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  • Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord en danger

    Les semaines passées ont montré qu’aucune victoire des révolutions en Afrique du Nord n’est véritablement acquise, et ce malgré l’appel des masses à de vrais changements et à la liberté, et aussi malgré les événements héroïques des semaines passées. En Égypte et en Tunisie les classes dominantes font des efforts désespérés pour maintenir leur richesse et leur pouvoir.

    Par Robert Bechert

    Depuis la fuite de Ben Ali, la Tunisie a connu trois gouvernements qui ont dû accepter des élections pour une assemblée constitutionnelle. L’élite fait tout ce qu’elle peut pour préserver ses positions privilégiées. L’ancienne police secrète devait être dissoute, mais le nouveau ministre aux affaires intérieures Habib Essid est l’ancien chef du cabinet du ministère aux affaires intérieures entre 1997 et 2001. Le ‘nouveau’ ministre a donc été impliqué dans les tortures, la répression et tout le sale boulot de l’ancien régime de Ben Ali.

    De même, le gouvernement militaire qui a remplacé Moubarak en Égypte se bat continuellement contre la révolution. Comme en Tunisie, un nombre croissant de salariés et de jeunes se rendent compte du fait que l’armée n’est pas l’amie de la révolution. Les militaires ont déjà annoncé des plans pour criminaliser des grèves, des actions de protestations, des sit-in et des réunions rassemblant jeunes et travailleurs.

    Le 8 avril, ces travailleurs et ces jeunes sont retournés la place Tahrir afin de reprendre eux-mêmes l’initiative. Des centaines de milliers de salariés, de jeunes et d’officiers militaires (contre la volonté du sommet de l’armée) se sont réunis pour un ‘vendredi du nettoyage’. On y a lancé des appels pour balayer le régime de Moubarak. Les salariés du secteur textile ont revendiqué la renationalisation des entreprises privatisées, la disparition de l’ancien syndicat d’Etat, un salaire minimum d’environ 200 dollars et la poursuite judiciaire de la bande de gangsters corrompus autour de Moubarak.

    L’armée a déjà tenté de réprimer ces protestations. Cette répression a été soutenue par un représentant des Frères Musulmans, Al-Bayourni. Celui-ci a déclaré que ‘‘rien ne doit empêcher l’unité de la population et de l’armée’’. Derrière cette soi-disant unité, il y a des tentatives des Frères Musulmans d’arriver à un accord avec le sommet de l’armée. La répression ne s’est pas arrêtée après cette action du 8 avril. Le 11, le bloggeur Mikel Nabil a été condamné à trois ans de prison après avoir mis à nu les crimes de l’armée durant la révolution. Il est clair que nous ne pouvons pas faire confiance au sommet de l’armée. Il faut une force indépendante des masses.

    Sans une telle force de la population laborieuse, le contrôle se maintiendra dans les mains des classes dominantes et des élites. Ce n’est qu’en construisant des organisations de masse, dont de véritables syndicats libres, et avant tout un parti indépendant, que les vrais révolutionnaires (les travailleurs, les jeunes, les petits paysans et les pauvres) pourront disposer d’un instrument avec lequel combattre les tentatives de l’ancien régime qui s’accroche au pouvoir et avec lequel créer une véritable alternative, à savoir un gouvernement formé par les représentant des salariés, de petits paysans et des pauvres.

    Quelle voie en avant en Libye ?

    En Libye, l’absence d’organisations propres aux masses a contribué au déraillement de la révolution. La révolte initiale des masses a échoué dans la partie occidentale du pays autour de Tripoli. Cela est dû en partie au fait que le régime disposait d’une certaine base (entre autres grâce à une série d’éléments de progrès social réel obtenus ces dernières quarante années), mais aussi parce que la révolution ne disposait pas d’une réelle direction.

    Quelques rebelles dans l’Est ont brandi l’ancien drapeau monarchiste, un symbole très impopulaire dans l’Ouest du pays. Les éléments plus radicaux à Benghazi ont été mis de côté et les éléments pro-capitalistes, renforcés par les déserteurs du régime de Kadhafi, ont gagné le contrôle du processus avec le soutien de l’impérialisme. La résistance contre Kadhafi est très limitée à l’Ouest de la Libye, où habitent les deux tiers de la population.

    Ainsi, le mouvement se trouve sans issue. Il est probable que la Libye sera divisée en deux pour une certaine période au moins. L’intervention de l’ONU et de l’OTAN ne vise pas la défense des masses, mais vise à établir un régime pro-capitaliste fiable. Kadhafi était un allié trop incertain. Le journal britannique Financial Times a déclaré très honnêtement qu’il fallait ‘‘amplifier les actions militaires dans la région afin de défendre les intérêts du Royaume-Uni’’ (FT, 08/04).

    Le fait que les grandes puissances mondiales se taisent sur la répression continuelle au Bahreïn et qu’ils protestent de manière sélective contre la conduite du régime syrien illustrent que les intérêts de la majorité de la population ne comptent pas du tout. L’argument ne sert qu’à masquer les intérêts de classe de l’impérialisme.

    Il faut l’action décisive du mouvement ouvrier !

    Les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen-Orient font face à des tournants. Au Bahreïn, en Libye, en Syrie et au Yémen, la question centrale est : comment progresser et renverser la dictature ? En Égypte et en Tunisie, les anciens vestiges des anciens régimes doivent être balayés. La solution appartient aux masses. En Tunisie et en Égypte, il s’est avéré que la lutte déterminée peut mettre de côté des dictateurs. Mais la volonté de se battre ne suffit pas.

    Les masses doivent s’organiser dans des syndicats indépendants et démocratiques et dans un parti de masse des travailleurs et des pauvres autour d’un programme clair qui puisse protéger et étendre les acquis des révolutions.

    Des forces révolutionnaires sincèrement au côté des masses doivent rejeter toute alliance avec des forces pro-capitalistes telles que l’ONU ou l’OTAN. Afin de l’emporter sur des régimes dictatoriaux, les travailleurs et les jeunes doivent forger leurs propres instruments, seuls capables d’amener la victoire des révolutions, une victoire qui n’impose pas uniquement les droits démocratiques, mais qui assure aussi que les richesses de la société reviennent véritablement aux masses et soient gérées et contrôlées démocratiquement dans leurs propres intérêts.

    Cela pourrait créer la base pour une liberté véritable et pour un véritable socialisme démocratique.

  • Capitalisme en crise : Un monde en mutation

    Début avril s’est tenue la réunion annuelle du Bureau Européen du Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge. Els Deschoemacker résume ici l’essentiel de la discussion qui y a pris place. Les thèses adoptées à cette réunion sont disponibles sur notre site (voir ici).

    Par Els Deschoemacker, article tiré de l’édition de mai de Lutte Socialiste

    Depuis le début de cette année, le capitalisme a subi de nombreuses secousses. Les masses tunisienne et égyptienne ont concrètement illustré qu’un mouvement révolutionnaire peut conduire à des changements réels tandis que le désastre nucléaire au Japon est l’énième exemple des conséquences de l’irresponsabilité d’un système capitaliste qui ne voit qu’à court terme. La maximalisation des profits a motivé la construction de centrales nucléaires là où elles n’auraient pas dû être implantées. La sécurité maximale était garantie, mais en mots uniquement. Dans les faits, toutes les règles et les conseils des spécialistes ont été bafoués ; les intérêts économiques et politiques immédiats de l’élite ont pesé bien plus lourd ! Les conséquences pour la population japonaise sont dramatiques.

    La conscience des travailleurs et des jeunes à travers le monde a été secouée, beaucoup de choses ont été clarifiées. Ces deux développements ont sans doute renforcé la colère concernant le fonctionnement de la société et nous ont enseigné d’importantes leçons sur ce qui est nécessaire afin d’aboutir à de véritables changements.

    L’impact des révolutions

    Une révolution a rarement eu un impact immédiat sur la volonté de lutte au niveau international au point de la révolution tunisienne ou égyptienne. La victoire, acquise par une ténacité et une volonté formidable de sacrifice des masses tunisiennes, a initié une vague qui continue à déferler sur les pays de la région. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ne seront plus jamais comme avant. Même si la lutte n’est pas encore finie, même si la classe dominante fait tout son possible pour reconquérir le vide du pouvoir et même si les révolutions sont clairement menacées, les élites de la région doivent dorénavant tenir compte d’une population qui a déjà acquis sa première expérience de lutte révolutionnaire. Les salariés et les jeunes tunisiens ont mis en garde l’ancienne élite : ‘‘si vous voulez revenir, nous le pouvons aussi !’’ Ils ne sont pas prêts à perdre leurs droits récemment et chèrement acquis.

    Dans le monde entier, les régimes dictatoriaux ont muselé internet et ont censuré les nouvelles révolutionnaires afin d’éviter une révolte massive venant d’en bas. Les révolutions ont inspiré les travailleurs et les jeunes au-delà du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. D’ores et déjà, nous protestons au Wisconsin ‘‘comme un Égyptien’’, nous crions en France ‘‘Sarkozy, dégage’’ ou nous menaçons de faire chuter l’élite en Grèce ‘‘comme Ben Ali’’.

    La nouvelle situation économique a causé la révolution

    Cette énergie a directement résulté de la crise économique auquel est confronté le capitalisme. Le chômage et les hausses des prix du pain et de la nourriture ont souvent été à l’origine de situations révolutionnaires. En Tunisie et en Égypte s’y est rajouté le ravage néolibéral de la société. Et l’eau a débordé du vase.

    Le capitalisme n’a pas de réponse face à cette crise, ni dans le monde néocolonial, ni ailleurs. Les stimuli précédents et les paquets de sauvetage qui ont sauvé les banques et les grandes entreprises ont bel et bien évité une dépression profonde comme celle des années trente, mais ils ont engendré de nouveaux problèmes. Une nouvelle crise a alors commencé: celle des dettes des gouvernements.

    Les premières victimes des montagnes de dettes trop élevées ont été les pays dits ‘périphériques’ en Europe, les maillons les plus faibles. Mais dans les pays industrialisés plus riches également, des dettes astronomiques se sont accumulées. Aux USA, moteur de l’économie mondiale, les dettes ont atteint les 100 % du PIB. Chaque jour, la dette augmente de quatre milliards de dollars ! La pression pour passer à des coupes budgétaires plus drastiques se fait aussi plus importante. Après l’offensive républicaine, un message très clair de l’agence de notation S&P a été adressé au gouvernement : commencez les coupes, sinon la note des USA sera abaissée.

    Un tel plan d’assainissement serait catastrophique pour la classe ouvrière américaine. La période des stimuli n’a déjà pas pu éviter que, pour la quatrième année consécutive, un million de personnes aient été expulsées de leurs propres maisons aux USA. Le pays compte aujourd’hui au moins 24 millions de chômeurs. Divers Etats sont au bord de la faillite et doivent sabrer dans leurs budgets en fermant des parcs, des écoles, des hôpitaux, des bibliothèques, en limitant les salaires et les droits syndicaux des travailleurs, etc.

    Le plan d’assainissement pour lequel l’opposition républicaine se bat réduirait à néant le peu de pouvoir d’achat encore présent dans l’économie et ferait déborder la faible croissance poussée par le gouvernement vers une nouvelle période de récession. Mais Obama et les Démocrates ne sont pas non plus vierges de tout péché dans les Etats locaux et dans les assainissements antisociaux au niveau local. Ils appellent eux aussi à ‘travailler dur’ et à l’instauration d’assainissements brutaux. La lutte des travailleurs du Wisconsin illustre toutefois que la lutte de classe est de retour aux USA. Une nouvelle période de radicalisation a commencé. Un élément de cette lutte contre les assainissements est le combat pour le lancement d’un mouvement politique pour et par les salariés et les jeunes, un mouvement totalement indépendant des deux grands partis du capitalisme. Ce sont des partis dont on sait qu’ils ne se distinguent que par le rythme des attaques qu’ils proposent.

    La politique des assainissements en Europe conduit à plus de dettes et de récession économique

    Après pas moins de quatre plans d’assainissement sur les finances publiques, on s’attend à ce que la dette du gouvernement grec (de 130% avant les plans) continue de grimper jusqu’à 160 % ! L’économie s’est rétrécie de 4,5 % en 2010 et presque tout le monde commence à reconnaître qu’une restructuration de la dette grecque est inévitable. Les perspectives de l’économie irlandaise ne sont pas meilleures. La crise bancaire s’étend, ce qui fait que les injections financières représentent déjà 50 % du PIB irlandais. La dette totale de l’Etat et des banques représente 122.000 euros par salarié. En 2013, l’Irlande paierait annuellement 10 milliards pour les intérêts sur sa dette, plus que ce que le pays consacre à l’enseignement ! Le Portugal aussi a été contraint de faire appel au fonds de sauvetage de la Banque Centrale Européenne et du Fonds Monétaire International. Il n’y a pas d’espoir que ces pays puissent encore rompre la spirale de la dette.

    Les critiques sur la politique d’assainissement se développent. Dans le quotidien flamand De Tijd (du 19 avril), il est fait référence à ce qui vit parmi la population grecque : ‘‘On est dans un cercle vicieux. Nous ne pouvons pas sortir de la crise avec une politique qui nous jette encore davantage dans la récession.’’ C’est un sentiment général qui revient tant en Grèce, qu’en Irlande ou au Portugal. Les politiciens ne peuvent plus descendre dans les rues sans être physiquement attaqués.

    Ni l’Union Européenne, ni le FMI n’arrivent à échapper à la colère du peuple. Ils sont rejetés, à raison, comme les chiens de garde des intérêts des banques allemandes et françaises. Les banques allemandes sont présentes dans les dettes irlandaise, grecque et portugaise à hauteur de 386 milliards d’euros. Pour l’ensemble des banques de la zone euro, ce montant s’élève à 560 milliards d’euros ! La crainte d’une nouvelle crise bancaire est très importante. Les plans de sauvetage servent uniquement à sauvegarder ces investissements et à faire payer la population locale.

    Même là où l’on parle d’un rétablissement économique après la crise (sur base des exportations notamment vers la Chine), les travailleurs ne sont pas à l’abri. Le redressement économique peut bien avoir conduit au retour des profits, des bonus et des dividendes record, les salariés n’en profitent pas. Ces derniers ne connaissent qu’attaques contre leurs salaires, leurs retraites et leurs soins de santé.

    Rompre avec le système et lutter pour le socialisme

    La majorité de la population nourrit une méfiance très profonde envers les partis bourgeois. Dans un sondage européen, seuls 6 % des sondés ont déclaré avoir confiance dans leur gouvernement, 46 % peu confiance et 32 % aucune confiance. Seuls 9 % trouvent que les politiciens sont honnêtes…

    Cela ne signifie pas encore que les illusions dans le système ont disparu. Lors de la manifestation du 26 mars à Londres, trois sentiments étaient présents. Une minorité importante était convaincue que la société actuelle ne fonctionne pas et est prête à considérer des solutions socialistes. Une autre partie voulait lutter contre toutes les mesures d’austérité, mais une grande partie trouvait aussi que les assainissements étaient quand même inévitables. Ils espèrent que les efforts d’aujourd’hui rétabliront finalement l’économie. Quand cet espoir s’évapora, nous serons confrontés à une situation explosive.

    La période qui est devant nous, sera marquée par des changements brusques. L’autre côté de la médaille, en revanche, c’est le danger de la contre-révolution, la réaction face à l’action. Si la gauche ne réussit pas à offrir une alternative progressiste et socialiste au vide que ce système pourri a créé, la droite et l’extrême-droite le feront avec une rhétorique populiste jouant sur l’égoïsme au détriment des plus faibles.

    Le retour aux recettes réformistes de l’état-providence n’offre pas d’issue. Cela n’était possible qu’avec une conjoncture exceptionnelle, pas dans une situation de crise capitaliste mondiale comme aujourd’hui. La crise systémique requiert une alternative qui propose de rompre avec ce système. En Irlande, la population s’est d’abord trouvée dans une situation de choc, un tremblement de terre politique a suivi. Mais le nouveau gouvernement est la copie de l’ancien et les illusions disparaîtront comme neige au soleil.

    Avec Joe Higgins au parlement, les véritables socialistes disposent d’une énorme plate-forme pour mener une opposition socialiste. Joe et le Socialist Party (notre section-sœur irlandaise) ont saisi cette position pour mettre sur pied une unité à gauche, l’United Left Alliance, qui compte désormais cinq parlementaires.

    Ils se rendent compte que la classe ouvrière n’aura aucun autre choix que de lutter. Avec l’ULA, ils veulent anticiper cela pour que les salariés irlandais puissent compter sur un instrument politique qui défende leurs revendications au Parlement et qui se serve de cette plate-forme pour populariser à son tour ces revendications.

  • La “zone d’exclusion aérienne” et la gauche

    Les puissances impérialistes ont mis en place une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye afin de protéger leurs propres intérêts économiques et stratégiques et de restaurer leur prestige endommagé. Il est incroyable de voir que certaines personnes de la gauche marxiste soutiennent cette intervention militaire.

    Peter Taaffe – article paru dans Socialism Today, le magazine mensuel du Socialist Party (CIO – Angleterre et Pays de Galles)

    La guerre est la plus barbare de toutes les activités humaines, dotée comme elle l’est dans l’ère moderne de monstrueuses armes de destruction massive. Elle met aussi à nu la réalité des relations de classe, nationalement et internationalement, qui sont normalement obscurcies, cachées sous des couches d’hypocrisie et de turpitude morale des classe dirigeantes. Elle est l’épreuve ultime, au côté de la révolution, des idées et du programme, non seulement pour la bourgeoisie, mais égalemet pour le mouvement ouvrier et pour les différentes tendances en son sein.

    La guerre en cours en ce moment en Libye – car c’est bien de cela qu’il s’agit – illustre clairement ce phénomène. Le capitalisme et l’impérialisme, déguisés sous l’étiquette de l’“intervention militaire à but humanitaire” – totalement discréditée par le massacre en Irak – utilisent ce conflit pour tenter de reprendre la main. Pris par surprise par l’ampleur de la révolution en Tunisie et en Égypte – avec le renversement des soutiens fidèles de Moubarak et de Ben Ali – ils cherchent désespérément un levier afin de stopper ce processus et avec un peu de chance de lui faire faire marche arrière.

    C’est le même calcul qui se cache derrière le massacre sanglant au Bahreïn, perpétré par les troupes saoudiennes, avec un large contingent de mercenaires pakistanais et autres. Aucun commentaire n’est parvenu du gouvernement britannique quant aux révélations parues dans l’Observer au sujet d’escadrons de la mort – dirigés par des sunnites liés à la monarchie – et au sujet de la tentative délibérée d’encourager le sectarisme dans ce qui avait auparavant été un mouvement non-ethnique uni. Les slogans des premières manifestations bahreïniennes étaient : « Nous ne sommes pas chiites ni sunnites, mais nous sommes bahreïniens ».

    De même, les “dirigeants du Labour” – menés par le chef du New Labour Ed Miliband, qui a promis quelque chose de “différent” par rapport au régime précédent de Tony Blair – sont maintenant rentrés dans les rangs et soutiennent la politique de David Cameron en Libye et l’imposition de la zone d’exclusion aérienne. 

    Il est incroyable de constater que cette politique a été acceptée par certains à gauche, y compris quelques-uns qui se revendiquent du marxisme et du trotskisme. Parmi ceux-ci, il faut inclure Gilbert Achar, qui a écrit des livres sur le Moyen-Orient, et dont le soutien à la zone d’exclusion aérienne a au départ été publié sans aucune critique dans International Viewpoint, le site internet du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI). Son point de vue a toutefois été répudié par le SUQI par après.

    Mais on ne peut par contre pas qualifier d’ambigüe la position de l’Alliance pour la liberté des travailleurs (Alliance for Workers’ Liberty, AWL). Les cris stridants de cette organisation, en particulier dans ses critiques d’autres forces de gauche, sont en proportion inverse de ses faibles forces et de son influence encore plus limitée au sein du mouvement ouvrier. L’AWL a même cité Leon Trotsky pour justifier l’intervention américaine avec la zone d’exclusion aérienne. Un de leurs titres était : « Libye : aucune illusion dans l’Occident, mais l’opposition “anti-intervention” revient à abandonner les rebelles » Un autre titre impayable était : « Pourquoi nous ne devrions pas dénoncer l’intervention en Libye » (Workers Liberty, 23 mars).

    Ces derniers exemples sont en opposition directe avec l’essence même du marxisme et du trotskisme. Celle-ci consiste à insuffler dans la classe ouvrière et dans ses organisations une indépendance de classe complète par rapport à toutes les tendances de l’opinion bourgeoise, et à prendre les actions qui en découlent. Ceci s’applique à toutes les questions, en particulier pendant une guerre, voire une guerre civile, ce dont le conflit libyen comporte clairement des éléments.

    Il n’y a rien progressiste, même de loin, dans la tentative des puissances impérialistes que sont le Royaume-Uni ou la France de mettre en place une zone d’exclusion aérienne. Les rebelles de Benghazi ne sont que menue monnaie au milieu de leurs calculs. Hier encore, ces “puissances” embrassaient Mouammar Kadhafi, lui fournissaient des armes, achetaient son pétrole et, via Tony Blair, visitaient sa “grande tente” dans le désert et l’accueillaient au sein de la “communauté internationale”. Ce terme est un complet abus de langage, tout comme l’est l’idée des Nations-Unies, utilisée à cette occasion en tant qu’écran derrière lequel cacher que l’intervention en Libye avait été préparée uniquement en faveur des intérêts de classe crus de l’impérialisme et du capitalisme.

    Il ne fait aucun doute qu’il y a des illusions parmi de nombreux jeunes et travailleurs idéalistes qui attendent de telles institutions qu’elles résolvent les problèmes que sont les guerres, les conflits, la misère, etc. Certains sont également motivés dans leur soutien à la zone d’exclusion aérienne parce qu’ils craignaient que la population de Benghazi serait massacrée par les forces de Kadhafi. Mais les Nations-Unies ne font que rallier les nations capitalistes, dominées de manière écrasante par les États-Unis, afin de les faire collaborer lorsque leurs intérêts coïncident, mais qui sont de même fort “désunis” lorsque ce n’est pas le cas. Les guéguerres de positionnement et les querelles entre les différentes puissances impérialistes quant à l’intervention libyenne illustre bien ceci.

    Éparpillement américain et incertitude

    Les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont tout d’abord révélé l’incertitude – voire la paralysie – de la plus grande puissance impérialiste au monde, les États-Unis, quant à l’intervention adéquate. L’administration de Barack Obama a été forcée de tenter de se distinguer de la doctrine de George Bush d’un monde unipolaire dominé par l’impérialisme américain, avec son écrasante puissance militaire et économique. Les USA conservent toujours cet avantage militaire comparés à leurs rivaux, mais il est maintenant sapé par l’afaiblissement économique des États-Unis.

    Il y a aussi le problème de l’Afghanistan et la peur que cela ne mène à un éparpillement militaire. C’est ce qui a contraint Robert Gates, le secrétaire à la défense américain, à dès le départ déclarer son opposition – et, on suppose, celle de l’ensemble de l’état-major américain – par rapport à l’utilisation de troupes américaines terrestres où que ce soit ailleurs dans le monde. Il a aussi affirmé être “certain“ qu’Obama n’autoriserait aucune troupe au sol américaine à intervenir en Libye. Il a souligné cela lors de son interview où il se déclarait “dubitatif par rapport aux capacités des rebelles”, décrivant l’opposition comme n’étant en réalité rien de plus qu’un groupe disparate de factions et sans aucun véritable “commandemet, contrôle et organisation”. (The Observer du 3 avril).

    Obama, a sur le champ cherché à formuler une nouvelle doctrine diplomatique militaire, en ligne avec la nouvelle position des États-Unis sur le plan mondial. Il a tenté de faire une distinction entre les intérêts “vitaux” et “non-vitaux” de l’impérialisme américain. Dans les cas “vitaux”, les États-Unis agiront de manière unilatérale si la situation le requiert. Cependant les États-Unis, a-t-il proclamé de manière arrogante, ne sont plus le “gendarme du monde”, mais agiront dans le futur en tant que “chef de la gendarmerie” mondiale. Ceci semble signifier que les États-Unis accorderont leur soutien et seront formellement à la tête d’une “coalition multilatérale” tant que cela ne signifie pas le déploiement effectif et automatique des troupes.

    Malgré cela, la pression qui s’est effectuée pour empêcher un “bain de sang” a obligé Obama à signer une lettre publique avec Nicolas Sarkozy et Cameron, déclarant que ce serait une “trahison outrageuse” si Kadhafi restait en place et que les rebelles demeuraient à sa merci. La Libye, ont-ils déclaré, menace de devenir un “État déchu”. Ceci semble jeter les bases pour un nouveau saut périlleux, en particulier de la part d’Obama, qui verra l’emploi de troupes terrestres si nécessaire. Lorsqu’il a été incapable d’intervenir directement, à cause de l’opposition domestique par exemple, l’impérialisme n’a pas hésité à engager des mercenaires pour renverser un régime qui n’avait pas sa faveur ou pour contrecarrer une révolution. Telle était la politique de l’administration Ronald Reagan lorsqu’elle a employé des bandits soudards, les Contras, contre la révolution nicaraguayenne.

    L’impérialisme a été forcé dans la dernière intervention par le fait que Kadhafi semblait sur le point de gagner ou, en tous cas, d’avoir assez de force militaire et de soutien résiduel pour pouvoir éviter une complète défaite militaire, à moins d’une invasion terrestre. Les rebelles ne tiennent que l’Est, et encore, une partie seulement. L’Ouest, dans lequel vivent les deux tiers de la population, est toujours en grande partie contrôlé par Kadhafi et par ses forces. Ce contrôle n’est pas uniquement dû à un soutien populaire par rapport au régime. Ses forces possèdent la plupart des armes, y compris des armes lourdes, des tanks, etc. Il a toujours surveillé l’armée régulière de peur qu’un coup d’État n’en provienne. Patrick Cockburn a écrit dans The Independant du 17 avril : « L’absence d’une armée professionnelle en Libye signifie que les rebelles ont dû se fier à de vieux soldats à la retraite depuis longtemps pour entraîner leurs nouvelles recrues». Kadhafi est aussi capable d’attirer un soutien de la part des tribus, de même que du capital politique qu’il a accumulé pour son régime grâce au bon niveau de vie en Libye (avant le conflit) par rapport aux autres pays de la région.

    La révolution espagnole

    De nombreux partisans de la zone d’exclusion aérienne ont pris cette position en supposant que l’impérialisme ne serait pas capable d’aller plus loin que ça. Mais que feront-ils si, comme on ne peut l’exclure, des troupes au sol sous une forme ou une autre sont déployées avec la complicité des puissances impérialistes que sont les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ?

    Lors du débat à la Chambre des Communes (House of Commons) du 21 mars, Miliband (le nouveau chef du Parti travailliste) a accordé un soutien enthousiaste pour l’action militaire de Cameron. Voilà encore une nouvelle confirmation de la dégénerescence politique du Labour Party, qui d’un parti à base ouvrière, est devenu une formation bourgeoise. Les rédacteurs de la classe capitaliste reconnaissent eux aussi platement cette réalité : « Il fut un temps où le Labour party était le bras politique de la classe ouvrière organisée. Tous les trois principaux partis constituent maintenant le bras politique de la classe capitaliste organisée. Ce phénomène n’est pas propre à la Grande-Bretagne. Presque chaque démocratie avancée, surtout les États-Unis, lutte pour contrôler le monde des affaires » (Peter Wilby, The Guardian du 12 avril).

    Comparez seulement la position du dirigeant “travailliste” actuel avec celle de son prédécesseur Harold Wilson au moment de la guerre du Vietnam. Au grand regret de Lyndon Johnson, le président américain de l’époque, Wilson – bien qu’il n’aurait pas été contre l’idée de soutenir des actions militaires à l’étranger s’il avait cru pouvoir s’en tirer après coup – a refusé d’impliquer les troupes britanniques. Toute autre décision aurait provoqué une scission du Labour de haut en bas, ce qui aurait probablement mené à sa démission. En d’autres termes, il avait été forcé par la pression de la base du Labour et des syndicats à refuser de soutenir l’action militaire de l’impérialisme américain.

    Aujourd’hui Miliband soutient Cameron, en provoquant à peine un froncement de sourcils de la part des députés Labour ou de la “base”. Il a invoqué le cas de l’Espagne pendant la guerre civile afin de justifier le soutien au gouvernement, déclarant ceci : « En 1936, un politicien espagnol est venu au Royaume-Uni afin de plaider notre soutien face au fascisme violent du général Franco, disant “Nous nous battons avec des bâtons et des couteaux contre des tanks, des avions et des fusils, et cela révolte la conscience du monde qu’un tel fait soit vrai” » (Hansard, 21 mars).

    Le parallèle avec l’Espagne est entièrement faux. C’était alors une véritable révolution des travailleurs et des paysans pauvres qui se déroulait, avec la création (tout au moins au cours de la période initiale après juillet 1936) d’un véritable pouvoir ouvrier, de comités de masse et avec l’occupation des terres et des usines. L’Espagne était confrontée à une révolution sociale. Cette révolution a surtout été vaincue non pas par les forces fascistes de Franco, mais par la politique erronnée de la bourgeoisie républicaine qui a fait dérailler la révolution, aidée et soutenue par le Parti communiste sous les ordres de Staline et de la bureaucratie russe. Ceux-ci craignaient à juste titre que le triomphe de la révolution espagnole ne soit le signal de leur propre renversement.

    Dans une telle situation, la classe ouvrière du monde entier se rassemblait pour soutenir la revendication d’envoyer des armes à l’Espagne. Alors l’impérialisme, et en particulier les puissances franco-anglaises, ont tout fait pour empêcher l’armement des travailleurs espagnols. Pourtant, le député Tory Bill Cash était entièrement d’accord avec Miliband pour affirmer qu’il y a en effet “un parallèle avec ce qui s’est passé en 1936”, et soutenait donc “l’armement de ceux qui résistent contre Kadhafi” à Benghazi. Cela n’est-il pas un indicateur de la nature politique de la direction actuelle à Benghazi et à l’Est, qui inclut d’anciens partisans de Kadhafi tels que l’ancien chef des forces spéciales Abdoul Fattah Younis ? Si la tendance au départ à Benghazi (des comités de masse avec la participation de la classe ouvrière) s’était maintenue, il n’y aurait maintenant pas la moindre question d’un soutien de la part des Tories de droite ! Miliband a donné une nouvelle justification pour son soutien de la zone d’exclusion aérienne : « Il y a un consensus international, une cause juste et une mission faisable… Sommes-nous réellement en train de dire que nous devrions être un pays qui reste sur le côté sans rien faire ? »

    Aucune force de gauche sérieuse ne peut prôner une politique d’abstention lorsque des travailleurs sont soumis aux attaques meurtrières d’un dictateur brutal tel que Kadhafi. Il est clair qu’il fallait donner un soutien politique à la population de Benghazi lorsqu’elle a éjecté les forces de Kadhafi de la ville par une insurrection révolutionnaire – et ceci était la position du CIO dès le départ. Voilà une réponse suffisante pour ceux qui cherchent à justifier le soutien à l’intervention militaire de l’extérieur, sur base du fait que la population de Benghazi était sans défense. Les mêmes personnes ont utilisé les mêmes arguments au sujet de l’impuissance du peuple irakien qui se trouvait sous l’emprise d’un dictateur brutal pour justifier le bombardement puis l’invasion de l’Irak, avec les résultats criminels que nous voyons à présent. Mais cet argument a été mis en pièces par les révoltes des populations tunisienne et égyptienne qui ont écrasé les dictatures, sous leurs puissants millions.

    Les gens de Benghazi ont déjà vaincu les forces de Kadhafi une fois. Cela a été réalisé lorsque des méthodes révolutionnaires ou semi-révolutionnaires ont été employées. Ces méthodes semblent maintenant avoir été reléguées à l’arrière-plan par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises qui ont mis de côté les forces véritablement révolutionnaires. Sur base de comités ouvriers de masse, une véritable armée révolutionnaire – plutôt que le ramassis de soudards qui soutient le soi-disant “gouvernement provisoire” – aurait pu être mobilisée afin de capturer toutes les villes de l’Est et d’adresser un appel révolutionnaire aux habitants de l’Ouest, et en particulier à ceux de la capitale, Tripoli.

    Il y a dans l’Histoire de nombreux exemples victorieux d’une telle approche, en particulier dans la révolution espagnole à laquelle Miliband se réfère mais qu’il ne comprend pas. Par exemple, après que les travailleurs de Barcelone aient écrasé l’insurrection fasciste de Franco en juillet 1936, José Buenaventura Durruti a formé une armée révolutionnaire qui a marché à travers la Catalogne et l’Aragon jusqu’aux portes de Madrid. Ce faisant, il a placé les quatre-cinquièmes de l’Espagne entre les mains de la classe ouvrière et de la paysannerie. C’était bel et bien une guerre “juste” de la part des masses qui défendaient la démocratie tout en luttant pour une nouvelle société socialiste, plus humaine. En outre, cette guerre bénéficiait d’un réel soutien international de la part de la classe ouvrière européenne et mondiale. Les critères utilisés par Miliband pour décider de ce qui est “juste” ou pas se situent dans le cadre du capitalisme et de ce qui est mieux pour ce système, et non pas pour les intérêts des travailleurs qui se trouvent dans une relation opposée et antagoniste par rapport à ce système, et de plus et plus aujourd’hui.

    Le “deux poids, deux mesures” des puissances occidentales

    Notre critère pour mesurer ce qui est juste et progressiste, y compris dans le cas de guerres, est de savoir dans quelle mesure tel ou tel événement renforce ou non les masses ouvrières, accroit leur puissance, leur conscience, etc. Tout ce qui freine cette force est rétrograde. L’intervention impérialiste capitaliste, y compris la zone d’exclusion aérienne, même si elle devait parvenir à ses objectifs, ne va pas renforcer le pouvoir de la classe ouvrière, ne va pas accroitre sa conscience de sa propre puissance, ne va pas la mener à se percevoir et à percevoir ses organisations comme étant le seul et véritable outil capable d’accomplir ses objectifs. Au lieu de ça, l’intervention attire l’attention des travailleurs de l’Est vers une force de “libération” venue de l’extérieur, abaissant ainsi le niveau de conscience des travailleurs de leur propre puissance potentielle.

    Comme l’ont fait remarquer même les députés Tory lors du débat à la Chambre des Communes, Miliband semble complètement adhérer à la “doctrine Blair” – une intervention militaire soi-disant humanitaire en provenance de l’extérieur – dont il avait pourtant semblé se distancier lorsqu’il avait été élu dirigeant du Labour. Ceci revient à justifier les arguments de Blair comme ceux de Cameron concernant le où et quand intervenir dans le monde. Miliband s’est rabattu sur la vague affirmation suivante : « L’argument selon lequel parce que nous ne pouvons pas faire n’importe quoi, alors nous ne pouvons rien faire, est un mauvais argument ». “Nous” (c’est-à-dire l’impérialisme et le capitalisme) ne pouvons pas intervenir contre la dictature en Birmanie, ne pouvons pas hausser “notre” ton contre les attaques meurtrières de la classe dirigeante israélienne contre les Palestiniens de Gaza. “Nous” sommes muets face aux régimes criminels d’Arabie saoudite et du Bahreïn. Néanmoins, il est “juste” de “nous” opposer à Kadhafi – même si “nous” le serrions encore dans “nos” bras pas plus tard que hier – et d’utiliser “notre” force aérienne (pour le moment) contre lui et son régime.

    C’est le journal “libéral” The Observer qui a fait la meilleure description de l’approche hypocrite arbitraire du capitalisme : « Pourquoi ce régime du Golfe (le Bahreïn) a-t-il le bénéfice du doute alors que d’autres dirigeants arabes n’y ont pas droit ? Il est clair qu’il n’est pas question d’intervenir au Bahreïn ou dans tout autre État où les mouvements de protestation sont en train d’être réprimés. L’implication en Libye ne laisse aucun appétit pour le moindre soutien actif, diplomatique ou militaire, pour les autres rébellions. S’il fallait choisir de n’attaquer qu’un seul méchant dans l’ensemble de la région, alors le colonel Kadhafi était certainement le meilleur candidat. » (The Observer du 17 avril)

    Ce qui est par contre entièrement absent de cette argumentation, ce sont les véritables raisons derrière l’intervention en Libye, qui sont les intérêts matériels du capitalisme et de l’internationalisme, pour le pétrole avant tout – la Libye comporte quelques-unes des plus grandes réserves de toute l’Afrique. Certains ont nié cet argument – ils ont dit la même chose à propos de l’Irak. « La théorie de la conspiration pour le pétrole … est une des plus absurdes qui soit » affirmait Blair le 6 février 2003. Aujourd’hui, The Independant (19 avril) a publié un mémorandum secret de l’Office des affaires étrangères datant du 13 novembre 2002, à la suite d’une rencontre avec le géant pétrolier BP : « L’Irak comporte les meilleures perspectives pétrolières. BP meurt d’envie de s’y installer ».

    Un soutien honteux pour l’intervention militaire

    Tandis que la position de Miliband et de ses comparses n’est guère surprenante étant donné l’évolution droitière des ex-partis ouvriers et de leurs dirigeants, on ne peut en dire de même de ceux qui prétendent s’inscrire dans la tradition marxiste et trotskiste. Sean Matgamna de l’AWL cite même Trotsky pour justifier son soutien à l’intervention militaire en Libye : « Un individu, un groupe, un parti ou une classe qui reste “objectivement” à se curer le nez tout en regardant des hommes ivres de sang massacrer des personnes sans défense, est condamné par l’Histoire à se putréfier et à être dévoré vivant par les vers ». Dans ce passage tiré des écrits de Trotsky sur la guerre des Balkans avant la Première Guerre mondiale, celui-ci dénonce les porte-paroles du capitalisme libéral russe qui restaient silencieux face aux atrocités commises par la Serbie et la Bulgarie à l’encontre des autres nationalités.

    Il ne justifiait pas le moins du monde le moindre soutien en faveur des dirigeants d’une nation contre l’autre. Cela est clair à la lecture de la suite de ce passage, que Matgamna ne cite pas : « D’un autre côté, un parti ou une classe qui se dresse contre chaque acte abominable où qu’il se produise, aussi vigoureusement et décidément qu’un organisme réagit pour protéger ses yeux lorsqu’ils sont menacés par une blessure externe – un tel parti ou classe est pur de cœur. Le fait de protester contre les outrages dans les Balkans purifie l’atmosphère sociale dans notre propre pays, élève le niveau de conscience morale parmi notre propre population… Par conséquent, une opposition obstinée contre les atrocités ne sert pas seulement l’objectif d’autodéfense morale au niveau de l’individu ou du parti, mais également l’objectif de sauvegarde politique de notre peuple contre l’aventurisme caché sous l’étendard de la “libération”. »

    Le dernier point de cette citation ne peut être à tout le moins compris qu’allant à l’encontre de la position de l’AWL, qui soutient l’intervention impérialiste cachée sous l’étendard trompeur de la “libération”. Et pourtant, nous trouvons ici l’affirmation surprenante selon laquelle : « La soi-disant gauche s’emmêle encore une fois dans un faux dilemme politique : la croyance selon laquelle il est obligatoire de s’opposer de manière criarde à l’“intervention libérale” franco-britannique en Libye au sujet de chacun de ses actes (ou au moins de chacun de ses actes militaires), sans quoi cela reviendrait à lui accorder un soutien général. En fait, ce dilemme n’est que de leur propre invention ». Tentant de trouver la quadrature du cercle, Matgamna ajoute ensuite que : « Bien entendu, les socialistes n’accordent aucun soutien aux gouvernements et aux capitalistes au pouvoir au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, ni aux Nations-Unies, ni en Libye, ni nulle part ailleurs ».

    Même un enfant de dix ans se rendrait compte que le fait de soutenir la moindre forme d’action militaire est une forme de “soutien politique actif”. L’AWL prétend pouvoir nettement séparer le soutien pour ce type d’action des perspectives plus globales concernant les puissances qui entreprennent ce type d’action. Mais elle agit dans la pratique comme un défenseur de la France et du Royaume-Uni : « L’ONU, se servant du Royaume-Uni et de la France, a fixé des objectifs très limités en Libye. Il n’y a aucune raison de croire que les “Grandes Puissances” veulent occuper la Libye ou sont occupées à quoi que ce soit d’autre que d’effectuer une opération de police internationale limitée sur ce qu’elles perçoivent comme constituant la “frontière sud” de l’Europe ». L’AWL ajoute même gratuitement que : « Les âpres leçons du bourbier iraqien sont encore très vives dans la mémoire de ces puissances ». Et poursuit avec ceci : « Au nom de quelle alternative devrions-nous leur dire de ne pas utiliser leur force aérienne pour empêcher Kadhafi de massacrer un nombre incalculable de ses propres sujets ? Voilà quelle est la question décisive dans de telles situations ». Et quiconque ne s’aligne pas sur ce non-sens est selon l’AWL un pacifiste incorrigible.

    Pour montrer à quel point ces annonciateurs “trotskistes” sont éloignés de la réelle position de Trotsky par rapport à la guerre, regardons sa position au cours de la guerre civile espagnole concernant la question du budget militaire du gouvernement républicain. Max Shachtman, qui était en ce temps un de ses partisans, s’est opposé à Trotsky qui défendait en 1937 le fait que : « Si nous avions un membre dans le Cortes [le parlement espagnol], nous voterions contre le budget militaire de Negrin ». Trotsky a écrit que l’opposition de Shachtman à sa position « m’a étonné. Shachtman était prêt à exprimer sa confiance dans le perfide gouvernement Negrin ».

    Il a plus tard expliqué que : « Le fait de voter en faveur du budget militaire du gouvernement Negrin revient à lui donner un vote de confiance politique… Le faire serait un crime. Comment expliquer notre vote aux travailleurs anarchistes ? Très simplement : Nous n’accordons pas la moindre confiance en la capacité de ce gouvernement à diriger la guerre et à assurer la victoire. Nous accusons ce gouvernement de protéger les riches et d’affamer les pauvres. Ce gouvernement doit être broyé. Tant que nous ne serons pas assez forts que pour le remplacer, nous nous battrons sous son commandement. Mais en toute occasion, nous exprimerons ouvertement notre méfiance à son égard : voici la seule possibilité de mobiliser les masses politiquement contre ce gouvernement et de préparer son renversement. Toute autre politique constituerait une trahison de la révolution » (Trotsky, D’une égratignure au risque de gangrène, 24 janvier 1940). Imaginons maintenant à quel point Trotsky dénoncerait le soutien honteux de l’AWL à l’intervention impérialiste en Libye aujourd’hui.

    Une position de classe indépendante

    On reste sans voix devant le fait que l’AWL, avec son apologie de l’intervention impérialiste, prétende défendre par-là une “politique ouvrière indépendante”. Mais il n’y a pas le moindre atome de position indépendante de classe dans son approche. Nous nous opposons à l’intervention militaire, tout comme s’y sont opposées les masses de Benghazi au cours de la première période. Les slogans sur les murs proclamaient en anglais : « Non à l’intervention étrangère, les Libyens peuvent se débrouiller par eux-mêmes ». En d’autres termes, les masse avaient un instinct de classe bien plus solide, une suspicion par rapport à toute intervention militaire extérieure, en particulier par les puissances qui dominaient autrefois la région – le Royaume-Uni et la France. Elles craignaient à juste titre que la zone d’exclusion aérienne, malgré les grands discours proclamant le contraire, ne mènent à une invasion, comme cela a été le cas en Irak.

    Cela signifie-t-il que nous nous contentons de rester au niveau de slogans généraux, que nous restons passifs face à l’éventuelle attaque de Kadhafi sur Benghazi ? Non. Mais dans une telle situation, nous insistons sur la nécessité d’une politique de classe indépendante, sur le fait que les masses ne doivent avoir confiance qu’en leur propre force, et ne pas accorder le moindre crédit à l’idée que l’impérialisme agit pour le bien des masses. Il est tout à fait vrai que nous ne pouvons en aucun cas répondre à l’argument du massacre potentiel par des affirmations du style : “La triste réalité est que les massacres sont une caractéristique chronique du capitalisme. La gauche révolutionnaire est, hélas trop faible pour les empêcher » (Alex Callinicos, un des dirigeants du SWP britannique).

    Les forces du marxisme peuvent être physiquement trop faibles pour empêcher des massacres – comme dans le cas du Rwanda par exemple. Nous sommes néanmoins obligés de défendre le fait que le mouvement ouvrier large adopte la position la plus efficace afin de défendre et de renforcer le pouvoir et l’influence de la classe ouvrière dans toute situation donnée. Par exempe, en Irlande du Nord en 1969, les partisans de Militant (prédécesseur du Socialist Party) se sont opposés à l’arrivée des troupes britanniques pour “défendre” les zones catholiques nationalistes de Belfast et de Derry contre l’attaque meurtrière des milices B-specials à prédominance loyaliste. Le SWP, bien qu’il l’ait plus tard nié, soutenait le débarquement des troupes britanniques. Lorsque les troupes sont arrivées, elles ont protégé ces zones des attaques loyalistes et ont été accueillies en tant que “défenseurs”. Mais, comme nous l’avions prédit, à partir d’un certain point ces troupes se transformeraient en leur contraire et commenceraient à être perçues comme une force de répression contre la minorité catholique nationaliste. Et c’est exactement ce qui s’est passé.

    Toutefois, confrontés au massacre potentiel de la population catholique, nous n’avons pas adopté une position “neutre” ou passive. Dans notre journal Militant de septembre 1969, nous appelions à la création d’une force de défense unitaire ouvrière, au retrait des troupes britanniques, au démantèlement de la milice B-specials, à la fin des discriminations, à la création d’emplois, de logements, d’écoles, etc. pour tous les travailleurs. En d’autres termes, nous étions donc en faveur d’une unité de classe et pour que les travailleurs se basent sur leurs propres forces et non pas sur celles de l’État capitaliste. Une approche similaire, basée sur l’indépendance de classe la plus complète, et adaptée au contexte concret de la Libye et du reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, est la seule capable de mener à la victoire de la lutte des travailleurs dans une situation aussi compliquée.

    Nous ne pouvons suivre Achar non plus, lorsqu’il dit : « Selon ma conception de la gauche, quiconque prétend appartenir à la gauche ne peut tout bonnement ignorer la demande de protection émanant d’un mouvement populaire, même de la part des ripoux impérialistes, lorsque le type de protection demandé n’en est pas un par lequel le contrôle sur leur pays peut être exercé. Aucune force progressiste ne peut se contenter d’ignorer la demande de protection provenant des rangs des insurgés ».

    Il est erroné d’identifier “les insurgés”, qui provenaient au départ d’un authentique mouvement de masse – comme nous l’avons fait observer – à leur direction actuelle, bourrée d’éléments bourgeois et pro-bourgeois, y compris de renégats en provenance du régime de Kadhafi. Qui plus est, il est entièrement faux – comme certains l’ont fait – de comparer l’acceptation de la part de Lénine de nourriture et d’armes fournies par une puissance impérialiste pour en repousser une autre, sans aucune condition militaire ou politique liée, à un soutien à la zone d’exclusion aérienne. La question pour les marxistes n’est pas de ce qui est fait, mais de qui le fait, comment et pourquoi.

    Défendre la révolution

    Au final, l’objectif de l’intervention impérialiste est de sauvegarder sa puissance, son prestige et son revenu de la menace de la révolution qui se développe dans la région. Comme l’a bien expliqué un porte-parole de l’administration Obama, la principale source d’inquiétude n’est pas ce qui se passe en Libye, mais bien les conséquences que cela pourrait avoir en Arabie saoudite et dans les États du Golfe, où sont concentrées la plupart des réserves pétrolières desquelles dépend le capitalisme mondial. Les impérialistes considèrent une intervention victorieuse en Libye comme étant un rempart contre toute menace de révolution dans ces États et dans l’ensemble de la région. Ils sont aussi inquiets de l’influence régionale de l’Iran, qui s’est énormément accrue en conséquence de la guerre d’Irak.

    La situation en Libye est extrêmement fluide. La manière dont se résoudra le conflit actuel est incertaine. En ce moment, il semble que cela se termine par une impasse, dans laquelle ni Kadhafi ni les rebelles ne sont capables de porter un coup décisif pour s’assurer la victoire dans ce qui est à présent une guerre civile prolongée. Ceci pourrait mener à une réelle partition du pays, ce qui est déjà le cas dans les faits. Dans cette situation, toutes les divisions tribales latentes – qui étaient en partie tenues en échec par la terreur du régime Kadhafi – pourraient remonter à la surface, créant une nouvelle Somalie au beau milieu de l’Afrique du Nord, avec toute l’instabilité que cela signifie, en particulier en ce qui concerne la lutte pour les réserves de pétrole de la Libye. D’un autre côté, l’impérialisme cherche désespérément à éviter de donner l’impression que Kadhafi ait obtenu une victoire partielle dans cette lutte, ce qui renforcerait la perception d’impuissance des puissances impérialistes à pouvoir décider de l’issue des événements.

    Mais la responsabilité du mouvement ouvrier au Royaume-Uni et dans le monde est claire : opposition absolue à toute intervention impérialiste ! Que le peuple libyen décide de son propre destin ! Soutien maximum de la part de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier mondial aux véritables forces de libération nationale et sociale en Libye et ailleurs dans la région, y compris sous la forme d’un approvisionnement en nourriture et en armes !

    L’impérialisme ne sera pas capable d’arrêter la marche en avant de la révolution en Afrique du Nord et dans le Moyen-Orient. Certes, comme le CIO l’avait prédit, il existe une grande déception parmi les masses, qui estiment que les fruits de leurs victoires contre Moubarak et Ben Ali ont jusqu’ici été volées par les régimes qui les ont remplacés. L’appareil de sécurité et la machine d’État tant haïs qui existaient auparavant demeurent largement intacts, malgré les puissantes convulsions de la révolution. Mais ceux-ci sont en train d’être combattus par des mouvements de masse.

    Les révolutions tiennent bon, et des millions de gens ont appris énormément de choses au cours du mouvement. Espérons que leurs conclusions mèneront à un renforcement de la classe ouvrière et au développement d’une politique de classe indépendant. Un tel renforcement serait symbolisé par le développement par les travailleurs de leurs propres organisations, de nouveaux et puissants syndicats et partis ouvriers, avec l’objectif de la transformation socialiste de la société, accompagnée par la démocratie en Libye et dans l’ensemble de la région.

  • [DOSSIER] Hausse des prix: Une réponse socialiste

    En février, nous avons payé nos achats en moyenne quasiment 3,4% plus cher que l’an dernier, la plus forte augmentation de l’inflation depuis octobre 2008. Grâce à l’indexation automatique des salaires, cela sera heureusement compensé – avec retard et de façon partielle seulement. Mais juste au moment où cette indexation doit nous protéger de la perte de pouvoir d’achat, le patronat lance son offensive. Il peut compter sur l’appui des institutions internationales. Quelle est la réponse socialiste face aux hausses des prix ?

    Par Eric Byl

    Comment expliquer les hausses des prix?

    Souvent, on associe la crise aux hausses des prix ou à l’inflation. C’est pourtant l’inverse en général. Les crises vont de pair avec des baisses de prix, la déflation, alors que les reprises s’accompagnent d’une hausse de l’inflation. En temps de crises, lorsque les produits se vendent plus difficilement, les patrons ont tendance à baisser les prix. Ils diminuent les coûts de production, surtout les salaires, ou se contentent d’une marge de profit plus restreinte. Lors de la reprise, ils essayent alors de vendre à des prix plus élevés afin de rehausser la marge de profit. Dans un monde où l’offre et la demande s’adapteraient de façon équitable, les prix évolueraient de façon assez stable autour de la valeur réelle du produit, c.à.d. la quantité moyenne de temps de travail nécessaire pour produire la marchandise, de la matière première au produit fini.

    Mais le monde réel s’accompagne de changements brusques, avec des accélérations soudaines et des ralentissements abrupts. La nature ellemême connait de nombreux caprices. De mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, pour cause de sécheresse, ont contribué à faire augmenter les prix de la nourriture. Un système de société peut tempérer ces caprices, les corriger, mais aussi les renforcer. Les incendies de forêts, les tempêtes de neige, les inondations, les tremblements de terres et les tsunamis s’enchaînent, avec en ce moment au Japon la menace d’une catastrophe nucléaire. Nous ne connaîtrons avec certitude la mesure exacte de l’impact humain sur le réchauffement de la planète qu’au moment où la recherche scientifique sera libérée de l’emprise étouffante des grands groupes capitalistes. Mais que la soif de profit pèse sur l’être humain et son environnement, conduit à la négligence des normes de sécurité et à des risques inacceptables, le PSL partage avec beaucoup cette conviction.

    La Banque Mondiale estime que la hausse des prix de l’alimentation a, depuis juin 2010, poussé 44 millions de personnes en plus dans l’extrême pauvreté. Son index des prix de l’alimentation a gagné 15% entre octobre 2010 et janvier 2011. Diverses raisons sont citées: la croissance démographique dans les régions pauvres, la demande de biocarburants, la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes naturelles, la faillite de paysans africains face à la concurrence des excédents agricoles de l’occident, la spéculation qui accélère les hausses des prix. La hausse des prix de l’alimentation et la montée du coût de la vie ont constitué des éléments primordiaux dans les révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord.

    Le seul système qui fonctionne?

    L’establishment prétend que le capitalisme est le seul système de société qui fonctionne. La noblesse féodale et les esclavagistes avant elle prétendaient de même à leur époque concernant leurs systèmes. Chaque système fonctionne, il n’existerait pas sinon. Il répond toujours à un certain degré de développement de nos capacités productives. Dès qu’un système de société devient un frein à l’application de savoirs scientifiques et techniques, il provoque le chaos plutôt que le progrès. C’est alors que le moteur de l’histoire se déclenche; la lutte des classes.

    Brûler des combustibles fossiles est un gaspillage de richesses livrées par des processus naturels qui ont pris des millions d’années, et c’est catastrophique pour notre environnement.

    Nous le savons depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis ce temps, la recherche scientifique concernant les sources d’énergies alternatives est sabotée par les fameuses ‘’sept soeurs’’, les sept sociétés pétrolières les plus grandes au monde. Des moteurs actionnés par hydrogène, énergie solaire et éolienne, masse bio, etc. sont trop menaçants pour leurs profits. Au lieu d’orienter la recherche vers les énergies renouvelables, elle a pratiquement été exclusivement consacrée au développement du nucléaire ‘’bon marché’’. Avec la ponctualité d’une horloge, nous sommes rappelés à la réalité des dangers de cette technologie.

    Ce n’est pas une surprise si la demande d’énergie augmente. On aurait pu investir depuis longtemps pour des économies d’énergie et dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le capitalisme.

    Les investisseurs privés ne sont intéressés que s’ils peuvent récupérer à cout terme leur investissement, avec une bonne marge de profit. C’est valable pour les mesures d’économies d’énergie et pour l’énergie renouvelable tout autant que pour les combustibles fossiles plus difficiles à extraire, par exemple. Avec la spéculation, le manque d’investissements pour garantir une offre suffisante a été à la base de la forte envolée des prix du pétrole, jusqu’à atteindre 147$ le baril, il y a deux ans. La récession a fait retomber la demande et le prix, mais le problème a continué à proliférer. La perversité du capitalisme s’exprime dans la réaction des ‘‘marchés’’ face aux insurrections démocratiques contre les dictateurs corrompus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les ‘‘marchés’’ craignent que la démocratie menace l’approvisionnement en pétrole. Au cas où la dictature en Arabie-Saoudite succomberait elle aussi, un prix de 200$ ou plus est à l’horizon pour le pétrole. Pour l’économie capitaliste mondiale, cela équivaudrait à une crise cardiaque.

    Les prix de l’énergie et de l’alimentation en hausse en Belgique

    Cette perversité du capitalisme échappe à ceux qui plaident pour la mise sous curatelle de l’indexation salariale en Belgique. Ils savent que les prix du pétrole et de l’alimentation sont en hausse partout dans le monde, ce qu’ils n’expliquent pas par le capitalisme, mais comme quelque chose qui nous tombe dessus tel un phénomène naturel. Ce ‘‘phénomène naturel’’ s’infiltre en Belgique. Les prix de l’énergie et de l’alimentation, surtout, ont augmenté en flèche ces derniers temps. Sans produits liés à l’énergie – le fuel, le diesel, le gaz et l’électricité – l’inflation serait plus basse de moitié.

    La bourgeoisie belge préfère couper dans l’investissement pour le renouvellement de la production. Aujourd’hui, elle se trouve à la queue du peloton en termes d’investissements dans la recherche et le développement. Nos politiciens en sont le parfait miroir. Depuis des années, ils économisent sur les investissements nécessaires dans l’entretien des routes, des bâtiments scolaires, de l’infrastructure ferroviaire, etc.

    Nous en subirons les conséquences des années encore. ‘’Si la politique énergétique de nos autorités ne change pas immédiatement, des coupures d’électricité se produiront, littéralement’’. C’était la conclusion d’une récente émission de Panorama. ‘’La Belgique manque d’électricité parce que nos gouvernements ont fait construire trop peu de centrales et parce que le réseau à haute tension qui devrait importer du courant supplémentaire n’a pas la capacité de répondre à la demande.’’ Mais GDF Suez, la maison mère d’Electrabel, a réalisé l’an dernier un profit record de 4,62 milliards d’euros.

    Le secteur de l’énergie n’est pas le seul à manier des marges de profits indécentes. Selon le rapport annuel de l’observatoire des prix, les hausses des prix des matières premières mènent à des adaptations de prix exagérées en Belgique. En plus, cela n’est qu’à peine corrigé lorsque les prix des matières premières reculent. Toutes les chaines de supermarchés le font. Ce sont les prix des produits de base tels que les pommes de terre, les oignons, le fuel et le gaz qui haussent fortement. Des marchandises moins couramment achetées, comme les télévisions à écran 16/9e ou les PC, ont vu leur prix baisser.

    Indexation des salaires, un acquis du mouvement ouvrier

    Il existe des moyens de tempérer les caprices de la nature et du système capitaliste. La classe ouvrière en a arraché plusieurs durant le siècle précédent. Ainsi, après la révolution Russe de 1917 et la vague révolutionnaire qu’elle a engendrée, un index des prix à la consommation a été obtenu dès 1920 en Belgique. A l’origine, seul un nombre limité de conventions collectives avaient introduit l’indexation automatique des salaires. Mais après chaque grande grève, ce nombre s’est élargi.

    Dans son Programme de Transition de 1938, Trotsky plaidait en faveur de l’échelle mobile des salaires, l’appellation contemporaine de l’adaptation automatique des salaires au coût de la vie, afin de protéger les foyers des travailleurs de la pauvreté. Parallèlement, il plaidait aussi pour l’introduction d’une échelle mobile des heures de travail, où l’emploi disponible est partagé entre tous les travailleurs disponibles, cette répartition déterminant la longueur de la semaine de travail. ‘’Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail. La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux toute la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste.’’

    Après la deuxième guerre mondiale, le rapport de forces était favorable au mouvement ouvrier. Le système a graduellement été introduit dans tous les secteurs. Mais comme toute victoire du mouvement ouvrier, cet acquis aussi a été attaqué dès que le rapport de forces a commencé à se modifier. En 1962, le ministre des affaires économiques, Antoon Spinoy (PSB !) a essayé de retirer de l’index la hausse des prix des abonnements sociaux pour le transport public. En 1965, ce même gouvernement a à nouveau essayé, cette fois-ci avec le prix du pain. En 1978, de nouveau avec le PSB, le gouvernement a réussi à remplacer les produits de marques compris dans l’index par des produits blancs. En mars 1976, la loi de redressement de Tindemans – Declercq a aboli l’indexation pour la partie du salaire supérieure à 40.250 francs belges (1.006,25 euros). Cette mesure sera retirée en décembre, suite à la résistance de la FGTB.

    La victoire du néolibéralisme à la fin des années ’70 et au début des années ’80 a conduit à des attaques systématiques contre le mécanisme de l’indexation. Le gouvernement de droite des libéraux et des chrétiens-démocrates a appliqué trois sauts d’index entre 1984 et 1986. A trois reprises, donc, l’indexation des salaires n’a pas été appliquée. Ceci continue encore aujourd’hui à agir sur les salaires. En 1994, le gouvernement de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates a retiré le tabac, l’alcool et l’essence de l’index ‘’santé’’. Depuis, dans divers secteurs, des accords collectifs all-in et saldo ont été introduits. Ces accords neutralisent en partie l’effet de l’indexation des salaires.

    La Belgique est-il le seul pays où s’app lique l’indexation automatique des salaires ?

    Dans certains secteurs de l’industrie aux États-Unis et en Grande-Bretagne, de tels accords étaient largement répandus jusqu’en 1930. En Italie, cela a été introduit dans les années ’70, mais a, depuis, été partiellement aboli. Au Brésil, au Chili, en Israël et au Mexique, l’indexation salariale a été abolie cette dernière décennie.

    Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires ne s’applique plus qu’en Belgique et au Luxembourg. A Chypre, elle existe aussi, mais ne s’applique pas à tous les travailleurs. En Espagne, au Portugal, en Finlande, en Italie, en Pologne et en Hongrie, des mécanismes d’indexation salariale sont repris dans des accords de secteurs où dans des contrats individuels. En France, en Slovénie et à Malte, les salaires minimaux sont indexés.

    D’abord produire, ensuite partager

    Dans leurs attaques contre l’indexation automatique, les politiciens et les économistes bourgeois accentuent toujours qu’il faut ‘’d’abord produire les richesses avant de pouvoir les partager’’. Il faut raconter cela au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ! Tant Moubarak que ses fils Gamal et Alaa sont milliardaires. De l’ancien dictateur Tunisien Ben Ali et sa famille, il est connu qu’il dispose d’une fortune immobilière correspondant à une valeur de 3,7 milliards d’euros en France uniquement. Les barons du textile belge qui ont massivement délocalisé vers la Tunisie dans les années ’70 y sont devenus indécemment riches. Combien de richesses faut-il avant que le partage ne commence ?

    Ce n’est pas de cela qu’ils parlent, mais bien des effets soi-disant pervers de l’indexation de salaires. Ainsi, l’indexation créerait selon Thomas Leysen dans Le Soir du 19 mars, une perception erronée de la marge salariale. L’économiste Geert Noels appelle cela ‘’le handicap concurrentiel automatique’’. Pour le professeur en économie Joep Konings (KULeuven) l’indexation automatique protège les habituels bien payés, mais complique l’accès aux emplois pour ceux qui n’en ont pas, puisque les entreprises seraient plus prudentes avant de recruter: ‘’Abolir l’indexation salariale automatique serait donc une mesure sociale.’’ Il rajoute qu’il faut l’accompagner de l’abolition de l’indexation des allocations sociales, au risque de voir la différence entre travailler ou ne pas travailler se réduire.

    Unizo, l’organisation des petits patrons en Flandre, plaide en faveur de ‘’quelques sauts d’index’’. Le professeur Peersman (UGand) veut annuellement adapter le salaire aux objectifs de la Banque Centrale Européenne. Son collègue De Grauwe (KULeuven) veut retirer le coût de l’énergie importée de l’index. Wivina Demeester, ancienne ministre CD&V, plaide pour une indexation en chiffres absolus au lieu de pourcentages. Mais selon De Grauwe, cela rendrait le travail non qualifié relativement plus cher et aurait par conséquent un effet non souhaitable. La Banque Nationale s’en tient à mettre en garde contre une spirale salaire-prix où des hausses de prix entraineraient des augmentations salariales qui seraient compensées par de nouvelles hausses de prix et ainsi de suite. Ce n’est pas un nouvel argument. Elle veut nous faire croire que lutter pour des augmentations salariales n’a pas de sens.

    Marx a déjà répondu à ces argument il y a 150 ans dans sa brochure ‘’Salaire, prix, profit’’ En réalité, le patron essaye d’empocher lui-même une partie aussi grande que possible de la valeur que nous avons produite. La peur de l’inflation n’a jamais freiné les patrons à empocher le plus de profits possibles. Avec un profit à hauteur de 16 milliards d’euros, une hausse d’un tiers comparée à 2009, les plus grandes entreprises belges disposent à notre avis de beaucoup de marge. En plus, des dividendes sont royalement versés aux actionnaires. Le producteur de lingerie Van de Velde, pour donner un exemple, a versé en 2010 quelque 70% du profit réalisé à ses actionnaires. Même en pleine crise, en 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 s’étaient accordés en moyenne une augmentation salariale de 23%.

    Contrôles des prix

    Il n’y a rien à reprocher aux travailleurs en Belgique. Nous sommes toujours parmi les plus productifs du monde, loin devant nos collègues des pays voisins. Grâce à notre mécanisme d’indexation, la demande intérieure a mieux résisté à la crise de 2009 que dans d’autres pays, y compris en Allemagne. La contraction économique et le recul des investissements ont été moindres, tout comme la hausse du chômage. A l’époque, tout le monde a reconnu que c’était dû aux prétendus stabilisateurs automatiques, ce qui fait référence à la sécurité sociale et au mécanisme d’indexation.

    Nos prix de l’énergie sont largement plus élevés que ceux pratiqués à l’étranger. Des profits énormes sont drainés vers les poches des actionnaires, qui ne se trouvent d’ailleurs pas tous en France. De plus, en Belgique, l’industrie est très dépendante de l’énergie, mais là aussi on investit à peine dans une utilisation rationnelle de l’énergie. Nulle part ailleurs en Europe autant de voitures d’entreprises ne sont utilisées à titre de compensation salariale afin d’éviter des charges sociales. En comparaison des pays voisins, il y a en Belgique très peu de logements sociaux. Nos bâtiments résidentiels, tout comme nos bâtiments scolaires vieillis, sont extrêmement mal isolés et souvent encore chauffés au fuel, d’où les plaidoyers pour des contrôles transparents sur les prix.

    Le SP.a vise en premier lieu les prix de l’énergie. Le PS veut s’attaquer à l’inflation par des contrôles des prix d’au moins 200 produits. Nous sommes un peu étonnés que personne n’ait encore proposé d’introduire, à côté de la norme salariale, une norme des prix, où les prix ne pourraient monter plus que la moyenne pondérée des prix pratiqués dans nos pays voisins. Pour beaucoup de gens, le contrôle des prix de l’alimentation, de l’énergie et du loyer serait le bienvenu. Au Venezuela, Chavez a également introduit des contrôles des prix sur les denrées alimentaires, mais les rayons sont presque vides. Morales en Bolivie s’est heurté à une grève des employeurs lorsqu’il a voulu bloquer les prix des tickets de bus. Les propriétaires ont organisé un lock-out.

    Nous ne croyons pas que cela se produirait facilement en Belgique, ni pour l’alimentation, ni pour les loyers, ni pour l’énergie. Mais la leçon à tirer est qu’il est impossible de contrôler la distribution sans que l’autorité reprenne également la production en main, en assurant que le revenu du petit producteur soit garanti. Les contrôles des prix sont en fait une forme de contrôle des profits. Les entreprises privées essayeront de restaurer leur marge de profit aux dépens des travailleurs et si cela échoue, ils menaceront de délocaliser ou de stopper les investissements prévus.

    LE PSL TROUVE QUE LES TRAVAILLEURS N’ONT PLUS À PAYER LA CRISE PROVOQUÉE PAR DES SPÉCULATEURS

    • Pas touche à l’indexation automatique, pour le rétablissement complet de l’index. Liaison au bien-être de toutes les allocations.
    • Pas d’allongement du temps de travail, mais une semaine de travail de 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour que le travail disponible soit réparti entre tous. Cela peut s’accompagner de crédit bon marché aux indépendants et de subsides salariaux sur base de coûts prouvés.
    • Ouverture des livres de comptes de toutes les grandes entreprises afin de contrôler leurs véritables coûts, les profits, les salaires des directions et les bonus.
    • Nationalisation du secteur énergétique sous contrôle des travailleurs et sous gestion des travailleurs eux-mêmes, pour être capables de libérer les moyens afin d’investir massivement dans l’énergie renouvelable et l’économie de l’énergie.
    • Pour le monopole d’État sur les banques et le crédit sous contrôle démocratique de la communauté. Au lieu de devoir supplier les directions des banques afin d’obtenir du crédit, le public pourrait alors planifier les investissements publiques nécessaires aux besoins réels de la population.
    • Pour une société socialiste démocratiquement planifiée et pour rompre avec le chaos capitaliste
  • Monde et Europe: Une nouvelle période d’instabilité et de révolutions (1)

    Thèses du bureau européen du CIO

    Début avril, des dirigeants du CIO venus d’Europe, mais aussi du Pakistan et d’Israël, se sont rencontrés pour discuter des développements internationaux, et en Europe en particulier. Les thèses suivantes y ont été discutées et amendées après discussion.

    Il y a à peine trois mois que s’est tenu le Congrès Mondial du CIO, et depuis la situation mondiale a radicalement été modifiée par les révolutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Puis, il y a eu la double catastrophe naturelle du séisme et de l’immense tsunami au Japon. Ces événements ont servi à renforcer l’impression, créée par la crise économique persistante, d’un monde en chaos. Le danger de la fusion des réacteurs nucléaires – et des répercussions que cela pourrait avoir avec la possibilité de retombées radioactives à la Tchernobyl – a aussi eu pour effet de souligner l’irresponsabilité du capitalisme en ce qui concerne l’environnement. La construction de centrales nucléaires sur des lignes de faille sismiques reconnues, avec la fuite de particules radioactives et les dangers de tout un héritage de déchets nucléaires pour les générations futures, a horrifié le monde.

    La révolution au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

    Le CIO avait bel et bien prédit les événements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Dans le dernier document sur les relations mondiales adopté lors du 10ème Congrès du CIO en décembre 2010, nous avions correctement anticipé le fait que le Moyen-Orient était au bord d’une explosion sociale, mettant en avant la possibilité du renversement du régime Moubarak. Nous avions entre autres écrit ceci : ”Un autre “point chaud” pour l’impérialisme est le Moyen-Orient. Il n’y a aucun régime stable dans la région” (paragraphe 54). En particulier, nous avions prédit dans le même document que : ”Bien que le conflit entre les Arabes et les Israéliens est important, ce n’est pas le seul facteur qui doit être pris en considération lorsque nous établissons les perspectives pour cette région. Plus que jamais, la situation économique de ces pays les prépare à de grands mouvements sociaux et politiques. C’est particulièrement le cas pour l’Égypte … des revirements d’une ampleur sismique sont à l’ordre du jour dans ce pays. Le règne de Moubarak, long de 30 ans, approche de sa fin”. (paragraphes 62-63). Ce pronostic a été confirmé par les événements tumultueux qui se déroulent encore en ce moment, et par lesquels la révolution ou l’idée de révolution a bondi d’un pays à l’autre.

    En conséquence de ces mouvements, on a une fois de plus vu venir à l’avant-plan la théorie trotskiste de la Révolution permanente. Toutefois, les idées de Trotsky ne se prêtent pas à une interprétation superficielle et unilatérale de la manière dont le processus de Révolution permanente va se dérouler. Trotsky n’a jamais envisagé un processus linéaire et direct. Les révolutions russes n’ont pas triomphé sans de sérieuses tentatives de contre-révolution. En Tunisie et en Égypte, étant donné la non-préparation des masses et le manque d’organisations indépendantes, couplés au fait que l’appareil sécuritaire militaire du vieux régime n’a pas été complètement démantelé, la contre-révolution allait forcément poser une grave menace à la victoire encore non assurée des masses. L’impact de la révolution était à son tour conditionné au fait que les masses venaient d’émerger de la nuit noire de décennies de dictature, ce qui était également renforcé par le manque de véritables partis ouvriers révolutionnaires, avec des cadres capables de rapidement orienter les masses politiquement. Néanmoins, chaque effort de la contre-révolution n’a fait que provoquer une opposition tenace, et, à chaque fois qu’il semblait hésitant ou endormi, a ressuscité le mouvement de masse contre les restes des vieux régimes et, en Tunisie, a poussé la révolution plus en avant.

    En Égypte, l’occupation du quartier général de la police secrète – après des rumeurs selon lesquelles ses agents tentaient de détruire des fichiers détaillant la torture sous le régime Moubarak et le rôle que l’armée a joué dans celle-ci –, de même qu’un mouvement tout aussi tenace que celui de Tunisie, indiquent qu’une révolution ne peut pas être aussi facilement balayée. Mais l’intervention impérialiste en Libye (la soi-disant “zone d’exclusion aérienne”) fait partie d’une tentative d’intimider les masses révolutionnaires. Elle se fait passer pour un soutien à l’opposition libyenne alors qu’en réalité, elle est partie prenante d’une offensive générale de la réaction dans la région et à l’échelle internationale qui tente de stopper et de compliquer le processus révolutionnaire. Elle est aussi une tentative d’assurance de la part de l’impérialisme occidental afin d’assurer le maintien de son emprise sur les ressources pétrolières de la Libye. Après avoir courtisé Kadhafi, lui avoir fourni des armes, etc., la meilleure manière maintenant, selon les calculs de l’impérialisme, d’accomplir ses objectifs est d’abandonner son ancien “ami” pour s’assurer d’être “du bon côté de l’Histoire” – surtout de l’Histoire économique ! Comme l’ont montré les événements en Égypte, en Tunisie et, plus récemment, au Yémen, ils n’y parviendront pas.

    Le massacre brutal au Yémen n’a servi qu’à renforcer la résolution du mouvement de masse, menant à la plus grande manifestation encore jamais vue contre le régime, et au départ probable de Saleh. La défection du chef du personnel de l’armée, qui est passé au camp de la révolution, a été un moment crucial. Ceci indique que Saleh n’a pas assez de forces sur lesquelles se baser. Mais l’accueil qui a été fait au général par l’opposition yéménite montre la confusion de la conscience – c’est le moins que l’on puisse dire – parmi les rangs de la révolution. Son portrait a été enlevé de la gallerie des méchants contre-révolutionnaires, et replacé parmi les anges !

    L’intervention brutale de l’Arabie saoudite au Bahreïn pour y écraser la révolution est destinée à intimider les masses bahreïnies, de même que les travailleurs et paysans des pays qui ne se sont pas encore engouffrés dans la vague révolutionnaire, afin de les décourager de marcher dans les traces de l’Égypte et de la Tunisie. En interne, dans chaque pays, la contre-révolution attend son heure – forcée maintenant de plier sous le vent révolutionnaire – jusqu’à ce qu’elle puisse utiliser les déceptions engendrés par les résultats de la révolution afin de contre-attaquer. Le référendum sur les amendements constitutionnels des généraux venait seulement d’être terminé en Égypte, que l’armée a annoncé son intention de restreindre et de bannir les manifestations et les grèves. Néanmoins, la tendance dans la prochaine période sera à un approfondissement de la révolution mais, bien sûr, les perspectives varient d’un pays à l’autre.

    De plus, il ne faut pas exclure une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Le déclenchement d’une telle guerre pourrait provenir de la recrudescence de violence entre Palestiniens et Israéliens, avec l’attentat qui a fait sauter un bus à Jérusalem et l’accroissement du conflit à et autour de Gaza. Si une telle guerre survenait, et en particulier si elle venait à se développer en un conflit majeur, elle pourrait impliquer les États arabes ; l’armée égyptienne, par exemple, qui n’est plus maintenant tenue en laisse par le régime servile pro-USA et pro-Israël de Moubarak. Dans la nouvelle situation, la pression de la part des masses arabes pour défendre les Palestiniens sera intense. Ceci sera encore plus le cas si des mouvements de masse comme celui du 15 mars en Cisjordanie continuent à se développer.

    Au moment où ce document était en préparation, la Libye se tenait dans l’œil du cyclone. Pour toutes les raisons que nous avons expliquées – dans les articles sur notre site – la situation en Libye est bien plus compliquée que les processus en Égypte et en Tunisie, étant donné le caractère particulier du régime Kadhafi. Il ne fait aucun doute que le régime Kadhafi est couvert de sang. L’insurrection de Benghazi a tout d’abord vaincu les troupes de Kadhafi – dirigées par ses fils – qui ont alors fui pour se mettre à l’abri à Tripoli. Des comités populaires ont commencé à prendre forme, mais ont malheureusement été dominés – et ceci a été renforcé depuis – par des forces bourgeoises et petites-bourgeoises, dont d’anciens ministres du régime Kadhafi. Notre revidencation qui demandait que ces comités soient fermement ancrés parmi les masses, avec une pleine démocratie ouvrière, et sur base d’un programme clair, aurait pu mener, si nécessaire, à la formation d’une armée révolutionnaire. Celle-ci aurait pu se développer de la même manière que les colonnes de Durutti après l’insurrection contre les fascistes à Barcelone au début de la Guerre civile espagnole en juillet 1936. La simple annonce d’une telle force aurait pu en soi avoir été l’étincelle qui aurait mené à une insurrection victorieuse contre Kadhafi à Tripoli.

    Le caractère tribal de la Libye – renforcé par des divisions régionales, en particulier entre l’Ouest et l’Est – a permis à Kadhafi d’obtenir une certaine marge de manœuvre. Le fait de brandir le drapeau royaliste – le roi Idris provenait de Benghazi et était à la tête de la “tribu” Senoussi qui regroupe un tiers des Libyens – a permis au régime de Kadhafi de dépeindre Benghazi comme étant la base des forces contre-révolutionnaires qui souhaitent renverser le cours de l’Histoire. Cette impression a été renforcée par la décision des dirigeants du mouvement de Benghazi de faire appel à l’assistance de l’impérialisme – avec leur “zone d’exclusion aérienne”. Ceci représentait une volte-face par rapport à la position précédente à Benghazi, qui s’opposait à l’intervention impérialiste en disant : ”Les Libyens peuvent le faire eux-mêmes”.

    Il est difficile de définir exactement de quelle manière la situation va se résoudre. Le soutien pour la zone d’exclusion aérienne va se désintégrer si les résultats ne mènent pas à un renversement rapide de Kadhafi. L’opinion publique aux États-Unis – où il y a une massive majorité de deux tiers en faveur d’un retrait d’Afghanistan – est opposée à toute campagne terrestre. Les forces US et françaises sont incapables d’entamer une offensive au sol efficace. Qui plus est, l’opinion publique, qui semblait initialement en faveur du bombardement de Kadhafi, pourrait se renverser en son contraire si le nombre de pertes venait à s’accroitre. Les États-Unis et le Royaume-Uni sont déjà débordés par le bourbier afghan. En outre, le soutien pour des mesures militaires au Royaume-Uni est extrêmement ténu, avec une crainte largement répandue – y compris parmi la bourgeoisie – que l’action soit limitée et se mue petit à petit en un engagement militaire prolongé.

    L’impérialisme – associé aux forces de Benghazi – espère qu’une pression militaire suffisante mènera à une répétition de ce qui s’est passé au Yémen, avec la défection des généraux de Kadhafi. D’un autre côté, un blocage sur le plan militaire pourrait survenir, et on assisterait à une partition de la Libye dans les faits. Ceci mènerait probablement à des campagnes militaires ou terroristes contre les principales puissances impérialistes qui se sont engagées contre le régime de Kadhafi. Il est fortement improbable que les forces des grands pays arabes – comme l’Égypte – puissent être utilisées pour renverser Kadhafi, étant donné la nature instable et suspicieuse de l’opinion publique dans le monde arabe en ce qui concerne les interventions extérieures dans la région. Même Amr Moussa – le chef de la Ligue arabe – qui a tout d’abord soutenu la zone d’exclusion aérienne, a été forcé de faire marche arrière lorsque, comme c’était inévitable, des civils ont été tués et blessés par les frappes aériennes britanniques, américaines et françaises. En fait, les grandes puissances impérialistes sont déjà divisées – malgré la résolution des Nations-Unies qui a sanctionné leur action – et ces divisions vont s’accroitre si cette guerre venait à se prolonger et à s’intensifier.

    L’Égypte est une arène cruciale où pourrait se décider la bataille épique entre les forces de la révolution et de la contre-révolution. Les chefs de l’armée, en collusion avec l’establishment politique, les Frères musulmans et les restes du NDP (le parti de Moubarak) ont organisé un référendum visant à supprimer certaines des lois répressives du régime Moubarak et à poser la base pour des élections dans les six mois. Les éléments les plus conscients de l’opposition à l’armée ont appelé à un boycott. Mais l’appel au boycott a eu un certain effet ; il n’y a eu que 41% de participation. Toutefois, l’opposition n’a pas eu assez de succès pour faire échouer le référendum ; 77% de ceux qui ont voté se sont déclarés en faveur des amendements. Notre revendication en faveur d’une véritable assemblée constituante révolutionnaire garde donc toute sa force. Ce qui est crucial par contre est la tâche urgente de construire les forces ouvrières indépendantes, en particulier les syndicats, et de poser la base pour un nouveau parti des travailleurs de masse. L’impérialisme – via les dirigeants syndicaux de droite en Europe et aux États-Unis – intervient comme il l’a fait lors de la révolution portugaise afin de dévoyer les nouveaux syndicats dans une direction pro-capitaliste. Au Portugal, ils ont utilisé les dirigeants syndicaux allemands, alliés au SPD, pour construire le Parti socialiste de Mario Soares et son syndicat affilié, l’UGT, pour contribuer à faire dérailler la révolution.

    En Tunisie, ce sont les mêmes tâches fondamentales qui se posent, mais bien entendu la situation n’est pas identique à celle de l’Égypte. La Tunisie a une certaine histoire d’opposition organisée clandestinement contre Ben Ali, rassemblée en particulier autour des syndicats. Il faut ajouter à cela une conscience culturelle et politique relativement élevée, ce qui veut dire que les masses sont bien conscientes que la révolution a été faite par leurs sacrifices, mais qu’elles n’en ont pas encore récolté les fruits. Néanmoins, ce mouvement de la base est parvenu à renverser toute une série de gouvernements. Nos camarades, en Égypte comme en Tunisie, ont accompli des efforts héroïques afin d’atteindre les forces les plus conscientes et de chercher à les attirer à la bannière du CIO. Ce travail doit continuer au cours de la prochaine période.

    Nous pouvons nous attendre à de nouveaux mouvements qui vont affecter quasiment chaque pays de la région. En plus de l’Égypte, de la Tunisie, de la Libye et du Bahreïn, les régimes de Syrie, des États du Golfe – malgré les pots-de-vin massifs octroyés par la monarchie saoudie –, d’Iraq et même d’Iran seront affectés. Il n’y a aucun retour possible ; il est impossible de réétablir les vieux régimes sur les mêmes bases qu’auparavant. Il y a une réelle soif d’idées, et une demande insistante pour des droits démocratiques partout, de même qu’une haine viscérale des régimes despotiques et dictatoriaux. Du côté de la classe ouvrière, il y a une tentative de créer des organisations indépendantes à la fois sur le plan syndical et politique. Pris tout ensemble, ceci revient à une situation favorable pour les idées du marxisme authentique et du trotskisme. Ce ne sera pas facile, étant donné les idéologies rivales du marxisme contre lesquelles nous nous voyons forcés de lutter. Mais pour la première fois, peut-être, depuis la faillite des partis communistes/staliniens à cause de leurs théories “en stades” erronnées, le terrain n’a jamais été aussi fertile pour la croissance des idées marxistes et trotskistes. De même, la situation économique et sociale générale – largement dominée par le scénario économique mondial et par son impact dans la région – signifie qu’il ne peut y avoir aucune réelle stabilité. Après tout, ç’a été la détérioration de la situation économique, manifestée par le chômage en progression constante et en particulier chez les jeunes, qui a été le facteur déclenchant des insurrections en Tunisie et en Égypte, et de tout ce qui a suivi. Ceci souligne l’importance cruciale d’avoir des perspectives économiques, comme le CIO l’a toujours mis en avant. Cependant, si la classe ouvrière ne devait pas parvenir à imposer sa marque sur la situation – via ses propres organisations indépendantes – ce serait alors l’islam politique de droite, largement marginalisé jusqu’ici, qui pourrait croitre à nouveau. Les conflits en Égypte entre coptes et musulmans (délibérément encouragés par l’armée) en sont un avertissement, tout comme les efforts délibérés de divisions entre chiites et sunnites au Bahreïn

    L’économie mondiale

    Le Moyen-Orient exerce également une énorme influence sur l’économie mondiale, en particulier à travers la matière première cruciale qu’est le pétrole. Et les remous colossaux dans la région ont exercé des pressions à la hausse sur le prix du pétrole, qui va maintenant probablement atteindre des records fumants étant donné les complications militaires en Libye, pays producteur de pétrole. En conséquence de cela, la “reprise” économique mondiale vacillante va sans doute être stoppée, si pas repartir en chute libre. L’envolée actuelle des prix du pétrole est la cinquième hausse de cette ampleur depuis 1973, et à chacune de ces hausses, le résultat a été une récession. Certains experts s’attendent à ce que le prix du pétrole brut atteigne les 160$/barril, d’autres s’attendent à plus encore. Un résultat inattendu de tout ceci est le bénéfice qu’en retirent les États producteurs de pétrole : ainsi, chaque hausse de 10$ du prix du barril gonfle le revenu de la Russie de 20 milliards de dollars supplémentaires ; l’Iran et le Venezuela, de même que les pays arabes, vont eux aussi en tirer parti. Certains ont été capables d’utiliser ceci – comme c’est le cas pour l’Arabie saoudite – pour racheter, ou du moins tenter de racheter, l’opposition interne croissante. Le chœur d’analystes capitalistes qui proclamaient que le capitalisme était en passe de complètement se remettre de la crise et parlaient déjà un peu plus tôt dans l’année de “sommets économiques ensoleillés” s’est complètement fourvoyé.

    Des prétentions similaires avaient été faites en 2005, comme quoi le boom continuerait à jamais. Il est vrai que l’index boursier au Royaume-Uni a passé la barre des 6040 points au tournant de l’année. Cependant, suivre cette logique revient à dire que le meilleur endroit où investir aujourd’hui serait la Mongolie ou le Sri Lanka ! Même cette prétention a été sapée par les inondations dévastatrices au Sri Lanka, où un million de gens ont été affectés et 20% de la production de riz détruite.

    Le tourniquet des marchés boursiers mondiaux – ce casino géant – n’ont que peu d’intérêt aujourd’hui pour mesurer la santé économique, ni les perspectives de croissance réelle dans le futur. Ce qui a plus d’intérêt, est l’aveu de l’analyste et historien “libéral” pro-capitaliste Simon Schama : ”Les vies de millions de gens dans notre Amérique hamburguerée ne passent que via les banques et les chèques alimentaires. Soixante-dix pourcent de la population a un ami proche ou un membre de la famille qui a perdu son travail. Nous vivons toujours dans l’Amérique en 3D : désolation, dévastation, destitution”. Et nous parlons ici du moteur du capitalisme mondial !

    La Chine

    La Chine et l’Asie, cependant, semblent toujours aller de l’avant, propulsées par l’immense plan de relance en Chine, dont l’ampleur et les effets avaient été prédits par le CIO. Le plan de relance chinois a permis de tirer de nombreux pays vers le haut, avec un certain effet en Europe. Dans le monde néocolonial, certains pays connaissent un boom des matières premières et, dans une certaine mesure, un marché accru pour leurs exportations. Toutefois, le revers de la croissance chinoise est l’accumulation de bulles à une échelle massive, qui pourrait bien mettre un terme brutal à la croissance chinoise, bien plus vite que ne se l’imaginent les économistes capitalistes. L’ampleur du secteur immobilier en surchauffe se reflète dans les effets dévastateurs sur les habitants des villes, en particulier dans des endroits tels que Pékin. L’inflation est toujours un enjeu extrêmement sensible pour l’État chinois, à cause du rôle historique qu’elle a joué dans la révolution chinoise qui a mené au renversement du Guomindang à la fin des années ’40 et qui a amené Mao au pouvoir. En janvier, l’inflation a atteint le record de 5,1%, ce qui a suscité un grand ”mécontentement par rapport aux hausses de prix qui ont atteint leur niveau le plus élevé depuis le début des statistiques en 1999”, selon un récent sondage de la Banque centrale.

    Ce que cela signifie pour les millions de Chinois qui espéraient en vain pouvoir gravir les échelons de la propriété est montré par les estimations qui indiquent ”combien de temps les citoyens devraient travailler pour pouvoir se payer un appartement de 100m² dans le centre de Pékin, qui vaut en ce moment environ 3 millions de renminbi (450 000$). En supposant qu’il n’y ait aucune catastrophe naturelle, un paysan travaillant un lopin de terre moyen ne pourrait s’offrir un appartement que s’il avait commencé à travailler sous la dynastie Tang (qui s’est terminée en l’an 907) ! Un ouvrier chinois qui aurait gagné un salaire mensuel de 1500 renminbi depuis les guerres de l’opium de la moitié du 19ème siècle et aurait travaillé tous les jours depuis et même les week-ends, disposerait alors maintenant de tout juste de quoi se payer son propre logement aujourd’hui.”

    Au même moment, la croissance économique colossale et incontrôlée de la Chine inflige chaque année pour plus de 1000 milliards de yuan (105 milliards d’euro) en dégâts environnementaux, selon les planificateurs du gouvernement. Le cout des déchets, des fuites, de la détérioration du sol et autres impacts a atteint les 1,3 milliards de yuan en 2008 (140 milliards d’euro). C’est l’équivalent de 3,9% du PIB du pays. La perte du sol et de l’eau ”pose de graves menaces à l’écologie, à la sécurité alimentaire et au contrôle des inondations”, a ainsi déclaré le vice-ministre chinois responsable des ressources en eaux. Les réservoirs sont incapables de satisfaire aux demandes d’une population croissante et de plus en plus développée. Pékin dépend déjà de nappes aquifères non-renouvelables pour pallier au déficit en eau de la ville qui s’accumule. Ce dernier pourrait mener à des contrôles dans la consommation de l’eau, surtout pour les gros utilisateurs tels que les usines. D’un point de vue économique, le développement pêlemêle de la Chine sur une base capitaliste n’est pas vivable, et ceci est encore plus évident dès lors que l’on parle d’environnement.

    La radicalisation aux États-Unis

    En ce qui concerne les États-Unis, ceux-ci laissent filer un déficit budgétaire béant (à tous les niveaux de gouvernement) qui promet un naufrage fiscal. À un moment l’an passé, la vente de bons du Trésor, nécessaire pour le financement continu du déficit, n’a obtenu qu’un faible résultat et a amené la menace d’une crise dans les finances du gouvernement. Toutefois, avec tous ces capitalistes qui possèdent des surplus massifs d’argent sans avoir un seul débouché où l’investir de manière productive – ce qui est en soi une expression de la crise organique du capitalisme – la vente de bons suivantes a, elle, été bien accueillie. L’administration Obama est confrontée à la perspective délicate de devoir chercher à réduire le déficit, ce qui aura un grave impact sur le niveau de vie. Si cette réduction se concentre sur l’armée – ce qu’espère la droite républicaine – cela aggravera énormément la situation sociale et mènera à une grande radicalisation.

    Les événements spectaculaires au Wisconsin mettent en valeur ce qu’il se passe lorsque la droite républicaine se lâche contre la classe ouvrière américaine, qui semblait endormie et passive. Enhardi par le succès du Tea Party lors des élections de mi-mandat pour le Congrès, le gouverneur républicain du Wisconsin a lancé une offensive déclarée sur les droits de négociations des syndicats et sur les conditions des travailleurs. C’est ce qui a provoqué un soulèvement de la classe ouvrière sans précédent aux États-Unis depuis des décennies. L’ironie étant qu’il y a beaucoup de travailleurs qui avaient voté pour les candidats du Tea Party et qui sont devenus eux-mêmes victimes de ces attaques, et ont donc rejoint le mouvement d’opposition. Les travailleurs ont soulevé l’exemple de la révolution égyptienne ! Ils ont eu recours à des arrêts de travail spontanés et ont appelé à la grève générale. Des travailleurs d’autres Etats, comme en Indiana et en Ohio, ont suivi le Wisconsin ; ils ont eux aussi subi les mêmes attaques de la part de gouverneurs républicains inflexibles.

    Tel un coup de tonnerre, le Wisconsin a réveillé le géant endormi de la classe ouvrière américaine, et a ouvert la voie à une opportunité très favorable pour notre section américaine. La question de savoir si cela va ou non mener à un revirement à gauche durable dépend, comme ailleurs, de la création d’un pôle d’attraction à gauche sous la forme d’un nouveau parti ou d’une nouvelle formation politique. La majorité des dirigeants syndicaux tente désespérément de diriger ce mouvement vers un soutien aux Démocrates, bien que parfois seulement en tant que “moindre mal”. C’est la même chose qui se passe en Europe avec nos dirigeants syndicaux qui ont peur et qui sont incapables de mener une lutte industrielle victorieuse contre les programmes d’austérité de la bourgeoisie. Ils cherchent à faire dévier le mouvement sur le plan électoral en renforçant le soutien à la social-démocratie. D’un autre côté, le fait d’attaquer l’énorme budget de la “défense” susciterait encore plus de critiques sur Obama et son administration de la part des Républicains de droite – menés par le Tea Party. Jusqu’à présent, il a fait face à cette offensive de droite par des pas en arrière et des concessions, par exemple sur la taxation des riches. Cette attitude pourrait encourager la droite à forcer Obama à faire encore plus de concessions. D’un autre côté, les attaques sur la classe ouvrière par les Républicains de droite amènent un soutien de “moindre mal” en faveur d’Obama pour les prochaines élections présidentielles en 2012. Il sera maintenant probablement réélu.

    L’Europe et l’économie mondiale

    En Europe, l’effondrement économique de l’Irlande menace de se propager au Portugal et même à l’Espagne, qui selon certains économistes capitalistes est la quatrième plus grande économie d’Europe et “est trop grosse pour être sauvée”. Même l’Italie et le Royaume-Uni ne sont pas totalement immunisés des effets de la crise bancaire européenne – parce que c’est bien d’une telle crise qu’il s’agit – qui a été déclenchée par les événements en Irlande. Le renflouement des banques irlandaises est un signe que c’est maintenant une question, comme l’a dit Samuel Johnson, de “tenir ensemble, ou tenir séparés”. Malgré tout, l’Irlande va sans doute faire défaut sur sa dette – ou la “reporter”, comme on dit dans le langage plus diplomatique des économistes capitalistes – en dépit de tous les efforts des États membres de l’UE et de leurs différents gouvernements nationaux pour renflouer le pays. Le Chancelier de l’Échiquier britannique Osborne a trouvé 7 milliards de livres sterling pour aider l’Irlande – en réalité, pour sauver les banques britanniques qui seraient affectées par un effondrement de l’économie irlandaise – en tant que “bon voisin”. Et pourtant, on ne peut pas dire de lui qu’il agit en “bon Samaritain” pour les pauvres et pour les travailleurs du Royaume-Uni, vu qu’il cherche à leur imposer le plus grand plan d’austérité depuis 80 ans.

    Surtout basée sur les développements de l’économie chinoise, la machinerie et les consructeurs automobiles allemands ont pu rapidement se remettre de la première vague de la crise. Utilisant sa force compétitive, le capitalisme allemand semble être le grand vainqueur de la crise. Mais cette reprise se développe sur une base faible et sera remise en question dans un futur pas si lointain. Malgré cette faiblesse sous-jacente, cela a donné au capitalisme allemand une marge économique qui lui a permis de contribuer à éviter un effondrement économique complet en Europe et aussi – bien que de manière réticente et hésitante – de faire quelques concessions pour sauver l’euro jusqu’ici. Cela n’était pas assez pour sauver l’économie européenne ou pour démarrer un nouveau boom ; cependant, cela aura un impact décisif si de futures éruptions économiques en Allemagne venaient à frapper les développements européens.

    Les destins entrelacés de toutes les économies d’Europe à travers la crise de la dette souveraine montre comment des développements cruciaux à l’échelle internationale façonnent les événements à l’échelle nationale, parfois de manière décisive. L’hypothèse sous-jacente du gouvernement ConDem au Royaume-Uni est que, malgré la brutalité des coupes, au final “Tout sera bien qui finira bien”. Les événements devraient selon eux aller dans leur sens, à cause de l’“inévitable” rebond de l’économie. Le cycle économique “normal” devrait se réaffirmer, disent-ils, une crise étant toujours suivie d’un boom, et ainsi le carrousel continue. Ces espoirs seront anéantis par la marche des événements. Car nous n’avons pas affare ici à un cycle similaire à celui des années 1950 à 75, ni à la phase de croissance plus faible des années ‘2000. Cette crise est totalement inhabituelle de par son caractère, sa profondeur et sa gravité, à la fois pour les dirigeants actuels et pour leurs “administrés”.

    Au mieux, l’économie mondiale va continuer à boitiller de l’avant ; elle ne va pas immédiatement reprendre son niveau d’avant la crise de 2008. Ceci signifie que sur le long terme, le chômage endémique tendra à se consolider, bien qu’avec des hauts et des bas. Des millions de travailleurs ne pourront jamais être réintégrés dans l’industrie. Là où ils trouveront un travail, ce travail sera précaire, temporaire, à l’image de ce que l’on appelle aux États-Unis un job “de survie”. Les travailleurs les prendront dans l’espoir vain de pouvoir de nouveau se hisser à la position qu’ils avaient dans le passé. Mais pendant toute la période prévisible devant nous, l’époque des emplois à plein temps, d’un niveau de vie croissant ou même stagnant est terminée pour la majorité de la population.

    La consommation joue un rôle crucial pour soutenir l’économie capitaliste moderne, en particulier dans les économies les plus avancées. Aux États-Unis pendant le 19ème siècle, près de 20% de l’économie provenait de la consommation. Aujourd’hui, aux États-Unis, celle-ci compte pour 70% du produit total. En Chine, d’un autre côté, la consommation vaut aujourd’hui 38% du PIB – ce qui est relativement beaucoup moins que les 50% sous le régime stalinien de Mao. Toutefois, les programmes d’austérité qui sont devenus la principale politique économique de la majorité des gouvernements bourgeois a pour effet de déprimer l’économie, précisément à cause du rôle crucial que jouent les consommateurs. Et ceci n’est pas compensé par la redirection de l’investissement – du surplus social – dans l’industrie productive, comme c’était la norme dans le passé. La politique dévastatrice de la financialisation du capitalisme mondial est enracinée dans le manque de débouchés profitables pour le capital, essentiellement à partir de la fin des années ’70. C’est quelque chose que le CIO a toujours mis en avant, encore et encore, dans son matériel écrit – une position presque unique parmi les marxistes.

    Les investissements colossaux de capitaux fictifs – via le système de crédits – ont jeté la base pour les bulles qui ont maintenant éclaté. Mais le capitalisme, pris dans son ensemble et à une échelle mondiale, n’a rien appris de cela, et n’applique maintenant aucune nouvelle politique ni dans le vieux continent européen ni aux États-Unis. En fait, nous avons vu une répétition de la même politique que celle des années ‘2000, qui ne fait en réalité que gonfler de nouvelles bulles, même alors que le système lutte déjà pour se libérer des immenses conséquences de sa politique précédente, du surplus de dette. Par conséquent, les investissements dans l’industrie – qui est la réelle force pour créer de la valeur – sont à la traine. En fait, les investissements ont en réalité chuté en termes réels dans l’industrie de transformation. Le Royaume-Uni, par exemple, est passé d’une des nations les plus industrialisées du monde au 19ème siècle, à la cinquième position aujourd’hui. Selon le ministre des finances brésilien, sa nation a dépassé le Royaume-Uni et est devenue la cinquième plus grande économie mondiale, surtout après la croissance de 7,5% en 2010, son plus haut taux depuis 1986.

    La reprise sur les marchés boursiers a été acclamée comme étant le précurseur de la croissance économique, ce qui est complètement faux. En fait, les “experts” en comportement des marchés boursiers sont historiquement du côté des “ours” – des pessimistes qui s’attendent à une Apocalypse financière. Une personne a récemment commenté dans le Guardian britannique que : ”Lorsque les marchés entrent une nouvelle phase de folie, moi je reste là à me gratter la tête d’étonnement. L’idée comme quoi nous sommes revenus à une reprise économique durable est aussi grotesque qu’elle l’était en 2005-07. Mais les investisseurs sont de retour sur la piste de danse, pirouettant droit vers la prochaine et inévitable implosion, au sujet de laquelle ils affirmeront une fois de plus par après qu’elle était imprévisible !”

    Le capitalisme moderne semble incapable d’absorber le “surplus de travail” – un euphémisme pour “chômage de masse” – créé par la suraccumulation reflétée par la crise, à moins de pouvoir obtenir un taux de croissance soutenu d’au moins 3%, et même ainsi, à un taux combiné. Pourtant, même les plus optimistes des économistes bourgeois ne se font aucune illusion sur le fait que le capitalisme – même dans les économies qui semblent être dans une position favorable, comme l’Allemagne par exemple – sera capable d’atteindre un tel taux de croissance dans le futur prévisible. Axel Weber, le président sortant et complètement discrédité de la Bundesbank, disait à Londres récemment que l’Allemagne ne reviendrait pas d’ici la fin de 2011 à un niveau d’avant la crise. ”Il ne s’agit pas d’une success story, mais bien de trois années perdues”. Il a ensuite ajouté pour la forme que : ”La tendance de croissance sur le long terme pour l’économie allemande est de 1%. Nous n’avons pas affaire à un moteur dynamique pour l’économie européenne”.

    Le chômage

    La production de l’économie mondiale est revenue au niveau de 1989 ! Le FMI estime qu’en 2008, l’économie mondiale a perdu la somme colossale de 50 trillions de dollars en actifs dévalués et en termes de perte de production, une somme équivalant à la production totale de biens et services du monde entier pendant une année. La crise a laissé un immense legs débilitant que le capitalisme aura du mal à surmonter, si jamais il y parvient entièrement. La politique quasi-keynésienne d’Obama – avec ses divers plans de relance – a complètement échoué à endiguer le chômage, qui se tient officiellement à 9% de la force de travail (mais est dans les faits sans doute à deux fois ce niveau), et est restée à ce niveau depuis les 20 derniers mois sans discontinuer. Quarante-sept états sur cinquante ont même perdu des emplois depuis les plans de relance d’Obama.

    Il y a dans le monde officiellement plus de 200 millions de gens au chômage, dont 78 millions ont moins de 24 ans. Et ceci est sans doute une énorme sous-évaluation, parce que ces chiffres ne tiennent pas compte du sous-emploi, des emplois partiels, etc. Selon l’Organisation internationale du travail, 1,5 milliards de gens sont en situation d’emploi précaire. En outre, la population mondiale va sans doute s’accroitre d’encore 2 milliards de personnes au cours des 40 prochaines années. En Europe, le chômage des jeunes se trouve en moyenne à 20,2% dans 17 pays de la zone euro, alors qu’il était à 14-15% il y a trois ans. Le chômage des jeunes est monté au niveau effarant de 35% en Grèce et même de 40% en Espagne !

    Étant donné qu’il n’y a que très peu de soutien étatique pour les chômeurs dans ces pays – qui sont alors forcés de compter sur le soutien de leurs famille et amis – il est étonnant que nous n’ayons pas encore aperçu d’expression réelle de l’encore plus grand mécontentement que ces chiffres garantissent. Il est vrai que nous avons vu de grandes et furieuses grèves générales, mais étant donné la condition de la classe ouvrière, surtout dans le sud de l’Europe, nous pouvons nous attendre au cours de la prochaine période à des mouvements de protestation ouvrière qui pourraient déborder les limites de la société “officielle”. Déjà en Grèce, nous voyons que les masses, par pur désespoir – très souvent convaincues qu’elles n’ont aucune chance de succès – se sont néanmoins jetées dans la bataille, comme avec les travailleurs des bus d’Athènes, qui insistaient pour continuer leur lutte contre l’avis de leur direction syndicale, malgré le fait que le décret contre lequel ils se battaient avait déjà été mis en application ; ou avec les 2500 travailleurs (temporaires) de la Ville d’Athènes, qui ont occupé la salle du Conseil communal pour empêcher le nouveau maire PASOK de les licencier afin d’engager de nouveaux travailleurs intérimaires avec encore moins de salaire et encore moins de droits. Ce genre d’actions risque de devenir contagieuse – et pas seulement en Grèce – pour d’autres travailleurs qui vont chercher à les imiter, de même que pour les étudiants qui vont une fois de plus entrer en conflit avec le gouvernement ou avec les autorités éducationnelles.

    Mais la conscience politique est toujours en retard, et parfois de manière chronique, par rapport à la situation économique objective. Le krach de Wall Street en 1929 a stupéfait la classe ouvrière américaine, et il a fallu au moins quelques années pour qu’elle puisse rallier ses forces et résister à l’offensive du capitalisme. Un mouvement offensif n’a réellement commencé, comme nous l’avons fait remarquer à maintes reprises, qu’au moment du début du boom à partir de 1934. Il est hautement improbable, surtout à un niveau global, qu’une telle croissance survienne, au moins dans les pays industriels avancés. Comme le Brésil l’a démontré, il est possible qu’un certain niveau de croissance se réalise dans certains pays et certaines régions, même au beau milieu d’une récession mondiale générale. Il y a une raison spécifique dans le cas du Brésil, comme dans d’autres pays ; cette croissance s’est effectuée portée par la croissance chinoise, la Chine cherchant à mettre la main sur des ressources naturelles afin de maintenir son industrie en état de marche.

  • LIBYE: Soutien aux masses et à leur révolution ! Aucune confiance dans l’intervention impérialiste !

    Face à l’avance rapide des troupes de Kadhafi, la décision du Conseil de sécurité de l’ONU a été fêtée dans les rues de Benghazi et de Tobrouk. Les puissances coalisées se présentent aujourd’hui en sauveurs de Benghazi. Mais l’intervention militaire va-t-elle véritablement aider la révolution en Libye ?

    Par Boris Malarme

    La chute des dictateurs Ben Ali et Moubarak a inspiré des millions de jeunes, de travailleurs et de pauvres en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et partout dans le monde. Presque chaque pays de la région est touché par les contestations contre l’absence de libertés démocratiques et contre la misère. Ces victoires ont encouragé les masses en Lybie à suivre la même voie.

    Kadhafi et ses anciens amis

    L’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne sont les principaux partenaires commerciaux de la Libye. Tous sont engagés dans l’offensive militaire (comme la Belgique), à l’exception de l’Allemagne qui vient de décider d’augmenter son engagement militaire en Afghanistan.

    En octobre 2010, la Commission Européenne a passé un contrat de 50 millions d’euros sur trois ans, en échange d’efforts visant à empêcher les réfugiés d’arriver en Europe ! La Libye est aussi un grand investisseur en Europe via le fond d’investissements “Libyan investment Authority”. Khadafi est encore actionnaire de la banque UniCrédit, de Fiat, de la Juventus,… La Lybie – douzième producteur mondial de pétrole et première réserve de pétrole d’Afrique – exporte 80% de son pétrole à destination de l’Europe. La panique sur les bourses et la montée du prix du baril, qui a dépassé le seuil des 120$, a illustré que les marchés craignent le développement de la révolution libyenne et la remise en cause des profits que garantissait le régime.

    Nombreux sont ceux qui se souviennent de la visite de Kadhafi à l’Elysée, en 2007, quand Sarkozy balayait toute critique avec ses 10 milliards d’euros de contrats commerciaux. L’Espagne a fait de même pour 11 milliards d’euros.

    La Belgique n’est pas en reste (141 millions d’euros d’exportation vers le pays en 2008). La Belgique a d’ailleurs été le premier pays à recevoir Kadhafi en 2004, quand la communauté internationale a cessé de l’isoler. Après une entrevue avec la Commission Européenne, la tente du dictateur a été plantée dans les jardins du palais de Val Duchesse, où Kadhafi a été reçu en grande pompe par Guy Verhofstat, Louis Michel et Herman de Croo. Louis Michel avait préparé sa venue en lui rendant visite à Syrte, entouré de patrons belges. Le CDh et Ecolo avaient bien protesté, mais cela ne les a pas empêché de participer au gouvernement Wallon avec le PS et de valider ensemble la livraison d’armes de la FN en Libye.

    Après une première rencontre avec Kadhafi en 1989, Robert Urbain, ministre (PS) du Commerce extérieur des gouvernements Martens et Dehaene, a conduit une mission commerciale en Libye en 1991, avec de nombreux industriels et confirmant l’accord commercial général conclu avec la Libye et gelé en 1983. Les investisseurs ont même dégoté un contrat immobilier mégalomane : deux livres vert monumentaux à la gloire du régime…

    Les gouvernements successifs connaissaient les crimes et les atrocités commises par le régime de Kadhafi contre les opposants et la population, mais ont maintenu des liens commerciaux étroits. La participation belge à l’intervention n’est qu’hypocrisie, les politiciens qui tendaient encore hier leur main à Kadhafi essayent aujourd’hui de faire oublier leur attitude passée, tout en tentant de sauvegarder les positions commerciales et les profits des entreprises belges.

    En Europe et ailleurs, un fort sentiment de sympathie envers ces révolutions est présent parmi la population. Le soutien de nos gouvernements aux régimes dictatoriaux et répressifs à travers tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord a écorné leur image “démocratique”. Après avoir soutenu et armé la dictature de Kadhafi, l’entrée en guerre des puissances de la coalition n’a pas pour objectif de venir au secours des masses libyennes et de leur révolution. Jusqu’ici, elles étaient plutôt enchantées de faire affaire avec le régime de Kadhafi au vu des ressources gazières et pétrolières contrôlées par le régime.

    Aujourd’hui, les puissances occidentales tentent d’exploiter la révolution afin de restaurer leur prestige et d’obtenir un régime plus favorable à l’emprise des multinationales sur les richesses du pays, ou au moins de sa partie Est, au vu de la possibilité d’une partition du pays. Comment la présence des Emirats Arabes Unis et du Qatar au sein de la coalition peut-elle effacer le caractère impérialiste de celle-ci, alors que ces deux Etats sont militairement impliqués au côté de la monarchie semi-féodale d’Arabie Saoudite dans la répression de la population du Bahreïn ? Les puissances de la coalition n’ont rien fait contre l’Arabie Saoudite et la Belgique ne remet pas en cause son commerce d’armes avec celle-ci.

    Malgré ses efforts depuis une dizaine d’années, le régime de Kadhafi n’est pas un allié suffisamment fiable pour l’impérialisme. Mais Kadhafi n’a jamais été l’allié des masses et des révolutions, comme en témoigne son attitude après la fuite de Ben Ali, qu’il considérait comme une grande perte pour les Tunisiens. En 1971 déjà, Kadhafi s’est rangé du côté de la contre-révolution en livrant le dirigeant du puissant parti communiste du Soudan (un million de membres à l’époque) à la dictature de Nimeiry et en l’aidant à écraser la tentative de coup d’Etat de gauche qui avait fait suite à l’interdiction des forces de gauche. Kadhafi a beau qualifier son régime de ‘‘socialiste et populaire’’, ce dernier n’a jamais rien eu à voir avec le socialisme démocratique. Kadhafi et ses fils ont toujours dirigé la Lybie d’une poigne de fer.

    “Non à une intervention étrangère, les libyens peuvent le faire eux-mêmes”

    C’est ce qu’on pouvait lire fin février sur une pancarte à Benghazi. Cela exprimait le sentiment qui dominait contre toute intervention impérialiste. Mais le maintien du contrôle de Kadhafi sur l’Ouest (malgré les protestations dans la capitale et les soulèvements à Misrata et Zuwarah) et sa contre-offensive vers l’Est ont provoqué un changement d’attitude. Mais les révolutionnaires qui espèrent que l’intervention les aidera se trompent.

    La résolution de l’ONU, la ‘‘no-fly-zone’’ aux commandes de l’OTAN et les bombardements des puissances coalisées vont miner tout le potentiel pour concrétiser les véritables aspirations de la révolution libyenne. De plus, le régime essaye d’exploiter les sentiments anti-impérialistes qui vivent parmi la population. Le maintien du régime de Kadhafi ne s’explique pas seulement par la supériorité de son armement, mais surtout par les faiblesses présentes dans le processus révolutionnaire. Ainsi, l’absence de véritables comités populaires démocratiques sur lesquels se baserait le mouvement révolutionnaire et l’absence d’un programme clair répondant aux aspirations sociales de la majorité de la population a fait défaut. Cela aurait permis de bien plus engager les 2/3 de la population de l’Ouest (au-delà des divisions tribales et régionales), de fractionner l’armée et d’unifier les masses contre Kadhafi.

    Le Conseil National de Transition rebelle (CNT) est un conseil autoproclamé, largement composé d’anciens du régime de Kadhafi et d’éléments pro-capitalistes, favorables aux puissances occidentales. Parmi eux ; l’ancien dirigeant du Bureau national de développement économique, que l’on trouve derrière des politiques néolibérales et le processus de privatisations qui a pris son envol à partir de 2003. Cela laisse une relative marge de manœuvre à Kadhafi, qui bénéficie encore d’un certain souvenir de ce qui a pu être fait en termes d’enseignement et de soins de santé grâce aux revenus du pétrole depuis 1969, et qui a récemment fait des concessions en termes de salaires et de pouvoir d’achat sous la pression de la révolte.

    C’est ce qui explique que l’envoyé spécial du quotidien Le Monde dans l’Est du pays a témoigné “on ne sent pas parmi la population un enthousiasme phénoménal vis-à-vis du Conseil National de transition.” (23/03/2011) Il affirme aussi que si les Libyens de l’Est étaient à ce moment favorables à un zone d’exclusion aérienne, ils sont fortement opposés à une intervention au sol.

    Les travailleurs et leur syndicat peuvent aider la révolution libyenne en s’opposant à la participation belge dans l’intervention, en bloquant les exportations de la Libye et en gelant les avoirs de la clique de Kadhafi. Mais l’avenir de la révolution libyenne doit se décider en Libye même. Contrairement à la Tunisie et l’Egypte, la classe des travailleurs n’a pas encore joué un rôle indépendant dans la révolution. La création d’un mouvement indépendant des travailleurs, des jeunes et des pauvres est la seule façon d’empêcher le projet impérialiste, d’en finir avec la dictature et d’élever le niveau de vie de la population.

  • Afrique du Nord et Moyen-Orient: Soutien aux masses et à leurs Révolutions, pas de confiance dans l’intervention impérialiste!

    Lybie, Syrie, Yémen, Irak, Iran, Jordanie, Algérie, Maroc … l’autorité des dictateurs et des rois, des régimes fantoches à la solde des multinationales, sont défiés partout. Tout nos gouvernements ont soutenu et armé ces dictatures pour les profits des multinationales qui ont la mainmise sur les marchés et l’accès aux matières premières, qui profitent des journées de 12 à 13h de travail, des bas salaires et de l’absence de droits démocratiques et syndicaux. La monarchie semi-féodale d’Arabie Saoudite, alliée des Etats-Unis craint aussi la contagion et promet 36 milliards $ de réforme sociale et intervient militairement pour soutenir la répression au Bahreïn. Aucun parti traditionnel n’a protesté à ce moment là.

    Tract des Etudiants de Gauche Actifs

    Les révolutions s’étendent à toute l’Afrique du Nord et au Moyen Orient…

    … se heurte à des difficultés en Lybie…

    Meeting des Etudiants de Gauche Actifs

    Bruxelles : Solbosch, mardi 5 avril, 19h U.b.5.132

    Liège : Mercredi 6 avril, à 19h au café “L’île aux trésors”, 28 place du XX Août (en face de l’université)

    Manifestation

    Bruxelles : Manifeste avec le Comité de Soutien aux Révolutions ! Rdv pour la manif : jeudi 7 avril, 12h P.U.B.

    Kadhafi et ses anciens amis

    La Belgique a été le premier pays à recevoir Kadhafi en 2004 en vue d’établir de juteux contrats commerciaux, quand la communauté internationale a arrêté de l’isoler. La tente du dictateur a été plantée dans les jardins du palais de Val Duchesse, où Kadhafi a été reçu en grande pompe par Guy Verhofstat, Louis Michel et Herman de Croo. Louis Michel avait préparé sa venue en lui rendant visite à Syrte, entouré de patrons belges. Le CDh et Ecolo avaient bien protestés, mais cela ne les a pas empêché de participer au gouvernement Wallon avec le PS et d’ensemble valider la livraison d’armes de la FN en Libye.

    EGA et la manifestation du Comité de soutien aux Révolution (CSR) du 7 avril

    ”Khadafi casse toi la Lybie n’est pas à toi ! De Crem casse toi le pétrole n’est pas à toi !”

    EGA participe activement depuis sa création au CSR et appel les étudiants et le personnel de l’ULB à manifester le 7 avril. Lors des différentes réunions du CSR, EGA a défendu l’idée que la manifestation au départ de l’ULB devait passer devant l’ambassade de Lybie, à deux pas de l’université, où se rassemble traditionnellement la communauté libyenne opposé à Khadafi et puis se rendre devant le cabinet du ministre de la guerre Pieter De Crem. Aucune organisation au sein du comité n’a repris cette idée. Nous savons qu’aucune des composantes du comité ne défende la dictature de Kadhafi. Mais nous pensons cependant que c’est une discussion politique et pas technique et que l’option défendue par EGA donne un meilleur caractère à l’initiative. Notre point de départ est un soutien à la révolution Libyenne que l’intervention militaire ne va pas aider. Les travailleurs et les jeunes en Belgique et les révolutionnaires qui pensent le contraire en Lybie se trompent. Avec EGA nous voulons renforcer l’image que recevront les travailleurs en Belgique et les révolutionnaires en Lybie que cette initiative part du camp des masses et de leur révolution.

    Face à l’avancée rapide des troupes de Kadhafi, Le sentiment d’opposition à une non-fly-zone affiché fin février dans les manifestations a Benghazi s’est inversé, malgré une méfiance qui reste présente. Mais l’intervention militaire va-t-elle véritablement aider la révolution en Libye? En Europe, un fort sentiment de sympathie envers ces révolutions est présent parmi la population. Le soutien de nos gouvernements aux régimes dictatoriaux et répressifs à travers tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ont écorné leur image « démocratique » qu’ils tentent aujourd’hui de restaurer. L’entrée en guerre des puissances impérialistes n’a pas pour objectifs de venir au secours de la révolution. Jusqu’ici, les politiciens et les patrons belges étaient plutôt enchantées de faire affaire avec le régime de Kadhafi vu les ressources gazières et pétrolières contrôlées par le régime.Les victoires en Tunisie et en Egypte montrent que seuls les mouvements de masse peuvent renverser les dictatures. L’intervention militaire va miner le potentiel pour concrétiser les véritables aspirations de la révolution libyenne. Le régime de Kadhafi essaye d’exploiter les sentiments anti-impérialistes qui vivent parmi la population. Le maintien jusqu’ici du régime de Kadhafi ne s’explique pas que par la supériorité de son armement, mais surtout par les faiblesses présentes dans le processus révolutionnaire.

    Ainsi, l’absence de véritables comités populaires démocratiques sur lesquels se baserait le mouvement révolutionnaire et l’absence d’un programme clair répondant aux aspirations sociales de la majorité de la population a fait défaut. Cela aurait permis de bien plus engager les 2/3 de la population de l’Ouest par-delà les divisions tribales et régionales, de fractionner l’armée et d’unifier les masses contre la dictature de Kadhafi.La création d’un mouvement indépendant des travailleurs et des jeunes est la seule façon d’arrêter le projet impérialiste, d’en finir avec la dictature et d’élever le niveau de vie de la population.

    … et continuent en Tunisie et en Egypte

    Les soulèvements de masse et l’arrivée de la classe des travailleurs dans la lutte, à travers une déferlante de grèves et d’occupations d’usines, ont dégagé les dictateurs Ben Ali et Moubarak, poussé de l’avant la révolution démocratique et posé immédiatement les tâches de la révolution sociale contre l’exploitation capitaliste. La lutte doit continuer afin de revigorer, renforcer, étendre et coordonner les organes issus de la révolution tels que les syndicats indépendants, les comités de quartier ou d’entreprise gérés par les travailleurs et les pauvres. Ces-derniers doivent être à la base de l’organisation immédiate d’élections libres pour une assemblée constituante révolutionnaire afin d’empêcher les tentatives de confiscation de la révolution par le haut.

    C’est la seule issue pour construire une société démocratique capable de résoudre les immenses problèmes sociaux; une société socialiste démocratique où la production est organisée pour la satisfaction des besoins de tous et non pas pour les profits d’une minorité de capitalistes.

    Avec les Etudiants de Gauche Actifs

    • Pour un monde débarrassé de la terreur, de la guerre, de la misère et de l’exploitation capitaliste!
    • Soutien aux masses et à leur révolution! Pas de confiance dans l’intervention impérialiste!
    • Soutien aux organes issus de la révolution-même (comités révolutionnaires, populaires, de défense des quartiers, d’entreprises, de ravitaillement et syndicats indépendants)!
    • Stop aux bombardements, pas d’ingérence de l’impérialisme Européen et Américain
    • Confiscation et restitution des biens spoliés par les dictatures aux organes de la révolution.
    • Pour la nationalisation et la reconversion totale de l’industrie de l’armement!
    • Rétablissement du pétrole dans l’index via un rétablissement de l’index complet ! Ce n’est pas aux travailleurs et aux jeunes de payer la crise du capitalisme!
  • Crise des réfugiés – C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes

    Le mois passé, au Niger, j’ai rencontré Jerry. Jerry avait quitté son Libéria natal pour se rendre à pied, en bus, en taxi, en charrette et en stop en Europe, où il espérait enfin trouver un travail. Après avoir parcouru ainsi 4.000 km le baluchon sur le dos et traversé neuf pays, il s’est retrouvé au Maroc, devant un mur. C’est là que la police l’a attrapé. Refoulé en compagnie d’une cinquantaine d’autres Africains venus d’autant de pays différents, il a été relâché quelque part en plein désert algérien. Une caravane l’a ramené au Niger. De là, il comptait prendre un bus pour le Nigéria, puis, ‘‘avec l’aide de Dieu’’, gagner le Sud-Soudan nouvellement indépendant pour y trouver un travail et, enfin, y poser son baluchon, après plus d’un an sur les routes.

    Par Gilles (Hainaut)

    La misère ou la guerre poussait déjà énormément de gens à rechercher un avenir à l’étranger, la crise capitaliste a déjà renforcé ce processus et nous nous trouvons face à une crise alimentaire, selon le porte-parole de l’agence alimentaire des Nations Unies. Toujours selon ce dernier, la population mondiale n’aurait que 3 possibilités: fuir, mourir ou se révolter. Quitter son pays d’origine n’est jamais facile, mais beaucoup d’immigrés doivent en plus affronter les flots sur de fragiles bateaux surchargés ou encore l’énorme clôture qui est en construction à la frontière gréco-turque. Sur place, ils auront encore à faire face à la peur, la répression, l’enfermement, le racisme… et le froid. Cet hiver, près de 6.000 demandeurs d’asile étaient sans logis et l’an dernier déjà, des familles entières avaient dû dormir dans les gares par un froid glacial.

    C’est le système capitaliste qui pousse les gens à quitter leur pays. En Tunisie, les multinationales (dont 146 entreprises belges) exploitaient brutalement les travailleurs avec l’appui du régime policier de Ben Ali, et profitaient des très bas salaires, des droits syndicaux extrêmement limités et du chômage de masse (toujours utile pour maintenir les salaires au plus bas…). Le capitalisme ne peut exister sans exploitation, sans oppression et donc sans “flots massifs” de réfugiés.

    En plus, les crises politiques, catastrophes “naturelles” et sociales amplifient le problème. Des milliers de gens tentent de fuir la Libye pour la Tunisie, d’autres milliers cherchent à quitter la Côte d’Ivoire pour le Ghana ou le Libéria. Pareil pour ceux qui quittent le Nord-Soudan pour le Sud-Soudan et vice-versa. En Libye, si les ressortissants français ont pu bénéficier d’un rapatriement rapide, les six mille travailleurs bangladeshis attendent toujours un avion pour les ramener chez eux – suscitant une crise politique au Bangladesh même.

    Après la chute de Ben Ali, 5.000 réfugiés tunisiens sont arrivés en Italie en seulement une semaine. Les politiciens de droite et d’extrême-droite comme Marine Le Pen tentent d’exploiter ces images de réfugiés arrivant sur les plages d’Italie. Mais ce n’est pas l’immigration qui constitue une menace pour les conditions de travail et de salaires des travailleurs européens: c’est la soif de profit des banques et des actionnaires, des patrons et des spéculateurs. Ce sont eux les responsables de la crise, eux qui veulent nous la faire payer et c’est encore eux qui bénéficient de toutes les attentions des partis capitalistes, d’extrême-droite ou non.

    Les patrons profitent de la situation des sans-papiers pour les exploiter, les criminaliser et faire pression sur nos salaires en nous mettant en concurrence avec ces nouveaux venus. Ces immigrés privés de tous les droits se voient forcés, pour survivre, d’accepter des boulots inhumains et sous-payés. Les patrons cherchent ainsi à saper les conditions de travail durement acquises des travailleurs belges. Travailleurs belges et immigrés ont un intérêt commun : lutter pour un salaire égal pour tous, pour la fin des discriminations, afin de stopper la concurrence entre travailleurs belges et immigrés. C’est main dans la main que nous devons demander cela – non aux divisions ! Régularisation de tous les sans-papiers !

    Il faut une campagne d’adhésion massive des immigrés dans les syndicats, et les intégrer activement à la lutte contre la casse sociale, pour la défense de l’emploi, pour le partage du temps de travail entre les travailleurs disponibles sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. Mais la concurrence et le ‘‘diviser-pour-mieux-régner’’ ne s’exerce pas seulement au niveau de l’emploi : il faut aussi lutter pour un plan public et massif de construction de logements sociaux, pour plus d’écoles,… Enfin, il faut stopper la politique des États européens qui crée la misère dans les pays du Sud et pousse une partie de la population à désespérément chercher un avenir ailleurs. Cela signifie s’opposer aux aventures impérialistes en Afghanistan et en Libye, exproprier les entreprises belges en Chine, au Congo, etc. et les placer sous le contrôle des travailleurs, totalement reconvertir l’industrie de l’armement, aider à l’organisation de syndicats indépendants en Chine, en Égypte, et ailleurs; soutenir les révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord,…

    En bref, tant en Belgique qu’ailleurs dans le monde, résoudre la question des réfugiés revient concrètement à entrer en conflit avec le système capitaliste et chercher à le renverser. Pour cela, le meilleur moyen reste la mobilisation de masse des travailleurs et des pauvres, le blocage de l’économie par la grève générale et le début de l’instauration d’une autre société basée sur les comités de lutte dans les quartiers, les entreprises, etc. et sur leur coordination et sur la remise en marche de l’économie sous le contrôle et la gestion de ces comités.

  • Manifestation de solidarité avec les révolutions en Afrique du Nord et au Moyen Orient

    Hier, environ 2.000 manifestants s’étaient réunis à Bruxelles afin de montrer leur solidarité avec les révolutions au Moyen Orient et en Afrique du Nord. Très exactement 8 ans passés, c’était le début de la guerre en Irak. Maintenant, le centre des attentions était la guerre en Libye. Ce point a dominé de nombreuses discussions dans lesquelles se mélangeaient tant l’aversion profonde envers Khadafi que la méfiance face à l’intervention des troupes occidentales.

    La colère face aux dictateurs au Moyen Orient et en Afrique du Nord est particulièrement grande. Moubarak et Ben Ali ont dû dégager, mais leurs ”collègues”, entre autres en Libye, au Bahreïn, au Yémen, à Oman, en Jordanie, en Arabie-Saoudite,… font tout leur possible pour rester au pouvoir. Un mouvement révolutionnaire est un processus très complexe, et c’est particulièrement le cas en Libye. En Tunisie et en Égypte, le processus révolutionnaire doit encore franchir des étapes cruciales pour mettre fin au gouvernement des anciens maîtres. Mais en Libye, les choses sont plus compliquées du fait de l’intervention militaire étrangère.

    L’attitude de l’Occident est tout à fait hypocrite, de nombreuses affaires ont été conclues ces dernières années avec Kadhafi, sans que cela ne pose de problèmes. Ainsi, s’il possède un vaste arsenal qui lui sert maintenant à réprimer l’opposition, c’est uniquement parce que des entreprises occidentales n’ont pas eu de problèmes à lui livrer leurs armes. Kadhafi a instrumentalisé nombre de faiblesses du mouvement de protestation, notamment sur base régionale, afin de repartir à l’offensive. Cela a ensuite été l’opportunité pour l’impérialisme de redorer son image ”démocratique” avec une intervention militaire. Le gouvernement belge participera lui aussi à cette opération, le fait que ce soit un gouvernement en affaires courantes qui décide de partir en guerre est visiblement normal…

    Toutes les expériences passées d’interventions étrangères de la part de l’impérialisme occidental ont clairement démontré qu’il ne s’agissait pas d’améliorer le sort de la population, comme le confirme pleinement un bref coup d’œil jeté aux conditions de vie actuelles en Irak et en Afghanistan. De plus, ces interventions n’ont pas conduit à un retrait définitif des régimes dictatoriaux et sanguinaires. Les Talibans peuvent maintenant revenir en Afghanistan sur base de la misère et du rejet de l’occupation étrangère.

    Lors de la manifestation d’hier, on pouvait trouver des slogans comme “Kadhafi, casse-toi, la Libye n’est pas à toi!”, décliné en plusieurs autres comme ”Sarkozy, casse-toi, la Libye n’est pas à toi” ou encore “De Crem, casse-toi, le pétrole n’est pas à toi”. La méfiance envers l’intervention militaire pouvait se ressentir, très certainement au vu du pétrole présent dans le pays (3% des réserves mondiales), et face au fait que l’intervention militaire saoudienne au Bahreïn ne déclenche aucune mesure.

    Cette discussion autour de la Libye et d’une intervention étrangère est particulièrement difficile, tant le dégoût face à Kadhafi est grand, et au vu de la faiblesse du mouvement révolutionnaire libyen. Mais s’il y a quelque chose que l’histoire nous apprend, c’est que les interventions impérialistes n’ont jamais permis aux révolutions d’aboutir à leur conclusion logique. Le sort de la révolution libyenne devra se décider en Libye même, et nous devons nous montrer solidaires de ce mouvement. Le mouvement ouvrier peut concrètement exprimer sa solidarité en bloquant les exportations de Libye et en gelant les moyens financiers de Kadhafi.

    Libye: Non à l’intervention militaire occidentale !

  • Libye: Non à l’intervention militaire occidentale !

    Victoire à la révolution libyenne! Construisons un mouvement indépendant des travailleurs et des jeunes!

    Même si elle a été fêtée avec joie dans les rues de Tobruk et de Benghazi, la décision du Conseil de sécurité de l’ONU de décréter une ”no fly zone”, une zone d’exclusion aérienne, n’a pas été prise dans le but de défendre la révolution libyenne. Les révolutionnaires libyens peuvent penser que cette décision va les aider, mais ils se trompent. Des calculs économiques et politiques se trouvent derrière les décisions des puissances impérialistes, il ne s’agit pas de sauver la révolution contre Kadhafi. Les majeures puissances impérialistes ont décidé d’exploiter la révolution et de tenter de remplacer Kadhafi par un régime plus fiable. L’annonce par le ministre libyen des affaires étrangères d’un cessez-le-feu immédiat a toutefois compliqué la position de l’impérialisme.

    Robert Bechert, CIO

    Confrontés à une avance rapide des troupes de Kadhafi, nombreux sont ceux à l’Est du pays qui ont considéré que l’idée d’une ”no-fly-zone” serait de nature à les aider, mais ce n’est pas là le chemin pour défendre et étendre la révolution. Malheureusement, le mouvement initial de la révolution vers l’Ouest, où habitent les deux tiers de la population, n’était pas basé sur un mouvement construit sur base de comité populaire et démocratiques capables d’offrir un programme clair afin de gagner le soutien des masses et des soldats du rang, tout en menant une guerre révolutionnaire. Cela a donné à Kadhafi l’opportunité de regrouper ses troupes.

    Le soutien croissant pour une ”no-fly-zone” est une inversion du sentiment exprimé sur des affiches en anglais à Benghazi, en février dernier: “No To Foreign Intervention – Libyans Can Do It By Themselves” (”Non à une intervention étrangère, les Libyens peuvent le faire par eux-mêmes”). Cela suivait les merveilleux exemples de Tunisie et d’Égypte, où l’action de masse a totalement miné les régimes totalitaires. Les masses libyennes étaient confiantes que leur élan finirait en victoire. Mais Kadhafi a été capable de maintenir sa poigne sur Tripoli. Cette relative stabilisation du régime et sa contre-offensive ont conduit à un changement dans l’attitude vis-à-vis d’une intervention étrangère, ce qui a permis à la direction largement pro-occidentale du Conseil National Libyen rebelle de passer au-dessus de l’opposition des jeunes à une demande d’aide à l’Ouest.

    Cependant, malgré les déclarations du régime de Kadhafi, il n’est pas certain que ses forces relativement petites auraient été capables de lancer un assaut contre Benghazi, la seconde plus grande ville de Libye, avec environ un million de personnes y vivant. Une défense de masse de la ville aurait pu bloquer l’attaque des forces restreintes de Kadhafi. Maintenant, si le cessez-le-feu se maintien et que Kadhafi reste au pouvoir à Tripoli, une scission de fait du pays pourrait se produire, pour retourner à quelque chose de semblable aux entités séparées qui avaient existé avant que l’Italie ne crée la Libye après 1912 et qui a été restauré par la Grande-Bretagne à la fin des années ’40.

    Quel que soit l’effet immédiat de la ”no fly zone”, toute confiance placée dans l’ONU ou dans les puissances impérialistes menace de miner les véritables aspirations de la révolution qui a commencé le mois dernier. Les puissances qui ont menacé d’actions militaires ne sont pas amies des masses libyennes. Jusqu’à récemment, ces mêmes puissances étaient plutôt heureuses de faire affaire et de flatter la clique de meurtriers de Kadhafi afin de maintenir un partenariat, très certainement concernant les industries du gaz et du pétrole libyennes. Le jour suivant la décision de l’ONU, le Wall Street Journal (qui appartient à l’empire Murdoch) s’est lamenté que “le partenariat étroit entre les services secrets du dirigeant libyen le Colonnel Muammar Kadhafi et la CIA a été détruit” (18 mars 2011). Le journal disait encore: “selon un fonctionnaire américain âgé” ce ”partenariat” était ”particulièrement productif”.

    Maintenant, après avoir perdu d’anciens dictateurs alliés, Moubarak en Égypte et Ben Ali en Tunisie, l’impérialisme essaye de tirer profit du soulèvement populaire en Libye à la fois pour redorer son image “démocratique” et pour aider à installer un régime plus “fiable”, au moins dans une région du pays. Tout comme avant, la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, en raison de sa situation stratégique et de ses réserves de pétrole, est d’une importance majeure pour les puissances impérialistes.

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    Cherchez l’opposant le plus sincère au dictateur libyen…

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    Cela révèle l’absolue hypocrisie des principales puissances impérialistes, qui ont soutenu des régimes dictatoriaux et répressifs à travers tout le Moyen-Orient depuis des décennies. Au même moment qu’ils décidaient d’une No-Fly-Zone, ces puissances impérialistes n’ont absolument rien fait contre l’Arabie Saoudite et ses alliés et leur répression de la population du Bahreïn. Dans les 12 heures qui ont suivi la décision de l’ONU, les forces armées d’un autre allié régional, le Yemen, ont tués au moins 39 manifestants dans la capitale, Sanaa. L’ONU n’a été capable de prendre sa décision en Libye à cause du soutien de la Ligue Arabe pour une ”no-fly-zone”, mais ces régimes réactionnaires ne disent rien, bien entendu, à propos de la répression au Bahreïn, au Yémen ou dans un autre pays arabe.

    Les considérations de Cameron et de Sarkozy pour la Libye sont en partie motivées par leur impopularité dans leur propre pays, avec l’espoir qu’un succès à l’étranger pourraient renforcer leur position. Cameron espère très clairement jouir d’un effet similaire à celui dont a bénéficié Thatcher après sa victoire en 1983 au cours de la Guerre des Malouines (Falklands). Mais Thatcher a pu compter sur une victoire militaire rapide – une opération ”no-fly-zone” ne conduira pas à une même victoire militaire. Sarkozy, après le désastre de sa politique tunisienne qui a entraîné la chute de son ministre des affaires étrangères, a besoin d’un succès pour contrecarrer les sondages actuels, les élections présidentielles de 2012 arrivant à grands pas.

    Les zig-zags de Kadhafi

    En dépit des récents rapprochements entre les puissances impérialistes et Kadhafi, ce tyran est resté un allié incertain. Au cours de ses 42 années au pouvoir, la politique de Kadhafi est faite de zig-zags, parfois violents. En 1971, il a aidé le dictateur soudanais, Nimeiry, à écraser un coup d’État de gauche qui avait pris place en réaction à l’interdiction de la gauche, y compris du parti communiste soudanais, qui avait un million de membres. Six ans plus tard, Kadhafi a proclamé une "révolution du peuple" et a changé le nom officiel du pays de ”République Arabe Libyenne” en ”Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire socialiste”. Malgré le changement de nom et la création de soi-disant “comités révolutionnaires”, il ne s’agissait pas d’un véritable socialisme démocratique où d’un mouvement en cette direction. Les travailleurs et les jeunes de Libye n’ont pas dirigé leur pays. Kadhafi est resté au pouvoir. Cela est d’ailleurs souligné par le rôle incroyablement proéminent que jouent nombre de ses enfants dans le régime.

    Depuis 1969 toutefois, sur base des revenus du pétrole et d’une petite population, de grandes améliorations ont eu lieu, particulièrement au niveau de l’enseignement et des soins de santé, ce qui explique pourquoi Kadhafi peut encore jouir d’une certaine base parmi la population. Même si l’opposition est grandissante contre la clique de kadhafi, spécialement parmi les jeunes et la population qui a reçu une instruction, la peur existe face à l’avenir, face à qui pourra le remplacer, de même qu’existe une grande opposition à tout ce qui sent le pouvoir de l’étranger. L’utilisation répandue du vieux drapeaux monarchiste a aliéné ceux qui ne veulent pas d’un retour à l’ancien régime, et Kadhafi a utilisé cela pour justifier ses actes. Porter le vieux drapeaux peut encore être contre-productif pour les Libyens de l’Ouest, parce que l’ancien roi provient de l’Est.

    Mais ces facteurs ne constituent pas une explication complète pour comprendre pourquoi Kadhafi est capable, au moins temporairement, de stabiliser sa position. Alors qu’il y a un soulèvement populaire dans l’Est du pays, Kadhafi a été capable de maintenir sa position à l’Ouest, malgré les protestations à Tripoli et les soulèvements à Misrata, Zuwarah et dans quelques autres endroits.

    Le rôle de la classe ouvrière

    Contrairement à l’Égypte et à la Tunisie, la classe ouvrière n’a pas joué un rôle indépendant dans la révolution. De plus, de nombreux travailleurs en Libye sont des immigrés qui ont quitté le pays ces dernières semaines.

    L’absence d’un élément tel que le syndicat tunisien UGTT (malgré le fait que sa direction nationale est pro-Ben Ali), a compliqué la situation en Libye. Le grand enthousiasme révolutionnaire de la population n’a pas encore eu d’expression organisée. Le ”Conseil National” qui a émergé à Benghazi, très largement un conseil autoproclamé, est une combinaison d’éléments du vieux régime et d’éléments pro-impérialistes. Par exemple, le porte-parole du Conseil, Mahmoud Jibril, l’ancienne tête dirigeante du Bureau national de développement économique de Kadhafi, est décrit par l’ambassadeur américain comme un “interlocuteur sérieux qui a compris la perspective américaine”.

    Il est facile pour Kadhafi de présenter ces gens comme une menace pour le niveau de vie des Libyens et comme des agents des puissances étrangères. Cette propagande n’a cependant qu’un effet limité, le niveau de vie de la population étant en train de diminuer, au contraire du chômage (de 10% actuellement), depuis la fin du boom du pétrole dans les années ’80 et depuis le début des privatisations en 2003.

    Kadhafi utilise la menace de l’intervention impérialiste pour récupérer du soutien dans le pays, et cela peut avoir un plus grand effet en cas de partition du pays. Combien de temps cela pourra marcher est une autre question. En plus de sa rhétorique anti-impérialiste, Kadhafi a fait des concessions. Chaque famille a reçu l’équivalent de 450 dollars. Certains travailleurs des services publics ont eu 150% d’augmentation de salaire et des taxes sur la nourriture ont été abolies. Mais cela ne répond pas aux revendications de liberté et à la frustration grandissante de la jeunesse libyenne (la moyenne d’âge est de 24 ans dans le pays) contre la corruption du régime.

    A travers le monde, des millions de personnes suivent les révolutions dans la région et sont inspirées par elles. Ces évènements ont inspiré des protestations contre les effets de la crise capitaliste dans plusieurs pays. Certains de ceux qui accueillent les événements révolutionnaires de la région peuvent soutenir la ”no-fly-zone”, mais nous affirmons que cela se fait en premier lieu pour défendre les intérêts des puissances impérialistes, ces mêmes puissances qui ne font rien contre la répression dans le Golfe.

    Que peut-il être fait pour réellement aider la révolution libyenne? En premier lieu, les syndicats doivent bloquer les exportations de gaz et de pétrole de Libye. Ensuite, les travailleurs dans les banques doivent organiser le gel des finances de Kadhafi.

    La ”no-fly-zone” ne va pas automatiquement conduire au renversement de Kadhafi. Comme Saddam Hussein en son temps, le dirigeant libyen pourrait consolider sa position pour un moment dans les parties du pays qu’il contrôle. Comme l’ont montré les expériences de Tunisie et d’Égypte, la clé pour renverser une dictature réside dans un mouvement des travailleurs et des jeunes.

    Un programme révolutionnaire

    L’avenir de la révolution doit se décider dans le pays lui-même. Cette victoire demande un programme qui peut aller outre les divisions régionales et tribales, et qui soit capable d’unifier la masse de la population contre la clique de Kadhafi et pour un meilleur avenir.

    Un programme pour la révolution libyenne qui pourrait véritablement bénéficier à la masse de la population serait basé sur de véritables droits démocratiques: la fin de la corruption et des privilèges, la sauvegarde et le développements de gains sociaux obtenus grâce au pétrole, l’opposition à toute forme de recolonisation et la défense d’une économie démocratiquement contrôlée, sous propriété publique, et d’une planification économique afin d’utiliser les ressources du pays pour le bien des masses.

    La création d’un mouvement indépendant des travailleurs, des pauvres et des jeunes pourrait opérer cette transformation réellement révolutionnaire de la société. C’est la seule façon de contrecarrer les plans de l’impérialisme, de mettre fin à la dictature et d’améliorer la vie de la population.

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