Tag: Russie

  • APPEL URGENT. Nos camarades Kazakhs Esenbek Uktesbhaev et Aimur Kurmanov sont en danger

    Ci-dessous, une lettre de nos camarades, qui ont de bonnes raisons de craindre une arrestation ou un enlèvement dans les jours qui viennent. Nous devons faire le maximum pour l’éviter. Nous prenons des mesures concrètes en Russie, mais une campagne internationale de soutien aux travailleurs en lutte doit s’organiser.

    Veuillez envoyer rapidement des mails de protestations à l’ambassade du Kazakhstan en Belgique à : bolat.temirbayev@gmail.com ainsi qu’au ministère des affaires étrangères kazakhes via l’adresse : mid@mid.kz (mail-type en anglais)

    Communiqué de presse:

    Au directeur exécutif de tous les mouvements des droits de l’homme en Russie, Lev Aleksandrovitch Ponomarev.

    Au directeur de l’institut pour les droits humain, Valentin Michaelovitch Gefter.

    De la part de Esenbek Uktesbhaev, president du syndicat Kazakh “Zhanartu” (rennaissance), et le vice président de Zhanartu , Aimur Kurmanov.

    Nous, les leaders du syndicat indépendant des travailleurs, Zhanartu – Esenbek Uktesbaev, président, et le vice président, Aimur Kurmanov- tenons à vous alerter sur le fait que nous pourrions bientôt être soumis à une arrestation ou à un l’enlèvement, résultant de notre éloignement de force du territoire de la République du Kazakhstan, où l’arrestation et l’emprisonnement nous attendent inévitablement.

    Le fondement de ces affirmations est dû à la venue à Moscou du chef du Département des affaires internes de la région de Mangistau, le colonel Amanzhol Kabylov, avec un groupe d’officiers des renseignements, pour mener des négociations avec les policiers de la Fédération de Russie. Nous l’avons appris par le biais de journalistes russes et aussi par nos sources au Kazakhstan. Le sujet de ces négociations est évident – planifier la réalisation de notre arrestation en collaboration avec les forces russes, car nous sommes actuellement sur le sol de Russie.

    Le dit Colonel de haut rang du Ministère des affaires intérieures Kazakhes, est actuellement chargé de "l’enquête" sur le cas des événements sanglants du 16 Décembre dans la ville de Zhanaozen et à la station Shetpe dans la région Mangistau, qui, selon nos informations, ont abouti à la mort d’un grand nombre de travailleurs en grève et leurs proches qui avaient été impliqués dans une manifestation pacifique.

    En tant que résultat de la collaboration du ministère de l’Intérieur et le Service de sécurité du Kazakhstan, de nombreuses affaires criminelles ont été déposées et des dizaines de personnes ont déjà été arrêtées. Tels que les travailleurs prenant part à la grève massive du pétrole, une grève qui dure depuis le 17 mai, ainsi que les dirigeants du parti d’opposition «Alga» («En avant») – Vladimir Kozlov, Ayzhangul Amirov, Ruslan Simbinov, Serik Sapargali, ainsi que le rédacteur en chef du journal indépendant, «Vzglyad» («Point de vue») , Igor Vinyavski.

    Tous ceux-ci, ainsi que des dizaines de personnes qui sont interdites de voyager, sont accusés en vertu de plusieurs articles du Code criminel: 164 ‘d’incitation à la discorde sociale ", 241’ d’avoir organisé des émeutes" et 170 "d’appeler au renversement du système constitutionnel actuel». Nous sommes, depuis le 7 Octobre, dans une visite prolongée en Russie, où nous avons échangé des expériences avec les organisations des travailleurs et les médias qui appuient les travailleurs du secteur pétrolier en grève dans Mangistau et les membres de notre syndicat au Kazakhstan. Chez nous, dans notre pays, en été, il y avait aussi une affaire portée au pénal contre nous à l’initiative de l’arbitraire autorité locale – en vertu de l’article 327 du Code pénal. Mais en ce moment, il est suspendu et il est censé être totalement arrêté en raison d’une amnistie qui a été annoncée.

    Mais comme nous l’avons appris par nos sources au sein des organes de répression, une nouvelle affaire pénale est déjà en cours de fabrication relevant de l’article 164 du Code pénal pour «incitation à la discorde sociale". En fait, il s’agit d’une tentative de nous rendre responsable, ainsi que l’opposition, pour les événements tragiques du 16 décembre à Mangistau. C’est la raison pour laquelle le premier commandant de Zhanaozen est à Moscou, afin d’organiser notre arrestation et notre remise ultérieure à Aktau. Nous craignons que notre arrestation puisse être faite dans le secret et réalisée sous la forme d’un enlèvement, sans aucune annonce au niveau international, ni aucun respect des conditions pour l’extradition. Cela a déjà été fait par les services spéciaux ouzbeks et tadjiks contre leurs opposants et dissidents politiques, qui se trouvaient dans la Fédération Russe. De même, nous vous assurons que nous sommes en Russie légalement et nous n’avons commis aucune infraction envers la loi Russe. Nous nous sommes seulement engagés dans la défense de nos concitoyens, leurs droits étant violés par les autorités dans notre pays. Nous vous demandons de l’aide, et l’organisation d’une campagne de défense en cas d’arrestation illégale ou d’enlèvement par les services secrets kazakhs, sur le territoire de la Fédération Russe.

    Sincèrement vôtres,

    Esenbek Uktesbhaev, président du syndicat Kazakh “Zhanartu” , et le vice président de Zhanartu , Aimur Kurmanov.

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.

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    A noter dans votre agenda

    • Lun. 13 fév. Liège. Meeting avec Eric Byl : Comment poursuivre la lutte contre l’austérité ? 19H30, salle Wittert à l’ULG, place du XX août.
    • Je. 23 fév. Gand. Soirée de soutien pour la manifestation anti-NSV
    • Mer. 7 mars. Anvers. Meeting des Etudiants de Gauche Actifs (EGA) : D’un ”conflit des générations” à une lutte commune des jeunes et des aînés contre l’austérité.
    • Jeu. 8 mars. Liège. Meeting des Etudiants de Gauche Actifs : Défendons le droit à l’avortement ! 19H30, salle Wittert, ULG place du XX août.
    • 8 mars. Louvain. Meeting des Etudiants de Gauche Actifs dans le cadre de la mobilisation pour la manifestation anti-NSV
    • Sa. 10 mars. Anvers. Le PSL et la campagne Tamil Solidarity présentent : la Journée Tamoule du Socialisme.
    • Di. 11 mars. Bruxelles. 14h30 Gare de Bruxelles Nord : Manifestation nationale : "Plus jamais Fukushima"
    • Jeu. 15 mars. Louvain. Manifestation antifasciste anti-NSV. 20h Martelarenplein
    • Sa. 24 mars. Protestations contre le rassemblement anti-avortement à Bruxelles. 14h place Poelaert (devant le Palais de Justice)
    • Sa-Di 28 et 29 avril : ”Socialisme 2012”
    • 7-9 décembre: Congrès National du PSL

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    Comité National du PSL

    Le week-end dernier s’est déroulé le Comité National du PSL, avec des discussions politiques consacrées aux perspectives internationales et belges, ainsi qu’aux structures de notre parti et à ,leur construction. Ce fut l’occasion de débats très riches, qui ont notamment abordé l’étape actuelle du processus révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient, la crise continuelle du capitalisme (avec une attention plus particulièrement portée sur l’Europe et la Grèce) et les défis auxquels font face les travailleurs et les jeunes en lutte contre ce système en faillite. Dans la discussion sur la Belgique, il a beaucoup été question de la grève générale du 30 janvier et de la manière de poursuivre la lutte. Un tract à ce sujet vient d’être publié sur ce site aujourd’hui même. Nous avons aussi discuté des élections communales de 2012.

    La période qui arrive est traditionnellement bien remplie, avec bon nombre de manifestations pour lesquelles nous jouons un rôle crucial ou livrons un effort sérieux. Nous allons continuer à nous investir dans notre travail à destination de la jeunesse, mais nous avons posé des pas en avant dans le cadre de notre travail syndical, et nous allons continuer dans cette voie. C’est un terrain sur lequel nous commençons à gagner en autorité.

    Après ces manifestations fin février et en mars se déroulera un moment important de discussion et de formation : le week-end ”Socialisme 2012”, les 28 et 29 avril. C’est un rendez-vous très important pour tous les militants.


    Appel financier pour le Kazakhstan

    Ces prochains jours et semaines, nous allons mener une campagne en solidarité avec nos camarades au Kazakhstan. Après le massacre qui a été perpétré contre les grévistes du pétrole à Zhanaozen en décembre 2011, où l’intervention des ”forces de l’ordre” a causé au moins 70 victimes et plus de 500 blessés, la répression se poursuit. Certains responsables de notre section au Kazakhstan du mouvement plus large ‘Mouvement Socialiste du Kazakhstan’ sont actuellement en exil en Russie. Pour aider le travail des socialistes authentiques au Kazakhstan, la solidarité internationale est de la plus haute importance. Plus d’informations suivront bientôt.


    MEETING: Comment poursuivre la lutte contre l’austérité ?

    Ce lundi 13 décembre, 19h30, à l’Université de Liège (ULG), place du XX Août, Salle Wittert

    Avec Eric Byl, responsable du travail syndical du PSL

    La grève générale du 30 janvier dernier a frappé les secteurs privé et publics et a massivement été suivie. Mais le gouvernement persiste dans sa logique d’austérité et d’attaques contre nos services publics, allocations, pensions, conditions de travail,… L’austérité est-elle inévitable ? Comment poursuivre la lutte ? Pourquoi faire grève est-il indispensable ? Comment organiser la lutte à l’échelle européenne ? Comment renverser cette société et construire une société basée sur la satisfaction des besoins de tous ?

  • Questions fréquemment posées sur le socialisme

    Conséquence du développement du mouvement Occupy, l’opposition face au système économique et politique est devenue monnaie courante. Difficile d’imaginer que la femme au bandana sur la couverture du Time – représentation du “Manifestant”, personnalité de l’année selon le Time – puisse avoir quoi que ce soit de positif à dire au sujet du capitalisme, et l’omniprésence du masque de Guy Fawkes – popularisé par “V for Vendetta” – souligne encore plus à quel point les idées révolutionnaires sont à présent répandues.

    Par Brandon Madsen, Socialist Alternative (CIO-USA)

    Cependant, ce soutien croissant apporté à un changement de système n’a pas encore conduit à des discussions sérieuses quant à une quelconque alternative. Un nouveau sondage du Pew publié le 28 décembre 2011 indique que les personnes noires ou de moins de 30 ans sont majoritairement en faveur du socialisme, mais n’explique en rien ce qu’est le socialisme, ou comment un système politique et économique socialiste fonctionnerait. Nous vous offrons cet article comme base de discussion.

    Comment fonctionnerait une économie socialiste?

    Sous le capitalisme, les institutions où d’immenses richesses sont centralisées (les grandes entreprises) dirigent l’économie, et exploitent les plus pauvres pour accroître leurs propres richesses. Le but d’une économie socialiste est de renverser la vapeur : ce serait la classe ouvrière qui serait aux commandes de l’économie, et utiliserait les richesses et la productivité de la société pour améliorer ses conditions de vie. Pour cela, il faudrait rendre publiques les ressources des banques et des grandes entreprises, et les gérer de manière démocratique.

    Employer les chômeurs, redéfinir le budget et créer de l’emploi en tenant compte des priorités sociales – soins de santé, éducation, énergie propre, etc. – donnerait un énorme coup de fouet à la productivité et créerait des richesses. Une planification démocratique de l’économie permettrait à tout le monde d’avoir un travail bien rémunéré, un accès à des soins de santé de qualité, à un enseignement gratuit à tous les niveaux, et, bien sur, aux besoins vitaux tels que la nourriture et un logement. Mais cela ne se limiterait pas à ces bases; nous pourrions soutenir et encourager les musiciens, artistes, réalisateurs, designers, etc de façon à favoriser un développement culturel.

    Ce système économique nécessiterait une planification réfléchie, mais c’est déjà le cas d’une certaine manière sous le capitalisme. Des multinationales plus grandes que des Etats planifient déjà leurs niveaux de production et de distribution, décident des prix, et cela sans pour autant s’effondrer, rien ne dit que les travailleurs seraient incapables de faire de même.

    La différence sous le capitalisme, c’est que la planification n’est que partielle, incomplète, et antidémocratique, le but étant de maximiser les profits d’une élite. Sous le socialisme, nous pourrions décider des investissements en ayant une vue d’ensemble de l’économie mondiale, afin de subvenir aux besoins humains, de conserver un environnement sain, et de garantir à chacun le droit à une existence libre.

    Un système économique socialiste devrait être intégré de par le monde. C’est déjà le cas sous le capitalisme, nous vivons en effet dans un monde d’interdépendance. La globalisation vue par le capitalisme consiste à exploiter les économies les plus faibles, et à plonger dans une misère sans cesse croissante les travailleurs de par le monde. Sous le socialisme, l’intégration d’une économie globale aurait pour but d’améliorer la vie des gens.

    Une économie socialiste gérerait l’environnement de manière très différente. Tant que maintenant, les compagnies n’ont que faire des taxes environnementales, car elles peuvent les faire payer au public. Les coûts liés à la pollution de l’air et de l’eau sont réels, mais ils ne représentent pas une menace pour une entreprise comme Monsanto. Voilà pourquoi aucune corporation ne bougera le petit doigt pour l’environnement sur base des principes du marché libre.

    Une économie démocratiquement planifiée empêcherait les corporation de faire des profits en externalisant les coûts liés à la pollution. Au lieu de cela, l’efficacité, la préservation de l’environnement, et la satisfaction des besoins de base de chacun seraient les critères de décision économique. Au lieu de promouvoir des mesures inadéquates telles que les ampoules économiques et la sensibilisation au recyclage, une économie socialiste investirait dans un total renouveau de la production, mettant à profit les dernières technologies vertes pour assurer la protection de l’environnement et la création de millions d’emplois.

    Comment fonctionnerait une démocratie socialiste?

    La « démocratie » actuelle se limite à nous faire voter une fois de temps en temps afin de décider quel riche politicien prendra les décisions pour nous. Cela n’a bien sur rien de démocratique, encore moins quand la corruption issue des corporations s’en mêle.

    Au contraire, une démocratie socialiste serait une démocratie omniprésente, de semaine en semaine, présente sur tous les lieux de travail, dans toutes les écoles et communautés. Les travailleurs effectuerait une rotation des tâches, et les managers élus seraient révocables à tout moment si le besoin s’en faisait sentir. Chaque décision pourrait être réévaluée par un vote de la majorité.

    Le programme et les politiques scolaires, plutôt que d’être imposées par des administrateurs incompétents et des bureaucrates, seraient discutées conjointement par les parents, les professeurs et les étudiants. Des conseils de quartier décideraient de qui peut ou ne peut avoir une forme d’autorité, et dicteraient à leurs élus comment prioriser leurs efforts..

    Tout investissement et décision économique se ferait démocratiquement. Les lieux de travail et les quartiers éliraient des représentants à de massifs conseils locaux et régionaux, qui eux-mêmes éliraient des décideurs nationaux. Les représentants élus ne devraient avoir aucun privilège que ce soit comparé à leur électorat, et ils seraient révocables à tout moment.

    Afin de faciliter ce processus décisionnel démocratique, les horaires de travail et d’études devraient prévoir du temps pour des conseils et des discussions quand aux décisions. Grâce aux richesses nouvellement créées, la semaine de travail serait réduite afin de prodiguer aux gens le temps et l’énergie pour s’impliquer politiquement, et se réaliser hors du travail ou du cadre scolaire.

    Une élite bureaucratique ne prendrait-elle pas le dessus?

    Cela va sans dire, aux prémices d’une société socialiste, une lutte contre les carriéristes et la corruption sera nécessaire. Le bagage idéologique pernicieux issu de siècles de domination de classe ne s’évaporera pas d’un claquement de doigts. Mais en faisait des ressources productives de la société un bien public, en éliminant les privilèges, et en établissant les structures d’une gestion et d’un contrôle démocratiques, les obstacles barrant la route des aspirants bureaucrates seraient immenses.

    L’évènement qui fait craindre une prise de pouvoir de la bureaucratie est l’arrivée de Staline au pouvoir en Union Soviétique quelques années après la révolution russe de 1917. Cette dégénérescence tragique de la Révolution Russe a été débattue par des marxistes dans de nombreux ouvrages. La conclusion que l’on peut tirer de ces évènements après une analyse historique sérieuse, c’est que cette dégénérescence n’était ni naturelle, ni inévitable, mais juste un concours de circonstances particulières.

    Au moment de la révolution, la Russie était l’un de pays les plus pauvres, et la situation ne n’est guère améliorée lorsque les capitalistes détrônés, soutenus par 21 armées étrangères, on fait usage de violence pour récupérer le pouvoir des mains des assemblées démocratiques, ce qui a conduit a une guerre civile sanglante. Bien que la révolution prenait place ailleurs également, notamment en Allemagne, tous les mouvements furent réprimés, laissant la Russie isolée.

    Ce n’était pas le terrain idéal sur lequel fonder le socialisme. La base même du socialisme, c’est d’avoir suffisamment de moyens pour subsister, mais la Russie manquait de moyens. Dans ce contexte, les structures démocratiques des Soviets (les assemblées de travailleurs) ont cessé de fonctionner. Qui se soucie d’aller aux réunions politiques sans savoir s’il pourra se nourrir le soir?

    C’est cette sape du pouvoir des travailleurs, aggravée par l’isolement et le déclin économique du pays, qui a permis la bureaucratisation de la société et la montée de Staline en tant que leader. Mais ce n’eût rien de naturel. Staline a eu recours à l’emprisonnement, au meurtre et à l’exil, et a forcé des millions de gens dont le seul crime était leur attachement aux principes démocratiques de la révolution de 1917 à se soumettre.

    Cette expérience illustre l’importance de faire de la lutte pour le socialisme une lutte globale. A cause d’impérialistes pillant des ressources à travers le monde, certains pays pourraient manquer d’une base économique stable pour se mettre au socialisme, et auraient besoin de négocier avec des pays plus riches. Si la Russie avait pu recevoir la soutien ne serait-ce que d’un seul pays, comme l’Allemagne, l’histoire serait aujourd’hui bien différente.

    Ne serait-ce pas plus facile de réformer le capitalisme?

    Contrairement aux récits populaires, l’histoire du capitalisme n’est pas celle d’un progrès constant vers des sommets de démocratie et de richesse. Chaque réforme a nécessité une lutte de masse, remettant souvent en doute les fondements mêmes du système.

    Les réformes ne sont pas des cadeaux de politiciens au grand coeur, mais des concessions accordées dans l’unique but d’apaiser le mouvement et de faire oublier les vraies revendications. Que cela concerne les droits civils, le week-end de congé, ou le droit d’organiser uns syndicat, chacune de ces réformes a nécessité un combat constant contre la logique capitaliste, combats dans lesquels nombre d’innocents furent éliminés par les élites désireuses de mettre un terme à la lutte.

    Sous le capitalisme, même ces réformes partielles ne sont pas permanentes. Comme nous avons pu le voir ces dernières décennies, les capitalistes n’hésitent pas à annuler leurs réformes quand ils pensent pouvoir se le permettre.

    Les programmes sociaux pour lesquels les gens se sont battus bec et ongles par le passé se disloquent ou disparaissent sous des coupes budgétaires. Après avoir presque annihilé les syndicats dans le privé –où moins de 7% des travailleurs sont syndiqués – les politiciens se tournent maintenant vers le secteur public, dont un tiers des travailleurs n’est toujours pas syndiqué.

    Une base stable pour des réformes effective demanderait que les travailleurs s’emparent du pouvoir pour le gérer eux-même – c’est à dire, rejeter le capitalisme en faveur du socialisme. C’est bien simple, lutter pour des réformes, et lutter pour le socialisme, sont deux choses identiques.

    En théorie, ça sonne bien, mais en pratique?

    La seule constante en histoire est le changement ininterrompu. Des anciens Etats esclavagistes aux seigneuries féodales jusqu’au système capitaliste global d’aujourd’hui, les gens n’ont cessé de rejeter les anciens systèmes dés qu’ils devenaient un frein au développement. Là où réside l’utopie, c’est dans la pensée que la guerre, la pauvreté et la destruction de l’environnement peuvent être réglés par le capitalisme.

    Bien que le socialisme soit réaliste, il n’est pas inévitable. Encore et toujours, le capitalisme a conduit les opprimés et les travailleurs à se révolter. Nombreuses ont été les révolutions cette année, notamment en Egypte et en Tunisie. Mas bien que beaucoup aient réussi à détrôner le gouvernement, peu sont parvenues à un changement de régime. Le capitalisme renaîtra sans cesse, au détriment des pauvres, des jeunes et des travailleurs, si nous ne le remplaçons pas par un système meilleur.

    C’est là que les socialistes entrent en scène: Nous prenons l’étude de l’histoire au sérieux, apprenant à la fois des défaites et des succès qu’ont connus les révolutions. Nous répandons cette connaissance au maximum afin d’établir le socialisme avec succès . Cela ne revient pas qu’à se plonger dans des bouquins. Cela nécessite de s’engager et construire les mouvements actuels, de mettre en avant des idées socialistes tout en apprenant des autres en lutte, construire notre avenir ensemble.

    Si vous êtes d’accord avec ces idées, réfléchissez à nous rejoindre !

  • Critique : ‘‘Trotski’’, une biographie de Robert Service

    Ce livre a l’air fort épais – plus de 600 pages – mais est en fait très léger au niveau du contenu. C’est par ces mots que notre camarade Peter Taaffe (secrétaire général du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et pays de Galles) entamait sa revue de cet ouvrage. Maintenant également disponible en français, celui-ci a notamment été commenté dans La Libre début janvier, sous le titre « Trotski, un orgueilleux sans humanité ». Une réponse s’imposait, et nous avons donc traduit l’article de Peter consacré à ce tissu de mensonges et d’approximations.

    Par Peter Taaffe (Secrétaire général du Socialist Party, section du CIO en Angleterre et Pays de Galles)

    Ce livre a l’air fort épais – plus de 600 pages – mais s’avère en fait très léger lorsqu’on le soumet à un examen et à une analyse politique honnêtes des idées de Léon Trotsky, le sujet de la “brique” de Robert Service. Sa justification ? Ce livre est, selon lui, la toute première « biographie intégrale de Trotski écrite par quelqu’un d’extérieur à la Russie et qui n’est pas un Trotskiste ». Il veut bien cependant bien accorder le fait qu’Isaac Deutscher (qui a écrit une trilogie sur Trotski) et Pierre Broué (qui a produit une étude de 1.000 pages en 1989) ont écrit avec “brio” ; quant à l’autobiographie de Trotsky, Ma vie, elle est qualifiée « d’égoïste exemple d’autoglorification » !

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    • Trotsky : « Pourquoi Staline l’a-t-il emporté ? »
    • En quoi les idées de Léon Trotski sont toujours utiles aujourd’hui ?
    • Quelle réponse face à la crise? Léon Trotsky à propos du plan De Man
    • La révolution permanente aujourd’hui
    • Programme de transition et nationalisations
    • Oeuvres en ligne de Léon Trotsky

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    Voilà un exemple des doux surnoms par lesquels Robert Service caractérise Trotski, lequel présentait des « inexactitudes plus que sérieuses dans son écriture », était « un despote intellectuel » et n’était en définitive que « vanité et égocentrisme ». Cela n’empêche en rien l’auteur de dire, deux lignes à peine après cette charge, que Trotski « détestait la vantardise » ! Les accusations sont souvent du plus bas niveau, comme cette allégation selon laquelle « il a abandonné sa première épouse » et ses deux filles ; Service a toutefois l’honnêteté d’indiquer qu’il s’enfuyait en fait de Sibérie pour rejoindre Lénine et les chefs du POSDR (Parti ouvrier social-démocrate de Russie, qui donna naissance aux partis menchévique et bolchévique) qui produisaient l’Iskra (l’Étincelle), le journal révolutionnaire de l’époque. En fait, à pratiquement chaque page de l’ouvrage se trouve une déformation, pour ne pas dire plus, des idées de Trotski, de sa vie personnelle, etc.

    Il n’y a dans ce livre aucun fait nouveau qui s’ajoute à ce que nous savions déjà de Trotsky sauf, peut-être, d’apprendre que les enfants de Trotsky avaient acquis « un accent viennois »… surprise, surprise, quand ils vivaient dans cette ville. Il y a, dans cette biographie par Robert Service, une abondance de mensonges issus en droite ligne du camp capitaliste, de même que nombre de calomnies diffusées par le régime stalinien contre les idées de Trotski et ses actions du moment où il devint actif dans le parti révolutionnaire russe clandestin jusqu’au jour de son assassinat en 1940.

    Des affirmations incorrectes

    Aussi fou que cela puisse paraitre, nous apprenons, par exemple, qu’avant 1914, Trotsky n’était pas « un théoricien marxiste » ! Malheureusement pour Service, il a écrit un petit détail qui déforce ses propres affirmations, quand il explique que Trotski a été président du soviet de Pétrograd lors de la révolution de 1905 – alors le plus grand événement pour les ouvriers et les exploités du monde entier depuis la commune de Paris (en 1871). Durant cette révolution, Trotsky avait également édité et écrit pour un quotidien et un magazine théorique marxistes.

    C’est d’ailleurs bien avant 1914 que Trotsky avait formulé sa théorie de la Révolution permanente, qui explique que la révolution bourgeoise démocratique (réforme agraire, formation d’un État unifié, fin du féodalisme et de la dictature tsariste) dans un pays sous-développé comme la Russie de l’époque ne pouvait pas être accomplie par les capitalistes eux-mêmes. Avec cette idée, il était un des seuls à voir clair dans la situation avec Lénine et les Bolchéviks. Mais Trotsky est allé plus loin et a prouvé que seule la classe ouvrière – avec ses caractéristiques dynamiques spéciales en Russie – était capable de jouer le premier rôle dans une alliance avec la paysannerie en accomplissant la révolution capitaliste-démocratique. C’était une perspective clairvoyante par rapport à ce qui s’est produit réellement en 1917 : un gouvernement ouvrier et paysan avec un mode de production socialiste – et les fameux “10 jours qui ébranlèrent le monde”.

    Robert Service poursuit en affirmant que Trotsky n’était « pas original »; cette théorie étant, selon lui, la propriété intellectuelle d’Alexandre Helfand (mieux connu sous le pseudonyme de Parvus), qui avait collaboré avec Trotsky. Malheureusement pour Service, nous savons déjà par les mots de Trotsky lui-même que Parvus avait contribué à la « part du lion » de cette théorie ; mais Parvus s’était arrêté avant de tirer la conclusion révolutionnaire avancée par Trotsky.

    Parvus défendait le fait que le résultat d’une telle alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie se limiterait au cadre du capitalisme, installant probablement un gouvernement de type travailliste comme en Australie. Trotski, au contraire, disait qu’une fois la réalisation de la révolution capitaliste-démocratique, un gouvernement ouvrier et paysan viendrait au pouvoir, qui se verrait alors contraint d’aller plus loin, jusqu’à l’accomplissement des tâches de la révolution socialiste, conduisant à un mouvement révolutionnaire international.

    Mais les tentatives de l’auteur de voler la contribution théorique originale de Trotski dans la partie précédente du livre sont alors totalement anéanties quand, en renâclant, il est forcé de concéder plus tard le fait que Lénine avait admis, dans des entretiens privés avec Joffe – un des amis de Trotsky –, que Trotsky avait eu raison au sujet des perspectives de la révolution russe. La théorie de Trotsky est aujourd’hui encore des plus valides dans le monde néo-colonial, dans des pays qui n’ont pas encore entièrement accompli leur révolution bourgeoise.

    Tous les commentaires acerbes de Service au sujet de Trotsky sont tout simplement des idées réchauffées déjà servies par de précédents critiques, qu’il s’agisse de staliniens, de capitalistes ou de sociaux-démocrates aigris et réformistes. Nous retrouvons donc dans ces pages des accusations bien connues contre Trotsky, liées au terrorisme, à la révolte de Kronstadt, à l’autoritarisme… sans l’ombre d’une nouvelle preuve pour soutenir toutes ces fables.

    Trotsky, par exemple, est accusé d’avoir omis dans son autobiographie Ma Vie de mentionner la révolte de Kronstadt de 1921. Trotsky a déjà expliqué cela dans les années ’30, dans un article consacré à Kronstadt : il aurait omis d’en parler pour la simple et bonne raison que cet événement n’était pas du tout considéré comme important à l’époque, avant que les anarchistes ne le ressuscite dans les années ’30 et, malheureusement, avec également l’aide de Victor Serge. Trotsky a été accusé d’avoir « réprimé » les marins de Kronstadt, « les mêmes » qui avaient participé à la révolution d’octobre 1917.

    Dans sa réponse, Trotsky a démontré que cela n’était aucunement le cas. Lui-même n’avait joué aucun rôle direct dans la répression de la révolte de Kronstadt, même s’il avait complètement accepté la “responsabilité morale” des mesures qui avaient été prises. Les rebelles de Kronstadt demandaient des “soviets sans Bolchéviks”, un slogan alors applaudi par les contre-révolutionnaires russes et du monde entier. Robert Service ne fait que répéter des inepties déjà bien connue des militants – avancées sans aucune preuve – pour nous convaincre que les marins insurgés de 1921 étaient les mêmes personnes que les révolutionnaires héroïques d’octobre 1917 (alors que ces derniers étaient partis aux quatre coins du pays pour protéger la révolution dans le cadre de la guerre civile). La grande majorité des ouvriers de Pétrograd a soutenu l’action entreprise contre eux.

    À l’aide de sources indépendantes, Trotsky a par contre prouvé que les dirigeants de la révolte avaient – en pleine guerre civile – exigé des privilèges spéciaux et même menacé la flotte rouge, car Kronstadt, avec le dégel de la glace entre la Russie et la Finlande, aurait ouvert les portes de la Russie révolutionnaire à une attaque impérialiste au cœur même de la toute jeune république soviétique. À contrecœur, donc, le gouvernement ouvrier russe, après que les mutins aient refusé de négocier, s’est vu contraint de mater la révolte pour protéger la révolution.

    Démocratie

    Autre approche douteuse, Service ne décrit pas les événements dans leur enchainement, notamment vis-à-vis de la révolution russe elle-même. C’était selon lui « un coup d’État » et les accusations de « terrorisme » sont ressuscitées contre Trotski et les Bolchéviks. En fait, la révolution russe s’est déroulée sur base d’un vote démocratique au Congrès des soviets (“conseils” en russe) – le système le plus démocratique de l’Histoire – exprimant ainsi la volonté des ouvriers, des soldats et des paysans de Russie à ce moment. La prise du palais d’Hiver fit très peu de victimes – et certainement au regard des cinq millions de Russes tués et terriblement blessés lors de la Première Guerre mondiale. Service “oublie” de mentionner le fait que la révolution a mis fin à ce massacre monumental qu’était la guerre de 14-18. À l’échelle de l’histoire, quel était l’événement qui contenait le plus de progrès : la révolution russe, qui a fait peu de pertes humaines, ou la guerre mondiale ?

    L’auteur accuse Trotsky et Lénine de totalitarisme et de dictature, pour avoir proscrit les partis autres que le parti bolchévique. Dans la première période, après la révolution, on a permis à tout les partis – y compris les Menchéviks et les Socialistes-révolutionnaires – de poursuivre leurs activités. Seuls les Cents-Noirs, ouvertement réactionnaires, ont été interdits. Cela a évolué lorsque ces partis ont pris le camp des armées blanches issues des propriétaires terriens et des capitalistes contre le camp de la révolution. En fait, les Bolchéviks avaient même fait acte d’indulgence en libérant sur parole de nombreux réactionnaires, comme le général Krasnov qui, après avoir organisé un soulèvement contre-révolutionnaire, a été libéré par les Bolchéviks, et qui a illico assemblé une nouvelle armée blanche qui a tué des milliers d’ouvriers et de paysans.

    Accusations de terrorisme

    Robert Service se plaint du « manque de démocratie » après la révolution. Les Nordistes et Abraham Lincoln ont-ils permis aux propriétaires esclaves sudistes d’agir en toute impunité dans le Nord pendant la guerre civile américaine ? Est-ce qu’Oliver Cromwell a laissé les royalistes anglais agir librement dans les secteurs contrôlés par les parlementaires durant la guerre civile anglaise ? La terrible guerre civile qui a frappé la Russie et a vu pas moins de 21 armées impérialistes arriver dans le pays en soutien des armées blanches a eu comme conséquence de grandes destructions, en plus d’une terrible famine. L’entière responsabilité de cette situation repose sur les épaules de l’impérialisme qui a essayé d’écraser la révolution par tous les moyens.

    Les légendes au sujet de l’impopularité des Bolchéviks (ou de Lénine et de Trotski) au moment où ils étaient au pouvoir sont même réfutées par Robert Service lui-même. Il précise, par exemple, que la révolution s’est à un moment retrouvée cantonnée à la vieille province de Moscou et aux deux principales villes, Pétrograd et Moscou. Pourquoi donc la révolution a-t-elle réussi à triompher ? Comment la république soviétique a-t-elle pu vaincre les Blancs ? Comment a-t-elle réussi à repousser les diverses armées impérialistes hors de Russie ? Elle n’a triomphé que parce que les masses ont vu les avantages d’un gouvernement ouvrier et paysan redistribuant les terres, balayant l’oppression tsariste et fournissant du pain. Les ouvriers du monde entier soutenaient également la classe ouvrière de Russie.

    Mais c’est sur la lutte de Trotsky contre Staline et la bureaucratie que la superficialité de la méthode de Service est la plus patente. Dans son introduction figurent les motivations réelles de son travail. Tout d’abord, on peut y lire une défense émouvante de Staline qui n’était « pas médiocrité mais disposait en réalité d’une gamme impressionnante de talents et de compétences avec, de plus, un véritable sens du leadership ». Selon Service, Staline, Trotsky et Lénine « ont bien plus de choses en commun que de points de divergences ». La conclusion implicite – définie dans son analyse – est la suivante : le régime de Staline était, en fait, une “conséquence” du bolchévisme de Lénine et du bolchévisme “acquis” de Trotsky.

    En réalité, entre le régime de Lénine et Trotsky – celui de la révolution, le régime caractérisé par la participation des masses et par la démocratie ouvrière – et celui de Staline, il y a “un fleuve de sang”. Les purges des années ’30 – que Robert Service mentionne à peine – ont représenté une véritable guerre civile contre les restes du bolchévisme. Mais l’auteur y compare ces purges monstrueuses aux « jugements pour l’exemple » des Socialistes-révolutionnaires de 1921. En réalité, les SR avaient commis de véritables attentats, et avaient ainsi tenté d’assassiner Lénine et notamment tué deux Bolchéviks, Ouritski et Volodarski.

    Trotsky n’a par contre jamais commis le moindre acte de terrorisme contre Staline ou son régime. D’ailleurs, les Bolchéviks avaient permis à deux éminents Sociaux-démocrates de la Seconde Internationale de défendre les accusés de 1921. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas non plus été exécutés, même s’ils ont été reconnus coupables. Staline n’a pas adopté une approche similaire lors des sanglants procès de Moscou, loin de là.

    Le stalinisme n’était pas « un développement normal » du léninisme, mais bien sa négation. Cela, l’auteur est incapable de le voir. Il se situe farouchement dans le camp des commentateurs capitalistes et d’autres adversaires du marxisme – dont le trotskisme n’est que la manifestation moderne – qui souhaitent éliminer des mémoires les leçons de la révolution russe et de la lutte de Trotsky.

    Le véritable Trotski

    Les militants les plus déterminés et les plus consciencieux de la cause des travailleurs, des femmes, des Noirs et des Asiatiques, à la recherche d’une méthode de lutte adaptée à leurs besoins, redécouvriront Léon Trotsky. Trotsky a lutté pour un monde nouveau, dans lequel la démocratie des travailleurs et la collaboration socialiste libéreront l’homme de l’exploitation. Ses biographes actuels ne font en fait que participer aux efforts visant à prolonger la vie d’un système malade. C’est là le véritable objectif de ce livre qui s’évertue à déformer les idées de Trotsky.

    Robert Service a tort lorsqu’il décrit Trotsky comme un Menchévik et quand il l’accuse de ne pas avoir une approche scientifique des choses. Service fait preuve de l’absence la plus complète de compréhension de l’attitude de Trotsky envers la révolution allemande de 1923. Il affirme ainsi que Trotsky n’a pris aucune position concernant cet événement qui a véritablement ébranlé la terre à ce moment. Pourtant, Brandler, le dirigeant du parti communiste allemand, voulait que Trotsky vienne en Allemagne pour aider la classe ouvrière à prendre le pouvoir.

    En fait, il faudrait un livre encore plus grand que le sien pour réfuter toutes les erreurs et les calomnies commises par Robert Service dans sa biographie de Trotski.

    L’auteur ne comprend pas non plus pourquoi Trotsky – avec le consentement tacite des défenseurs du capitalisme de l’époque – a accepté de voir ses filles, ses deux fils, lui-même et pratiquement toute sa famille se faire assassiner par Staline. Staline pensait qu’il pouvait de la sorte éliminer une idée et une méthode. Mais il n’a pas réussi. Trotsky et ses idées vivent encore. Si la puissante machine stalinienne, ses mensonges, ses déformations, ses assassinats… n’a pas réussi à éliminer les idées de Trotsky, comment Service peut-il espérer réussir ? L’aspect le plus nauséabond de ce livre est probablement l’ensemble des attaques personnelles portées contre Trotski. « Attaquez les idées d’un homme ou d’une femme, mais laissez l’homme tranquille »… cette maxime ne fait apparemment pas partie des habitudes de l’auteur.

    Il ne s’agit pas d’idéaliser Trotsky ni de se soumettre à un culte de la personnalité. Mais il est de la plus haute importance d’apprendre de Trotsky sa méthode d’analyse marxiste, qui nous permet de développer les outils politiques capables de préparer et édifier un monde socialiste.

    Mais tout cela ne figure pas dans le livre de Service. Si vous voulez l’apprendre, allez plutôt voir du côté de l’autobiographie de Trotsky, Ma Vie, ainsi que du côté de la trilogie d’Isaac Deutscher (ces deux ouvrages pouvant être commandés à la rédaction à info@socialisme.be). L’ouvrage de Deutscher, bien qu’imparfait et certainement pas trotskiste, essaye toutefois de présenter une image réelle de la vie de Trotsky et de ce qu’il a représenté. Lisez également le matériel produit par le Comité pour une internationale ouvrière et ses sections (dont le Parti socialiste de lutte est la section belge) concernant la vie de Trotsky et sa pertinence pour aujourd’hui.

    Ce livre est clairement prévu en tant que plateforme à des fins d’offensive politique future contre le danger que représente les idées de Trotsky pour ce système capitaliste. C’est qu’une nouvelle génération s’éveille à la politique.

    Nous avons proposé en Angleterre que Robert Service vienne débattre avec des représentants de nos camarades du Socialist Party au sujet des idées exposées dans son livre. Robert Service a systématiquement refusé de confronter ses idées.


    VIDEO : Réponse de Peter Taaffe à Robert Service

  • Kazakhstan : En défense des travailleurs du pétrole

    La bureaucratie syndicale et les groupes de ‘gauche’ attaquent la solidarité du CIO avec les grévistes

    Avec une brutalité incroyable, le régime de Nazarbayev, au Kazakhstan, a tenté de briser l’esprit de combativité des travailleurs du pétrole à Zhanaozen et Aktau, en utilisant la troupe, la police, des tirs à balles réelles, des arrestations de masse, l’imposition d’un couvre-feu et jusqu’à la torture. Le régime admet lui-même que 16 personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées en décembre. En réalité, des dizaines de personnes ont été tuées, des centaines d’autres blessées, et beaucoup sont encore ceux qui sont toujours en garde à vue ou qui sont forcés de se cacher pour éviter la persécution de l’État.

    Rob Jones, CIO-Moscou

    La manifestation des travailleurs du pétrole du 16 décembre dernier à Zhanaozen était une action tout à fait non-violente. Les diverses vidéos, y compris celles de la police, montre les travailleurs du pétrole et leurs partisans sur une place centrale, sans la moindre arme, sans même agiter de bâtons. Elles montrent d’ailleurs au contraire que lorsque l’atmosphère a commencé à s’échauffer et que des insultes ont été lancées en direction de la police, des travailleurs plus expérimentés sont directement intervenus pour calmer la situation.

    Au cours de leur longue grève de 7 mois, ces grévistes avaient déjà pu démontrer en de nombreuses reprises quels étaient leur sang-froid et leur retenue. Les représentants qu’ils avaient élus ont été arrêtés et confrontés à une violence des plus brutales. Leur avocate, Natalia Sokolova, a été condamnée à 6 ans de prison. Des travailleurs ont vu leurs logements brûlés tandis qu’un gréviste et la fille d’un autre gréviste ont été lâchement assassinés. Des milliers de travailleurs du pétrole ont été licenciés. Mais malgré toutes ces provocations, ces héroïques travailleurs ont fait tout leur possible pour maintenir les protestations disciplinées et pacifiques.

    Mais leur patron, avec le soutien plein et entier du régime, a toujours refusé de commencer de véritables négociations avec les grévistes. À plusieurs reprises, l’Etat s’est montré préparé à aller vers une confrontation violente, mais cette approche a été refreinée, par crainte de provoquer un conflit plus large encore à travers le pays. Il ne fait aucun doute que la solidarité croissante envers les grévistes, y compris au niveau international, a joué un rôle important.

    La violence et les révolutions de palais – deux faces d’une même médaille

    Mais à l’approche du 16 décembre, soldats et policiers avaient été déployés à l’avance dans la région, avec armes et balles réelles. Mis à part à Astana, la capitale, tout ce qui avait été prévu dans le pays pour célébré le 20e anniversaire de l’indépendance du pays (le 16 décembre) avait été annulé.

    Il semble que l’attaque armée contre la manifestation des travailleurs du pétrole à Zhanaozen faisait partie d’un plan plus vaste organisé par une partie de l’élite dirigeante. Les violences qui ont dégénéré hors de tout contrôle suite à la fusillade perpétrée par la police ont été utilisées comme prétexte pour démettre plusieurs personnalités clés au sein du régime et des structures du pouvoir. Un des beaux-fils de Nazarbayev, Timur Kulibayev, a été démis de sa fonction de président de ‘KazMunaiGaz’ et du fonds national ‘Samruk-Kazyn’. De plus, des rumeurs font état du possible remplacement du chef de la KNB (la police secrète) par des personnes plus fidèles au groupe Massimov-Musin. Tout indique qu’une révolution de palais s’est produite dans les sphères dirigeantes.

    Attaques contre les grévistes

    Pourtant, les travailleurs du pétrole et leurs partisans ne cessent d’être accusés d’être responsables des tragiques évènements du 16 décembre. Ces accusations des porte-paroles du régime, qui prennent différentes formes, sont reprises telles quelles par les médias, la bureaucratie syndicale et même par certains de groupes de ‘‘gauche’’, qui agissent ainsi en apologistes du régime dictatorial de Nazarbayev.

    Le régime prétend que la ‘‘raison majeure de ces troubles de masse réside dans les actions d’un groupe de hooligans qui a profité du conflit de longue date entre les salariés licenciés et la direction de la société ‘Ozenmunaigaz’.’’ (Déclaration émise par l’Ambassade de la République du Kazakhstan en Autriche, 23 décembre 2011)

    L’ambassadeur kazakh aux Etats-Unis, Erlan Idrissov, a affirmé le 21 décembre 2011, que ‘‘la police a essayé de se comporter aussi responsablement que possible afin de protéger la vie des civils (…) A l’origine, sur la place [de Zhanaozen], seul le chef de la police avait une arme (…) Ce n’est que lorsque le vandalisme a commencé et que des menaces ont commencé à peser sur des vies innocentes – après l’incendie de la Akimat [les locaux des autorités locales] – que la police a dû recourir aux moyens nécessaires pour rétablir l’ordre.’’

    Selon une déclaration faite par le Daulbayev Askhat, le Procureur Général de la République du Kazakhstan, le 16 décembre, les perturbations ont été causées quand ‘‘un groupe de hooligans [sur la place] ont commencé à tabasser les civils et à fracasser les voitures garées près de la place." La déclaration se poursuit comme suit : ‘‘En raison des perturbations, le bureau du bourgmestre, un hôtel et le bâtiment de la société Ozenmunaigaz ont été brûlés.’’

    Ces déclarations, en réaction aux protestations qui se sont déroulées dans le monde entier, sont très manifestement destinées à tromper l’opinion internationale sur les sanglants événements qui se sont produits à Zhanaozen. Dans les premières déclarations du Procureur Général, le 16 décembre, il est affirmé que les bâtiments ont été brûlés "en conséquence des troubles’’, mais cette version a été changée deux jours plus tard pour donner l’impression que ces destructions avaient pris place avant l’intervention meurtrière de la police.

    Mais les différentes déclarations officielles du régime suffisent déjà à poser des questions très sérieuses :

    • Si ce qui s’est passé à Zhanaozen n’était qu’une émeute causée par des hooligans, pourquoi les ‘‘moyens habituels’’ de la police (balles en caoutchouc, canons à eau) n’ont-ils pas été utilisés ? Pourquoi directement recourir aux tirs à balles réelles ?
    • Si la police protégeait la population de la place de ces hooligans, pourquoi ont-ils tirés à balles réelles au sein même de la foule qu’elle était censée protéger ?
    • Si l’action de la police n’a constitué qu’une réponse à des émeutes, pourquoi l’ambassadeur du Kazakhstan aux Etats-Unis juge-t-il nécessaire de consacrer une partie importante de sa déclaration à s’en prendre aux grévistes du pétrole ?
    • Si cela n’était tout simplement qu’une émeute, pourquoi le gouvernement a-t-il interdit toute manifestation, réunion publique et grève et a été jusqu’à interdire l’utilisation de photocopieuses, de TV, de radios, de vidéos et de haut-parleurs ? C’est bien étrange, que les hooligans ont d’habitude fort peu tendance à éditer des tracts et à organiser des conférences de presse.

    Les vidéos et les témoins dissent démontrent clairement que l’attaque policière n’avait aucun fondement

    La vérité, c’est que le massacre de Zhanaozen n’était pas une conséquence d’une riposte légitime de la police face à du hooliganisme ou à des émeutes, il s’agissait bel et bien d’une attaque prédéterminées contre les grévistes du pétrole. C’était une nouvelle tentative de briser leur grève. Plusieurs vidéos démontrent que la place, juste avant l’attaque de la police, n’était occupée que par des manifestants pacifiques, sans armes, et que la police ainsi que les soldats, en marche vers la place, tiraient sur la foule de loin. Dans une vidéo particulièrement pénible à regarder – certaines scènes rappelant celles des journées de juillet 1917 à Petrograd (quand l’armée a tiré sur les manifestants et en a tué des centaines sur la perspective Nevsky) – on eut voir les manifestants fuir à travers la place alors qu’on leur tire dans le dos et que les blessés à terre sont brutalement frappés par les voyous aux ordres du régime.

    Ces films sont tellement révélateurs que même le Procureur général du Kazakhstan a été forcé de réagir. Le 27 décembre, il a annoncé qu’une enquête criminelle était lancée au sujet des "décès causés par la police à la suite d’un ordre de tirer pour tuer.’’ Nous n’avons bien entendu aucune confiance envers les possibilités que cette enquête soit honnêtement et sérieusement menée jusqu’à son terme, mais il est plus que révélateur que la responsabilité des agents de police dans ces meurtres soit reconnue d’une certaine manière. Ceci dit, tandis que ces policiers sont menacés de 5 à 10 ans de prison, l’avocate des grévistes du pétrole, Natalia Sokolova, dont le seul tort est d’avoir honnêtement défendu la cause des grévistes, a déjà été condamné à 6 ans de prison.

    Une autre confirmation qu’un ordre de tirer pour tuer a été lancé provient du ministre de l’Intérieur du Kazakhstan, rien de moins, K. Kazymov. Dans une interview réalisée le 16 décembre, il a admis qu’il avait donné l’ordre d’ouvrir le feu sur la foule. Il a essayé de justifier cet ordre en prétendant que les manifestants "étaient armés d’armes automatiques, et nous aussi". Il a confirmé que la police continuerait de tirer des citoyens kazakhs si cela était ‘‘nécessaire’’. Son interview a été publiée sur internet, accompagnée de vidéos montrant la foule courir dans tous les sens face à la police qui tire très visiblement dans le dos de manifestants désarmés et paniqués.

    Nazarbayev dénonce les ‘influences étrangères’ et les ‘criminels’

    A la lumière de tout cela, les déclarations du dictateur Noursoultan Nazarbayev selon lesquelles les troubles auraient été causés par des ‘‘groupes organisés de criminels en liaison avec des forces étrangères’’ sont particulièrement cyniques.

    Pour une bonne partie de la population du Kazakhstan, le plus grand groupe criminel organisé du pays est celui du clan Nazarbayev lui-même, protégé par un bataillon de soldats formé et équipé par les Etats-Unis. Les diverses photos font toujours apparaître des voitures blindées de confection américaines aux postes de contrôle d’Aktau et de Zhanaozen.

    Mais les déclarations de M. Nazarbayev ne sont destinées qu’à détourner l’attention du rôle de la police, du ministre de l’Intérieur, des troupes spéciales et de ceux qui, au sein du cercle présidentiel, ont planifié ce massacre. C’est pour cela qu’il blâme des personnages du régime tels que Mukhtar Ablazov, Rakhat Aliyev et Bulat Abilov.

    Ces oligarques, tous d’anciens membres de la clique dirigeante, vont sans aucun doute tenter d’exploiter l’opposition qui se développe face au régime actuel pour se construire un certain soutien public afin de défendre leurs propres politiques pro-capitalistes. Mais les divers clans sont tous résolument opposés à l’idée que les travailleurs du pétrole puissent avoir leurs propres syndicats indépendants et leur propre parti politique, pour les travailleurs et sous leur contrôle exclusif.

    Les grévistes du pétrole étaient pacifiques et disciplinés

    L’idée selon laquelle les grévistes du pétrole auraient pu être dirigés, contrôlés et manipulés par une quelconque force secrète de l’extérieur est une véritable insulte à leur détermination ainsi qu’à leur discipline. La décision d’organiser la manifestation pacifique du 16 décembre a été prise ouvertement et collectivement, lors d’un meeting de masse sur cette place. Cette décision a ensuite été publiquement annoncée et les travailleurs du pétrole ont eux-mêmes été prévenir les autorités qu’ils avaient l’intention d’organiser une telle manifestation en avertissant qu’il y avait des risques que des provocations soient organisées par des sections des forces spéciales.

    La manière très publique dont les choses ont été organisées a permis à la campagne ‘‘Campaign Kazakhstan’’ et aux sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) de planifier une série d’actions de solidarité et de protestation devant les ambassades du Kazakhstan et les sièges d’entreprises aux intérêts commerciaux liés au régime kazakh dans un certain nombre de pays ce jour-là (notamment en Belgique). Le caractère de solidarité a bien entendu largement cédé la place à celui de la protestation lorsque les nouvelles de ce bain de sang sont parvenues aux manifestants devant les ambassades.

    La semaine qui a suivi le massacre, diverses manifestations ont été organisées à travers l’Europe, y compris à Londres, Bruxelles, Vienne, Berlin, Moscou, Stockholm, Dublin, Athènes et ailleurs également, comme à New York, Hong Kong et Tel Aviv. Le député européen Paul Murphy (élu de la section du CIO en République irlandaise, le Socialist Party) a à la rupture de tous pourparlers entre l’Union Européenne et le gouvernement du Kazakhstan, et a aussi écrit une lettre de protestation signée par plus de 40 eurodéputés. Des communiqués de presse ont été émis dans un certain nombre de pays (lire notamment Massacre au Kazakhstan: Quand l’agence Belga se fait complice du régime) et de conférences de presse ont été organisées à Moscou et à Almaty. [Vous pouvez accéder à différents rapports des protestations sur le site socialistworld.net].

    Rompre le blocage de la presse

    La politique de l’Union Européenne, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et des Etats-Unis est directement dictée par les intérêts de ces institutions pour l’exploitation du pétrole et du gaz kazakhs. Elles ont tout d’abord ignoré ou réagi de façon bien équivoque face aux nouvelles du massacre. Dans une certaine mesure, cela s’est reflété dans la politique éditoriale d’une grande partie des médias du monde entier. Les premières heures après le massacre, par exemple, des reporters internationaux basés à Moscou ont refusé de relayé les rapports du bain de sang sans ‘‘confirmation indépendante’’ tout en relayant par contre les déclarations officielles du régime. United Press International, par exemple, a qualifié les grévistes du pétrole de ‘‘voyous’’ à trois reprises dans un article de 150 mots seulement.

    La campagne menée par le CIO et Campaign Kazakhstan a aidé à vaincre les tentatives du régime de dissimuler l’ampleur du massacre. Finalement, le poids écrasant cumulé des témoignages, vidéos et rapports de journalistes ont eu raison de cette attitude complice, et les rapports dans les médias ont commencé à être plus équilibrés.

    ‘‘An injury to one is an injury to all’’ – Ce qui en touche un nous touche tous

    Tout aussi rapidement, des syndicalistes ont réagi face à la crise, mais de façon bien différente. A Anvers, par exemple, la délégation de TOTAL a relayé les rapports en direct du CIO sur le site de leur délégation, de sorte que les travailleurs pouvaient voir par eux-mêmes l’étendue de l’horreur des événements. Bien que le site du CIO au Kazakhstan a immédiatement été bloqué par le régime après la fusillade, le site russe du CIO a continuer à fonctionner, jusqu’à ce qu’arrivent des problèmes dus aux trop grand nombre de visiteurs sur le site, dont de nombreux journalistes de médias du monde entier.

    En Suède, Gruvtolvan, le syndicat de l’industrie minière de Kiruna, a condamné sans équivoque "la violence contre les travailleurs (…) suite à l’attaque de la police et des militaires contre une manifestation dans la ville de Zhanaozen." Ils ont appelé le mouvement syndical suédois à activement soutenir les travailleurs du pétrole du Kazakhstan sous la devise "Une victoire pour les travailleurs, où qu’ils soient, est une victoire pour tous les travailleurs, partout!" Cet appel a été accompagné d’une importante donation pour les grévistes.

    Si une véritable organisation syndicale nationale indépendante existait au Kazakhstan, il y aurait immédiatement eu après le 16 décembre convocation de meetings, d’actions de protestations et de grèves dans tout le pays en riposte au massacre de Zhanaozen.

    Une commission indépendante internationale doit enquêter

    Malheureusement, alors que des militants syndicaux ont réagi partout à travers le monde, certains membres de la bureaucratie syndicale internationale ont adopté l’approche de renvoyer chacun dos à dos. Ainsi, la Confédération syndicale internationale (CSI) a publié une déclaration le 16 décembre, signée Sharan Burrow, secrétaire général, qui déclare : "une situation extrême de tension et de désespoir a provoqué des troubles, la panique et le chaos. La violence doit immédiatement cesser, et toutes les parties doivent reconnaître que la seule façon de résoudre des conflits est le dialogue ouvert et la négociation. Le gouvernement doit immédiatement agir pour commencer ce processus."

    Cette déclaration ignore donc la responsabilité du régime dans ce massacre, une attitude partagée par de nombreuses autres organisations, telles que Human Rights Watch, qui a publié une déclaration le 22 décembre. Dans celle-ci sont détaillés plusieurs cas de graves tortures du fait des forces gouvernementales à Zhanaozen et, ensuite, l’organisation tire la conclusion incroyable que ‘‘les autorités du Kazakhstan doivent mener immédiatement une enquête.’’ Cela n’aboutirait qu’à une enquête ignorant totalement la responsabilité écrasante du ministère de l’Intérieur et qui, dans le meilleur des cas, trouverait quelques boucs émissaires afin de laissait un peu de colère s’échapper.

    Le CIO estime qu’il est nécessaire d’organiser une commission d’enquête internationale, totalement indépendante du gouvernement, des structures étatiques et des intérêts pétroliers et gaziers, afin de faire toute la lumière sur les causes réelles du massacre et sur les véritables responsables de ces horribles évènements.

    La “gauche” et les bureaucrates syndicaux poignardent les grévistes dans le dos

    Mais si la Confédération Syndicale Internationale n’a pas ouvertement condamné le régime de Nazarbayev, elle n’a au moins pas directement attaqué les travailleurs du pétrole. De la façon la plus incroyable qui soit, les 17 et 18 décembre, des déclarations sont apparues sur des sites internet de langue russe contrôlés par des syndicats et des groupes de gauche qui, tout en condamnant la violence, se sont lancés dans des attaques contre les grévistes du pétrole, contre leurs revendications et leurs tactiques, répétant d’ailleurs bien souvent l’argumentation des patrons et du gouvernement.

    Le Mouvement Socialiste Russe [section russe du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, à laquelle est reliée la LCR belge, n’ayant aucun rapport avec le Mouvement Socialiste du Kazakhstan] a contribué à détourner l’attention de la responsabilité du gouvernement Nazarbayev pour ce massacre en répétant grossièrement les mensonges du régime concernant l’implication de l’oligarque Mukhtar Ablyazov. Ce faisant, ils réduisent le rôle de l’autodiscipline et de la conscience politique des travailleurs du pétrole en les réduisant à l’état de simples pions joués par les oligarques kazakhs et en donnant du crédit aux déclarations du dictateur qui blâme les influences étrangères (Ablyazov vit à Londres) pour tous les problèmes rencontrés au Kazakhstan.

    Les attaques les plus importantes proviennent toutefois de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA) et de la Confédération du travail de Russie. Même avant les événements du 16 décembre, d’anciens fonctionnaires de l’Union Internationale des travailleurs de l’alimentation à Genève et à Moscou ont travaillé à saper le soutien à la grève. Des pressions ont ainsi été exercées sur Alexei Etmanov, le syndicaliste indépendant le plus connu en Russie, ce qui l’a conduit à revenir sur sa promesse d’organiser des actions de solidarité avec les travailleurs du pétrole par l’intermédiaire du syndicat des travailleurs de l’automobile.

    Le prétexte donné ensuite à ce désistement était que les travailleurs du pétrole avaient été manipulés par des représentants de la ‘‘gauche révolutionnaire’’ – c’est-à-dire par le Comité pour une Internationale Ouvrière. Cela a d’ailleurs été confirmé dans une déclaration de l’UITA le 9 décembre 2011 qui disait: ‘‘Avec pourtant un énorme potentiel d’organisation, dans tout ce temps, les grévistes n’ont jamais mis en place leur propre organisation, tout comme avant ils ne disposent pas de leurs propres représentants et direction élus, avec le droit de représenter les travailleurs dans les négociations avec la direction de la société et les autorités. Cela signifiait que, dès le début, différents groupes politiques ont été en mesure d’utiliser l’énergie sociale et le potentiel du mouvement ouvrier de masse dans leurs propres intérêts. S’exprimant au nom des travailleurs et réécrivant constamment les revendications des travailleurs, ils ont apporté d’énormes préjudices au mouvement, ont fait sortir le conflit du champ de la lutte syndicale et ont réduit au minimum les chances de succès, privant ainsi les habitants de Zhanaozen de leur grève.’’

    Cette déclaration fait écho aux arguments des patrons et du gouvernement et est particulièrement honteuse étant donné que les travailleurs, dès le début, ont élu leurs représentants pour les négociations, ces représentants rencontrant ensuite une répression sévère. Nous avons déjà dit que Natalia Sokolova, l’avocate des grévistes, a été condamnée à 6 ans de prison, Akzhanat Aminov a reçu une peine de deux ans avec sursis, tandis qu’un troisième a vu sa maison brûler !

    Les grévistes du pétrole luttaient pour le droit d’instaurer leurs propres syndicats indépendants

    Il convient de rappeler que la grève de la faim des travailleurs du pétrole a commencé en mai dernier après que les membres du syndicat de Karazhanbasmunai, à Aktau, ont exigé le retour de documents syndicaux de leur ancien président après qu’il ait été démis de ses fonctions par le vote des membres du syndicat. L’ancien leader syndical avait collaboré avec la direction de l’entreprise pour éviter toute véritable négociation portant sur les salaires et les conditions de travail. Il avait été jusqu’à envoyer des gros-bras armés pour qu’ils battent ses adversaires. En Juin, l’UITA avait envoyé toute une série de questions bureaucratiques aux grévistes, dont les réponses ont nécessité 60 pages de documents. Le résultat final a été de déclarer que les travailleurs avaient eu tort de démettre leur ancien dirigeant syndical, comme ils ne pouvaient changer de président qu’une fois tous les 5 ans !

    L’affirmation selon laquelle le CIO a constamment "réécrit" les revendications des travailleurs est absolument ridicule, comme toutes les autres calomnies visant à salir les grévistes. Depuis le début de la grève, le CIO a publié sur ses sites toutes les déclarations produites par les grévistes. Le 1er Juin 2011, après que la police anti-émeute ait attaqué les grévistes de la faim de Zhanaozen, le comité de grève de Zhanaozen avait publié les revendications suivantes:

    • La démission de la direction de la société “KazMunaiGaz” à Aktau;
    • La restauration du statut autonome de la société “OzenMunaiGaz”;
    • L’augmentation de 60% des salaires des médecins et des enseignants de la ville pour compenser la dureté de leur travail dans des conditions écologiques difficiles;
    • Le retour sous statut public, c’est-à-dire la nationalization, des enterprises regroupées dans la société “OzenMunaiGaz” – en particulier TOO “Burylai”, TOO “KazGPZ”, TOO “Kruz”, TOO “Zhondei”.

    En Juillet, des incendies criminels ont eu lieu contre des maisons de militants grévistes, et Zhaksylyk Turbayev a été assassiné quand il est devenu clair qu’il serait élu à la présidence du nouveau syndicat. L’avocate Natalia Sokolova et le militant syndical Akzhanat Aminov ont été arrêtés et ont été confrontés à de graves accusations. Des milliers de grévistes ont été licenciés. Lors de leur rencontre avec le député européen Paul Murphy en juillet dernier, les travailleurs ont défini leurs revendications de la façon suivante:

    • La reconnaissance des droits des travailleurs, notamment leur droit d’élire leurs propres représentants, sans interférence de qui que ce soit ;
    • La libération immédiate de Natalia Sokolova et de Akzhanat Aminov;
    • Le réengagement de tous les travailleurs licenciés aux conditions qui prévalaient avant leur licenciement;
    • L’abandon de toutes les poursuites judiciaires contre les grévistes;
    • Le commencement de véritables négociations avec les représentants élus des travailleurs.

    Les bureaucrates syndicaux soutiennent les briseurs de grève et les éléments diviseurs dans le syndicat

    En réalité, l’UITA et ses ‘‘organisation fraternelle’’ en Russie (KTR) et au Kazakhstan (la ‘‘Confédération des syndicats libres du Kazakhstan’’, CFTUK) tentent depuis le début de faire dévier la grève. Au Kazakhstan, le CFTUK dirigé par Sergei Belkin a depuis longtemps cessé d’exister en tant qu’authentique organisation syndicale. En 2009, Belkin a signé un accord avec le gouvernement destiné à stopper toutes les grèves, les protestations et les manifestations de travailleurs afin de permettre au régime de "maintenir la stabilité’’. En novembre dernier, quand le gouvernement a annoncé qu’il était temps de mener des ‘‘négociations’’ à Zhanaozen, Belkin, totalement absent depuis le début du conflit, est soudain arrivé comme ‘‘expert indépendant’’ pour aider le gouvernement et ses tentatives de briser la grève. La tactique du régime était alors d’essayer par tous les moyens de diviser les grévistes en offrant à certains d’entre eux des emplois dans une nouvelle société, tout en encourageant Belkin pour qu’il mette en place un nouveau syndicat anti-grève dans le cadre de la Confédération syndicale CFTK. Les grévistes, cependant, ont rejeté ces tactiques, insistant pour que tous les travailleurs sans exceptions soient être réintégrés dans leur ancien emploi.

    Hypocritement, l’UITA et le KTR, après avoir soutenu les activités visant à briser la grève et le syndicat anti-grève de Belkin, ont donné des conseils aux travailleurs en leur disant qu’ils devraient : ‘‘décider de suivre le chemin de la construction de leur propre syndicat indépendant, qui peut décider d’une stratégie d’action et proposer leurs revendications à tous niveaux, en s’assurant qu’ils obtiennent, ainsi que leurs familles, les moyens nécessaires pour se défendre et pour mobiliser un soutien international.’’

    Il faut construire de véritables syndicats indépendants

    Depuis le début de la grève, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a entièrement pris ses responsabilités en soutenant, non seulement en paroles mais aussi en actes, l’appel diffusé à Zhanaozen et à Aktau sous la signature de milliers de travailleurs en novembre (soit avant les ‘‘conseils’’ de l’UITA. Dans cet appel, ils expliquent que : ‘‘notre combat démontre que vaincre l’injustice et l’arbitraire ne peut se faire qu’en unissant nos forces. Dans cette situation difficile et compliquée, le meilleur soutien et moyen d’action sera de créer une organisation syndicale indépendante et de développer des revendications capables d’unir, comme l’augmentation des salaires, l’amélioration des conditions de vie et de travail et la non-ingérence de l’employeur dans le travail du syndicat. En faisant ce travail d’unification des travailleurs, ce syndicat deviendra une solide fondation pour la création d’un syndicat national indépendant au Kazakhstan.’’

    Le CIO estime que si les syndicats tels que l’UITA et le KTR soutiennent véritablement les travailleurs du pétrole, ils devraient alors publiquement retirer tout leur soutien à la Confédération syndicale kazakh CFTK et donner un soutien pratique et moral à ceux qui tentent de construire un authentique syndicat indépendant dans ces circonstances extrêmement difficiles. Mais même si l’UITA et le KTR refusent d’agir de la sorte, le CIO va continuer à soutenir les grévistes et à les aider.

    Le 17 décembre, le Président du KTR, Boris Kravtchenko, a clairement tenté de blâmer le CIO pour les événements de Zhanaozen: ‘‘Nous croyons que la responsabilité de ces événement et du sang versé par les travailleurs du pétrole incombe entièrement aux dirigeants de la République du Kazakhstan. Cependant, cette responsabilité est partagée par les spéculateurs politiques, auto-désigné ‘‘comité’’ et ‘‘internationale’’, qui utilisent la protestation sociale pour leurs propres intérêts, pour réécrire les revendications des manifestants en transformant politiquement celles-ci et qui, par leurs actions provocatrices, poussent les autorités à utiliser des moyens violents.’’

    Ce que Boris Kravtchenko pense exactement du CIO n’est pas très clair. Nous avons soutenu la grève depuis sa création. Nous avons défendu que les employeurs éliminent tous les obstacles pour que des négociations sérieuses puissent commencer. Nous avons soutenu que ces négociations devraient être dirigées de façon transparente par des représentants élus des grévistes. Dès le début, nous avons été engagés dans la construction de la solidarité avec les grévistes et avons aidé à briser le blocus médiatique. Nous avons discuté avec les grévistes de leur intention d’organiser une manifestation pacifique le 16 décembre et avons convenu d’organiser une campagne internationale de solidarité autour de cet évènement.

    Les staliniens surpassent les bureaucrates syndicaux

    Une attaque encore plus vicieuse contre les travailleurs du pétrole a été lancée par le Parti communiste d’Ukraine, qui était resté silencieux sur cette question jusqu’au 4 janvier. Ce parti a finalement brisé son silence dans un article qui accuse Natalia Sokolova d’être un agent du département d’Etat américain et les travailleurs du pétrole d’être responsables de "la tentative des Etats-Unis pour déstabiliser la situation politico-économique." Ils ont continué en disant: ‘‘Les autorités du Kazakhstan ont agi durement, courageusement et de manière adéquate. Ils ont réagi fermement en instaurant l’Etat d’urgence et la police anti-émeute n’y a pas été de main morte contre les combattants bien armés qui se trouvaient derrière les travailleurs du pétrole. Ils ont montré leur courage quand le président, M. Nazarbayev, a visité la ville de Zhanaozen et a personnellement parlé aux habitants. Leur réponse a été adéquate, en agissant avec fermeté et en expliquant à ces messieurs de l’Union Européenne que ce qui se passe à Zhanaozen est une affaire interne au Kazakhstan."

    La “gauche” attaque les grévistes qui revendiquent la nationalisation

    Le 18 décembre, le site internet de gauche "RabKor" publiait un article d’Aleksei Simoyanov de l’Institut de la Mondialisation, à Moscou. Après presque sept mois de silence et à seulement 2 jours du massacre, l’auteur avait décidé de rejoindre le flot des attaques contre les travailleurs du pétrole : "Il est impossible de ne pas parler d’un certain nombre d’erreurs tactiques effectuées par les manifestants au cours de leur campagne. Aussi longtemps que les principaux slogans des manifestants étaient favorables à des meilleurs salaires, au respect des droits des travailleurs et luttaient contre la dégradation des conditions de travail, ils étaient dans une position forte. Dans les limites d’un conflit entre travailleurs et patron, les autorités avaient les mains liées, et toute pression de leur part aurait été purement illégitime. Le problème s’est compliqué quand, sous l’influence du CIO, les travailleurs ont également défendu des revendications politiques, y compris la nationalisation de la compagnie."

    Pourtant, comme cela peut être vérifié avec l’évolution des revendications des grévistes, les travailleurs du pétrole ont défendu la nationalisation de leur entreprise dès le début du litige. Ils n’ont pas eu besoin du CIO pour savoir que tant que ces entreprises restaient aux mains de capitaux privés liés au régime et aux multinationales étrangères, il n’était pas possible d’obtenir un salaire raisonnable. Le seul changement qui a été opéré avec cette revendication au cours de la grève, c’est de généraliser la revendication de la propriété publique à tout le secteur pétrolier, sous le contrôle des travailleurs. Les travailleurs du Kazakhstan ne sont d’ailleurs pas les seuls à tirer ces conclusions. En décembre, par exemple, des dizaines de milliers de syndicalistes ont défilé à Liège, en Belgique, pour exiger la nationalisation du site liégeois d’ArcelorMittal.

    Toutes les grèves sont politiques dans une certaine mesure

    Simoyanov ne fait avec son texte que démontrer sa profonde incompréhension de cette grève. La direction de l’entreprise a refusé de négocier non pas parce que les ouvriers ont soulevé la revendication de la nationalisation, mais parce qu’ils n’étaient pas prêts à mieux payer les travailleurs. La logique de son article est que les travailleurs devraient restreindre leurs luttes à des questions purement économiques et que s’ils vont plus loin, toute la pression contre eux devient ‘‘légitime’’. Suivant cette logique, les syndicats ne devraient pas exiger le limogeage des responsables antisyndicaux ou faire grève afin de faire tomber des régimes autoritaires. Suivant cette logique encore, les syndicalistes d’Europe, de Grèce, du Portugal, d’Italie et d’ailleurs qui sont en lutte par millions contre les politiques d’austérité de leurs gouvernements ne devraient pas exiger la chute de ces gouvernements ? Simoyanov pensent-il aussi que cette revendication est ‘‘illégitime’’ ?

    L’ironie est que ces critiques, en se précipitant contre les grévistes du pétrole, ont oublié de s’en prendre à la direction de l’entreprise, et finissent même au final à la droite du président Nazarbayev qui, à Aktau, a déclaré après le massacre que : ‘‘Le gouvernement, ainsi que le fonds Samruk Kazyna et la société KazMunaiGas, ont échoué à mettre en œuvre mes instructions sur la résolution rapide de ce conflit. Malheureusement, ils se sont montrés incapables de résoudre le problème."

    La caractéristique des critiques de ‘‘gauche’’ des grévistes est la manière dont ils ferment les yeux sur les bureaucrates syndicaux qui collaborent avec les régimes autoritaires ! Boris Kravtchenko est un membre du conseil consultatif du président russe Medvedev, Alexeï Etmanov est un candidat de la liste pro-Kremlin "Russie juste" et Sergei Belkin a signé une entente pour éliminer les grèves avec le régime de Nazarbayev. Ils sont en colère non pas parce que les travailleurs du pétrole ont adopté des revendications politiques – ils ne les critiqueraient pas s’ils rejoignaient le parti présidentiel. Les critiques n’arrivent que lorsque les travailleurs du pétrole déclarent qu’ils ne vont plus soutenir le parti présidentiel et lancent un appel au boycott total des élections législatives de janvier. Plutôt que de rester derrière l’un ou l’autre parti politique pro-régime et leurs conseillers dans les syndicats, les travailleurs du pétrole ont appelé à la création de leur propre, démocratique et indépendant parti des travailleurs, un instrument politique capable de représenter leurs intérêts sans devoir subir l’influence des oligarques.

    Le 16 décembre – début de la fin pour Nazarbayev

    Les événements du 16 décembre 2011 marquent un tournant dans le développement des luttes ouvrières à travers l’ancienne Union soviétique (la CEI, Communauté des Etats Indépendants). Après sept mois de lutte acharnée, les travailleurs du pétrole ont appris de nombreuses leçons. Ils ont démontré qu’ils étaient capables d’adopter une attitude pacifique et disciplinée et de rejeter les provocations destinées à les conduire à la violence. Ils sont allés plus loin que de simples exigences salariales face à un patron qui n’a aucune envie de payer plus, et ont défendu que l’entreprise devait être nationalisée, sous contrôle ouvrier, de sorte que les richesses du pays puissent être utilisées pour le peuple, plutôt que d’enrichir les oligarques et la famille présidentielle. Ils ont démontré qu’ils peuvent unir autour d’eux tous les pauvres et les exploités de la région en défendant de meilleurs salaires pour ceux qui travaillent qui travaillent dans le secteur public. Ils ont appris qu’il y a beaucoup de ‘‘dirigeants’’ et de ‘‘politiciens’’ qui inondent leurs oreilles de promesses d’amitié éternelle en échange de leurs votes, mais qui désertent aux premiers besoins. Ils ont vu que les seuls amis qu’ils ont vraiment, ce sont les travailleurs d’autres villes et d’autres pays, les seuls à avoir exprimé une véritable solidarité.

    Même après les horribles attentats de la police et de l’armée le 16 décembre 2011, et les nombreux morts, blessés et emprisonnés, les travailleurs du pétrole ont préservé leur dignité et leur discipline. Ils continuent à faire appel aux autres travailleurs pour qu’ils s’organisent en une seule fédération syndicale nationale et indépendante et pour construire un parti des travailleurs. Le Comité pour une Internationale Ouvrière et ses sections est fier de rester à leur côté, et de rester entièrement solidaire de leur combat.

  • [DOSSIER] Italie, 1920 : Quand les travailleurs occupaient les usines

    En 1920, un mouvement d’occupations d’usines historique a pris place en Italie, allant jusqu’à susciter une profonde remise en question du capitalisme. Ce mouvement de masse a pourtant échoué à renverser l’autorité du capitalisme et sa disparition a malheureusement présidé à l’avènement du fascisme. Dans ce dossier, notre camarade Christine Thomas, de la section italienne du CIO (Contro Corrente) revient sur ces évènements et les leçons à en tirer.

    ‘‘En 1920, la classe ouvrière italienne avait, en effet, pris le contrôle de l’Etat, de la société, des usines et des entreprises. En fait, la classe ouvrière avait déjà gagné ou virtuellement gagné.’’ (Léon Trotsky, au quatrième Congrès de l’Internationale Communiste, novembre 1922 ). De fait, des travailleurs armés occupaient alors les usines, et des paysans s’étaient également emparés des terres. Le parti socialiste italien (PSI) était fort de quelque 200.000 membres à ce moment.

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    De l’occupation de places à l’occupation d’entreprises !

    Le thème de l’occupation est revenu sur le devant de la scène lors des luttes qui ont pris place au cours de l’année 2011. Nous avons déjà commenté sur notre site, dans notre journal et dans nos tracts cette méthode admirable issues des plus belles traditions du mouvement ouvrier et qui pose la question du contrôle de la société. Vers le mouvement des Indignés ou Occupy, nous défendons de déplacer les occupations de places symboliques vers les lieux de travail. Les pas qui ont été posés en cette direction aux Etats-Unis avec le blocage des ports, notamment celui d’Oakland, sont d’une très grande importance. En Belgique, dans le cadre de la lutte pour la sauvegarde de l’emploi dans la sidérurgie liégeoise, nous défendons l’occupation des sites d’ArcelorMittal en tant que première étape vers la nationalisation de la sidérurgie sous le contrôle des travailleurs. Les liens ci-dessous développent ces questions.

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    Selon les mots de Lénine, le PSI incarnait – de par son opposition à la première guerre mondiale – ‘‘l’heureuse exception’’ des partis affiliés à la Seconde Internationale. En mars 1919, ce même parti avait rejoint l’Internationale Communiste afin d’apporter son soutien à la ‘‘dictature du prolétariat’’. Et pourtant, le mouvement de septembre qui marquait l’étape finale de deux années rouges consécutives (biennio rosso) a échoué à renverser l’instance capitaliste, et sa défaite inaugura la montée du fascisme.

    Aujourd’hui, ce mouvement historique est en voie de devenir la ‘‘révolution oubliée’’, y compris par l’Italie elle-même. Beaucoup d’organisations politiques de masse n’existent plus et les marxistes doivent faire face à la tâche difficile de construire des partis neufs sur base des vieux fondements idéologiques de la classe des travailleurs. Mais la crise prolongée du capitalisme en cours – et les luttes qui en découlent – produiront inévitablement de nouvelles forces politiques avec, une fois de plus, l’hypothèse d’un réformisme et d’un centrisme massifs. C’est pour cette raison que, plus de 90 ans après, la révolution italienne mérite la même attention que d’autres révolutions ‘‘manquées’’ plus familières aux militants de gauche.

    Le mouvement de septembre commença en fait comme une ‘‘simple’’ lutte économique visant à protéger les salaires dans le secteur de l’ingénierie et de la métallurgie. Le coût de la vie connaissait une progression affolante – en juin 1920, les prix dépassaient de 20 % ceux qui étaient en cours trois mois plus tôt à peine. Les patrons avaient accumulé d’énormes profits pendant la guerre mais, selon une logique qui touchera une corde sensible chez tous les travailleurs d’aujourd’hui, ils s’employaient à rejeter la crise économique d’après-guerre sur la classe ouvrière.

    Non seulement ces patrons refusaient d’accorder les 40 % d’augmentation de salaire réclamés par l’union des ouvriers métallurgistes de la FIOM (une section autonome de la principale fédération syndicale (CGL)) mais, quand les négociations furent rompues et que les travailleurs mirent en place un ‘‘va mollo’’ au cœur de leur cadence de travail, les employeurs de l’usine Roméo de Milan décidèrent de fermer l’entreprise et 2000 ouvriers se retrouvèrent à la porte d’un seul coup.

    La FIOM riposta en lançant un appel immédiat à l’occupation de 300 usines milanaises. Cette riposte fut perçue par les dirigeants syndicaux comme une manifestation purement défensive qui, au final, coûterait moins cher que l’organisation d’une grève. Ils furent toutefois totalement dépassés par l’ampleur de la lutte qui s’ensuivit.

    De nombreuses angoisses qui s’étaient accumulées explosèrent alors. Des usines furent saisies dans les bastions industriels de Turin et de Gênes et au-delà de Florence, à Rome, Naples et Palerme. Le raz-de-marée d’occupations engloutit d’innombrables secteurs industriels dont ceux des produits chimiques, du caoutchouc, des chaussures ou encore du textile, pour ne citer qu’eux.

    Finalement, un demi-million de travailleurs tant syndiqués qu’inorganisés, furent impliqués dans cette belle aventure.

    Des drapeaux rouges (socialistes) et noirs (anarchistes) se déployèrent au-dessus des usines occupées. Sur le même temps, des ‘‘Gardes Rouges’’ armés contrôlaient les allées et venues aux abords de l’usine, décidant de qui pouvait entrer et sortir. Les travailleurs eux-mêmes maintenaient l’ordre, interdisant l’alcool et punissant ceux qui transgressaient les codes de discipline qu’ils s’étaient fixés ensemble.

    Le mouvement est allé plus loin à Turin – surnommée la ‘‘Petrograd’’ italienne en référence à la Révolution russe de 1917 – jusqu’à devenir un véritable mouvement de masse populaire qui impliqua pas moins de 150.000 travailleurs.

    Au centre Fiat (à l’époque rebaptisé ‘‘Fiat Soviet’’) les ‘‘commissaires’’ d’atelier organisaient la défense du site ainsi que le transport et le contrôle des matières premières. Les travailleurs de Turin s’organisèrent en conseils d’usine (coordonnés par le ‘‘lavoro di camere’’, une sorte de ‘‘conseil de métiers’’) et des comités de travailleurs prirent la responsabilité de la production, du crédit ainsi que de l’achat et de la vente des marchandises et des matières premières.

    Formellement, les capitalistes et leurs représentants politiques au gouvernement étaient aux commandes mais, en réalité, ils ne contrôlaient plus rien. Ils étaient en quelque sorte « paralysés ». Comme le journal national – ‘‘Corriere della Siera’’ – l’a exprimé sans fioriture : le contrôle complet des usines était aux mains des travailleurs.

    On tenait là un exemple clair de ce qui constitue une étape cruciale à l’intérieur du processus révolutionnaire, à savoir l’étape du ‘‘double pouvoir’’, où celui qui contrôle la société ressent la nature vacillante de son statut et où le destin s’écrit, soit par les forces révolutionnaires potentielles – qui achèvent la révolution via le renversement de l’ancien régime – soit par la vieille classe dominante qui neutralise les forces qui voulaient l’abattre et se réapproprie le contrôle.

    Le mouvement des conseils de l’usine de Turin

    Ce qui advint par la suite ne peut être compris que dans un contexte conjoncturel antérieur, et plus particulièrement dans la période de l’immédiat après-guerre. Les patrons avaient délibérément provoqué le mouvement de Septembre en ‘‘enfermant dehors’’ les ouvriers affectés aux centres d’ingénierie. Cette manœuvre patronale avait évidemment pour but de porter un coup décisif à la classe ouvrière.

    ‘‘Il n’y aura pas de concessions’’, avait déclaré le représentant des patrons à Bruno Buozzi, chef de la FIOM. ‘‘Depuis la fin de la guerre, nous n’avons rien fait d’autre que de baisser nos pantalons. Maintenant c’est votre tour.’’

    Comme cela avait été le cas dans de nombreux pays européens, la guerre, mais aussi la victoire remportée par les travailleurs et les paysans contre le capitalisme et le féodalisme en Russie, avaient donné lieu à une situation explosive en Italie. En 1917, des mouvements semi-insurrectionnels avaient secoué le nord du pays tandis que des paysans et des ouvriers se rebellaient au sud. Il a toutefois fallu attendre 1919 pour que le mouvement s’intensifie et se généralise davantage.

    La première grande bataille des deux ‘‘années rouges’’ fut remportée par les métallurgistes qui, au printemps de 1919, menèrent des actions de grève et obtinrent la journée des huit heures.

    En juin et juillet de la même année, la flambée des prix provoqua un autre mouvement insurrectionnel au nord. Dans de nombreuses régions, des comités de citoyens (sortes de Soviets ‘‘embryonnaires’’) s’emparèrent du contrôle complet des prix.

    Au printemps 1920, le climat insurrectionnel gagna encore en intensité, d’où la hausse du nombre de grèves spontanées générées par l’extrême pénibilité des conditions économiques et sociales. La ‘‘courbe des températures’’ en milieu gréviste devait toutefois poursuivre sa montée inexorable : en 1918 on comptabilisait 600.000 grèves, en 1919 on en comptait 14.000.000 et en 1920 on atteignait le chiffre de 16.000.000 !

    Sur le plan industriel, Turin était la ville la plus importante d’Italie et, du point de vue des capitalistes, elle fut le lieu originel d’émergence puis de développement du mouvement le plus dangereux.

    Dans les usines, les travailleurs s’organisèrent en commissions internes. Il s’agissait d’instances contradictoires dont l’existence débuta en 1906 en tant que comités de revendication affectés aux questions de discipline et d’arbitrage. Ceux-ci étaient dominés par les représentants du syndicat et considérés par la caste capitaliste comme des organes de collaboration de classe, ou encore comme un moyen d’amener les travailleurs à participer aux décisions concernant leur propre exploitation sur les lieux de travail.

    Mais pendant la guerre, ces commissions explosèrent et devinrent l’objet d’une véritable bataille qui opposa les ouvriers de terrain aux patrons sur la question de savoir qui exerçait le contrôle dans les usines. Un rôle crucial dans ce mouvement a été joué par l’Ordine Nuovo (l’Ordre Nouveau), un journal fondé à Turin en mai 1919 par Antonio Gramsci et trois autres socialistes. Inspiré par la révolution russe, l’Ordre Nouveau appelait à la démocratisation des commissions internes et à l’établissement de conseils ouvriers élus par l’ensemble des travailleurs, sans pour autant exclure ceux qui n’étaient pas syndiqués.

    Les conseils ouvriers ne se bornaient pas à exercer un contrôle sur les lieux de travail, mais devenaient d’authentiques organes de pouvoir au service des travailleurs dans la société toute entière.

    L’idée de ces conseils ouvriers se répandit à travers la ville telle une traînée de poudre. Partout dans Turin, dans chaque industrie importante, des élections désignèrent des commissaires d’atelier : il est à noter qu’à son apogée, le mouvement des conseils impliqua pas moins de 150.000 travailleurs dans cette ville… Les capitalistes n’allaient évidemment pas rester bras croisés et accepter indéfiniment l’imposition d’un double pouvoir effectif et permanent à l’intérieur des usines. ‘‘Il ne peut y avoir qu’une seule autorité dans l’usine’’ déclarait le manifeste de la Ligue Industrielle de Turin. ‘‘Les conseils d’ouvriers de Turin doivent être implacablement écrasés’’ clamait de son côté le leader industriel Gino Olivetti.

    En mars 1920, alors que les élections se déroulaient sur chaque lieu de travail pour renouveler les commissions internes, les patrons sont montés à l’assaut en annonçant un verrouillage des centres d’ingénierie à travers toute la ville. Un conflit s’ensuivit, non pas centré sur des griefs économiques, mais bien sur des domaines touchant à la fois au contrôle ouvrier et à la reconnaissance des conseils d’usine. En avril, la grève des métallurgistes s’étendit à l’industrie chimique, à l’imprimerie, au bâtiment ainsi qu’à d’autres secteurs, impliquant un demi-million de travailleurs, soit la quasi-totalité de la classe ouvrière de Turin !

    Quatre jours plus tard, le mouvement s’étendit au-delà des confins de la ville, atteignant la région du Piémont. Une solidarité spontanée s’organisa à Livourne, Florence, Gênes et Bologne, mais les directions syndicales refusèrent de prolonger la grève et – comme au temps de la Commune de Paris en 1871 – le mouvement des conseils d’usine de Turin resta isolé, coupé du reste du pays. A la différence de la Commune de Paris toutefois, dont l’Histoire nous a appris l’issue fatale (les estimations parlent d’au minimum 20.000 morts et 20.000 déportés après la ‘‘semaine sanglante’’ d’avril 1871, NDLR), les milliers de travailleurs ne perdirent pas la vie, mais l’accord qui mis fin à la grève fut vécu comme une amère défaite.

    En dépit d’une reconnaissance formelle des conseils d’usine, cet accord privait les ouvriers de l’exercice d’un contrôle réel sur leur lieu de travail. De plus, après ces journées d’avril, les patrons furent encouragés à aller plus loin dans l’offensive et à reprendre les travailleurs en main. 11.000 industriels appartenant à 72 associations s’organisèrent en une instance centralisée – la Confindustria, qui existe toujours aujourd’hui – qui tint sa première conférence nationale cette année-là. Ces patrons se retrouvaient ainsi unis en une même opposition face aux revendications des travailleurs. Mais la portée des occupations – ainsi que le potentiel révolutionnaire de celles-ci – restaient incontestables et des fissures profondes lézardèrent bientôt la façade du front uni des capitalistes.

    Les ‘‘faucons’’, qui comptaient parmi eux Agnelli, le propriétaire de Fiat, poussèrent le gouvernement à adopter une ligne dure et à briser les occupations par la force. Une autre aile redoutait toutefois une intervention de l’armée – et des forces de l’Etat – à l’encontre des travailleurs. Cette aile craignait le risque de voir la situation s’embraser davantage et entraîner dans la débâcle le système capitaliste dans sont entièreté.

    Le premier ministre Giolitti, élu trois mois auparavant, adopta plutôt la ‘‘logique de la colombe’’ et choisit de demeurer dans sa maison de vacances, d’attendre et de laisser faire le temps dans l’espoir évident que l’usure gagne la classe ouvrière et que cette dernière se retrouve à devoir se prosterner à ses genoux.

    Lorsque Agnelli sollicita l’intervention du gouvernement, Giolitti proposa cependant de bombarder l’usine Fiat afin de la ‘‘libérer de l’occupant’’… ‘‘Non, non’’, s’écria Agnelli. Et Giolitti de résumer lui-même en des termes sans équivoque le fameux dilemme de la classe dirigeante : ‘‘Comment pourrais-je mettre fin à l’occupation ? Il est question de 600 usines dans l’industrie métallurgique. (…) J’aurais dû placer une garnison dans chacune d’elles. (…) Pour occuper les usines, j’aurais dû utiliser toutes les forces à ma disposition ! Et qui aurait assuré la surveillance des 500.000 travailleurs en dehors des usines ? C’aurait été la guerre civile’’. (3) La classe dirigeante était impuissante. La balle était désormais dans le camp des travailleurs…

    Se battre avec des mots

    L’effet de la radicalisation d’après-guerre sur les organisations ouvrières avait été explosif. A la fin de la guerre, la CGL (le syndicat lié au PSI) comptait environ 250.000 membres. Deux ans plus tard, deux millions de travailleurs étaient enrôlés dans ses rangs ! Au cours de l’été 1920, l’union-anarcho-syndicaliste (USI) – qui rejetait la ‘‘politique’’ – pouvait réclamer 800.000 membres et le syndicat catholique du commerce (CIL) était, quant à lui, passé de 162.000 membres en 1918 à un million en 1920. La croissance du PSI ne fut pas moins spectaculaire : 24.000 membres en 1918, 87.000 en 1919 et 200.000 en 1920. En novembre 1919, le parti remporta une stupéfiante victoire électorale, raflant plus de 1,8 millions de voix et devenant, avec 156 députés, la force parlementaire la plus puissante. Il s’assurait aussi le contrôle de 2000 conseils locaux (soit près d’un quart du total).

    Giolitti tablait sur les dirigeants syndicaux, estimant qu’ils seraient capables de retenir la vague d’occupations et de prévenir une insurrection révolutionnaire. En avril, la direction nationale de la CGL, ainsi que celle de la FIOM, s’était montrée hostile au mouvement des ‘‘conseils d’usine’’ qui représentait une menace au niveau de leur contrôle sur la classe ouvrière. Elle avait résisté à toute tentative d’étendre la lutte au-delà de Turin. En septembre, leur principale préoccupation était de maintenir leur contrôle sur le mouvement, de limiter les revendications des occupations aux thèmes économiques (salaires,…), et de prévenir toute volonté de ceux qui désormais exerçaient le contrôle de la société de défier clairement le système capitaliste.

    Et le PSI dans tout ça ? Le parti se prononça en faveur de la révolution et caractérisa, très justement, cette période de ‘‘révolutionnaire’’. Les travailleurs contrôlaient les usines, pas les capitalistes ; la classe dominante était déchirée en raison de ses divisions et l’Etat était paralysé. C’était l’heure de la lutte pour le pouvoir.

    Mais alors que les mouvements révolutionnaires commencent souvent spontanément, sans aucun véritable ‘‘modus vivendi’’, mener une révolution vers sa conclusion – ce qui pour la classe ouvrière et paysanne revient à prendre le pouvoir des mains de la classe dirigeante capitaliste et à construire un Etat ouvrier démocratique – exige un mouvement conscient guidé par un parti révolutionnaire porté par un programme, une stratégie et une tactique claires. Les bolchéviks en avaient fait la démonstration limpide et éclatante trois ans auparavant en Russie.

    Des centaines d’usines furent occupées. Les travailleurs, spécialement à Turin, appelaient ces conseils d’usine à s’étendre davantage. Des initiatives furent développées par la base mais, dans de nombreux domaines, ces occupations d’usine se vivaient séparément les unes des autres et les travailleurs se concentraient exclusivement sur leurs propres questions locales.

    Pendant ce temps là, les ouvriers ruraux et les paysans étaient aussi en effervescence, montant au créneau, se battant, manifestant et s’emparant des terres et autres biens fonciers appartenant aux propriétaires terriens. En 1920, 900.000 ouvriers agricoles rejoignirent la CGL. Cependant, ces soulèvements furent pour la plupart vécus en retrait du monde des ouvriers d’usine.

    Il existait pourtant un besoin impérieux de voir les occupations gagner tous les secteurs de la société et les conseils des travailleurs s’étendre au-delà des lieux de travail et se coordonner au niveau local, régional et national. La formation de comités de paysans et de travailleurs ruraux (l’Italie était encore majoritairement un pays rural) liée aux conseils de travailleurs aurait pu poser les bases d’un gouvernement révolutionnaire des travailleurs et des paysans.

    Dans sa presse, le PSI a publié des articles stimulants relatifs, par exemple, à la formation de soviets, plans détaillés à l’appui. On trouve encore dans cette presse des déclarations révolutionnaires exhortant les paysans à soutenir les grévistes, ainsi qu’un appel aux ‘‘prolétaires en uniforme’’ à rejoindre la lutte des travailleurs et à résister aux ordres de leurs officiers supérieurs.

    Lors du deuxième Congrès de l’Internationale Communiste – qui se tint durant les mois de juillet et août 1920 – les représentants du parti évoquèrent la révolution imminente. Le 10 septembre, la direction nationale du PSI annonça son intention d’ ‘‘assumer la responsabilité et la direction du mouvement afin de l’étendre au pays tout entier ainsi qu’à l’ensemble de la masse prolétarienne’’. (4) Sur papier, c’est un programme révolutionnaire, mais dont la concrétisation n’a jamais dépassé le stade de l’écrit. La direction nationale du PSI fut qualifiée de ‘‘centriste’’ par Lénine (soit des ‘‘révolutionnaire en paroles’’). En tout cas, la direction du PSI était incapable, ou insuffisamment motivée, de tirer des conclusions pratiques de sa phraséologie révolutionnaire.

    Gramsci a expliqué que l’ensemble du PSI avait rejoint la troisième Internationale Communiste, mais sans vraiment comprendre ce qu’il faisait. Une grande partie du parti était encore dominée par les réformistes ou les ‘‘minimalistes’’ (qualifiés ainsi parce qu’ils adhéraient au ‘‘programme minimum’’ du parti, lequel se bornait à une logique de revendications démocratiques, tout en ignorant – ou en le concédant du bout des lèvres – le ‘‘programme maximum’’ de la révolution socialiste). L’existence même d’un programme ‘‘minimum’’ et ‘‘maximum’’ – sans aucun rapport entre eux – aide à comprendre pourquoi le PSI a réagi comme il l’a fait en septembre.

    Dirigés par Turati et Treves, les minimalistes étaient essentiellement concernés par le travail visant à gagner du soutien électoral pour obtenir des postes au Parlement et dans les conseils locaux. Selon eux, les réformes concernant la classe ouvrière devaient être garanties par le Parlement plutôt que par la lutte des classes qui, quand elle avait lieu, devait se limiter aux créneaux économiques ‘‘sûrs’’, c’est-à-dire qui ne représentaient aucune menace pour le système capitaliste. La base principale était – sans surprise – réformiste dans le parti parlementaire ainsi que dans la CGL qui avait été mise en place par le PSI en 1906.

    A côté des réformistes, et, pour la plupart, à la tête du parti, se trouvaient les ‘‘maximalistes’’ dirigés par Serrati. Ils défendirent le programme maximum de la révolution socialiste, mais à la mode typiquement centriste. La principale préoccupation de Serrati était de maintenir l’unité du parti à tout prix ‘‘pour la révolution’’, même si cela équivalait à faire des concessions aux minimalistes. Ainsi, lui et les autres dirigeants centristes ignorèrent-ils les conseils de Lénine qui prescrivaient l’expulsion des réformistes et prônait la constitution d’un parti unifié autour d’un programme communiste clairement défini. En plus de tout ceci, il fallait compter avec les communistes regroupés principalement autour d’Amadeo Bordiga, sans oublier les partisans de Gramsci…

    Une autre caractéristique du centrisme est l’indécision. Pendant les ‘‘journées d’avril’’, la direction avait adopté une position passive, permettant au mouvement des conseils d’usine de se retrouver complètement isolé à Turin, et par conséquent vaincu. La confiance de l’aile ‘‘minimaliste’’ du parti se renforça et cela conduisit aussi à une augmentation du soutien à l’égard des anarchistes en réaction. L’immobilisme du PSI en avril constitua un avant-goût de ce qui allait arriver en septembre. Il n’était en aucune manière préparé à la tempête qui allait faire rage à travers le pays. Comme l’a expliqué Trotsky, l’organisation la plus effrayée et la plus paralysée par les événements de septembre a été le PSI lui-même. (5)

    "L’organisation centrale du parti n’a pas jugé utile jusqu’à présent d’exprimer une seule opinion ou de lancer un seul slogan", écrit Gramsci, en août. (6) En fait, en dépit de sa base, le PSI ne disposait pas d’organisation réelle dans les usines. En 1918, le parti avait signé un ‘‘pacte d’alliance’’ avec la CGL, désignant deux sphères d’influence artificiellement séparées : le PSI se chargeait de mener les ‘‘grèves politiques’’ et la CGL ‘‘les grèves économiques’’. Naturellement, comme l’occupation de septembre l’avait clairement montré, il n’existait pas de distinction franche entre les deux : une grève qui débute sur une question économique (la ‘‘question des salaires’’, dans ce cas précis) devait rapidement revêtir un caractère plus général et, en tous les cas, un caractère politique.

    Mais cette fausse stratégie signifiait que le parti ne se réservait qu’un rôle secondaire – dévolu ordinairement au spectateur voire à la ‘‘pom-pom girl de service’’ – plutôt que de s’approprier le rôle principal : à savoir celui d’un parti révolutionnaire capable de guider le mouvement vers la conquête du pouvoir ainsi que les bolcheviks l’avaient fait en Russie.

    Le PSI pouvait bien imprimer des proclamations abstraites et des manifestes pro-soviétiques, concrètement, il ne faisait rien pour promouvoir ceux-ci parmi les travailleurs eux-mêmes, et permettait donc aux dirigeants syndicaux réformistes – qui mettaient toute leur énergie à faire échouer la révolution – de renforcer leur influence.

    Cette approche propagandiste abstraite était également manifeste dans l’attitude du parti envers les paysans et les travailleurs agricoles. Dans son emphatique rhétorique révolutionnaire, il appelait en ces termes à soutenir les travailleurs des usines : ‘‘Si demain sonne l’heure des grèves décisives, celle de la bataille contre tous les patrons, vous, aussi, ralliez-vous ! Reprenez les villes, les terres, désarmez les carabiniers, formez vos bataillons dans l’unité avec les travailleurs, marchez sur les grandes villes, soyez du côté du peuple en armes contre les voyous mercenaires de la bourgeoisie ! Car le jour de la justice et de la liberté est proche, et la victoire peut-être à portée de la main… ! " (7) Mais l’influence du parti dans les zones rurales, en particulier au sud, restait minime.

    Serrati considérait effectivement que les travailleurs étaient ‘‘socialistes’’ par essence et les paysans ‘‘catholiques’’, renonçant à toute tentative de recruter les masses rurales radicalisées du sud. Lors du deuxième Congrès de l’Internationale Communiste, Serrati rejeta la politique agraire de l’Internationale Communiste au motif que celle-ci était inappropriée par rapport à l’Italie. Un journaliste du ‘‘Corriere della Serar’’ a très bien résumé l’approche du PSI à cette époque en disant que ‘‘les dirigeants socialistes veulent attaquer le régime seulement avec des mots.’’ (8)

    Quand une action concrète était nécessaire

    Dès la deuxième semaine de septembre, les occupations se répandirent spontanément, mais de nombreux travailleurs urbains devenaient fatigués et impatients, attendant en vain quelqu’un capable de passer enfin de la parole à l’acte et de montrer l’exemple. La situation instaurée par le double pouvoir ne pouvait pas continuer indéfiniment : le temps de l’action décisive était venu.

    Le 9 septembre, le conseil de direction de la CGL rencontra certains dirigeants du PSI. Lors de cette réunion, le chef de la CGL, D’Aragona, demanda de but en blanc aux socialistes de Turin : ‘‘êtes-vous prêts à passer à l’attaque, avec vous-même en première ligne, quand ‘‘attaquer’’ signifie très précisément démarrer un mouvement d’insurrection armée ?’’ Ce à quoi Togliatti (un futur leader du Parti Communiste Italien) répondit "Non". (9) Les travailleurs qui occupaient les usines étaient armés et, à Turin, un comité militaire avait même été organisé depuis le mois d’avril. Mais les travailleurs se retrouvaient pour la plupart dans des forteresses isolées, séparées les unes des autres et, comme Togliatti lui-même le soulignait alors, les préparatifs militaires qui s’organisaient étaient purement défensifs.

    En Octobre 1917, en Russie, l’insurrection armée (la prise de contrôle des institutions-clés de l’Etat ainsi que des positions stratégiques, comme les télécommunications et les transports) avait été préparée à la manière d’une lutte pour la défense de la révolution contre les forces contre-révolutionnaires. Mais, comme l’expliquait Trotsky, l’insurrection de masse elle-même, "qui se tient au dessus d’une révolution comme un pic au-dessus d’une montagne d’événements’’, est un acte offensif qui peut être "prévu, préparé et organisé à l’avance sous la direction du parti. Une insurrection ne peut être spontanée et renverser un pouvoir ancien, mais la prise du pouvoir nécessite une organisation appropriée ; elle nécessite un plan’’. (10) La première tâche est de convaincre les troupes, ce que les bolcheviks avaient réussi à faire avant l’insurrection.

    En septembre 1920, le PSI exprima par écrit – et dans un langage on ne peut plus radical – que l’heure de la ‘‘lutte décisive’’ était proche… mais il ne fit absolument rien pour préparer l’avènement de ce combat crucial. Il n’existait aucune coordination pour l’armement des travailleurs, pas d’approche concrète vers les rangs des forces armées pour qu’ils forment leurs propres comités démocratiques destinés à soutenir la révolution. Il n’existait que des déclarations éthérées et, naturellement, aucun plan pour la formation d’une alternative gouvernementale ouvrière.

    Comme cela a déjà été mentionné, le 10 septembre, la direction nationale du PSI vota la prolongation du mouvement. Ce même soir, les dirigeants de la CGL qualifièrent de bluff cette décision de la direction du PSI. Lors d’une réunion commune des deux organisations, les dirigeants de la CGL démissionnèrent et D’Aragona offrit de remettre le contrôle du mouvement au parti : ‘‘Vous croyez que le moment de la révolution est arrivé ?’’, dit-il. ‘‘Très bien : dans ce cas, vous devez en assumer la responsabilité (…) Nous soumettons notre démission (…) Vous prenez la direction de l’ensemble du mouvement.’’ (11) Et que firent les dirigeants du PSI ? Tout comme dans ce jeu révolutionnaire tragique, tout entier résumé par l’expression ‘‘passer le colis’’, ils ‘‘passèrent’’ la question au Conseil national de la CGL !

    Umberto Terracini (co-fondateur avec Gramsci et Angelo Tasca de l’Ordre Nouveau) devait déclarer ceci : "Quand les camarades qui menaient la CGL présentèrent leur démission, la direction du parti ne pouvait ni les remplacer, ni espérer les remplacer. C’était Dugoni, D’Aragona, Buozzi, qui dirigeaient la CGL. Ils furent, à tout moment, les représentants de la masse". (12) Et donc, les centristes, qui des heures plus tôt étaient censés se préparer à propager la révolution, étaient en réalité désemparés face à ce qu’il fallait faire par la suite. En l’absence de programme clair, et sans disposer d’aucune stratégie ni tactique, ils étaient voués à capituler inévitablement et à abandonner le contrôle total aux réformistes (qui, eux, avaient un plan) afin d’éviter la révolution à tout prix.

    ‘‘La direction du parti avait perdu des mois à prêcher la révolution’’, écrivait Tasca, ‘‘mais elle n’avait rien prévu, rien préparé. Quand le vote à Milan accorda la majorité aux thèses de la CGL, les leaders du parti poussèrent un soupir de soulagement. Dégagés désormais de toute responsabilité, ils pouvaient se plaindre – avec force trémolos dans la voix ! – de la trahison de la CGL. De cette manière, c’est un peu comme s’ils avaient quelque chose à offrir aux masses qu’ils avaient pourtant abandonnées au moment décisif, heureux dans cet épilogue qui leur permettait de sauver la face.’’ (13)

    La résolution de la CGL, qui transforma une lutte révolutionnaire en une lutte purement syndicale, remporta le vote au Conseil national. Elle sollicita le contrôle syndical afin d’être reconnue et une commission mixte, composée d’employeurs et de représentants syndicaux, fut mise en place pour étudier la question. Lorsque la FIOM organisa un référendum pour voter l’accord final qui mettrait fin aux occupations, celui-ci fut massivement accepté, sans se heurter à aucune opposition émanant du cœur du syndicat lui-même.

    La réaction capitaliste fut mitigée. Agnelli était tellement déprimé par toute cette affaire qu’il proposa de transformer Fiat en coopérative, non sans se dispenser de cette interrogation ironique : ‘‘comment pouvez-vous construire quelque chose avec 25.000 ennemis ?’’ (14) Mais les leaders syndicaux refusèrent son offre. Une partie des capitalistes, pourtant, s’insurgeaient contre la question du contrôle des travailleurs. Mais les ‘‘modérés’’ comprenaient bien qu’après presque un mois d’occupations, les travailleurs n’accepteraient rien de moins.

    Comme le journaliste Einaudi l’exprima succinctement : ‘‘la raison et le sentiment conseillent aux industriels de céder le contrôle, de mettre fin à un état de choses qui ne saurait plus continuer sans échapper à la décomposition et à la désagrégation.’’

    La Commission, en fait, n’a jamais émis une seule proposition et le contrôle des travailleurs fut enterré tandis que la crise économique étranglait l’Italie l’année suivante et que des dizaines de milliers de travailleurs perdaient leur emploi, y compris de nombreux militants (qui comptaient parmi les plus actifs à l’intérieur du mouvement d’occupations).

    L’accord qui mit fin aux occupations ne fut pas initialement perçu comme une défaite par de nombreuses sections de travailleurs (et ne fut pas présenté comme tel par le syndicat et les dirigeants du PSI). Les acquis économiques – les hausses substantielles de salaire, les congés payés etc – constituaient d’impressionnantes victoires pour un combat syndical. Mais, naturellement, le mouvement avait le potentiel d’être beaucoup plus que cela et voulait beaucoup plus que cela. C’est seulement au cours des quelques mois suivants, alors que la crise économique commençait à sévir et que les bandes fascistes se mobilisaient contre les travailleurs, que la pleine mesure de la défaite atteignit les consciences.

    Les communistes auraient-ils pu s’investir davantage dans leur manière de façonner l’événement ?

    Le deuxième Congrès de l’Internationale Communiste, qui s’est en fait réuni alors que le mouvement était en marche, disposait d’informations très limitées sur ce qui se passait en Italie. Ce n’est que le 21 septembre, alors que les occupations étaient en voie de démobilisation, que l’Internationale publia un manifeste appelant à la formation de conseils d’ouvriers et de soldats, et à l’insurrection armée pour la conquête du pouvoir.

    Gramsci n’était pas présent au Congrès, mais Lénine loua son texte sur le renouvellement du PSI, le considérant comme le meilleur qu’on lui ait été donné de lire sur la situation italienne. Pourtant, en septembre, Gramsci jouissait de peu d’influence au sein du parti de même que sur le mouvement lui-même. Le groupe ‘‘Ordine Nuovo’’, qui avait toujours été politiquement hétérogène, s’était désintégré pendant l’été et Gramsci se retrouvait désormais isolé.

    En regardant en arrière, quelques temps plus tard, il se fit un devoir de revenir via l’écriture sur les erreurs graves qu’il avait commises et payées cher et en particulier sur l’échec qui mit fin à sa tentative de former – avec un soutien dans tout le pays – un courant organisé au sein du parti. Le groupe, en fait, ne développa jamais vraiment de racines à l’extérieur de Turin et quand le Parti Communiste Italien fut finalement formé en janvier 1921, les idées de Bordiga dominèrent largement celles de Gramsci.

    Le groupe de Bordiga était un groupe national et beaucoup mieux organisé, mais politiquement d’ultra-gauche. Il fit campagne pour la formation d’un parti communiste ‘‘pur’’, rigide, et discipliné, et, dans une sur-réaction envers l’opportunisme électoral des réformistes du PSI, préconisa l’abstention (astensionismo), la non-participation du parti aux élections. Le fait qu’en septembre, le journal des Bordiguistes ‘‘Le Soviétique’’ n’ait pas publié un seul éditorial sur les occupations en dit long sur son approche abstraite et sectaire du marxisme (que Lénine attaqua par ailleurs dans son texte ‘‘Le gauchisme, maladie infantile du communisme’’).

    Après les événements de septembre, Bordiga renonça officiellement à l’abstentionnisme et, avec Gramsci, soutint la construction d’un parti communiste de masse. Cependant, son ultra-gauchisme et son sectarisme – son opposition ‘‘de principe’’ à la tactique du front unique – ont continué d’imprégner le jeune Parti Communiste d’Italie, en particulier dans son attitude envers le PSI (qui avait le soutien de la majorité des délégués lors la scission du parti qui donna naissance au Parti Communiste) et envers les Arditi del Popolo – les milices populaires – mises en place pour lutter contre les fascistes.

    A quelques semaines de la fin des occupations, les propriétaires fonciers lâchèrent les escadrons fascistes à Emilia. La révolution de septembre et le début de la grave crise économique avaient convaincu une partie de la classe capitaliste qu’elle ne pouvait pas continuer comme avant. Elle ne pouvait pas compter plus longtemps sur l’Etat capitaliste dans sa forme de l’époque et la résistance des travailleurs devait être impitoyablement brisée.

    Avec une classe ouvrière affaiblie et démoralisée après la défaite du mouvement, les grandes entreprises et le capital financier commencèrent à financer les voyous fascistes qui, dans les deux ans qui précédèrent l’appel final au pouvoir de Mussolini en Octobre 1922, lancèrent une offensive brutale contre la classe ouvrière, impliquant des attaques violentes envers les organisations de travailleurs et l’assassinat de militants. Les travailleurs italiens eurent à payer au prix fort les fautes de leurs chefs au cours des ‘‘biennio rosso’’ (les deux années rouges) avec, en guise de récolte amère, une domination fasciste qui allait durer 20 ans.

    Aujourd’hui, en Italie, après la transformation du Parti Communiste en un ‘‘Nouveau Parti Travailliste’’ de type capitaliste au début des années 1990 et après le déclin du parti de la refondation communiste (Rifondazione Comunista) qui s’ensuivit au cours de la dernière décennie, il n’y a pas de parti de masse de gauche. Mais bon nombre des caractéristiques politiques de la période 1919-1920 demeurent. Parmi celles-ci : la fausse division entre la lutte politique et syndicale, la prédominance de l’électoralisme sur la lutte de masse, la propagande abstraite et une incapacité à se connecter directement à la classe ouvrière.

    Une compréhension de cette période critique de l’histoire italienne sera utile pour la nouvelle génération de combattants, non seulement en Italie mais également sur le plan international.


    1. Gwyn A Williams, Proletarian Order, Pluto Press,1975 p238
    2. Paolo Spriano, The Occupation of the Factories, Pluto Press, 1975 p72
    3. Paolo Spriano op cit p56
    4. Gwyn A Williams op cit p257
    5. Lev Trotsky, Scritti sull’Italia, Controcorrente, 1990 p29
    6. Paolo Spriano op cit p34
    7. Gwyn A Williams op cit p251
    8. Paolo Spriano op cit p93
    9. Gwyn A Williams op cit p256
    10. Leon Trotsky, History of the Russian Revolution, volume three, chapter six, The Art of Insurrection
    11. Paolo Spriano op cit p90
    12. Gwyn A Williams op cit p258
    13. Paolo Spriano op cit p93
    14. Gwyn A Williams op cit p267
    15. Paolo Spriano op cit p110
  • Journée historique au Kazakhstan

    Ce vendredi 16 décembre 2011 restera à jamais marqué d’une encre des plus sanglantes dans l’histoire contemporaine du Kazakhstan, des mains de ce régime depuis longtemps déjà criminel, celui de Nazarbayev. En ce jour, des centaines de grévistes et de citoyens pacifiques ont été victimes des tirs d’armes automatiques des soldats et des policiers ; le nombre exact de victimes n’est toujours pas connu. Tout cela est le résultat d’une provocation policière arrangée contre les participants à la manifestation non violente des travailleurs du pétrole en grève et des résidents de la ville de Janaözen, manifestation qui, comme cela avait été annoncé, avait commencé dès le matin sur la grand-place de la ville. Les travailleurs et les membres de leur famille étaient venus protester contre les actions des autorités, unilatéralement et totalement favorables aux patrons, ainsi que pour demander la reprise des négociations et la libération de Natalia Sokolovaïa, leur avocate.

    Par Résistance Socialiste (CIO-Kazakhstan)

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    Pour en savoir plus


    Actions de solidarité

    Belgique : la dictature kazakhe également à l’œuvre à Bruxelles ?

    De pacifiques supporters qui voulaient soutenir les travailleurs du pétrole au Kazakhstan et dénoncer la répression à l’œuvre dans ce pays au régime dictatorial ont implacablement été arrêtés lors du match de ce vendredi 7 octobre entre les Diables Rouges et l’équipe du Kazakhstan. Le pouvoir dictatorial du Président Nazarbayev s’étend apparemment jusqu’à Bruxelles…


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    Selon les communications que nous avons reçues des travailleurs, un fourgon de police a déboulé à grande vitesse, fonçant vers la foule de citoyens. Les travailleurs, poussés au désespoir, sont passés à des actes plus radicaux. Il est évident que la provocation policière était bien consciente, afin de contraindre les grévistes à passer à des mesures extrêmes. Ne supportant pas les railleries et les vexations, les travailleurs ont renversé les barrières policières et, vers midi, ils ont pris d’assaut le bâtiment de l’äkimat (c’est-à-dire l’Hotel de ville) de Janaözen et le bureau de la filiale de production de la société ÖzenMunayGaz, de même qu’un hôtel et d’autres bâtiments administratifs.

    À la suite de cela, la presse pro-gouvernementale a inventé une histoire selon laquelle les travailleurs soi-disant enragés avaient attaqué des enfants qui étaient venus avec des drapeaux et des ballons au concert donné pour célébrer les vingt ans de l’indépendance du Kazakhstan ! Il était clair que cela n’était qu’un pur mensonge de plus, mais cette information s’est tout de même répandue avec insistance sur l’internet, avant que les réseaux sociaux n’aient été bloqués vers 15h.

    Et donc, vers 12h45, les forces de l’OMON (police anti-émeute) et de l’armée ont été envoyées contre les grévistes et les habitants de la ville, en utilisant leurs armes à feu. C’est à ce moment que sont tombés les premiers morts et blessés. Les grévistes ont été bombardés de bombes fumigènes, de gaz lacrymogènes, de grenades aveuglantes, tout cela dans l’unique but de chasser les manifestants hors de la place. Malgré le recourt à des armes à feu, les travailleurs ont commencé à désarmer les policiers et, vers midi, occupaient pratiquement toute la ville.

    À ce moment les autorités ont décidé de mettre en mouvement des unités de brigades spéciales de marines et de tanks venus d’Aqtau, qui déjà avaient été apprêtés pour l’occasion. En conséquence de l’ordre qui avait été donné d’ouvrir le feu, des dizaines de personnes sont mortes ; le nombre de décès s’élevait déjà à 70 tués vers 14 heures locales, et il est bien possible que ce chiffre ait été porté à 150 d’ici à ce samedi matin. Ces données ont été communiquées par les travailleurs eux-mêmes, qui sont parvenus à rester en contact téléphonique permanent avec nous à la rédaction.

    Les tanks et les soldats sont arrivés à Janaözen en soirée, et les travailleurs et habitants, qui étaient descendus en masse dans les rues de la ville, ont à nouveau été évincés de la place et des points-clés en banlieue par l’emploi de “moyens spéciaux”. Mais cette répression n’a que très peu rapporté aux autorités, puisque vers midi déjà, toutes les exploitations pétrolières de la compagnie ÖzenMunayGaz avaient cessé le travail en solidarité. La grève a par la suite été rejointe par les travailleurs de toutes les entreprises d’extraction de la province de Mangistau.

    Une partie des travailleurs a résisté toute la nuit contre les militaires, et jusqu’au matin ont eu lieu en banlieue des escarmouches et des batailles de rues. Le véritable nombre de morts reste pour l’instant inconnu. On sait que tandis qu’ils battaient en retraite, les travailleurs ont emporté les corps de leurs camarades. En plus de tout cela, tous les hôpitaux de Janaözen et d’Aqtau ont été submergés de blessés dans l’après-midi, et au centre de transfusion sanguine, on appelait constamment à de nouveaux donneurs de sang. Il semblerait qu’environ 150 personnes aient été arrêtées, dont 4 membres du Mouvement Socialiste du Kazakhstan, l’organisation dans laquelle milite la section kazakhe du CIO, Résistance Socialiste. Ce matin, 4.000 ouvriers de l’entreprise pétrolière Kalamkas ont stoppé le travail en revendiquant que l’entreprise cesse ses activités à Janaözen.

    Toutes les forces et moyens possibles ont été employés contre les travailleurs en lutte. À Janaözen comme dans les villages voisins, l’électricité a été coupée. Le réseau téléphonique et internet ne fonctionnent plus et, afin de stopper la diffusion de l’information concernant le nombre de morts et de blessés, tous les réseaux sociaux ont été bloqués, de même que les sites internet de l’opposition et notre propre site www.socialismkz.info.

    Il semble que l’accès à tous les sites du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) ait été bloqués sur l’ensemble du territoire kazakh, notamment notre site russe où est organisée une mise à jour constante sur la situation au Kazakhstan. En réponse à l’intervention des travailleurs du pétrole, le ministère des Affaires étrangères a tout d’abord nié l’existence de morts et de blessés ; ce n’est que tard au soir que les autorités ont accepté comme fait établi la mort d’une dizaine de personnes.

    Dans cette situation, le CIO a pu rapidement organisé des actions de protestation en Belgique, en Autriche, en Allemagne, en Angleterre, et en Suède. Aujourd’hui, de nouvelles actions sont organisées en Grèce, en Irlande, aux États-Unis et dans d’autres pays. Notre député européen Paul Murphy (élu de notre section en République irlandaise) a organisé une conférence de presse sur la situation au Kazakhstan. Une campagne spéciale se développe aussi en solidarité avec les militants syndicaux et sociaux en lutte au Kazakhstan. Hier à Odessa et à Kiev, d’autres organisations de gauche ont été déposer des fleurs avec une oraison funèbre devant les représentations du Kazakhstan. Le célèbre défenseur russe des droits de l’Homme Lev Ponomarev a lui aussi rapidement réagi aux événements avec un communiqué spécial. La Conférence du Travail de Russie est également intervenue avec une déclaration adressée aux autorités kazakhes.

    Les événements continuent à se développer pour l’instant, mais une seule chose est claire : la lutte de classe au Kazakhstan a à présent pris les formes les plus âpres, et en ce moment tout le succès ultérieur du mouvement ouvrier dépend de l’unité des travailleurs eux-mêmes et de la possibilité de rapidement s’associer en une lutte généralisée.

    La situation actuelle rappelle douloureusement le dimanche sanglant du 9 janvier 1905 et le massacre de la Léna en 1912, qui ont constitué des points tournants dans le développement de la conscience des travailleurs en tant que classe et dans la formation d’orientations politiques nettes. Les autorités de leur côté ont quant à elles démontré qu’elles ont la ferme intention de noyer dans le sang la lutte des travailleurs, sans lâcher la moindre concession.

    Cela n’a fait que montrer une fois de plus à tous les travailleurs le véritable visage du régime actuel, qui n’existe que pour la défense des intérêts des patrons et de cette bourgeoisie d’oligarques. Ces événements posent à nouveau la question de l’auto-organisation et d’un programme d’actions clair. Nos positions dans toutes ces questions restent inchangées – la création de syndicats unis et la construction de leur propre parti politique par les travailleurs.

    Les principaux slogans et revendications de la lutte actuelle sont les suivants :

      1. Halte à la guerre, l’armée et la police hors de la province de Mangistau !
      2. Enquête immédiate sous le plein contrôle de la population, afin d’établir qui a donné l’ordre d’ouvrir le feu !
      3. Accepter toutes les revendications des travailleurs !
      4. Libération des prisonniers politiques, dont Natalia Sokolovaïa, l’avocate des grévistes !
      5. Démission immédiate du président et du gouvernement !
      6. Création de comités d’action des travailleurs et des habitants dans toutes les régions et dans les entreprises pour la coordination des interventions !
      7. Non aux provocations et à la division sur base nationale, pour l’unité des travailleurs de toutes les nationalités en une lutte généralisée !
      8. Tous dans les rues avec pour but l’organisation du mouvement, pour la grève générale !
      9. Boycott des élections parlementaires, pour une liberté complète de formation d’organisation sociales, politiques et syndicales !
      10. Toutes les richesses du Kazakhstan, entreprises et banques sous le contrôle de comités de travailleurs !
      11. Pour la création d’un parti de masse des travailleurs !
      12. Pour la convocation d’une assemblée constituante révolutionnaire des travailleurs et des couches proches en vue de la formation de nouveaux organes de pouvoir démocratiques !
  • Russie : “Poutine – Voleur !”

    Un mois plus tôt, si quelqu’un avait émis l’idée que près de 100 000 personnes allaient envahir une place de Moscou en s’exclamant “Poutine – vor!” (“Poutine – voleur!”), cela aurait été accueilli avec un certain scepticisme (c’est le moins que l’on puisse dire) par la plupart des gens. Et cependant, la colère de la part d’une couche de plus en plus grande de la population face à la fraude électorale perpétrée par le régime lors des récentes élections parlementaires commence menace maintenant à menacer l’existence même du régime Poutine.

    Rob Jones, Komitiet za rabochij internatsional (CIO Russie)

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    Pour en savoir plus:

    Pour mieux comprendre le contexte

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    Le régime a fait tout ce qu’il pouvait pour empêcher les gens de venir à la manifestation de samedi. Un peu plus tôt dans la semaine, les manifestations contre la fraude électorale à Moscou et à Saint-Pétersbourg avaient été brutalement réprimées. Plus d’un millier de gens ont été arrêtés et condamnés à jusqu’à 15 jours de prison. Les médias contrôlés par l’État – ce qui inclut presque l’ensemble des stations radios et des chaines de télévision – ont complètement ignoré les actions de protestation. Au fur et à mesure que se rapprochait la manifestation de samedi, le régime a commencé à utiliser des menaces et des tactiques d’intimidation contre les manifestants.

    Le ministre de l’Intérieur à expliqué que, en ce qui le concernait, la seule différence entre une manifestation de 5000 personnes et une manifestation de 50 000 personnes était la quantité de flics et d’équipement à mobiliser. Tout au long de la semaine, on a entendu des rapports de troupes étant acheminées vers Moscou. Ceci était utilisé pour tenter d’effrayer les gens et de les empêcher de venir manifester. Vendredi passé, lorsqu’il était déjà clair que les actions allaient être massives, il a été tout à coup annoncé que les lycéens allaient devoir aller à l’école samedi – et jusqu’à huit heures du soir ! Le même jour, le docteur à la tête du département national de lutte contre les maladies infectieuses a déclaré que les gens ne devraient pas aller manifester parce que cela risquerait de déclencher une épidémie de grippe !

    Mais rien de tout cela n’a fonctionné. Le processus qui s’est enclenché il y a un mois, lorsque le premier ministre Poutine s’est fait huer par la masse des spectateurs dans un stade sportif, a maintenant fait boule de neige et s’est transformé en un mouvement d’opposition de masse. Samedi passé, la place du Marais (Bolotnaïa ploschad) débordait de manifestants. Cette place se trouve juste en bas du Kremlin, entre la rivière Moskova et le canal de dérivation. Les gens se pressaient même dans les rues avoisinantes. Il y avait tellement de gens sur le pont Loujkov (ou “pont des amoureux”, où la tradition veut que les jeunes couples aillent accrocher un cadenas pour célébrer leur mariage) qu’à un moment, la police a averti d’un risque d’effondrement si la foule ne le quittait pas. Il a été annoncé du haut de la tribune que même la police estimait à un moment que se trouvaient plus de 100 000 manifestants sur la place. Ce chiffre est probablement proche de la réalité. Une fois sur la place, les manifestants ont été obligés d’y rester pendant 4 heures, puisqu’il était quasi impossible de bouger.

    Partout à travers la Russie des actions similaires ont vu le jour. Jusqu’à 10 000 personnes ont manifesté à Saint-Pétersbourg, et d’importantes manifestations de centaines et bien souvent de milliers de gens se sont produites dans plus de 100 villes. Malgré la température de -15°C, 4000 personnes étaient présentes à l’action à Novossibirsk, la capitale de la Sibérie. Des centaines de personnes ont également participé à des manifestations devant les ambassades de Russie un peu partout dans le monde.

    “Poutine et Medvedev – dégagez!”

    Les manifestants étaient surtout là pour protester contre la fraude éhontée des élections parlementaires. Lorsque les foules criaient “Poutine – voleur!” c’était en référence aux voix qu’il a volées. Les partisans des petits partis qui se sont vus empêchés de participer aux élections brandissaient les drapeaux de leur parti devant la foule, mais aucune des banderoles ne présentait la moindre revendication. Les revendications sont en général venues de la base. Lorsque le premier orateur sur la tribune a appelé à un recompte des voix, la foule a commencé à crier “Nouvelles élections !” Il faut également souligner que les trois partis d’“opposition” officielle étaient fort peu présents ; ils ont d’ailleurs tous exprimé depuis leur satisfaction quant au nombre de voix qu’ils ont reçues.

    Quelques membres du Parti “communiste” étaient présents avec une bannière qui disait “Comité des secrétaires locaux du Parti communiste”. Les manifestants quant à eux criaient “Poutine doljen ouïti!”, “Medvedev doljen ouïti!”, “Tchourov doljen ouïti!” (Poutine, Medvedev, Tchourov, dégagez ! ; Tchourov étant le chef de la Commission électorale).

    Le Parti communiste est officiellement arrivé second aux élections, doublant son nombre de voix précédentes. Mais le PC n’est pas un parti de gauche qui remet sérieusement en question le règne des oligarques. Il devient de plus en plus un parti nationaliste de droite qui utilise quelques revendications populistes pour gagner un soutien.

    Les participants sont venus à la manifestation de samedi avec leurs pancartes maison, aux slogans souvent cyniques et humoristiques. Une pancarte disait : « Selon un sondage, 146% des Moscovites pensent que l’élection était truquée » (en référence aux résultats officiels obtenus à Rostov-sur-le-Don, qui additionnés tous ensemble donnaient un résultat de 146% !). Une autre pancarte disait : « Je ne crois pas en Russie unie – je crois en Gauss » (du nom du célèbre statisticien dont la méthode, appliquée aux résultats des élections, démontre clairement la fraude massive). Le slogan le plus populaire restait cependant “Doloï joulikov i vorov!” – “À bas les escrocs et les bandits!” comme est désormais surnommé “Russie unie”, le parti de Poutine.

    Les orateurs à la tribune ce samedi étaient censés être des représentants de toute l’opposition politique. Cependant, sur 20 orateurs, 15 provenaient de partis de l’opposition néolibérale, qui, si l’élection avait été organisée correctement, n’auraient tous ensemble probablement pas remporté plus de 10% des voix. Les deux représentants de la “Gauche” qui ont eu droit à la parole (dont est député à la Douma pour le parti pro-Kremlin “Juste Russie”), n’ont fait que répéter des abstractions d’ordre général.

    L’ironie a voulu que ce soit la néolibérale Ella Panfilova, une ancienne ministre et militante des droits de l’Homme, qui a été la seule personne à traiter Poutine de voleur pas seulement pour le vol des voix, mais également pour ses attaques sur les salaires et sur le budget de la santé et de l’éducation. Elle a reçu une réponse très chaleureuse de la part de la foule. À chaque fois qu’un des députés néolibéraux de la Douma venait prendre la parole – y compris un des députés du PC –, la foule s’exclamait : « Remets ton mandat ! », noyant souvent l’orateur sous cet appel. Cela indique la défiance et le cynisme qui existe envers l’ensemble des partis. Cela se reflétait d’ailleurs sur une des banderoles qui disait : « Je n’ai pas voté pour ces fripouilles-ci – j’ai voté pour les autres fripouilles ! J’exige qu’on recompte les voix ! »

    L’humeur générale au cours de la manifestation de Moscou était un scepticisme affiché envers tous les politiciens, bien qu’il n’y avait pas une tendance politique claire exprimée par les manifestants à part le soutien aux droits démocratiques de base. Lorsque Kassianov, un ancien premier ministre de Poutine (2000–2004), est venu parler, cela a provoqué une vague de mécontentement parmi la foule. La tribune a non seulement justifié le fait qu’il fallait bien collaborer avec l’extrême-droite, mais a même invité un des organisateurs de la “Marche des Russes”, la manifestation de l’extrême-droite du 4 novembre, à venir parler à la tribune. Celui-ci a appelé à une “révolution des Russes”, et à des élections “pour les Russes”. Il ne reçut qu’une réponse plutôt froide de la part de la foule, qui a commencé à scander “Pas de révolution ! Pas de révolution!” en réponse à sa démagogie d’extrême-droite. Cela a mené le président de la tribune à, une fois de plus, expliquer “la nécessité de travailler main dans la main avec la Marche des Russes”, dont il a fait remarquer que “de nombreux participants étaient présents avec nous aujourd’hui”.

    L’extrême-droite

    Les membres de l’extrême-droite présents lors de la manifestation ne se sont pas montrés aussi tolérants. Considérant la nature homophobe d’une grande partie de la société russe, un groupe de militants LGBT ont courageusement déployé leurs propres pancartes et drapeaux arc-en-ciel. Ils se tenaient non loin du bloc du KRI (Komitiet za rabotchi internatsional, section russe du CIO), vu que le KRI est la seule organisation en Russie qui défend ouvertement la cause LGBT.

    À plusieurs reprises au cours de la manifestation, des voyous d’extrême-droite ont attaqué le contingent LGBT, tentant d’arracher leurs pancartes et de s’emparer de leur drapeau. Les membres du KRI et les militants LGBT ont dû former un cordon de sécurité autour des militants afin de faire cesser ces attaques. Lorsqu’un autre de ces voyous, tentant une nouvelle provocation, a été repoussé par notre cordon, il a été saisi par la foule qui l’a retenu et emporté plus loin.

    Malheureusement, les manifestants qui ont pris part à la formidable démonstration de colère contre le régime de ce samedi ont fini par être renvoyés chez eux sans qu’aucune proposition ne soit donné quant à la manière de développer le mouvement.

    La tribune a annoncé qu’il y aurait une autre manifestation (encore plus grande) dans deux semaines, le 24 décembre. Bien que le Noël orthodoxe soit décalé de deux semaines par rapport au Noël catholique/protestant, le 24 décembre reste tout de même quelques jours avant le début des congés de Nouvel An. D’ici là, la tribune a annoncé qu’il y aurait d’autres actions – organisées essentiellement par les divers petits partis néolibéraux – et une fois de plus, de la manière la plus scandaleuse qui soit, les orateurs ont mentionné une manifestation d’extrême-droite le lendemain dans le centre de Moscou comme faisant partie du “mouvement global”.

    Il est clair que les orateurs de la tribune espéraient qu’avant d’organiser une nouvelle manifestation générale, ils pourraient capitaliser sur l’humeur qui existe en ce moment dans la société pour faire venir des gens à leurs propres événements de parti. Il semble également qu’ils espèrent pouvoir forcer quelques concessions de la part du régime d’ici les élections présidentielles de mars 2012, que Poutine compte bien gagner. Mais lorsque les orateurs ont tenté de formuler cette position, la foule des manifestants s’est écriée : « Nouvel An sans Poutine ! »

    Plusieurs dizaines de militants du KRI ont participé aux manifestations à Moscou. Nous portions des bannières avec des slogans appelant à de nouvelles élections démocratiques, à la démission de la Commission électorale, et à ce que les prochaines élections se déroulent sous le contrôle de comités élus de travailleurs et de résidents de chaque arrondissement. Nos slogans comprenaient aussi un appel à la mise sur pied d’un parti ouvrier afin de représenter les intérêts de la vaste majorité dans la société, offrant une alternative socialiste.

    Presque aucun parti ni organisation présente à la démonstration ne distribuait de tracts (à l’exception de l’extrême-droite) ni ne vendait de journaux, sauf le KRI, qui a distribué des milliers de tracts et vendu tous ses journaux. Au cours des actions, nous avons aussi organisé une retransmission en direct des événements dans toute la Russie sur notre site internet. Ces rapports ont été lus par des dizaines de milliers de personnes.

    L’élite au pouvoir panse ses blessures

    Après les actions de masse du week-end dernier, l’élite dirigeante en Russie est en train de panser ses blessures. Malgré sa rhétorique enflammée et les menaces proférées à l’encontre des manifestants, la police a été remarquablement paisible ce week-end, surtout étant donné les habitudes de l’État russe. Officiellement, à peine 100 personnes ont été arrêtées samedi passé dans toute la Russie, essentiellement en Extrême-Orient. Aucune arrestation n’a eu lieu à Moscou.

    Le régime a sans doute estimé qu’au cas où il ferait recours à une répression brutale et généralisée, cela ne ferait que faire exploser le mouvement des rues, qui aurait ainsi risqué d’échapper à tout contrôle. Il semble à présent qu’il ait décidé de se baser sur les dirigeants de l’opposition néolibérale pour dégonfler le mouvement et semer la confusion parmi les masses. Tentant lui aussi de calmer la colère populaire croissante par rapport au trucage des élections, le président Medvedev a annoncé le 11 décembre qu’une “enquête” allait être menée autour des accusations de fraude électorale. Seuls les événements des quelques prochains jours et semaines montreront si les manœuvres du régime s’avéreront efficaces ou pas.

    Pour que les manifestations puissent se développer, il faut que les manifestants (principalement jeunes, urbains, et de classe moyenne) s’associent à la classe ouvrière large et aux pauvres sur les lieux de travail, dans les quartiers et partout ailleurs. Les travailleurs sont dégoutés de la fraude électorale éhontée, et sont de plus confrontés à la hausse du cout de la vie et à la baisse du cadre de vie global. La classe ouvrière organisée est cruciale pour susciter l’avènement d’une véritable politique et d’une transformation sociale. Elle est la force potentiellement la plus puissante pour le changement, utilisant ses méthodes de lutte de masse telles que l’action industrielle et la grève générale.

    La construction d’un mouvement de masse afin de véritablement remettre en question le régime Poutine requiert une lutte pour une alternative politique aux partis des oligarques, ainsi qu’aux partis nationalistes et populistes, et aux “dirigeants de l’opposition” auto-proclamés des partis pro-marché (néo)libéraux. Le KRI se bat pour la création d’un parti ouvrier de masse capable de lutter pour le renversement des oligarques et du capitalisme, et pour la réorganisation socialiste et démocratique de la société afin de mettre un terme à la crise actuelle et de transformer les conditions de vie de la majorité.

  • Russie : pour un boycott actif lors des élections à la douma d’État

    Hier, des dizaines de milliers de Russes sont descendus dans les rues contre le résultat des élections législatives du 4 décembre. Nous publions ci-dessous un texte de nos camarades russes datant d’avant ces élections, et qui expliquait leur position.

    Déclaration du KRI (Komitiet za rabotchi internatsional, CIO-Russie)

    Les perspectives marxistes s’avèrent très souvent fondées, parce qu’elles découlent de l’analyse du mouvement des principales forces sociales. Après les élections de 2007, nous avions averti du fait que, dans les conditions d’une possible récession mondiale qui devenait alors de plus en plus proche, et d’une contraction de l’économie russe “des matières premières”, la croissance des années précédentes serait rapidement neutralisée :

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    Pour en savoir plus:

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    ”Si le prix du pétrole venait à baisser sur le marché mondial, ou si on lui trouvait un remplaçant satisfaisant, ou si tout à coup le prix de l’ensemble des marchandises hormis le pétrole venait à augmenter – tout basculerait, comme une table en équilibre sur une seule jambe. La moindre mauvaise pente suffirait pour que “coule” le budget social, emportant avec lui la stabilité tant vantée. L’ampleur du trou qu’il faudra alors raccommoder d’urgence s’avérera plus grande que la quantité d’argent épargné. Exactement dans une telle situation, Russie unie ou Poutine n’auront d’autre choix que de couper la part sociale du budget et de prendre des décisions impopulaires… Dans un contexte de perte d’espérance, de désenchantement de masse et de grèves croissantes, s’effondrera à la fois l’éternelle stabilité et le régime politique actuel. Les premiers seront les derniers, et ceux qui hier étaient par tous glorifiés, se retrouveront maudits.”

    Le futur est là

    Ces perspectives se sont réalisées étonnamment vite. Qui votait naguère pour Poutine et pour YR (Yédinaïa Rossiya – “Russie unie”), celui-là votait pour l’“ordre” et la stabilité. La stabilité s’est muée en crise économique, en compression des salaires et en chômage, tandis que l’ordre a fait place à la corruption totale et à la décomposition de la “verticale du pouvoir”, y compris en ce qui concerne les composantes judiciaire et de maintien de l’ordre. Dans ces conditions de crise et de “post-crise”, le ”parti de la stabilité” s’est transformé en un “parti des escrocs et des voleurs”. La lutte contre les oligarques, dont on a fait tant de bruit dans les médias, a remporté tant de succès que le nombre de milliardaires en dollars a, selon le magasine Forbes, triplé en 2009. Leur fortune commune s’est accrue d’une fois et demi.

    Même si la conscience de masse reste d’humeur conservatrice, des changements explosifs couvent en elle, de manière prolongée et douloureuse. Selon les sondages, plus de 40% considèrent YR comme étant le parti des oligarques, des banquiers, des grands entrepreneurs, du “corps patronal” et des flics ; 55% estiment que les gens au pouvoir ne sont préoccupés que par leur propre prospérité matérielle et carrière. Au même moment 49% se disent prêts à remettre leur voix à YR comme auparavant. Les pertes de YR depuis les dernières élections s’élèvent à 15%, mais l’influence du pseudo-parti de base est toujours beaucoup plus forte que celle de ses opposants. Ce n’est pas par hasard.

    Les conviés et les élus

    “Démocratie dirigée”, tel est le crédo du bonapartisme russe : un pouvoir exécutif pratiquement hors de contrôle, entouré de fioritures démocratiques. Le système électoral existe dans des conditions de droit électoral passif fortement raccourci, c’est-à-dire le droit d’être élu. La douma est composée selon les listes des différents partis, mais les chances de pouvoir constituer et de présenter aux élections un nouveau parti sans être sanctionné par le pouvoir exécutif sont pratiquement nulles. C’est pourquoi toute l’intrigue électorale a été condamnée à se développer autour des quatre habitués de la douma de ces dernières années : Yédinaïa Rossiya (YR, “Russie unie”, le parti de Poutine), Spravédlivaïa Rossiya (SR, “Juste Russie”), le “Kommounistitcheskaïa Partiya Rossiyskoï Fédératsii” (KPRF, le parti “communiste” nostalgique du stalinisme et de pseudo-gauche réformiste), et le “Libéralnaïa démokratitcheskaïa partiya Rossii” (LDPR, parti “libéral-démocrate” de Russie).

    YR et SR sont tels deux jumeaux se haïssant très sincèrement depuis leur plus tendre enfance. Les recettes de la construction de ces parti sont identiques : quelques généraux, quelques bureaucrates, quelques businessmen, quelques artistes. À leurs bases se trouvent les différentes parties de l’appareil d’État. La seule et unique différence, c’est que les membres de SR sont plus pauvres et plus modestes. On y retrouve même plusieurs anciennes personnalités de gauche, ce qui lui permet de se donner un air ”social-démocrate”. Aux yeux de YR, les opposants de SR représentent une organisation de loosers de semi-gauche qui ne parviennent pas à se trouver une place parmi les postes prestigieux et lucratifs de la verticale autoritaire et qui, pour cette raison, ont depuis longtemps déjà été destinés au rôle de “tête à claques” du pouvoir.

    À cela s’ajoute également la peur que, d’une manière ou d’une autre, l’énergie de protestation qui s’est accumulée parmi le peuple ne se découvre soudainement une issue légale via les structures de SR et n’en vienne ainsi à diviser, de cette manière, toute la verticale de pouvoir tant vantée. C’est précisément pour cela que la jambe droite hypertrophiée du pouvoir pousse du pied et écrase avec un tel acharnement sa jambe gauche. Et peu importe que son leader, Sergueï Mironov, soit démis de ses fonctions de président du Conseil de la Fédération, s’autoproclame “opposant radical” social-démocrate défendant la nationalisation, ou que SR rejoigne l’Internationale socialiste. Son essence reste la même.

    Contrairement aux travaillistes et aux sociaux-démocrates européens (des ex-partis ouvriers dégénérés qui ont perdu la confiance de la classe ouvrière), SR n’est pas un parti ouvrier et ne l’a jamais été. Ses racines ne se trouvent pas dans la Seconde Internationale, mais bien dans l’administration du Président de la FR (Fédération de Russie) et Mironov, malgré tous ses efforts pour se réclamer de cette parenté, ne peut rien changer à cela.

    Le mot d’ordre de la nationalisation fait traditionnellement partie de l’arsenal du KPRF – qui en ce moment est assez populaire en ce qui concerne la chasse aux voix. Mais qu’est-ce au juste que la nationalisation selon Zyouganov (leader du KPRF), si l’on en juge par les documents officiels du KPRF ? Après les phrases rituelles sur la nationalisation, voici qu’apparait la traditionnelle revendication d’un “gouvernement de la confiance populaire” composé de ”talentueux organisateurs de la production, d’éminents savants, de personnalités culturelles et de protecteurs de l’ordre” (extrait du plénum collectif du Comité central).

    Dans ses déclarations, le président du Comité central du KPRF, G. Zyouganov, se réjouit du rattachement au “mouvement patriotique” des petits et moyens entrepreneurs, et déclare son soutien à ”cette nouvelle génération de gens, qui prospèrent dans l’économie de marché, mais qui restent conscients des énormes avantages qu’apporterait une économie planifiée”, tout en louant les résultats des “camarades” chinois, vietnamiens et cubains, de véritables ”créateurs, qui utilisent habilement les possibilités qu’offre le marché”.

    Son idéal est clair : une production organisée par des entrepreneurs “patriotes”, avec l’aide de la main dure des “défenseurs de l’ordre”, sous la guidance des bureaucrates du KPRF, menant tous ensemble les sots travailleurs vers l’exploitation à la chinoise. Et tout cela sous l’étiquette du “Nouveau modèle de socialisme”. Nous tiendrons compte également de la situation interne au sein même du KPRF : les sommets du parti commencent à jouer de manière active avec l’idée des nationalisations d’ultra-droite, et négocient déjà entre eux de manière pratiquement ouverte des futurs postes à la GosDouma (douma d’État), mais les ailes gauche et droite intriguent de manière active et se sabotent l’une l’autre. Pas difficile de pronostiquer plus qu’un maigre résultat aux élections…

    Et pour cette fois chez les dirigeants de groupement s’est trouvé tout préparé le “joker” idéal. “Russie unie” et le “Front populaire” (le nouveau parti de Poutine) ne vous plaisent pas ? Tenez, nous organisons pour vous Prokhorov et sa “Juste Cause”. Et quand avec lui apparaissent à l’horizon la semaine de 60 heures de travail et autres charmes ultra-néolibéraux, alors même Poutine avec ses fidèles laquais Issaïev et Chmakov ont tout d’un coup un air de gauche, sans parler de SR et du KPRF. Le parti de cet oligarque scandaleux qu’est Prokhorov a été appelé à jouer le rôle d’avant-garde de la bourgeoisie, convié à exprimer tous les appétits de sa faction non liée à l’exportation des ressources, poussés jusqu’à des limites extrêmes, et au même moment – à ainsi effrayer les masses larges : on peut alors aisément faire passer l’offensive sur les droits des travailleurs comme étant une forme plus “douce”, en tant que contrepoids aux revendications de Prokhorov.

    Contre la farce organisée – boycott organisé !

    D’habitude, nous n’appelons pas au boycott des élections mais, dans la situation politique actuelle en Russie, il faut bien faire une exception. Non pas parce que nous sommes contre les partis “en général” – selon notre opinion, la classe ouvrière ne peut parvenir à quoi que ce soit qu’une fois organisée en parti – mais tout simplement parce qu’absolument aucun des partis existant à présent ne reflète les intérêts des travailleurs et des couches sociales qui leur sont proches. Puisqu’on nous refuse la possibilité de porter à la douma des candidats ouvriers, capables de défendre une position de classe indépendante, seule reste celle d’exprimer au gouvernement bonapartiste une méfiance organisée, en votant “contre tous”.

    Appeler à voter “pour n’importe quel parti hormis YR”, cela signifie reconnaitre en ces autres partis une différence politique radicale. Mais est-ce vraiment le cas ?

    Nous avons vu quelle position ces partis ont prises lors de la crise. Et maintenant, tandis qu’approche la “deuxième récession” ou en tout cas une stagnation prolongée, pas un des opposants en titre n’a le moindre désir de mobiliser des partisans en masse contre les nouvelles pertes d’emploi et de salaire, ou contre les coupes budgétaires. Ils se sont dans les faits soumis à des mesures semblables dans le passé – et c’est ce qu’ils vont faire à nouveau, en se couvrant des voix qu’ils auront reçues lors des élections.

    À eux tous le travail s’avérera difficile pour forcer la baisse du niveau de vie des travailleurs jusqu’à des valeurs “compétitives”. Quelques-uns (YR, LDPR – et Juste Cause, si cette dernière entre à la douma) vont couper les dépenses budgétaires, les salaires et les emplois, tandis que les autres (en grande partie le KPRF, en moindre partie SR) – se contenteront de les critiquer, tout en dispersant et en “purgeant” les mouvements de protestation. Voter pour eux, cela revient à donner carte blanche à un nouveau pillage des travailleurs, c’est-à-dire de vous et nous, de la majorité absolue. Cela revient à accorder un crédit de confiance à l’ensemble de ce système bonapartiste, à accorder une confiance dans la politique du gouvernement.

    En effet, il ne reste sur le champ politique plus que des partis soit fondés par des politechnologues du Kremlin, soit existant sur base de leur assentiment. À présent, les travailleurs, les chômeurs et les jeunes ont plus que jamais, et de manière pressante, besoin de leur propre parti politique, qui doit naitre non pas dans les hautes sphères, mais dans les usines, dans les rues et dans les logements étudiants.

    Se contenter d’ignorer les élections de manière passive – c’est insuffisant : il faut un boycott actif ! Aller aux urnes pour déchirer nos bulletins de vote, mais tout en organisant en même temps la lutte contre les plans de la douma capitaliste : contre l’attaque sur le niveau de vie de la majorité, contre les coupes du budget social, contre la commercialisation de l’enseignement et de la médecine ! Il est temps de dire à ce gouvernement : « Nos besoins et nos attentes ne se retrouvent pas dans vos bulletins de votes ».

    Il nous faut un autre gouvernement – un gouvernement des travailleurs eux-mêmes qui, sur base d’une participation active et d’un soutien de la majorité, pourra conduire à la transformation socialiste – mettre un terme à la crise économique grâce à la collectivisation de l’industrie et des banques, fournir à tous une médecine et un enseignement gratuits et de qualité – et garantir à tous les droits et les libertés démocratiques qui nous sont ôtés aujourd’hui.

  • Russie : Nous sommes les 99% ! Il nous faut une démocratie réelle !

    Comme prévu, les élections se sont réduites à une simple farce. Le parti des voleurs et des escrocs, grâce aux pressions administratives et à la fraude directe, s’est inventé un soutien de 49%. Ce sont les mêmes méthodes que la classe dirigeante se prépare à employer en mars pour à nouveau nous faire embarquer dans la galère du Bonaparte Poutine. Voilà leur “démocratie” !

    Article du Komitiet za rabotchi internatsional (CIO-Moscou)

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    Pour en savoir plus:

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    Il nous manque notre propre parti – l’opposition au parlement est liée à Poutine et à Medvédev, et n’est invitée que pour donner à la farce une apparence d’“élections libres”. Aucune force au parlement ne représente nos intérêts – tous ceux-là : YéR, LDPR, SR, KPRF (1) – ne sont des bavards, des clowns, des pantins du capital ; ils ne sont prêts ni en parole, ni en actes, à lutter contre la violence policière, contre la baisse du niveau de vie, contre la crise, contre le régime qui montre de plus en plus son rictus dictatorial. Il leur faut des postes confortables et l’argent de l’État qu’ils reçoivent pour chacune de nos voix. C’est pourquoi ils pleurnichent contre la falsification, mais craignent d’intervenir contre les falsificateurs, de se trouver sur la route de Poutine et de Medvedev avec toute leur “verticale du pouvoir”.

    Il nous faut prendre notre destin en nos mains propres. Pour l’année prochaine, la classe dirigeante a déjà diminué à hauteur d’une fois et demi le budget social, tandis que les dépenses pour l’armée et la police augmenteront de deux fois. Ils veulent nous gaver de balles en résines et de matraques.

    Il faut faire dégager ce gouvernement qui démolit le niveau de vie de la majorité !

    Nous ne devons pas accepter sans rien dire les résultats des élections qui nous été fournies par les commissions électorales, mises en place par le pouvoir exécutif pour le seul bon plaisir du parti des escrocs et des voleurs.

    Il nous faut notre propre force politique. Il nous faut un autre gouvernement, qui exprimera et défendra les intérêts de la majorité, et non pas ceux de la clique de banquiers et de grands propriétaires. Il nous faut un gouvernement des 99%.

    Nous appelons à descendre dans les rues. Nous appelons à la désobéissance civile !

    Joins-toi à notre lutte, soutiens nos revendications :

    • Halte à la violence policière ! Pour une réelle liberté de réunion, de meeting, de manifestation, de grèves sans notification ni validation !
    • Destitution de toutes les commissions électorales ! La Commission électorale centrale : à la retraite !
    • Pour la création de comités d’arrondissement, de ville et fédéraux de travailleurs et de pauvres pour l’organisation d’élections démocratiques !
    • Halte au financement des partis politiques à partir du budget d’État !
    • Liberté pour tous les partis – excepté l’extrême-droite. Pour la fin des restrictions à la création d’organisations politiques, sociales, syndicales et à leur participation aux élections !
    • Électivité à tous les niveaux de pouvoir !
    • Aucune confiance en les résultats des élections ! Pour la destitution du gouvernement, et de nouvelles élections immédiates !
    • Pour la convocation d’une assemblée constituante de toutes les couches des travailleurs, dans laquelle la classe ouvrière et ses alliés – l’écrasante majorité de la société – pourront eux-mêmes décider quelles structures de gouvernement semblent les meilleures pour la défense de leurs intérêts.
    • Pour la création d’un parti des 99% afin de lutter pour une société démocratique socialiste, qui mette un terme à la crise économique et relève le niveau de vie de la majorité.

      (1) Yédinaïa Rossiya (Russie unie, le parti de Poutine), Spravédlivaïa Rossiya (Juste Russie, les “sociaux-démocrates”), le Libéralno-démokratitcheskaïa partiya Rossii (Parti libéral-démocratique de Russie, droite populiste), et le Kommounistitcheskaïa partiya Rossiïskoï Fédératsia (Parti “communiste” de la Fédération de Russie)

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