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Tag: Russie
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Russie : Des milliers de personnes arrêtées après deux jours de manifestations de rue
La fraude électorale expose la vulnérabilité du règne de Poutine
Ce mardi 6 décembre, les blogs et sites russes étaient remplis de rapports faisant état de l’arrivée massive des troupes à Moscou. On a vu apparaitre des photos qui montraient des convois entiers de bus blancs escortés le long des autoroutes. Les gens qui ont décidé de se rendre aux actions de protestation spontanées “illégales” (sans autorisation de l’administration) de mardi soir savaient qu’ils prenaient des risques. Mais à nouveau, des milliers de jeunes sont descendus pour protester contre la manière dont le Premier Ministre Poutine a manipulé les élections parlementaires de dimanche dernier. Son parti, Russie unie (Yédinaïa Rossiya, YéR), y aurait reçu une majorité de 13 sièges à la Douma (parlement).
Rob Jones, CIO Moscou
Le régime s’était bien préparé. Pendant les élections, près de 50.000 jeunes “pro-Kremlin”, du mouvement “nachiste” (“Nachi” : “les nôtres”) avaient été envoyés à Moscou pour y combattre toute activité ou action menée par l’opposition. Ces jeunes sont principalement des étudiants qui, en échange de leur activité militante, reçoivent une chambre dans un hôtel à Moscou et quelques euros par jour. Nombre d’entre eux s’étaient vu dire qu’à moins de suivre les instructions qui leur avaient été données, ils allaient rater leurs examens à l’université. Mardi soir, 5000 de ces jeunes ont été alignés sur la place où les manifestants comptaient se rassembler, tapant sur des tambours, brandissant des drapeaux russes et criant ‘‘Rossiya, Rossiya !’’ (Russie, Russie). Cependant, les opposants manifestants sont parvenus à détourner leur “slogan” : entre chaque ‘‘Rossiya’’, ils criaient en réponse : ‘‘Biez Poutina, biez Poutina !’’ (sans Poutine, sans Poutine).
Autour des nachistes se trouvaient plusieurs rangs de police anti-émeute en tenue complète. Toutes les places alentours étaient bloquées par des bus et des camions de la police. Selon le Ministère de l’Intérieur, 51 000 policiers anti-émeute ont été amenés dans la capitale “pour protéger la sécurité du public”. Des détachements entiers de ces troupes ont repoussé les manifestants hors des rues, arrêtant des centaines d’entre eux. Un grand nombre des 300 personnes arrêtées lors des premières manifestations, lundi, ont déjà été trainés en “justice” mardi pour y être condamnés à jusqu’à 15 jours de prison. Il ne fait aucun doute qu’un destin similaire attend de nombreuses autres personnes mercredi et les jours suivants.
Il est important de constater que presque toutes les personnes présentes à la manifestation légale de lundi, tout comme à la manifestation spontanée de mardi, étaient des jeunes, pour qui bien souvent il s’agissait de la toute première manifestation. Il ne semblait pas y avoir un large sentiment nationaliste lors de ces actions, ce qui semble indiquer que jusqu’ici, l’extrême-droite n’a pas mobilisé.
Une autre manifestation a eu lieu à Saint-Pétersbourg, avec 200 arrestations, et, cela mérite d’être souligné, on a vu une autre manifestation à Rostov-sur-le-Don, principal port russe dans le sud du pays (1 million d’habitants). Les partisans du CIO en Russie ont participé aux manifestations, armés de leur journal et de tracts. La manière clandestine dont nous avons distribué notre tract, échappant aux yeux de la police, l’a vite rendu très populaire – tout comme d’ailleurs le fait étonnant que nous étions absolument la seule organisation présente avec un tract.
Étant donné le nombre de personnes arrêtées et le manque de toute stratégie de la part des initiateurs des manifestations, la question de savoir si ces actions vont se poursuivre ou non reste ouverte. Par exemple, des orateurs lors du meeting de mardi ont dit que ces élections parlementaires n’étaient là que pour faire élire les “larbins”, mais qu’il faut maintenant se préparer aux choses sérieuses : les élections présidentielles de mars 2012. Dans les faits, ce qu’ils disent est qu’il faut laisser tomber les actions. Mais les jeunes dans la foule chuchotaient que c’est maintenant qu’il faut agir.
Un mécontentement général
Lors des dernières années, de telles actions de la part de la jeunesse n’auraient attiré qu’une poignée de participants et auraient été perçues par la vaste majorité de la population comme étant organisées par une poignée de “marginaux”. La différence aujourd’hui, est que ces manifestations reflètent un mécontentement général qui vit dans la société et qui a atteint un pic lors de la campagne électorale, couplé au fait que Poutine a désormais perdu son aura d’invincibilité. De fait, Poutine a promis aujourd’hui que “lorsque” il sera réélu en mars, il allait changer l’équipe gouvernementale. Le soir des élections, l’émission électorale sur la principale chaine télé pro-Kremlin discutait ouvertement du fait qu’on dirait que “l’Empereur ne porte en fait pas de vêtements”.
Peu après les élections, Poutine et Medvedev ont tenté d’imposer le résultat en faisant remarquer qu’en Europe, à cause de la crise mondiale, des gouvernements sont tombés pour être remplacés par des gouvernements non-élus. Si les élections parlementaires russes avaient été réellement démocratiques, le résultat final obtenu par Russie unie (officiellement de 49,5%) aurait été véritablement remarquable. Mais nous venons d’assister aux élections les plus frauduleuses jamais organisées en “Nouvelle Russie”.
Le régime pensait pouvoir s’en tirer à bon compte grâce aux mesures mises en place pour empêcher les observateurs internationaux de faire leur travail. Toutes sortes d’obstacles ont été mis sur la route des observateurs mandés par l’OSCE, et la veille des élections, le président de l’ONG pro-américaine “Goloss” (“Voix”) a été arrêté. Le gouvernement a par contre déployé le tapis rouge pour toute une série d’observateurs en provenance du Kazakhstan, Chine, etc. dont la plupart viennent de pays avec encore moins de démocratie qu’en Russie. On a aussi vu d’autres observateurs internationaux proclamer à quel point ces élections avaient été formidables et merveilleuses, dont par exemple notre “vieil ami” Nick Griffin, leader du très fasciste British National Party.
Nous n’avons pas la place ici pour décrire l’ampleur de la fraude ; nous allons donc nous contenter de donner quelques exemples. En Tchétchénie, 99,5% de la population aurait été voter, dont 99,5% auraient voté pour YéR. Dans le passé, le régime n’avait jamais osé une telle fraude dans les grandes villes telles que Moscou, mais cette année, il y a une foule de rapports de bourrage d’urnes. Un sondage réalisé à la sortie des bureaux de vote à Moscou indique que seulement 30% des Moscovites ont voté pour YéR – mais le résultat officiel est de 49%. La pratique du “Carrousel” a été fort pratiquée dans toute la ville : celle-ci implique plusieurs groupes de gens voyageant en bus pour faire le tour des bureaux de vote, en allant voter à chaque. Un de nos camarades s’est même vu proposer par téléphone de participer à un de ces carrousels, payé 5€ pour la journée !
Dans d’autres régions, les observateurs des partis d’opposition, à leur arrivée aux bureaux de vote, ont découvert que des imposteurs (généralement des Nachistes) avaient déjà pris leur place ! Dans la ville d’Astrakhan (à l’embouchure de la Volga, sur la mer Caspienne), les urnes ont été emportées dans un bâtiment gardé par la police anti-émeute et une cohorte de “civils”. Nul ne sait ce qui s’est produit derrière les portes fermées, mais le taux de voix pour YéR était anormalement élevé.
Malgré tout cela, YéR n’a pas pu trouver assez de voix que pour en reporter les 50%. Le parti a perdu un tiers de ses voix par rapport aux dernières élections. Si l’on considère que seul 60% des Russes ont été voter, cela signifie que Russie unie n’aurait en réalité reçu la “voix” que de 30% de la population – chiffre officiel ! Et cela, sans tenir compte de toutes les menaces, pots-de-vin, chantages, etc. utilisés partout dans le pays pour forcer les gens à voter pour le parti au pouvoir. Par exemple, on a fait état d’entreprises où les patrons ont exigé de leur employés qu’ils reviennent au boulot avec une photo de leur bulletin électoral pour prouver qu’ils avaient “bien” voté, sous peine de perdre leur emploi.
Les réalités de la Russie exposées à la surface
À présent, toutes les réalités de la Russie actuelle sont remontées à la surface, visibles par tous et toutes. Poutine, qui avait pris le pouvoir après les années désastreuses de la période Eltsine, était apprécié pour avoir “remis le pays sur ses pieds”. Il avait bénéficié de la forte hausse des prix du pétrole des années 2000 à 2007, avant que la crise mondiale ne porte un coup dévastateur au pays.
De nombreuses personnes considèrent aujourd’hui les années de croissance comme une opportunité manquée. Tout l’argent gagné grâce au pétrole a fini directement dans les poches des oligarques. Puis, lorsqu’il a été annoncé sans plus d’ambages que Poutine allait rempiler en tant que président pour douze années de plus, cela a été perçu par beaucoup de gens comme l’annonce d’une nouvelle période de stagnation prolongée à la Brejnev. L’arrogance de Poutine l’a conduit lui-même à croire en sa propre invincibilité. Mais Poutine a semble-t-il connu son “moment Ceausescu”, lors d’un tournoi d’art martiaux il y a deux semaines : au moment où il s’est avancé sur le podium pour y serrer la main du vainqueur, il a été immédiatement assailli par un mur de sifflements provenant du public. C’est à partir de là que le nombre d’intentions de votes pour son parti, qui avait déjà commencé à décroitre, a soudainement chuté dans les sondages. Poutine s’est vu contraint de faire de nouvelles concessions, et va sans doute continuer à voir son score dans les sondages se réduire de plus en plus.
Le Parti communiste (Kommounistitcheskaïa partiya, KP) est arrivé deuxième lors des élections, remportant environ 19,5% des voix. Le KP n’est pas un parti de gauche qui remet sérieusement en question le règne des oligarques, mais est de plus en plus un parti de droite nationaliste qui utilise quelques revendications populistes pour gagner un soutien. Il a doublé son nombre de voix par rapport aux élections précédentes, avec toute une couche de jeunes qui ont voté pour lui pour la première fois de leur vie. Mais ce vote est essentiellement un vote anti-Poutine, même si certains étaient aussi attirés par la rhétorique nationaliste de ce parti.
Si les manifestations contre la fraude électorale se maintiennent (une nouvelle grande manifestation est prévue ce samedi dans le centre de Moscou sur la plochtchad Révolioutsii – place de la Révolution), la victoire de Poutine aux présidentielles de mars pourrait être mis en question. D’ailleurs, ce n’est certainement pas une coïncidence si les nachistes, lors du meeting pro-Kremlin de mardi, portaient des badges avec écrit “I love Medvedev”. Il est possible qu’une partie de la clique dirigeante soit déjà en train de considérer Medvedev, le président actuel, en tant que “candidat de rechange” au cas où la candidature de Poutine commencerait à s’avérer toxique.
Le CIO en Russie participe de manière extrêmement énergique aux actions de protestation. Les (principalement) jeunes manifestants doivent à présent s’adresser aux travailleurs et aux pauvres dans les entreprises, dans les quartiers, et ailleurs, pour se lier à eux. La classe ouvrière organisée est potentiellement la force la plus puissante pour effectuer un véritable changement social, de part ses méthodes de lutte de masse, comme l’action industrielle et la grève générale.
Le développement de ces actions signifie également la construction d’une alternative politique aux partis des oligarques et aux divers partis nationalistes et populistes. Le CIO se bat pour la création d’un parti ouvrier de masse afin d’engager la lutte pour le renversement des oligarques et du capitalisme et pour la réorganisation socialiste et démocratique de la société afin de mettre un terme à la crise actuelle et de transformer les conditions de la majorité de la population.
Le CIO appelle à la fin de la violence policière et à un véritable droit d’association, de manifestation, d’organisation de meetings et de grève. Les “commissions électorales” de la Commission centrale devraient être immédiatement démantelées. Nous appelons à la création de comités de travailleurs et de pauvres à l’échelle des régions, des villes et sur le plan fédéral afin d’organiser des élections libres et démocratiques, et d’en surveiller le déroulement.
Tous les partis devraient être libres de s’organiser et de se présenter aux élections sans aucun obstacle, excepté les fascistes. Le financement extrêmement généreux qu’obtiennent de la part de l’État et des grandes entreprises les partis pro-capitalistes présents à la Douma doit cesser. Toutes les restrictions à l’encontre de la formation d’organisations politiques, sociales et syndicales, et de leur pleine participation aux élections, doivent être supprimées.
Les Russes ne doivent accorder aucune confiance dans le résultat des élections parlementaires ni dans la Douma. À bas le gouvernement ! Pour de nouvelles élections et pour une assemblée constituante démocratique, dans laquelle toutes les couches de la classe ouvrière et de ses alliés – qui ensemble l’écrasante majorité de la société – seraient représentées afin de décider de quelles formes et structures étatiques sont nécessaires afin de défendre au mieux leurs intérêts.
Les socialistes appellent à un gouvernement à majorité ouvrières, avec un programme socialiste. Un gouvernement ouvrier pourrait mettre un terme à la misère, au chômage, à l’absence de logements et aux bas salaires, et lancer un plan massif pour des logements décents, l’enseignement, la santé, etc. Cela implique de replacer l’immense richesse du pays, comme les industries du gaz et du pétrole, dans le domaine public, sous contrôle et gestion ouvriers – au contraire de la manière dont ces richesses étaient gérées sous le régime bureaucratique dictatorial du stalinisme – de sorte à opérer une transformation du mode de vie et qu’une Russie véritablement socialiste puisse à nouveau jouer le rôle de point de ralliement pour les travailleurs du monde entier.
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Syrie : Huit mois de protestation de masses font face à une brutalité sanglante
Les assauts à la grenade, lancés par des déserteurs de l’armée syrienne sur le QG du parti au pouvoir de Baath à Damas, et quelques jours plus tôt sur le centre de renseignements de l’armée de l’air, marquent une nouvelle étape dans la rébellion syrienne. Ils indiquent le début d’une contre-attaque armée, après huit mois de manifestations antigouvernementales pacifiques entravées par la brutalité des forces armées syriennes.
Judy Beishon, (CIO-Angleterre et pays de Galles)
La contrebande d’armes a augmenté drastiquement le long des frontières de la Syrie, particulièrement celles jouxtant l’Irak et le Liban. Bien que les déserteurs soient en minorité face au reste des forces du régime, un groupe de volontaires organise comme il le peut ”l’armée libre de Syrie”. Certains d’entre eux ont déclaré ne pas rencontrer d’opposition de la part des troupes du régime, qui leur ont même offert de l’aide. (Guardian 19.11.11).
La plupart des bains de sang perpétrés dans le pays par la police gouvernementale et les forces armées visent les protestataires qui, inspirés par le processus révolutionnaire au Moyen Orient et en Afrique du Nord, réclament à corps et à cri l’abolition du régime autoritaire et répressif. Les estimations du nombre de victimes varient entre 3500 selon les Nations Unies, et des chiffres beaucoup plus élevés. Un rapport indique que 5000 civils ont été tués rien que dans la ville de Homs, la troisième de pays en terme de superficie.
Homs est maintenant sous ”occupation” militaire constante, et 150 personnes ont été abattues ce mois-ci. Mais malgré le risque énorme qu’engendre le fait de protester, les courageuses manifestations anti-gouvernement dans les banlieues continuent, non sans danger pour le mouvement d’opposition: la brutalité et les provocations des forces de sécurité de l’état ont créé des clivages dans certaines zones du pays, particulièrement à Homs, entre les membres d’ethnies et de religions différentes dans la population.
Les médias du monde entiers spéculent actuellement sur la naissance d’un sanglant conflit sectaire. Bien qu’un tel scénario puisse se vérifier si les masses syriennes n’entament pas la création de leurs propres organisations démocratiques et non-sectaires, la pierre angulaire de la situation actuelle est le large mouvement contestataire quasi omniprésent contre le régime, rassemblant aussi bien les travailleurs que les pauvres provenant de nombreuses couches minoritaires de la société, ainsi qu’une grande majorité de la population sunnite.
Un mouvement mené par une classe ouvrière unie détient le potentiel nécessaire pour mettre fin aux divisions, en organisant des corps de défense non sectaires à la base de la population et en adoptant un programme qui pourrait mener à un ”changement de régime” qui profiterait à la majorité de la population plutôt qu’à la classe capitalise syrienne et à l’impérialisme étranger.
La Ligue Arabe
Les institutions régionales et mondiales craignent la situation qui en en train de se développer mais en tirent aussi des bénéfices. La Ligue Arabe a appelé à la fin de l’intolérable répression en Syrie et a voulu impose 500 ”observateurs”. Cette interférence rejetée par le régime syrien, la Ligue a voté des sanctions à l’encontre de la Syrie et a suspendu son adhésion.
Le fait que les membres à la tête du gouvernement autocrate et moyenâgeux n’agissent pas en prenant en compte les droits de l’homme crève les yeux au vu de leur propre histoire, sans oublier la répression menée par le régime en Arabie Saoudite et l’aide militaire apportée pour écraser la révolution à Bahreïn. Leur critique du président Assad en Syrie vient en partie de leur désir de se protéger de l’indignation de la population quant aux massacres en Syrie, et aussi de la sympathie de cette même population pour les révoltes de masse en Tunisie et en Egypte, qui ont éjecté leurs confrères dictateurs. Mais ils ont aussi leurs propres intérêts géostratégiques, et se différencient de ce qui est, pour eux, un régime ”maladroit” en relation avec l’Iran. Ils craignent également les conséquences dans la région si Assad ne faisait pas de concessions suffisantes ou se résignait à un transfert du pouvoir – les tensions et les conflits qui pourraient en résulter se répandraient dans tout le Moyen-Orient.
Le roi Abdullah de Cisjordanie a déclaré que s’il était à la place de son ami de longue date Assad, il se résignerait. Il a également émis un avertissement quand au remplacement du leader autoritaire par un autre membre haut placé du parti Baath, ajoutant qu’il y a peu de chance que cela apporte une once de stabilité. Le renouvellement des protestations de masse en Egypte prouve la véracité de ses propos vis-à-vis de la classe dominante du moyen-orient.
L’Union Européenne (UE) a imposé des sanctions aux leaders Syriens: un embargo sur les armes et l’interdiction d’importer leur pétrole. De telles mesures, en plus de celles des USA, vont inévitablement affaiblir le régime d’Assad. En 2010 l’UE était le plus grand partenaire commercial de la Syrie, et représentait 22,5% de son chiffre d’affaire.
Le secteur du tourisme, qui contribuait à hauteur de 12% aux revenus du pays avant 2011, a aussi été touché. Résultat, le chômage augmente et la pauvreté s’intensifie; dans certains cas, les salaires ne sont même plus versés.
La balance des forces
Combien de temps Assad va-t-il pouvoir tenir dans de telles circonstances? L’élite nationale, dominée par la minorité alawite mais comprenant les élites d’autres secteurs de la population telles que la majorité sunnite et la minorité chrétienne, le supporte toujours, tout comme l’armée.
La Syrie dispose d’un important stock d’armes en provenance de Russie – la valeur des contrats actuels entre les deux pays dépasse les 2.5 milliards de dollars. Les élites ont également réussi à rassembler des centaines de milliers de ‘supporters’ du règne d’Assad dans une récente manifestation à Damas, mais de nombreuses personnes se sont vue contraintes d’y assister sous peine de représailles. Le Times (15.11.11) rapporte que le 13 novembre, un élève de 14 ans a été abattu pour avoir mené un refus massif contre la présence de son école à une manifestation en faveur du régime en place.
De plus, les organisations politiques faisant office de défenseurs de l’opposition sont elles-mêmes très divisées sur presque tous les sujets, que ce soit sur le fait d’encourager l’intervention étrangère ou bien de tenter d’enter en pourparlers avec le régime, ou sur la question de l’armement des manifestants. Les exilés de l’opposition au Conseil National de Syrie (CNS) – basé à Istanbul – réclament une intervention internationale pour protéger les civils. Cependant, en accord avec sa direction pro-capitaliste, bien que le CNS désire le départ d’Assad, il soutient la préservation des institutions étatiques, et principalement de l’armée. En Syrie, le Comité de Coordination Locale, la Commission Générale Révolutionnaire Syrienne, et la Fraternité Musulmane comptent parmi les organisations qui adhèrent au CNS.
Le Comité de Coordination Nationale (CCN), qui regroupe d’autres organes d’opposition, rejette de but en blanc l’intervention étrangère, mais demande la poursuite des manifestations pour mettre la pression sur l’armée afin de mettre fin à ses méthodes brutales, et préconise de dialoguer avec le régime afin de le réformer plutôt que de le remplacer.
Un programme socialiste est nécessaire
Pour faire court, l’opposition est désorientée et manque d’un programme qui pourrait unir les classes ouvrière et moyenne et leur fournir une stratégie de lutte de masse et de grève générale – entraînant avec elles les grandes ville de Damas et Alep entre autres – pour mettre fin au règne d’Assad. Elle doit aussi proposer une alternative viable, qui, pour mettre fin à la pauvreté et à la division, doit être un système socialiste basé sur une véritable démocratie ouvrière et une nationalisation des ressources-clés du pays.
L’état actuel de la révolution n’est pas surprenant au vu des décennies de répression des partis politiques et du contrôle exercé sur les syndicats. Mais des bases démocratiques pourraient êtres bâties très rapidement, de manière urgente dans les mois et semaines à venir.
Le rejet de l’assistance des pouvoirs régionaux et internationaux est justifié, en particulier dans le cas de la Turquie, membre de l’OTAN – encore un régime qui a persécuté ses propres opposants, mais qui prétend soutenir les opposants syriens. Les interventions impérialistes en Irak, en Afghanistan et en Libye ont démontré que leur véritable objectif est le prestige, l’influence, le commerce, et l’acquisition du marché et des ressources naturelles. Les travailleurs syriens ne peuvent compter que sur la solidarité et l’aide d’organisation ouvrières internationales.
En ce qui concerne la ”non-violence” et les armes, le seul moyen d’en finir avec les bains de sang le plus vite possible est de supporter le droit d’organiser des corps de défense armés de manière démocratique à la base de chaque communauté et de chaque lieu de travail. Les tanks et les missiles ne peuvent être contrés à mains nues sans une hécatombe – une défense armée et non sectaire s’impose donc.
Intervention militaire extérieure
Les puissances occidentales ont jusqu’à présent rejeté toute intervention militaire, même de petite ampleur, telles qu’un embargo aériens le long des zones frontalières. Bien qu’elles considèrent leur opération en Libye comme une réussite , elles ont failli s’enliser dans un combat sans fin, et sans garantie de gains réels. L’intervention militaire en Syrie serait bien plus risquée au vu des différences essentielles entre la Syrie et la Libye. En plus de son assemblage bien plus complexe d’ethnies, de religions et de nationalités, la Syrie se trouve à une position charnière du Moyen-Orient, les répercussions régionales seraient donc potentiellement bien plus graves.
L’éditeur diplomatique du Times, Roger Boyes, commente: “Un dictateur brutal du Moyen-Orient, c’est une chose; un pouvoir en train de s’écrouler, aux frontière d’Israël et de l’OTAN, c’en est une autre”.
Mais cette prudence ne les empêche pas de se mêler des affaires syriennes autrement, sans pour autant apporter le moindre soutien aux luttes de la population. Au lieu de cela, elles se préparent à la chute d’Assad, en discutant avec de soi-disant ”leaders” de l’opposition, espérant ainsi pouvoir les utiliser pour mettre en avant leurs intérêts occidentaux, comme ils l’ont fait lors de la chute de Kadhafi.
"Cela fait plusieurs mois que nous sommes en contact avec des membres de l’opposition. Nous sommes maintenant en train de consolider ces contacts", a déclaré une porte-parole anglaise du bureau des affaires étrangères, alors que le secrétaire des affaires étrangères William Hague a organisé des rendez-vous avec le CNS et le CCN à Londres le 21 novembre.
Bien que les puissances voient une opportunité dans la chute d’Assad – par exemple l’affaiblissement de son influence dans la région du Hezbollah au Liban, et surtout en Iran, elles craignent le chaos qui pourrait résulter. Comme le fait que l’Iran mette en avant ses intérêts en Irak plutôt que ceux de l’impérialisme occidental.
La classe ouvrière syrienne ne doit se fier qu’à ses propres forces – qui sont immenses – pour avancer. Le chemin ne sera pas aisé. Malgré sa détermination à se battre jusqu’au bout, Assad pourrait fuir ou se voir retirer le pouvoir, et alors la classe ouvrière devra être prête à imposer sa vision d’un nouveau gouvernement. L’expérience des travailleurs en Tunisie, en Egypte et en Libye est un exemple flagrant que nulle confiance ne doit être placée dans les mains d’autres régimes, des généraux de l’armée, ou celles d’autres politiciens pro-capitalistes. Il faut au contraire proposer une solution socialiste comme seul moyen d’enrayer le chômage, de mettre fin à la pauvreté et aux carnages, et de garantir des droits démocratiques pour tous.
- Une lutte unie contre le régime menée par la classe ouvrière et les démunis en Syrie, quelles que soient leurs origines ou leur religion.
- Bâtir des comités démocratiques sur les lieux de travail, et des organes de défense anti-répression pour continuer la lutte.
- Refus net de toute ingérence étrangère de la part des capitalistes.
- Pour des syndicats unifiés et un parti ouvrier de masse.
- Pour une assemblée constituante révolutionnaire.
- Pour un gouvernement ouvrier et démocratique, avec une politique socialiste, garantissant l’ensemble des droits démocratiques pour toutes les minorités.
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Qu’est-ce que la démocratie socialiste ?
Les récents mouvements de masse illustrent la façon dont une situation révolutionnaire peut évoluer en une révolte de masse et en une recherche d’un gouvernement alternatif. Pour nous, l’aboutissement de ce processus est l’instauration d’un gouvernement des travailleurs représentant les intérêts de la majorité de la population et non pas ceux de l’élite.
Tout mouvement adoptant un caractère révolutionnaire voit apparaître la nécessité de formes d’organisations de la lutte permanentes. En général, il s’agit de comités ou de conseils démocratiquement élus qui rassemblent la population au niveau des entreprises, des quartiers, des écoles, des universités, etc. En Russie, les soviets (‘‘conseils’’) s’étaient en fait unis aux comités de grève, qui ont commencé à organiser des couches de plus en plus larges.
Dans ces organes de la révolution, les marxistes sont en faveur de la libre organisation des travailleurs et des jeunes en divers partis et courants, avec la liberté d’expression pour chacun. En Russie, les Bolchéviks avaient débuté en tant que courant minoritaire début 1917 mais, suite à l’expérience concrète acquise par les masses, suite à leur argumentation et à l’exemple donné par leurs militants, ils ont fini par emporter une majorité démocratiquement élue dans les soviets, les organes de masse de la classe ouvrière, de la jeunesse et des soldats.
Les représentants démocratiquement élus étaient révocables en permanence et ne pouvaient pas gagner plus que le salaire moyen d’un travailleur. Le niveau de vie sera plus élevé dans un système socialiste, mais les élus ne peuvent pas constituer une élite privilégiée avec un style de vie complètement étranger à celui de la population, comme sous le capitalisme ou le stalinisme. En définitive, la clé de la défense d’un État des travailleurs démocratique se trouve parmi les masses et non au sein d’un appareil policier ou militaire.
Les marxistes sont en faveur d’actions décidées et disciplinées, et non pas pour les “émeutes” ou le “chaos” que certains tentent d’associer à l’idée de “révolution”. Nous défendons l’utilisation de méthodes non-violentes au sein des mouvements de masse, mais pensons que les masses doivent organiser la défense du mouvement via des comités démocratiques de masse. Gagner le soutien de la majorité de la population est notre première tâche politique, ce qui différencie le marxisme des courants anarchistes.
Dans une économie démocratiquement planifiée, basée sur des entreprises qui appartiennent à la collectivité, ce genre de conseil, organisé sur les lieux de travail, dans les quartiers, etc. devra se réunir sur le plan local, mais aussi sur le plan national en un gouvernement ouvrier. Et plus largement, former la base pour un socialisme mondial qui est seul à offrir une solution à la pauvreté, au chômage, aux conflits ethniques et nationaux, à la destruction de l’environnement, etc
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Russie: Deuxième vague de privatisation, stoppons-la avant qu’elle ne nous engloutisse
En décembre passé, le président du gouvernement de la Fédération de Russie, M. Vladimir Poutine, a confirmé le programme de vente des actifs fédéraux entre 2011 et 2013. Conformément au plan de l’année 2011, les premières ventes aux enchères ont commencé fin mai. Ainsi a démarré la “deuxième vague” de privatisation.
Klimov, CIO, Moscou
« Les recettes de la Russie en provenance des privatisations s’élèvent à des trillions de roubles », annonce avec entrain le ministère du Développement économique. Divers fonctionnaires haut placés nous rappellent que nous vivons à présent dans un contexte de bas prix du pétrole sur les marchés mondiaux et de déficit budgétaire. Cela sous-entend, semble-t-il, que dans de telles conditions, la vente des actifs étatiques est absolument indispensable pour compléter le Trésor – mais c’est là surtout l’explication destinée aux “roturiers conservateurs”, qui se souviennent encore des charmes de la “première vague” de privatisation des années ’90.
Pour les partisans du libre marché (y compris les cercles proches du pouvoir), c’est une toute autre inquiétude qui a refait surface. En dépit des plans de privatisation mis en place chaque année, on a commencé à entendre çà et là des plaintes à la fin des années ‘2000, comme quoi la part de l’État dans l’économie de la Russie s’approche des 40% : « Pour un pays avec une économie de marché, cela est absolument inadmissible ! »
Comme nous nous en souvenons, l’objectif fondamental de la fameuse “modernisation” de Medvedev, était la hausse de “l’attrait de l’économie russe pour les investisseurs”. Si on gratte un peu sous la surface de l’ambitieuse propagande sur les nano-technologies et les productions de haute technologie (à laquelle il semble déjà que personne ne croit), nous voyons les principales figures du gouvernement – en la personne, par exemple, du ministre des Finances Kourdine – parler de privatisation. Une coïncidence fort caractéristique, n’est-ce pas ?
Le menu pour les investisseurs
Selon les communications dans la presse, les gros objets de privatisation en 2011 – 2013 seront, entre autres, la SAO “Apatite”, la maison d’édition “Prosvechtcheniye” (les Lumières), la compagnie d’aviation “Sibir” (Sibérie), la flotte de pêche d’Arkhangelsk, l’usine automobile d’Oulianovsk, le port de pêche de Mourmansk, le port d’Orient, et la compagnie “Almazny mir” (monde de diamant).
On a aussi la privatisation partielle des entreprises-clés de l’économie : “Rosneft” (25% des actions), “RusHydro” (à 7,97%), la compagnie du réseau fédéral du Système énergétique uni (à 4,11%), la “Sovremenny kommertcheski flot” (“Flotte commerciale moderne”) (à 50%), la banque Sberbank Rossii (à 7,58%), et la banque VTB (à 35,5%).
D’ici 2013, le gouvernement prévoit de vendre 25% des actions de la SAO “Rossiyskiye jeleznyïe dorogui” (Chemins de fer russes), et 50% de “RossAgroLeasing”. Quant à la “Ob’yedinennaïa zernovaïa kompaniya” (compagnie céréalière unifiée), qui exporte 11% du grain russe et est en partie responsable de la construction et de l’exploitation des silos, ainsi que de la régulation étatique du marché de la production agricole, des matières premières et des denrées alimentaires, elle se verra entièrement amputée du lait, et ce, avant 2012. À la lumière de l’envolée des prix des denrées de base de l’an dernier (à cause de la sécheresse anormale, de la mauvaise récolte et de la spéculation non contrôlée sur les marchés), on voit que tout ceci est très “opportun”.
Il semble que le seul problème qui inquiète les organisateurs de ce festin néolibéral consiste en cette citation de la “Rossiyskaïa gazeta” : « Le marché sera incapable d’“avaler” l’entièreté du volume d’actifs privatisés ».
Et qui paie l’addition ?
En première ligne, bien sûr, les travailleurs et les travailleuses des entreprises privatisées. Le fameux “attrait pour les investissements” duquel les capitalistes et leur gouvernement aiment tant parler consiste en la possibilité d’imposer aux travailleurs des conditions plus frugales : travaille plus, reçoit moins, et les garanties sociales, oublie-les. Même dans les entreprises où l’État conserve assez d’actions que pour en garder le contrôle décisif, il va devoir prendre en compte les appétits des nouveaux propriétaires avec lesquels il partage le gâteau.
D’ailleurs, rien de neuf. Au final, n’est-ce pas pour cela qu’a été entrepris le passage à l’actionnariat de nombreuses “goskompanii” (compagnies d’État), afin de donner à l’État “social” la possibilité de remplir le rôle du capitaliste, d’agir comme un capitaliste, pour après quelque temps commencer à partager ce rôle avec ses amis, les Prokhorov et les Deripask ?
Peu réconfortante aussi, est la perspective en ce qui concerne le budget d’État. Le budget recevra en une fois le fameux trillion de la vente des entreprises – mais perdra pour toujours les revenus provenant de leurs activités. Pourtant, quelques-unes seulement des actions de “Rosneft” qui sont en train d’être privatisées pourraient rapporter chaque année 75 milliards de roubles au budget.
Et après cela, ils nous parlent encore de manque de moyens, et de l’impossibilité de subvenir au financement de l’enseignement, de la santé et des compagnies de services de logement. Les classes bondées et les hôpitaux surchargés, les enseignants et les docteurs qui vivent dans la pauvreté, les pensionnés qui mendient – sur un arrière-plan de nouveaux “propriétaires efficaces” et satisfaits. Et quel remède est suggéré face à tout cela ? À nouveau la privatisation – du secteur social cette fois !
Privé et collectif
La nationalisation de l’industrie et des banques – voilà l’alternative logique à la politique actuelle du gouvernement, et cette alternative, de plus en plus de gens commencent à s’en souvenir. Et même, pour une fois, le chef de la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FSIR), Mikha’il Chmakov – mais dans quel contexte ! Voilà sa déclaration au meeting du Premier Mai de la FSIR et de “Russie unie” (le parti de Poutine et Medvedev) : « Si l’entreprise n’a aucune responsabilité sociale, alors il faut prendre cette entreprise, la nationaliser… et après cela, la transmettre à des propriétaires qui prendront sur eux des engagements sociaux ».
On sait qu’un propriétaire privé ne peut s’autoriser d’être “responsable sur le plan social” que lorsque les affaires de sa compagnie vont bon train, de sorte qu’il puisse peut-être – peut-être – envisager de partager une partie des bénéfices avec les travailleurs. Au point que la proposition de Chmakov signifie dans les faits : nationaliser les pertes, mettre en place l’“optimisation” et la “modernisation” (aux frais d’une partie des travailleurs et des travailleuses, bien entendu), et ensuite, redistribuer l’entreprise aux “propriétaires efficaces” suivants.
Dans de telles conditions, il ne reste pas d’autre choix aux simples travailleurs que de tenter de prendre par eux-mêmes des mesures contre la nouvelle vague d’offensive capitaliste. S’organiser sur les lieux de travail et lutter pour l’annulation des plans de privatisation, en commençant à partir d’une entreprise concrète – jusqu’à la grève s’il le faut. S’organiser sur le lieu de vie et lutter pour l’accroissement des dépenses pour les budgets sociaux, en commençant à partir de district ou ville concret – et jusqu’à des actions de protestation de masse s’il le faut. Créer une organisation politique des travailleurs, lutter ensemble pour obtenir le passage à la propriété collective des grosses entreprises, sous le contrôle et la gestion des travailleurs – ouvriers et employés. Accomplir des réformes socialistes radicales et diriger le cours économique du pays vers la satisfaction des intérêts de la majorité de la société, et non des capitalistes et de leurs amis au gouvernement.
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La réponse politique de Gustave Dache à Louis Van Geyt, l’ancien président national du Parti Communiste Belge
Comme je l’ai déjà écrit, je ne suis pas partisan d’entretenir, avec qui que ce soit, des querelles d’anciens combattants nostalgiques, même si mon livre sur ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61” a provoqué des réactions controversées de la part de tous ceux qui y sont politiquement mis en cause. Cette brève réponse me parait toutefois nécessaire. Ce qui est encore aujourd’hui le plus dérangeant pour les staliniens, c’est qu’ils ont été obligés de constater que d’autres militants ouvrier, comme, entre autres, des militants trotskistes, ont pu avoir un rôle modeste mais combien réellement actif, à la pointe du combat de classe, dans cette grève générale de 60-61. Le lecteur trouvera dans mon livre une analyse plus complète sur le rôle du PCB que dans cette brève réponse.
Par Gustave Dache, auteur du livre ""La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61"
Pour en savoir plus
- Rubrique de ce site consacrée à la grève générale de l’hiver 60-61
- Présentation du livre de Gustave Dache
- Retour sur la "Grève du siècle" Dossier de Lutte Socialiste basé sur le livre de Gustave
- Les grèves générales à nouveau à l’ordre du jour
Quelques unes des activités autour de ce livre
- Conférence-débat : "Le mouvement ouvrier : hier, aujourd’hui et… demain" (21 janvier)
- Soirée 60-61 à Namur (8 janvier)
- Colloque "Grande Grève" à l’Université de Liège (12 décembre)
- Conférence à l’ULB: Hier et aujourd’hui, luttons pour nos droits ! (6 décembre)
- Charleroi: Rencontre intergénérationnelle sur la grève générale de l’hiver 60-61 (26 novembre)
- Charleroi: Inauguration d’une exposition de photographies sur la grève générale de 1960-61 (13 novembre)
L’initiative de la préparation du déclenchement et de l’extension interprofessionnelle de la grève générale de l’hiver 60-61 ne revient certainement pas exclusivement au PCB-KPB. Certes, le PCB, surtout ses militants de base, ont été des acteurs importants dans la préparation et le déclenchement de cette grève générale dans différents secteurs, surtout du privé, mais ils ne furent pas les seuls. Si on veut rester objectif, politiquement, il ne faut pas que la direction du PCB s’en attribue l’exclusivité, car il ne faut pas oublier et négliger que d’autres militants de base – tels que des socialistes, des sans-partis, des militants syndicaux de la FGTB et de la CSC, des trotskistes ou des membres de la Jeune Garde Socialiste – ont eux aussi été des acteurs importants dans la préparation et le déclenchement de la grève générale.
D’ailleurs, il est tout aussi certain qu’une grève générale spontanée d’une ampleur historique ne sera jamais une œuvre individuelle, mais toujours une œuvre collective, provoquée d’abord par l’avant-garde radicalisée, toutes tendances de gauche confondues, s’appuyant sur la volonté de lutte de l’ensemble de la classe ouvrière. Mais aujourd’hui est-il encore nécessaire de rappeler, comme le disait Lénine, que: ”On ne peut vaincre avec l’avant-garde seule.” Il ne suffit pas pour vaincre et guider la classe ouvrière vers la victoire d’être uniquement des acteurs importants du déclenchement d’une grève générale spontanée, encore faut-il être un parti politique porteur d’un programme politique révolutionnaire de rechange, visant essentiellement au renversement du régime capitaliste et déterminé, au moment venu, d’agir en ce sens, sans la moindre réserve.
Mais pour la direction du PCB, ce ne fut certainement jamais le cas. Je ne prendrai pour preuve que ce que l’ancien président national du PCB, Louis Van Geyt, nous rappelle dans la note de ”L’Étincelle” parue sur internet le 10 février 2011, reprenant la position politique que le PCB avait adoptée lors de la grève générale de l’hiver 60-61. Il a continuellement mis l’accent sur le caractère, ”constitutionnel et non insurrectionnel de la lutte” et en plus, tout comme André Renard, il s’est ”opposé principalement à la marche sur Bruxelles” ainsi qu’aux ”actions violentes comme aux Guillemins, au sabotage des pylônes électriques, etc.”, soi-disant pour ”riposter efficacement à l’aile dure autour du gouvernement.”
Plus respectueux de la légalité bourgeoisie, il n’est pas possible de trouver. Pourtant, toutes ces actions de violence et ces nombreux actes de sabotage sont inhérents à toute grève générale, à toute lutte révolutionnaire de la classe ouvrière. Il y a de quoi se demander s’il s’agit bien du même parti communiste qui avait participé à la résistance contre l’occupation allemande durant la guerre 40-45 où, pendant cette période, de nombreux actes de sabotages ont été commis par les résistants de toutes tendances politiques. Par contre, d’un autre côté, certains syndicalistes de la base, membres du PCB et en contact direct avec la base dans les usines disaient autre chose. Ainsi, Robert Dussart, délégué syndical FGTB aux ACEC, affirmait, ce à quoi je souscris entièrement, que: ”Il faut préparer sérieusement une Marche sur Bruxelles (…) L’expérience de 1950 a prouvé qu’un tel mot d’ordre est efficace.” (La Gauche du 7 février 1961).
La tactique politique et les objectifs de la direction nationale du PCB lors de la grève générale de 60-61 ne cadrait absolument pas avec les actions politiques attendues d’un véritable Parti Communiste révolutionnaire. Comme Lénine l’a d’ailleurs magistralement et indiscutablement défini, lorsqu’il disait: ”qu”il fallait préparer activement une situation révolutionnaire”, même en période de mouvement de grève moins général, avec toujours comme but essentiel de contraindre l’adversaire à céder. Cette citation de Lénine est d’ailleurs valable pour tout parti qui se réclame du marxisme.
Lorsque la grève générale de 60-61 fut déclenchée, la tactique politique adoptée par la direction nationale du PCB correspondait à une politique s’inspirant du caractère du pacifisme, du légalisme, du réformisme, du suivisme face aux appareils syndicaux et d’un alignement sur la politique du grand frère de la social-démocratie réformiste du PSB qui préconisait dans son éditorial du Peuple du 7 janvier 1961, pour décourager les grévistes de réagir suite aux tués du 6 janvier à Liège: ”qu’ils calment leurs nerfs, qu’ils tiennent paisiblement le coup, pas de violence. Sang-froid et décision.” La direction nationale du PCB se limitait de plus à pratiquer une tactique politique réformiste axée sur une action exclusivement parlementaire, au détriment de toute action extra-parlementaire. Le PSB et le PCB n’envisagèrent qu’une opposition exclusivement parlementaire. D’ailleurs le PCB proposait pour toute action que : « des délégations de grévistes rendent visite au parlementaire de droite ». Les militants de la base du PCB, qui avaient participé à la résistance contre l’occupation nazie, avaient de bonnes raisons d’être profondément déçus et choqués par la tactique ainsi que l’orientation prises dans le conflit par la direction du PCB.
Toutes les tendances et directions de la gauche traditionnelles, dont le PCB, ont chacune donné durant toute la grève des gages de loyauté à la bourgeoisie par leur tactique et leur politique conciliatrice, qui restaient dans un cadre strictement légaliste des institutions de la bourgeoisie. Ces directions ouvrières traditionnelles ont aussi démontré aux larges couches de grévistes qu’elles ne souhaitaient pas pousser les hostilités contre la bourgeoisie jusqu’à leur terme en développant une tactique et une politique d’action révolutionnaire conséquente conduisant à la lutte pour le pouvoir.
En ce qui concerne l’objectif qui était poursuivi par la direction du PCB, parlons-en du ”constitutionnalisme” du PCB ainsi que du fédéralisme cher à André Renard. Que ce soit avec l’un ou l’autre, il n’y a que le nom qui change, le but est le même rester dans le cadre du capitalisme. Qu’il y a-t-il aujourd’hui de fondamentalement changé pour les travailleurs avec les réalisations politiques du fédéralisme ? Les travailleurs ne subissent-ils plus l’exploitation effrénée du régime capitaliste qui engendre la misère ?
La grande différence, c’est qu’aujourd’hui, avec le fédéralisme, il y a en Belgique 15% de la population qui vit dans la pauvreté, 23% des retraités vivent sous le seuil de pauvreté. En dix ans, les pensionnés ont perdu près de 30% de leur pouvoir d’achat et 22% des femmes seules n’arrivent plus à joindre les deux bouts. Il y a un chômage croissant, et en même temps un nombre croissant d’exclusions des indemnités de chômage. Et en plus de tout ce qui précède, ce sont les jeunes travailleurs intérimaires qui subissent de plein fouet l’instabilité de l’emploi suite aux variations de la conjoncture économique provoquées par les crises successives du régime capitaliste, avec toutes les conséquences qui brisent la solidarité entre les travailleurs. Intolérable, scandaleux, irresponsable de la part des directions politiques et syndicales du mouvement ouvrier d’avoir accepté et de toléré des contrats de travail précaires, remettant ainsi en cause les conquêtes ouvrières si durement arrachées par les travailleurs dans les luttes du passé. Et toute cette politique avec le fédéralisme et un gouvernement en Wallonie à majorité socialiste, tout comme le souhaitaient André Renard et ses amis politiques socialistes. Pendant ce temps, les bénéfices des entreprises capitalistes sont constamment en augmentation. La crise, c’est pour les petites gens.
Pour terminer cette brève réponse politique, je voudrais encore m’attarder sur le commentaire et le bravo de Josiane Vrand, ex-fonctionnaire employée au bureau du PCB, lorsqu’elle dit que : pour la mise au point de Louis Van Geyt. La façon dont certains ont réécrit l’histoire de la grève de 60-61 et se sont auto-glorifiés – souvent sans que le recadrage nécessaire ne soit opéré – en a choqué plus d’un.»
L’initiative d’écrire un livre engagé politiquement, comme l’expression d’un parcours et d’un témoignage vécu, n’est pas nécessairement une garantie de faire l’unanimité politique. Chacun a sa propre perception politique d’un évènement, comme par exemple la grève générale historique de l’hiver 60-61. Tous n’en tirent pas les mêmes conclusions. Mais par contre, de mon côté, je reste effectivement persuadé que d’après les retours que j’ai été amené à entendre suite à la parution de mon livre, il apparait que celui-ci en a choqué plus d’un parmi les bureaucrates syndicaux et politiques, ainsi que parmi mes détracteurs politiques de tendance dite radicale. Le contraire m’aurait d’ailleurs inquiété.
Mais d’un autre côté, je reste conforté dans mon analyse politique. Plusieurs anciens travailleurs et des syndicalistes qui ont participé à cette grève générale du siècle m’ont fait part, lors des meetings que j’ai été amené à faire, de leur approbation quant au contenu et aux conclusions politiques exposées dans mon livre qui, d’après certains, est une révélation puisque cette grève générale de 60-61 a été pour deux générations de militants ouvriers complètement occultées. Certains d’entre eux considèrent même que ce livre sera comme un outil de référence dans leur engagement politique et syndical sur le terrain de la lutte des classes.
Il ne faut tout de même pas perdre de vue qu’entre ceux qui ont participé activement et se sont engagés sans réserve dans ce combat de classe et qui savent de quoi il s’agissait réellement et ceux qui à l’époque étaient encore au berceau, il n’y a pas photo. Si, aujourd’hui, certains de mes détracteurs politiques adoptent plus que d’autres un réflexe d’auto-défense par rapport à leur propre tendance politique, leur propre appareil de parti, c’est parce que les uns et les autres restent aujourd’hui comme hier largement mis en cause politiquement. C’est là la raison essentielle pour laquelle certains évitent d’aborder le fond du débat politique, s’attardant plutôt sur la forme du livre que sur son contenu politique. En politique, il est toujours risqué de se présenter en donneur de leçon, en virtuose de la modestie, car souvent ce n’est que l’expression d’un mépris politique sectaire envers les militants politiques d’autres tendances politiques que la sienne. Ce livre n’a d’ailleurs aucune prétention de glorification de qui et de quoi que ce soit.
L’auteur a surtout voulu établir sans complaisance les responsabilités des directions traditionnelles du mouvement ouvrier ainsi que de la gauche socialiste et aussi exprimer une expérience syndicale et politique vécue sur le terrain de la lutte des classes, ce qui n’est pas en soi déshonorant. Cela afin de convaincre les jeunes militants ouvriers d’aujourd’hui d’avoir et de garder envers et contre tout le scepticisme régnant surtout chez la plupart des dirigeants politiques et syndicaux réformistes, une grande confiance dans les incommensurables capacités révolutionnaires que la classe ouvrière est toujours aujourd’hui comme hier capable de déployer.
A la lecture de ce commentaire, il est évident que certains ex-fonctionnaire du PCB ont un certain culot politique pour oser parler aujourd’hui de recadrage et d’auto-glorification. En effet, malgré la rupture avec le sectarisme du XIe Congrès du PCB de Vilvorde en 1954, il est resté au PCB, des incorrigibles sectaires nostalgiques de l’époque stalinienne, toujours admirateurs en silence du ”Petit Père du Peuple”, Staline, que Trotsky avait dénoncé après la mort de Lénine comme ”le fossoyeur de la révolution d’Octobre 1917”, ce qui s’est avéré historiquement et incontestablement exact. Toutes les bureaucraties, tous les fonctionnaires, tous les courtisans serviles des appareils du PC stalinien du monde ont, pendant le régime néfaste du stalinisme, soutenu et approuvé par de longs et interminables bravos Staline, en lui portant une glorification sans borne. Ils ont tous contribué à conduire l’URSS à sa perte. Dans toutes les controverses entre staliniens et trotskistes, l’histoire a tranché. Le stalinisme a été définitivement condamné, et il ne se relèvera jamais.
Pour accéder au texte auquel fait allusion Gustave Dache, veuillez cliquer ici.