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Tag: PTB
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Élections 2014. L’instabilité politique demeure. La lutte contre la politique d’austérité devra se mener dans la rue.
La crise économique et la réponse austéritaire qui a suivi sur tout le continent ont amplifié la perte d’autorité de l’Union européenne et des partis établis. Les résultats des élections européennes en ont été une illustration, avec une participation qui reste très faible (43%) et un score solide pour un large éventail de partis eurosceptiques. Dans les pays où l’opposition à la politique d’austérité a conduit à une lutte organisée – essentiellement dans le Sud de l’Europe – les forces de gauche ont progressé (notamment Syriza en Grèce, le PCP au Portugal, Izquierda Unida et Podemos en Espagne mais aussi la ‘liste Tsipras’ en Italie). Ailleurs, le mécontentement s’est exprimé de façon plus négative avec d’importants résultats pour, entre autres, le FN (France), l’UKIP (Grande-Bretagne), le Parti populaire danois,…
Analyse des résultats par le Bureau Exécutif du PSL
La polarisation croissante sous pression de la crise s’exprime aussi chez les partis traditionnels. Dans notre pays, cela mène à une discussion sur le modèle d’économies structurelles à exécuter. Dans ses dernières interviews, Jean-Luc Dehaene déclarait que les prochains gouvernements devaient profiter de l’ ‘opportunité’ de quelques années sans élections pour couper sévèrement dans les conquêtes sociales. Il n’est pas question d’économies à la râpe à fromage, mais plutôt à l’aide d’un couteau à désosser. Au cours de la campagne électorale, différents rythmes d’austérité ont été proposés. Ces options restent maintenues après les élections et une seule chose est claire : l’austérité frappera à tous les niveaux, et il faudra s’y opposer.
Une réalité économique mise de côté
Le contexte de la crise économique a été étouffé dans la campagne électorale. La plupart des communiqués parlaient de redressement économique et l’arrivée du bout du tunnel était évoquée. Dans ce cadre, une politique d’austérité renforcerait ‘‘notre’’ position concurrentielle et consoliderait la reprise. Peu était dit sur le fait que cette ‘‘reprise’’ ne bénéficie qu’aux plus riches.
Les entreprises du Bel20 ont réalisé – à l’exception de GDF Suez qui a fait passer dans ses comptes une dépréciation aboutissant à une perte de 9,7 milliards d’euros – 15,5 milliards d’euros de bénéfices en 2013. De cette somme, 10 milliards d’euros ont été reversés en dividendes aux actionnaires tandis que les dirigeants ont gagné 8,6% de plus qu’en 2012, les présidents d’entreprises du Bel 20 gagnant en moyenne 282.892 euros. Le 1% des plus riches dans notre pays empoche 12,63% de toutes les richesses nettes (la valeur commune de toutes les composantes du patrimoine mobilier et immobilier moins les dettes en souffrance) soit autant que les 53% les plus pauvres. Les 5% les plus riches possèdent autant que les 75% les plus pauvres.
Il ressort d’un sondage qu’il est admis que les 20% les plus pauvres détiennent 7,7% du patrimoine et que les 20% les plus riches en détiennent 40,6%. En réalité, il s’agit de 0,17% et de 61,2%. Le fossé entre pauvres et riches est bien plus important que généralement admis : les super riches sont bien plus riches, ceux qui éprouvent des difficultés à joindre les deux bouts bien plus nombreux. Un Belge sur sept est sous le seuil de pauvreté tandis que sur une période de quatre ans, près de 30 % des Belges ont connu la pauvreté. 20% des pensionnés ont un revenu sous le seuil de pauvreté, 40% des handicapés bénéficiant d’une aide financière vivent sous le seuil de pauvreté,…
Chaque régression économique tire les conditions de vie de la majorité de la population vers le bas. Le risque d’un nouvel effondrement économique est réel, la propagande sur la reprise ne peut cacher que les facteurs compliquant sont nombreux parmi lesquels le manque d’investissements, le ralentissement des pays dits émergents et les dangers consécutifs aux tensions, entre autres, autour de l’Ukraine, qui peuvent mettre sous pression les prix de l’énergie. A temps de désespoir économique, propagande désespérée.
Les partis traditionnels se maintiennent difficilement
Cette propagande désespérée a un impact, mais son effet se réduit. C’est ce que montrent ces dernières élections. Après une dernière semaine de campagne qui a vu une énorme offensive contre la N-VA, ce parti a fini par concrétiser le tsunami prévu. Avec 32%, la N-VA atteint un score plus important que dans les derniers sondages et les résultats des élections communales sont égalés (même s’il y a eu, par ci par là, un recul limité, comme dans la ville d’Anvers où, de 37%, De Wever et Homans sont retombés à 34% et 32% pour les élections régionales et fédérales). La campagne anti-N-VA a eu partiellement un effet contraire. C’est une indication du dépérissement de l’autorité des familles politiques traditionnelles.
Du côté flamand, les chrétiens-démocrates, les libéraux et les sociaux-démocrates obtiennent ensemble 48%. 2010 était la première année où ils avait avaient ensemble moins de 50% et, en comparaison, ils se maintiennent, ce qui constitue pour eux une grande victoire. Mais cette stabilisation a lieu à un point historiquement bas. A eux trois, ils obtiennent de justesse une majorité au parlement flamand (64 sièges sur 124) et dans la représentation néerlandophone à la Chambre (45 sièges sur 87). Du côté francophone, les trois familles politiques traditionnelles obtiennent 70% des voix mais même ici, il y a une baisse. Avec l’arrivée d’élus du FDF, du PTB et du PP, le fractionnement de la carte politique s’accroit là aussi.
La perte du PS est plus limitée que ce qui était évoqué avant les élections. Cette perte – à Bruxelles, léger gain et pour le parlement wallon, gain d’un siège malgré un léger recul – ne résulte aucunement d’une politique de gauche. Après 25 ans de participation gouvernementale, la pauvreté a augmenté et il y a plus de chômeurs. Le 1% des plus riches a progressé, la large majorité de la population a régressé. Avec le PS aux commandes du gouvernement, il n’était plus possible de se cacher derrière l’argument selon lequel tout était de la faute à la “Flandre de droite”. La menace d’un gouvernement dirigé par la N-VA a été le seul argument grâce auquel le PS a pu se maintenir. La propagande de la N-VA quant au choix entre un modèle PS et un modèle N-VA a servi le PS. Le souvenir de la crise politique de 2010 et l’image d’une Belgique sortie relativement intacte de la crise économique ont également joué un rôle dans le renforcement des partis traditionnels.
Instabilité des alternatives
Les résultats sont moins prévisibles et il y a parfois de particulièrement grands glissements avec de nouveaux partis qui connaissent une croissance puis un déclin rapides. Il y a dix ans, lors des élections régionales de 2004, le Vlaams Belang a connu son apogée avec 24,15%. Aujourd’hui, il obtient encore à peine trois sièges à la Chambre (2 à Anvers et 1 en Flandre Orientale). La liste Dedecker a complètement coulé alors qu’en 2008, elle bénéficiait encore de 15% dans les sondages.
La N-VA fait partie de cette liste jusqu’à un certain point, sans être contaminée par le caractère néofasciste du VB ou l’égo-aventurisme de Dedecker, même s’il y a des éléments de ce type à la marge. Ce que ces formations ont en commun, c’est qu’elles jouent sur un large mécontentement. Même au niveau européen, cela s’est exprimé dans les hauts scores pour les forces d’extrême-droite et de droite populiste.
Sur base d’une lutte collective, la conscience de classes s’aiguisera et l’espace pour une réelle alternative sous forme d’un large parti des travailleurs avec un programme socialiste augmentera. Entre-temps, nous devons en finir avec un large spectre de formations populistes de tout crin qui, pendant un certain temps, peuvent prendre le dessus avec leurs « solutions » individuelles ou une image prétendument « anti-establishment ».
Compte tenu de ce contexte, un retour du Vlaams Belang ou d’une formation similaire n’est pas exclu. Dans la forme actuelle, c’est peut-être difficile, le parti recule à trois sièges à la Chambre, six élus flamands, un bruxellois et tout juste un siège à l’Europe. Plus de la moitié du personnel du parti doit être mis à la porte. Dans son bastion d’Anvers, le Vlaams Belang obtient encore 7% et doit laisser passer six autres partis à la Chambre et cinq au parlement flamand avant lui. Dewinter, surtout, a fait beaucoup de provocations au cours de la campagne pour tenter d’encore être au centre de l’attention. Il est cependant faux de penser que nier ces provocations racistes suffira à les faire disparaitre. On peut considérer comme un avertissement le fait que trois néonazis grecs soient élus au Parlement européen. Au plus Dewinter réussit à faire des provocations, au plus loin lui et ses troupes iront.
Même du côté francophone, il ressort qu’il y a un espace pour l’extrême-droite. Le Parti Populaire de Modrikamen, parti populiste de droite, a obtenu un élu à la Chambre et au parlement wallon. A Charleroi, le PP fait 7% tandis que le provocateur réactionnaire professionnel Laurent Louis obtient 5% avec son ‘Debout les Belges’ et le ‘Faire Place Nette’ monté par le Vlaams Belang 3,5%. Laurent Louis a réuni une large assemblée à ses meetings malgré le caractère agressivement antisémite de sa campagne. Le danger de la violence antisémite s’est d’ailleurs manifesté à la veille des élections par un attentat sanglant au musée juif de Bruxelles qui a fait quatre morts.
Faire une croix sur l’extrême droite ou abandonner la lutte contre elle n’est pas à l’ordre du jour. Le caractère varié des formations d’extrême-droite et populistes exige une analyse adéquate qui fasse une évaluation correcte du danger – taxer tout le monde tout simplement de fasciste ne suffit pas – avec en corrélation une mobilisation active autour d’un programme social pour prendre à la racine les problèmes qui font le terreau dont se nourrissent ces formations.
Gains et pertes des Verts
Ecolo a été fortement sanctionné lors de ces élections. La participation gouvernementale au niveau régional n’a pas été bénéfique au parti. La campagne du PS pour un vote utile afin de stopper la N-VA non plus. De plus, il y avait un concurrent à gauche en la personne du PTB. Ecolo a perdu la moitié de ses sièges à Bruxelles, 10 des 14 sièges wallons et 2 des 8 sièges à la Chambre.
Du côté néerlandophone, Groen a progressé. Le parti se profilait comme un parti d’opposition de gauche mettant l’accent sur des thèmes sociaux tels que les longues listes d’attente dans le secteur social. Le programme du parti n’était, cependant, pas très à gauche. Le profil de Groen l’était. Par ailleurs, le parti pouvait utiliser les fortes actions menées autour des problèmes de mobilité à Anvers. D’autre part, le président de Groen, Van Besien a tout de suite dit clairement qu’il voulait participer au gouvernement. Après cette progression, il ne tire manifestement pas assez vite les leçons de l’expérience d’Ecolo aux parlements bruxellois et wallon.
Progression de la gauche radicale
Avec 2 sièges à la Chambre, 2 au parlement wallon et 4 au parlement bruxellois, le PTB/PVDA n’a pas obtenu le résultat attendu suite aux fortes prévisions dans les sondages. A Anvers surtout, on attendait plus mais le parti de Peter Mertens a terminé à un cheveu du seuil d’éligibilité. Avec des scores de 11,5% à Liège et 8,7% à Charleroi, où le PTB est chaque fois le troisième parti après le PS et le MR, ou 8,9% à Anvers et 4,9% à Gand, le PTB a enregistré des scores remarquables qui sont en progression par rapport aux élections communales de 2012.
Malgré une campagne professionnelle et un accès aux médias comme jamais vu jusqu’ici, le PTB avait du mal, au cours des derniers jours de campagne, à maintenir sa position et encore plus à fixer les thèmes des élections. La pression d’une voix utile contre la N-VA et les tentatives de tous les partis de se montrer ”social” ont incontestablement joué un rôle. D’autre part, les résultats montrent qu’il y a de l’espace à gauche de la social-démocratie et des verts. C’est dans ce cadre que nous avions proposé de faire des listes d’unité avec un nom tel que PTB-Unité ou de placer des candidats sur les listes PTB-GO/PVDA+. Malheureusement, ces propositions ont été rejetées et, à Bruxelles, il n’a même pas été possible de faire un regroupement de liste. Pourtant, tout syndicaliste sait que dans une lutte, on est plus fort si l’on implique toutes les forces militantes.
Nous espérons que les 8 élus du PTB tireront le débat public à gauche et joueront un rôle pour la construction d’une opposition de rue contre la politique néolibérale. Une voix politique ne peut être dissociée de la lutte sociale. Nous espérons que le PTB et ses élus œuvreront pleinement au renforcement des actions contre la politique d’austérité et ne se laissera pas freiner par une “collaboration de gauche” avec la social-démocratie et les verts. Notre appel pour un front de résistance à l’austérité est toujours d’actualité : après cette progression électorale, le PTB est bien positionné pour jouer un grand rôle dans sa construction.
A Bruxelles, nous participions aux élections avec Gauches Communes. Nous avons surtout mené une campagne de politisation à Saint-Gilles avec des tracts à contenu. Le résultat obtenu est très faible : pour la Chambre, nous avons obtenu 1,12% à Saint-Gilles. La pression pour un “vote utile” ne s’est pas seulement exprimée dans le résultat du PS mais aussi dans celui du PTB-GO. Notre campagne de politisation a sans conteste contribué au résultat de la gauche radicale à Saint-Gilles, le plus important de toutes les communes bruxelloises.
Quel que soit le gouvernement, l’austérité viendra !
Juste avant que nous nous rendions aux urnes, les premières analyses des cellules de réflexion économiques sur le danger de la crise politique continuelle sont parues. De Tijd titrait “La City londonienne craint une impasse politique belge” (21/5). Dans l’article, il est question de la crainte qu’une formation de gouvernement interminable ne se répète.
La préférence de De Wever et de certains éléments du patronat chez VOKA va sans aucun doute à une majorité de droite dure autour de la N-VA en Flandre. Mais un tel gouvernement n’obtient pas la majorité du côté francophone et de plus, le CDH devrait, pour cela, être séparé du PS. De Wever rêve d’un gouvernement comme celui de Martens dans les années 1980 et compte que cela puisse se faire aujourd’hui sans l’appui de l’un des deux grands syndicats. La tentative d’arriver à un tel gouvernement a peu de chances d’aboutir. Les éléments les plus prévoyants de la bourgeoisie ont peut-être plus confiance en une tripartite stable, si nécessaire avec un gouvernement flamand dont la N-VA fait partie et après une période au cours de laquelle De Wever devra prouver qu’il peut mettre sur pied un gouvernement de droite. Le PS préfère une tripartite et opte plutôt pour le modèle de gouvernement Dehaene avec son Plan Global.
Quels que soient les gouvernements que nous recevions, nous allons vers une forte austérité. Tous les partis établis sont d’accord là dessus. Ils semblent mieux préparés à cela que le mouvement ouvrier. Les liens entre les dirigeants syndicaux et les partis qui appliquent l’austérité ne nous ont rien amené ces dernières années, la politique néolibérale n’a pas été stoppée. Cela mène à la démoralisation et fait passer à l’arrière-plan, la possibilité d’une lutte collective pour le progrès, ce qui laisse l’espace à d’autres “solutions”. Si nous ne combattons pas les attaques par un plan d’actions progressif décidé démocratiquement qui part d’une large tournée d’information et de mobilisation, nous ne pourrons pas stopper l’austérité mais les possibilités électorales pour la droite et l’extrême-droite risquent de rester intactes.
Il serait erroné de penser qu’un tiers des Flamands est convaincu d’une politique d’austérité néolibérale et répressive, pour beaucoup, il s’agissait d’un vote de protestation contre l’establishment. Il ne s’agit pas d’une droitisation mais d’un rejet grandissant du cours actuel des choses avec aucune certitude sur le moyen d’améliorer la situation. Au cours de la dernière semaine de campagne, les partis flamands aussi ont soudain souligné leur caractère ‘social’ avec l’opposition aux attaques contre l’index et la limitation des allocations dans le temps face à la N-VA, mais même ce dernier parti a tout à coup souligné qu’il augmenterait les pensions les plus basses et a nié sur tous les tons le caractère asocial de son programme.
Le potentiel pour une forte opposition de rue est présent. Nous l’avons vu ces dernières semaines avec les grandes mobilisations inattendues sur le bouclage du ring anversois. Il s’agit encore d’actions à propos desquelles il y a de la confusion sur les revendications exactes et les méthodes d’action mais le caractère de masse de ces actions est une locomotive.
Nous pouvons convaincre les électeurs de la N-VA par des mouvements de lutte. Qui d’autre que la gauche peut, en effet, amener une alternative conséquente à la politique d’austérité actuelle ? Là où la gauche l’a fait de manière offensive – comme avec la campagne de Syriza pour un gouvernement de gauche en 2012 – cela a donné d’excellents résultats électoraux. Mais si nous ne construisons pas des perspectives offensives avec un programme conséquent de transformation socialiste de la société, nous n’y arriverons pas.
Les défis pour le mouvement ouvrier sont grands. La bourgeoisie va manœuvrer pour savoir comment le mieux mener une politique d’austérité, à la manière forte ou de façon plus douce. N’attendons pas pour organiser notre résistance !
Modèle Martens: faire des économies sans les sociaux-démocrates
Après une période de crise politique entre 1978 et 1981, un compromis a été conclu avec le gouvernement orange-bleu de Martens et Gol pour mener une politique d’austérité tolérée par la CSC, tout étant discuté à Poupehan avec son dirigeant Jef Houthuys. Le franc belge a été dévalué et il y a eu plusieurs sauts d’index. Lorsque le nouveau ministre du budget Verhofstadt est arrivé en 1986 avec un nouveau plan d’austérité dure à hauteur de 3,5 milliards d’euros, la CSC a eu du mal à stopper les troupes.
Lors des actions des fonctionnaires en 1983, la FGTB était encore seule, l’opposition au plan Sainte-Anne en 1986 risquait d’être tellement large que la pression sur la CSC est devenue insoutenable. 250.000 personnes participaient à une manifestation nationale de la FGTB le 31 mai 1986. Le dirigeant de la CSC Houthuys a envoyé promener ‘da joenk’ le jeune Verhofstadt.
La politique néolibérale dure des gouvernements orange-bleu a fait que les salaires ont diminué en moyenne de 12 à 15%, les allocations jusqu’à 20%. Parallèlement, les profits des entreprises ont augmenté de 57%. Après la chute du gouvernement, officiellement sur la question communautaire, une nouvelle crise a suivi après laquelle arriva un gouvernement de sociaux-démocrates.
Modèle Dehaene: économies avec les sociaux-démocrates
Avec la disparition de la coalition orange-bleue en 1987, les sociaux-démocrates ont été appelés à pratiquer l’austérité également. La situation économique a donné un peu d’espace pour la préparer. En 1993, Dehaene a frappé avec son Plan Global. Sous pression d’en bas, il y a eu une riposte avec la plus grande grève générale depuis 1936.
Le Plan Global faisait partie de la politique d’austérité européenne imposée par le traité de Maastricht. Les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates ont fait un plan d’austérité de – c’est ce qui est ressorti par après – 500 milliards de francs (12,5 milliards d’euros). Cela se passa notamment par l’adaptation de l’index (avec l’introduction de l’indice santé) et la norme salariale.
La direction syndicale a à peine fait quelque chose de la colère à la base et s’est plutôt laissée guidée par des oppositions réciproques. Cela en est resté à une action unique malgré l’énorme potentiel. Au parlement, tous les chrétiens-démocrates et les “socialistes” ont voté pour le Plan Global, une pause toilette à cet instant crucial a peut-être coûté ultérieurement à Dirk Van der Maelen plus qu’un poste de ministre. Le mouvement contre le Plan Global est mort d’une mort tranquille.
Et aujourd’hui ?
Avec le décès de Jean-Luc Dehaene, il a été référé à son “modèle” à plusieurs reprises. De Wever a parlé des années 1980 et des gouvernements Martens et du Plan Global. Il déclarait qu’à l’époque, on “osait encore prendre des décisions” et référait aux “trois sauts d’index et au Plan Global.” Les deux modèles contiennent une politique d’austérité, l’une plus rapide et plus brutale que l’autre.
De Wever s’inspire du jeune ‘da joenk’ Verhofstadt qui était alors encore connu comme le “baby-Thatcher”. Le PS préfère se tourner vers l’homme d’Etat Dehaene et son ‘Plan Global’ rouge-orange. Cette discussion concerne le rythme des attaques, pas les économies en soi.
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Vers une percée électorale du PTB
Pour la première fois en 30 ans, à nouveau des élus de gauche radicale au parlement !
Dossier d’Eric Byl
Les récents sondages confirment la probable percée électorale du Parti du Travail de Belgique (PTB/PvDA). Le 25 mai, il pourrait bien décrocher 5 élus ou plus au parlement fédéral, et jusque deux fois ce nombre aux parlements régionaux. Ce sera la première fois depuis 30 ans que les forces à la gauche des partis sociaux-démocrates et des verts seraient représentés au parlement.
Comparée à leurs principaux partenaires économiques dans les pays voisins, les représentants belges du capital se plaignent de la lenteur de l’application des coupes dans les salaires et les services publics en Belgique. Cela est essentiellement dû à la force potentielle du mouvement des travailleurs, avec un taux de syndicalisation net de 60% (sans les retraités et les chômeurs). La bourgeoisie en est bien consciente. Chaque grève générale, dont la dernière en janvier 2012, a fait taire les patrons.
Traditionnellement, l’establishment belge instrumentalise les différences nationales et religieuses afin de masquer les antagonismes de classes sociales. D’un État unitaire, la Belgique est devenue une fédération compliquée comprenant 3 régions (la Flandre, la Wallonie et Bruxelles) et 3 communautés linguistiques (néerlandophone, francophones et germanophones). Avec la crise, les conflits entre régions et communautés concernant la répartition des richesses se sont accrus. Certains patrons, politiquement représentés par la N-VA, veulent changer la structure de l’État fédéral en une structure qu’ils qualifient de confédérale. Les divergences sont nombreuses sur ce que signifie ce terme, mais il y a un accord général pour dire que le centre de gravité glisserait du niveau fédéral aux régions et communautés.
Cette discussion – qui porte fondamentalement sur la meilleure manière de s’attaquer au mouvement des travailleurs, soit au niveau national ou d’abord dans les régions – explique pourquoi il a fallu 194 jours pour composer une coalition de 5 partis après les élections générales de 2007, et encore 541 jours après les élections de juin 2010 pour réunir une coalition de six partis. L’actuel gouvernement de coalition dirigé par Elio Di Rupo a transféré toute une série de responsabilités aux régions, mais seulement une partie des budgets correspondants, imposant par ce fait des coupes budgétaires automatiques dans les régions et les communautés. Il a également lancé un plan d’austérité de plus de 20 milliards d’euros, le plus grand de l’Histoire belge. Mais pour les patrons et leurs pantins politiques, ce n’est encore qu’un début. Après le 25 mai suivront 5 années sans élections nationales. Ils considèrent que c’est une opportunité à saisir.
L’austérité continuelle a sapé l’autorité des partis traditionnels, particulièrement en Flandre, et cela s’est traduit par une fragmentation politique. Dans les sondages, la N-VA est maintenant à 32%, suivie par les chrétiens-démocrates du CD&V (18%), les sociaux-démocrates du SP.a (14,5%), les libéraux de l’Open-VLD (13%), les ‘‘écologistes’’ de Groen (8,5%), l’extrême-droite du Vlaams Belang (7,5%) et le PTB (3,7%). En région wallonne, le soutien aux partis traditionnels est plus grand. Le PS obtient en général entre 35 et 40%. Même s’il a participé à tous les gouvernements fédéraux depuis 1988, il a toujours été capable de jouer l’opposition dans un gouvernement dominé par les partis de droite flamands, incapable d’arrêter les attaques mais les adoucissant au moins. Cette position a été ébranlée depuis que Di Rupo est devenu Premier Ministre. Selon les sondages, le PS va perdre environ 10%, alors que le PTB réaliserait un score historique de 7% et que le Parti Populaire (droite extrême) obtiendrait un peu plus de 5%.
Débats syndicaux
Les dirigeants des deux principales fédérations syndicales considèrent que leurs liens avec des politiciens sociaux et chrétiens-démocrates sont cruciaux pour adoucir les effets des licenciements et des coupes sociales. Pour éviter encore plus d’attaques de la droite, ils appellent à voter pour ces partis et pour les verts. Dans la région flamande, cette politique a complètement échoué et, sans alternative de gauche, les partis populistes de droite ont été capables d’entrer en jeu. Dans la région francophone, les liens entretenus avec le Parti Socialiste en tant ‘‘qu’opposition interne’’ au gouvernement semblent plus logiques. Beaucoup de travailleurs considéraient et considèrent encore le vote PS comme la meilleure assurance contre les partis de droite flamands.
Mais cela commence à changer. Après la grève générale de janvier 2012, la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut, qui organise 110.000 travailleurs, a conclu qu’elle en avait assez du PS. Au premier mai suivant, elle a publiquement appelé la gauche radicale (le PTB, le PSL, la LCR et le PC, la gauche du PS et des verts, dans la mesure où elles existent encore) à se rassembler et à créer une nouvelle formation politique qui pourrait réellement refléter les revendications des travailleurs et de leurs syndicats. Plus tard la même année, le PTB/PvdA a obtenu 52 sièges aux élections communales et provinciales d’octobre, contre 13 précédemment.
Début 2013, l’exécutif de cette régionale a invité la gauche non-parlementaire, dont le PTB/ PvdA et le PSL/LSP, à mettre en place un comité de coordination et a organisé un meeting de 400 personnes. Plus tard la même année, deux brochures ont été publiées en masse. L’une était pour une position plus combative des syndicats et remettait en question leurs liens politiques existants. Elle mettait en avant la nécessité de disposer d’un nouveau relais politique à initier par la gauche non-parlementaire avec l’aide des syndicalistes les plus combatifs. L’autre défendait un programme d’urgence économique et social autour de dix problèmes cruciaux.
Même si la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut est à ce stade la seule à défendre cette position, des discussions similaires ont lieu dans d’autres régionales et syndicats. Cette tendance va gagner en puissance en conséquence de la résistance qui se développera contre les coupes d’austérité drastiques qui suivront dans la prochaine période. Une percée électorale placerait le PTB/PvdA et ses parlementaires fraîchement élus en position d’utiliser leur plate-forme parlementaire pour lancer un front de résistance contre l’austérité en réunissant la gauche, les syndicalistes combatifs et les travailleurs et syndicats qui ont encore une attitude prudente à ce stade. Une telle approche augmenterait la pression sur les liens entretenus entre les fédérations syndicales et les partis traditionnels, liens qui ont joué un important rôle de frein dans la lutte des travailleurs. Cela pourrait aussi poser les bases d’un nouveau parti de masse des travailleurs dans un proche avenir.
Les origines du PTB
Le PTB/PvdA est la continuation de TPO/AMADA (Tout le Pou
D’autres temps… 1979, une délégation de TPO/Amada, prédécesseur du PTB/PVDA, comprenant Ludo Martens rend visite
au Parti Communiste Chinois.voir aux Ouvriers/Alle Macht Aan De Arbeiders) qui a émergé dans la seconde moitié des années ‘60. Au milieu des années ‘70, TPO/AMADA disposait d’un hebdomadaire en français et en néerlandais, avait ses propres centres de Médecine pour le Peuple où des médecins, contrôlait certaines organisations de base de travailleurs qui s’étaient créées en réponse à la trahison du mouvement d’occupation des lieux de travail au début des années ‘70 et avait créé une organisation de jeunesse. TPO/AMADA adhérait à une forme brutale de stalinisme et défendait la théorie des ‘‘trois mondes’’ officielle du Parti Communiste Chinois. Il a soutenu le mouvement réactionnaire angolais Unita ainsi que les Khmers Rouges au Cambodge, entre autres. TPO/AMADA affirmait qu’il fallait quitter les syndicats officiels en faveur de comités rouges de travailleurs autonomes.
Après la mort de Mao, TPO/AMADA voulait davantage ressembler aux partis ‘‘communistes’’ des autres pays. En 1979, il a changé de nom pour devenir le PTB/PvdA. L’approche syndicale a été adoucie et les structures du parti se sont ouvertes. Mais ce tournant a brutalement pris fin en 1989, quand le PTB/PvdA a soutenu l’écrasement du soulèvement de Tienanmen par le régime chinois et a défendu le dictateur roumain Ceaucescu. Son dirigeant historique et président de 1971 à 2008, Ludo Martens, est devenu un apologiste de Staline et du stalinisme connu pour cela dans le monde entier.
En 2008, le PTB/PvdA a annoncé que Ludo Martens était gravement malade (il est mort en 2011). Peter Mertens est devenu le nouveau président et a initié un repositionnement du parti au congrès de ‘‘renouveau’’ de 2008. Selon Peter Mertens, ce renouveau était une question de survie politique. Selon lui, ‘‘le PTB/PvdA renonce au dogmatisme et au sectarisme, essaye de donner des solutions concrètes à des problèmes concrets, et préfère être appelé ‘‘gauche émergeante’’ plutôt que ‘‘gauche radicale’’.’’ Sur les syndicats, Peter Mertens affirmait ‘‘Pendant longtemps, nous avons été dans une voie de confrontation avec les dirigeants syndicaux. Nous leurs reprochions de faire partie de l’establishment. C’était faux.’’ Depuis, le PTB/PvdA évite toute critique publique des dirigeants syndicaux, même si beaucoup de ses membres sont parfois en conflit avec les appareils syndicaux.
Des solutions concrètes à des problèmes concrets ?
Le première ‘‘solution concrète’’ lancée en 2004 était celle pour des médicaments moins chers. Le PTB/PvdA a proposé un ‘‘modèle-kiwi’’, en référence à un système qu’il a découvert en Nouvelle-Zélande basé sur un appel d’offres public pour les médicaments, la sécurité sociale remboursant seulement les médicaments qui obtiennent le meilleur rapport qualité/prix. Quand le gouvernement fédéral a partiellement introduit le système, des pénuries se sont développés en particulier sur ces médicaments. Le PSL/LSP n’a jamais été favorable à cette mesure parce que l’industrie pharmaceutique va inévitablement jouer sur le système pour mettre pression sur les salaires et les conditions de travail des travailleurs du secteur. Seule la nationalisation de l’industrie pharmaceutique sous contrôle des travailleurs et des usagers peut garantir des prix abordables et un approvisionnement suffisant sans s’en prendre aux travailleurs.
Pour endiguer la montée du chômage, le PTB/PvdA propose d’interdire les licenciements collectifs dans les entreprises rentables et d’imposer des sanctions aux patrons qui ne respectent pas cette règle. Bien sûr, le PSL/LSP soutient toute restriction légale des licenciements, les lois existantes sont insuffisantes. Cependant, si tous les moyens possibles doivent être utilisés pour défendre les travailleurs, y compris les lois et les tribunaux, ces derniers ne doivent pas être posés comme alternative à la construction d’un rapport de forces sur le terrain qui fasse appel à la solidarité des travailleurs.
Une autre des politiques-phares du PTB/PvdA est la ‘‘taxe des millionnaires’’ de 1% de la richesse au-delà de 1 million d’euros, 2% sur des richesses de plus de 2 millions d’euros, et 3% sur plus de 3 millions, espérant lever ainsi 8,7 milliards d’euros pour l’investissement public. Sur base de l’impôt sur la fortune existant en France, le PTB/PvdA argumente que la fuite des capitaux sera limitée. Mais l’impôt français collecte 4,4 milliards d’euros par an, la moitié de l’objectif proclamé du PTB/PvdA dans une économie qui fait 5,5 fois la taille de celle de la Belgique. Une fois encore, seule la nationalisation du secteur financier et des principales entreprises sous contrôle démocratique des travailleurs et de la collectivité peut délivrer les moyens nécessaires pour s’attaquer aux besoins urgents d’investissement dans les écoles, les chemins de fer, les hôpitaux et les maisons de retraites, les logements sociaux, les bâtiments publics neutres en énergie, la protection de l’environnement, etc.
Pour un front uni contre l’austérité
Pour une nouvelle formation de gauche, la question des coalitions est cruciale. Aux élections communales de 2012, le PTB/PvdA a remporté 17% des voix dans le district de Borgerhout à Anvers. Il a alors rejoint une coalition avec les sociaux-démocrates, les verts et un ancien chrétien-démocrate qui siégeait comme indépendant. Peter Mertens a déclaré sur le site du PTB/PvdA : ‘‘nous n’allons pas aussi laisser Borgehout à la N-VA. Bart De Wever a choisi Anvers comme test pour sa future république indépendante de Flandre… A partir de notre programme, nous allons autant que possible aider à mettre un programme social sur la carte. C’est aussi ce que les gens qui ont voté pour nous attendent de nous.’’
Ce n’est que récemment que le PTB/PvdA s’est fait attaquer par le politologue pro-PS Pascal Delwit (de l’ULB): ‘‘Rien n’a changé dans le contenu de ce que le PTB/PvdA met en avant, leur point de départ est toujours le Marxisme-léninisme et leur but ultime est l’État socialiste idéal sans propriété privée.’’ En réponse, Mertens a qualifié cela d’être ‘‘une absurdité grotesque. Nous ne nous basons pas sur le Marxisme-léninisme et ne sommes pas en faveur d’un système sans propriété privée. Nous sommes un parti marxiste moderne comme le SP aux Pays-Bas et Die Linke en Allemagne.’’ (De Tijd, 3 mars) Malgré nos critiques, nous reconnaissons que le PTB/PvdA sera partie intégrante du processus de réorganisation du mouvement des travailleurs.
Nous avons une longue histoire de propositions de différentes formes de collaboration au PTB/PvdA dans l’esprit de frapper ensemble tout en marchant séparément. Le PSL/LSP et le PTB/PvdA participent au comité d’organisation mis en place par la fédération syndicale de Charleroi. La majorité des électeurs du PTB/PvdA n’ont rien à voir avec les vieilles casseroles staliniennes. Ils voient le PTB/PvdA comme le parti de Médecine pour le Peuple, qui dénonce les excès du capitalisme, et qui sonne différemment des autres partis dans les médias. Ils considèrent le PTB/PvdA comme le parti qui représente un projet de gauche dans un paysage politique dominé par la droite.
Le PTB/PvdA a formé un bloc sous le nom de PTB-GO (Gauche d’ouverture) pour sa liste francophone et PvdA+ pour ses listes flamandes. Quelques indépendants de gauche, universitaires, artistes, etc., figurent sur ces listes, de même que quelques candidats de la LCR et du Parti Communiste. Nous avons discuté avec le PTB/PvdA de la possibilité de candidats du PSL/LSP mais ils ont été clairs : ‘‘le PSL/LSP essaie de se construire tout comme nous, c’est un problème. La LCR et le PC, qui ont des candidats sur nos listes, ont largement abandonné cette ambition. Le PSL/LSP ne va pas arrêter de distribuer des tracts et de vendre des journaux. Le PTB/PvdA a beaucoup de nouveaux membres, qui ne comprennent pas encore complètement le programme. Avec la présence du PSL/LSP, le PTB/PvdA va devoir mettre plus de temps et d’énergie à expliquer les divergences que dans sa campagne électorale.’’ Le PTB/PvdA, en d’autres termes, accepte seulement sur ses listes des individus et organisations qui ne remettent pas son programme en question. Cependant, le PSL/LSP fait campagne pour un vote Pvda+ en Flandre et PTB-GO là où ils ont une chance réelle de remporter des sièges, à Charleroi et Liège.
A Bruxelles, le PSL/LSP va participer aux élections sous la bannière de Gauches Communes, une coalition conclue avec le petit parti radical de gauche Parti Humaniste et quelques militants de gauche indépendants. Les règles électorales permettent à différentes listes de combiner leurs résultats pour atteindre le seuil électoral. Malheureusement, le PTB/PvdA a conclu un accord similaire avec une petite liste régionaliste, Pro-Bruxelles, et une liste unitaire, Belgique Unie België, deux organisations qui sont politiquement à droite, et refuse à ce stade de faire bloc avec Gauches Communes.
Les élections se dérouleront dans quelques semaines seulement. Le sentiment compréhensible sur la percée électorale probable de la gauche ne doit pas masquer le fait que l’austérité va se poursuivre. Ce serait très bien d’avoir des parlementaires de gauche défendant les gens ordinaires non seulement dans la rue et aux meetings, mais aussi dans les médias. Mais parallèlement, la résistance doit être construite dès maintenant.
Après le 25 mai, le PTB/Pvda pourra utiliser sa plateforme parlementaire pour populariser l’idée d’un front de résistance contre l’austérité, avec un plan d’action de manifestations régionales, de grèves et d’occupations dans les cas de fermetures et de restructurations. Si le PTB/PvdA utilisait ses positions parlementaire à cette fin, avec d’autres, y compris nous-mêmes, un tel front de résistance pourrait devenir un instrument crucial dans la défense des travailleurs et des pauvres.
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Elections 2014 : Renforcer quelle gauche et pour quoi faire ?
Les élections de ce 25 mai peuvent avoir un caractère historique : pour la première fois depuis les années ’80, des élus de gauche radicale peuvent faire leur entrée aux parlements, que ce soit aux Régions ou au Fédéral. Mais attention, prévient Di Rupo : ‘‘Chaque voix qui manquera au PS est une voix qui ouvre une route à la droite’’ (1). Cette vieille rengaine est usée jusqu’à la corde, et elle a heureusement de plus en plus de mal à convaincre.
Par Nicolas Croes, éditorial de l’édition de mai de Lutte Socialiste
Dans une double interview accordée la même semaine au magazine flamand Knack, en compagnie de Yasmine Kherbache (SP.a, chef de l’opposition à Anvers et chef de cabinet de Di Rupo), l’homme fort du PS précisait tout de même : ‘‘Pour vous dire la vérité : nous avons fourni un effort de 22 milliards d’euros. Mais nous n’avons pas visé les gens qui entreprennent et qui créent des emplois.’’(2) Voilà la réalité : ce ne sont pas les soi-disant ‘‘créateurs d’emplois’’ – les grands patrons et les spéculateurs – qui ont été touchés, c’est la collectivité, les travailleurs et leurs familles, qui sont les ‘‘créateurs de richesse’’. Alors Elio, franchement, qui ouvre la voie à la droite ? Cela n’empêche pourtant pas le président de la régionale FGTB Liège-Huy-Waremme, Marc Goblet, de dire à L’Echo qu’il faut voter pour le PS : ‘‘la FGTB a besoin d’un relais politique au sein des gouvernements pour porter ses revendications’’ (3).
Jean-Luc Dehaene n’a jamais eu sa langue dans la poche, c’est bien connu. Alors que les politiciens du capital tentent de se taire dans toutes les langues au sujet de l’austérité qui suivra les élections, l’architecte du tristement célèbre Plan
Global (un plan d’austérité gigantesque datant de 1993) a déclaré dans les colonnes du Soir : ‘‘La seule chose que j’espère est qu’après le 25 mai,
ils ne gâcheront pas la chance des 5 ans qu’ils ont devant eux’’ Cinq ans sans élections pour quoi faire ? ‘‘(…) mettre d’abord en ordre notre budget dans la voie que nous impose l’Europe (…), rétablir la compétitivité en réduisant les coûts du travail (…), continuer la réforme des pensions, mais surtout de l’assurance maladie.’’ (Le Soir, 19 et 20 avril 2014) L’avertissement pourrait-il être plus
clair ? Il faut de toute urgence construire un large front de résistance contre l’austérité.C’est assez extraordinaire d’entendre ça en sachant que la dernière occasion où le PS a réalisé une revendication portée par les syndicats date du statut de VIPO en… 1964 ! Depuis qu’il est au pouvoir au niveau fédéral (sans interruption depuis… 1988), les conquêtes sociales du monde du travail n’ont connu qu’une longue dégradation. Sans le PS ce serait pire ? L’argument sert surtout à nous faire avaler des concessions toutes plus monstrueuses les unes que les autres! Il est largement temps de changer de cap et de ne plus être pris en otage par une prétendue ‘‘gauche’’ spécialiste du cumul des mandats et des trahisons !
Un front de la résistance sociale
Les sondages prédisent une bonne percée pour les listes PTB-GO du côté francophone et PVDA+ du côté néerlandophone. L’ouverture de ces listes – limitées toutefois à des candidats indépendants et à des membres de la LCR et du PC – est un sérieux pas en avant, bien qu’insuffisant. Une fois les élections passées, cinq années sans élections nous attendent. A n’en pas douter, elles seront marquée par une austérité abominable. Pour y faire face, la plus large unité possible du monde du travail sera nécessaire. Jamais nous ne pourrons être trop nombreux pour défendre le retour d’un syndicalisme de combat audacieux et pour balayer les entraves qui s’opposent à l’organisation de notre lutte.
Ces cinq années, nous pourrons les mettre à profit pour avancer dans la construction d’un relais politique des luttes sociales, à l’image de l’appel lancé par la régionale FGTB Charleroi & Sud-Hainaut le 1er mai 2012 pour un rassemblement des forces présentes à la gauche du PS et d’Ecolo dans le respect de leurs spécificités et identités propres. Un premier pas concret dans cette direction serait de construire ensemble dès maintenant un large front de la résistance sociale contre l’austérité.
Il y a quelques mois était lancée à Liège la plate-forme liégeoise contre le traité d’austérité européen où se sont retrouvés des militants du PTB, du PSL, de Vega, du MG, de la CNE, de la FGTB,… L’expérience fut considérée par tous comme positive et, pour nous, rien ne s’oppose à ce que cette dynamique soit transposée à une échelle supérieure.
Pour en savoir plus : Elections 2014 : Appel de vote du PSL – Pour une alternative de gauche contre le néolibéralisme : votez à la gauche du PS et d’Ecolo – Pour une réponse socialiste contre la crise capitaliste : rejoignez le PSL
Notes :
(1) Emission Matin Première (RTBF) du 17 avril 2014
(2) Knack, 16 avril 2014
(3) L’Echo, 12 avril 2014 -

Elections 2014 : Appel de vote du PSL
POUR UNE ALTERNATIVE DE GAUCHE CONTRE LE NÉOLIBÉRALISME : VOTEZ À LA GAUCHE DU PS ET D’ECOLO
POUR UNE RÉPONSE SOCIALISTE CONTRE LA CRISE CAPITALISTE : REJOIGNEZ LE PSLEn 2013, les entreprises belges cotées en bourse ont empoché onze milliards d’euros de profits. Un bon cru : c’est 20% de plus qu’en 2012 ! Et alors que les CEO se sont en moyenne accordés une augmentation de 11%, les travailleurs se sont pris un gel salarial, des pertes d’emplois et une avalanche d’austérité, à tous niveaux.
La concentration des richesses : un frein pour le progrès
Les 85 multimilliardaires les plus riches au monde possèdent autant que la moitié l’Humanité! Le capitalisme nous a plongé dans une inégalité sans précédent. Au 20ème siècle, avec l’Etat-Providence, une importante partie des travailleurs occidentaux ont pu obtenir des conquêtes sociales mais, ces dernières 30 années, le néolibéralisme a été appliqué, y compris par des partis soi-disant de gauche. La mondialisation capitaliste a fortement accru la concurrence entre travailleurs, qui ont dû avaler concession sur concession.
En Belgique, la fortune des 1% les plus riches a dépassé celle des 60% les plus pauvres. Tous les partis établis plaident pour ouvrir plus fortement la voie aux marchés, jusque-là où c’était encore inimaginable. Le premier centre psychiatrique exploité par un partenaire privé (Sodexo) s’ouvrira ainsi bientôt…
Si nous voulons que chacun ait un emploi, on nous dit qu’il faut accepter des baisses de salaires et travailler plus pour une plus petite pension. Que si nous voulons empêcher les entreprises de partir ailleurs, il leur faut des réductions d’impôts et accepter des coupes budgétaires dans les dépenses publiques. C’est le menu que tous les partis classiques veulent nous servir, sous une forme ou une autre. Mais ce sont ces mêmes recettes qui nous ont plongées dans la crise !
[box type=”shadow” align=”alignright” width=”250″ ]100.000 MILLIARDS DE DOLLARS DE DETTES LES SUPER RICHES PRENNENT LA COLLECTIVITÉ EN OTAGE
Toute la propagande annonçant la fin de la crise vise à restaurer la confiance des électeurs à l’approche des scrutins nationaux et européen. Mais les dégâts sont terribles. Des millions de jeunes sombrent dans le chômage de longue durée, les pensions passent sous le seuil de pauvreté, des services publics sont démantelés ou bradés au privé. Et si nous sommes – jusqu’ici – parvenus à échapper à une crise similaire à celle du sud de l’Europe, c’est grâce à la protection sociale, à l’indexation des salaires (que l’on veut briser),… et à la résistance des syndicats et des militants de gauche. Mais, c’est clair, le choc de la crise est instrumentalisé pour casser nos conquêtes sociales.
Ce sont les dettes hypothécaires américaines qui ont déclenché la crise en 2007. Depuis lors, les dettes mondiales ont augmenté de 40% pour atteindre 100.000 milliards de dollars. Parallèlement, les dettes ont changé de main. Des sommes gigantesques d’argent public ont étés dépensées pour sauver le secteur financier et certains secteurs industriels. Le profit passe toujours au privé, mais c’est à la collectivité de supporter les problèmes. C’est ça la logique du capitalisme. Au niveau international, les dettes publiques ont augmenté de 80%. Si elles rapportent d’énormes profits aux bandes de spéculateurs, elles étouffent les finances publiques.[/box]
Les moyens existent… mais il faut les saisir dans les poches du privé
Jamais le monde n’a connu autant de richesses tant sur le plan matériel que sur celui des connaissances techniques et scientifiques. Jamais la garantie pour chacun d’un emploi de qualité et d’un revenu viable n’a été aussi réalisable. Les moyens existent pour assurer à tous de bons soins de santé et une bonne sécurité sociale, de même que pour éradiquer les problèmes environnementaux, une bonne partie des maladies ou encore la misère.
Mais la collectivité n’a rien à dire sur la manière d’utiliser les richesses produites. Elles sont aux mains d’une élite à l’insatiable soif de profits. La résistance contre ce système se développe partout dans le monde, mais elle se heurte au manque d’alternative. Et faute d’une alternative de gauche, les populistes de droite et les nationalistes peuvent dévier la colère. C’est ainsi que l’élite capitaliste se protège, en divisant les 99%.
Renforcez la gauche: votez à la gauche du PS et d’Ecolo, mais adhérez au PSL
Les sondages illustrent qu’un nombre grandissant d’électeurs sont gagnés à l’idée de défendre une alternative de gauche et qu’ils voteront essentiellement pour le PTB. Si le PSL a déjà participé aux élections en défendant un programme socialiste capable de répondre aux nécessités sociales, cette fois-ci, nous ne déposerons pas de listes en dehors de Bruxelles.
En Flandre, nous appelons à voter PvdA+ (PTB+), ce qui augmente la possibilité de disposer d’élus réellement à gauche aux parlements. En Wallonie, nous appelons à voter à la gauche du PS et d’Ecolo : PTB-GO, Vega ou MG. Le PTB pense pouvoir décrocher des sièges à Liège, Charleroi et Anvers, nous appelons explicitement à les soutenir en y votant PTB. A Bruxelles, le PSL et le Parti Humaniste participent à une liste unitaire : Gauches Communes. Cette liste avait obtenu 3,7% à Saint Gilles lors du scrutin communal de 2012.
Une véritable unité de la gauche telle que l’avait proposée la FGTB de Charleroi & Sud Hainaut, avec le PTB en force motrice, aurait pu considérablement renforcer le vote pour la gauche le 25 mai. C’est dans ce sens que le PSL avait offert de participer aux listes PTB-GO avec ses candidats, ce que le PTB a refusé. Par après, Gauches Communes a encore offert de conclure un groupement de listes à Bruxelles (ce qui aurait permis que les listes PTB et Gauches Communes ne se volent pas de voix), mais cela a aussi été refusé par le PTB. Le PSL émet des critiques de gauche constructives sur le programme du PTB, mais ce dernier préfère éviter d’en discuter.
Le PTB a toutefois l’opportunité de faire entendre une voix de gauche absolument nécessaire dans le débat politique. Mais, dans ses revendications, le PTB reste encore limité. La taxe des millionnaires et la baisse de la TVA sur l’énergie, par exemple, sont autant de choix de société intéressants, mais qui restent faciles à détourner par les patrons grâce à la fuite des capitaux dans un cas, ou avec le retard de l’adaptation salariale à l’index dans le cas de la baisse de la TVA.
Il faut une redistribution des richesses, mais cela n’est véritablement possible que si la collectivité exproprie directement et sans indemnisation (à l’exception de petits actionnaires) les secteurs clés de l’économie tels que la finance et l’énergie pour les placer sous le contrôle des travailleurs et de la collectivité. C’est la seule façon de libérer les moyens destinés à assurer le bien-être de chacun. Cela nécessite un changement de politique bien plus fondamental!
Préparer un front de résistance
Après les élections suivra une nouvelle vague d’austérité, tous les partis établis s’accordent sur ce point. Mais cette vague fera plus de dégâts, puisque les autorités sont arrivées à bout des mesures antisociales « faciles ».
Le PSL appelle à la constitution d’un front de résistance contre l’austérité avec les partis de gauche, les syndicalistes combattifs et les mouvements sociaux afin de construire un rapport de force sur le terrain. Quelques élus obtenus par le PTB pourraient aider à prendre cette initiative.
Des élus PTB aideront les idées de gauche à se frayer un chemin dans le débat politique. Il existe sans nul doute un espace pour une voix politique donnant une expression à la nécessité d’une meilleure redistribution des richesses. Mais l’histoire nous apprend qu’en temps de crise, cette redistribution ne s’obtient pas facilement.
SEULE UNE RUPTURE ANTICAPITALISTE COUPLÉE À UNE VISION SOCIALISTE DE L’AVENIR CONSTITUE UNE RÉPONSE À HAUTEUR DE LA CRISE.
Nous vous invitons à en débattre avec le PSL et à le rejoindre.
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A propos de la réduction de la TVA, de l’énergie verte et de la nationalisation
Analyse par Tim (Bruxelles)
Fin novembre 2013, le gouvernement fédéral décidait de réduire la TVA sur l’électricité de 21% à 6% du 1 avril 2014 jusqu’à fin 2015. C’est surtout le vice-premier ministre Johan Vande Lanotte (SP.a) qui a fait pression pour obtenir cette réduction, même s’il n’était pas l’inventeur du concept : le PTB considérait effectivement cette idée comme un point crucial de sa politique énergétique depuis des années déjà. Mais pour le gouvernement cette réduction permettait surtout de permettre de reporter de 6 mois un franchissement de l’indice-pivot et donc de l’indexation des salaires et allocations de juin 2014 à décembre 2014 : un bon moyen d’économiser sur les salaires des fonctionnaires et surtout – plus important – de faire un nouveau cadeau aux entreprises.
Quels effets sur un ménage ?
En 2012, un ménage a en moyenne consommé pour environ 3.500 kilowatts-heure d’électricité en Belgique, selon Eandis, ce qui lui revenait à 837€ (1), dont 145€ de TVA (sur une base de 21%). Pour un ménage, la réduction de la TVA à 6% signifie donc en moyenne un gain de 104€ par an, à tarifs et consommation inchangés. Ce même ménage belge, selon les données de l’Enquête sur les Budgets des Ménages réalisée par la SPF-Economie, avait reçu 33.936€ de revenus nets en 2012 (2). Une indexation de ce montant revient donc à 678,72€ de plus par an. Un report d’indexation de 6 mois implique donc une perte de 339,36€, plus que trois fois l’économie issue de la réduction de la TVA sur l’énergie !
De plus, le groupe d’experts réuni par la Banque Nationale afin d’étudier l’impact de cette mesure pour le gouvernement a également calculé l’impact de la mesure sur l’index pour les 3 années suivantes: 3 mois de retard en 2015 et 2 mois en 2017 et 2018! (3) Concrètement, à tarifs et consommation identiques, la TVA à 6% implique une perte de revenus 169,68€ en 2015 et de 113,12€ par an par la suite !
Pour le gouvernement, cette mesure est temporaire et sera réévaluée fin 2015, et éventuellement alors retirée. Reste que cela aura assuré un retard considérable des indexations qui ne pourra plus être rattrapé par la suite. Au final, bien loin de gagner plus de pouvoir d’achat, la plupart des ménages se retrouveront perdants.
Concernant les finances publiques, la mesure est évidemment également loin d’être indolore, car cela équivaut à une réduction des revenus publics. Le gouvernement avait misé sur deux facteurs pour équilibrer la perte : l’économie réalisée sur les salaires des fonctionnaires d’un côté, une augmentation des revenus des impôts grâce à la création d’emplois consécutive à la réduction des coûts de travail de l’autre. Mais le Groupe d’Experts de la Banque Nationale a dû tempérer ces attentes. Alors que le gouvernement espérait voir la création de 15.000 nouveaux emplois, les experts tablent au mieux sur 7.930. Et encore, les remarques à faire sont nombreuses quant à l’impact supposé de la réduction des coûts salariaux sur le nombre d’emplois. Cette logique est plus que douteuse au vu de l’échec de la politique de réductions des charges patronales appliquée ces dernières années concernant la création d’emplois. Mais quand bien même cette assertion serait vraie, la Banque Nationale a calculé que la réduction de la TVA n’aurait qu’un effet positif net de 52 millions € pour l’année 2014 (essentiellement sur base de l’économie réalisée sur les salaires des fonctionnaires). En 2015 par contre, l’impact serait largement négatif : une perte de 526 millions € et ensuite de 350 millions € environ tous les ans en 2016, 2017 et 2018 ! (4)
Qui sort vainqueur de toute cette histoire ? En premier lieu, les entreprises. Le secteur privé ayant une masse salariale évaluée à 135 milliards €, le gain théorique obtenu par le report de l’indexation des salaires pourrait s’élever à 1,35 milliard €. Mais comme l’indexation des salaires du secteur privé dépend fortement des accords sectoriels des divers secteurs de l’économie, il est difficile d’estimer quel sera le gain réel. Le gouvernement a parlé d’environ 500 millions € (5). C’est un bien joli cadeau offert par le gouvernement au patronat.
La TVA est une taxe asociale
Cette ‘‘Taxe sur la Valeur Ajoutée’’ est la forme ultime de taxation asociale, qui touche le consommateur final d’un produit dans son sens général. Les entreprises peuvent récupérer la TVA qu’ils payent, ce coût ne doit pas être retiré de leurs profits. Et contrairement au précompte professionnel sur les salaires, la TVA ne varie pas selon la hauteur des revenus. Chacun est frappé au même taux, ce qui pèse bien plus lourdement sur les petits revenus. Le principe de base de la solidarité ‘‘les épaules les plus fortes supportent les charges les plus lourdes’’ est donc totalement balayé de la table.
C’est pour cette raison que le PSL est par principe pour l’abolition de la TVA. La TVA constitue toutefois actuellement un des plus gros revenus pour les autorités : 26,6% des recettes fiscales. En 2013, pas moins de 26,7 milliards € étaient issus de la TVA, seul le précompte professionnel (l’impôt sur les salaires) dépasse ce montant et représente 40,8% des revenus fiscaux. En comparaison avec cela, les entreprises ont contribué pour 12,2 milliards € aux caisses de l’Etat en 2013, seulement 12,1% ! (6)
Abolir la TVA implique d’instaurer une alternative. En Belgique, le travail contribue déjà très fortement aux finances du gouvernement, voyons plutôt comment mobiliser les énormes richesses dont dispose l’élite au sommet de la société. Dans le cas contraire, l’abolition ou la réduction de la TVA signifie de sabrer dans les budgets des services publics et de la sécurité sociale (7).
Tout comme l’imposition des grandes fortunes ou des superprofits des grandes entreprises, la discussion sur l’abolition de la TVA se heurte directement aux limites du capitalisme. Aussi longtemps que les moyens de production et la plus grande partie des richesses produites sur la planète resteront aux mains d’une infime minorité, cette dernière utilisera tout son pouvoir et son influence pour bloquer chaque tentative de changer la situation. Une vaste réforme fiscale conduira immédiatement à discuter de la nationalisation du secteur financier, du contrôle des transactions financières et du processus de décision quant à ce qu’il convient de faire avec les richesses de la société.
Tarifs de l’énergie et contrôle des prix
Mais doit-on pour s’en prendre aux tarifs de l’électricité réduire la partie du tarif dévolue aux caisses de la collectivité ? Que faire des profits gigantesques et des coûts élevés exigés par les producteurs et distributeurs d’électricité ? Comment faire face au chantage d’entreprises comme Electrabel dans le cadre des prix de l’énergie et du nucléaire ?
Une chose est certaine : les tarifs restent bien trop élevés malgré toutes les mesures décidées par le gouvernement et de plus en plus de familles n’arrivent plus à payer leurs factures d’électricité pour subvenir à leurs besoins de base. En 2012, plus de 80.000 ménages ont été éjectés de leur fournisseur d’électricité à cause d’un retard de paiement, ils payent maintenant leurs factures directement au distributeur, à des taux plus élevés. 106.000 autres ménages ont conclu un plan d’étalement de leurs factures. (8) En Flandre, 44.000 ménages sont vus placer un compteur à budget à leur domicile. En Wallonie, il s’agit même de 112.000 ménages (9)! A Bruxelles, le système n’existe pas, et un fournisseur d’électricité a moins de possibilités de se séparer de ses clients, mais cela ne signifie pas que les factures ne représentent pas un problème majeur. En moyenne, un ménage belge dépense 5,77% de son budget pour l’énergie, mais parmi les 25% les plus pauvres, le taux est de plus de 10% (10).
Pour les actionnaires des entreprises du secteur énergétique, par contre, la fête est permanente. Après des années de profits record (1,2 milliard € en 2011, 48% de plus qu’en 2010 (11)), Electrabel a étonné amis et ennemis en annonçant une perte de 105,7 millions € pour l’année comptable 2012, la première perte annuelle dans l’existence de l’entreprise (12). Dans l’enchevêtrement complexe de filiales, de décomptes internes et de transferts de moyens entre structures, impossible de savoir quelles étaient exactement les données pour la Belgique, mais Electrabel a néanmoins fait comprendre que cette perte était essentiellement causée par de moindres revenus en France, en Allemagne, en Angleterre et au Pays-Bas tandis que les revenus étaient en hausse en Belgique.
Electrabel a dénoncé des mesures prises par les autorités l’année dernière, comme la taxe nucléaire de 480 millions € que l’entreprise a dû payer pour la prolongation des centrales nucléaires et la réduction des prix d’énergie décidée par le gouvernement en 2012. Electrabel ne parle par contre pas du fait que la rente nucléaire est déductible de ses impôts et que l’entreprise n’a payé en 2012, grâce à une comptabilité fiscale créative, que 12,5 millions € d’impôts : un taux d’imposition de… 1,05%. Souvenons-nous que le taux officiel pour les entreprises est de 33,99%.
Electrabel est restée silencieuse sur d’autres sujets lors du dépôt de ses comptes annuels. Mi-février 2014, il est apparu que l’entreprise avait transféré toute une série de moyens vers sa société-mère, GDF-Suez, de manière tout à fait clandestine. Electrabel a acheté son gaz chez son holding au prix fort, ce qui permettait à l’entreprise d’inscrire une perte virtuelle dans ses comptes et donc de ne pas payer d’impôt en Belgique (13). Les communes belges, actionnaires historiques, se sont également fait avoir : suite au manque de bénéfices, elles n’ont pas reçu de dividende. L’entreprise pratique donc systématiquement l’évasion fiscale (voire même la fraude fiscale), facture trop cher son énergie et trompe ses actionnaires publics.
Comment éviter tout cela tant que l’entreprise reste aux mains d’actionnaires privés – souvent étrangers – qui ne regardent que les dividendes qu’ils reçoivent fin d’année ? Le gouvernement prétend livrer une guerre héroïque à Electrabel et à son holding français GDF-Suez. Il refuse toutefois de remettre en cause la propriété privée du secteur et se montre régulièrement incapable de réagir face aux abus. La construction frauduleuse créée par Electrabel en 2012 était ainsi déjà connue du gouvernement en septembre 2013. Les ministres compétents – Wathelet et Vande Lanotte – n’avaient aucune idée de la manière de s’attaquer à l’entreprise et ont décidé de se taire.(14) Visiblement, ‘‘s’en prendre à Electrabel’’ n’est une priorité que si cela paie électoralement…
Energie verte et sortie du nucléaire
Les grands producteurs d’énergie ne sont pas du tout pressés de réaliser les investissements nécessaires dans l’énergie renouvelable ou de collaborer à la sortie du nucléaire. Pour les capitalistes, les investissements ne sont intéressants que dans la mesure où ils rapportent un rendement à court terme. L’énergie renouvelable ou la sortie du nucléaire ne représentent aucun intérêt pour les multinationales actives dans le secteur énergétique belge.
Elles utiliseront chaque moyen à leur disposition pour éviter d’être forcées à changer de politique. Suite à la catastrophe de Fukushima, le nucléaire a été remis en question partout à travers le monde. En Belgique, par contre, le ‘‘Forum Nucléaire’’ a lancé une campagne médiatique massive sous le nom ‘‘le nucléaire émet-il du CO2 ?’’ Ce Forum a été créé à l’instigation d’entreprises et d’organisations ayant un intérêt direct dans le nucléaire, comme Electrabel, Agoria, Luminus, Synatom et Tractebel (15) et ses campagnes visent à convaincre la population que le nucléaire est sûr, propre et bon marché. Les informations diffusées sont soit à moitié vraies, soit totalement douteuses (16). Ce n’est qu’un instrument de propagande pour les producteurs d’électricité. ‘‘Si nous n’avons pas honte de le penser, nous ne devrions pas avoir honte de le dire’’, aurait rétorqué Cicéron.
Parfois, ce n’est même pas encore assez. En 2012, Electrabel a décidé de fermer deux centrales (Ruien, Flandre Orientale, et Les Awirs, Liège) au moment où le manque de capacité de production d’électricité en Belgique était au centre de l’attention publique. Cette décision était d’autant plus remarquable qu’Electrabel avait publié un rapport quelques semaines auparavant pour avertir de possibles coupures à partir de 2014 à cause de la politique de taxation et de sortie du nucléaire du gouvernement. Electrabel pratique ici la tactique de la ‘‘prophétie auto-réalisatrice’’ : d’abord réduire la capacité de production pour ensuite défendre que la production ne peut être garantie dans le pays sans postposer la sortie du nucléaire.
Les nouvelles entreprises qui s’orientent spécifiquement sur l’énergie verte n’échappent pas non plus aux limites de l’économie de marché. Ces entreprises ont besoin de vastes capitaux pour démarrer, et elles ne peuvent être rentables qu’à long terme. Les nouvelles technologies durables réclament beaucoup d’investissements, mais les investisseurs ne vont pas se précipiter sans garantie d’une forte rentabilité. L’entreprise d’énergie verte ostendaise Electrawinds, faute d’investisseurs privés, s’est ainsi tournée vers le soutien du secteur public, ce qui a rapporté 137,5 millions € (17). A côté de cela, des particuliers ont été séduits par de fausses promesses et plus de 4.000 ménages ont investi leur épargne à travers la coopérative ‘‘Groenkracht’’ à hauteur totale de 18 millions € (18). Test-Achats avait également motivé les particuliers à investir (19). L’entreprise semblait avoir le soutien d’une longue liste d’entreprises publiques et le ministre Johan Vande Lanotte (SP.a) était même président de l’entreprise.
Mais l’entreprise n’est pas parvenue à atteindre ces belles perspectives. Fin 2013, elle est arrivée dans le rouge et, très vite, il est apparu que les grands investisseurs avaient en fait participé à une spéculation douteuse, tant avec Electrawinds qu’avec la ‘‘coopérative’’ Groenkracht. Tous ont cherché en premier lieu à remplir leur portefeuille et à garantir leur rentabilité. L’entreprise est aujourd’hui petit à petit démantelée, et les parties les plus rentables sont rachetées par des investisseurs opportunistes.
Même dans un secteur si important, le capitalisme continue à se heurter à ses propres contradictions : de nouvelles technologies restent inappliquées puisqu’elles ne cadrent pas dans la stratégie de la recherche de profits à court terme. Un secteur énergétique privé est incapable de fermer les centrales nucléaires vieillissantes et d’opérer un changement massif vers des sources d’énergie alternatives.
Quelle alternative ?
Le PSL défend la complète (re)nationalisation du secteur de l’énergie : production, distribution, recherche et développement compris. En pratiquant cette nationalisation, il ne saurait être question d’indemnités pour les grands capitalistes qui possèdent ce secteur en grande partie, ce ne pourrait être le cas que pour de petits épargnants, sur base de besoins prouvés.
Un secteur énergétique intégralement public aurait non seulement à gérer la production et la distribution de l’énergie, mais également à coordonner les investissements et la recherche scientifique vers de nouvelles technologies vertes. De l’énergie gratuite ou à très bon marché pourrait être garantie aux consommateurs tandis que les profits de l’entreprise seraient investis dans la recherche et le développement de l’énergie verte. Un plan pour la sortie du nucléaire pourrait être prévu au plus court terme possible, la production étant assurée par des investissements massifs dans les nouvelles technologies renouvelables.
Ce scénario est irréaliste dans le cadre d’une économie capitaliste. Mais pour donner un autre élément : à travers les taxes, impôts et redevances, toute une série de moyens du secteur sont orientés vers les différents niveaux de compétences dans notre pays. Ce sont surtout les communes qui ont besoin de ces revenus pour garantir leurs services publics. Une nationalisation solutionnerait pas mal de chose de ce côté également.
Cette discussion sur la nationalisation du secteur énergétique n’est en fait que le point de départ d’une discussion bien plus profonde sur le type de société que nous voulons. Le magazine Forbes a récemment publié son classement annuel des milliardaires : en 2013, 268 individus ont rejoint ce club distingué qui comprend maintenant 1.645 membres. Ces gens-là possèdent ensemble plus de 6.400 milliards $, soit plus que le PIB d’un pays comme le Japon (20). Il y a quelque temps déjà, Oxfam avait publié un rapport dénonçant la situation : 85 individus sur cette planète possèdent plus que la moitié de l’Humanité la plus pauvre (3,5 milliards de personnes). Le 1% des plus riches sur cette terre possède 110.000 milliards $, environ la moitié de toutes les richesses existantes. D’autre part, ce rapport a prouvé noir sur blanc que les riches sont devenus encore plus riches durant la crise et les pauvres encore plus pauvres (21).
La mobilisation de ces richesses dans l’énergie renouvelable, dans l’enseignement, les soins de santé, les transports publics, la sécurité sociale, les sciences et les technologies pourrait provoquer une avancée sociale et technologique monumentale pour toute l’Humanité. Balançons dans les poubelles de l’Histoire ce système qui empêche cette avancée. Le capitalisme doit être renversé et remplacé par une société socialiste démocratique.
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Notes
[1] Données Eandis sur la facture moyenne des ménages belges en 2012: http://www.eandis.be/eandis/klant/k_4285.htm
[2] ‘‘Enquête sur le budgets des ménages 2012’’ SPF Economie, PME, Classes Moyennes et Energiehttp://economie.fgov.be/nl/modules/publications/statistiques/arbeidsmarkt_levensomstandigheden/huishoudbudgetonderzoek_2012.jsp
[3] Banque Nationale: ‘‘Note au Conseil de Ministres – Analyses des deux propositions de réformes : diminution de la TVA sur l’électricité et réduction de charges salariales dans des zones spécifiques’’, par le Groupe d’Experts ‘‘Compétitivité et Emploi’’ (GECE) – novembre 2013::
http://www.nbb.be/doc/ts/publications/other/Report_GECE_November_2013.pdf, p. 10
[4] Idem, p. 17
[5] Voir l’interview du ministre Alexander De Croo http://www.deredactie.be/cm/vrtnieuws/politiek/1.1770487 (en néerlandais) De Croo prétend avoir trouvé ses chiffres dans la note du Groupe d’Experts de la Banque Nationale que nous avons déjà cité, mais nous n’y avons trouvé aucune référence à l’économie pour le secteur privé.
[6] Il s’agit de tous les revenus du gouvernement Fédéral et des Régions. Données du ‘‘Memento Fiscal 2013’’, SPF Finances, http://finances.belgium.be/fr/binaries/MementoFiscal2013_FR_tcm307-216815.pdf
[7] Les revenus de la TVA sont distribués par le gouvernement fédéral entre l’Union Européenne, l’Etat fédéral, les communautés et la sécurité sociale via une clé de répartition, ‘‘l’affectation’’.
[8] http://www.dewereldmorgen.be/artikels/2013/12/04/btw-verlaging-op-energie-de-beste-sociale-maatregel
[9] http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20131009_00372406
[10] Voir “La Précarité Energétique en Belgique”, rapport 2011 par l’ULB et l’UA: http://dev.ulb.ac.be/ceese/CEESE/documents/Energiearmoede_La_Precarite_Energetique_en_Belgique_rapport_final.pdf
[11] http://www.sudinfo.be/445099/article/actualite/economie/2012-06-29/hausse-de-48-du-benefice-d%E2%80%99electrabel
[12] http://www.lalibre.be/economie/actualite/perte-historique-pour-electrabel-en-2012-51b8fd31e4b0de6db9caa3bb
[13] http://www.lesoir.be/470862/article/une/2014-02-17/belges-sont-ils-vraiment-dindons-farce
[14] http://www.lalibre.be/economie/actualite/soupcons-d-evasion-fiscale-chez-gdf-suez-la-lettrede-vande-lanotte-a-crombez-53031f3335704ec4c3a65a84
[15] http://forumnucleaire.be/fr/members
[16] Sur la fausse affirmation du Forum Nucléaire vis-à-vis des émissions de CO2 du nucléaire (en néerlandais): http://www.deredactie.be/cm/vrtnieuws/buitenland/Klimaat/1.624882
[17] Investissements par la Région Flamande (GIMV en PMV), Gouvernement Fédéral (FPIM) et la société
prive-publique d’investissement DG infra+.
[18] http://www.demorgen.be/dm/nl/12196/Autosalon-
Brussel/article/detail/1751949/2013/12/04/Gezinnen-vrezen-lot-Electrawinds.dhtml
[19] http://www.test-aanko op.be/invest/wat-met-groenkracht-s644670.htm
[20] http://www.forbes.com/billionaires/
[21] http://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/bp-working-for-few-political-capture-economic-inequality-200114-summ-en.pdf -
Quels liens entre syndicats et partis ?
Par Ben (Charleroi)
Suite à la visibilité donnée à la candidature de Fréderic Gillot – délégué à ArcelorMittal et probable futur élu à la région pour le PTB – le PS a mis un autre délégué d’ArcelorMittal sur ses listes. Plus récemment, le secrétaire général de la CSC Claude Rolin a quitté son poste pour remplacer Anne Delvaux comme tête de liste pour la liste européenne du CDH. Des rumeurs parlent également de la possible présence d’Anne Demelenne (secrétaire générale de la FGTB) sur les listes du PS… Le débat sur la question de l’indépendance syndicale a de quoi être alimenté.
Des syndicalistes sur des listes de parti ?
Au sein des parlements, les syndicalistes ne sont pas chose courante, surtout quand ceux-ci sont délégués ouvriers. Les parlementaires sont beaucoup plus souvent, voire exclusivement, avocats, universitaires de toutes sortes ou patrons. On ne peut donc qu’apprécier la présence d’ouvriers sur des listes électorales. Le problème vient plutôt du choix de parti. Pour le PTB, le choix est compréhensible et à soutenir, mais pour ce qui est du PS et du cdH – des partis qui appliquent la politique libérale et d’austérité, à l’exact opposé du programme syndical et à la base même des mesures qui pousse les syndicalistes à manifester – on est en droit de s’interroger sur les liens entretenus entre certains syndicalistes et ces partis-là.
C’est d’autant plus clair pour ce qui concerne des dirigeants nationaux des syndicats comme Claude Rolin ou Anne Demelenne. Force est de constater qu’ils ont parfois plus de traits communs avec un statut de patron qu’avec celui de délégué syndical de base… Il suffit de se pencher sur leur gestion antidémocratique du syndicat et sur le montant de leur salaire. Finalement, on a l’impression que leur place sur des listes PS et Cdh est autant une récompense pour services rendus qu’une dernière tentative pour tromper les affiliés.
Indépendance syndicale ?
L’indépendance syndicale ne signifie pas que le syndicat ne doit avoir aucun lien avec des partis politiques et faire comme s’ils n’existaient pas. L’indépendance syndicale veut dire que le syndicat doit décider de son programme, de son projet, de ses méthodes de lutte, etc. en totale indépendance. En fait, pour que le syndicat soit indépendant, il est nécessaire qu’il soit démocratique. Les décisions devraient être prises en assemblées, en laissant la place au débat contradictoire et en y impliquant le plus de militants possible.
Quand cette démocratie syndicale existe, rien n’empêche que des décisions collectives du syndicat visent à renforcer des liens entre le syndicat et d’autres organisations, y compris des partis politiques, avec par exemple un appel de vote ou en mettant des candidats syndicalistes sur des listes électorales. Le tout est de rester dans le cadre de la stratégie que le syndicat s’est fixé en toute indépendance.
Dans un si petit article, on ne peut pas rentrer dans une analyse poussée de cette question, mais pour conclure, disons que les liens entre parti et syndicat ne constituent en rien un thème abstrait. La vérité est toujours concrète, comme disait l’autre. Les liens qui ne devraient pas exister sont ceux qui se trouvent entre les syndicats et les partis dont la politique va à l’encontre des intérêts des travailleurs. Les liens qui peuvent exister concernent des partis qui soutiennent et partagent l’idéal syndicaliste, c’est-à-dire au minimum une amélioration des conditions de travail et de vie de la grande majorité de la population.
Notre avis
• Pour que les syndicats coupent leur lien avec les partis traditionnels !
• Pour un syndicat démocratique et combatif !
• Pour la construction d’un relais politique pour les revendications syndicales regroupant l’ensemble des tendances à gauche du PS et d’écolo ! -
‘‘Première à Gauche’’, forces et faiblesses
Par Nicolas Croes
Voilà un livre politique qui a su faire pas mal de bruit autour de lui, un peu à l’image du précédent bestseller du PTB, Comment osent-ils, écrit par le président du parti Peter Mertens. Cette fois-ci, c’est Raoul qui s’y colle, dans son style particulier où les arguments côtoient les traits d’humour.
Ce livre est basé sur le parcours de l’actuel porte-parole du PTB, divers éléments de sa vie servant à présenter le PTB ainsi qu’une partie de ses idées. Le chapitre ‘‘Délit de discothèque’’ est ainsi consacré au racisme à partir des discriminations subies à l’entrée des boîtes de nuit. Sont ainsi abordées la question communautaire à partir de sa situation familiale (des parents flamands installés en Wallonie), la problématique de l’enseignement à travers les mobilisations contre les plans Lebrun (1994) et Onkelinx (1995-1996),…
On peut ou non apprécier cette présentation politique extrêmement personnalisée, et dorénavant typique du PTB, mais cette forme de ‘‘dialogue’’ a très certainement rendu l’ouvrage plus digeste pour de nombreux lecteurs qui ont ainsi pu (re)découvrir de nombreux faits et données dévoilés par le service d’étude du PTB (notamment dans le domaine de la fiscalité). Mais l’on peut trouver au fil des pages diverses choses qui ont beaucoup moins bénéficié des largesses médiatiques.
C’est notamment le cas de la démocratie économique. ‘‘Les droits de l’homme s’arrêtent aux portes de l’entreprise’’ est-il dénoncé, ‘‘les gens passent 7 à 10 heures par jour dans une entreprise et ils ont intégré le fait qu’ils n’ont rien à dire sur ce qu’ils produisent. Et ceux et celles qui les défendent sont menacés d’être licenciés. (…) Dans une société démocratique normale, nous aurions un débat entre tous les travailleurs pour décider de ce qu’on fait [de la production].’’ Et plus loin, toujours au sujet de ces aspects de démocratie ouvrière ; ‘‘la dynamique démocratique et électorale dans les entreprises lors des élections sociales est finalement très peu médiatisée, mais elle relève d’une plus grande dynamique que la démocratie politique. 1,3 million de travailleurs qui élisent 44.000 représentants syndicaux, ce n’est pas rien. Et encore, seul un tiers des travailleurs bénéficient de ce droit d’expression [puisque les élections sociales ne sont pas organisées dans les entreprises de moins de 50 travailleurs].’’ A cela s’ajoutent encore divers éléments de vulgarisation du marxisme du point de vue économique ou encore de la manière de voir l’histoire en fonction des systèmes de production.
Contrôle public sur la production : oui ou non ?
Reste que si la dénonciation du capitalisme est souvent claire, la manière de le combattre et de le remplacer par un autre système est beaucoup plus floue. L’idéal de société alternatif peut bien être défini comme ‘‘socialiste’’ (avec les secteurs vitaux de l’économie sous statut public dans le cadre d’une planification économique), le rôle de la lutte concrète peut bien être qualifié de crucial, le type parti à construire peut bien être caractérisé comme marxiste, on a cependant régulièrement l’impression que ce livre est un catalogue de revendications qui se lient difficilement les unes aux autres une fois la situation abordée plus en profondeur.
Ainsi, après avoir pourtant défendu dans les grandes lignes le droit légitime des producteurs de richesses (les travailleurs) à avoir leur mot à dire sur la production, Raoul parle, à partir de la grève d’InBev de 2009-2010, de l’idée ‘‘d’interdire les licenciements aux sociétés ayant versé des dividendes les dernières années.’’ Il précise: ‘‘Ce serait une bonne chose de voter cette loi en Belgique.’’ Effectivement. Mais qui imagine-t-on voter pareille loi au parlement ?
L’idée est belle, mais quand bien même un groupe de parlementaires suffisants se révélerait soudainement favorable à cette loi, imagine-t-on que les grosses entreprises accepteraient sans broncher ? Il nous semble que – particulièrement après avoir défendu des pages durant la nécessité d’un contrôle de la collectivité sur la production – la revendication de la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques des entreprises qui opèrent des licenciements collectifs est une meilleure arme programmatique à offrir aux syndicalistes en lutte.
La même question se pose au niveau de la ‘‘répartition du travail disponible’’. Cela fut une surprise pour nous de ne pas lire à ce sujet une défense de la revendication syndicale de la réduction du temps de travail avec embauches compensatoires, sans perte de salaire et avec diminution des cadences (avec par exemple l’imposition des 32h/semaine) mais de lire ‘‘ArcelorMittal, ; Ford Genk, Opel Anvers : plutôt que de fermer certains sites et d’en faire tourner d’autres à des cadences infernales, pourquoi ne pas obliger ces entreprises à répartir équitablement des quotas de production ?’’ Imagine-t-on que l’éventuelle application de cette revendication (encore une fois, votée par qui ?) conduirait à autre chose qu’à une répartition des licenciements sur tous les sites tant que ces sites ne seraient pas nationalisés par la force du combat des travailleurs sur le terrain, par la grève et l’occupation de l’outil de travail?
Quant à savoir ce qu’il convient de faire avec le secteur financier, nous ne savons toujours pas avec certitude ce qui est revendiqué. Raoul critique – à juste titre – la privatisation de banques comme le Crédit Communal et la CGER, mais pense-t-on qu’en revenir à une banque publique perdue dans un océan de banques privées sera suffisant ? En fait, il est parfois question d’un ‘‘secteur bancaire public’’, mais sans préciser s’il est question de collectiviser l’intégralité du secteur financier ou s’il s’agit de créer un ‘‘pôle bancaire public’’ au côté d’un pôle bancaire privé. Nous pensons qu’il s’agit plutôt de cette dernière option pour le PTB.Quel type de résistance ?
Raoul a bien raison de parler de ‘‘l’importance de se battre et de se retrouver dans des mouvements qui veulent changer les choses’’. Mais comment se battre et construire un rapport de force efficace ? Quand Raoul pose la question ‘‘Plus de 80% des Belges soutiennent l’instauration d’un impôt sur la fortune en Belgique. Qu’attend alors le gouvernement pour le faire?’’, nous savons très bien qu’il s’agit d’un effet de style et qu’il ne s’attend pas – à l’instar de n’importe quel autre membre du PTB – à ce qu’un gouvernement capitaliste adopte soudainement cette mesure. Mais bien peu est dit sur la manière de forcer la main aux autorités. Attendre d’arriver soi-même au gouvernement ?
Extrêmement peu de choses sont dites concernant les mobilisations qui ont pris place sur la sphère internationale. Les grèves générales grecques ou portugaises sont très légèrement soulignées, mais sans livrer aucune réponse à la question cruciale : pourquoi ces mobilisations de masses ont-elles été incapables de faire reculer le camp de l’austérité ? Quelle attitude adopter face aux directions syndicales actuelles ?Une autre faiblesse – à notre avis d’importance majeure – est la place extraordinairement marginale laissée à l’appel de la régionale FGTB Charleroi & Sud-Hainaut de construire une alternative anticapitaliste à la gauche du PS et d’ECOLO. Cet appel est d’ailleurs brièvement mentionné sans que ne soit précisé qu’il s’agit d’un appel à la coopération entre les différentes forces politiques à la gauche du PS et d’ECOLO, dont entre autres le PSL…
Le PTB ne prétend pas ‘‘détenir LA solution’’ affirme Raoul. Nous pensons quant à nous que les leçons des combats du passé nous permettent déjà d’avoir une idée assez précise du programme, de la stratégie et des tactiques que nécessite un changement radical de société.
Nous désirons contribuer à ce débat, au côté du PTB, dans l’intérêt des luttes à venir.
HEDEBOUW, Raoul, Première à gauche. Entretien avec Gilles Martin, Bruxelles: éditions Aden, 2013, 218 p., 12 euros
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L’appel de vote du PSL et sa proposition pour après les élections
Déclaration du Comité National du PSL
25 avril 2013. Gauches Communes et le PTB ont mené ensemble une action contre l’austérité à l’échelon local dans la commune d’Ixelles.‘‘Le FMI demande de la Belgique de véritables assainissements’’ a-t-on pu lire dans le quotidien flamand De Standaard le 17 décembre 2013. Concernant le budget, “l’essentiel de l’effort doit changer, d’une augmentation des taxes vers la diminution des dépenses et la rationalisation des subsides et des transferts sociaux.’’ Pour améliorer la position concurrentielle, “le rythme des réformes structurelles doit s’accélérer (…) pour adapter le mécanisme d’indexation (…) et continuer à soutenir la modération salariale.’’ Enfin, le FMI avertit que ‘‘la loi bancaire ne peut pas mener à une situation où les banques belges (…) ne peuvent plus concurrencer les banques étrangères.” C’est bien connu, tout cela figure sur la liste des souhaits du FMI, de la commission européenne et de l’establishment capitaliste belge. Mais ils partent de l’idée que le prochain gouvernement, contrairement à l’actuel, disposera cette fois-ci du temps et de l’espace requis.
L’offensive contre la classe des travailleurs va donc s’accélérer pour rattraper le retard que la bourgeoisie belge a accumulé suite à la crise politique. Dans leur interview croisée accordée aux quotidiens De Standaard et Le Soir (18/01/2014) Wouter Beke (CD&V) et Charles Michel (MR) affirment : “Nous avons besoin d’un axe qui peut mettre l’attention de ces cinq prochaines années sur une politique socio-économique. Cette perspective est unique dans l’histoire belge (…) les entreprises et les familles réclament la stabilité. Ce laps de temps de 5 ans offre cette sécurité, mais crée au même moment l’espace pour réformer. (…)A un moment il faut s’attaquer aux institutions, à l’autre l’urgence est sur le plan socio-économique. (…) Le temps est maintenant venu pour ces cinq minutes symboliques de courage politique dans les dossiers socio-économiques”. Voilà un bon résumé de ce qui attend le monde du travail. Un sacré avertissement. La gauche aura besoin de toutes ses forces pour tenir bon et pour contre-attaquer si possible.
L’énorme force potentielle du mouvement des travailleurs
En Belgique, à l’instar du reste du monde, le mouvement des travailleurs est plus nombreux que jamais. Depuis 2000, le nombre de salariés a augmenté de plus de 400.000 personnes (jusqu’à atteindre 3,9 millions en 2012). Sur le même laps de temps, le nombre d’indépendants a augmenté de 40.000 (jusqu’à 745.000), en comptant parmi eux nombre de ‘‘faux indépendants’’ qui, en réalité, travaillent pour un patron. De plus, dans notre pays, la grande majorité des salariés est syndiquée. C’était le cas de 3,2 millions de personnes en 2010 (chiffre qui reprend également les pensionnés, travailleurs sans-emplois,…), soit une augmentation de 375.000 personnes depuis 2001. A l’encontre de la tendance internationale, le taux de syndicalisation n’a jamais stoppé de croître en Belgique au cours de ces dernières années : de 71,6% en 2001 jusqu’à 74,7% en 2011. Même en prenant uniquement en compte les travailleurs embauchés (sans les chômeurs, (pré)pensionnés et étudiants), le taux net de syndicalisation a augmenté de 56,9% à 60,5%. 1
Le patronat belge et ses représentants politiques sont bien conscients de l’énorme menace potentielle que représente ce colosse numérique et organisé pour ses intérêts. Ils ont régulièrement eu l’occasion de s’en souvenir. Même si les syndicats doivent régulièrement encaisser, s’ils sont frontalement attaqués dans les médias de masse et si les dirigeants syndicaux doivent être poussés dos au mur par leur base avant de mobiliser, chaque grève générale a, jusqu’à aujourd’hui, eu pour effet de faire baisser le ton au camp de la casse sociale. L’économie moderne est si étroitement combinée et exige une main-d’œuvre si spécialisée que même de petits groupes peuvent avoir un impact disproportionné. Il suffit de penser aux cheminots, aux pompiers, aux agriculteurs, aux camionneurs ou même des 350 bateliers qui avaient bloqué le port d’Anvers il y a deux ans.
Il nous faut un nouveau parti large des travailleurs !
Mais afin que cette énorme force ne s’évapore pas tout simplement, il faut la comprimer. Pour réellement prendre en main les leviers économiques, il ne faut pas se jeter sur la banque et essayer de s’enfuir avec le coffre, mais la nationaliser. Cela nécessite un instrument politique adapté, un parti de masse des travailleurs. Celui-ci joue face à l’énergie du mouvement des travailleurs, un rôle similaire à celui du cylindre à piston qui, grâce à la pression de la vapeur, peut mettre un train en branle. Et, tout comme le train à vapeur, ce parti des travailleurs a besoin d’une orientation et d’une destination. C’est le rôle d’un programme. Pour le PSL, la destination dont on parle ici ne peut être qu’une transformation socialiste de la société. Chaque mètre effectué, qu’importe son importance en soi, doit être évalué en fonction de cette destination.
C’est sur ce travail que le PSL s’est concentré depuis sa fondation : d’une part, propager la nécessité de la création d’un nouveau parti large des travailleurs depuis que le PS et le SP.a sont devenus les fidèles exécuteurs de la politique patronale et ont pris congé de leur base ouvrière et, d’autre part, rassembler les quelques centaines de militants déjà prêts à élaborer, actualiser et affiner un programme socialiste axé sur la transformation socialiste de la société. L’un des moyens pour ce faire a été notre participation aux élections depuis 1999, parfois au sein d’une collaboration unitaire avec d’autres – principalement pour promouvoir l’idée d’un parti plus large – et, quand cela n’était pas possible, sous notre nom propre afin que de nouvelles couches puissent découvrir notre programme.
Un plus grand espace pour la gauche
Ces campagnes de propagande correspondaient à une situation où les résultats électoraux de la gauche radicale étaient négligeables. Cela a servi de préparation pour l’inévitable période suivante de la lutte de classe. Lorsque le vent de la crise économique a commencé à souffler de plus en plus fort, l’espace pour la gauche radicale s’est considérablement agrandi. C’est surtout le PTB qui a su, en tant que composante la plus visible de la gauche radicale – qui s’est d’ailleurs peu à peu distancé de son passé entaché par le stalinisme depuis son congrès de renouveau de 2008 -, être en mesure d’en tirer parti lors des élections locales de 2012. Mais à Liège, VEGA (Verts et à Gauche) a également remporté un siège et, à Saint-Gilles, ‘‘Gauches Communes’’ a réalisé 3,6% à côté des 3,8% du PTB, passant chacun de près à côté de l’obtention d’un siège, après que le PTB ait refusé de déposer une liste commune.
Cette tendance se poursuit. Pour les élections en mai 2014, cela signifie que la gauche radicale – le PTB dans ce cas-ci – peut arriver au parlement pour la première fois depuis les années ‘80. Cela constituerait une énorme percée. Les réponses de gauche à la politique de droite ne seraient plus limitées à la rue, aux entreprises ou aux réunions de gauche, mais trouveraient également leur chemin vers l’opinion publique par l’intermédiaire des médias de masse. Cela ne pourrait pas seulement renforcer le PTB, mais toute la gauche ainsi que le monde du travail. Cela serait une expression politique de la radicalisation vers la gauche de ces dernières années, cela confirmerait la recherche d’une alternative de gauche et démontrerait le potentiel d’un facteur de gauche radicale en Belgique.
De nouveaux défis exigent une réponse appropriée
Pour la gauche, cette possibilité change les circonstances ainsi que ses tâches. Parmi des travailleurs plus conscients, une certaine sympathie pour des campagnes propagandistes s’est transformée en une volonté de ne pas laisser passer l’opportunité d’obtenir des élus. C’est la raison pour laquelle le PSL avait fait une proposition à toute la gauche radicale en mai 2013 – soit un an avant les élections – pour des listes ‘‘PTB-Unité ou quelque chose de semblable’’. Cela nous semblait représenter la meilleure manière d’utiliser l’énergie de nombreux activistes, tant celle des membres des diverses formations de la gauche radicale que celle de ceux qui sont actuellement politiquement inorganisés.
Le PSL n’est pas le seul à estimer les choses ainsi. Consciente de ce potentiel, la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut a mis autour de la table 6 partis de la gauche radicale – dont le PTB et le PSL – afin de stimuler la collaboration dans l’espoir qu’ils constituent ensemble une nouvelle force politique à la gauche du PS et d’ECOLO. Une régionale syndicale forte de 110.000 membres qui prend publiquement une telle position et agit dans ce sens est un phénomène unique. Nous savons que des débats allant dans cette direction trouvent leur voie au sein de la centrale chrétienne des employés ainsi que dans d’autres régionales et centrales de la FGTB. La FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut cherche d’ailleurs systématiquement le débat public avec des brochures et des meetings ce qui, en soi, ouvre de nouvelles possibilités.
Une unité contrôlée
Hélas, ce n’est pas (encore) la position du PTB. Il ne voit pas l’utilité d’un rassemblement de tous les courants de la gauche avec des débats libres et une action commune. Il sous-estime l’importance de la discussion organisée et estime que cela ne conduirait qu’à la division. L’argument n’est pas neuf. Dans le temps, la direction de la social-démocratie a systématiquement abusé de cette idée afin de faire taire toute forme d’opposition interne. Cela ne veut toutefois pas dire que le PTB est insensible à cette volonté unitaire, mais il veut pouvoir contrôler cette unité.
A cette fin, le PTB a choisi de rencontrer les diverses composantes de la gauche radicale séparément. Pendant des mois, le PSL n’a pas reçu de réponse à sa proposition. Cela fut suivi d’un ‘‘niet’’ brutal et, enfin, sous pression, d’une discussion à Charleroi avec la direction locale, à Liège avec Raoul Hedebouw et à Bruxelles via ‘‘Gauches Communes’’ avec la direction bruxelloise du PTB. La teneur de ces discussions était cordiale, mais avec un message très clair. ‘‘Tout comme le PTB le PSL veut se construire. C’est un problème. La LCR et le PC qui seront présents sur les listes du PTB ont, en gros, quitté cette ambition. Comme le PSL ne s’arrêtera pas de distribuer ses tracts et de vendre son journal, le PTB, qui a beaucoup de nouveaux membres qui ne connaissent pas encore réellement son programme, devrait dépenser plus d’énergie à expliquer quelles sont les différences entre les deux formations qu’à mener sa campagne électorale.’’
Des différences de méthode et de programme
Ce raisonnement est compréhensible, mais erroné. Au fur et à mesure que ces nouveaux membres vont politiquement s’engager, ces questions émergeront. Tenter d’éviter la discussion en excluant la participation de certains n’aurait-il pas pour effet de stimuler l’intérêt pour ce que ces derniers ont à dire ? Ce n’est également pas dans l’intérêt du mouvement des travailleurs. Ce dernier n’a jamais été politiquement homogène. Ce n’est que sur base de l’expérience pratique qu’il parvient à l’unité, en mesurant les programmes par rapport aux exigences concrètes du moment. Depuis l’effondrement à l’Est de la caricature stalinienne du socialisme, la conscience socialiste a connu un recul très marqué. Beaucoup d’expériences passées se sont perdues. Reconstruire ce qui a été perdu ne peut que se passer plus favorablement au sein d’une large formation de lutte des travailleurs, dans laquelle l’unité d’action va de pair avec la liberté de débat. Nous ne proposons pas au PTB de devenir lui-même cette formation, mais de l’initier avec d’autres et nous.
Nous pensons qu’une autre raison est également à la base de ce refus du PTB d’impliquer le PSL dans sa campagne électorale. Le PSL ose parfois questionner des points programmatiques du PTB, d’une perspective qui se situe plus à sa gauche. Avec le PC et la LCR, cela ne n’est presque pas le cas, parce que leurs programmes et leurs pratiques sont plus proches de ceux du PTB. Ainsi, nous n’entendons rien de leur part concernant les limites de la revendication d’une banque publique dans un monde de banques privées, du principe de l’appel d’offre public illustré par le modèle-Kiwi, ou encore de la diminution de la TVA sur l’énergie que les patrons récupèrent en vue d’un report de l’indexation. Seuls des individus et organisations dont le PTB est convaincu qu’ils ne mettront pas, ou presque pas, en question son programme sont les bienvenus sur les listes PTB-GO ! (GO étant l’acronyme de “Gauche d’Ouverture”) en Belgique francophone ou PVDA + en Flandre.
Unité dans la diversité – Gauches Communes à Bruxelles
Malgré toutes ces limites, le PSL pense que ‘‘PTB-GO!’’ représente un pas en avant, insuffisant, mais tout de même important. Après les élections, nous aurons plus que jamais besoin de l’unité dans l’action. La libre participation de chaque composante du mouvement des travailleurs, et avec cela nous n’entendons donc pas seulement le PSL, sera exigée. Lors de la conférence de presse qui a annoncé les listes ‘‘PTB-GO!’’, Carlo Briscolini, président de la FGTB Charleroi & Sud-Hainaut, a souligné l’importance d’un débat profond qui ne se limite pas aux cadres dirigeants et a fait un plaidoyer pour le ‘‘droit de tendance’’ : “c’est quand il y a de la discussion, de la contestation, que différentes tendances s’expriment, qu’un débat permet d’avancer.’’ Le PSL veut continuer à s’engager dans ce type d’unité, y compris après les élections.
Dans ce contexte, le PSL évitera de se présenter ou de soutenir des listes qui rendent plus difficile d’obtenir des élus de gauche. En Flandre, le PSL appellera cette fois à voter PVDA+. Cependant, avec son attitude basée sur un choix à la carte de ses alliés en isolant certains, ‘‘PTB-GO !’’ ne laisse que peu de choix : s’effacer électoralement ou déposer ses propres listes. Le PSL ne le fera pas, mais peut comprendre que VEGA et Decroly, le Mouvement de Gauche ou d’autres veuillent encore déposer des listes. Nous les appelons tout de même à ne pas en déposer à Liège, où Raoul Hedebouw a une chance réelle d’être élu, ni à Charleroi, où la FGTB nationale pourrait instrumentaliser cette situation pour miner l’initiative prise par la FGTB de Charleroi & Sud-Hainaut. Tout comme nous avons offert au PTB de collaborer à leur campagne, il est possible d’envisager un certain type de travail en commun avec d’autres, dépendant leur approche quant au monde du travail et des deux exceptions citées ci-dessus.
A Bruxelles, le système de groupement de listes rend possible d’effectuer un vote spécifique pour la liste de gauche de son choix sans que cela ne réduise l’opportunité d’avoir un élu de gauche. Nous allons donc participer au scrutin à la Chambre et à la Région sous le nom de ‘‘Gauches Communes’’, nom avec lequel nous nous sommes déjà présentés avec le Parti Humaniste et des candidats indépendants à Saint-Gilles, Jette, Anderlecht et Ixelles lors des élections communales de 2012. Une proposition de ‘‘Gauches Communes’’ pour coopérer a également été rejetée à Bruxelles par le PTB. ‘‘PTB-GO !’’ n’a même pas accepté notre proposition de groupement de liste alors que cela a déjà été fait entre ‘‘PTB-GO !’’, le Parti Pirate, Pro-Bruxelles et BUB. Si VEGA dépose des listes à Bruxelles, nous allons également discuter avec eux d’une possible coopération.
A Bruxelles, nous voulons, sur base d’un programme clairement socialiste et en prenant systématiquement des initiatives dans la résistance locale contre les assainissements locaux, faire notre contribution pour la construction d’un rapport de forces contre le tsunami d’austérité.
Un tournant à gauche de la social-démocratie… Qui y croit encore ?
Le PS et le SP.a sentent eux aussi que quelque chose se passe. Le fossé entre riches et pauvres, le manque de perspectives, la politique ‘‘deux poids, deux mesures’’, la justice de classe, etc. tout cela conduit à un mécontentement dans la société. L’attention récente qui a été portée sur la limitation des salaires du sommet des entreprises publiques ou encore leur tentative mitigée de s’en prendre à la fraude fiscale ne sont que des emplâtres sur une jambe de bois utilisées pour être capables de faciliter une attaque plus frontale contre le mouvement des travailleurs. Depuis les années ’80, PS et SP.a ont systématiquement participé aux différents gouvernements et ont posé les bases pour la croissance de la pauvreté et du chômage. Leurs solutions de diminutions des charges pour les entreprises, de manipulation de l’index, de limitation de nos pensions et allocations de chômage, etc. n’annoncent rien de bon, et remettent fondamentalement en cause ce prétendu tournant à gauche. Nous savons ce que nous pouvons ou pas attendre, et pas seulement si l’après-25 mai livre un gouvernement ouvertement de droite !
Voir l’arrivée d’un gouvernement ouvertement à droite n’est certainement pas exclu, s’ils ne réussissent pas à repousser la N-VA durant la campagne. Un tel gouvernement pourrait préparer le climat nécessaire, mais provoquerait également le mouvement des travailleurs au point ou cela entrainera plus que probablement la chute de ce gouvernement. La résurrection d’un gouvernement Di Rupo, avec ou sans lui comme premier ministre, pourrait alors finir le ‘‘sale boulot’’. La gauche ne peut pas s’accrocher au moindre mal, chaque tentative de sauver cette illusion représente un affaiblissement du mouvement des travailleurs. La gauche doit au contraire se préparer à des confrontations de classe inédites depuis des générations.
Disposer d’élus de gauche après le 25 mai 2014 peut apporter une contribution importante, mais obtenir des élus n’est pas une fin en soi. Cela peut par contre être une excellente base pour, après les élections, construire un front de résistance à la casse sociale. Le PTB est très bien placé pour ce faire. Dans ce cas il pourra compter sur le soutien du PSL et probablement aussi d’innombrables activistes, y compris de délégations, centrales et régionales syndicales. Cela n’enlève toutefois rien à la nécessité d’une large formation de lutte des travailleurs, laquelle respecte la liberté de discuter et de débattre afin de tester les programmes et les stratégies. Simultanément, le PSL continuera de construire un parti révolutionnaire qui a comme but d’arracher un changement de société par la lutte de masse des travailleurs. Le capitalisme n’a aucun avenir à nous offrir, seul le socialisme peut libérer la voie pour un monde sans exploitation et sans oppression.
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Note
(1) ‘‘Geen grenzen aan de groei: de Belgische syndicalisatiegraad in de jaren 2000’’, Faniel J. & Vandaele K., 2012.
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Non, Mr Magnette, renforcer la gauche, on n’y arrive pas en copiant la droite
Paul Magnette a réagit à sa manière au sondage Ipsos/Le Soir/RTL qui crédite le PTB-GO! de près de 7%. Selon lui : “La vertu de ce sondage, c’est de montrer, mais on le sait, que quand l’extrême-gauche progresse, la gauche faiblit. Donc malheureusement, quand on vote pour l’extrême gauche, on favorise la droite.” C’est bien tardivement – moins de 100 jours avant les élections – que le PS et Magnette semblent s’inquiéter de la manière dont la gauche pourrait être renforcée…
Il est regrettable que le parti du premier ministre n’ait pas pensé à cela alors qu’il soutenait et appliquait loyalement les politiques d’austérité… Peut-être Paul Magnette pourrait-il maintenant nous expliquer en quoi la dégradation de nos conditions de vie peut bien renforcer la gauche ? Pour appliquer la politique d’austérité, le PS s’est sans hésitation rangé du côté de la logique du diviser pour régner en s’en prenant d’abord aux plus faibles. Les chômeurs et les demandeurs d’asile ont ainsi été particulièrement frappés, une austérité « douce » destinée à préparer le terrain pour des attaques antisociales plus sévères une fois les prochaines élections passées, cette fois-ci contre l’ensemble du monde du travail. Renforcer la gauche, c’est possible en renforçant la solidarité et la lutte pour le progrès, pas en essayant d’accompagner le recul social.
Le PS essaye de recycler l’argument du « moindre mal » en disant qu’un renforcement du PTB affaiblirait sa position par rapport à la N-VA et augmenterait ainsi la menace de l’arrivée d’un gouvernement de droite. C’est un argument auquel il fallait s’attendre, mais il est par contre très remarquable de voir que le SP.a ne l’utilise pas de la même manière… Serait-ce parce le SP.a n’a pas de problème à gouverner avec cette même N-VA au gouvernement flamand ? Ou parce que ce parti est allé tellement loin dans la logique de soutien aux réductions d’impôt pour les grandes entreprises que la différence avec le programme de la N-VA sur ce point est anecdotique ? La menace d’un gouvernement dirigé par la N-VA est réelle et pourrait conduire à une offensive plus brutale contre nos conquêtes sociales. La différence est qu’alors que le PS est extrêmement prudent pour appliquer sa politique antisociale au point de sembler marcher sur des œufs, la N-VA se comporte comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
Mais au final, le résultat n’est guère différent. Après 25 ans de règne du PS au gouvernement fédéral, l’écart entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand dans ce pays. La pauvreté a augmenté, les salaires réels ont baissé, le mécanisme d’indexation a été miné, la chasse aux chômeurs a été organisée, les allocations d’insertion ont été limitée dans le temps à trois ans, … Combien de cadres sur-payés ont-ils été nommés par la social-démocratie dans les entreprises publiques ? Combien de privatisations totales ou partielles – des « consolidations stratégiques » selon les termes de Di Rupo à l’époque de la recherche d’actionnaires privés pour Belgacom – ont été dirigées par la social-démocratie ? Quand le PS de Magnette et Di Rupo a-t-il fait la différence ?
Une percée électorale des listes PTB et l’entrée au parlement d’un de ses élus renforceraient toute la gauche. Dans les pays où plusieurs formations de gauche sont présentes, on constate que la gauche est généralement plus forte que dans les pays où une formation a le monopole. Il suffit de penser aux Pays-Bas (comparons les résultats du PVDA social-démocrate et du parti de gauche SP à ceux du PS et du SPa chez nous) ou encore avec l’Allemagne (où existent le SPD social-démocrate, les Grünen (verts) et le parti de gauche Die Linke) et avec la Grèce (avec Syriza, le KKE et Antarsya). Lors de la conférence de presse annonçant les listes du PTB, le président de la régionale FGTB de Charleroi et Sud Hainaut, Carlo Briscolini, a fait remarquer : “c’est quand il y a de la discussion, de la contestation, que différentes tendances s’expriment, qu’un débat permet d’avancer.’’ La diversité renforce la gauche, mais il faut encore que cette gauche ne soit pas seulement présente aux élections. Toute position élue devra être utilisée afin de construire un large front de résistance contre la politique d’austérité qui ne manquera pas de suivre les élections.
Nous ne partageons donc aucunement les déclarations de M. Magnette. Ce ne sont que des tentatives visant à relooker le vieil argument du « moindre mal ». Dans le passé, cet argument ne nous a apporté que de nouvelles politiques antisociales, rien n’indique qu’il en serait autrement aujourd’hui, bien au contraire. Après les élections de mai prochain, il y aura une longue période sans élections, un moment idéal pour passer à l’application d’une austérité plus dure.
Un texte plus détaillé concernant l’attitude du PSL concernant les élections de mai 2014 arrivera sur socialisme.be dans ces prochains jours.