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  • USA. L’importance nationale de la campagne pour la reelection de Kshama Sawant

    Kshama Sawant a été élue pour la première fois au conseil municipal de Seattle en 2013 avec plus de 90.000 voix, en se présentant ouvertement comme membre de Socialist Alternative, avant que Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez ne soient connus. Kshama a profité de sa campagne électorale de 2013 pour défendre vigoureusement l’instauration d’un salaire minimum horaire de 15 $, alors qu’aucun élu de premier plan n’en parlait en dépit des grèves des travailleurs de la restauration rapide. La victoire électorale de Kshama et le mouvement des syndicats, des travailleurs et des socialistes ont fait de Seattle la première grande ville à remporter le salaire minimum de 15 dollars.

    Par Bryan Koulouris, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Le mouvement des 15 $ à Seattle a surmonté l’opposition féroce de l’establishment capitaliste, mais après la victoire à Seattle, la loi des 15 $ s’est répandue comme une traînée de poudre dans tout le pays. L’élection de Kshama en 2013 a également été la première grande percée pour les socialistes aux urnes, ce qui a donné confiance aux autres militants de gauche pour vaincre le pouvoir corporatif et l’establishment politique ; ceci a été renforcé par la réélection de Kshama Sawant en 2015.

    Mais pour que les travailleurs, les jeunes et les opprimés gagnent du terrain, les élections ne suffisent pas. La fonction politique doit être utilisée pour construire des mouvements de lutte et accroître la conscience de la classe ouvrière pour changer la société. Kshama Sawant et Socialist Alternative ont brillamment illustré à Seattle comment cela pouvait être fait.

    D’innombrables victoires que beaucoup pensaient auparavant impossibles à gagner ont été remportées à Seattle au cours des cinq dernières années. Avec l’élection de Kshama, les militants de la classe ouvrière ont acquis de la confiance et ont disposé d’une voix à l’hôtel de ville et d’une ressource inestimable pour mieux s’organiser. Des lois historiques pour les droits des locataires, l’instauration de la Journée des peuples indigènes, le blocage de la construction d’un bunker monumental de la police, etc. ne sont que quelques exemples de ce qui a été obtenu.

    Actuellement, la campagne pour la réélection de Kshama lutte en faveur du contrôle universel des loyers et de la taxation des grandes entreprises pour financer une expansion majeure du logement social. Si nous pouvons remporter une victoire massive en matière de logement à Seattle – tout comme avec le mouvement des 15 $ – cela pourrait ouvrir les vannes des luttes et de la législation dans les villes à travers le pays, partout où les travailleurs font face à une profonde crise du logement.

    La crise du logement et de puissants ennemis

    Alors que la région de Seattle abrite deux des cinq milliardaires les plus riches au monde, on trouve des campements de tentes pour sans-abri dans presque tous les quartiers – sauf là où la police les a brutalement démolis. Le marché du logement à but lucratif a laissé tomber cette ville, et les gens de la classe ouvrière sont chassés par les expulsions, la hausse des loyers et le système fiscal le plus régressif du pays. Seattle est en tête du pays en ce qui concerne les grues de construction par habitant, et les grands promoteurs tentent de transformer la ville en un terrain de jeu pour les riches. Ils savent que l’appel audacieux de Kshama en faveur d’un contrôle universel des loyers et des taxes sur les riches pour financer des logements sociaux de qualité constitue un obstacle majeur sur leur chemin.

    Les grandes entreprises essaient donc d’acheter cette élection. Ils ont investi plus d’un million de dollars dans deux comités d’action politique (PAC) pour tenter de renverser Kshama. Cet argent sera dépensé dans des lettres envoyées par la poste et l’engagement de frappeurs de porte professionnels qui tenteront de cacher aux électeurs de Seattle les véritables intentions des milliardaires derrière une rhétorique “progressiste”. Mais leur objectif est clair : “n’importe qui, sauf Kshama”.

    Les grandes entreprises de Seattle sont encouragées en ce moment même. Leur programme avait été repoussé sur de nombreux fronts par le bureau de Kshama Sawant, la croissance de la gauche socialiste, l’augmentation des luttes ouvrières et des victoires clés sur les 15 dollars de l’heure et les droits des locataires. Cependant, au cours de ces deux dernières années, la classe des milliardaires s’est réaffirmée avec la défaite de la “Taxe Amazon” (en savoir plus) et l’élection du maire.

    L’année dernière, Kshama et Socialist Alternative ont aidé à mener une grande campagne pour taxer Amazon et les grandes entreprises et utiliser ces fonds pour construire des logements sociaux de qualité. Au départ, lorsque la campagne a proposé cette taxe, la pression organisée des locataires et des travailleurs a fait en sorte que le Conseil municipal adopte la taxe à l’unanimité. Ensuite, l’homme le plus riche du monde – Jeff Bezos – a utilisé son intimidation économique et le lobbying des entreprises a fait son chemin. La taxe Amazon a finalement été abrogée et la grande majorité des membres du conseil municipal ont fait volte-face. Bezos a été aidé dans l’orchestration de cette trahison par la maire Jenny Durkan élue en 2017 avec une contribution de 350.000 $ d’Amazon au travers d’un PAC.

    En 2017, Socialist Alternative avait activement soutenu le candidat indépendant de gauche du Parti populaire, Nikkita Oliver, pour le poste de maire. Malheureusement, une section de dirigeants syndicaux a activement soutenu Durkan et s’est ensuite opposée à la lutte pour taxer Amazon et les grandes entreprises. Cette dynamique – un establishment enhardi et un mouvement ouvrier divisé – a conduit Socialist Alternative à comprendre très tôt que cette campagne de réélection serait une bataille très difficile. Le débat au sein des syndicats de Seattle est d’importance nationale et contient des leçons clés sur la voie à suivre pour le mouvement syndical.

    Le mouvement ouvrier de Seattle

    Avec des niveaux record d’inégalité, pour que le mouvement ouvrier grandisse et prospère, nous devons lutter contre les grandes entreprises qui veulent attaquer nos droits, nos salaires et nos conquêtes sociales. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’adopter des revendications audacieuses et une stratégie de lutte, de bâtir la démocratie au sein des syndicats et de ne pas nous limiter à ce qui est acceptable pour les grandes entreprises.

    Une recrudescence de la lutte ouvrière a eu lieu ces dernières années avec les enseignants en première ligne, et les sondages montrent que les opinions favorables aux syndicats ont augmenté de façon spectaculaire, en particulier chez les jeunes. Reflétant cette atmosphère, Kshama est fière d’être soutenue par 13 sections syndicales locales de Seattle jusqu’à présent, représentant plus de 80.000 travailleurs de l’État de Washington.

    Malheureusement, certains dirigeants syndicaux plus “pragmatiques” estiment que nous pouvons renforcer notre influence en “établissant un consensus” avec les PDG et l’establishment politique plutôt qu’en comprenant que ces forces font obstacle à l’amélioration de la vie des travailleurs. Ces dirigeants syndicaux, dont beaucoup ne disposent pas de processus démocratique au sein de leur syndicat, ont voté contre l’approbation de Kshama au Conseil du travail du comté.

    Dans la foulée de ce vote, Monty Anderson, du King County Construction Trades Council a déclaré : “Quand nous avons dû rompre les liens, c’est quand elle a commencé à jouer avec le nouveau poste de police, la taxe [Amazon], qu’elle s’est mise entre les camionneurs et UPS. Nous estimons qu’un politicien local ne devrait pas se mêler de cela. Nous pensons qu’un politicien local devrait faciliter les affaires dans la ville, et elle fait le contraire.”

    Nous devons rejeter ce genre de syndicalisme d’entreprise et nous baser sur une stratégie de lutte pour obtenir le contrôle des loyers, un New Deal vert pour les travailleurs, une plus grande responsabilisation de la police et plus encore.

    Il est malheureux que, intentionnellement ou non, une section de dirigeants syndicaux ait pris vis-à-vis de ces élections une décision qui renforcera Amazon et la Chambre de commerce, au lieu de défendre les intérêts des travailleurs et des gens de couleur. Gagner cette élection et renforcer la gauche combative à Seattle aurait des implications nationales pour le renforcement du mouvement ouvrier.

    L’importance nationale de ces élections

    De plus en plus de socialistes auto-identifiés sont élus et mènent campagne dans tout le pays. Cela a suscité un débat à gauche sur une question clé : comment les socialistes peuvent-ils utiliser efficacement les fonctions électives dans un système capitaliste ? Certains prétendent que nous devrions abaisser notre profil socialiste en nous basant uniquement sur les limites du Parti démocrate, mais les victoires de Kshama sont un exemple des possibilités de populariser les idées socialistes, de mener des campagnes indépendantes et de construire des mouvements pour gagner des victoires. Le maintien de ce siège de combat pour les travailleurs à Seattle peut être un phare pour la gauche au niveau national dans le débat sur la manière de changer la société.

    La stratégie de Socialist Alternative repose sur la reconnaissance que la classe des milliardaires piétinera nos droits, notre niveau de vie et notre planète à la recherche du profit. Seule la force organisée et unie des travailleurs peut changer le monde. Les élections sont un outil que nous pouvons utiliser dans cette lutte, mais tout comme pour une grève ou une campagne communautaire, nous devons donner tout ce que nous avons dans cette lutte pour la gagner !

  • La Taxe Amazon passe à Seattle, la classe des milliardaires contre-attaque

    Comment aller chercher l’argent où il est ?

    En novembre 2013, Kshama Sawant, première conseillère communale socialiste depuis plus d’un siècle dans une ville majeure des USA, était élue conseil de Seattle. Depuis lors, plusieurs victoires furent obtenues par les travailleurs de Seattle, dont la plus emblématique fut le salaire minimum à 15$ de l’heure. Un des défis majeurs à Seattle est l’accès au logement : les loyers y augmentent de manière vertigineuse et le nombre de SDF y atteint des sommets. La mobilisation constante sur ce sujet a finalement aboutit à la revendication d’une taxe sur les grandes entreprises de Seattle afin de financer un programme de construction de logements abordables et d’aide aux SDF. Le 14 mai dernier, sous la pression de longs mois de campagne intense, le conseil communal vota une telle taxe. Avant de la révoquer sous la pression du big business.

    Par Clément (Liège)

    Une crise profonde, un mouvement qui vient de loin

    Pour des couches de plus en plus large à Seattle, se loger est devenu inabordable financièrement. Au cours des 6 dernières années, le loyer des appartements a augmenté de 635$ par mois (+57%). Plus de 41% des locataires sont en situation de ‘rent burdened’ (loyer excessivement élevé). Pour un appartement une chambre (2000$ en moyenne), un travailleur au salaire minimum devrait travailler 87h par semaine, pour éviter de tomber dans la pauvreté. Quand à devenir propriétaire, c’est tout simplement hors de portée : le prix moyen d’une maison unifamiliale a plus que doublé en 5 ans pour atteindre les 820.000$.

    Début 2017, on comptait plus de 11.000 SDF à Seattle, soit une augmentation de 31% par rapport à l’année précédente (qui représentait déjà une augmentation de 19% par rapport à la précédente). Seattle se place ainsi en 3e position des villes américaines où il y a le plus de SDF (après New-York et Los Angeles). De vastes campements se développent sur les terrains vagues, sous les ponts d’autoroutes,…

    Malgré ‘‘l’Etat d’urgence’’ sur le sans-abrisme décrété par la ville de Seattle, ces camps sont expulsés de manière brutale (600 expulsions en 2016). Les ‘‘solutions’’ proposées à la crise du logement reposent sur la logique de marché. La maire Jenny Durkan a ainsi négocié avec les gros promoteurs immobiliers de la ville la construction de 10.000 nouveaux logements en 2017. Un record qui ne changera rien à la crise des loyers, puisque ces projets visent avant tout la rentabilité maximum et seront donc destinés aux tranches de revenus élevés.

    Les dernières années ont connu de nombreux mouvements et quelques victoires, dont un contrôle sur les loyers des logements insalubres, l’affectation d’un budget de 29 millions $ pour la construction de logements à loyer abordable, des aides pour les personnes poussées au déménagement par l’augmentation des loyers,… Dans toutes ces mobilisations, Socialist Alternative a joué un rôle crucial, y compris en utilisant le siège de Kshama pour faire entendre la voix des travailleurs au conseil communal (souvent littéralement), mais aussi pour mettre en avant des mots d’ordre audacieux et organiser le mouvement.

    Il ne faut pas douter que cette série de victoire a permis de construire la confiance et de préparer l’étape suivante : faire contribuer les mastodontes économiques à Seattle.

    Une campagne pour taxer les riches et répondre aux besoins des travailleurs

    Plusieurs entreprises extrêmement prospères comme Starbucks, Boeing, Google et bien entendu Amazon sont largement implantées à Seattle, développant aussi bien des emplois précaires et sous-payés qu’un grand nombre d’emplois de cadres hautement rémunérés. Dans une économie basée sur le marché et le profit, il en résulte une contradiction aigüe : les chantiers pour des bureaux ou des appartements de haut standing se multiplient, alors que la plupart des travailleurs ordinaires peinent à se loger.

    Comment se fait-il que des entreprises qui dégagent des milliards de profits ne contribuent pas à répondre aux besoins élémentaires des habitants de Seattle ? L’exemple le plus frappant est celui d’Amazon, qui emploie plus de 50.000 personnes dans son quartier général à Seattle. Son dirigeant Jeff Bezos est devenu l’homme le plus riche du monde avec une fortune de 130 milliards de dollars et gagne plus en une minute qu’un manutentionnaire d’Amazon en un an. Sur ses 5,6 milliards de bénéfices réalisés aux USA en 2017, Amazon aura payé… 0$ de taxes. Et l’année 2018 s’annonce encore meilleure avec une diminution de taxe de 789 millions $ consécutivement aux baisses de taxes décidées par l’administration Trump.

    Le 1er novembre 2017, lors de la présentation du budget 2018 de la ville de Seattle, plus de 500 activistes se sont rassemblés au conseil municipal à l’appel de Socialist Alternative et du mouvement ‘‘Housing for all’’. Leurs revendications : l’arrêt des expulsions des campements de SDF et l’instauration d’une taxe sur les grandes entreprises afin de financer la construction de logements sociaux et de centres d’hébergement pour les sans-abris.

    L’aile conservatrice du conseil communal a plusieurs fois tenté de réduire l’aide aux SDF et rencontra une forte mobilisation de la population pour la défense des budgets existants et la nécessité d’aller chercher les moyens nécessaires dans les poches des grandes entreprises. Ces actions impliquaient des activistes du droit au logement mais également des syndicats et divers groupes progressistes et organisations politiques. D’autres mobilisations furent organisées devant le siège d’Amazon. Les réunions du Comité pour les droits humains, le développement équitable et le droit au logement, présidées par Kshama Sawant, furent déplacées en dehors des heures de travail pour garantir que les travailleurs puissent y intervenir. On imprima les affiches des manifestations sur les imprimantes du conseil communal. Un Guide citoyen sur Amazon dénonçant la manière dont la société évite les taxes, mais aussi la pénibilité des conditions de travail et les bas salaires, fut produit et distribué.

    La pression du mouvement finit par contraindre le conseil communal à mettre l’idée d’une taxe annuelle de 150 million sur les plus grosses entreprises de Seattle à l’agenda du conseil communal. Outre les habituels cris d’orfraie des médias et experts de tous poils sur la nocivité d’une telle taxe, une véritable campagne de chantage fut lancée avec notamment la suspension par Amazon de ses projets de construction, menaçant ainsi 7000 emplois dans le secteur. Enfin, le personnel politique de la classe capitaliste a tenté de vider la proposition de son contenu. Jenny Durkan, maire de Seattle dont la campagne électorale fut financée à hauteur de 350.000 $ par Amazon, a introduit une contre-proposition pour diminuer de moitié le montant de la taxe, la limiter à 5 années et réduire la proportion de cette nouvelle source de financement affectée au logement social.

    La mobilisation fut cependant plus forte et le 14 mai, le conseil communal fut contraint de voter une version de la taxe qui rapporterait 75 millions par an. Il s’agissait certes d’une version allégée de la proposition d’origine, mais comme les activistes du mouvement et Socialist Alternative l’avaient souligné, il s’agissait d’un premier pas positif vers de nouveaux acquis. A peine cette taxe était-elle passée qu’elle commençait à faire des émules dans d’autres villes du pays.

    L’empire contre-attaque

    Dans un régime basé sur la recherche du profit, la moindre avancée pour les travailleurs sera combattue par la classe capitaliste. Dans le cas présent, la Taxe Amazon n’aurait représenté que 0,26% des bénéfices des entreprises concernées ; pour Amazon, cela aurait correspondu à 28 millions par an, autant dire une bagatelle.

    Aussitôt la taxe votée, différentes entreprises touchées par la taxe ont levé plus de 375.000$ afin de lancer une campagne appelée NoToHeadTax : récolter les signatures nécessaires pour organiser un referendum sur la taxe. Différentes vidéos disponibles sur internet illustrent que le mensonge est probablement la méthode favorite de cette campagne : on peut y voir des démarcheurs expliquer avec aplomb et insistance qu’il s’agit d’une taxe annuelle de 275$ sur le salaire des travailleurs de Seattle. Avec de telles méthodes, ils furent capables de récolter plus de 300.000 signatures. Suffisamment pour pousser 7 des 9 conseillers communaux à révoquer la taxe qu’ils avaient votés à l’unanimité un mois plus tôt.

    Les leçons de ce combat sont importantes. D’une part il est clair de nouveau que c’est la lutte qui paie et qui permet aux 99% de remporter des victoires, de faire plier l’establishment politique et économique. D’autre part, chaque avancée sociale n’est malheureusement que temporaire si on laisse les leviers économiques et politiques aux mains des mêmes. Les mouvements sociaux doivent prendre l’espace nécessaire de discuter cela et de s’armer politiquement en défendant l’expropriation de ces entreprises et les mesures socialistes pour remplacer un système capitaliste incapable de fournir une vie décente à la majorité.

  • Kshama Sawant prête serment à Seattle

    Inauguration-1024x682Le Seattle City Hall était rempli d’une petite foule de 400 personnes ce lundi pour assister à la prestation de serment du nouveau Conseil de la ville. Cris et applaudissements ont surgi de la salle alors que certains élus utilisaient leur discours pour aborder la nécessité de s’en prendre à la crise des logements abordables, à la crise des sans-abris et à la brutalité policière.

    Mais l’écho le plus chaleureux fut réservé à la conseillère Kshama Sawant.

    Des centaines de milliers de dollars avaient été dépensés par les grandes entreprises et l’establishment capitaliste pour tenter d’éviter la réélection de cette conseillère ouvertement socialiste à Seattle. Ce fut un échec. Kshama Sawant a été réélue en recueillant le score décisif de 56% des voix, en ayant su s’attirer le soutien écrasant des travailleurs, des jeunes et des personnes de couleur.

    Chaque membre du Conseil choisit auprès de qui il prête serment. Kshama été assermentée par Sahro Farah et Osman Osman, deux locataires courageux qui ont fait face à un propriétaire sans scrupules qui a tenté d’augmenter leur loyer de plus de 100% et qui a été forcé de reculer face à l’indignation de la collectivité. Sahro et Osman constituent eux-mêmes des exemples stimulants de ce qui est possible d’arracher dès lors que nous nous organisons.

    Les discours d’entrée en fonction ont illustré à quel point les deux ans du précédent mandat de Kshama avaient réussi à faire basculer le débat vers la gauche. Encore une fois, la prise de parole de Kshama a appelé les travailleurs à s’organiser et à lutter pour un autre monde, un monde socialiste.

    Voici le texte de son discours.


     

    “Soeurs et frères.

    “Le socialisme arrive.

    “A travers les Etats-Unis et globalement, les jeunes et les travailleurs rejettent les politiques favorables aux grandes entreprises et le capitalisme. Ils en ont marre des inégalités profondes, du racisme brutal et de la destruction écologique qui prévaut sous ce système.

    “Nationalement, Bernie Sanders mène une campagne éclatante comme Démocrate Socialiste en appelant à une révolution politique contre la classe des milliardaires.

    “Qu’est ce que le socialisme?”, se demandent des millions de personnes.

    “Une société socialiste placeraient au centre les gens et non les profits et privilégierait l’environnement sur le secteur pétrolier. Dans cette société, les ressources des grandes entreprises seraient placées sous gestion démocratique publique et rationnellement planifiées pour satisfaire les besoins de la société dans son ensemble.

    “Ce que nous avons construits à Seattle ces deux dernières années est un exemple de la manière dont les travailleurs peuvent s’organiser et riposter contre l’establishment capitaliste.

    “Nous n’avons pas tout gagné. Mais notre victoire pour l’imposition d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure l’a démontré : la lutte paie.

    “Le système politique est cassé dans ce pays et dans cette ville. La vieille politique traditionnelle est incapable d’y faire quelque chose.

    “Je prends très au sérieux les dangers représentés par les politiciens de droite Républicains. Ils ne sont toutefois qu’une part du problème.

    “Au cours des décennies, Seattle a été dominé par l’establishment du parti Démocrate, ce qui a conduit à une crise du logement sans cesse plus inquiétante, à une croissance des inégalités de revenu, au plus grand fossé entre les genres du pays et à des forces de police innombrables.

    “Il est temps que quelque chose de neuf survienne. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti politique qui se battra avec audace pour défendre leurs droits.

    “Le fait que je sois ici aujourd’hui est la preuve vivante que nous pouvons faire élire des représentants des travailleurs, même lorsqu’ils doivent faire face à des centaines de milliers de dollars de fonds des grandes entreprises. Des milliers de personnes ont contribué à ma campagne à hauteur de 10 dollars, 20, 50, et nous avons tous ensemble obtenu un record dans la levée de fonds pour une élection au Conseil de la ville de Seattle, sans le moindre penny issu des grands entreprises.

    “Seattle va continuer à représenter un puissant exemple du type de politique qui est non seulement nécessaire, mais aussi possible.

    “Dans cette belle ville, assombrie par les inégalités raciales et de revenu, l’année 2016 devrait être l’année qui marque la victoire de la majorité sociale sur l’avidité de quelques uns.

    “Nous ne pouvons pas attendre que l’Etat de Washington agisse ou d’être soutenus pas une décision de la Cour Suprême des années 1930.

    “Seattle peut et doit faire passer une taxe des millionnaires!

    “Il faut taxer les riches pour libérer les ressources dont nous avons besoin pour l’enseignement, le transport public et les services sociaux!

    “Les Etats-Unis sont le seul pays du monde industrialisé qui refuse aux travailleurs de disposer de congés parentaux, une étape essentielle pour l’égalité de genre. Nous devons faire passer une législation cette année qui peut accorder aux travailleurs de Seattle un minimum de 12 semaines de congés parentaux payés.

    “Nous avons besoin de logements abordables et de droits des locataires. La crise du logement ne sera pas solutionnée en aidant les entrepreneurs immobiliers à faire du profit.

    “Cela nécessite des mesures sociales solides comme un contrôle des loyers et le développement d’alternatives publiques au marché immobilier privé en construisant des milliers de logements sociaux.

    “Nous devons nous en prendre à la brutalité de la police et au contrôle au faciès – concrétiser le fait que ‘Black Lives Matter’ (référence au mouvement “les vies des noirs comptent” qui s’oppose aux meurtres et violences racistes de la police aux USA). Cela exige un bureau de surveillance démocratiquement élu avec pleins pouvoirs sur la police.

    “Nous devrions investir dans l’enseignement et des emplois avec un bon salaire, pas dans de nouvelles prisons pour jeunes!

    “Seattle est maintenant sur la voie d’appliquer un salaire minimum de 15 dollars de l’heure. Il y a quelques jours, le salaire minimum pour les travailleurs de McDonald et d’autres grandes entreprises a augmenté jusque $13. C’est bien, mais pas assez. Ces travailleurs ont aussi besoin d’une législation qui les protège contre les pratiques patronales abusives.

    “J’appelle tous les travailleurs qui cherchent à résister à l’agenda du grand capital de s’organiser.

    “Rejoignez moi ainsi que Socialist Alternative dans notre combat pour la justice sociale et économique.

    “Je terminerais avec les mots du grand combattant radical Martin Luther King Jr : “les maux du capitalisme sont aussi réels que les maux de l’impérialisme et les maux du racisme.” Il a également dit : “Appelez ça démocratie ou appelez ça socialisme démocratique, mais il doit y avoir une meilleure redistribution des richesses dans ce pays pour tous les enfants de Dieu.”

    “Soeurs et frères, voici le temps de rejoindre notre mouvement pour créer un monde meilleur.

    “Solidarité.”

  • USA : Kshama Sawant est réélue, la révolution politique se poursuit à Seattle

    reelection_kshama02Non seulement des candidats se revendiquant du socialisme peuvent être élus aux Etats-Unis, mais ils peuvent de plus être ré-élus! Au moment d’écrire ce texte, un tiers des votes environ étaient comptés et 52,6% des électeurs du District 3 de Seattle avaient décidé de permettre à notre camarade Kshama Sawant de servir encore quatre ans au Conseil de la ville. Puisque les derniers votes qui entrent tendent à être en notre faveur, nous pouvons prétendre à la victoire en toute sécurité.

    Déclaration de Socialist Alternative

    Au Capitol Hill, des centaines de partisans de la campagne de Kshama ont célébré sa victoire. Tous ces gens sont arrivés confiants en raison du travail exceptionnel effectuée par cette élue au Conseil de Seattle et en raison de notre travail féroce sur le terrain. La veille au soir, le lundi, Jeremy Prickett, membre de Socialist Alternative et machiniste à Boeing, s’est adressé aux bénévoles réunis pour le dernier effort de porte-à-porte de la campagne. «Frères et sœurs», a-t-il commencé, «c’est un privilège pour nous d’être ici aujourd’hui puisque des années durant, la politique a été retirée des mains des travailleurs. Socialist Alternative et Kshama Sawant ont changé cela.»

    Plus de 600 bénévoles, plus de 30 syndicats et des dizaines d’organisations progressistes ont soutenu Kshama contre son adversaire. Celle-ci  disposait de son côté de l’appui des chefs d’entreprise, de la Chambre de commerce, du lobby de l’immobilier, du lobby des propriétaires terriens, d’Amazon.com, des marchands de sommeil, de six membres conservateurs du conseil de la ville et même d’une poignée de millionnaires républicains qui ont créé leur propre PAC (aux Etats-Unis, les Comités d’action politique désignent une organisation privée dont le but est d’aider ou de gêner des élus, ainsi que d’encourager ou de dissuader l’adoption de certaines lois, NDT) pour nous attaquer et soutenir notre adversaire du Parti Démocrate au cours de ces dernières semaines.

    Contre cette puissante opposition de la part de l’establishment, contre leurs attaques au vitriol et contre leurs comptes en banque exorbitants, nous avons frappé à 90.000 portes et fait 170.000 appels téléphoniques. Nous avons parlé à des milliers de personnes de la crise du logement, des inégalités, des taxes sur les riches et de politiques favorables à la classe des travailleurs. Ce fut un effort sans précédent pour la politique locale à Seattle.

    Un nouveau genre de politique

    reelection_kshamaComme les propos de Jeremy ci-dessus le suggèrent, pour beaucoup de gens, cette campagne a représenté bien plus que la réélection de Kshama. Cette campagne portait sur la construction d’un tout nouveau genre de politique, qui lutte pour les travailleurs et leurs familles et non pour les grosses entreprises. Il s’agissait de démontrer ce qu’il est possible de réaliser si les travailleurs s’organisent.

    A Seattle, les grosses entreprises ont dépensé cinq fois plus que précédemment pour ces élections. Cela ne nous a pas empêché de fracasser les records de collecte de fonds pour une élection au Conseil et de battre la trésorerie du Big Business. Nous avons récolté près de 500.000 $ auprès de 3.500 donateurs individuels. Notre don médian était simplement de 50 $ et plus de gens ont donné à notre campagne que pour tout autre candidat en lice pour le Conseil à travers la ville. A l’instar de la campagne de Bernie Sanders – qui refuse également l’argent issu des entreprises et a soulevé 28 millions $ en trois mois – la campagne de Kshama est une démonstration de l’énorme potentiel pour une politique indépendante de Wall Street et en faveur de la classe ouvrière aux États-Unis. «Le degré auquel [Kshama Sawant] a soufflé tout le monde dans certaines catégories de financement et sa capacité à compter sur de nombreux petits donateurs est le signal le plus clair que la vieille garde a été secouée par ces élections.» – Crosscut.com

    Construire le mouvement

    Personne à Seattle n’a causé plus de migraines à l’establishment politique au cours de ces deux dernières années que Kshama Sawant. «Je porte l’insigne du socialisme avec fierté» a-t-elle déclaré dans son discours d’inauguration en janvier 2014, après avoir renversé un politiciens établis au Conseil depuis 13 ans. A l’époque, elle avait promis : «Il n’y aura pas de tractations avec des sociétés ou leurs serviteurs politiques. Il n’y aura pas compromis pourri pour ceux que je représente.»

    Et Kshama a respecté cela. Son bureau est devenu un centre logistique de la résistance des travailleurs, qui a aidé les locataires, les travailleurs, les personnes de couleur, les personnes LGBTQI, les migrants et les populations autochtones. Kshama a poussé le débat politique à Seattle vers la gauche. Elle a néanmoins été bloquée à plusieurs reprises par la majorité conservatrice au Conseil, liée par mille fils à l’establishment capitaliste. Mais Kshama n’a jamais cédé dans son combat sans vergogne pour la défense des intérêts des travailleurs, en expliquant encore et encore que ce qui pouvait être gagné à l’Hôtel de ville dépendait en grande partie de la force des mouvements sociaux en dehors. Elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour aider à construire ces mouvements.

    Ce même esprit a imprégné la campagne électorale. Alors que nous savions que nous étions en position de force avec une mer d’affiches et de pancartes rouges dans le quartier, nous n’avons néanmoins rien tenu pour acquis compte tenu de la façon dont la démocratie est déformée par le capitalisme : l’argent achète les voix et les médias de l’establishment déforment le débat politique.

    Nous nous sommes appuyés sur la construction de notre propre force indépendante pour atteindre des milliers d’électeurs, en impliquant des travailleurs et des jeunes pour discuter avec des milliers de personnes à leur porte. Lorsque les 60.000 $ ont été déversés pour nous freiner par trois PAC pro-entreprises différents, dans les dernières semaines de la campagne, notre mouvement était prêt. En quelques jours, nous avons été en mesure de distribuer un tract à des milliers de portes à travers le district pour alerter les électeurs contre cette inondation d’argent dans la campagne. Et quand notre adversaire a envoyé deux mails d’attaque négatifs dans la dernière semaine de la campagne, nous avons encore distribué un nouveau tract exposant la malhonnêteté des attaques.

    Un exemple sur lequel construire

    En tant que première élue socialiste à Seattle en un siècle, la campagne pour la réélection de Kshama a pris beaucoup plus d’importance que ce que signifierait normalement une élection de cette taille. La chaîne Al Jazeera a qualifié ce scrutin de l’une des sept élections à suivre aux États-Unis cette année. Cette campagne a eu lieu dans le contexte national de la flambée de soutien à la campagne présidentielle de Bernie Sanders et de son appel à «une révolution politique contre la classe des milliardaires.»

    L’expérience de ces deux dernières années à Seattle a sans aucun doute fourni une mine d’enseignements pour les socialistes et les travailleurs. Kshama a expliqué que ce qui a fait la différence à Seattle était l’existence d’un mouvement socialiste organisé et de Socialist Alternative en particulier.

    Socialist Alternative a fourni un soutien politique clé à Kshama pour l’aider à naviguer sous les pressions de sa position élue et pour construire le mouvement. Ensemble, nous avons été en mesure d’orienter vers le succès la colère grandissante face aux inégalités, à la flambée des loyers et aux politiciens de l’establishment hors des réalités quotidiennes en construisant un mouvement qui repose sur ses propres forces, ses propres organisations et de ses propres ressources.

    Les opportunités de construire le mouvement socialiste à travers les États-Unis deviennent plus grandes. Le capitalisme a complètement échoué pour les travailleurs et leurs familles. Les gens sont fatigués de l’establishment capitaliste et l’intérêt est croissant pour les idées socialistes, ce qui se reflète dans l’intérêt intense suscité par Bernie Sanders quand il a expliqué pourquoi il se considère comme un socialiste démocratique au cours de son débat avec Hillary Clinton. Le mouvement pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure a remporté un certain nombre de victoires clés à travers le pays, les étudiants commencent à se battre contre leur endettement et une toute nouvelle génération de jeunes militants est entrée en activité avec le mouvement Black Lives Matter. Le monde change et il n’y a jamais eu de meilleur moment pour rejoindre les socialistes.

    Notre travail ne se termine pas maintenant. Nous devons profiter de cette occasion pour construire sur notre victoire. Cela signifie tout d’abord de devenir encore plus organisés. C’est la construction du mouvement social qui nous a permis d’aller si loin. Les gens devraient rejoindre Socialist Alternative et nous aider à construire un mouvement encore plus fort pour gagner encore plus de victoires au cours des prochaines années.

    Maintenant que le siège de Kshama est sécurisé, nos vaillants bénévoles peuvent jouir d’une fête bien méritée, qui va probablement durer tard dans la nuit. Nous sommes fiers de savoir que beaucoup de gens à travers le pays et à travers le monde célèbrent cette victoire avec nous. Cette victoire appartient aux socialistes et à la classe ouvrière. Ensemble, nous avons un monde à gagner.

    reelection_kshama03

  • Seattle : première grève des enseignants en 30 ans.

    Seattle_greve_enseignantsA Seattle, la rentrée scolaire a été marquée par une grève des 5000 membres de l’Association de l’éducation de Seattle (SEA, Seattle Education Association). La première grève en trois décennies ! Alors que les districts scolaires à travers le pays sont confrontés à une pression fédérale qui vise à lier les évaluations des professeurs aux notes obtenues par leurs élèves, la SEA est parvenue à mettre fin à cette pratique largement discréditée à Seattle. Cette lutte est également parvenue à obtenir des avancées quant aux étudiants de couleur (trois fois plus susceptibles d’être suspendus ou expulsés dans les écoles de la ville), à garantir 30 minutes de récréation pour tous les étudiants, à revoir à la baisse les ratios élèves-enseignant dans les classes d’éducation spécialisées et à repousser la baisse des salaires réels après six années où l’ajustement fédéral du salaire au coût de la vie n’a pas été perçu.

    Si le syndicat avait mobilisé toute la puissance de son soutien du public, nul doute qu’encore plus aurait pu être gagné. Ces avancées sont toutefois quelque chose dons les membres de la SEA peuvent être fiers. Il est possible de construire là-dessus pour les combats à venir.

    En tirant les leçons de la grève des enseignants du Syndicat des enseignants de Chicago en 2012, la SEA a été capable de mobiliser le soutien des parents et des habitants. L’État de Washington est ainsi devenu le champ de bataille de la lutte pour l’enseignement public. La participation active des membres a été des plus remarquables. Entre 95 et 97% des enseignants étaient présents au piquet de grève ! Des milliers de personnes sont venues assister aux assemblées syndicales. L’équipe de négociation du syndicat comprenait 40 personnes de toutes les professions. Un tract informait quotidiennement les enseignants, avec des mises à jour du syndicat. Les revendications combinaient la question des salaires et d’autres thèmes directement liés au lieu de travail de même que des appels pour un meilleur enseignement et pour l’équité raciale.

    Une grève pour de bonnes écoles

    Les autorités locales sont coupables d’outrage selon la Cour suprême de l’État, qui les a condamnées à une amende de 100.000 $ par jour en raison de leur incapacité à financer correctement l’enseignement public. En mai dernier, l’Association de l’éducation de Washington (WEA) avait organisé 57 districts scolaires pour une manifestation qui a réuni 6.000 syndicalistes et parents dans les rues de Seattle. Après la direction du district scolaire de Seattle ait bloqué les négociations avec la SEA tout l’été les membres du syndicat ont voté la grève à l’unanimité.

    Cette grève a constitué une source d’inspiration pour les parents, les étudiants et les travailleurs de Seattle et de tout le pays. Le syndicat n’a malheureusement pas appelé à une grande mobilisation de soutien, mais les parents ont eux-mêmes organisé un rassemblement de plus de 600 personnes et ont ainsi donné un aperçu du soutien dont bénéficiaient les enseignants. Un rassemblement de masse organisé par le syndicat et une mobilisation active de tout le soutien public pour les enseignants à Seattle aurait pu renforcer la position de l’équipe de négociation contre la direction du district scolaire et ainsi donner un grand coup de fouet à la confiance sur les piquets de grève.

    Les membres de Socialist Alternative (CIO-USA) au sein de la SEA ont plaidé pour l’idée d’une manifestation de masse et de nombreux membres de la base ont soutenu notre proposition.

    Les enseignants de Seattle et le mouvement syndical dans son ensemble doivent tirer les leçons apprises par la SEA afin d’aider à reconstruire des syndicats puissants aux Etats-Unis, l’épine dorsale des luttes futures pour un enseignement public de qualité et pour la justice sociale.

  • Seattle : Kshama Sawant récolte 49.9% au premier tour!

    kshama_victory_AoutUne énorme base pour les élections générales

    Une petite foule de plus de 200 partisans de la conseillère de Socialist Alternative à Seattle, Kshama Sawant, s’est réunie hier soir au Melrose Market Studio, dans le quartier de Capitol Hill, afin d’entendre le résultat du premier tour pour l’élection du Conseil municipal de Seattle. Des milliers d’autres à Seattle et ailleurs dans le pays attendaient avec impatience l’issue de cette première étape de la bataille électorale la plus importante pour la gauche aux États-Unis en 2015, celle destinée à préserver le siège remporté par Kshama en 2013, une victoire obtenue en tant que première candidate ouvertement socialiste dans le conseil d’une importante zone urbaine depuis des décennies.

    A 8h15, une énorme acclamation est venue de la foule lorsque l’annonce a été faite que Kshama avait reçu 49,9% des voix, 15% de plus que son plus proche adversaire, Pamela Banks, sur un panel de 5 candidats.

    hands-upCe résultat est une confirmation du soutien pour le travail de Kshama au conseil au cours de ces 19 derniers mois. Le plus important fut le rôle essentiel qu’elle a joué en remportant la première ordonnance pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure dans une grande ville. Elle a utilisé sa position pour aider à construire un mouvement populaire, avec soutien syndical. La campagne 15NOW s’est maintenant répandue aux autres villes du pays.

    Kshama a continué à mener une série d’autres combats et est aujourd’hui le leader de la lutte pour le contrôle des loyers et la construction de logements publics de qualité pour répondre à la crise massive du logement à Seattle. Récemment encore, 1.000 personnes se sont rassemblées dans une salle de la municipalité pour entendre Kshama et le conseiller Nick Licata débattre face à un lobbyiste et un politicien défendant les entreprises immobilières. Qu’un tel débat se déroule est une indication de l’évolution politique créée par Kshama, une voix au conseil municipal pour les luttes des travailleurs. Comme elle l’a expliqué dans son discours d’hier soir, “quand nous nous battons nous gagnons!”

    Un très bon résultat

    Cet excellent résultat obtenu par Kshama survient dans un environnement difficile où l’électorat a tendance à être plus âgé et plus riche que lors des précédentes élections générales. Le Big Business a versé des sommes considérables d’argent dans les campagnes des adversaires de Kshama, en particulier dans celle de Pamela Banks. Les capitalistes veulent mettre fin à l’expérience de Seattle qui pourrait constituer un “mauvais exemple” pour les autres villes.

    Les médias dominants ont travaillé dur pour dépeindre Kshama comme un élément de «discorde». En réalité, elle a ouvert les portes de son bureau aux campagnes de la classe des travailleurs, aux personnes LGBTQI en lutte contre la montée de la violence à leur égard, aux immigrants, à tous ceux qui sont menacés par l’augmentation de 400% du loyer dans le logement à faible revenu ou encore aux militants du mouvement Black Lives Matter contre les brutalités policières. Comme l’a dit Kshama “ce qui est véritablement un élément de discorde, c’est l’inégalité.” Il semble qu’un grand nombre de personnes du District 3 soient d’accord avec cette phrase.

    Le résultat de Kshama est susceptible d’encore grimper un peu ces prochains jours à la mesure du compte des bulletins de vote (les élections à Seattle se déroulent par courrier postal). Ce résultat reflète une campagne féroce menée avec 600 bénévoles qui ont frappé à 30.000 portes et récolté la somme incroyable de 265.000 dollars, dont pas un seul centime ne provient des grandes entreprises.

    Kshama Sawant est maintenant en excellente posture pour entrer dans la campagne pour les élections générales. Mais les grandes entreprises vont très probablement intensifier leur offensive et verser des centaines de milliers de dollars dans cette course électorale, y compris pour des publicités négatives.

    Cela pourrait sembler incroyable que tant d’argent des grandes entreprises soit consacré à une élection locale, mais ces dernières savent très bien ce qui est en jeu. Elles voient l’enthousiasme massif créé par la campagne présidentielle de Bernie Sanders, qui a repris l’appel pour un salaire minimum de 15 $ de l’heure à l’échelle nationale et qui appelle à une «révolution politique» contre la classe des milliardaires. Une radicalisation est en cours aux États-Unis. La lutte de Kshama pour sa réélection concerne tous les progressistes du pays. Contribuez à sa campagne et rejoignez Socialist Alternative!

    www.KshamaSawant.org

  • Débat avec Jess Spear sur la campagne pour la réélection de Kshama Sawant à Seattle

    Débat sur la campagne pour la réélection d’une véritable socialiste, Kshama Sawant, au conseil municipal de Seattle !

    Lundi 27 juillet, 19h, au Centre Randstad, 45 rue du jardinier, 1080 Molenbeek (Bruxelles)

    Jess Spear (gauche) aux côtés de Kshama Sawant (droite).
    Jess Spear (gauche) aux côtés de Kshama Sawant (droite).

    Jess Spear, climatologue, est membre de Socialist Alternative (parti-frère du Parti Socialiste de Lutte aux USA) à Seattle et porte-parole de la campagne 15$ Now!

    Seattle est la première grande ville à adopter un salaire minimum de 15$ de l’heure. C’est l’élection de la candidate de Socialist Alternative avec près de 100.000 voix en novembre 2013, Kshama Sawant, qui a été décisive pour créer un véritable moment politique qui n’a su être brisé. 100.000 travailleurs vont ainsi pouvoir sortir de la pauvreté et des millions de personnes à travers le pays et au-delà sont inspirés par cette lutte et cette victoire qui se répand aujourd’hui dans tous les Etats-Unis!

    Le président Barack Obama a trahi l’une de ses promesses concernant le climat et l’environnement en permettant finalement à la multinationale pétrolière Shell d’aller forer dans l’Arctique à la recherche de pétrole. C’est la ville de Seattle qui doit servir de base aux nouveaux forages. Un mouvement s’est constitué contre Shell avec l’implication de la conseillère municipale Kshama Sawant.

    Jess Spear nous expliquera la victoire pour les 15$ de l’heure, la campagne « Shell No » et bien évidement l’importance de faire réélire, dans les prochains mois, la première socialiste qui siège depuis cent ans dans le conseil de la ville de Seattle.

    => Evénement facebook

  • [VIDEO] Seattle: lancement de la campagne pour la réélection de Kshama Sawant

    kshama_reelect“La ville de Seattle est devenue une plaine de jeu pour les riches, une machine à profits pour les géants du secteurs immobilier,… J’ai une vision différente de Seattle, basée sur la justice sociale, l’égalité, la défense de l’environnement… une vision où il est possible pour tous de s’épanouir et de vivre dans la dignité… Et je pense que cela vaut la peine de se battre pour ce projet.” – Kshama Sawant

    Le 6 juin au soir, quelque 900 partisans de la réélection de Kshama Sawant (Socialist Alternative) au conseil de ville se sont réunis au Seattle Town Hall. Tout au long de l’évènement, d’éminentes figures progressistes se sont succédées pour souligner l’importance de cette réélection dans le cadre du combat contre la dominations des grandes entreprises sur nos vies localement, nationalement et internationalement.

    Parmi eux se trouvaient le journaliste progressiste Christ Hedges, l’ancienne candidate aux élections présidentielles pour le Green Party Jill Stein, des dirigeants syndicaux ou d’associations militantes locales, la députée du Socialist Party au parlement Irlandais Ruth Coppinger ainsi qu’un membre de Syriza. Ces orateurs ont tous derrière eux un passé différent, mais ils n’avaient qu’un seul message à porter : la présence de Kshama Sawant au conseil de ville de Seattle est un précédent fondamental dans cette ère de l’austérité néolibérale. Sa position élue a constitué un puissant signe que la politique capitaliste peut être défiée et même battue. Tout doit être fait pour qu’elle soit réélue.

    L’enthousiasme était palpable, et a notamment été reflété dans les 30.000 $ réunis pour le fonds de campagne de Kshama au cours de cette soirée. La campagne est maintenant lancée, ses bénévoles n’économiseront ni leur temps ni leur énergie pour le combat qui s’annonce.

  • [VIDEO] Concert de soutien de Tom Morello et Chris Cornell pour “15NOW”

    Le vendredi 26 septembre dernier, la campagne “15 Now” qui lutte pour l’imposition d’un salaire de 15 dollars minimum de l’heure aux USA a reçu un beau coup de pouce avec un concert de soutien de Tom Morello (ex-Rage Against The machine) et Chris Cornell (ex-Soundgarden) destiné à aider à développer la campagne à l’échelle nationale et afin de célébrer la victoire remportée par cette campagne à Seattle. Notre camarade Kshama Sawant, membre de notre organisation-sœur américaine Socialist Alternative, y a notamment pris la parole. La vidéo ci-dessous reprend le concert.

  • Comment les marxistes utilisent-ils leurs positions élues pour construire un rapport de forces vers un changement réel ?

    Ce 25 mai, des élus de gauche radicale ont été envoyés aux parlements régionaux de Bruxelles et de Wallonie ainsi qu’à la Chambre, pour la première fois depuis 30 ans. Cette percée remarquable du PTB assure que, désormais, une voix différente se fera entendre tant aux Parlements que dans le débat public.

    Les élus du PTB ont annoncé vouloir être le mégaphone de leurs électeurs. Certains ont rétorqué qu’avec seulement deux députés à la Chambre, quatre au Parlement bruxellois et deux au Parlement wallon, le PTB ne parviendra à rien concrétiser, que figurer dans l’opposition ne permet pas de ‘‘peser’’ sur la politique. Comment la gauche radicale peut-elle utiliser sa position pour, avec la classe des travailleurs, renforcer la lutte anti-austérité ? Comment quelques élus peuvent-ils déterminer le ton de l’agenda politique ? En guise de contribution à cet important débat, nous avons voulu aborder quelques exemples de la manière dont le Comité pour une Internationale Ouvrière (dont le PSL est la section belge) a utilisé et utilise ses positions élues.

    À Seattle, aux Etats-Unis, Kshama Sawant a frappé fort l’an dernier en recueillant 95.000 voix et en faisant son entrée au conseil de la ville, où ne siègent que neuf élus au rôle comparable à celui d’un échevin en Belgique. Notre camarade Bart Vandersteene a plusieurs mois à Seattle et livre ici un rapport de la manière dont la position de Kshama a été utilisée dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum à 15 $ de l’heure.

    En Irlande, nos camarades du Socialist Party n’ont pas su répéter leur succès des élections européennes de 2009, lorsqu’ils étaient parvenus à prendre l’un des sièges en lice à Dublin. Ces cinq dernières années ont toutefois clairement illustré ce qu’un élu de gauche radicale peut faire comme différence au Parlement européen. Notre parti frère irlandais possède une vaste expérience dans ce domaine. Lors des dernières élections législatives partielles de mai, Ruth Coppinger est d’ailleurs venue rejoindre Joe Higgins au Parlement irlandais. Ces cinq dernières années, Finghin Kelly était collaborateur au Parlement européen pour le Socialist Party, il nous parle ici de cette expérience.

    Enfin, nous tenons à revenir sur un cas plus historique, celui de la lutte de Liverpool où, entre 1983 et 1987, un conseil municipal de gauche radicale était au pouvoir. Que peuvent réaliser les marxistes lorsqu’ils disposent d’une majorité dans une grande ville ? Le contraste est frappant avec, par exemple, ce que fait actuellement le SP aux Pays-Bas, devenu partenaire de coalition des libéraux à Amsterdam.

     

    Ces contributions peuvent être d’une grande utilité afin de voir comment utiliser de la façon la plus optimale les positions que le PTB a obtenues aux Parlements.


    Seattle: Comment une élue socialiste a-t-elle pu faire la différence dans la lutte pour l’augmentation du salaire minimum ?

    Par Bart Vandersteene

    “La guerre du salaire”

    Pour la première fois depuis des décennies, un élu de gauche radicale se réclamant du socialisme est arrivé au Conseil d’une ville américaine majeure. L’élection de Kshama Sawant à Seattle en novembre dernier est loin d’être passée inaperçue… Depuis lors, le plus haut salaire minimum de tout le pays y a été instauré. Nul doute que l’élection de Kshama Sawant et le rôle joué par Socialist Alternative ont été décisifs dans ce domaine.
    Les lecteurs réguliers de Lutte Socialiste ou de socialisme.be ont déjà pu à de nombreuses reprises prendre connaissance de la situation particulière qui s’est développée à Seattle. Deux permanents du PSL s’y sont d’ailleurs rendus afin de profiter de cette expérience et d’aider à construire notre organisation-sœur, Socialist Alternative, qui connaît actuellement une croissance impressionnante.

    Sans exagérer le moins du monde, nous pouvons affirmer que l’élection de Kshama Sawant a constitué un véritable tournant pour la gauche américaine. Un intense débat a éclaté concernant les initiatives que la gauche devrait prendre aux Etats-Unis pour enfin être un réel joueur sur le terrain politique.

    L’élection d’une militante se réclamant du socialisme n’est pas passée inaperçue, c’est certain, mais ce qui a véritablement frappé les esprits, c’est que six mois plus tard à peine, la ville avait déjà accepté de relever le salaire minimum jusqu’à 15 $ de l’heure, même si ce n’est pas d’un seul coup. Avec cette victoire, Kshama Sawant et Socialist Alternative sont devenus un repère pour des dizaines de milliers de militants actuellement à la recherche d’une stratégie destinée à défendre une alternative au capitalisme. Même les médias internationaux ont couvert l’événement, qui a figuré dans les pages du Guardian, de l’Indian Times de même que dans des journaux allemand, français, danois, israéliens,…

    Mais avant le vote du Conseil sur les 15 $, seuls les journalistes locaux reconnaissaient l’importance de ce qui était en train de se passer. Le Seattle Times, journal difficilement soupçonnable de sympathies de gauche, écrivait déjà en avril : ‘‘Si le conseil décide d’établir le salaire minimum à 15 $ au cours de ces prochains mois, alors Sawant pourra à juste titre en prendre le crédit et commencer à déterminer l’agenda politique de la ville.’’
    Kshama n’a pas marqué de son empreinte l’agenda politique en convainquant les huit autres conseillers à l’aide de bons arguments ; elle a forcé l’establishment politique à accorder des concessions en mobilisant l’opinion publique et en construisant un mouvement par en bas. Sa campagne électorale avait pour revendication centrale l’instauration d’un salaire minimum de 15 $ et l’approche offensive de Socialist Alternative a forcé les deux candidats à la mairie à se prononcer sur la question. Le vainqueur, Murray, a été contraint de la soutenir du bout des lèvres.

    Une semaine après sa prestation de serment au Conseil, une réunion a rassemblé 250 participants et a lancé la campagne ‘‘15 NOW’’ (15 maintenant). Ces derniers mois, des dizaines d’activités et de réunions ont eu lieu en vue de consolider et de renforcer le large soutien à la revendication des 15 $, soutenue à 68% selon un sondage réalisé en janvier. En mars, il s’agissait de 72%.

    Tout en continuant à mener campagne, Sawant et ‘‘15 NOW’’ avaient averti le maire qu’il avait jusqu’au mois d’avril pour trouver une proposition concluante, faute de quoi ‘‘15 NOW’’ allait lancer une campagne de récolte de signatures pour obtenir l’organisation d’un référendum contraignant en novembre, sur base d’une proposition de ‘‘15 NOW’’.

    Le 1er mai, le maire a annoncé qu’il avait conclu un compromis avec les représentants des entreprises, des syndicats et une majorité des conseillers. Les 15 $ de l’heure seront bien introduits, mais sur une période de 2 à 6 ans en fonction de la taille de l’entreprise. Après deux ans, le montant sera ajusté pour tenir compte l’inflation. Pour 2025, le salaire minimum devrait être de 18 $ de l’heure (actuellement, le salaire minimum fédéral est de 7,25 $).

    Plusieurs conseillers ont, en concertation avec le patronat, tenté d’affaiblir la proposition initiale de ‘‘15 NOW’’. La seule raison pour laquelle ils n’ont pas osé y aller plus franchement est la menace des prochaines élections, où ils craignaient d’être trop largement considérés comme de vulgaires hommes de paille des 1% les plus riches.

    La proposition finalement retenue n’est pas conforme à 100% à celle défendue par Kshama, mais elle reste une avancée majeure ainsi qu’une grande victoire qui indique comment une position élue peut être utilisée pour renforcer la lutte et arracher des conquêtes sociales. Le journaliste indépendant Arun Gupta avait ainsi décrit la dynamique à l’œuvre : ‘‘C’était impressionnant de voir comment Socialist Alternative combinait efficacement ses tactiques à l’intérieur et à l’extérieur du Conseil. C’était un jeu d’échecs, chaque mouvement de la mairie et des entreprises recevait une réponse de ‘‘15 NOW’’. La position de Sawant à la table des négociations a été renforcée par des manifestations et des actions.’’

    Al-Jazeera América a écrit : ‘‘La victoire de Sawant a démontré qu’être socialiste n’est plus un inconvénient pour les élections. La campagne pour les 15 $ de l’heure a en outre fourni un modèle de démocratie par la base qui va à l’encontre du processus politique contrôlé par les entreprises. Les observateurs s’attendent à ce que la loi puisse passer fin mai. Si cela se produit, la victoire – même sans être complète – confirmera la méthode de Socialist Alternative, renforcera cette organisation et créera plus d’espace pour la politique socialiste aux États-Unis’’ (21 mai 2014).

    Lors du vote final au Conseil, le 2 juin, Kshama Sawant a clôturé son discours comme suit : ‘‘Le message d’aujourd’hui est clair : si nous nous organisons en tant que travailleurs avec une stratégie socialiste, nous pouvons combler le fossé des inégalités de revenus et nous attaquer à l’injustice sociale. Les 15 $ à Seattle ne sont qu’un début. Nous avons tout un monde à gagner.’’

    Plus d’infos sur le rôle joué par Kshama Sawant et Socialist Alternative à Seattle.


    Irlande. Des élus pour renforcer la résistance de terrain contre la politique antisociale

    Par Finghin Kelly

    Joe Higgins

    Le parti-frère irlandais du PSL a remporté son premier siège au Dáil (parlement) en 1997. En 2011, le parti a gagné deux sièges aux élections législatives et, récemment, en a obtenu un de plus lors d’une élection partielle. Le Socialist Party irlandais a également eu un député européen de 2009 aux récentes élections de mai.

    Le Socialist Party est également représenté dans des conseils locaux depuis 1991. Il est à la base de l’Alliance Anti Austérité (AAA) qui vient de remporter 14 conseillers municipaux (9 d’entre eux étant membres du Socialist Party) siégeant désormais dans les trois principales villes de la république irlandaise.

    Durant toute cette période, le Socialist Party a été confronté à de nombreux défis dans l’utilisation de ses élus. Les années ’90 et le début des années 2000 furent une période marquée par un dramatique tournant vers la droite au sein du Parti Travailliste irlandais (de même que dans le reste de la social-démocratie, comme le PS en Belgique), qui s’est transformé en un parti entièrement pro-capitaliste et appliquant le néolibéralisme. Un processus similaire avait également pris place dans la majorité des directions syndicales, qui ont abandonné l’idée de mener une lutte conséquente pour défendre les intérêts de la classe des travailleurs tout autant que celle qu’une alternative au capitalisme était possible.

    Ces dernières années, le capitalisme irlandais a connu une crise profonde. Les banques irlandaises ont été renflouées par le contribuable à hauteur de 64 milliards € et un vicieux plan d’austérité a été mis en place par l’ensemble des partis traditionnels. Les conditions de vie des travailleurs se sont effondrées tandis que l’émigration et le chômage ont atteint un niveau record.

    Dans ce contexte, les principales tâches qui nous faisaient face avec nos représentants élus étaient de défendre et de populariser les idées du socialisme en tant qu’alternative à la crise, d’entrer en confrontation avec l’establishment politique capitaliste et de s’en prendre aux conséquences de leurs politiques en organisant à la rage et l’opposition des travailleurs.

    L’histoire nous a démontré que toutes les conquêtes sociales acquises par la classe des travailleurs ont été obtenues grâce à l’organisation et à la pression exercée sur la classe capitaliste et ses partis. Chaque victoire obtenue au Parlement n’a été possible que grâce à ce genre de mouvement. Nous avons donc toujours visé à utiliser nos représentants comme bras politiques du mouvement à l’extérieur de la Chambre. C’est ce qui a constitué notre force : faire d’une part entendre la voix des travailleurs et défendre les idées du socialisme à l’intérieur du Parlement et, d’autre part, avant tout utiliser ces élus afin d’aider à organiser la lutte à l’extérieur du Parlement.

    Paul Murphy

    Dans le cadre du mémorandum de la troïka, le gouvernement irlandais a instauré une taxe injuste sur chaque maison, sans tenir compte des moyens de ses occupants. Une campagne de boycott de masse a suivi, soutenue et construite par le Socialist Party. Nos élus ont été une sorte de mégaphone pour la campagne. Notre député européen, Paul Murphy, a même déchiré son formulaire de taxe au Parlement européen au cours d’un débat avec le président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Nos élus ont été d’une grande assistance pour la campagne. Nos ressources (bureaux, capacités d’impression, etc.) ont été utilisées pour construire une campagne nationale de masse. Le bureau de Paul Murphy à Dublin a par exemple été occupé par des volontaires de la campagne afin d’y organiser des réunions et des actions dans tout le pays, tout en servant de centrale téléphonique pour de la campagne.

    Nos élus n’ont jamais cessé leur activité dans le mouvement. En 2003, dans une campagne du même type, notre député Joe Higgins a même été emprisonné un mois après avoir défié une décision judiciaire interdisant les manifestations.

    Pour le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), il est normal que les représentants des travailleurs n’aient pas un style de vie plus aisé que celui des travailleurs. Ses représentants vivent donc avec le salaire moyen d’un travailleur. Le député européen Paul Murphy a ainsi vécu comme un jeune travailleur irlandais; en gardant 1.800 euros par mois de son salaire de parlementaire de 6.300 euros. Le reste a été donné à des travailleurs en grève, des campagnes anti-austérité, etc.

    Beaucoup d’exemples peuvent encore illustrer comment des élus peuvent efficacement aider les travailleurs en lutte. En 2005, par exemple, Joe Higgins a fait entrer au Dáil la question de l’exploitation des travailleurs turcs et kurdes chez Gama Construction. En plein boom du secteur immobilier, ils ne recevaient qu’un salaire de 2 ou 3 € de l’heure ! Ces travailleurs se sont mis en grève, et notre travail au Dáil a permis d’exercer une pression politique sur le gouvernement irlandais et de faire débarquer la thématique dans les médias, jusque-là réticents. Ce fut un point tournant pour leur lutte.

    Plus d’infos.


    Liverpool : La ville qui a défié Thatcher

    Dès le printemps 1984, la ville de Liverpool a connu un mouvement de masse dirigé par les membres de notre parti-frère anglais, alors organisés au sein du Parti Travailliste autour du journal “Militant”. À Liverpool, leur tendance était même la force dirigeante du parti travailliste.

    À ce moment-là, les administrations locales se voyaient contraintes par le gouvernement central d’exécuter d’importantes coupes budgétaires. Mais il n’en a pas été ainsi à Liverpool grâce à un conseil communal dont la direction, le programme et les tactiques avaient été élaborés par l’organisation trotskyste ‘‘Militant’’. Même si les membres de Militant étaient en minorité au conseil, ce sont leurs propositions d’actions et idées qui étaient acceptées. Ils ont défendu la nécessité d’un budget basé sur la satisfaction des besoins des habitants. Les rentrées étaient insuffisantes face aux dépenses prévues, mais une large campagne a été initiée pour contraindre le gouvernement à accorder plus de ressources aux localités.

    La majorité travailliste à Liverpool, élue en mai 1983, est revenue sur les 2.000 licenciements de travailleurs municipaux effectués par la précédente administration travailliste. Elle a aussi décidé de lancer un plan de construction de 5.000 nouveaux logements sociaux en quatre ans. Plus de logements sociaux ont été construits à Liverpool sur cette période que dans toutes les autres communes du pays ! 12.000 emplois ont ainsi été créés dans le secteur du bâtiment à un moment où le taux de chômage était à plus de 25 % à Liverpool, voire même à 90 % parmi la jeunesse de certains quartiers. Le salaire minimum des employés communaux a été relevé de 100 livres par semaine, et le temps de travail est passé de 39 à 35 heures par semaine, sans perte de salaire.

    “Better break the law than break the poors” – “Mieux vaut briser la loi au lieu de briser les pauvres”

    Avec ses 30.000 travailleurs, la ville était le plus grand employeur de la région. Mais si Liverpool avait avalé la logique d’austérité que voulait lui imposer le gouvernement, le budget pour 1984 aurait dû être de 11 % inférieur à celui de 1980-81. 6.000 emplois auraient dû disparaitre pour que le budget soit à l’équilibre.

    Le gouvernement a lancé une campagne complètement massive contre Liverpool dans les médias, campagne plus tard suivie par la direction nationale du Parti Travailliste. Plus d’une fois, Thatcher a menacé d’envoyer l’armée pour expulser les élus locaux. Dans un courrier des lecteurs dans les pages d’un journal local, un homme avait réagi en disant : ‘‘Je ne sais pas qui était Léon Trotsky, mais à en juger par le nombre de maisons qui ont été construites à Liverpool, ce devait être un fameux maçon !’’

    Le 29 mars 1984, jour où devait être voté le budget d’austérité du gouvernement, une grève générale locale de 24 heures, une des plus grandes grèves jamais vues à l’échelle d’une ville, et 50.000 personnes ont manifesté en direction de l’hôtel de ville afin d’exprimer leur soutien au conseil ! Le 9 juin 1984, le gouvernement a fait toute une série de concessions d’une valeur totale de 16 millions de livres, entre autres parce que les mineurs étaient eux aussi partis en grève. Thatcher savait qu’elle ne pouvait obtenir aucune victoire en se battant sur deux fronts à la fois, et a décidé de tout d’abord se concentrer sur les mineurs.

    Finalement, les “47” de Liverpool (les 47 conseillers travaillistes qui ont mené la lutte jusqu’au bout) ont été démis de leurs fonctions par un tour de passe-passe juridique suite à une alliance conclue entre Thatcher et la direction nationale travailliste, horrifiée par le soutien que commençaient à gagner la ‘‘Tendance Militant’’. La section locale du parti à Liverpool a été dissoute puis placée sous un contrôle hiérarchique très strict. Ce n’était que le début d’une sorte de contre-révolution politique au sein du Parti Travailliste arrivée à sa conclusion logique sous Tony Blair, le parti devenant totalement pro-capitaliste.

    Version raccourcie d’un précédent article.

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