durant la première révolution russe de 1905, de tels comités ont été improvisés, c’était essentiellement des comités de grève. Aucun des représentants politiques des travailleurs n’imaginait que cela puisse être élargi jusqu’à devenir des organes de lutte de masse et, éventuellement, après la révolution d’Octobre 1917, des organes de pouvoir pour la classe ouvrière victorieuse. La revendication de construction de comités ouvriers de masse n’est pas applicable à toutes les situations, mais c’est tout à fait légitime dans une période révolutionnaire, comme c’est clairement le cas en Egypte.

    Une Assemblée Constituante Révolutionnaire

    Les grèves ne concernent déjà plus uniquement des caractéristiques économiques et industrielles mais aussi des aspects politiques.

    C’est assez symptomatique de la façon dont les travailleurs égyptiens voient la situation. Une révolution est un grand professeur pour les masses, qui apprennent plus et à plus grande vitesse qu’en temps normal. Les 18 jours de janvier et de février ont été une période d’éducation intense et ont forgé les travailleurs égyptiens dans un processus de révolution et de contre-révolution.

    Dans le but de soutenir cela, la classe ouvrière a besoin de tirer les conclusions nécessaire. Il est primordial d’entamer un processus de création de comités de masse. La classe ouvrière doit se battre pour exprimer de manière indépendante ses positions dans la société en gardant farouchement son indépendance de classe.

    La classe ouvrière doit se faire le meilleur avocat d’un programme et des droits démocratiques. C’est la seule façon pour elle de prendre la direction révolutionnaire des différentes sections de la société : les paysans, les pauvres des villes et des sections de la classe moyenne qui voient l’obtention de la démocratie comme la tâche la plus urgente dans la situation actuelle. Les slogans démocratiques comme de revendiquer une presse libre, avec la nationalisation des imprimeries pour faciliter l’expression de toutes les tendances de l’opinion, et le droit d’association libre sont cruciaux.

    Mais la revendication la plus importante d’une portée générale est celle d’un Parlement démocratique, d’une assemblée constituante. Il est clair que les classes possédantes, même si elles sont préparées à concéder certains droits démocratiques, ne sont pas en faveur d’une démocratie large, honnête et accessible à tous. On ne peut accorder aucune confiance aux généraux ou aux élites pour construire une véritable démocratie en Egypte.

    Face à cela, les travailleurs devraient appeler à la formation de conseils indépendants des travailleurs et des paysans pauvres. L’ensemble du programme démocratique devrait être appuyé par l’appel pour une assemblée constituante qui aurait un caractère révolutionnaire dans le contexte de la révolution actuelle. Des comités doivent assurer que les élections soient correctement organisées et que les votes ne soient pas achetés comme par le passé.

    Nous nous démarquons complètement des formations ‘pro-capitaliste’ qui ont aussi soulevé la question de l’assemblée constituante dans une forme abstraite. La classe ouvrière n’a aucun intérêt dans un régime où le président a le dernier mot. Ce régime était celui de Moubarak, celui de Sadate et celui de Gamal Abdel Nasser. Nous sommes contre une ‘chambre haute’ qui contrôle et repousse les demandes radicales de la classe ouvrière et des pauvres. Une élection démocratique pour une assemblée constituante révolutionnaire devrait être le mot d’ordre des masses égyptiennes.

    Une telle revendication agitée dans une campagne de masse par les forces révolutionnaires aurait un énorme effet dans la situation actuelle. Cela devrait aller de pair avec la création d’un parti de masse des travailleurs qui donnerait une voix aux sans-voix et aux oubliés.

    Répercussions internationales

    La révolution Egyptienne n’a pas été un évènement strictement intérieur, mais un phénomène étendu à tout le Moyen-Orient et à l’ensemble du monde. Les masses égyptiennes ont secoué les fondations du pouvoir impérialiste qui croyait qu’il pouvait tenir toutes les rênes dans ses mains. Une des affiches placardée après le départ de Moubarak disait : ‘‘2 partis, 20 à faire partir’’, premièrement la Tunisie et maintenant l’Egypte. Bien sûr, cela ne se reproduira pas à l’identique automatiquement pour chaque aspect et détail dans les pays de la région.

    Il n’y a aucun régime stable dans la région. Les régimes les plus réactionnaires du Golfe, les potentats semi-féodaux, tremblent actuellement devant le magnifique mouvement des travailleurs Egyptiens. Déjà en Jordanie, les échos de ces mouvements sont reflétés dans les manifestations de masses, tout comme en Lybie, en Algérie et au Maroc. Au Yémen, le président a promis de ne pas se représenter. Cependant, sa tentative de rester encore 2 ans est intenable. Il peut être déchu par un mouvement de masse dans la prochaine période.

    L’équilibre des forces a considérablement changé dans la région. Un des régimes le plus effrayé est sans doute celui qui apparait comme le plus fort, Israël. Jusqu’ici, la classe dirigeante israélienne était soutenue par le régime de Moubarak à travers son soutien honteux à l’embargo imposé aux masses pauvres palestiniennes à Gaza. Le canal de Suez est aussi un facteur stratégique vital.

    La classe ouvrière israélienne qui est récemment entrée en conflit avec son propre gouvernement sera aussi touchée par la révolution égyptienne. Une Egypte démocratique et socialiste lancerait une collaboration intime avec la classe ouvrière dans les deux pays conduisant à une réelle paix à travers une confédération socialiste des états du Moyen Orient. Des conséquences à moyen et long terme pourraient mettre en avant le scénario d’une autre guerre dans la région. Mais la plus importante guerre qui doit être diligemment menée est la guerre de classe. Nul doute qu’une nouvelle page de l’histoire est en train de s’écrire dans cette région du monde et particulièrement pour la classe ouvrière. Toutes les forces combattant pour un monde socialiste, le PSL et son internationale le Comité pour une Internationale Ouvrière saluent la classe ouvrière égyptienne et espèrent et attendent avec ferveur que ce nouveau chapitre soit favorable au mouvement de la classe ouvrière dans le monde.

  • Afrique du Nord et Moyen-Orient: soutien les Révolutions avec EGA

    20/3 MANIF NATIONALE Bruxelles – 14h – Gare du Nord

    Le 20 mars, se tiendra une journée internationale d’action en soutien aux peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient avec une manifestation nationale à Bruxelles à l’initiative des organisations de paix. Participe à cette manifestation avec les Etudiants de Gauche Actifs secondaire & supérieur pour soutenir les révolutions dans la région et aux meetings d’EGA organisés dans plusieurs villes et universités.

    Tract des Etudiants de Gauche Actifs

    Tract en PDF

    ==> Rubrique de ce site consacrée au Moyen-Orient et au Maghreb

    Les révolutions s’étendent à toute l’Afrique du Nord et au Moyen Orient…

    L’immense majorité des masses libyennes, qui fournissent des efforts titanesques, veulent la fin du régime dictatorial de Kadhafi. Oman, Koweït, Yémen, Jordanie, Algérie, Maroc,… l’autorité des dictateurs et des rois, des régimes fantoches à la solde des multinationales, sont défiés partout.

    Tout nos gouvernements ont soutenu et armé ces dictatures pour les profits des multinationales qui ont la main mise sur les marchés et l’accès aux matières premières, qui profitent des journées de 12 à 13h de travail, des bas salaires et de l’absence de droits démocratiques et syndicaux.

    Meetings d’EGA

    • Lundi 4 avril: UCL, à 19h, à l’auditoire Montesquieu 4
    • Mardi 5 avril: ULB, à 19h, bâtiment H
    • Mercredi 6 avril: Liège, à 19h, au café "L’île aux trésors", 28 place du XX août (en face de l’université)

    La monarchie semi-féodale d’Arabie Saoudite, alliée des Etats-Unis craint aussi la contagion et promet 36 milliards $ de réforme sociale. Jusqu’ici les moyens n’existaient soi-disant pas pour les travailleurs, les jeunes et les pauvres, confrontés au chômage de masse et à la misère. “Chiites, Sunnites nous sommes tous frères et soeurs” est scandé au Bahreïn, “Non au sectarisme” “les gens veulent changer de régime” à Beyrouth : comme en Egypte, l’action des masses pousse de côté les divisions nationales, communautaires et religieuses. L’héroïsme des jeunes et des travailleurs en Iran illustre toutes les formes de dictatures qui sont contestées qu’elles soient militaires, policières ou religieuses. Les victoires en Tunisie et en Egypte montrent que seuls les mouvements de masse peuvent renverser les dictatures. Et pas les interventions militaires des puissances impérialistes européennes et des Etats- Unis. “Le pétrole du peule pour le peuple, pas pour les voleurs”, “Non à la dictature de Saddam Hussein et non à la dictature des voleurs” scandent les Irakiens confrontés à la répression meurtrière des forces de sécurité. Comme en Irak et en Afghanistan, une intervention militaire des puissances impérialistes en Lybie n’aurait pas comme objectif réel l’aide aux populations mais servirait à s’assurer un scénario post-Kadhafi favorable aux multinationales et à leur contrôle sur les ressources pétrolières.

    Les prix de l’essence flambent à la pompe à cause des révolutions ? La réaction des marchés et l’augmentation du prix du pétrole illustre plutôt la complaisance des multinationales pour les dictatures et leurs craintes des révolutions. Ici, avec le retrait des produits pétroliers de l’indexation des salaires, ce sont les travailleurs qui en font les frais ; les spéculateurs, eux, en profitent.

    … et continuent en Tunisie et en Egypte

    Les vagues de grèves pour des meilleurs salaires et des conditions de travail, l’occupation de la Kasbah par les jeunes contre la confiscation de la révolution tunisienne, les sittings de masse en Egypte pour la dissolution de la police secrète, les manifestations de femmes place Tahrir contre leurs exclusions via les réformes constitutionnelles,… Ce sont autant d’expressions de la poursuite de la révolution face à la volonté des puissances impérialistes et des élites locales corrompues de confisquer la révolution et de mettre de nouveaux régimes en place à la solde des capitalistes.

    Les soulèvements de masse et l’arrivée de la classe des travailleurs dans la lutte, à travers une déferlante de grèves et d’occupations d’usines, ont dégagé les dictateurs Ben Ali et Moubarak, poussé de l’avant la révolution démocratique et posé immédiatement les tâches de la révolution sociale contre l’exploitation capitaliste. La lutte doit continuer afin de renforcer, étendre et coordonner les organes issus de la révolution tels que les syndicats indépendants, les comités de quartier ou d’entreprise gérés par les travailleurs et les pauvres. Ces derniers doivent être à la base de l’organisation immédiate d’élections libres pour une assemblée constituante révolutionnaire.

    C’est la seule issue pour construire une société démocratique capable de résoudre les immenses problèmes sociaux; une société socialiste démocratique où la production est organisée pour la satisfaction des besoins de tous et non pas pour les profits d’une minorité de capitalistes.

    Le 20 Mars avec EGA:

    • Pour un monde débarrassé de la terreur, de la guerre, de la misère et de l’exploitation capitaliste!
    • Soutien aux révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient; soutien aux organes issus de la révolution-même (comités révolutionnaires, populaires, de défense des quartiers, d’entreprises, de ravitaillement et syndicats indépendants)!
    • Confiscation et restitution des biens spoliés par les dictatures aux organes de la révolution.
    • Pas d’intervention militaire en Libye sous couvert d’aide humanitaire, pas d’ingérence de l’impérialisme Européen et Américain
    • Pour la nationalisation et la reconversion totale de l’industrie de l’armement!
    • Rétablissement du pétrole dans l’index via un rétablissement de l’index complet ! Ce n’est pas aux travailleurs et aux jeunes de payer la crise du capitalisme!
  • Les antifascistes occupent les rues de Gand!

    La manifestation antifasciste anti-NSV qui s’est déroulée cette année à Gand a été réussie, avec une bonne participation pour une manifestation non-violente et portant un message clair contre le racisme et l’extrême-droite. Les étudiants du Vlaams Belang ont manifesté avec environ 300 participants, de dirigeants du VB aux membres du groupe néonazi Blood&Honour. Il y avait bien plus de jeunes combatifs à la manifestation antifasciste.

    Geert Cool

    Blokbuster: 20 années de campagnes antifascistes

    Blokbuster – Quelques précédentes manifestations anti-NSV

    • 2011 : 1.200 antifascistes réunis à Gand
    • 2010 : 750 antifascistes réunis à Anvers
    • 2009 : 1.000 antifascistes réunis à Louvain
    • 2008 : 1.200 antifascistes réunis à Gand
    • 2007 : 500 antifascistes réunis à Anvers
    • 2005 : 1.200 antifascistes réunis à Louvain
    • 2004 : 1.500 antifascistes réunis à Gand (décembre)
    • 2004 : 700 antifascistes réunis à Anvers (mars)
    • 2003 : 1.000 antifascistes réunis à Louvain

    Les antifascistes étaient presque 1.200, soit quatre fois plus que le NSV (qui est le cercle étudiant officieux du Vlaams Belang) à sa manifestation. La police a parlé d’une présence de respectivement 750 et 300 manifestants. Ce qui est clair, c’est que ceux qui luttent pour une réponse sociale contre le chômage, la misère, le manque de perspectives d’avenir et la guerre étaient beaucoup plus que ceux qui ont manifesté pour une contre-révolution élitiste destinée à mettre fin à tous les acquis sociaux (le NSV a défilé derrière le slogan ‘‘pas d’évolution, mais une révolution’’).

    Pour réunir un certain nombre de manifestants, le NSV a dû faire appel à l’aide à des organisations telles que Voorpost (le service d’ordre du Valaams Belang), le Vlaams Belang et de plus petits groupes plus radicaux comme le N-SA. Dans la délégation de ce dernier groupuscule se trouvait Thomas Boutens, l’homme qui s’est fait connaître pour avoir organisé un groupe néonazi dans l’armée. Boutens a marché côte à côte avec la direction gantoise du Vlaams Belang, Tanguy Veys et Johan Deckmyn. Maintenant que le NSV a été officiellement reconnu comme cercle universitaire à l’université de Gand, grâce aux largesses des partis traditionnels, l’organisation de ce genre de manifestation nauséabonde est désormais financée avec les subventions de l’UGent, l’université de Gand.

    A la manifestation antifasciste, l’accent a été mis sur la nécessité de résister activement au racisme et à l’extrême-droite. Dans ce cadre, nous devons également lutter contre le terreau sur lequel l’extrême-droite et un certain soutien à la logique de division peut se développer. Le système capitaliste n’a rien d’autre à offrir à la majorité de la population que la misère, le chômage et un avenir très sombre et incertain, et certains peuvent se tromper de colère en stigmatisant un ou plusieurs groupes dans la société. Mais c’est tous ensemble, hommes, femmes, d’origines étrangère ou belge, que nous pouvons lutter le plus efficacement pour un meilleur avenir, contre l’élite capitaliste responsable de la situation actuelle. C’est cela que nous avons voulons porter comme message avec la manifestation anti-NSV.

    Avec une résistance active, nous pouvons accentuer ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous divise. La vague révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient clarifie très certainement cela. La lutte qui s’y développe n’a rien de ‘‘culturel’’ et n’a rien à voir avec la religion. Au cours de la lutte, de telles différences ont été balayées par la nécessité de l’unité dans la lutte contre 20 ans de politique néolibérale. C’est cette même politique qui est appliquée ici aussi.

    Notre réponse aux dégâts de la politique néolibérale ne repose pas sur la division, la haine, le nationalisme de droite et le racisme. Nous affirmons haut et fort : tout ce qui nous divise nous affaiblit ! D’où notre résistance au racisme, au sexisme, à l’homophobie ou à ceux qui veulent renvoyer celles qui portent le voile.

    Cette manifestation antifasciste réussie a été clôturée par de courtes prises de parole, notamment pour appeler à participer à la manifestation nationale du 20 mars prochain en solidarité avec les révolutions en Égypte, en Tunisie et ailleurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Un représentant du réseau antifasciste de Liège a également lancé un appel pour la manifestation contre le centre fermé de Vottem et en solidarité avec les sans-papiers qui se déroulera le 3 avril prochain.

  • Les dictateurs dégagent, que la révolution continue!

    Aucune confiance envers les chefs militaires ! Pour un gouvernement de représentants des travailleurs, des paysans et des pauvres ! Pour l’élection immédiate d’une assemblée constituante révolutionnaire sous la supervision de comités des travailleurs, des pauvres et des jeunes !

    Le 21 janvier dernier, le peuple tunisien faisait tomber Ben Ali suite à une mobilisation massive et historique. A peine 20 jours après, c’était au tour du dictateur égyptien de prendre la fuite. Dans les deux cas, la taille croissante des manifestations et l’arrivée de la classe ouvrière dans la lutte, à travers une déferlante de grèves sur le pays, ont donné raison à la détermination de ces populations révoltées.

    Par Karim (Bruxelles)

    Ces mouvements révolutionnaires ont d’ailleurs constitué une source d’inspiration pour toute la région: au Yémen, en Libye, à Bahreïn, en Algérie,… Ces actions ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat d’un cocktail explosif composé d’un chômage énorme, d’une très large pauvreté (le Yémen est le pays le plus pauvre de la région, alors qu’en Égypte, 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour), d’une politique répressive de la part de régimes autoritaires, mais aussi des combats héroïques qu’ont menés les travailleurs ces dernières années.

    Aujourd’hui, en Tunisie comme en Egypte la chute des régimes autoritaires en place n’a pas pour autant mis fin à la crise mais, en fait, a ouvert la brèche à une période de révolution et de contrerévolution. En Tunisie, la population a fait irruption sur la scène politique comme jamais auparavant, affichant une combativité sans précédent transformant les rues et les bars en forums de discussion politique quotidienne. En Egypte, des employés des secteurs des transports, des banques, du pétrole, du textile et même des médias officiels ainsi que certains organismes du gouvernement se sont mis en grève pour demander une augmentation salariale et de meilleures conditions de travail. A l’origine de ces mouvements, il n’y a pas seulement la question des droits démocratiques mais avant tout une révolte profonde face à une misère sociale extrêmement dure. Les derniers développements, notamment ces grèves de masse, ne font que démontrer que pour la majorité de la population de la région, la lutte ne doit pas s’arrêter à la fuite d’un dictateur mais doit se poursuivre en remettant plus largement en cause le régime et le système en place.

    La crise capitaliste a brisé chaque espoir d’un avenir meilleur, cette illusion étant aujourd’hui réduite à néant. Alors que certains commentateurs parlent de ‘‘nouveau sport national’’ à propos des vagues de grèves qui se développent, il y a des tentatives pour stopper les protestations avec certaines concessions: comme ce fut le cas pour les éboueurs en Tunisie qui ont reçu une augmentation de salaire de 60%. Des programmes sociaux ont été introduits par le gouvernement. Mais les révolutions égyptienne et tunisienne ne font que commencer. Le processus est à peine entamé et connait de nombreux obstacles.

    Face à cela, les travailleurs et les jeunes de la région doivent continuer à faire face et à n’accorder aucune légitimité ou confiance aux personnalités liées au régime ainsi qu’à leurs comparses impérialistes. Il ne faut pas se laisser duper par la perspective de prochaines élections ou par la soi-disant complaisance de l’armée envers la révolution. Le combat doit continuer afin de renforcer les organes de lutte tels que les comités de quartier ou d’entreprise gérés par les travailleurs et les pauvres. Ces derniers doivent être à la base de l’organisation immédiate d’élections libres pour une assemblée constituante révolutionnaire seule capable de construire une société démocratique et répondant aux véritables besoins de la population.

  • Libye: le mouvement de masse se heurte à une féroce répression

    En Libye, le mouvement insurrectionnel des masses, lequel balaye actuellement le Maghreb et le Moyen Orient, s’est heurté à une répression d’une férocité inégalée depuis le début du raz-de-marée révolutionnaire. Néanmoins, la survie du régime semble de plus en plus menacée, avec l’Est du pays aux mains de la rébellion et de nombreuses villes dans l’Ouest en proie à des combats entre les masses insurgées et les sbires du régime. Non seulement l’armée s’est-elle retirée d’une grande partie du pays mais de nombreuses unités on rejoint la rébellion.

    Par Christian (Louvain)

    Cette décomposition de l’appareil d’Etat s’est également manifestée sous forme de défections de diplomates et d’autres éléments proches du pouvoir dont même des ministres et le chef de protocole du dictateur. Alors que ces individus professent être horrifiés par une répression excessive, il est probable que bon nombre d’entre eux sont surtout intéressés pour sauver leur peau et peut-être même leur carrière. Après tout, la Tunisie comme l’Égypte ne sont-ils pas toujours largement dominés par des individus appartenant a la clique des tyrans déchus?

    Dans la même veine, les dirigeants occidentaux, lesquels avaient redécouvert le régime de Kahdafi comme un partenaire respectable avec lequel faire d’excellentes affaires, se sont longtemps contentés de vagues déclarations dans l’esprit hypocrite qui leur est propre. Certains, comme Berlusconi, ont tout de même étés incapables de contenir leur désarrois devant le possible effondrement prochain d’une régime ami. L’Italie est après tout le pays impérialiste qui risque de perdre le plus à cause des développements actuels non seulement en ce qui concerne l’approvisionnement en pétrole et la perte d’investissements mais également en ce qui concerne une possible vague de refugiés politiques et économiques (jusqu’a 300.000 selon certaines estimations) qui risque de déferler sur ses côtes dans un avenir proche. De surcroit, on peut se permettre de supposer que Berlusconi, étant donné la délicatesse de sa propre situation, ait de réelles sympathies avec d’autres leaders autoritaires et kleptocratiques dont le pouvoir est menacé.

    Malheureusement il ne faut pas uniquement chercher parmi les classes dominantes des pays impérialistes pour rencontrer des sympathies envers le régime libyen. En effet, c’est parmi la "gauche" en Amérique Latine que Kadhafi peut également compter sur un certain nombre de sympathisants. Pour cela, il faut chercher l’explication dans l’histoire de la décolonisation et dans la nature même de cette "gauche" latino américaine. Il faut se rappeler que durant la décolonisation et jusqu’a l’effondrement du stalinisme en Union Soviétique, de nombreux régimes bourgeois dans les pays néocoloniaux se disaient socialistes et nationalisèrent, du moins une partie de leur économie.

    Cela fut notamment le cas sous Habib Bourguiba, le prédécesseur de Ben Ali. C’est ainsi que le RCD, l’ancien partis de Bourguiba comme de Ben Ali, aujourd’hui du moins officiellement dissous, faisait partie de la deuxième internationale, l’internationale qui regroupe les partis sociaux-démocrates comme le PS. Cela n’a bien évidement pas empêché le régime de mener une politique de réformes néolibérales ces dernières décennies (les partis sociaux-démocrates dans les pays plus démocratiques ont fait de même) ou à une petite clique autour du président de s’enrichir énormément.

    Contrairement au régime tunisiens très proche des pays impérialistes, Kadhafi a longtemps joué le rôle du leader anti-impérialiste. Durant les années ’70, prônant un socialisme panarabe, il a nationalisé l’industrie pétrolière, principale source de richesse du pays. En effet, durant ses premières années aux pouvoir, il a essayé d’imiter la politique bonapartiste de Nasser en Egypte, son idole. Ce cachant derrière une rhétorique anti-impérialiste, le colonel a également cherché à assouvir sa soif de pouvoir et d’auto-affirmation à travers des actions terroristes et en se jetant dans des aventures militaires un peu partout en Afrique. Enfin, aux prises à l’isolement et à des sanctions économiques, le régime a cherché à se réconcilier avec les pays impérialistes. Mettant un terme à ses aventures encombrantes, la Libye a pu recevoir des investissements étrangers, quelque chose qui a permis à la bourgeoise internationale comme à l’élite proche au pouvoir libyen de se remplir les poches à volonté.

    Les sympathies que portent les régimes de "gauche" en Amérique Latine pour le dictateur libyen ne sont pas surprenantes, mais risquent d’être utilisées pour discréditer les idées du socialisme. Alors que le régime libyen lançait des rais aériens et des mercenaires contre sa propre population, un fonctionnaire européen a pu prétendre que Kadhafi avait fuit au Venezuela. Bien que rapidement démentie, cette rumeur démontre comment les alliances politiques de Chavez peuvent être utilisées par l’impérialisme et par la propagande bourgeoise.

    Bien que le gouvernement vénézuéliens ait condamné la violence en Libye, une déclaration fort ambigüe faite par Chavez sur Twitter "Viva la Libye et son indépendance! Kadhafi fait face à une guerre civile!!" laisse encore bien des doutes sur ses sympathies. Dans ses articles, le Comité pour une Iinternationale Ouvrière avait déjà critiqué les bonnes relations entretenues entre Chavez et des dictateurs comme Ahmadinejad et Kadhafi. Pour de vrais marxistes, la politique ne peut pas se résumer à "l’ennemi de mon ennemi est mon ami", il faut toujours tenir compte des préjugés qui existent encore contre le socialisme à cause des crimes du stalinisme.

    Bien qu’il ne soit pas à nous de créer des illusions dans la démocratie bourgeoise, s’allier à des dictateurs qui prétendent être "anti-impérialistes" est une trahison des intérêts de la classe ouvrière. Il n’est pas surprenant non plus qu’Ortega, après sa trahison ignominieuse envers la révolution nicaraguayenne (et ayant reçu des aides économiques de la Libye) ait déclaré son intention de supporter Kadhafi jusqu’a la fin dans la "grande lutte" que celui-ci mène pour son pays. Fidel Castro a quant à lui conseillé dans son article de ne pas juger Kadhafi trop vite et a suggéré que les États-Unis pourraient envahir la Libye d’un moment à l’autre. Une telle déclaration fait preuve d’une sorte de pragmatisme étranger à un vrai socialiste révolutionnaire. Ceci n’est en rien surprenant si on se souvient du silence de Castro lors du massacre de Tlatelolco en 1968 et des autres mouvements de masses de cette même année, sans parler de la ligne stalinienne prise envers les événements de Prague cette même année.

    Bien que la survie du régime de Kadhafi est aujourd’hui fortement mise en doute, la situation en Libye reste encore très incertaine et plus difficile à analyser que les développements dans les pays voisins comme la Tunisie ou l’Égypte, faute de journalistes sur place. Le rôle que la classe ouvrière y jouera est impossible à prévoir. Apparemment, l’activité économique est largement paralysée à Tripolis mais non pas par des grèves mais par le fait que la majorité des personnes qui y vivent craint de sortir de leur maison. Dans l’Est du pays, des comités ont apparemment fait leur apparition pour y gérer la situation, mais nul indication n’existe sur la composition de ceux-ci.

  • Iran : Grève générale au Kurdistan iranien et nouvelles protestations

    Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Téhéran, la capitale de la République Islamique d’Iran, ainsi que plusieurs autres villes ce 20 février. Au Kurdistan, une grève générale a également eu lieu tandis que la plus grande raffinerie du pays est en grève depuis lundi dernier pour réclamer des salaires impayés depuis des mois. Même la brutale répression d’Etat n’a pas pu stopper le mouvement.

    Malgré le fait que le régime ait mobilisé 100.000 miliciens, policiers et membres des forces de sécurité dans la capitale, arrêtant plus de 2.000 manifestants après les protestations du 14 février, et mettant aux arrêts à domicile les leaders de l’opposition, Moussavi et Karroubi, les nouvelles protestations de masse n’ont pu être stoppées. Les manifestants criaient "Pour la fin de la dictature, Moubarak, Ben Ali – c’est ton tour Sayyed Ali [Khamenei]!"

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    ==> Rubrique de ce site consacrée au Moyen-Orient et au Maghreb

    Sur l’Iran

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    Dimanche dernier, un étudiant, Hamed Nour Mohammmadi, a été tué à Shiraz, et un autre encore à Téhéran. De nombreux autres ont été blesses et des centaines de manifestants ont été arrêtés.

    Le Kurdistan iranien a connu une grève générale qui a touché de nombreuses villes – Sanandaj, Mahabad, Bukan, Marivan, Kamyaran et Saqez – et de nombreux secteurs, jusqu’aux magasins et bazars. A Bukan, la grève aurait touché 90% de la population, malgré les menaces militaires. A Mahabad, plus d’un millier de personnes ont pris part à une manifestation. A Kamyaran, l’armée a encerclé la maison de Farzad Kamanger, un enseignant arrêté par le régime en mai.

    D’importants pas en avant

    Les manifestations contre le régime le 20 décembre ont connu d’importants développements, très clairement sous l’inspiration des mouvements qui se développent dans d’autres pays de la région. Les slogans et revendications abordent frontalement la chute du régime, il n’y a plus de revendications demandant simplement des réformes. La perspective existe aussi que le mouvement de la semaine passée s’étende rapidement à la quasi-entièreté du pays. La violence désespérée du régime montre à quel point il est ébranlé, très particulièrement après les révolutions en Egypte et en Tunisie.

    La grève générale du Kurdistan montre la voie à suivre, avec la classe ouvrière engage en tant que telle dans la lutte contre le régime. Au fur-et-à-mesure du développement de la lutte deviendra plus claire l’urgente nécessité pour les travailleurs de s’organiser avec un programme politique indépendant qui s’oppose au régime, mais aussi au capitalisme.

    Moussavi et Karroubi, deux des quelques candidats autorisés aux dernières élections, n’offrent aucune réelle alternative. Quand Moussavi était premier ministre, lors de la présidence de Rafsandshani dans les années ‘80, s’est alors déroulé le plus grand nombre d’exécutions de prisonniers de l’opposition de l’histoire d’Iran. De son côté, Karroubi déclare lui-même être ‘‘membre du système [islamique], enfant du système et mon destin est attaché à ce système.’’ Le mouvement doit agir indépendamment des capitalistes et de l’élite dirigeante. Il doit aussi tirer des leçons de l’amère déception de 1979/80, quand une nouvelle élite a utilisé une rhétorique «révolutionnaire» et religieuse pour prendre le pouvoir et le consolider. Seul un gouvernement des travailleurs et des pauvres peut garantir les droits démocratiques et commencer la transformation du pays en retirant le pays de la poigne de l’élite dirigeante et du capitalisme.

  • Socialisme 2011: Le programme complet

    Samedi 12 mars

    Meeting d’ouverture (11.00 – 12.00) – “Journée Internationale des Femmes: la lutte contre le capitalisme est plus nécessaire que jamais”

    Il y a plus de 100 ans que les travailleuses ont commencé à organiser une journée internationale de la lutte pour les droits des femmes et pour le socialisme. Aujourd’hui, de plus en plus d’acquis sont sous pressions: les emplois pour les femmes sont systématiquement moins des emplois à part entière, leurs salaires sont en moyenne plus bas, la flexibilité sur le marché de l’emploi ne tient pas compte des enfants,… Et dans ce contexte de faible position économique, le sexisme et l’objétisation des femmes est devenue un phénomène de plus en plus commun. Leila Messaoudi (Gauche Révolutionnaire, France), Christine Thomas (Contro Corrente, Italie, auteur du livre “It doesn’t have to be like this”) et Tanja Niemeier (collaboratrice de la fraction GUE – Gauches Unitaire Européenne au Parlement européen) aborderont les leçons du passé pour la lutte des travailleuses d’aujourd’hui.

    2 sessions de discussion (13.00 – 15.00)

    • 20 années de Blokbuster: Comment combattre l’extrême-droite? avec Barbara Veger (Jongeren tegen Racisme, Pays-Bas) sur le phénomène la “droite folle” aux Pays-Bas, Petr Jindra (Socialistická Alternativa Budoucnost, Tchéquie) sur la croissance et le caractère de l’extrême-droite en Europe de l’Est, Antoine T. (Jeunes Anti-Fascistes, Charleroi) et Geert Cool (Blokbuster)
    • Révolution en Tunisie, Égypte, Yémen,… avec entre autres Chahid Gashir, correspondant du CIO en Tunisie pendant la révolte.

    8 commissions (15.30 – 18.00)

    • Révolte au Wisconsin (USA) contre les assainissements et les attaques anti-syndicales. Avec Katie Quarles, membre de Socialist Alternative (CIO-USA) au Wisconsin
    • Les jeunes en lutte pour leur enseignement et leur avenir, avec Alex Lecocq (Gauche Révolutionnaire, France), Paul Callanan (Youth Fight for Jobs and Education, Angleterre), Matthias Vanderhoogstraten (Étudiants de Gauche Actifs)
    • Changements climatiques, désastres naturels et socialisme
    • Tamil Solidarity (campagne internationale contre l’oppression des Tamouls au Sri Lanka)
    • Il faut un parti unifié et combatif pour la classe ouvrière, avec des orateurs du Front des Gauches, entre autres Pierre Eyben (porte-parole du Parti Communiste, Liège)
    • Les expériences et les leçons des grèves générales en Belgique, avec Gustave Dache
    • Congo: 50 ans après l’indépendance et après l’assassinat de Lumumba
    • Marxisme et question nationale

    Meeting du soir (19.00 – 20.30) – L’Europe en crise et la lutte contre l’austérité

    Avec Jacques Chastaing (France) du NPA Mulhouse (militant depuis déjà longtemps, entre autres durant la lutte de l’usine LIP à Besançon dans les années 1970), sur le mouvement contre la réforme des retraites de Sarkozy – Paul Callanan (Grande-Bretagne) de Youth Fight for Jobs and Education, sur la lutte contre les plans d’austérité de la coalition ConDem – Matt Waine, conseiller communal du Socialist Party à Dublin, à propos de la crise des dettes qui a brisé la coalition au pouvoir en Irlande. La gauche radicale en Irlande a uni les forces dans l’United Left Alliance qui, selon les sondage, peut obtenir trois à quatre sièges aux élections parlementaires du 25 février- Eric Byl, membre du Bureau Exécutif du PSL et responsable du travail syndical.

    Dimanche 13 mars

    Meeting du matin 10.30 – 12.00 – Perspectives pour la lutte en Belgique et quelle attitude adopter envers la question communautaire.

    Des syndicalistes régulièrement confrontés à la question communautaire témoignent de leur attitude. Avec Levi Sollie (délégué à Bayer, Centrale Générale de la FGTB). Karim Brikci (délégué CGSP à l’hôpital public Brugmann à Bruxelles, où le personnel comme les patients sont des néerlandophones, des francophones ou ont une autre langue maternelle), Yves Capelle (délégué SETCA à Steria Benelux et membre de la section bilingue du SETCA-BHV), Wouter Gysen (délégué CGSP à la SNCB, où l’unité des deux côtés de la frontière linguistique est une condition cruciale pour pouvoir contrer les attaques de la direction contre le statut et les conditions de travail) et Anja Deschoemacker (membre du Bureau Exécutif du PSL et auteur de “La question nationale en Belgique – une réponse des travailleurs est nécessaire!”).

    8 commissions (13.00 – 15.30)

    • Qu’est ce que le socialisme et pourquoi une économie planifiée est elle nécessaire ?
    • Venezuela: rapport d’un témoin, avec Benjamin D, de retour d’un séjour de 6 mois dans le “Socialisme du 21e siècle”
    • L’homophobie monte: causes et solutions
    • Les Jeunes en lutte pour des emplois décents
    • La scission de velours de la Tchécoslovaquie, avec Petr Jindra
    • Comment se battre contre le sexisme, avec Laure M (commission femmes du PSL) et Christine Thomas
    • 10 ans de mouvement antimondialisation: projection du film ”La stratégie du choc” + débat
    • Pour des syndicats démocratiques et combatifs, avec Martin Willems (secrétaire licencié du SETCA-BHV)

    Meeting de clôture (16.00 – 17.00) – Pour la lutte, la solidarité et le socialisme

    Le capitalisme n’est plus capable d’offrir un avenir décent. La crise économique conduit presque partout à des attaques extrêmement dures contre la population. Protestations massives, actions de grève et véritables révoltes montrent qu’une partie de plus en plus grande de la population n’est plus prête à accepter la logique de ce système. Mais quelle est l’alternative ? De quelle manière la lutte pour une société socialiste peut-elle à nouveau devenir une option concrète ? Chahid Gashir est resté quelques semaines en Tunisie et en livrera un rapport, Bart Vandersteene est porte-parole du PSL et formulera une alternative de lutte socialiste pour aujourd’hui, Donna Litzou est membre de l’organisation sœur du PSL en Grèce et témoignera de la lutte qui y prend place.

  • Irak : Une journée de protestations de masse prévue pour ce vendredi

    Ce vendredi 25 février verra très certainement les plus grandes manifestations de l’histoire récente du pays. Au Kurdistan, les protestations de masse se poursuivent malgré la répression du gouvernement PDK (Parti Démocratique du Kurdistan) qui a fait tirer sur els manifestants, entraînant ainsi la mort de quatre personnes.

    Abbas Sdiq, CIO-Suède

    ==> Rubrique de ce site consacrée au Moyen-Orient et au Maghreb

    Ce lundi 21 février, environ 2.000 personnes ont participé à des manifestations à Sulaymaniya, avec également la participation du personnel hospitalier et universitaire. Un jeune home de 17 ans, Sherko Mohammed, a été tué sous les balles de la police et un autre, Surkiu, est décédé à l’hôpital des suites d’une blessure par balle reçue la semaine dernière. 47 personnes auraient été blessées.

    Les protestations se sont étendues à plus de villes du Kurdistan irakien. A Kalar, Dervendishan et Halabja, des manifestations se sont aussi déroulées le lundi et d’autres villes vont rejoindre le mouvement. Les manifestations de Karal et de Dervendishan ont chacune impliqué 200 personnes, dont une bonne partie a fini arrêtée.

    Les partis dirigeants du Kurdistan irakien, le PDK et l’UPK (Union Patriotique du Kurdistan), disent qu’ils veulent négocier avec les dirigeants de l’opposition. Mais même le dirigeant du parti d’opposition établis, Gorran (Changement), refuse et réclame la démission du gouvernement. Gorran a adopté une approche prudente, et n’a pas particié aux protestations. L’initiative est venue des jeunes.

    Le PDK a, comme d’autres régimes de la région, menacé d’utiliser une plus forte violence. Fazel Mirani, le dirigeant du parti, a declaré que si quelqu’un attaquait le centre du PDK, "[nous] lui couperons les mains." Les manifestants ont répliqué qu’ils lui couperont ses bras!

    Une coopération étroite avec l’impérialisme américain

    Le PDK et l’UPK contrôle conjointement le Kurdistan en Irak en tant que région autonome depuis la première Guerre du Golfe en 1991, à l’exception d’une guerre civile entre les deux partis en 1994-96. Leur coopération très étroite avec l‘impérialisme américain et la situation relativement calme en surface dans la société du Kurdistan irakien n’ont eu aucune répercussion fondamentale pour la vie de la population, qui connaît une vie similaire au reste de la population irakienne. Chaque jour, il n’y a de l’électricité que pour 10 heures, et pas d’eau potable. La pauvreté et le chômage s’accroissent. Souvent, il ne reste comme emploi vacant que des emplois dans l’armée ou la police, ce qui signifie que le PDK et l’UPK ont construit un immense appareil de sécurité.

    La colère se concentre actuellement sur le président du PDK, Barzani, et sur le niveau de corruption, mais les manifestants ont aussi beaucoup de revendications sociales, particulièrement face au chômage massif.

    Le mouvement de protestation à travers l’Irak, qui puise ses forces dans le mouvement révolutionnaire de la région, doit assurer que les grèves et la participation de la classe ouvrière aux protestations soit une force organisée. L’Egypte et la Tunisie ont démontré que les dictateurs peuvent être renversés, mais aussi que la lutte doit être dirigée contre le système capitaliste lui-même.

  • Tunisie, Égypte,… Quelles perspectives et quel programme pour les masses?

    Lors de la discussion sur les perspectives internationales du Comité National du PSL-LSP qui s’est tenu ce weekend, un bonne part des interventions ont eu trait au processus actuellement à l’oeuvre dans le Moyen-Orient et au Maghreb. Le texte suivant reprend quelques uns des éléments qui ont été mis en avant, mais la discussion a été plus large et comprenait aussi des aspects historiques (Nasser, la crise du canal de Suez, le pan-arabisme,…) ou encore la situation au Yémen et en Algérie, thèmes sur lesquels nous reviendrons.

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    Des mouvements qui ne tombent pas du ciel

    Dans le document du 10e Congrès Mondial du CIO consacré au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord, il était dit ”tous les despotes et les régimes autoritaires de la région ont peur de mouvements de révolte de masse. Des mouvements en Iran ou en Egypte sont possibles, qui peuvent alors en inspirer d’autres. Si la classe ouvrière n’en prend pas la direction, ces mouvements peuvent prendre des directions très différentes.”

    Le mouvement en Tunisie a constitué une source d’inspiration pour toute la région: le Yémen, la Syrie, la Jordanie, l’Algérie,… Ces actions ne tombent pas du ciel, elles sont le résultat d’un cocktail explosif fait d’un chômage énorme, d’une très large pauvreté très large (en Égypte, 40% de la population vit avec moins de deux dollars par jour), d’une politique répressive de la part de régimes autoritaires, mais aussi des traditions de lutte dans la région.

    Dans cette région aussi, la crise capitaliste a suivi une politique néolibérale très dure. Entre 2004 et 2009, l’Égypte a attiré 42 milliards de dollars d’investissements extérieurs, investissements obtenus avec la promesse qu’il n’y aurait pas de taxes sur les profits. Une partie du secteur bancaire a été privatisée pour des entreprises d’autres pays et les principaux actionnaires des banques viennent d’Italie ou de Grèce. La Bourse égyptienne, entre 2004 et 2009, s’est développée en étant multipliée par douze.

    La crise s’est développée depuis 2009, avec la chute du prix du pétrole et une diminution des investissements, mais l’Égypte est une des places dans le monde où même avec cela, l’économie a continué à croître. Mais cette poursuite de la croissance économique, la population ne l’a pas plus ressentie qu’avant. Différents mouvements avaient déjà eu lieu ces dernières années et qui exprimaient cela.

    Entre 2004 et 2008, 194 grèves s’étaient développées chaque année en Egypte, surtout dans les centres textiles et à Suez. Entre 1992 et 2010, le gouvernement a mené sa politique de privatisation, et c’est dans cette période que ceux qui ont moins de deux dollars par jour sont passé de 20 à 44%. 66% de la population a moins de 25 ans, le poids de la jeunesse est extraordinaire et, parmi les chômeurs, 90% a moins de 25 ans. Cela illustre encore une fois que le mouvement ne tombe pas du ciel. Entre 2008 et 2010 il y a eu 1600 grèves chaque année, soit trois fois plus que durant la période précédente.

    Différentes multinationales sont présentes en Égypte, comme la multinationale française Lafarge (construction). L’Égypte représente pas moins de 10°% de ses profits. Mais on trouve aussi des entreprises Solvay, Unilever, la Société Générale, Heineken,… En Tunisie, quelques 2.500 multinationales sont présentes, dont plus d’un millier de françaises qui engagent 110.000 travailleurs. Les 146 entreprises belges emploient 20.000 travailleurs.

    Ce mouvement n’est pas uniquement basé sur des revendications démocratiques, c’est aussi une expression de la crise mondiale et du fait que toute une génération de jeunes n’a aucune perspective pour l’avenir. La crise capitaliste a brisé chaque espoir d’un meilleur avenir, cette illusion était présente et a été réduite à néant.

    On peut parler de mouvements révolutionnaires dans la région, avec une majorité de la population participant activement au mouvement dans l’intention de changer le statuquo en leur faveur et pour retirer la gestion de la société hors des mains de l’élite et des classes dirigeantes. Les manifestations sont massives et très populaires, avec beaucoup de travailleurs, des pauvres mais aussi des couches moyennes. Les appels initiaux ont été diffusés par des nouveaux médias, c’est une bonne manière de les utiliser. Mais il serait exagéré de dire que c’est une révolution Facebook. Ainsi, seulement 6% de la population égyptienne est sur Facebook.

    Dans les débats autour de ces évènements, il y a beaucoup de comparaisons avec les mouvements révolutionnaires du passé, comme les Révolutions colorées de la décennie précédente. Des explosions de colère ont ressemblé à cela, mais le mouvement actuel est bien plus profond. La conscience des masses est plus élevée et la conscience des classe est présente, c’est plus difficile à récupérer pour la bourgeoisie. On mentionne aussi la Révolution iranienne de 79, mais il est clair qu’il y a beaucoup de différences avec cela. On parle encore de la chute du stalinisme en 89-91. En fait, toutes les comparaisons ont leurs limites, et chaque révolution a ses propres éléments et sa propre dynamique.

    En Tunisie, le mouvement est rapidement parvenu à une première victoire. D’autres régimes tirent la conclusion que faire des concessions est dangereux, cela peut renforcer le mouvement. Chaque concession de Ben Ali a renforcé la confiance des masses, chaque concession a illustré le pouvoir du mouvement. La fuite de Ben Ali n’a ainsi pas stoppé le mouvement, ni la recomposition du gouvernement, ni la démission des ministres de l’UGTT. Les mobilisations continuent, avec toutefois un caractère différent.

    Différents secteurs connaissent des grèves. On essaye là aussi de stopper les protestations avec des concessions: les éboueurs ont reçu une augmentation de salaire de 60%. Des programmes sociaux ont été introduits par le gouvernement. Le régime tunisien a implosé, et cela a constitué un catalyseur pour le développement du mouvement en Égypte.

    L’Egypte

    L’Égypte diffère de la Tunisie au niveau économique (avec le canal de Suez) et politique. C’est aussi la population la plus grande de la région. L’Égypte est un des piliers les plus importants de l’impérialisme américain. Une de ces facettes est la relation avec Israël, un des alliés les plus farouches de Moubarak à l’heure actuelle. Le régime israélien a appelé Moubarak à utiliser la violence contre le mouvement. Le soucis de la classe dirigeante israélienne, c’est l’impact que cela aurait sur les masses palestiniennes. Il y a le problème du blocus de Gaza, auquel le régime de Moubarak collabore. Cette politique est très impopulaire en Égypte même, et ce qui se passerait avec un changement de régime n’est pas clair.

    Depuis mercredi, il est clair que le mouvement révolutionnaire en Égypte est compliqué. Jusque mardi, c’était plutôt joyeux. Mardi, il y avait plus d’un million de manifestants au Caire. La façon dont les choses s’étaient déroulées en Tunisie avait créé des illusions sur la facilité de renverser un régime. Mais depuis mercredi, le régime a utilisé les forces de la contre-révolution. La base sociale pour cela, c’est le sous-prolétariat du Caire, mais aussi les fonctionnaires du régime qui ont beaucoup à perdre. On peut faire la comparaison avec la manière dont le régime tsariste s’est opposé à la révolution de 1905 en Russie. Le mouvement sera-t-il assez fort pour aller contre le pouvoir? Les manifestations de vendredi ont confirmé que le mouvement est encore en train de croître et n’a pas perdu de ses forces, mais le potentiel n’est pas utilisé: pas de marche vers le palais présidentiel par exemple. C’était le ”jour du départ”, mais peu a été fait pour que Moubarak dégage vraiment.

    Pour arriver à une défaite fondamentale du régime, la classe ouvrière doit intervenir en tant que classe. Comme en Tunisie, il y a des liens très forts entre les directions syndicales et le régime. Tous les dirigeants sont membres du parti de Moubarak. Le régime exerce un contrôle sur la fédération syndicale. C’est vrai, mais dans les dernières luttes, des militants de base se sont opposés aux directions syndicales. Le syndicat des contrôleurs de taxes a même quitté la fédération syndicale pour rejoindre une nouvelle structure syndicale qui défend le salaire minimum, la sécurité sociale,… C’est difficile d’avoir énormément de précisions, mais ce nouveau syndicat est impliqué dans les comités de quartier.

    Le mouvement doit partir à l’offensive pour éviter que le régime et les Etats-Unis n’organisent une transition favorable aux capitalistes. Les revendications sociales doivent être centrales dans le mouvement afin d’également mobiliser les couches les plus passives.

    Les Frères Musulmans ont hésité avant de s’impliquer. Mais en même temps, des rapports disent que parmi ceux qui ont défendu la place du Caire, il y avait beaucoup de Frères Musulmans. Les cadres étaient contre tout soutien au mouvement, ce sont les jeunes qui ont fait pression, ce sont ces jeunes qui, mercredi dernier, participaient à la défense des manifestants contre la contre-révolution. Un scénario ”à l’iranienne” est peu probable, mais il est possible que les Frères remplissent le vide politique. Quelque soit le régime qui succèdera à Moubarak, il ne pourra toutefois pas collaborer avec Israël de la même manière. En Palestine, tant le Hamas que le Fatah sont contre le soutien au mouvement, ils voient les dangers pour leur propre position. Tout changement de régime en Égypte modifie en fait radicalement les choses au niveau du moyen-orient.

    Les Frères Musulmans peuvent jouer un rôle, mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui. La direction de Frères dit que leur modèle est plutôt celui de l’AKP d’Erdogan en Turquie et pas le modèle iranien. Ce n’est bien entendu que ce qu’ils disent, mais c’est aussi possible que cela soit une réflexion de ce qu’ils constatent: dans la rue, l’idée d’une société islamiste ne vit pas. Bien entendu, ils savent que s’ils rentrent dans le vide politique existant, ils vont se trouver dans une situation très compliquée, et c’est la raison pour la quelle eux aussi mettent en avant El Baradei pour qu’il négocie avec le régime.

    L’armée tente de gagner du temps pour, avec les USA, sauver l’élite et leur propre position dans la société égyptienne. Mercredi, pour beaucoup de manifestants, c’était clair que l’armée avait laissé l’espace pour ceux qui soutenaient le régime. Le chaos peut aider l’armée et cela peut renforcer parmi la population l’idée d’un appel à l’ordre. Mais l’armée n’est pas quelque chose d’homogène. Il y a eu des fraternisations entre soldats et manifestants en certains endroits. Pour les manifestants, il est crucial d’avoir une approche envers les simples soldats pour les détacher de la hiérarchie.

    Extension internationale

    Un des éléments important dans cette vague de révolte et de révolution, c’est la dispersion internationale. C’est un élément important, mais loin d’être neuf. A l’époque de Nasser, lors de la crise du canal de Suez en 1956, ce dernier avait mis en avant une grève générale dans toute la région, appel qui a joué un grand rôle dans la défaite de l’impérialisme. Mais le nationalisme arabe de Nasser a eu ses limites. Khadafi aujourd’hui est un des derniers représentants de cette époque du nationalisme arabe, qui a eu de grandes répercussions dans la région.

    Le développement de cette situation en Égypte a des incidences ailleurs. En Chine, ils essayent d’étouffer les évènements. Les médias ne parlent que de hooligans qui viennent tout casser au Caire. Le régime craint la propagation des protestations, et d’autres aussi, l’Iran par exemple. Khamenei, l’actuel Guide Suprême, a essayé de félicité le ”mouvement pour la libération musulmane” et, comme le Tea Party aux USA, le régime affirme que le mouvement ne vise qu’à instaurer un régime islamiste. De tels mouvements peuvent se développer dans d’autres régions, et un des éléments clé est le prix de l’alimentation. L’agence alimentaire américaine a publié un rapport sur l’insécurité alimentaire qui disait que les gens ont trois options: se révolter, migrer ou mourir. Il y a une grande possibilité qu’une grande révolte se développe sur ce thème.

    L’impérialisme ébranlé

    Personne n’a vu venir le mouvement en Tunisie. En un mois seulement, Ben Ali a tout perdu. L’énorme vitesse à laquelle le régime a été poussé dans la défensive, la vitesse à laquelle l’armée a été séparée de Ben Ali, la formation rapide des comités qui ont notamment jeté leurs patrons, tout cela est phénoménal. Entretemps, le régime cherche à voir comment canaliser la situation de double pouvoir qui existe. Le problème pour la bourgeoisie et l’impérialisme en Tunisie, c’est qu’ils n’ont pas quelqu’un comme El Baradei ou Amr Moussa, le président de la ligue arabe, qui est égyptien. Les USA continuent à miser sur le premier ministre, mais nous devons voir comment les relations de force vont se développer.

    Blair a parlé de Moubarak comme de quelqu’un de très courageux et une force œuvrant pour le bien et Obama, moins directement toutefois, est sur une position similaire. Pour donner une idée du rôle crucial de l’Égypte pour USA: depuis 1979, le pays reçoit 1,3 milliard de dollars de soutien militaire par an de la part des USA. C’est plus ou moins le même montant que ce que les USA donnent au Pakistan et à Israël. L’armée égyptienne est la 10e au niveau mondial, et elle joue un rôle crucial pour défendre les intérêts de l’impérialisme dans la région.

    L’impérialisme recherche des figures capables de restaurer la stabilité, mais c’est dans la rue que le résultat du mouvement va se jouer.

    Le double pouvoir et le rôle d’une direction révolutionnaire

    On peut conclure que le mouvement a jusqu’ici été très spontané et sans véritable organisation, mais on voit aussi un développement important de l’auto-organisation, comme avec la manière dont la sécurité a été organisée place Tahir, très impressionnante, de même que la façon dont des comités de quartier ont été instaurés en Tunisie ou en Égypte pour défendre les quartiers contre les pillages. Des comité sont lancés dans les entreprises aussi, et tout cela peut être la base pour développer un gouvernement des travailleurs et des petits paysans.

    Un processus révolutionnaire ne se développe pas de façon linéaire. En Tunisie, on assiste à un reflux du mouvement, malgré le développement d’une grève dans les métros à la suite de la victoire obtenue par les éboueurs par exemple. Cela contraste tout de même fortement avec la grève générale contre le régime et les protestations des semaines précédentes.

    Cette période était en fait déterminée par les premiers éléments d’une situation de double pouvoir où les comités de vigilance et les comités de quartier se développaient face au pouvoir du régime. Le danger du vol de la révolution tunisienne avec la complicité des institutions internationales est réel. La direction de l’UGTT soutient le gouvernement de Ghannouchi composé de patrons issus de l’étranger. Il faut réclamer un Congrès Extraordinaire de l’UGTT basé sur l’élection de représentants de la base afin de changer de direction syndicale.

    Mais il manque aussi une direction révolutionnaire. Le danger le plus grand est constitué par cette absence de direction qui laisse l’espace pour des figures bourgeoises. Il y a des mouvements comme dans les syndicats, qui sont importants et qui rendent très très difficile pour le régime de pouvoir revenir à la précédente situation, tant en Egypte qu’en Tunisie. Le résultat du mouvement sera décidé par l’organisation des masses: il faut renforcer les comités de base et les pousser à l’offensive contre le gouvernement.

    Le limogeage des PDG dans les entreprises en Tunisie et les barrages de travailleurs refusant que les anciens directeurs reviennent posent directement cette question: qui prend la direction des usines? Le gouvernement ? Les travailleurs ? D’autres capitalistes ? Nous devons considérer le développement de comités dans les entreprises, les écoles,… comme la base de la future société socialiste. Il ne suffit pas de s’opposer à la politique libérale, aborder la question du contrôle ouvrier est un point crucial dans le développement du mouvement aujourd’hui.

    Il ne suffit pas de réclamer la dissolution du RCD (le parti de ben Ali), la liberté d’expression et syndicale,… Saluer le développement des comités de base est très bien, mais il faut surtout amener la question de la prise du pouvoir par ces comités, les élargir et appeler à une Assemblée Constituante Révolutionnaire sur base de délégués démocratiquement élus dans les comités de base. Contre des mots d’ordre vagues de formation d’un gouvernement intérimaire qui jouisse de la confiance du peuple, il faut pousser la nécessité d’une démocratie des travailleurs basée sur les comités de base et les travailleurs.

    Concernant la police, réclamer une police basée sur la supériorité de la loi et les droits de l’homme est illusoire et totalement insuffisant à l’heure où l’on voit des bandes contre-révolutionnaires attaquer physiquement les locaux syndicaux, les militants,… La défense du mouvement doit être basée sur l’extension des comités, et cela vaut aussi pour la justice, etc. Ces comités doivent aussi être étendus à l’armée pour organiser les soldats qui ont fraternisé avec la révolution. Cela doit être la base pour fractionner l’appareil d’État. La direction de l’armée a lâché Ben Ali, mais ne veut pas que le mouvement aille plus loin.

    Enfin, concernant notre travail militant, nous devons accorder une grande attention aux sensibilités qui existent vis-à-vis de la question nationale. Il n’est pas question de crier à la révolution du ”monde arabe”, la question est beaucoup plus vaste. Les berbères, par exemple, ne sont pas arabes et sont opprimés au Maroc et ailleurs. On trouve également des berbères en Algérie, en Libye, en Tunisie et en Egypte. Ce terme de ”monde arabe” exclut aussi l’Iran, et l’on se rappelle encore des puissants mouvements de 2009.

    On ne peut jamais prédire comment les choses vont se développer, mais ces mouvements confirment la confiance que le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections, comme le PSL-LSP en Belgique, a toujours eu envers les capacités des masses pour se battre en faveur de leurs conditions de vie. Une fois ces mouvements initiés, cela a conduit à une détermination très profonde. Ces mouvements ont même confirmé les méthodes traditionnelles de la classe ouvrière, même initiés de façon spontanée par les masses.

    Bien entendu, c’est aussi la confirmation gigantesque de la nécessité d’une organisation révolutionnaire capable de garantir que l’énergie d’un tel mouvement soit utilisée pour aller vers une une société orientée vers la satisfaction des intérêts des masses, c’est-à-dire une société où les secteurs clés de l’économie sont retirés de la soif de profit du privé pour être démocratiquement planifiés, une société socialiste.

  • [PHOTOS] Protestations devant l’ambassade tunisienne

    Hier, en plus du rassemblement devant l’ambassade égyptienne, un autre rassemblement a eu lieu, cette fois devant l’amassade tunisienne où une cinquantaine de personnes étaient présentes, dont une petite délégation du PSL. Bien entendu, les participants ont manifesté leur solidarité avec les luttes qui prennent place en Tunisie, mais ils ont aussi dénoncé le rôle de l’ambassadeur et ses liens avec le régime de Ben Ali.

    Par Gaetan Sibille, que la rédaction remercie pour nous avoir envoyé ces belles photos

    Egalement, sur socialisme.be

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