Tag: Kurdistan

  • Manifestation européenne contre le dictateur Erdogan ce jeudi à Bruxelles

    manif_erdogan

    Jeudi 17 novembre, 10h, Gare de Bruxelles-Nord

    Une manifestation européenne contre le régime dictatorial d’Erdogan en Turquie défilera dans les rues de Bruxelles jeudi prochain, à l’initiative du HDP, le parti de gauche poursuivi en Turquie (11 députés et les deux dirigeants du parti ont été arrêtés il y a peu – en savoir plus). La manifestation est soutenue par des organisations kurdes.

    Le PSL appelle à participer à cette marche de même qu’à soutenir la résistance contre le dictateur Erdogan. La Turquie glisse de plus en plus vers un Etat policier dictatorial réprimant violemment la moindre forme d’opposition. Parallèlement, l’instabilité augmente, tant au niveau régional qu’en Turquie. Erdogan et sa clique conservatrice de l’AKP sont clairement responsables de cette situation.

    La solidarité internationale jouera un rôle important dans la lutte contre le régime dictatorial d’Erdogan. Au Kurdistan, des villages entiers sont occupés par les militaires et la répression est croissante dans toute la Turquie, ce qui rend plus difficile d’organiser la résistance au sein même du pays. Il sera crucial d’y développer un approche capable d’attirer les travailleurs et la jeunesse turcs qui souffrent eux aussi de la politique capitaliste d’Erdogan, mais sont simultanément influencés par la machine de propagande du régime. Les problèmes sociaux tels que la baisse du pouvoir d’achat, le manque de travail et l’insécurité ne sont pas causés par les Kurdes mais par le régime anti-social d’Erdogan. Ce dernier est bien plus préoccupé par son pouvoir et son prestige que par la réalité vécue par les Turcs ordinaires.

    La diaspora de militants kurdes est importante en Europe. Elle prendra la tête de cette manifestation, mais voulons-nous laisser les Kurdes progressistes lutter seuls ? Le week-end dernier, une grande manifestation contre Erdogan a déjà eu lieu à Cologne, en Allemagne, ce sera au tour de Bruxelles ce jeudi. A Cologne, diverses organisations de gauche allemande avaient également pris part à l’événement, y compris notre organisation sœur allemande (le SAV). Nous espérons également voir des délégations et des représentants d’organisations et de partis de gauche belges jeudi prochain à Bruxelles.

    • Libération immédiate de tous les dirigeants et élus du HDP
    • Restitution de leurs postes aux maires destitués démocratiquement élus
    • Fin de l’état d’urgence et de toutes les persécutions contre les voix dissidentes
    • Droits démocratiques pleins et entiers, parmi lesquels celui de s’organiser et de protester
    • Liberté d’expression et de presse
    • Non aux guerres et aux occupations, que les soldats reviennent chez eux
    • Pour des actions de protestation unitaires en Turquie et internationalement, comme point de départ d’une riposte contre le règne d’Erdogan
    • A bas Erdogan et le régime capitaliste de l’AKP
  • Turquie. Arrestation de dirigeants du Parti démocratique des peuples (HDP)

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    Appel urgent à la solidarité pour leur libération immédiate

    Dans la nuit du 3 novembre, les habitations de plusieurs dirigeants et députés du parti de gauche pro-kurde HDP (Parti démocratique des peuples) ont été attaquées par la police turque. Les deux coprésidents du parti, Selahattin Demirtas et Figen Yuksekdag, ainsi qu’au moins neuf députés ont été arrêtés et placés en détention.

    Par Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

    Le siège du parti à Ankara a également été violemment attaqué. Ces raids ont eu lieu au milieu de la nuit en combinaison du blocage des médias sociaux, une méthode habituelle de l’État pour empêcher les réactions de colère de se propager.

    Cela fait suite à la mise aux arrêts des deux co-maires HDP de la ville kurde de Diyarbakir dimanche dernier. Au cours de ces derniers mois, les maires kurdes démocratiquement élus ont été arbitrairement démis de leurs fonctions par le gouvernement et remplacés par des administrateurs nommés agissant conformément à la volonté du gouvernement central. Tout ceci se passe sous le couvert de la lutte contre le ‘‘terrorisme’’, un prétexte utilisé à la discrétion du régime pour faire taire toute voix d’opposition.

    Ces nouvelles arrestations, ciblant des personnalités influentes du HDP et du mouvement kurde représentent toutefois un précédent inédit. Cela marque une nouvelle étape dans la répression qui a lieu en Turquie contre tout ce qui se trouve en travers du chemin du président Erdogan et de son parti au pouvoir, l’AKP, dans leur volonté de renforcer leur emprise sur le pouvoir.

    Le HDP est dans la ligne de mire car il s’agit de la principale force d’opposition du pays qui ne s’est pas alignée sur le soi-disant ‘‘consensus national’’ qui a fait suite à la tentative de coup d’Etat militaire du 15 juillet dernier. Le HDP est perçu par Erdogan comme le principal obstacle politique sur la voie de la sécurisation des conditions nécessaires à l’instauration d’une dictature présidentielle.

    Après la tentative de coup d’État de cet été, un important contre-coup a eu lieu. Les attaques contre les droits démocratiques se sont intensifiées. Toutes les authentiques voix d’opposition sont ciblées : des universitaires, des journalistes et des militants politiques ont été arrêtés, des milliers de fonctionnaires ont perdu leur emploi et des médias critiques ont été arbitrairement fermés. Lundi dernier, le rédacteur en chef et plusieurs membres du personnel de ‘‘Cumhuriyet’’, l’un des principaux journaux d’opposition turcs, ont été arrêtés.

    Parallèlement, la guerre prend de nouvelles proportions pour améliorer le prestige et les ambitions régionales d’Erdogan. Cela augmente le risque d’effusions de sang et d’insécurité pour tous les habitants de la Turquie, du Kurdistan et de la région en général.

    Sosyalist Alternatif et l’ensemble des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière condamnent ces nouvelles arrestations et exigent la libération immédiate de tous les représentants du HDP. Nous soutenons la mobilisation et les protestations populaires de masse et nous ne tomberons pas dans le piège de répondre aux provocations de l’État par des actions individuelles de violence. Une explosion de voiture a eu lieu ce matin à Diyarbakir, peut-être en réponse aux arrestations, tuant au moins huit personnes. Ce genre de réaction contre-productive ne fera que faciliter les visées de répression et de division du régime. Ces actes minent la construction d’un mouvement efficace d’opposition unitaire contre le régime d’Erdogan.

    Plus que jamais, ce qui est nécessaire, c’est l’unité et la solidarité des travailleurs contre la répression, la terreur et la guerre. Le mouvement ouvrier et étudiant ainsi que le reste de la gauche, des deux côtés de la fracture ethnique, doivent se réunir et discuter d’une riposte urgente face à l’assaut de l’Etat turc. Des manifestations de masse et des grèves devraient être organisées à travers le pays, assistées par des actions de solidarité internationale, afin de développer une lutte soutenue capable de défier les politiques d’Erdogan.

    • Libération immédiate de tous les dirigeants et élus du HDP
    • Restitution de leurs postes aux maires destitués démocratiquement élus
    • Fin de l’état d’urgence et de toutes les persécutions contre les voix dissidentes
    • Droits démocratiques pleins et entiers, parmi lesquels celui de s’organiser et de protester
    • Liberté d’expression et de presse
    • Non aux guerres et aux occupations, que les soldats reviennent chez eux
    • Pour des actions de protestation unitaires en Turquie et internationalement, comme point de départ d’une riposte contre le règne d’Erdogan
    • A bas Erdogan et le régime capitaliste de l’AKP

    Envoyez des lettres de protestation au Ministère turc de la Justice à : info@adalet.gov.tr, avec des copies à cwi@worldsoc.co.uk

  • Turquie: le durcissement du régime n’amènera de stabilité durable ni à l’intérieur, ni à l’extérieur

    Turkey Attacks Kurd, Government Forces in Syria, Mulls Ground Assault

    La tentative de coup d’État ratée de la nuit du 15 juillet en Turquie, commise par une faction des forces armées, a donné lieu à une purge monumentale dans le pays. Un peu plus d’un mois plus tard, le 24 août, l’armée turque a lancé son opération la plus conséquente dans la Syrie voisine depuis le début du conflit en reprenant à l’État Islamique la ville de Djarabulus. Mais si l’EI était visé, il s’agissait aussi d’une démonstration de force contre les milices kurdes. Quelle voie s’offre aux travailleurs et à la jeunesse révolutionnaire au beau milieu de cette sanglante toile d’araignée où s’entremêlent les intérêts complexes et contradictoires de diverses puissances impérialistes et forces régionales ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Aucun soutien ni à Erdogan, ni aux militaires

    La majorité de la population et tous les partis politiques se sont opposés au retour d’un régime militaire. Du côté de l’armée, en majorité composée de conscrits, peu de soldats étaient prêts à mettre leur vie en danger pour les putschistes, des officiers uniquement intéressés par la défense de leurs privilèges. Il manquait au coup d’État une réelle base sociale et politique. Comme l’expliquaient nos camarades de Sosyalist Alternatif (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État turc) : ‘‘Alors qu’il est de la plus haute importance de résister aux attaques d’Erdogan sur les droits sociaux et démocratiques, ce coup d’État illustre le fait que la dictature ne peut être combattue avec des méthodes dictatoriales. Un tel coup d’État implique que plus de mesures répressives imposées aux masses, en cas de victoire ou non. Le coup d’État manqué sera désormais utilisé par Erdogan pour encore plus concentrer le pouvoir entre les mains de ses proches, ainsi que pour réprimer encore plus fortement les droits démocratiques.’’

    Et cela n’a pas manqué. Le gouvernement a décrété un état d’urgence de 3 mois en prévenant que le pays allait temporairement déroger à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Au 19 août 2016, pas moins de 25.917 personnes avaient été placées en garde à vue suite à la tentative de coup d’État. 13.419 personnes avaient été mises en détention préventive tandis que les passeports de 74.562 personnes avaient été confisqués. Près de 5.000 fonctionnaires de l’État turc avaient été licenciés de leurs fonctions et 80.000 suspendus (parmi lesquels 21.738 fonctionnaires du ministère de l’Éducation). 4.262 fondations, hôpitaux, institutions éducatives, associations, médias, syndicats et entreprises avaient été fermés.

    Le pays traverse une crise politique croissante dans un contexte de crise économique grandissante. Le gouvernement a utilisé le système judiciaire et l’appareil militaire pour tenter de surmonter cette impasse en imposant le silence à l’opposition à l’intérieur et à l’extérieur du Parlement et en utilisant l’armée (purgée de ses élites kémalistes entre 2007 et 2013 avec le procès Ergenekon) pour écraser dans le sang l’opposition kurde depuis de longs mois.

    L’offensive turque en Syrie

    En Syrie, la prise de Manbij par les milices kurdes le 12 août a sans aucun doute précipité la décision de lancer l’offensive sur Djarabulus pour éviter qu’une nouvelle ville de la région ne tombe entre leurs mains. Cette intervention turque est intervenue dans un contexte d’équilibres régionaux mouvants. Erdogan en veut aux États-Unis pour avoir privilégié leur soutien aux forces kurdes contre l’État Islamique sans tenir compte des intérêts turcs. La Turquie a commencé à normaliser ses relations avec la Russie (avec laquelle elle peut parvenir à des compromis économiques) et a multiplié les rencontres avec l’Iran (qui partage ses préoccupations sur la question kurde), mais elle reste fondamentalement opposée au régime syrien, contrairement à ces deux pays. De là, l’attitude jusqu’il y a peu (très) conciliante du régime turc envers l’État Islamique commence à tourner.

    L’État Islamique est confronté à une énorme pression militaire de même qu’à un mécontentement populaire grandissant dans les territoires qu’il contrôle. Il cherche à compenser ses pertes territoriales en recourant plus systématiquement à des méthodes terroristes plus ‘‘conventionnelles’’ pour impressionner ses ennemis et tenter de consolider son soutien. Le 3 juillet, plus de 300 personnes ont été tuées à Bagdad, l’attentat le plus meurtrier depuis l’invasion de l’Irak en 2003.

    Les militants kurdes au nord de la Syrie (Rojava) ont été loués pour leur héroïsme et leurs succès militaires remportés contre l’État Islamique. Cette détermination sur le champ de bataille est à n’en pas douter alimentée par leur aspiration à construire une autre société à Rojava basée sur la solidarité, l’égalité des genres et le droit du peuple kurde à déterminer lui-même son avenir après des décennies d’oppression. Il est très improbable de pouvoir y parvenir à travers le ‘‘confédéralisme démocratique’’ sans transformation socialiste de la société. Mais le rapprochement des milices kurdes YPG (liées au Parti de l’union démocratique, PYD) avec l’impérialisme américain et la Russie est un danger pour l’avenir de ce combat pour une autre société. En Turquie, dans toute la région, de même qu’ailleurs dans le monde, aucune confiance ne saurait être accordée à des forces dont le seul but est d’assurer la domination de leur élite dirigeante.

    Imposer des défaites militaires à l’État Islamique et éliminer le terreau économique, social et politique sur lequel il a pu se développer sont deux choses fondamentalement différentes. Selon le département américain de la Défense, le coût des opérations militaires liées à l’État Islamique depuis le 8 août 2014 est de 8,4 milliards de dollars. Une somme si colossale pourrait être investie dans l’amélioration profonde des conditions de vie des masses dans la région au lieu d’être consacrée à la destruction. Mais cela nécessite de lutter pour une transformation socialiste de la société et pour une planification démocratique de l’économie afin de répondre aux besoins des travailleurs et des pauvres.

  • Turquie: quel antidote à la guerre, la terreur et l'exploitation?

    erdogan_assassinPour l’unité des classes ouvrières turque et kurde!

    Les deux attaques terroristes en l’espace d’un mois n’ont pas seulement pris beaucoup de vies innocentes, mais ont aussi fait le jeu du régime d’Erdo?an, en discréditant les revendications de liberté du peuple kurde et leur lutte contre le régime. En termes de méthode utilisée et de résultats, ce type d’actes politique n’est pas différent des attaques des jihadistes assassins contre les Kurdes, la classe ouvrière et les socialistes. Cela ne peut pas être la voie vers un monde libéré de la violence et de l’oppression. Quelle que soit la justification, Sosyalist Alternatif ne s’identifie pas aux actes politiques et aux méthodes qui font le jeu de la classe dominante, car ces dernières ternissent la réputation de la lutte légitime de la classe ouvrière et du peuple Kurde. La principal de ces méthodes est le terrorisme individuel.

    Par Sosyalist Alternatif, section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc

    Deux attentats terroristes ont eu lieu au cœur des deux plus grandes villes de Turquie. 42 personnes sont mortes dans ces attaques ; celle d’Ankara a été revendiquée par TAK (Teyrêbazên Azadiya Kurdistan/Faucons de la Liberté du Kurdistan) ; l’autre a été menée par Daesh à Istanbul.

    Comme ces attaques visaient directement les civils et ont généré la peur et l’inquiétude, ceux qui défendent leur pouvoir essaient de nous faire croire que c’est la « destinée ». Par exemple, Abdulkadir Aksu, un journaliste pro-AKP très connu, a déclaré que nous devons « nous habituer » à vivre avec le terrorisme.

    Le président Erdo?an et le premier ministre Davuto?lu ont essayé de mettre le bombardement de janvier sur le compte des Kurdes des PYD, pour l’utiliser comme prétexte pour une intervention militaire contre Rojava en Syrie. Ils ont l’intention d’utiliser les dernières attaques pour qualifier tous ceux qui s’opposent à eux de terroristes, et donc les réprimer. D’après cette logique, ils vont élargir la signification de « terrorisme » à tout opposant d’Erdo?an ! Ils ont déjà concocté le concept de « terroriste sans armes » et ont commencé à l’utiliser.

    Erdo?an, qui adore défier les Etats occidentaux dans ses discours, les imite en fait. Erdo?an et le gouvernement AKP utilisent les mêmes méthodes que les gouvernements impérialistes des USA, de France et de partout comme opportunité de tailler dans les droits démocratiques à l’encontre des revendications de la classe ouvrière et de renforcer les pouvoirs de la police. Ils comptent faire passer une loi sur ces lignes en attisant la peur que la dernière attaque a inévitablement créé dans une grande partie de la population.

    Toute les lois et régulations planifiées par Erdo?an et le gouvernement sont élaborées pour réprimer toutes formes de revendications et de droits par la classe ouvrière turque et kurde. Ce sont des moyens politiques de répression contre tous ceux qui s’opposent à la corruption, au chômage, au coût élevé de la vie et à la destruction de l’environnement (à Artvin Cerattepe, une ville au Nord-Est de la Turquie, les habitants ont organisé la résistance contre les activités minières pour défendre l’environement) de même que contre les revendications continuelles des Kurdes pour les droits démocratiques. La législation sera utilisées contre les métallurgistes qui luttent pour leurs revendications, et contre tout autre lutte possible des travailleurs dans la prochaine période.

    Erdo?an et l’AKP sont responsables

    Erdo?an et ses partisans du gouvernement AKP sont les premiers responsables de cela. Ils ont transformé la question Kurde en « guerre civile » et ont soutenu les groupes jihadistes, pour servir leurs ambitions néo-ottomanes sur la Syrie.

    Aucune attaque terroriste ne peut arrêter les massacres de l’Etat. Le peuple Kurde a vécu une grande tragédie depuis juillet 2015. Ayant brutalement interrompu les négociations avec les Kurdes, Erdo?an mène une énorme guerre au nom du « contre-terrorisme » en utilisant toutes les sections des forces armées. La situation à Cirze après trois mois de couvre-feu est de plus en plus comparable à celle d’Aleppo et Kobane, qui a été détruite par le siège de Daesh. Récemment, 200 personnes, surtout des civils et des blessés, qui étaient piégés dans les sous-sol d’un bâtiment, ont été assassinés sour les yeux de toute la Turquie. Devenir insensible à ces attaques contre les Kurdes n’est pas différent de rester silencieux sur les attaques terroristes qui ont frappé Ankara et Istanbul.

    L’AKP n’a jamais hésité à soutenir les horribles organisations jihadistes, à cause de ses ambitions néo-ottomanes et de son « cauchemar », la possibilité que les Kurdes du Nord de la Syrie utilisent leur droit à l’auto-détermination. En résultat, l’Etat Turque s’est tourné vers l’arrière-cour des jihadistes. Jusqu’ici, les jihadistes ont commis des attaques contre les Kurdes, le mouvement ouvrier, les socialistes et les touristes non-Musulmans. Trente-trois jeunes socialistes à Suruç, 102 manifestants à Istanbul ont été tués par cette boucherie. Apparemment, Daesh n’a pas pris l’Etat pour cible ; quand cela arrivera, ce sera le commencement de la « Pakistanisation » de la Turquie. Les partisans de Daesh en Turquie et les militants qui se battent dans leurs rangs en Syrie aimeraient certainement transformer la Turquie en un nouveau Afghanistan ou Pakistan, où l’infrastructure est détruite et où des gens perdent la vie chaque jour – même si la société en Turquie est plus développée que dans ces pays, et la classe ouvrière plus forte.

    Pendant ce temps, Erdo?an et le gouvernement accusent toute voix critique et tout opposant au régime d’espionnage ou de soutien au terrorisme. Can Dundar et Erdem Hul ont été accusés et traduits en justice pour espionnage juste parce qu’ils ont révélé des documents d’Etat sur les politiques d’appui aux forces jihadistes. Donc, rester silencieux dans cette situation signifie rester silencieux sur la « Pakistanisation » rampante de la Turquie.

    Nos méthodes sont les grèves, les manifestations de masse et les occupations

    Il est très ironique que les deux attaques, celle menée par TAK, qui dit lutter pour les droits du peuple kurde, et celle commise par Daesh, qui ont brûlé vifs, décapité et tué des gens sans pitié ont été fortement associées dans l’esprit des gens.

    Dans son interview au service Turque de la BBC, Serhat Varto, porte-parole du KCK (l’organisation urbaine du PKK) a déclaré : « Nous ne luttons pas seulement pour le peuple kurde. Nous luttons pour que tous les peuples de Turquie vivent en égaux, librement et fraternellement… De tels actes politiques nuisent à nos objectifs. Nous appelons tout le monde à éviter cela. Tout en menant des actes contre les forces de l’Etat, nous devons rester à distance des attitudes qui peuvent éroder le désir et la volonté de co-existence ». Il a nié toute connexion avec les attaques ; cependant, il n’est pas convaincant que TAK ait mené ces attaques sans que le PKK soit au courant.

    Si la situation continue, il sera de plus en plus difficile de construite l’unité entre la lutte légitime des Kurdes et la lutte de la classe ouvrière plus large. L’HPD a condamné les attaques terroristes ; cette position politique correcte a partiellement déçu Erdo?an et les nationalistes. Sosyalist Alternatif (section-soeur du PSL en Turquie) soutient cette déclaration de l’HPD. Ceux qui vivent dans l’Ouest du pays ne sont pas responsables des massacres par l’Etat dans le Nord du Kurdistan, ni les Kurdes qui demandent leurs droits démocratiques responsables des bombardements terroristes.
    Une lutte contre à la fois Erdo?an et l’AKP est nécessaire. Pour un régime qui détruit même les derniers vestiges de la légalité, arrête les académiciens juste pour avoir signé un traité de paix, emprisonne les journalistes pour avoir fait leur travail et répondent à la moindre manifestation avec des canons à eau, la seule façon de survivre est la division. Nous rejetons les tentatives de la classe dirigeante de maintenir leur domination en nous divisant. Sur une base de classe, nous sommes la majorité et ils ne sont qu’une poignée. Nous sommes les plus forts tant que nous nous organisons consciemment pour cette lutte. La classe ouvrière détient un énorme pouvoir dans le processus de production et dans l’économie en général. Rien n’arrivera si nous ne déchaînons pas ce pouvoir par des grèves de masse, des manifestations et des occupations.

    Non aux guerres, aux massacres, à l’exploitation, ni à Ankara ni à Cizre !

  • Grève de la faim symbolique ‘‘Massacre au Kurdistan, brisons le silence!’’

    kurdes_alevis_GFSolidarité contre la sanglante répression exercée par le régime de l’AKP contre les Kurdes

    Le Comité de la Jeunesse kurde de Liège a décidé, en collaboration avec le centre culturel alevi de Liège, d’entamer une grève de la faim ce vendredi jusque dimanche, en soutien aux populations kurdes du sud-est anatolien, dans l’Etat truc. La population kurde est victime d’une féroce répression où bombardements, massacres et viols se succèdent, dans un silence complice de la part de l’essentiel des médias et des politiciens occidentaux.

    Cette situation dure maintenant depuis plusieurs mois, les estimations faisant état d’un demi-millier de morts parmi la population kurde, dont 150 ce mois-ci uniquement. Socialisme.be s’est rendu ce vendredi soir au centre culturel alevi de Liège où les grévistes de la faim et leurs partisans se reposaient après une journée passée sur la place Saint-Lambert, en plein centre-ville, pour sensibiliser les passants à la cause kurde.

    GF_01Un groupe de militantes enthousiaste a de suite expliqué en détail la dramatique situation qui s’est développée à l’instigation du président Erdogan (AKP, Parti de la justice et du développement) et de son gouvernement depuis l’été 2015. Une cinquantaine de couvre-feux illégitimes ont été instaurés dans le sud-est anatolien, les habitations sont bombardées, l’approvisionnement en eau et nourriture est bloqué, les civils sont tués en toute impunité quel que soit leur âge. ‘‘Le président Erdogan, par l’intermédiaire de l’armée et la police a instauré un climat de terreur sans égal ! Pouvez-vous imaginer qu’un membre de votre famille se fasse tuer pour simple fait d’être Kurde ? Pouvez-vous imaginer que le corps de cette personne ne peut être allé rechercher par les membres de sa famille et ce, même si vous êtes muni d’un drapeau blanc ? Pouvez-vous imaginer que vous soyez contraints de conserver le corps de votre proche tué par les forces de l’ordre dans le congélateur car vous avez même l’interdiction d’enterrer son corps ? C’est la triste réalité des Kurdes de Turquie.’’

    La première journée de sensibilisation au centre-ville dans le cadre de cette grève de la faim s’est globalement bien déroulée, marquée toutefois par diverses provocations de groupes turcs proches de l’AKP ou des Loups Gris (mouvement néofasciste turc). Une militante nous explique : ‘‘Nous sommes restés disciplinés et n’avons pas répondu aux provocations. Ils veulent nous empêcher de parler de la situation au Kurdistan, mais nous allons poursuivre notre action, dans le calme.’’ La police s’est toutefois rapprochée du rassemblement suite à cette suite d’agressions… non sans demander que cessent les slogans contre Erdogan et son gouvernement ! Un comble !

    Le prétexte du terrorisme

    GF_02C’est sous prétexte de lutter contre le terrorisme qu’Erdogan a lancé son offensive en commençant par rompre les pourparlers de paix qui avaient été entamés en 2013 avec le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). De quoi les autorités turques ont-elles peur ? ‘‘Le HDP, un parti pro-kurde, a franchi pour la première fois le seuil électoral antidémocratique de 10% pour entrer au gouvernement. Son autorité faiblit, et beaucoup de Turcs se sont aussi orientés vers le HDP. Erdogan considère comme une nécessité vitale de stopper ce rapprochement entre Kurdes et travailleurs turcs.’’ (pour en savoir plus, nous invitons le lecteur à prendre connaissance des précédents articles publiés sur socialisme.be à ce sujet ici et ici).

    Il est vrai que ces dernières années ont été marquées par un remarquable renouvèlement des luttes dans le pays. En octobre dernier, une grève générale de deux jours avait immédiatement suivi les attentats d’Ankara (pour lesquels la politique de l’AKP est à blâmer). Cela a clairement illustré la puissance potentielle de la classe des travailleurs. Malheureusement, cette grève n’a pas été suivie d’un appel à intensifier la mobilisation, en laissant ainsi le mouvement sans stratégie claire (voir notre article à ce sujet). L’année 2013 avait été marquée par le formidable mouvement de masse du Parc Gezi (pour en savoir plus : Une ‘‘violence guerrière’’ pour écraser le mouvement – Leçons d’une lutte de masse). En 2014, catastrophe de Soma, le pire désastre minier au monde en 40 ans, avait aussi déclenché de larges protestation ouvrières (voir notre article à ce sujet).

    A cela s’ajoutent encore les victoires remportées par les combattants kurdes en Syrie contre Daesh (organisation qui bénéficie par ailleurs du soutien de l’Etat turc). Il devenait urgent pour Erdogan de s’engager dans une répression féroce contre le peuple kurde mais aussi contre ses opposants politiques de manière plus globale.

    GF_03Nous avons aussi discuté de l’attentat à la voiture piégée de ce 17 février à Ankara contre un convoi de soldats. L’Etat turc a été marqué par plusieurs attentats dans la période récente (plusieurs d’entre eux ayant spécifiquement pris pour cibles des militants de gauche et kurdes et ayant été commis par Daesh, comme à Suruç). Mais ce dernier attentat a été revendiqué par le TAK (les Faucons de la liberté du Kurdistan, un groupe distinct du PKK). Une militante kurde exprime, avec l’assentiment général : ‘‘nous pouvons comprendre une certaine volonté de revanche, mais de tels attentats ne vont faire que renforcer tout le discours d’Erdogan selon lequel chaque Kurde est un terroriste.’’ Cet attentat est un cadeau pour poursuivre sa politique de répression et de diviser pour mieux régner et renforcer sa campagne médiatique nationaliste, démagogique et manipulatrice.

    Un orage qui risque d’éclater

    Commentant les dramatiques évènements de Cizre, nos camarades turcs de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc) écrivaient récemment : ‘‘Le pays est tel un ciel avec deux sombres nuages, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest, qui se chargent jour après jour en électricité et qui risquent d’entrer en collision. Mais il est certain qu’il n’y aura qu’un seul gagnant de cette collision, Erdogan et les magnats qu’il représente.’’

    ‘‘La classe ouvrière turque n’a aucun intérêt à priver les Kurdes de leurs droits civils et démocratiques. Au contraire, elle doit s’unir aux travailleurs et aux pauvres kurdes contre la répression et l’exploitation, en soutenant les revendications démocratiques des Kurdes. De leur côté, les Kurdes doivent consciemment lancer appel à leurs frères et sœurs de classe à l’Ouest dans le but de construire une lutte commune et unitaire contre les politiques antisociales et sécuritaires d’Erdogan. (…) Ce qui est arrivé en Irak et en Syrie comprend d’importantes leçons et avertissements pour la classe ouvrière de l’Etat turc. Le choix posé est le suivant : une lutte commune et égalitaire contre le système capitaliste ou le chaos, la guerre civile et plus encore de violence d’Etat.’’


    Socialisme 2016

    Lors de la journée Socialisme 2016 qui se déroulera le 9 avril prochain, nous accueillerons Cédric Gérôme, représentant du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et particulièrement en charge du développement du travail politique du CIO dans cette région. (Plus d’infos et programme complet)

  • État turc: Le régime commet un massacre à Cizre

    cizreSeule la lutte unitaire des travailleurs peut efficacement contrer la guerre civile rampante

    La nuit du 7 février, la chaîne de télévision publique turque, principal vecteur de communication du gouvernement, a  marqué les esprits avec l’annonce de nouvelles laissant croire qu’un massacre collectif avait été commis dans une des nombreuses provinces kurdes touchées par le couvre-feu. Les nouvelles disaient que, depuis 12 jours, les forces armées turques menaient une opération dans la cave d’un bâtiment où se trouvaient des “terroristes” et qu’à la fin de l’opération ils avaient neutralisés 60 personnes. Cette évolution inquiétante montre la nouvelle dimension que prend la guerre déclarée par l’État envers le peuple kurde.

    Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

    Après les élections du 7 juin dernier, Erdogan et son gouvernement ont mis un terme au processus de paix (engagé par le gouvernement en 2012 entre le gouvernement et le PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan, NDLR) et ont poursuivi l’oppression de la volonté d’autodétermination du mouvement kurde en se servant de tous types d’armes et de technologie. Depuis 5 mois, le couvre-feu est instauré dans des provinces spécifiques suivies d’opérations militaires à l’aide des soldats et de policiers membres des unités spéciales. Dans de nombreuses provinces, comme Silopi ou encore Sur, le couvre-feu est toujours d’application. Dans l’une des provinces centrales, Diyarbak?r, le couvre-feu a dépassé la durée de 2 mois. Jusqu’à présent, des centaines de civils – enfants, personnes âgées et femmes – ont perdu la vie. Des centaines de maisons et de bâtiments ont été détruits et des milliers de personnes ont dû quitter leurs domiciles. Les services de santé et l’enseignement sont devenus impraticables.

    Que ce passe t-il à Cizre?

    Comme dans toutes ces provinces, la province de Sirnak où se situe Cizre, la guerre civile a transformé divers lieux en débris comparable à une ville de Syrie. A Cizre, le 41e jour du couvre-feu, le 23 janvier, de nombreuses personnes dont 28 blessés se trouvant dans une maison atteinte par un canon se sont réfugiées dans une cave. Le lendemain, certains députés du parti HDP ont fait une demande au ministre de l’Intérieur pour envoyer une ambulance aux personnes blessées, et juste après cela, la mort de 3 d’entre eux a été annoncée.

    Par contre, aucun des blessés ni des personnes réfugiées à cet endroit n’était autorisé à s’en aller. Suite à cela, certains des députés du HDP ont décidé d’entamer une grève de la faim dans le ministère de l’intérieur. De l’autre côté, le gouverneur de Sirnak affirme avoir envoyé des ambulances mais, selon lui, les blessés n’ont pas réagi par un « réponse positive ». Pendant ce temps, la Cour Suprême a rejeté la demande du HDP de prendre des mesures contre la violation des droits humains et contre la torture.

    Jour par jour, le nombre de morts dans cette cave et les réactions face à cela augmentaient de plus en plus. Le groupe d’aide envoyé par le TTB (représentants des médecins) et le SES (syndicats des ouvriers de la santé et des services sociaux) a été refusé d’entrer à Cizre en raison des fusillades et du fait que ces personnes aient été accusées d’être des militants. Leurs efforts pour atteindre les personnes réfugiées dans la cave ont été contrecarrés et 11 personnes essayant d’atteindre les blessés avec un drapeau blanc ont été arrêtées. Malgré les vidéos et témoignages issus de cette cave, le gouvernement s’est figé sur sa propagande affirmant qu’il n’y avait peut-être personne dans la cave ou encore que les ambulances envoyées là-bas étaient prises pour cibles de fusillades.

    Après l’article de TRT disant que 60 personnes avaient trouvé la mort, le Premier ministre Davutoglu a nié les faits et a ensuite déclaré que seuls 10 résistants avaient perdu la vie. Rapidement, TRT a retiré l’info de son site web. Mais il est possible que cette correction ait été faite par le gouvernement dû à la peur d’un nouveau soulèvement ressemblant à celui d’octobre 2014. Durant cette année-là, le rôle joué par Erdogan dans l’attaque de la ville de Kobané par Daesh (l’Etat Islmaique) avait donné naissance à un soulèvement et à des protestations spontanées d’une ampleur encore inégalée. D’autre part, le gouvernement veut que les gens s’habituent à ce genre de morts.

    Durant la réunion du parti le 9 février, le coprésident du HDP Selahattin Demirta? a partagé les infos qu’il a reçues. ”Depuis plus ou moins 20 jours, nous parlons d’une sauvagerie se passant à Cizre (…) Malgré les informations erronées, c’est bien ce qui se passe. Dans cette rue, dans quelques bâtiments, il y a en tout entre 70 et 90 personnes. La majorité sont des civils. Une partie sont des universitaires qui se trouvaient là par solidarité, et l’autre étant le peuple de Cizre. Depuis 20 jours, les forces spéciales ont lancé des attaques au tank 24h sur 24. Il n’y a pas de fusillades, les attaques envers ces bâtiments sont unilatérales. Des personnes se trouvant dans ces bâtiments nous appellent. Nous avons leurs noms, ils nous disent ”il y a des civils blessés à côté de nous, nous voulons sortir d’ici. Dès que nous sortons nos têtes par la fenêtre, ils nous tirent dessus”. Des gens ont été abattus, mais personne ne dit rien. Nous avons reçu confirmation que des gens sont toujours en vie. Nous avons des enregistrements de 32 minutes. (…) Ils sont vivants. Il y a eu un massacre collectif mais personne n’en parle. Il n’y a plus d’opérations à Cizre mais les corps sont éparpillés un peu partout comme s’ils étaient là depuis bien longtemps…”

    Danger de guerre civile

    Il semble que le gouvernement a réussi à couvrir ses meurtres en réagissant rapidement et en empêchant, pour l’instant, une explosion de colère. Mais il est en même temps très clair que le gouvernement de l’AKP est bloqué dans un bourbier dans les villes kurdes. Les représentants du gouvernement ont affirmé que cette opération de cinq mois devait être une Blitzkrieg, courte mais efficace. Elle n’a cependant pas été si courte qu’initialement prévu. Et le dernier incident de Cizre souligne que qu’un mécontentement explosif s’accumule dans le pays.

    La classe des travailleurs de la partie Ouest de la Turquie a été sous l’influence d’une forte propagande nationaliste depuis juin, jusqu’à un seuil dangereux. Une grande partie de la société préfère tourner la tête au loin et prétendre que de tels incidents ne se produisent pas. Certains soutiennent l’Etat et adoptent une approche nationaliste turque. Pour le moment, seuls les socialistes et les partis de gauche s’opposent activement aux politiques du gouvernement et ils sont submergés par la pression de l’Etat. Les médias unilatéralement du côté du gouvernement utilisent manipulations et démagogie pour alimenter le nationalisme et la haine. En conséquence de ce climat, les Kurdes de l’Ouest ont subi de violentes attaques en septembre dernier.

    Cependant, l’espoir que le gouvernement puisse encore à un moment donné s’asseoir à la table de négociation et relancer le dialogue avec les Kurdes existe toujours parmi beaucoup de ces derniers. Ceci est une des raisons pour lesquelles une guerre civile ethnique n’a pas encore éclaté. C’est aussi pourquoi les Kurdes ne se sont pas orientés vers une révolte tous azimuts, comme la révolte liée à Kobané des 6 et 7 octobre, en dépit de toutes les attaques dont ils ont été victimes. Le fait que le HDP et le mouvement kurde tiennent encore la porte ouverte aux négociations, même dans leurs discours les plus radicaux et durant les incidents de répression les plus brutaux, est une autre raison qui permet de comprendre cette patience. Mais des massacres tels que celui de Cizre et les opérations militaires prolongées vont radicalement changer cette attitude dans les villes kurdes.

    L’interview de la mère d’une victime des tirs à Cizre, publiée le 10 février dans le journal Cumhuriyet, révèle le degré d’atrocité, de déception et de colère actuel: «Ce sont tous des gangsters engagés dans une sale guerre. Nous avons crié pour la paix, mais à partir de maintenant nous ne voulons plus de paix. Qu’est-ce que ces gens au sous-sol ont fait pour mériter de subir des attaques de chars et d’armes chimiques? Et ils [l’Etat] mettent leurs photos [aux morts] sur Internet, juste pour nous torturer. Ils torturent les gens… Nous ne voulons plus la paix, au plus nous demandons la paix, au plus ils nous envahissent avec des chars et des canons et brûlent nos enfants. Maintenant, il est temps pour la guerre.»

    Le pays est tel un ciel avec deux sombres nuages, l’un à l’Est et l’autre à l’Ouest, qui se chargent jour après jour en électricité et qui risquent d’entrer en collision. Mais il est certain qu’il n’y aura qu’un seul gagnant de cette collision, Erdogan et les magnats qu’il représente.

    La classe ouvrière turque n’a aucun intérêt à priver les Kurdes de leurs droits civils et démocratiques. Au contraire, ils doivent s’unir avec les travailleurs et les pauvres kurdes contre la répression et l’exploitation. Pour cela, il est nécessaire que les travailleurs turcs soutiennent les revendications démocratiques des Kurdes et que les Kurdes fassent consciemment appel à leurs frères et sœurs de classe à l’Ouest, dans le but de construire une lutte commune et unitaire contre les politiques dévastatrices et anti-ouvrières d’Erdogan.

    Les opérations anti-Kurdes actuelles constituent une menace pour tout le monde. Compte tenu du niveau de danger auquel nous sommes confrontés, en dépit de toutes les pressions et de la situation compliquée dont nous avons hérité, il n’y a pas d’autre issue possible que la construction d’un front uni sur base de l’unité de la classe ouvrière et de tous les opprimés. Ce qui est arrivé en Irak et en Syrie comprend d’importantes leçons et avertissements pour la classe ouvrière de l’Etat turc. Le choix posé est le suivant : une lutte commune et égalitaire contre le système capitaliste ou le chaos, la guerre civile et plus encore de violence d’Etat.

     

  • Moyen-Orient. Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaitre

    En Arabie saoudite et dans l’État turc, l’année 2016 a commencé sous le signe d’une sanglante répression qui n’a suscité qu’une très timide indignation dans les médias de masse et parmi les politiciens de l’establishment en Occident. La politique du ‘‘deux poids deux mesures’’ des puissances occidentales face à la barbarie est bien connue dès lors qu’il s’agit de régimes ‘‘amis’’.

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de février de Lutte Socialiste

    Répression de l’opposition

    ‘‘Deux poids, deux mesures’’, c’est également l’approche du président Erdogan face au ‘‘terrorisme’’. Sous cet adage, l’État turc a tout d’abord intensivement bombardé des positions détenues par des forces kurdes du nord de la Syrie qui résistent courageusement à Daesh (l’État Islamique), alors que ce dernier était curieusement relativement épargné. Par la suite, la population kurde de l’État turc s’est vu imposer un couvre-feu dans plusieurs localités du sud-est à majorité kurde. Elle subit des humiliations quotidiennes, les arrestations se comptent par milliers et les meurtres arbitraires commis par les forces de l’ordre contre des ‘‘terroristes’’ âgés de 7 à 77 ans sont nombreux. Il en a été légèrement plus question sur la scène internationale lorsqu’une vingtaine d’universitaires ayant signé une pétition réclamant l’arrêt des massacres de l’armée ont été arrêtés en janvier.

    En Arabie saoudite, le régime a récemment procédé à l’exécution de 47 prisonniers pour fait de ‘‘terrorisme’’. Parmi eux se trouvaient divers djihadistes, mais aussi un responsable chiite, le cheikh Nimr al-Nimr Baqr, un adversaire politique de premier plan du régime sunnite saoudien. Il s’était notamment fait remarquer en 2011 dans le cadre des mobilisations de masse qui avaient déferlé sur toute la région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord et avaient, entre autres, mis fin aux régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte. La clique dirigeante saoudienne, qui a exécuté 151 personnes l’année dernière, est bien connue pour sa chasse aux sorcières contre les dissidents, en particulier parmi la communauté de la minorité chiite.

    Dans les deux pays, cette démonstration de force n’est pas sans lien avec des inquiétudes grandissantes au sujet de la dégradation de la situation économique et des explosions de colère qui peuvent survenir suite aux nouvelles mesures antisociales. L’Arabie saoudite dépend ainsi de la vente du pétrole pour 90% de ses revenus. L’effondrement du prix du pétrole a entrainé une imposante croissance du déficit budgétaire du pays. En réaction, le régime a réduit les dépenses publiques (notamment pour les produits de première nécessité) et augmenté les prix de l’essence, de l’électricité et de l’eau.

    Tensions régionales

    Ces éléments viennent se rajouter à un cocktail de déstabilisation déjà puissant dans la région : guerre en Syrie, chaos irakien, offensives de la Russie et des Occidentaux contre Daesh, crise au Yémen, tensions communautaires au Liban, déferlement de millions de réfugiés en Jordanie, au Liban et dans l’État turc, chute des prix du pétrole,…

    Les dirigeants saoudiens sunnites éprouvent colère et panique face au rapprochement en cours entre les puissances occidentales et la dictature chiite iranienne. L’Iran est le principal rival politique régional de l’Arabie saoudite. Ainsi, depuis les dernières exécutions, l’ambassade d’Arabie saoudite dans la capitale iranienne a été incendiée. Le régime saoudien a ensuite été accusé d’avoir intentionnellement bombardé l’ambassade iranienne à Sanaa, la capitale du Yémen, où les deux pays se livrent une guerre par procuration. Au Yémen, l’Arabie saoudite a engagé une centaine d’avions qui bombardent les chiites du pays, contre une quinzaine d’avions à peine en Irak contre Daesh (pas plus que les Pays-Bas et le Danemark réunis). L’Iran et l’Arabie saoudite sont également engagés dans une confrontation indirecte au Bahreïn ou encore au Liban.

    Quelle issue ?

    Un incontrôlable monstre de Frankenstein a été créé dans la région, notamment en raison des multiples interventions impérialistes au cours des décennies, alors que l’autorité et la capacité d’action de ces puissances occidentales ont depuis fortement pâli. L’avenir est plus qu’incertain. Comment, par exemple, faire face à une extension du chaos vers l’État turc? Si les massacres contre les Kurdes débouchent sur une guerre civile, comment gérer l’afflux de réfugiés actuellement contenu dans le pays ?

    Il y a 5 ans, à partir de la chute de la dictature tunisienne en janvier 2011, une vague de protestations de masse et le début d’un processus de révolution et de contre-révolution ont ébranlé toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Même si ce sont les forces de la contre-révolution – qu’elles soient représentées par les régimes réactionnaires de la monarchie saoudienne ou d’Erdogan, par Daesh,… – qui tiennent actuellement le haut du pavé, l’issue de ce combat entre la barbarie et un monde nouveau n’est pas encore déterminée.

    L’État turc a connu de puissantes protestations de masse et grèves ces dernières années, illustrées notamment par l’entrée au Parlement du parti progressiste pro-kurde HDP (le seuil électoral y est de 10%…). En Iran, la récession économique fait aussi poindre pour le régime le péril de nouvelles mobilisations de masse similaires à celles de 2009. Et en Tunisie, le mois de janvier a vu survenir de nouvelles mobilisations imposantes dans le pays suite à une révolte de la jeunesse à Kasserine. Et nous avons pu voir en 2011 à quel point les évènements révolutionnaires pouvaient faire appel les uns aux autres par-delà les frontières pour se renforcer.

    ‘‘Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres’’ disait le révolutionnaire italien Gramsci dans entre-deux-guerres. Un nouvel embrasement de la région sur base des conflits entre classes sociales est inévitable, mais il faudra veiller à ne pas répéter les erreurs des précédents mouvements.

    Les travailleurs et les pauvres de la région doivent s’organiser sur base de leurs propres forces, en toute indépendance de classe, et mener le combat non seulement contre l’impérialisme, mais aussi contre les cliques dirigeantes régionales jusqu’à la fin de ce système de misère, d’exploitation, de terrorisme et de guerre.

  • Assassinat de Tahir Elci, communiqué de presse du Conseil démocratique kurde

    Image #: 41174158 (151129)-- DIARBAKIR, Nov. 29, 2015 (Xinhua) -- A man holds a portrait of Tahir Elci during a mourning ceremony for Tahir Elci, head of the Bar Association in Diyarbakir, who was killed on Nov, 28 in Turkey's southeastern Diyarbakir province on Nov. 29, 2015. An unknown gunman opened fire at Tahir Elci's gathering in a press meeting in Diyarbakir on Saturday, killing Elci and one policeman at the scene. (Xinhua/Mert Macit)(azp) XINHUA /LANDOV

    Tahir Elci, président de l’Association du Barreau de Diyarbakir, a été assassiné par des forces obscures de l’État turc. Nous condamnons cette attaque brutale.

    Le président de l’Association du Barreau de Diyarbakir, Tahir Erçi, a été exécuté au cours d’une conférence de presse qu’il tenait à Diyarbakir. Cette conférence de presse a eu lieu juste avant le fameux minaret «à quatre pieds». Il y a quelques jours, ce bâtiment historique a été endommagé par les troupes gouvernementales à l’artillerie lourde. Afin de protester contre cet acte, Tahir Elci et ses confrères avaient organisé une conférence de presse. C’est à ce moment qu’a eu lieu la tentative d’assassinat fatale.

    Tahir Elci était déjà la cible du gouvernement de l’AKP et de l’Etat en raison de son combat pour les droits humains, la liberté et la paix. Il avait déclaré sur la chaîne de télévision turque que le PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan) n’était pas une organisation terroriste. A partir de ce moment, il est devenu une cible ouverte.

    Il a ensuite été arrêté et emmené au tribunal où il a été jugé avec pour une peine de prison qui pouvait aller jusqu’à 7,5 ans. Hier, il a été tué par ceux qui estimaient cette punition insuffisamment lourde.

    Nous sommes familiers de ce genre d’attaque. Des milliers d’hommes politiques et de militants kurdes ont été tués jusqu’à présent par les mêmes forces obscures et de la même manière. Nous savons qui a donné l’ordre. Les clients sont ceux qui ne pouvaient tolérer ses déclarations, son combat et sa personnalité. Ces clients sont le gouvernement de l’AKP et les forces obscures qui ont commandité par le passé la mort de milliers de politiciens et de militants kurdes. Il ne faut pas chercher les coupables ailleurs.

    Il s’agit d’une attaque contre les politiciens kurdes, contre les Kurdes et contre le mouvement pour la liberté. Nous condamnons cette attaque brutale et ses commanditaires. Nous tenons à exprimer nos condoléances à la famille de Tahir Elci, à ses amis et ses collègues ainsi qu’à l’ensemble du peuple kurde. Nous allons continuer la lutte de Tahir Elci et poursuivre la défense des mêmes idéaux. Ici, nous appelons également notre peuple à commémorer la lutte du martyr Tahir et à élever son combat pour la liberté à de nouveaux sommets.

    Nous appelons les forces démocratiques de Turquie et du monde qui se trouvent du côté de la paix, de la démocratie et des droits humains, à se montrer solidaires de la lutte des Kurdes pour la liberté et à condamner cette attaque brutale et barbare.

    Le Conseil Démocratique Kurde – Koerdistan Nationaal Congres

  • Turquie: Guerre, intimidations et répression des droits démocratiques derrière la victoire de l'AKP

    La lutte pour l’unité des travailleurs, la paix et la justice sociale est plus importante que jamais.

    erdoganLe Parti conservateur AKP a remporté une majorité décisive lors des élections générales qui ont eu lieu ce dimanche, en remportant 315 sièges sur les 550 que comprend le Parlement (pour 49,3% des suffrages). L’opposition capitaliste principale, le CHP, n’a que légèrement augmenté son soutien depuis la tenue des élections de juin dernier tandis que le parti d’extrême-droite MHP a chuté de 16% à 12%, une perte essentiellement au profit de l’AKP.

    Par Mike Cleverley, Socialist Party (COI-Angleterre et Pays de Galles)

    La rhétorique nationaliste menaçante de l’AKP et la campagne militaire brutale menée contre les Kurdes ont sans aucun doute réussi à attirer le vote d’une couche importante de partisans du MHP. Ces élections représentent un coup de pouce pour le président Erdogan, mais cette aide est insuffisante pour lui permettre de modifier la Constitution turque afin de consolider les pouvoirs présidentiels.

    Le parti pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple), dont le soutien électoral en juin dernier avait été stimulé par le vote de jeunes Turcs radicaux, a également perdu 21 députés et franchit tout juste le seuil électoral antidémocratique de 10% nécessaire pour obtenir des sièges au parlement. Cette perte de soutien pour le HDP sera une déception pour la gauche, mais nombreux sont ceux qui remettront en question à juste titre l’idée de la tenue «d’élections libres» alors que des villes et villages kurdes étaient militairement assiégés. Beaucoup de partisans du HDP ont été arrêtés au cours de ces derniers mois et les locaux du HDP ont été physiquement pris pour cibles par des foules liées à l’AKP et au MHP.

    Ces élections ont pris place dans un contexte d’intimidation massif, de violence généralisée et de répression de l’opposition – y compris avec interférence du président le jour du scrutin, contrairement à ce que précise la Constitution qu’il est censée défendre. Avant les élections, des rumeurs émanant d’un dénonciateur au sein du gouvernement ont accusé l’AKP d’avoir installé ses partisans en position de truquer les résultats du scrutin.

    Un nombre croissant de rapports de fraudes électorales et de perturbations du scrutin émergent, en particulier des régions kurdes où le HDP avait obtenu des scores élevés en juin. Différentes tactiques d’intimidation ont visé les électeurs, les journalistes critiques et les observateurs électoraux. Certains observateurs électoraux internationaux ont été embarqués par la police et des bureaux de vote ont été fermés ou privés d’accès par l’armée. Dans un certain nombre de régions, des bulletins de vote ont disparu, tandis qu’à Izmir, par exemple, il y a eu 700.000 voix de plus que le nombre d’électeurs inscrits!

    Quelques jours avant les élections, le groupe Koza Ipek Holdings, qui publie des médias liés à des opposants d’Erdogan, a été repris et les rédacteurs en chef ont été remplacés par des partisans de l’AKP. L’Association du Barreau turc a condamné ces mesures comme étant inconstitutionnelles.

    Ces actions et le climat général de crise ont sans aucun doute contribué à assurer la victoire de l’AKP. Le HDP a très certainement également été touché par sa décision d’annuler les rassemblements prévus après l’attaque à la bombe à Ankara le 10 octobre.

    Tous ces facteurs ont contribué à ce que ces élections soient totalement biaisées. La voix de l’opposition était difficilement audible tandis que celle du parti au pouvoir a été amplifiée.

    Mais le résultat de ces élections ne saurait masquer les profondes divisions qui règnent au sein de la classe dirigeante. Cela ne se reflète pas seulement dans l’existence de l’AKP et de son rival plus laïc, le CHP, mais aussi dans le difficile équilibre du pouvoir entre le président Erdogan et le Premier ministre Davutoglu.

    Les trois partis de l’opposition se pencheront sur les résultats électoraux pour y détecter les fraudes, dont le fait que 650.000 électeurs ont disparu des listes d’électeurs entre les élections de juin et celles de novembre tandis que 400.000 nouveaux électeurs ont fait leur apparition. Ces anomalies semblent être concentrées dans les districts électoraux où la marge était étroite entre les résultats des deux principaux partis en juin.

    Ces élections sont intervenues à un moment où la classe des travailleurs et les syndicats gagnent en confiance. La grève générale de deux jours qui a immédiatement suivi les attentats d’octobre à Ankara (pour lesquels la politique de l’AKP est à blâmer) a illustré la puissance potentielle de la classe des travailleurs. Malheureusement, cette grève n’a pas été suivie d’un appel à intensifier la mobilisation, en laissant ainsi le mouvement sans stratégie claire. L’AKP a continué de dominer le discours public dans la perspective de ces élections.

    La grève générale d’octobre est survenue après une période prolongée de la lutte des travailleurs. En mai 2014, après une catastrophe minière, les travailleurs avaient protestés contre l’effroyable manque de sécurité dans les mines turques. En mai 2015, une grève a éclaté à l’usine Renault et a entrainé dans l’action d’autres usines du cœur industriel du pays en dépit des lois anti-syndicales extrêmement dures. En Turquie, les «syndicats autorisés» omettent souvent de protéger les intérêts des travailleurs. En conséquence de cela, la Turquie possède la plus faible proportion de travailleurs syndiqués de l’OCDE (les «pays développés»). Les médecins sont eux aussi entrés en grève en mai 2015 pour protester contre les charges de travail excessives.

    Les socialistes en Turquie organisés autour de Socyalist Alternatif (CIO-Turquie) continueront de faire campagne pour l’unité des travailleurs et pour un parti des travailleurs de masse indépendant, vers lequel le HDP pourrait potentiellement constituer un tremplin s’il s’oriente vers les travailleurs de toutes les communautés avec un programme d’action audacieux et s’il démocratise ses structures internes.
    Un tel parti doit adopter un programme clairement socialiste reposant sur la propriété et le contrôle publics des grandes industries; sur le droit à l’autodétermination du peuple kurde et sur la fin des attaques contre les droits nationaux kurdes sous couvert d’une prétendue lutte contre le terrorisme.

  • Ankara. Un double attentat à la bombe tue plus de 100 personnes lors d'une manifestation pacifiste

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    Les 48 heures de grève générale à l’appel des syndicats doivent être la première étape de la construction d’un mouvement unitaire de masse contre le régime meurtrier d’Erdo?an

    L’horrible double attentat qui a frappé un rassemblement de protestation pacifiste organisé par plusieurs syndicats à Ankara, la capitale de l’Etat turc, ce samedi 10 octobre, a conduit, au dernier décompte, à au moins 128 morts ainsi qu’à des centaines de blessés. C’est le plus grand attentat terroriste de l’histoire du pays. Beaucoup de victimes sont toujours en unités de soins intensifs dans divers hôpitaux tandis qu’un certain nombre de corps, rendus méconnaissables, n’a pas encore été identifié. Cette attaque, de par son ampleur humaine et politique, a ébranlé le pays jusque dans ses fondements.

    Déclaration de Sosyalist Alternatif (Section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat turc)

    La manifestation de samedi était organisée par la Confédération des syndicats du secteur public (KESK), la Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie (DISK), l’Association turque médicale (TTB) et l’Union des chambres des ingénieurs et architectes turcs (TMMOB). Quelques minutes avant le début de la manifestation, une bombe a explosé à l’endroit où les militants du parti de gauche et pro-kurde HDP (Parti démocratique du peuple) étaient rassemblés. Une deuxième explosion a eu lieu à une cinquantaine de mètres de là, apportant plus de destruction et de morts sur son chemin. Les témoins, parmi lesquels des membres de Sosyalist Alternatif (CIO) arrivés sur la scène quelques minutes après l’attentat, ont rapporté des scènes d’horreur indicible.

    Ces témoins ont également confirmé les rapports faisant état de tentatives policières visant à entraver l’arrivée des secours. Des gaz lacrymogènes ont été lancés sur la foule de manifestants survivants et des proches de victimes ainsi que des ambulances ont été stoppés par la police. La police anti-émeute a été envoyée sur la scène du carnage avant même que les premières ambulances ne soient arrivées. Huseyin Demirdizen, de l’Association des médecins de Turquie (TTB) a déclaré : “Alors que les médecins de l’Union des travailleurs de la santé ont appelé à des dons de sang, le gouvernement a annoncé qu’il n’y avait pas besoin de sang. Si des travailleurs de la santé n’avaient pas été sur place parce qu’ils participaient à la manifestation, le nombre de décès et de blessés aurait été beaucoup plus élevé.”

    Presque immédiatement après l’attaque, le régime a décidé de bloquer Twitter et Facebook, dans une tentative évidente d’empêcher les rapports issus des gens présents sur place et de laisser le champ libre aux médias contrôlés par l’AKP (Parti de la Justice et du Développement, le parti au pouvoir), qui ont accusé des groupes de gauche ou le PKK d’être derrière le double attentat.

    La première réponse des forces de l’Etat n’a laissé aucun doute planer quant à la responsabilité du régime vis-à-vis de ce qui est non seulement une tragédie, mais aussi clairement un massacre politiquement orchestré. Quel que soit le rôle exact joué par le régime d’Erdo?an dans cette attaque, sa responsabilité politique est écrasante. Cet attentat a eu lieu dans le contexte d’une stratégie du régime d’Erdogan et de ses sbires basée sur l’escalade de la violence et des provocations, y compris avec des attaques physiques, contre la gauche et le mouvement national kurde. Une brutale guerre d’agression est également en cours de la part de l’armée turque contre le PKK et le peuple kurde au Sud-Est du pays. Des centaines de personnes ont déjà été tuées. Même après que le PKK ait déclaré ce samedi observer un cessez-le-feu avant les élections du 1er novembre, l’armée turque a bombardé des positions du PKK au sud-est de la Turquie et au nord-est de l’Irak, tuant des dizaines de personnes au cours du seul week-end.

    Le battement de tambour “anti-terroriste” du régime ne trompe personne, cela n’a été qu’une couverture pour une répression visant la gauche ainsi que les activistes pro-kurdes et du HDP, qui ont massivement été les victimes d’une campagne de terreur orchestrée par l’Etat. Au cours de ces dernières années, des groupes comme l’Etat Islamique et d’autres groupes djihadistes ont, au contraire, bénéficié de la complicité établie de l’Etat turc dans le cadre de leurs activités en Syrie.

    Désolation et rage

    La tristesse et la désolation provoquées par les horribles attentats de ce samedi se sont rapidement jointes, à juste titre, en une rage contre le gouvernement AKP, y compris à l’échelle internationale. Le samedi après-midi, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre le gouvernement à Istanbul et d’autres villes du pays. Le dimanche, à Ankara, environ 10.000 personnes étaient de retour dans les rues, près de la gare où les bombardements avaient eu lieu la veille. Cela illustre l’état d’esprit de défi et d’intrépidité qui existe actuellement. A l’enterrement de certaines des victimes, la colère des masses était profonde, et il est très peu probable qu’elle s’évapore de sitôt.

    Les quatre confédérations syndicales de gauche ont appelé à la tenue d’une grève générale de 48 heures ces 12 et 13 octobre. Il s’agit d’une réponse très appropriée qui doit être soutenue par la gauche et les travailleurs à l’échelle internationale. Une grève générale qui rassemble le peuple kurde et turc pour combattre de manière unitaire est la meilleure riposte à offrir à Erdo?an et les tentatives de sa clique dirigeante d’utiliser le sang des travailleurs pour diviser la résistance contre leur politique et pour assurer leur pouvoir ainsi que les profits des riches capitalistes qu’ils défendent. Au vu de l’échec total des forces de l’Etat et de la police pour protéger la population, les rassemblements et manifestations de gauche et syndicales devront être correctement protégées par un bon service d’ordre. Des mesures d’auto-défense appropriées, impliquant toutes les communautés, doivent être prises en collaboration avec les organisations syndicales.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) veut apporter sa pleine solidarité, sa sympathie et ses condoléances à tous ceux qui ont été victimes de l’attaque de samedi, à tous ceux qui ont perdu des proches, des amis et des camarades. La meilleure façon d’honorer leur mémoire est de continuer la lutte contre le régime brutal et dictatorial d’Erdo?an, contre les puissances impérialistes qui se tiennent derrière lui et contre le capitalisme, et en faveur d’un monde socialiste et démocratique.

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