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Tag: Kurdistan
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Bruxelles. La manifestation contre la violence en Turquie se heurte à la répression
Alors qu’Erdogan était en visite en Belgique la semaine dernière, ses gardes du corps étaient à couteaux tirés avec les agents de sécurité, jusqu’à l’éclatement de bagarres. De son côté, la presse avait été quelque peu malmenée durant la visite, le porte-parole de Charles Michel ayant même fait pression sur une équipe de la RTBF afin que cette dernière ne divulgue pas certaines images. Simultanément, il a été annoncé que les partisans belges du PKK seraient poursuivis. Le fait que le président turc ait réussi à obtenir cela indique quelle sera l’attitude du gouvernement belge face aux violences qui ont actuellement lieu en Turquie…
Lors d’une action de protestation suite à l’attaque à la bombe qui a frappé Ankara ce samedi, la police belge a adopté une approche répressive, des centaines de manifestants ont été accueillis à coups de gaz lacrymogène et de matraques à l’ambassade de Turquie. Un manifestant a brutalement été arrêté. Ces incidents sont survenus à la suite de provocations commises par des partisans du régime turc.
La manifestation qui est partie de l’ambassade de Turquie vers le Parlement européen a su compter sur la participation de centaines de personnes, à l’image de l’immense colère éprouvée face à ces actes de violence. Les manifestants voulaient exprimer leur solidarité avec les victimes des attentats et dénoncer la politique de M. Erdogan et de son parti, l’AKP, une politique qui conduit à une escalade de violence.
Voici une série de photos de la manifestation de Bruxelles, y compris de l’arrestation, prises par PPICS.
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Aylan, mort en essayant d’échapper à la barbarie – plus qu’un «drame», un assassinat
Les images terribles d’enfants morts noyés sur les côtes turques après l’échouage du canot pneumatique qui n’a pu les emmener en Europe font le tour du monde, et entraînent tristesse, colère et révolte. Dans ce monde si développé, des enfants meurent ainsi pour échapper à la guerre, à la misère et à l’oppression, tandis que d’autres travaillent à s’en tuer dans des mines, des fabriques ou des champs.Gauche Révolutionnaire (CIO-France)
L’Europe, si prompte à sauver les banques du naufrage en déversant des milliards d’euros ne pourrait pas accueillir ces hommes, femmes et enfants qui fuient la barbarie ? L’Europe est plus prompte à écraser des pays comme la Grèce, à mener des politiques d’austérité créant des millions de chômeurs ou à soutenir des régimes dictatoriaux et corrompus au Moyen Orient et en Afrique.
Et quand les camps de réfugiés au Liban, en Turquie (presque 3 millions de réfugiés pour ces deux seuls pays) et ailleurs demandent qu’on augmente l’aide dont ils ont besoin, c’est silence radio.
Les guerres menées à travers le monde pour s’accaparer gaz, pétrole et autres richesses ont plongé des pays entiers dans le chaos chassant des millions de personnes de leur maison et de leurs terres.
Les vrais responsables : les capitalistes et les gouvernements à leur service
Non ce ne sont pas les « passeurs » qui ont tué Aylan, les autres enfants et quelques 3000 autres réfugiés cette année. Les passeurs ne sont que les vautours qui viennent se servir des dépouilles des pays que les USA et l’Europe ont bombardé ces 25 dernières années. Aylan venait de Kobanê, la petite ville du Nord de la Syrie qui a résisté à Daesh (l’Etat Islamique) et vaincu Daesh le 24 janvier dernier. Pendant ce temps, Hollande soutenait Erdogan, le président turc, qui soutenait Daesh et empêchait l’aide de passer la frontière turque vers Kobanê. Et Fabius et l’administration Obama parlent désormais de collaborer avec le Front Al Nosrah en Syrie. Et s’ils en parlent maintenant, c’est en fait qu’ils collaborent déjà avec cette branche d’Al Qaïda – qui est en gros du Daesh un peu moins salé – et qu’ils préparent le terrain pour rendre cela public. Et dans cette valse sur le dos des peuples, il y a la vente de Rafale au Qatar (le premier soutien de Daesh), les invitations au roi Saoudien (soutien de Daesh lui aussi) et le soutien aux dictateurs et aux états guerriers de la région, à commencer par l’Etat israélien.
C’est de cela que cet enfant et 3000 autres personnes avec lui cette année sont morts, de ces politiques impérialistes qui sèment la mort et la destruction pour le profit des grosses firmes capitalistes. L’image est insoutenable, insupportable, car elle est l’expression la plus terriblement nue de la réalité du capitalisme et de la révolte qui doit nous envahir et nous animer pour mettre fin à ce système barbare.
Bruxelles. Manifestation “Refugees Welcome”
Organisée par la Plateforme citoyenne de solidarités avec les réfugiés
“Plus de 35.000 personnes disparues depuis janvier 2015. Une Europe-forteresse qui se dresse face aux parcours de milliers migrants et ce depuis trop de trop longues années. Ne les laissons pas parler en notre nom. La solidarité avec les migrants n’a jamais été aussi importante chez les citoyens. Maintenant, allons faire plus de bruit que ces discours haineux.”
Les modalités d’actions et les revendications de ce rassemblement seront débattues et validées lors d’une assemblée générale qui aura lieu ce dimanche 6 septembre, 16h, Parc Maximilien à Bruxelles.
=> Page Facebook de l’évènement
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Kurdistan : Les dirigeants du PYD appellent à un partenariat avec le régime de Bachar al-Assad.
N’accordons aucune confiance aux dictateurs et aux puissances occidentales!La campagne aérienne massive menée par le régime turc d’Erdogan contre les bases du PKK kurde et les réactions subséquentes du PYD (le parti de l’union démocratique), organisation-soeur du PKK au nord de la Syrie, a entrainé d’importantes questions en relation avec la stratégie révolutionnaire, d’une manière plus précise que jamais.
Par Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Depuis l’été 2012, le PYD contrôle plusieurs régions à majorité kurde du nord de la Syrie, suite au retrait des troupes syriennes de ces endroits. Le régime de Bachar al-Assad avait ainsi procédé afin de concentrer ses forces armées sur l’avance des groupes armées sunnites dans d’autres parties du pays, permettant ainsi au PYD de remplir le vide.
Ce changement de pouvoir au bénéfice du PYD, une force politique réceptive au sort des masses kurdes, et le contrôle du parti sur ce qui est à présent connu comme le territoire des cantons Rojava, a initié une vague d’enthousiasme au sein de la population kurde, tant en Syrie qu’internationalement. Il s’agissait d’un développement bienvenu pour la majorité des Kurdes qui ont souffert sous le joug de la dictature d’Assad des années durant et qui se sont vus refuser des droits parmi les plus basiques, comme de ne pas pouvoir utiliser leur propre langue en public, par exemple.
Depuis lors, les unités armées du PYD (le YPG et le YPJ) ont suscité l’admiration de millions de de personnes grâce à leur bravoure incontestée au combat contre les actions réactionnaires de Daesh, l’Etat Islamique, et grâce à leurs bataillons de femmes combattantes. Leur tentative déclarée de construire un système alternatif de gouvernance, basé sur l’harmonie entre diverses religions et communautés ethniques, en plein milieu d’une zone de guerre sectaire a également eu un impact galvanisant sur beaucoup de jeunes et d’activistes kurdes et de gauche à travers le monde entier.
Cependant, depuis le début, une zone grise existant concernant l’attitude que prendrait le PYD face au régime d’Assad. Il faut souligner que, durant environ deux décennies à partir de sa création en 1978, l’équivalent du PYD en Turquie, le PKK, a profité d’une coopération avec le régime d’Assad et recevait même des fonds de sa part avant que ce régime ne se retourne finalement contre le PKK. La nature exacte de la relation entre le PYD et le régime d’Assad est restée nébuleuse ces dernières années, mais il est clair que le PYD a préféré éviter toute confrontation avec l’armée syrienne.
Dans certaines partie de Rojava, comme par exemple à Qamishli et Hassakah (deux des villes les plus importantes de la zone), alors que le régime d’Assad a retiré la plus importante partie de son personnel de sécurité, ce dernier a continué de payer les services gouvernementaux, en assurant les salaires des employés d’Etat, en procurant des fonds à l’administration locale et en faisant fonctionner les bureaux administratifs locaux. Le programme scolaire est resté le même que sous le régime d’Assad, les étudiants suivant le cursus approuvé par le parti Baas anciennement au pouvoir.
Au même moment, au fur et à mesure de la croissance de l’Etat Islamique, une collaboration militaire a été établie l’an dernier entre le PYD et l’impérialisme américain. Sans faire de de l’aide militaire en soi une question de principe, particulièrement dans le contexte des tueries perpétrées par les fanatiques de l’Etat Islamique, le CIO (Comité pour une Internationale Ouvrière) a averti des dangers politiques qui se cachent derrière une telle collaboration. Parmi eux se trouve tout spécialement la perception que cela peut entrainer parmi les millions de personnes au Moyen Orient qui ont souffert, et souffrent toujours, des interventions sanglantes de l’impérialisme américain.
« Aucune illusion ne devrait être créée dans le rôle de l’impérialisme occidental, dont les actions ne vont faire qu’empirer les divisions religieuses sectaires (…) L’Histoire du peuple kurde a démontré que les puissances impérialistes et les élites capitalistes ne sont pas amies de la lutte du peuple kurde pour une libération nationale. » (socialistworld.net, ‘Kurdistan : the battle for Kobanê – 02/10/2014).
De manière plus générale, nous avons averti des dangers d’une stratégie basée sur la recherche de la « bienveillance » des puissances capitalistes au lieu de rechercher le soutien de la classe des travailleurs par-delà les frontières, sur base d’un appel clair pour un programme socialiste, basé sur une mobilisation d’indépendance de classe contre ces puissances.
Il n’est pas possible de simultanément essayer de concrétiser la solidarité multi-ethnique et l’émancipation sociale et de coopérer avec des forces qui exacerbent la guerre sectaire dans la région et qui, au travers de leurs actes, conduisent les Arabes sunnites aux mains de l’Etat Islamique.
Nous avons aussi souligné que la « bienveillance » de l’impérialisme occidental et du régime d’Assad envers le PYD était le produit de circonstances plus que de n’importe quoi d’autre : Rojava a bénéficié d’un rapport de forces précaire parce que les élites régionales et occidentales avaient un poisson plus gros à pêcher : l’Etat Islamique.
Cependant, au cours de ces deux dernières semaines, d’importants changements ont pris place, qui peuvent potentiellement altérer cet équilibre précaire. Les États Unis ont décidé de fermer les yeux face à l’escalade des interventions militaires de l’armée turque contre les bases du PKK en Turquie et dans le nord de l’Irak. Ce silence américain a été acheté par Erdogan, qui a offert de permettre aux forces américaines d’utiliser les bases aériennes turques pour bombarder les bases de l’Etat Islamique.
Cette dernière manœuvre démontre, une fois de plus, que l’impérialisme américain utilise le sort et le combat des Kurdes comme des pions et qu’il est prêt à les poignarder dans le dos à la première opportunité. Exhibant son hypocrisie nauséeuse, le gouvernement américain a unilatéralement appelé le PKK à « arrêter la violence » en Turquie, en justifiant comme de « l’autodéfense » les raids intensifs de l’armée de l’air turque contre les cibles du PKK. De nombreux civils sont déjà morts.
C’est dans ce contexte que durant la dernière semaine, plusieurs officiels du PYD basés en Syrie ont affirmé que le gouvernement d’Assad pouvait être considéré comme un collaborateur. Un dirigeant du PYD, Salih Muslim, a même déclaré que « sous de bonnes conditions » le YPG, « peut rejoindre l’armée syrienne ». Idriss Nassa, autre dirigeant expérimenté du PYD à Kobanê, a affirmé que son parti pouvait s’allier avec le régime d’Assad, « s’il se dévoue à un avenir démocratique ».
En prévision du fait que ses relations avec les Américains pourraient être mises à rude épreuve à la suite des récents événements en Turquie, la direction du PYD tente provisoirement de se réorienter vers Assad, désespérée, semble-t-il, de ne pas vouloir parier sur un seul cheval.
La lutte du peuple de Rojava doit sécuriser le soutien populaire dont il a un besoin critique, au-delà des divisions sectaires et des frontières de Rojava. Dans cette optique, l’approche de la direction du PYD est une stratégie vouée à l’échec. Ces appels en direction d’Assad ne passeront pas bien auprès des millions de personnes qui souffrent sous les bombes d’Assad ou qui sont torturés par les milices shabiha (milices en tenue civile aux ordres du parti Baas). Au sein de la communauté kurde elle-même, nombreux sont ceux qui n’ont pas oublié que le régime d’Assad a, avant la guerre, violemment opprimé les Kurdes et a nié leur identité pendant des décennies en Syrie.
Le socialiste américain John Reed, a déclaré un jour que « quiconque prend les promesses de l’Oncle Sam comme vérité les payera en sang et en larmes». Les Kurdes l’ont appris de la manière forte, à de nombreuses reprises. Ces propos de John Reed au sujet de « l’Oncle Sam » valent également pour les régimes sectaires et autoritaires pro-capitalistes tels que celui d’Assad. Si Assad remporte la victoire, il ne fait aucun doute qu’il retournera sa brutalité contre les Kurdes. Que feront alors les dirigeants du PYD ?
Ce ne serait pas faux en soi d’essayer d’exploiter les divisions entre les différentes forces dirigeantes afin de renforcer la lutte des masses. Mais qu’importe la tactique, elle doit être subordonnée à une stratégie claire, avec l’objectif conscient d’exposer les ennemis pour ce qu’ils sont à chaque étape, sans se nourrir d’illusions quant à leurs intentions. Les socialistes défendent la mobilisation indépendante des travailleurs comme premier facteur de changement. Malheureusement, les dirigeants du PYD ont une approche totalement différente de la politique.
Ils ont une politique à court terme basée sur le fait de balancer entre les différentes puissances capitalistes, qui toutes ont déjà démontré leur dédain pour les masses kurdes. Ceci représente une erreur majeure et un obstacle objectif afin de construire une solidarité non-sectaire entre les populations exploitées en dehors de Rojava, que ce soit de par le régime d’Assad ou bien des forces de l’air Américaines. Ceci risque d’exacerber les tensions sectaires dans la région.
Seule une stratégie qui a comme but un programme consistant pour une unité de la classe des travailleurs et pour des droits démocratiques pour tous les peuples de la région, sans la moindre confiance envers les puissances impérialistes et les dictateurs de la région, représente une issue face à la catastrophe actuelle.
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[PHOTOS] Action de protestation contre la répression anti-kurde du régime turc
Hier, environ 300 personnes, essentiellement des Kurdes, se sont réunis pour tenir une action de protestation à Bruxelles contre la répression de l'Etat turc contre la population kurde qui se fait derrière le prétexte de la lutte contre le terrorisme. Le PSL était présent en solidarité, avec un stand d'information sur lequel se trouvait notamment le magazine de notre section-soeur dans l'Etat turc.
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Massacre à Suruç : une atteinte à l’un de nous est une atteinte à nous tous
Les peuples kurde et turc payent le prix du soutien d’Erdo?an à l’Etat IslamiqueCe lundi, au moins 30 militants de la Fédération socialiste des associations de jeunesse (SGDF) ont été tués dans une explosion provoquée par un kamikaze de l’Etat Islamique dans la ville de Suruç, située au sud-ouest de l’Etat turc près de la frontière syrienne. Ces jeunes militants étaient rassemblés pour une conférence de presse avant de partir pour Kobané, à treize kilomètres de Suruç, où ils prévoyaient d’aider à la reconstruction de la ville.
Déclaration de nos camarades de Sosyalist Alternatif (CIO en Turquie)
Cette attaque est une conséquence directe de la politique du président turc Erdo?an, qui soutient l’Etat Islamique en Syrie. Ces derniers jours, Erdo?an a planifié une intervention militaire en Syrie et son discours à la suite de cette dernière attaque terroriste a démontré une nouvelle fois ses intentions bellicistes. Les atrocités de ce lundi montrent clairement que ce sont les travailleurs et les pauvres, Turcs et Kurdes, qui payent le prix du soutien tacite d’Erdo?an aux groupes de l’Etat Islamique.
Le massacre prouve aussi que les militants de l’Etat Islamique, armés de fusils et des bombes, agissent et se déplacent librement à l’intérieur de la Turquie.
Pour la première fois, l’Etat Islamique a directement attaqué une organisation socialiste sur le territoire turc. Cela démontre le caractère profondément réactionnaire et anti-travailleurs de ce groupe terroriste.
Nous, Sosyalist Alternatif (partisans du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc), sommes solidaires de la SGDF et considérons que cette attaque est une attaque contre nous tous.
• Stop à la guerre et aux projets des forces armées turques concernant la Syrie et le Rojava!
• Ouverture des frontières pour faciliter le déplacement des personnes et des biens à Kobané, afin de reconstruire la ville!
• Nous exigeons la démission immédiate des ministres turcs des Affaires étrangères et de l’Intérieur!
• Stop au soutien du gouvernement turc à l’Etat Islamique et aux autres groupes djihadistes!
• Stop à la politique hostile de l’état turc envers le PYD et le peuple kurde!
• Pour une lutte de masse des travailleurs et des pauvres, kurdes et turcs, contre le terrorisme des djihadistes et contre le gouvernement de l’AKP! -
[PHOTO] Rassemblement de solidarité avec la résistance de Kobané
Hier, un rassemblement a eu lieu place du Luxembourg à Bruxelles à l'initiative de la communauté kurde contre la barbarie de l'Etat Islamique (Daesh), responsable d'attentats commis ce vendredi en France, en Tunisie, au Koweït et, la veille, à Kobané, dans le Kurdistan syrien. Après une longue bataille, Daesh avait été repoussé de Kobané par la résistance des combattants kurdes, l'attaque de ce jeudi était une représaille. A Bruxelles, les manifestants ont exprémié leur rejet de la barbarie de Daesh ainsi que leur soutien à la résistance de Kobané. Le PSL était également présent. Le reportage-photos ci-dessous est de PPICS.
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État turc: percée historique pour la gauche tandis que l'AKP essuie sa pire défaite en 13 ans
Le 7 juin a ébranlé le paysage politique de l’État turc. Le soir des élections, de nombreux militants de gauche et kurdes ont ressenti quelque chose de similaire à ce qu’ils avaient vécu au moment du mouvement du Parc Gezi, été 2013. Le parti islamiste et conservateur AKP a subi un plus grand revers que ce que la plupart des sondages avaient prévus en perdant pas moins de 2,6 millions de votes et 69 députés par rapport aux dernières élections législatives de 2011. Le parti de gauche pro-kurde «Parti démocratique du Peuple» (HDP) a remporté 13% des voix, soit plus que le seuil de 10% nécessaire à dépasser pour faire son entrée au Parlement. Ce seuil électoral constitue une mesure extrêmement anti-démocratique mise en œuvre à la suite du coup d’Etat militaire de 1980, précisément pour empêcher partis kurdes d’obtenir la moindre représentation parlementaire.
Par Michael Gehmacher SLP (section autrichienne du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO) & et des correspondants de Sosyalist Alternatif (section du CIO dans l’État turc).
Des rassemblements spontanés ont eu lieu dans le pays, surtout dans les régions kurdes du sud-est, pour accueillir la percée électorale du HDP. C’est la première fois de l’histoire de la Turquie qu’un parti pro-kurde arrive au Parlement. L’entrée au Parlement de nombreuses militantes du HDP ou encore de nombreux représentants de mouvements sociaux et politiques ou de différents types de minorités revêt une haute valeur symbolique dans le contexte du système politique turc traditionnellement dominé par des hommes de droite assez âgés. Bon nombre des 80 nouveaux élus du HDP appartiennent à des minorités ethniques, religieuses ou sociales. Leur présence au parlement turc est un coup dur pour l’élite nationaliste réactionnaire, tout comme le fut la présence du premier candidat ouvertement gay de l’histoire de la République turque.
Cette élection a été marquée par une polarisation croissante car, au côté de la percée du HDP, les nationalistes d’extrême-droite du MHP (Parti d’action nationaliste) sont passés de 13% à plus de 16%. La campagne électorale a été secouée d’explosions de violence, en particulier contre le HDP, avec des dizaines d’agressions physiques contre des bureaux du HDP et ses militants à travers le pays.
Le MHP a attisé le nationalisme turc, en particulier en qualifiant de «traître» l’AKP (Parti pour la justice et le développement, au pouvoir depuis 2002) en raison du processus de paix en cours entre le gouvernement et le mouvement kurde. Mais le MHP a également joué une carte sociale populiste. En combinaison d’éléments nationalistes, le MHP a plaidé pour l’augmentation du salaire minimum, pour la réduction des impôts sur le carburant et pour l’arrêt des licenciements dans le secteur public. Il s’agit d’une autre indication du fait que les questions sociales sont devenues plus importantes en raison des problèmes de l’économie turque et de la crainte de pertes d’emplois.
L’AKP lèche ses plaies
La situation sociale et économique qui prévaut actuellement a joué un rôle crucial dans cette élection. Nombreux sont ceux qui ont le sentiment que leurs conditions de vie se sont améliorées au cours des années où l’AKP s’est retrouvé au pouvoir. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles une couche des pauvres, en particulier ceux qui sont visés par les campagnes caritatives de l’AKP, a continué à voter pour ce parti au fur et à mesure.
Les choses ont toutefois commence à changer. La situation économique s’est détériorée ces deux dernières années, le chômage et l’inflation sont repartis à la hausse et les difficultés ont été croissantes pour des millions de familles de la classe des travailleurs de Turquie. Avec l’accentuation générale des attaques contre les droits démocratiques et le renforcement des tendances autocratiques du régime (extension des pouvoirs de la police, attaques contre les droits syndicaux, emprisonnement de journalistes critiques et de militants opposés au régime, musèlement des médias sociaux, etc.), toute une couche d’électeurs et de partisans de longue date de l’AKP s’en sont détachés. Un des plus grands exemples de ce processus fut la tentative du président Erdogan de s’assurer une majorité parlementaire absolue (des deux tiers) dans le but de modifier la Constitution afin d’accroître son pouvoir personnel. Finalement, l’AKP a perdu sa majorité parlementaire, même simple, en n’obtenant plus que 41% des voix. Cela ouvre une période d’instabilité et d’incertitude politique quant à la formation du prochain gouvernement.
La victoire du HDP
Pour la gauche et pour tous ceux qui aspirent à une société meilleure, le remarquable succès électoral du HDP ouvre une fenêtre d’opportunités politiques. Depuis les élections, le HDP est devenu le sujet de de discussions dans les villes.
Le HDP est une coalition entre groupes, partis et individus de gauche dont le coeur est originaire du mouvement national kurde. Au cours de ces derniers mois, la direction du parti a réussi à mobiliser de nombreux militants de différents mouvements sociaux et politiques, tels que le mouvement LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuel(le)s, Transgenres, Queers et Intersexes) ou des défenseurs de l’environnement. Le BDP kurde (le bras politique du PKK interdit) reste la force dominante à l’intérieur du parti. Mais ce dernier a également commencé à attirer un nombre croissant d’électeurs turcs qui ont tiré la conclusion que l’AKP d’Erdogan et le principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), ne représentent pas leurs intérêts. La grande majorité des électeurs du HDP sont des travailleurs, des retraités, de petits agriculteurs et des jeunes dont beaucoup ont été radicalisés par les importantes luttes des travailleurs et des jeunes qui ont eu cours ces dernières années pour exiger de meilleures conditions de travail, refuser le travail précaire, défendre les droits démocratiques, etc. Beaucoup de militants du HDP se considèrent comme socialistes ou communistes.
Le HDP défend notamment un meilleur système de soins de santé, un système d’éducation plus fort et soutenu par l’Etat, une hausse du salaire minimum à 1.800 livres turques par mois et le raccourcissement de la semaine de travail à 35 heures sans perte de salaire. Tous les autres partis réclament beaucoup moins, mais le fait que le HDP ait amené ces questions sociales au cœur du débat public – même si cela ne dominait pas dans la propagande du parti – a forcé les autres partis à se positionner sur ces questions.
Globalement, les dirigeants du HDP ont mis davantage l’accent sur des idées vagues de «percée démocratique», de «démocratie radicale», de «grande humanité», etc. La campagne a aussi beaucoup porté sur les droits des minorités nationales et des personnes LGBTQI. La direction du HDP a aussi essayé de surfer sur les sentiments religieux d’une couche de la population. Dans un de ses discours de campagne, Figen Yüksegdag, co-dirigeant du HDP, a déclaré que de la corruption des dirigeants de l’AKP est une «insulte à l’islam». Ce que veut vraiment la direction du HDP n’est pas clair, ce qui est compréhensible au vu du fait que la composition sociale et politique du parti est loin d’être homogène. Le HDP veut-il devenir un nouveau parti des travailleurs ou entend-il se transformer en un parti libéral vaguement de gauche comme le sont les partis Verts dans la plupart des pays européens?
La crise du capitalisme s’approfondit à travers le monde et la Turquie ne fait pas exception à la règle. Les travailleurs et les jeunes font face à des temps difficiles. Pour défendre les droits démocratiques et lutter pour des conquêtes sociales, un parti militant ancré au sein de la classe des travailleurs sera un instrument crucial, un parti ayant des liens solides avec les syndicats et les mouvements sociaux, un parti où les députés utilisent leur position élue comme plate-forme pour la défense des luttes sociales.
Si les députés du HDP utilisent la première session parlementaire pour lancer une campagne audacieuse pour leurs revendications sociales et politiques (hausse du salaire minimum, semaine des 35 heures, suppression des lois anti-grève, etc.), ils pourraient gagner beaucoup de respect parmi les travailleurs et la jeunesse du pays. Cela permettrait également d’exposer le double discours de partis comme le CHP «kémaliste» et le MHP d’extrême-droite, qui avaient la hausse du salaire minimum dans leur programme électoral mais ne sont pas prêts à lutter pour faire de cette revendication une réalité. Un nouveau parti des travailleurs défendant leurs intérêts au travers de revendications sociales fortes pourrait grandement croître en Turquie. Des dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs ont de grands espoirs envers le HDP pour qu’il joue ce rôle. Il est probable que son nombre d’adhérents augmente fortement.
Pourtant, de nombreux travailleurs turcs sont toujours hostiles au HDP. Certains d’entre eux considèrent le HDP comme une manœuvre du PKK, comme un parti dominé par d’anciens cadres du PKK, où les décisions importantes sont prises entre le dirigeant emprisonné du PKK, Abdullah Ocalan, et les dirigeants du HDP. C’est une raison importante qui argumente en faveur de structures démocratiques et transparentes. Il est particulièrement important que les travailleurs et les jeunes puissent voir comment les décisions se prennent et qu’ils puissent constater qu’il n’y a pas «d’agenda caché du PKK».
La direction du HDP a obtenu beaucoup de soutien du peuple turc durant ces élections, mais la grande majorité de ces partisans et électeurs appartiennent à la classe moyenne libérale. Construire un pont entre les travailleurs kurdes et turcs est une tâche essentielle pour l’avenir du mouvement ouvrier en Turquie. Le HDP, compte tenu de son succès électoral, peut faire des pas importants dans cette direction. En se saisissant de tout problème social, de chaque petite grève ou forme de résistance des travailleurs et en utilisant leur position dans les médias et au Parlement, le HDP pourrait devenir une «caisse de résonance» pour l’ensemble de la classe des travailleurs.
Il est évidemment positif que le HDP ait exclu toute coalition avec l’AKP dès le début. Mais ils devraient aussi exclure sans équivoque toute coalition ou tout soutien à d’autres forces, ce qui n’est pas encore tout à fait clair. Quel que soit le nouveau gouvernement, il sera responsable de coupes sociales et d’une politique de droite. Plutôt que d’appeler tous les partis à être «responsables», à contribuer à la stabilité politique et en donnant priorité aux négociations de coalition avec les forces pro-capitalistes, la direction du HDP doit préparer la résistance à venir. Le HDP pourrait, par exemple, utiliser l’élan de sa campagne électorale réussie et sa position nouvellement acquise pour convoquer des assemblées de masse en invitant les travailleurs, les jeunes, les militants, etc. à venir discuter ensemble de comment construire les prochaines étapes de la lutte.
L’expérience de nombreux partis de gauche à travers le monde montre qu’après des succès électoraux initiaux, le danger est réel que ces partis s’orientent ensuite vers la droite. Pour éviter cela, il faut développer un programme politique cohérent, des structures démocratiques à tous les niveaux et une implication active de la base.
Défendre une véritable orientation socialiste pour le HDP, basée sur le soutien à l’action de masse de la classe des travailleurs et sur la nationalisation des banques et des grandes industries, sera une tâche clé des militants dans la période à venir. Construire des connexions organiques avec la base des mouvements sociaux et syndicaux sera également crucial pour assurer que cette formation ne finisse pas dans un bourbier de compromis politiques, de coalitions avec les forces pro-capitalistes et d’application de la politique d’austérité.
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Irak/Syrie. L'Etat Islamique à Ramadi et Palmyra. Comment stopper les milices sectaires?
Quelques jours après que l’État islamique (EI) ait capturé Ramadi, la capitale de la province d’Anbar en Irak, la ville syrienne de Palmyre a aussi été conquise par les djihadistes sunnites. Dans les deux pays, l’offensive de l’EI a à nouveau provoqué un affaiblissement de l’armée, un afflux de réfugiés nationaux et a renforcé les positions de l’EI.Article de Niall Mulholland
Selon le régime de Bagdad et le gouvernement des États-Unis en Irak l’EI était censé être dans une position défensive. Il y a quelques mois, l’EI avait été défait par une combinaison de résistance kurde et des frappes aériennes US menées autour de Kobané dans le nord de la Syrie et avait également été expulsé de Tikrit dans le centre de l’Irak. L’EI avait cédé environ 20.000 kilomètres carré de territoire dans le nord de l’Irak.
Les bombardements des forces occidentales a affaiblit l’EI mais cela ne constitue pas une alternative aux forces armées terrestres en Irak qui sont complètement inefficaces et corrompues. Comme lors de la chute dramatique de la ville de Mossoul l’année passée, les soldats irakiens ont de nouveau fuit dès l’assaut de l’EI sur Ramadi. Ils ont laissé derrière eux artillerie et munitions. L’EI a ensuite attaquer la ville d’Husaibah près de Ramadi. La politique des États-Unis de reconstruire l’armée irakienne pendant qu’il la soutient par les frappes aériennes, est en train d’échouer. De même que le projet de faire entrer les tribus sunnites en résistance contre l’EI.Les « troupes d’élite» syriennes qui restent fidèles au président Bachar al-Assad devaient défendre les grandes exploitations pétrolières au nord de Palmyre. Mais à peine le combat commencé, elles se sont rendues. Encore une fois, d’importants stocks de munitions sont tombés aux mains de l’EI. Celui-ci contrôlerait désormais plus de 50% du territoire syrien.
Les victoires de l’EI sont moins dues à sa force propre qu’à la faiblesse de l’Etat en Syrie et en Irak. Le régime d’Assad a pratiqué une politique de discrimination brutale de la majorité sunnite depuis des années. Et le régime dominé par les chiites à Bagdad est craint et haï par la minorité sunnite du pays.
La chute de Ramadi et celle de Palmyre sont au sommet d’une longue liste de catastrophes humanitaires dans les deux pays. Plus de 25.000 personnes ont fui Ramadi, un tiers des 200 000 habitants de Palmyre ont fui la ville. Ceux qui restent sont confrontés à la barbarie de l’EI. On a pu ainsi voir sur les médias sociaux les nombreux corps de ceux qui ont été exécutés dans la rue. Le patrimoine mondial reconnu par l’UNESCO à Palmyre est menacé. Il y a quelques mois, l’EI a détruit des sites antiques en Irak.
Le gouvernement irakien est maintenant dépendant des milices chiites pour contrecarrer l’EI, reprendre Ramadi et le reste de la province à majorité sunnite d’Anbar. Cela va accroître les tensions sectaires et les atrocités. Human Rights Watch a signalé que les milices chiites et les troupes irakiennes se sont rendues coupables de crimes de guerre, de pillage, de torture et d’exécutions arbitraires de sunnites alors qu’ils entraient dans la ville d’Amerli que l’EI a repris en septembre. Les méthodes barbares de l’EI sont fermement condamnées par les gouvernements occidentaux, mais les actes tout aussi barbares des alliés chiites des États-Unis en Irak sont à peine évoqués. Dans les cercles dirigeants des États-Unis, il y a un débat sur la façon dont l’EI doit être abordée. Il y a environ 5.000 soldats américains en Irak en tant que «conseillers spéciaux». A Washington, certains réclament une forte augmentation des contingents de troupes au sol. Mais Obama est défavorable à une plus grande implication des États-Unis dans une guerre terrestre prolongée, sanglante et coûteuse en Irak. D’autant qu’il n’y a aucune garantie de succès.
En Syrie, les Etats-Unis ont soutenu les soi-disant rebelles «modérés» avec des frappes aériennes à la fois contre l’EI et le régime d’Assad. Ils ont dépensé environ 500 millions de dollars pour former les rebelles. Compte tenu de l’inefficacité de la plupart des rebelles anti-Assad, une grande partie de cette aide américaine est en réalité tombée dans la poche de la branche locale d’Al-Qaïda, Al Nusra.
Contradictions des politiques occidentales
Les énormes contradictions et l’hypocrisie des politiques occidentales et américaines dans la région sont le résultat de plus de dix ans d’agressions impérialistes, de guerres illégales, d’occupations sanglantes et de bombardements de l’armée. Et ce, de la Libye à la Syrie. On estime que plus d’un million de personnes ont été tuées à la suite des actions menées par les États-Unis et d’autres puissances occidentales. La poursuite d’objectifs géostratégiques, notamment l’accès au pétrole et les bénéfices associés pour les grandes entreprises, sont au cœur de la politique occidentale dans la région. La vie des populations dans la région est totalement soumise à ces objectifs.
La politique américaine dans la région depuis des années a été de «diviser pour régner», en opposant les sunnites contre les chiites. Cela a créé des monstres de Frankenstein, comme l’EI. Les forces djihadistes sunnites étaient initialement partie de l’insurrection sunnite contre le régime chiite soutenue par les Américains en Irak. Après le soi-disant “réveil” sunnite, une révolte des tribus sunnites contre le gouvernement local d’Al Quaïda. plusieurs djihadistes sont partis en Syrie, où ils ont joué un rôle dans la guerre civile en développement. Certaines de ces forces ont formé l’Etat islamique d’Irak et de Syrie en gagnant rapidement du terrain dans l’opposition à Assad, y compris grâce aux armes et au soutien des Etats réactionnaires du Golfe (qui sont des alliés des États-Unis).
Le succès dans la lutte contre Assad et contre des forces djihadistes concurrentes a permis à l’EI de retourner en Irak où il a trouvé un soutien dans les régions sunnites accablées par des années de répression de l’Etat et de persécutions de la part du régime de Bagdad à majorité chiite.
La spirale sanglante montre que sur la base du capitalisme et sous la domination des élites réactionnaires et des forces sectaires de plus en plus de conflits et de catastrophes humanitaires éclatent dans la région. Seule la population active de la région, relié au reste du mouvement ouvrier à travers le monde, peut trouver un moyen de sortir de ce cauchemar.
Le potentiel pour cette alternative est apparu au cours du «printemps arabe», quand les dictateurs ont été renversés par des mouvements de masse des travailleurs et des pauvres en Tunisie et en Egypte. Mais ces mouvements réagissant contre des décennies de dictature n’avaient pas de direction ferme venant du mouvement ouvrier, une direction qui aurait pu mobiliser les masses et les organiser non seulement contre les dictatures, mais aussi contre le capitalisme. Le mouvement a laissé place à la contre-révolution qui pourrait à nouveau prendre le dessus avec le soutien des puissances occidentales. Cela a abouti au retour d’un régime militaire en Egypte et en Libye. En Syrie, le mouvement de masse a été détourné sur base de divisions sectaires ou réactionnaires ou de différents entre tribus.
Insurrection
La population active dans la région finira par revenir à la lutte de masse contre les dictateurs et toutes les forces sectaires. La haine profonde des sunnites contre le régime de Bagdad leur fait tolérer le règne de l’EI jusqu’à un certain point. Ils espèrent que cela peut conduire à la fin des persécutions de la part des chiites et que cela peut apporter un certain degré de «stabilité» et « d’ordre ». La vie quotidienne sous la barbarie du fondamentalisme sunnite finira par provoquer une opposition à l’EI. Le journaliste irlandais Patrick Cockburn a récemment publié un rapport sur la situation terrible dans laquelle les sunnites vivent en Irak dans la région contrôlée par l’EI. Les filles sont forcées de se plier à des “mariages djihadistes”, la musique et la danse sont interdites, de même que le fait de manger des oiseaux.
Les travailleurs et les pauvres en Irak et en Syrie ne peuvent compter que sur l’auto-organisation afin de mettre un terme à la guerre et à la misère sociale. Seul un mouvement ouvrier uni et indépendant peut organiser l’auto-défense de toutes les communautés et minorités. Avec un programme socialiste, un tel mouvement peut trouver un soutien au niveau régional et international dans la lutte contre les régimes pourris et pour mettre fin à l’impérialisme, à toutes les politiques et milices réactionnaires et sectaires. Cela pourrait former la base d’une réorganisation socialiste démocratique de la société.
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Rojava à la recherche d’une alternative. Rapport d’une visite de solidarité
Mi-mars, une délégation belge du comité de solidarité avec Kobanê s’est rendue à Rojava (Kurdistan syrien). Ils sont allés voir par eux-mêmes ce qu’il s’y passe et nous en font rapport. Nous avons rencontré Orhan Kilic, l’un des membres de la délégation.
Cette interview a été réalisée pour l’édition de mai de Lutte Socialiste
Quel était le but de votre voyage à Rojava et que veut faire le comité de soutien en Belgique ?
Depuis la grande attaque sur Kobanê (mi-septembre 2014), les Kurdes ont protesté massivement pendant des semaines, non seulement dans cette région mais ici chez nous aussi, en Europe et en Belgique. Kobanê a alors attiré l’attention du monde entier. L’opposition des Kurdes mais plus important encore leur projet politique pour l’autonomie et une société pluraliste et démocratique ont été depuis lors, plus largement débattus. A ce moment-là, une campagne d’aide humanitaire a été lancée et largement diffusée par les Kurdes eux-mêmes avec quelques acteurs de terrain belges. Nous essayons d’ancrer cette bonne volonté politique et humanitaire via le comité de solidarité. Cette collaboration va sans aucun doute mieux canaliser la campagne d’aide et l’élargir. Mais sur le plan politique aussi, ce comité veut soutenir et aider à défendre les acquis des Kurdes de Syrie. Nous voulons lancer un mouvement de solidarité entre la Belgique et Rojava. La meilleure manière de débuter était d’organiser cette délégation. Des gens qui voient les choses de leurs propres yeux et qui le transmettent a d’autant plus d’effet. Nous sommes partis à 6, tous des activistes politiques faisant partie de différentes organisations ou courants politiques en Belgique. Ce pluralisme est aussi très clairement présent dans le comité de solidarité même. Je trouve cela très important. La délégation a tenu un blog avec des contributions très intéressantes : www.rojavaproject.net.
Quelle est la situation actuelle dans la région ?
Les Kurdes syriens ont le vent en poupe. C’est très clair quand on parle avec des gens de la région. Malgré le grand danger d’un fascisme islamique d’ampleur inconnue, les Kurdes sont incroyablement positifs et pleins d’espoir face à l’avenir. Malgré l’expérience négative de Kobanê (qui a été reprise après 4 mois de lutte héroïque), les gens croient au projet politique d’ ” Autonomie démocratique” et de “Confédéralisme démocratique”. Il se passe quelque chose de concret et de palpable et cela pousse à y contribuer. Ce n’est pas un hasard si le TEV-DEM (le mouvement populaire kurde syrien autour du PYD) bénéficie d’un énorme soutien parmi la population. Un soutien qui dépasse d’ailleurs les clivages ethniques et religieux. Rien que ça, c’est un énorme pas en avant que nous devons soutenir et défendre. Généralement, en Occident, le Moyen-Orient est associé au fondamentalisme et aux guerres civiles sectaires. Mais Rojava est déterminée à être une alternative à cela. Ils ont déjà le soutien de beaucoup d’autres minorités et tribus arabes. Les Kurdes sont très ambitieux et disent que leur projet politique est une issue à l’impasse et à la guerre civile qui est entrée dans sa cinquième année. L’attitude de l’occident à l’égard d’Assad et de la Syrie est devenue beaucoup plus indulgente. On a pris conscience du fait qu’il faut négocier pour résoudre le conflit. Cela offre aussi aux Kurdes des possibilités de réaliser leurs acquis et d’ainsi poser la base pour une république syrienne pluraliste et démocratique. Mais nous voyons surtout que l’Occident ignore complètement Rojava et n’a pas l’intention de reconnaître ou soutenir l’administration autonome de facto. Malgré le soutien (hésitant) sous forme de bombardements de l’EI, l’occident joue tout de même un rôle néfaste.
Vous avez été arrêtés par le gouvernement régional kurde (irakien)? Que s’est-il passé ?
Effectivement. Nous voulions entrer à Rojava via le Kurdistan (irakien) parce que les frontières côté turc étaient soit fermées soit uniquement accessibles aux personnes de nationalité syrienne. Comme nous ne pouvions pas compter sur la bonne volonté de la Turquie, nous pensions que nous pourrions traverser sans problème à partir du Kurdistan (irakien). Ce que nous avons vu là est proprement scandaleux. Malgré le fait que les Kurdes irakiens ont énormément de sympathie pour ce qui se passe à Rojava et qu’il y a ouvertement du soutien pour le PYD et le YPG ainsi que pour les forces de combat YPJ, nous avons vu que le régime KDP du clan de Barzani a, tout comme la Turquie, instauré une forme d’embargo sur Rojava. Les voies d’accès sont strictement contrôlées et le passage est rendu impossible aux membres du PYD et ses sympathisants. Des fonctionnaires du PYD se plaignaient même de ne pas pouvoir passer de l’aide humanitaire d’une partie du Kurdistan à une autre. La raison à tout cela est que le KDP ne soutient pas les avancées du PYD à Rojava parce que cela constitue une menace pour eux. Le KDP représente le féodalisme et le capitalisme dans la région. La démocratie, le pluralisme, l’anti-capitalisme et le mouvement de femmes de Rojava a un grand effet de contagion. Les Kurdes de ce côté de la frontière n’en sont pas immunisés. On voit déjà la minorité Yazid exiger ses droits démocratiques et l’auto-gestion face aux dirigeants autoritaires du KPD. L’inégalité et les problèmes sociaux augmentent au Kurdistan irakien et ce, tandis que tout près, un autre parti kurde est en train de construire une alternative viable. Il est clair qu’un cordon sanitaire est placé autour du PYD et de Rojava et nous en avons malheureusement été les victimes. Nous sommes donc restés au Kurdistan irakien mais ce que nous avons fait là a largement dépassé nos espérances. Nous y avons suivi de près le travail envers les réfugiés. Notre visite dans les montagnes Kandil (un bastion des rebelles kurdes de Turquie en Irak, NDLR) pour la célébration de Newroz (fête traditionnelle des peuples iraniens et turcs consacrée au nouveau calendrier persan, NDLR) et nos reportages avec des dirigeants du KCK (le grand mouvement populaire autour du PKK) est aussi de très grande valeur.
L’exemple des comités auto-gérés de Rojava est un développement intéressant. Quel est leur stade d’avancement ? Sont-ils des lieux de débat et d’action où d’autres tendances de gauche et révolutionnaires peuvent être actives ? Quelle est l’implication de larges couches de la population ?
Il y a là un système avec des comités auto-gérés et démocratiques qui règlent presque tous les aspects de la vie publique et ce, sans la présence de l’état syrien. Ces comités sont aussi présents à tous les niveaux, des conseils de quartiers et de villages à l’administration des cantons de Rojava. Il y a là un système échelonné du bas vers le haut. A la base, il y a les nombreux conseils populaires (meclis) qui nomment les organes d’administration des communes locales aux cantons. Il y règne une culture de démocratie de base et de participation. Chacun peut assister aux conseils populaires et participer aux décisions. Il est également question d’autonomie interne. Chaque meclis est une autorité en soi et peut fonctionner de manière autonome. Il y a aussi des communes et coopératives qui essaient de régler la vie économique. Tout ceci signifie explicitement qu’il doit y avoir une large participation d’en bas. Et elle existe. Ce système se maintient depuis déjà presque 3 ans dans les circonstances les plus défavorables et les attaques militaires les plus brutales et sans aide extérieure notable. Ils ne comptent que sur eux-mêmes, les personnes, paysans et jeunes. C’est justement ce qui inspire tant de gens bien au-delà des frontières de Rojava et attire la sympathie. Il y a tant à raconter sur Rojava, chaque aspect en soi mérite un article. L’auto-défense volontaire et militaire, la présence proéminente des femmes à chaque niveau d’administration, le système obligatoire de co-présidence pour chaque mandat public, la sorte de pluralisme qui non seulement permet à toutes les cultures et ethnies de coexister mais favorise aussi l’auto-organisation et l’autonomie… Je n’ai pas l’espace pour m’étendre sur tout cela dans le cadre de cet article. Mais si je dois quand même donner une ébauche, nous devons alors nous intéresser à l’idéologie d’Abdullah Öcalan et du PKK. Car tout vient de là. Les idées de démocratie de base radicale, l’implication des femmes, l’anticapitalisme…
Quelles sont les perspectives de développement ultérieur ?
Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de l’idéalisme. Essayer de présenter Rojava comme un paradis sur terre, une utopie, lui causerait énormément de tort. C’est ce que les fonctionnaires du PYD disent aussi, littéralement. Ils craignent que Rojava ne soit présentée de manière trop idéaliste et romantique dans certains milieux en Occident. Mais cela ne sert pas leur cause. Nous devons garder les pieds sur terre et voir les immenses problèmes. Chacun de ces problèmes requiert une solution. C’est ce qui est ressorti de nos discussions à Kandil et de l’interview que nous avons faite avec le co-bourgmestre de Kobanê. Rojava est très inspirant et enthousiasmant mais il y a aussi d’immenses problèmes socio-économiques. Tous les moyens, si faibles soient-ils, vont à la guerre (ce qui est bien compréhensible et inévitable). Ils se trouvent sur un territoire très hostile, avec toutes sortes d’organisations terroristes sanguinaires et des régimes locaux répressifs qui essaient d’étouffer le printemps kurde dans l’œuf. Dans ces circonstances, le progrès et la révolution sociale risquent de reculer. C’est le grand danger qui menace le modèle de Rojava de l’intérieur. Rojava n’a pas d’industrie, pas d’usines. Uniquement de petits ateliers (qui sont pour l’instant réquisitionnés pour les besoins de la guerre). L’agriculture et l’élevage sont leur source principale de revenus mais cela ne suffit pas en soi. Ils ont aussi du pétrole mais pour l’instant, cela ne leur sert pas parce qu’ils ne peuvent pas le raffiner à grande échelle ou l’exporter. L’embargo de fait des régimes avoisinants empêche le développement économique. La seule chose qui soit florissante, c’est le marché noir. Il est aussi dirigé publiquement via les comités mais ce n’est pas une excuse. Cela ne constitue pas une base saine de développement.
Que doit-il se passer ?
Tout d’abord, il y a chez eux une forte conscience qu’ils doivent faire cela eux-mêmes. Ils avancent peut-être à petits pas mais cette auto-organisation et cet “auto-sauvetage” sont un fondement solide pour l’avenir. Lors d’une discussion sur les problèmes sociaux, le co-président du PYD, Salih Muslim a déclaré qu’eux, en tant que parti, peuvent seulement aider les gens à s’organiser mais que finalement, c’est le peuple lui-même qui doit décider de ce qui doit se passer. C’est cette culture démocratique et l’invitation à une large participation qui tient Rojava debout depuis 3 ans déjà. L’auto-défense à laquelle il était difficile de croire au début et les grands succès militaires contre l’EI inspirent aussi, ce qui consolide la base de pouvoir de l’auto-administration autonome. C’est dans cet élan que des personnes rejoignent volontairement le modèle de Rojava pour le faire vivre. Cela continuera ainsi encore un temps. Il y a aussi beaucoup de support matériel et humain de la part des Kurdes du Kurdistan turc. Même si le contexte turc constitue un frein important, nous voyons qu’ils amènent vraiment beaucoup de biens et de machines derrière la frontière quitte à devoir s’opposer à la police anti-émeutes turque et à l’armée. Comme nous l’avons vu pendant le siège de Kobanê de septembre à janvier.
La solidarité internationale est aussi absolument nécessaire. La solidarité entre les peuples. Nous devons certainement demander à ce que les pays (occidentaux), l’UE et l’ONU reconnaissent et soutiennent l’administration autonome. Mais cela ne suffit pas en soi. Si nous voulons que le modèle de Rojava subsiste et continue à se développer, il faut que nous le soutenions maintenant. De la même façon qu’avec une certaine conscience, nous sommes, par exemple, solidaires des peuples grec et portugais et que nous voulons renforcer leur combat politique contre la tyrannie moderne de l’UE, nous devons aussi prendre notre responsabilité par rapport à Rojava. Le socialisme n’est pas affaire de considérer et de constater qu’il est là ou pas mais doit être construit. Cela demande une attention constante. De toutes les sociétés du Moyen-Orient, celle de Rojava est la plus ouverte et la plus combative pour le moment. Des idées socialistes et radical-démocratiques sont en pleine expérimentation et nous devons être là pour les expérimenter aussi.
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- Website de la délégation
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Kurdistan : « L'Etat Islamique » chassé de Kobanê
La fin du siège de Kobanê va-t-elle inverser la tendance contre l’EI ?
« L’Etat Islamique » (EI) avait promis de célébrer la fête musulmande de l’Aïd al-Adha dans les mosquées de Kobanê. Mais après 134 jours de résistance héroïque par les unités de guérilla, les YPG/YPJ (Unités de Protection du Peuple et Unité de Protection des Femmes), « assistés » par les bombardements de la coalition dirigée par les Américains et plus marginalement par les troupes de Peshmerga kurdes irakiennes et des éléments de « l’Armée Syrienne Libre », l’EI a été repoussé hors de la ville la semaine dernière. Le drapeau noir du groupe jihadiste a été retiré des toîts de Kobanê et des millions de Kurdes dans le monde entier célèbrent la libération de la ville symbole.Serge Jordan, Comité pour une Internationale Ouvrière
C’est un important revers militaire et psychologique pour l’EI. Il érode le prestige du groupe et la légende de ce mastodonte. Le 27 octobre 2014, l’EI avait publié une vidéo proclamant que la bataille pour Kobanê était « presque finie » et que les jihadistes étaient en train de « nettoyer de rue en rue et d’immeuble en immeuble ». Bien que l’EI ait envoyé certains de ses meilleurs combattants à Kobanê, surpassant la résistance en nombre et ayant à sa disposition de grandes réserves d’armes lourdes et de forces blindées, il a fini par être forcé dans une retraite humiliante.
Le chiffre exact des pertes de l’EI dans la bataille pour Kobanê n’est pas connu avec certitude, mais tous les observateurs l’estiment proche de 1000, sinon plus. A mesure que les revers de l’EI à Kobanê apparaissaient, ils créaient de la confusions et des brèches dans les rangs des jihadistes. Le groupe a même procédé à l’exécution de combattants qui refusaient l’ordre de ce déployer dans cet endroit. « Les combattants arguaient que la ville n’était pas suffisamment importante stratégiquement pour justifier les pertes qu’ils subissaient », indique le Financial Times de décembre 2014.
La victoire de Kobanê est aussi un coup pour le régime turc de Recep Tayyiploç Erdo?an, dont le soutien militaire, logistique et médical officieux aux jihadistes a été bien documenté – autant que son aversion pour la rébellion à dominante kurde de Kobanê et dans les autres « cantons autonomes » de Rojava. La possibilité de retombées terroristes en conséquence des intrigues de l’Etat turc a été vue à domicile le 6 janvier 2015 quand une femme kamikaze liée à l’EI s’est fait exploser dans le district Sultanahmet à Istambul, tuant un policier.
Hypocrisie des USA
Le Département d’Etat américain et le Pentagone ont félicité les combattants résistants de Kobanê pour leur victoire, tout en vantant la campagne aérienne menée par les Américains. Bien qu’il ne serait pas raisonnable de soutenir que les bombardements américains n’ont joué aucun rôle dans la défaite de l’EI à Kobanê, il est clair qu’en premier lieu, le gouvernement américain n’aurait pas fait de cette ville une priorité sans la résistance sans répit des combattants des YPG/YPJ sur le terraint, dont 600 ont payé de leur vie la libération de la ville.
La position à double face de l’impérialisme américain ne peut être mieux illustré que par les mots de John Kerry, Secrétaire d’Etat, qui expliquaient en octobre 2014 que d’empêcher de la chute de Kobanê ne faisait pas partie de la stratégie des USA, mais qui maintenant déclare sans rougir que « Kobanê était un vrai objectif symbolique et stratégique » !
La deuxième plus grande ville d’Irak, Mossoul, a été prise par l’EI en quelques jours en juin dernier, malgré l’investissement de milliards de dollars par le gouvernement américain dans l’entraînement de l’armée irakienne. La petite ville de Kobanê, avec bien moins de main d’oeuvre et de capacités militaires, est devenue un symbole mondial de résistance bien avant que les USA ne décident d’intervenir dans ce qu’ils considéraient comme secondaire dans leur plan général.
Il y a 2 siècles, Napoléon Bonaparte observait : « l’efficacité d’une armée dépend de sa taille, de son entraînement, de son expérience et de son moral, mais le moral vaut plus que les autres facteurs réunis. » La victoire de la résistance de Kobanê a démontré qu’une lutte résolue basée sur les aspirations sociales et démocratiques du peuple, plutôt que sur les affiliations sectaires et les ambitions motivées par le profit et la corruption, peuvent vaincre même les plus impitoyables des forces terroristes.
Cela peut servir d’encouragement aux millions qui vivent sous la poigne de fer de l’EI dans d’autres régions de l’Irak et de la Syrie. Dans certains de ces endroits, des signes de dissension apparaissent qui indiquent l’exaspération grandissante chez une partie de la population et les problèmes que le groupe jihadiste rencontre en administrant ces régions comme une force occupante de facto.
Alors que l’EI est encore fonctionnel et bien-organisé, et qu’il contrôle de vastes étendues de territoire à la fois en Syrie et en Irak, sa répression brutale des aspirants déserteurs à Raqqa, son bastion syrien, ou la coupure des réseaux téléphoniques dans la ville de Mossoul indiquent que l’organisation jihadiste n’est pas aussi invulnérable qu’elle voudrait le faire croire. Elle n’est pas exempte de la possibilité de l’approfondissement de la crise ou même de l’éclatement d’un soulèvement populaire.
Nouveaux dangers
La fin du siège de Kobanê est un grand soulagement pour tout ceux qui ont anxieusement suivi les 4 mois de bataille contre l’assaut meurtrier de l’EI. Pourtant, il ne faut pas le tenir pour garanti. Les YPG/YPJ ont récemment repris des dizaines de villages dans les environs, mais des centaines de villages qui font partie du canton de Kobanê restent sous contrôle de l’EI.
Kobanê est en ruine à présent. Cela a été illustré d’une façon poignante par une réfugiée de Kobanê en larmes qui disait à la presse internationale : « Nous voulons tous rentrer à la maison. Mais qu’allons-nous y trouver ? » Les tirs d’obus, attentats à la bombe et tirs de l’EI qui s’ajoutent aux lourds bombardements aériens de la coalition dirigée par les USA ont détruit des quartiers entiers, les laissant sans accès au chauffage, à l’eau ou à l’électricité.
Des compagnies privées pourraient utiliser la reconstruction de la ville pour tirer profits de l’adversité des habitants de Kobanê, et les puissances occidentales et locales pour renforcer leur emprise politique sur la région. C’est pourquoi il est essentiel que toute l’aide extérieure et les efforts de reconstruction soient contrôlés démocratiquement et organisés par les communautés locales. La frontière avec la Turquie devrait aussi être ouverte immédiatement pour permettre le passage des réfugiés qui veulent rentrer chez eux comme celui des convois d’assistance et du matériel de construction.
Manoeuvres politiques
Si le coût matériel de la victoire de Kobanê est énorme, le rapprochement initié par les dirigeants du PYD (Parti d’Union Démocratique, le bras politique des YPG/YPJ) avec l’impérialisme occidental au cours de la bataille de Kobanê peut se révéler coûteux politiquement. On peut maintenant s’attendre à ce que toutes sortes de personnalités politiques douteuses s’allient pour essayer de cueillir les fruits de la libération de Kobanê.
Les troupes Peshmerga kurdes irakiennes, envoyées à Kobanê en octobre dernier avec l’appui réticent du gouvernement turc, prennent leurs ordres du régime pro-big business et profiteur de Masoud Barzani. Ses plans ne s’accordent pas bien avec les attentes de changement social chez beaucoup de kurdes et de soutiens de base des YPG/YPJ et du PYD.
L’esprit combattant de la résistance de Kobanê et du Rojava a été stimulé en particulier par le soutien massif parmi les Kurdes pour une patrie kurde longtemps niée. Mais le Kurdistan de Barzani n’est pas grand chose de plus qu’un état-client corrompu et autoritaire des corporations multinationales, où les travailleurs sont exploités et les droits syndicaux bafoués. Ce n’est qu’en rompant avec les élites dominantes, y-compris les factions pro-capitalistes kurdes, que les Kurdes pourront obtenir une auto-détermination authentique et viable.
Beaucoup de gens trouvent une inspiration dans la lutte courageuse des Kurdes pour la liberté et dans la libération de Kobanê. Mais pour la considérer comme consistante et durable, la résistance de Kobanê et dans toutes les parties du Rojava devrait chercher de nouveaux alliés parmi les travailleurs, la jeunesse et les peuples opprimés dans toute la région, sur une base de classe claire. Cela demandera un plan d’action indépendant non seulement des puissances impérialistes et de leurs copains les régimes de la région, mais aussi tourné vers le renversement de ceux-ci.
Les tueries de dizaines de civils par les bombes américaines dans les endroits contrôlés par l’EI, à la fois en Irak et en Syrie, ont entraîné davantage de radicalisation et attiré de nouvelles recrues Sunnites dans les rangs de l’EI. Cela montre que toute coopération avec Washington ou d’autres régimes capitalistes, dont certains partagent une responsabilité directe dans la montée de l’EI, détruira les acquis obtenus et diminuera l’attrait de la lutte à Rojava parmi les masses de la région.
Affrontements sectaires
Les YPG/YPJ ont fait le plus gros du travail de terrain en repoussant l’EI hors de Kobanê. Au Nord de l’Irak cependant, les Peshmerga kurdes donnent surtout le ton dans la contre-campagne contre l’EI, qui à plus d’une occasion a pris un tour « ethnique » dangereux. Les dangers de représailles et d’annexions de territoire contre la population arabe sunnite en particulier sont bien réels. Une violence vengeresse à grande échelle par des milices chiites a aussi été signalée dans des parties de l’Irak. En Syrie aussi, une guerre civile sectaire mufti-dimensionnelle fait rage.
Tout cela produit une poudrière de tensions sectaires. Dans ces limites, le caractère de la résistance armée à Kobanê et dans les deux autres cantons du Rojava, qui repose beaucoup sur des combattantes femmes et sur la solidarité laïque et multi-ethnique, continue d’être vue par beaucoup comme « un phare dans l’obscurité ».
Mais le désir de changement qui a uni les travailleurs et les pauvres du Rojava a besoin de trouver une issue claire ; autrement, la violence sectaire pourrait revenir en représailles. Un avertissement de ce danger s’est produit en novembre 2013, quand Salih Muslim, co-président du PYD, a déclaré : « Un jour ces arabes qui ont été amenés dans les régions kurdes vont devoir être expulsés. »
La mise en place de comités de défense non-sectaires est une tâche cruciale pour prévenir un bain de sang entre les communautés et pour protéger du danger des milices réactionnaires, qu’elles soient de l’EI ou autre. Mais balayer les dangers de la terreur sectaire pour de bon demande la construction d’organisations de masse capables de galvaniser les travailleurs, les travailleurs agricoles pauvres et les jeunes derrière un programme de changement socialiste profond, tout en soutenant les droits démocratiques et les aspirations nationales des peuples du Moyen-Orient.
La libération de Kobanê ré-affirme l’idée que si les masses ont un but socialement progressiste pour lequel il vaut le coup de se battre et de mourir, elles feront des miracles. Si au contraire, le combat contre l’EI est laissé à des milices gangsters et des armées corrompues en concurrence pour leur prestige, les marchés capitalistes et les zones d’influences impérialistes, ce sera la recette du désastre.



