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  • Corbyn était-il «trop à gauche»? : Leçons des élections britanniques pour la gauche américaine

    Pour ceux qui veulent vaincre la droite et son programme, la victoire du réactionnaire Boris Johnson et de son parti conservateur aux élections générales de Grande-Bretagne est évidemment un sérieux revers.

    Tom Crean, Socialist Alternative (CIO – USA)

    Les médias dominants et la direction du Parti démocrate affirment que la défaite du Labour aux élections générales britanniques est due dans une large mesure au programme « socialiste d’extrême gauche » de Jeremy Corbyn. C’est ainsi que l’ancien vice-président des États-Unis et actuel candidat aux primaires présidentielles démocrates de 2020, Joe Biden, a déclaré : « Regardez ce qui arrive quand le parti travailliste va si loin à gauche. » Le message, pas si subtil, est le suivant : si les démocrates choisissent Bernie Sanders comme candidat à la présidence, Trump remportera un deuxième mandat.

    La peur du rouge

    Les véritables leçons que la gauche doit tirer aux États-Unis, surtout concernant la campagne pro-travailleurs de Sanders que Socialist Alternative soutient, sont très différentes. Tout d’abord, alors que cela ne ressort pas clairement de la couverture médiatique aux Etats-Unis, les médias dominants britanniques, que cela soit la « respectable » BBC ou les tabloïds, ont mené une intense campagne d’intimidation contre Corbyn. Ils l’ont accusé d’être un antisémite, un partisan de l’armée républicaine irlandaise (IRA) et un « danger pour la sécurité nationale ». Ils ont jeté autant de boue qu’ils ont pu dans l’espoir qu’une partie de la boue collerait.

    L’allégation sans cesse répétée d’antisémitisme au sein du Parti travailliste repose sur très peu de choses : la confusion et l’amalgame entre la critique de la politique israélienne et l’antisémitisme. Donald Trump, dont la présidence a enhardi les nationalistes blancs et les néo-nazis purs et durs, dénonce également toute critique de son allié réactionnaire Benjamin Netanyahu comme étant « antisémite ». Au cours des élections britanniques, le véritable raciste était Boris Johnson, celui qui a un jour qualifié les Noirs du terme raciste de « pickanninies » dans un article qu’il a écrit en tant que journaliste.

    Mais si les respectables médias dominants aiment se présenter comme antiracistes, leur véritable priorité est de protéger les profits et les intérêts des grandes entreprises. Ils n’hésiteront pas à vendre au détail les mensonges les plus vils et à couvrir les racistes les plus infâmes dans le but de repousser la gauche.

    L’élection britannique est une indication de la sauvagerie avec laquelle les médias et l’establishment démocrate s’en prendront à Bernie Sanders s’il s’approche de l’investiture démocrate. En 2016, lors des primaires de New York qui étaient un must absolu pour Hillary Clinton, le tabloïd libéral new-yorkais Daily News a lié Sanders à la tuerie de l’école primaire de Sandy Hook en 2012.

    Les causes plus profondes

    Mais si l’offensive de la classe dirigeante contre Corbyn a joué un rôle réel, il n’était pas inévitable qu’elles suffisent à vaincre le Parti travailliste. Le vrai problème de Corbyn, c’est sa perte de crédibilité après quatre années passées à la tête du Parti travailliste. Au cours de celles-ci, il n’a pas réussi à s’attaquer à la droite néo-libérale du Parti travailliste ni à chercher à construire sérieusement un mouvement de masse pour imposer le changement en dehors du Parlement.

    Alors que Tony Blair était le chef du Parti travailliste, le Labour a supprimé la fameuse clause 4 qui engageait nominalement le parti à faire en sorte que les secteurs clés de l’économie deviennent des propriétés publiques démocratiques. Lui et ses successeurs ont purgé le parti de la gauche, ont réduit l’influence des syndicats, ont instauré des mesures de réduction budgétaires massives dans les services sociaux tant au niveau local qu’au niveau national et ont participé avec enthousiasme à l’invasion et à l’occupation de l’Irak par George Bush. Margaret Thatcher, qui fut première ministre conservatrice pendant 11 ans et qui a mené une campagne acharnée contre les intérêts de la classe ouvrière, a un jour déclaré que sa plus grande réalisation était « le New Labour et Tony Blair ».

    Ironiquement, Corbyn a remporté la direction du parti parce que les blairistes, la droite du parti, dans un geste d’orgueil pur, voulait faciliter l’adhésion individuelle au parti et l’élection du dirigeant du parti afin de réduire l’influence des syndicats. Mais à partir du moment où Corbyn a été démocratiquement élu par les adhérents, la majorité de droite des députés travaillistes a cherché à saper son travail et à l’éliminer avec la complicité totale des médias.

    En fait, il existait « deux partis en un » : celui de Corbyn reposant sur un politique favorable aux travailleurs et l’autre fermement attaché à la logique d’austérité et au programme néolibéral. Les blairistes se sont explicitement inspirés des Démocrates aux Etats-Unis. Les socialistes anticapitalistes aujourd’hui regroupés dans Socialist Alternative en Grande Bretagne ont toujours défendu que Corbyn devait mener la lutte contre l’aile droite du parti. Par exemple, la direction du parti aurait pu réintroduire le principe de « re-sélection obligatoire » grâce auquel les membres du parti d’une circonscription donnée choisissent eux-mêmes le candidat qui les représente pour la prochaine élection. Cela aurait permis aux membres qui soutenaient largement Corbyn de commencer à éliminer les représentants de la droite du parti et repousser cette dernière.

    La direction du parti aurait également pu clairement faire valoir qu’il n’était plus acceptable d’être un élu local du Parti travailliste et de voter en faveur des réductions budgétaires des services publics. Ceux qui refusaient cette revendication de base n’auraient plus pu être candidats travaillistes.

    Une telle approche aurait dû être liée à une campagne de mobilisation des membres pour des manifestations de masse, au côté des syndicats, contre les attaques visant la classe des travailleurs, en défense du service national de soins de santé NHS notamment. Malheureusement, Corbyn et ses alliés au sein du parti, comme John McDonnell et le groupe Momentum, ont cherché à maintes reprises à faire des compromis avec la droite du parti. Il y eut une exception, en 2017, quand Corbyn a défendu un programme audacieux et organisé des rassemblements de masse dans tout le pays pour mobiliser son soutien. Cela avait particulièrement électrisé la jeunesse. Mais cela n’a pas été suivi d’une mobilisation suivie au cours des deux dernières années.

    Un message confus

    Le Brexit a constitué un exemple clair de la façon dont Corbyn n’a pas réussi à établir une distinction entre la droite et lui. La question du Brexit a dominé les élections générales britanniques. Johnson avait un message simple : « appliquer le Brexit ». Cela a évidemment plu à de nombreuses personnes qui en ont absolument marre du débat de plus en plus toxique qui a consumé la société britannique depuis le vote de départ de l’Union européenne en 2016, et qui sont profondément frustrées par les tentatives de l’establishment de nier le résultat plutôt que de le mettre en œuvre.

    Dans les médias libéraux et parmi une grande partie de la gauche, le Brexit est présenté comme un vote raciste et anti-immigrant. Les partisans du Brexit parmi la classe ouvrière, en particulier dans les anciennes villes industrielles du nord de l’Angleterre, sont considérés comme faisant partie de la même couche prétendument irrécupérable et arriérée qui a soutenu Trump. Mais il arrive parfois que les médias disent la vérité sur quelque chose d’important et, dans un article sur le commerce mondial, le New York Times a fait le commentaire suivant « En Grande-Bretagne, les communautés en difficulté ont utilisé le référendum de juin 2016 (…) comme un vote de protestation contre les banquiers de Londres qui avaient provoqué une crise financière catastrophique, et qui ont ensuite forcé les gens ordinaires à absorber le choc au travers d’une austérité fiscale déchirante. »

    La position historique de Corbyn, qui remonte aux années 1970, était de s’opposer à l’entrée de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne, non pas pour des raisons nationalistes, mais parce que c’était un « club de patrons ». Cette caractérisation, à notre avis, était et reste correcte. L’UE est un ensemble de structures hautement antidémocratiques qui, à chaque étape, a cherché à s’opposer aux intérêts des travailleurs. Dans le sillage de l’effondrement économique de 2008, la Commission européenne, de concert avec la Banque centrale européenne et le FMI (la « troïka »), a imposé une austérité sauvage au peuple grec et à d’autres en les obligeant à rembourser des prêts aux banques françaises et allemandes.

    Malheureusement, lors du référendum sur le Brexit et depuis lors, Corbyn n’a pas défendu de position claire face à l’UE. Il aurait pu appeler à une véritable unité des travailleurs à travers l’Europe, basée sur la solidarité de classe, en faveur d’une fédération socialiste démocratique. Bien que le vote sur le Brexit ne puisse pas être réduit au racisme ou à un sentiment anti-immigrant, l’échec du Parti travailliste à prendre la tête de la lutte pour un « Brexit socialiste » et internationaliste a ouvert la porte à la droite qui lié cette question au nationalisme.

    En vérité, sur base du capitalisme, ni la sortie ni le maintien dans l’UE ne résoudra aucun des problèmes fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs en Angleterre, au Pays de Galles, en Écosse ou en Irlande du Nord. Mais comme le débat sur le Brexit s’est concentré sur des paramètres très étroits, il est devenu de plus en plus démoralisant pour de larges sections de la société.

    Nous reconnaissons pleinement que beaucoup de personnes en Grande-Bretagne ont voté pour contre le Brexit en 2016 pour des raisons très compréhensibles, notamment le désir de maintenir la libre circulation des personnes à travers l’Europe. Il est également vrai que la base travailliste était divisée entre des districts ouvriers plus pro-Brexit dans le nord du pays et une base plus pro-Remain dans les villes. Mais alors que Corbyn a lentement dérivé vers une position plus pro-Remain, il n’a fini par satisfaire personne. Comme l’ont expliqué nos camarades Socialist Alternative en Angleterre et au Pays de Galles dans leur récente déclaration : « Pour remporter cette élection, Corbyn devait unir les électeurs favorables ou non au Brexit sur base d’une approche d’indépendance de classe sur cette question – ainsi que sur toutes les autres. L’échec de cette démarche a ouvert la porte au populisme de droite pour combler le vide ».

    Détourner le débat

    Corbyn a cherché à éloigner le débat des élections générales du Brexit et pour le concentrer sur les attaques massives qui ont été portées sur les travailleurs au cours de ces vingt dernières années. Il a souligné l’offensive continue des conservateurs contre les soins de santé et a révélé les discussions de Johnson avec l’administration Trump au sujet de l’ouverture du système national de soins de santé NHS à une privatisation plus poussée dans le cadre d’un futur accord commercial post-Brexit. Corbyn a revendiqué que les services publics et les chemins de fer redeviennent propriétés de l’État.

    Rien ne prouve que sa plate-forme était « trop radicale » pour la plupart des travailleurs ou des jeunes. En fait, il gagnait même du soutien dans les derniers jours de la campagne. En 2017, Corbyn a adopté essentiellement la même approche et a remporté 40 % du vote populaire, la plus grande augmentation jamais enregistrée par les travaillistes. Et même dans cette élection, alors que la part du vote des travaillistes est tombée à 32 %, c’était encore mieux que ses prédécesseurs néo-libéraux Ed Miliband en 2015 ou Gordon Brown en 2010.

    Encore une fois, le vrai problème n’était pas la plate-forme de Corbyn, mais l’incapacité à se battre pour elle de façon constante au cours des quatre dernières années, ce qui aurait signifié la création d’un mouvement de masse entre les élections et l’adoption d’une ligne beaucoup plus ferme contre la droite travailliste, y compris les conseillers municipaux qui votaient pour des réductions budgétaires et les députés qui cherchaient de la façon la plus scandaleuse à miner Corbyn.

    Prendre les mesures nécessaires contre les saboteurs de droite du parti aurait peut-être pu affaiblir temporairement le Parti travailliste en termes parlementaires si les blairistes avaient démissionné en masse, mais cela aurait donné au parti une base politique beaucoup plus solide en montrant qu’il était prêt à se battre jusqu’au bout pour les intérêts des travailleurs.

    Construire une gauche forte aux États-Unis

    Les principales leçons que nous devons tirer de la défaite de Corbyn concernent la manière dont nous construisons une force politique pour faire échouer le programme de la droite et obtenir un changement décisif pour les travailleurs. La tendance dominante de la gauche américaine ces dernières années a été de s’engager avec le Parti démocrate pour le pousser vers la gauche ou, comme le dit Sanders, le transformer en un « parti de travailleurs ». Il est compréhensible que beaucoup de gens aient considéré que c’était la voie la plus simple pour construire la gauche plutôt que de créer un nouveau parti. Cette opinion a d’ailleurs été renforcée par des victoires comme celles d’Alexandria Ocasio Cortez.

    Mais il est également très clair qu’à chaque tournant, la nouvelle gauche rencontre une résistance féroce de la part de l’establishment capitaliste du Parti démocrate. Il suffit de voir les attaques portées contre la « Squad », les quatre femmes de couleur progressistes élues à la Chambre des représentants au début de l’année dernière. La direction du Parti démocrate, faisant écho à Trump, s’en est prise à Ilhan Omar en particulier pour son prétendu « antisémitisme ». A leur crédit, Omar, AOC, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley ont repoussé les attaques de Trump et Pelosi. Omar, AOC et Tlaib ont ensuite soutenu Sanders, ce qui n’est certainement pas bon pour leur CV au sein du caucus démocrate à la Chambre des représentants.

    Pour prendre un exemple différent, il ne fait aucun doute que la participation aux primaires démocrates a donné à Bernie Sanders une très large audience en 2016, mais cela signifie aussi qu’il a accepté le résultat d’un processus truqué et hautement antidémocratique. Il a ensuite accepté la défaite et a soutenu Hillary Clinton au lieu de continuer à se présenter jusqu’en novembre comme candidat indépendant. Si Sanders était resté dans la course, il aurait pu utiliser la campagne pour jeter les bases d’une nouvelle force politique qui aurait pu se battre aux côtés des travailleurs, des immigrés et des jeunes au cours des trois dernières années contre Trump et l’agenda de la droite. Des candidats encore plus progressistes et socialistes auraient pu être élus au niveau local et national, et sur une base politique plus claire.

    Que faudrait-il vraiment pour que les démocrates deviennent le parti dont nous avons besoin ? Comme nous l’avons toujours soutenu, il faudrait qu’ils cessent de prendre l’argent des entreprises, qu’ils adoptent un programme favorable à la classe ouvrière et qu’ils exigent que leurs représentants l’appuient, et qu’ils créent de véritables structures démocratiques permettant à la base du parti de contrôler sa direction.

    Pelosi, Schumer et tous leurs homologues au niveau de l’État et au niveau local quitteront le parti plutôt que d’accepter cela, tout comme les blairistes menacent de le faire en Grande-Bretagne. La différence est que si Corbyn et la gauche au sein du Parti travailliste disposent de mécanismes qui pourraient être utilisés pour faire avancer les questions jusqu’à leur conclusion, de tels moyens sont largement absents au sein du Parti démocrate.

    Battre la droite en 2020

    Nous sommes maintenant confrontés au défi crucial de la course de 2020. Comment surmonter les attaques acharnées si Sanders s’approche de remporter l’investiture ?

    Nous devons mobiliser les forces les plus larges possibles pour aller jusqu’à la victoire. Sanders a demandé un million de volontaires, ce qui est tout à fait possible d’obtenir. Mais nous devons aller plus loin et transformer sa campagne en une organisation de masse avec des structures démocratiques de base, ce qui permettrait d’électrifier sa base et de lui donner confiance que cette campagne est vraiment le début d’une « révolution politique ». Cela pourrait commencer par des réunions d’organisation de masse à travers le pays pour discuter de la façon de gagner l’assurance-maladie pour tous, un New Deal vert et le contrôle universel des loyers.

    Que se passera-t-il si Sanders surmonte tous les obstacles antidémocratiques et remporte l’investiture ? Que se passe-t-il si Sanders devient président ? Les attaques féroces contre Corbyn seraient bien pâles en comparaison de la résistance que la classe dirigeante de ce pays et les politiciens capitalistes des deux partis opposeraient à Sanders s’il tentait de mettre en œuvre son programme. Sanders a déclaré qu’en tant que président, il sera « l’organisateur en chef » de la résistance sociale, qu’il mobilisera les travailleurs dans tous les domaines où les politiciens récalcitrants refusent de faire ce qui est dans l’intérêt de leurs électeurs. C’est tout à fait exact, mais bâtir cette force qui peut maintenir les politiciens sous pression signifie aussi avoir une menace crédible pour les remplacer, c’est-à-dire un nouveau parti.

    Certains partisans de Sanders ont cherché à minimiser la comparaison entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en réponse au récit de l’establishment capitaliste sur la défaite de Corbyn. Sans aucun doute, il n’y a pas d’équivalent direct avec le Brexit comme enjeu. Cependant, le résultat des élections britanniques nous aide à comprendre les obstacles qui se dressent devant nous afin de ne pas les sous-estimer ou les surestimer.

    Nous ne devons pas non plus conclure que tout est perdu pour la gauche britannique. Boris Johnson a mené une campagne populiste, mais avec une base peu solide. Il a promis de mettre fin à l’austérité. C’est un mensonge. Une résistance de masse peut se développer rapidement comme ici en 2017. Corbyn ne devrait pas se retirer mais continuer à lutter contre la droite dans son propre parti, se lier aux travailleurs, comme les infirmières en Irlande du Nord qui ont fait grève pour défendre le NHS et les jeunes qui luttent contre le changement climatique. Avec une approche audacieuse et déterminée, ce régime réactionnaire peut être rapidement mis sur la défensive. Cela peut contribuer à inspirer le type de lutte dont nous avons besoin ici aux États-Unis.

  • Royaume Uni. Le manifeste électoral du Labour met la barre à gauche

    Luttons contre les conservateurs et pour une alternative socialiste !

    Jeremy Corbyn a lancé cette semaine le manifeste électoral du parti travailliste à l’université de Birmingham. Dans son discours, il est revenu sur les 9 dernières années d’austérité. Commentant les promesses contenues dans ce manifeste, il a expliqué qu’elles seraient immanquablement considérées comme ‘‘impossibles’’ par les élites dirigeantes car elles refusent tout changement d’un ‘‘système truqué en leur faveur’’. Il a encore souligné qu’un tiers des milliardaires du pays ont fait des donations électorales au Parti conservateur, ce qui contraste avec le Parti travailliste qui est maintenant ‘‘de votre côté’’.

    Par Paul Callanan, Socialist Alternative (Angleterre et Pays de Galles)

    Ce manifeste est effectivement radical au regard des dix dernières années d’austérité et des trois dernières décennies de politiques néolibérales appliquées tant par les travaillistes que par les conservateurs. Ce programme représente une rupture avec l’orthodoxie selon laquelle il n’existe pas d’alternative au marché libre et sans entraves.

    Il est également vrai de dire qu’il est rempli de ‘‘politiques populaires’’. Les sondages ont démontré à maintes reprises que des mesures telles que la renationalisation des chemins de fer, de la poste et des services publics ; la fin des coupes budgétaires ; l’arrêt de la privatisation du service national de soins de santé NHS et la suppression des frais de scolarité représentent des atouts gagnants.

    La promesse de créer un million d’emplois verts se lie naturellement à la colère et à la volonté dont les jeunes ont fait preuve lors des récentes grèves pour le climat. Il est également bienvenu que le plan travailliste pour une économie zéro carbone comprenne un volet de ‘‘transition juste’’ pour que les travailleurs des secteurs du gaz et du pétrole se voient offrir d’autres emplois, afin que leurs compétences soient mises à profit.

    La mesure qui a récemment fait la une des journaux, celle de nationaliser le service Openreach de BT et de fournir gratuitement le haut débit à tous les foyers et entreprises du Royaume-Uni, est un autre indicateur de la pensée radicale exprimée dans ce manifeste.

    Toutefois, le discours de Jeremy Corbyn a également permis de mettre en lumière certaines lacunes dans l’approche du dirigeant travailliste.

    Corbyn a raison de souligner que ‘‘Johnson veut détourner le Brexit pour déchaîner un thatchérisme sous stéroïdes’’ et que les discussions commerciales avec les États-Unis ouvrent le service national de soins de santé aux entreprises américaines. Sa propre position à ce sujet s’est une fois de plus révélée confuse, car il ne précise pas quel type de Brexit il essaiera de mettre en œuvre et s’est limité à dire qu’il fallait ‘‘retirer le Brexit des mains des politiques’’.

    Corbyn a parlé d’un ‘‘blitz d’investissements’’ pour financer des projets d’infrastructure. Le manifeste réaffirme la politique de création d’une Banque nationale d’investissement pour financer ce projet et les services publics. Toutefois, comme nous Socialist Alternative l’a précédemment souligné, cela ne permettra pas d’atteindre le niveau d’investissement requis.

    La plus grande lacune du manifeste est l’absence de promesse de nationalisation des grandes banques. Cette mesure n’est pas seulement vitale pour le financement des projets du parti travailliste. Corbyn a très justement abordé l’hostilité que ce manifeste suscitera à droite et parmi les puissants, mais cette hostilité ne prendra pas seulement la forme de mots.

    Tous les outils à leur disposition seront utilisés pour empêcher la mise en œuvre de politiques radicales de lutte contre l’austérité. Les banques joueront un rôle clé à cet égard. Un gouvernement travailliste devra empêcher que son programme ne soit saboté, par exemple par des grèves d’investissement de la part des riches, ou par la fuite des capitaux détenus par ces banques. Faire face à cette menace exige de nationaliser les banques sous le contrôle démocratique des travailleurs afin d’instaure ainsi un contrôle des capitaux pour éviter que cet argent ne disparaisse.

    Il ne suffit pas non plus de dire que seuls les services d’approvisionnement des ‘‘six grands’’ groupes énergétiques seront nationalisés. Les entreprises privées conserveraient ainsi le contrôle d’une grande partie du secteur de l’énergie. Il est nécessaire de nationaliser purement et simplement ces entreprises et leurs actifs.

    Nous appelons à la nationalisation des 100 premiers monopoles qui contrôlent 80% de l’économie du pays. Laissés aux mains du secteur privé, beaucoup d’entre eux délocaliseront pour éviter toute hausse d’impôts et de salaire dans le cas où le Labour arriverait au pouvoir. Prises en charge par l’État, ces entreprises offriraient des emplois avec de bons salaires et de bonnes conditions de travail. Les richesses et ressources technologiques et autres de ces entreprises pourraient permettre de démocratiquement planifier notre économie afin de satisfaire les besoins et désirs de la société dans son ensemble.

    Dans son discours, Corbyn a affirmé qu’il ‘‘suffit de voter’’. Ce n’est pas le cas. Aux dernières élections générales, le Labour a largement dépassé les attentes en mobilisant grâce à une campagne de masse faite de meetings et de moments de tractage. Il faut reproduire cette dynamique.

    D’autre part, comme l’illustrent les grèves à l’entreprise de courrier Royal Mail, dans l’enseignement ou encore parmi le personnel d’entretien à bas salaires qui fait grève pour les 15 £, il nous faudra nous battre pour faire une réalité du programme de Corbyn. Les grèves pour le climat ont frappé les esprits cette année en Grande-Bretagne et dans le monde entier. De pareilles mobilisations de masse seront également nécessaires une fois les élections passée, que Corbyn l’emporte ou non, contre le sabotage de la classe dirigeante dans la première option, contre un gouvernement conservateur austéritaire dans l’autre.

    Nous devons nous mobiliser dès maintenant pour expulser les Conservateurs du gouvernement le 12 décembre. Le manifeste du Parti travailliste a le potentiel de susciter l’enthousiasme et d’inciter les gens à se battre dans la rue et sur leurs lieux de travail. Mais ce mouvement a besoin d’être armé d’un programme socialiste audacieux pour affronter les patrons après les élections.

  • Elections britanniques : Combattre pour un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn !

    Construire un mouvement de masse pour gagner et s’organiser pour lutter pour le socialisme

    L’élection générale de décembre pourrait marquer un tournant historique. C’est l’occasion de construire un mouvement de masse pour exiger une société au bénéfices de millions de personnes. C’est l’occasion de virer les conservateurs et de mettre Jeremy Corbyn au numéro 10 (le 10 Downing Street est la résidence officielle et le lieu de travail du Premier ministre, NdT).

    Déclaration de Socialist Alternative, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (Majoritaire) en Angleterre et au Pays de Galles.

    Corbyn peut remporter cette élection. Pour ce faire, il doit s’adresser directement à la classe des travailleurs et aux jeunes avec un programme clair qui peut changer leurs vies. Lorsque Corbyn a lancé sa campagne électorale, il a lancé un appel frappant en faveur d’un “véritable changement”. Le vrai changement dont nous avons besoin, c’est un changement socialiste.

    L’austérité doit cesser. Dix ans de brutalité conservatrice nous ont poussés vers la banque alimentaire britannique. Près de quatre millions d’enfants vivent dans la pauvreté. Les travailleurs ont enduré une décennie de restrictions salariales. Les jeunes sont surendettés et confrontés à la crise du logement. Le fléau de la mauvaise santé mentale frappe chaque génération, le symptôme d’une société malade.

    Pendant ce temps, le système national de soins de santé (NHS) est vendu – petit à petit – au plus offrant. Et la dégradation du climat menace l’avenir même de notre planète.

    Pourtant, notre société est inondée de richesses. Des richesses qui sont concentrées dans les mains d’une élite richissime et minuscule. Ce sont ces quelques riches – la classe capitaliste – qui possèdent et contrôlent les énormes monopoles qui dominent notre économie, et par extension la vie de millions de personnes. Ils paient à peine leurs impôts. Ils polluent la terre. Et maintenant, ils veulent privatiser nos services publics.

    Leur classe est actuellement bien représentée au Parlement. Leurs défenseurs n’occupent pas seulement les bancs conservateurs. Beaucoup de leurs représentants les plus fiables figurent parmi les libéraux-démocrates. Et d’autres encore s’assoient derrière Corbyn sur les bancs du Parti travailliste, en travaillant patiemment et avec persévérance pour ébranler ce dernier, l’étouffer, et finalement lui faire quitter de force la direction du parti.

    Cette élection est l’occasion de porter un coup magistral à la classe capitaliste qui bénéficie de cette économie truquée. Le pouvoir des capitalistes doit être remis en question. C’est leur système – le capitalisme – qui endommage la terre, fait baisser les salaires, génère et perpétue les oppressions racistes, genrées, sexuelles et autres.

    Faire dégager Boris

    Boris Johnson – le multimillionnaire éduqué à Eton – veut nous faire croire qu’il est un personnage anti-establishment. Il prétend représenter le peuple dans un conflit qui oppose le “peuple au parlement”. Mais que peut bien savoir ce conservateur de ce qu’est la vie dans l’austérité ?

    Le meilleur antidote à ces mensonges n’est pas la défense d’un parlement rempli de politiciens privilégiés et pro-capitalistes. Au lieu de cela, Corbyn doit faire de cette élection une élection qui oppose “le peuple au 0,1% “. Il doit mobiliser la classe des travailleurs, avec les jeunes, pour lutter pour une alternative à l’austérité et à la misère.

    Pour cela, Corbyn doit défendre un programme capable d’unir les travailleurs de part et d’autre de la ligne de démarcation du Brexit. Les mois de querelles parlementaires et de jeu autour du Brexit ont à juste titre repoussé les gens ordinaires. La plupart d’entre eux comprennent instinctivement qu’il s’agit essentiellement d’une dispute entre deux ailes d’une élite privilégiée pour savoir quels accords commerciaux seront les plus favorables aux grandes entreprises.

    La voix des travailleurs a été notablement absente. Mais Corbyn a la possibilité de changer cela. Il doit affirmer avec audace que cette élection n’est pas un autre référendum Brexit : il devrait s’agir d’un référendum sur l’austérité, sur la décennie de règne cruel et désastreux des conservateurs. Il doit lier son programme de lutte contre l’austérité à une approche pro-ouvrière, internationaliste et fermement antiraciste de la question du départ de l’UE.

    Les lignes rouges européennes

    Il devrait être clair qu’un gouvernement travailliste établirait de nouvelles lignes rouges concernant la réouverture des négociations avec l’UE pour défendre les intérêts des travailleurs. Qu’il refuserait d’accepter la myriade de traités néolibéraux anti-travailleurs actuellement institutionnalisés par l’UE. Ces traités sont utilisés pour miner les droits des travailleurs et générer une infernale course vers le bas. Nous pensons notamment à la directive sur le détachement des travailleurs, aux restrictions des aides d’État et aux lois sur la concurrence qui constituent des obstacles – qu’un gouvernement des travailleurs devrait affronter – à la renationalisation des services publics privatisés.

    De plus, Corbyn devrait adopter une position internationaliste. Cette position doit rejeter l’ignoble cruauté qui conduit des travailleurs migrants à périr à l’arrière des camions. La véritable alternative à l’actuel club des patrons de l’UE n’est pas un fantasme autour de la petite Angleterre. C’est une Europe pour les travailleurs – une Europe socialiste. Nous vivons sur un continent qui a passé la dernière décennie à connaître des protestations de masse et à lutter contre l’austérité. Un gouvernement britannique mettant en œuvre un programme de lutte contre l’austérité, appelant les masses européennes à le soutenir, pourrait être le catalyseur d’une révolte et d’un soulèvement qui pourrait déferler sur le continent.

    Donc Corbyn a du travail. Mais cette élection ne doit pas porter uniquement sur lui en tant qu’individu. Car quel que soit le résultat du 12 décembre, nous savons que le combat ne sera pas terminé à ce moment-là. Si Corbyn gagne, il sera immédiatement confronté à la colère d’une classe capitaliste désireuse de protéger ses profits et de défendre ses privilèges. Et si Corbyn ne compte que sur le Parlement pour le défendre contre de telles forces, il se trouvera particulièrement vulnérable.

    Mobiliser les travailleurs

    L’histoire ne s’écrit pas seulement dans les couloirs du parlement. Les travailleurs ont un énorme pouvoir potentiel. Après tout, ce sont les travailleurs qui transforment les ressources du monde en biens à utiliser, qui distribuent ces biens à travers la planète, qui fournissent tous les services qui permettent à la société de fonctionner. Si nous agissons collectivement, nous avons le pouvoir d’être acteurs de l’histoire – d’être les agents du changement.

    Nous devons utiliser ces élections pour construire un mouvement qui peut durer plus longtemps que cette campagne. 2017 a donné un aperçu de ce qui est possible. Nous avons besoin de rassemblements de masse dans toutes les villes du pays. Des projections de masse devraient également être organisées.

    Il est extrêmement positif que les travailleurs de Royal Mail, des universités et de toute une série de conflits locaux importants puissent être en grève pendant cette campagne. Il est essentiel qu’aucune tentative ne soit faite pour retenir ces actions. En fait, les syndicats devraient être au cœur de la construction de ce mouvement. Ces conflits pourraient être au centre des préoccupations pendant la campagne, ce qui renforcerait la confiance des travailleurs de toute la Grande-Bretagne et mettrait en lumière des revendications importantes. Il est particulièrement positif qu’au moment où les postiers sont confrontés à un patron brutal, Corbyn s’est engagé à renationaliser la poste, ainsi que le rail et l’eau, en ouvrant sa campagne électorale.

    En fin de compte, nous devons construire un mouvement de masse qui peut pousser Corbyn à aller plus loin que ses esquisses positives de programme actuelles. L’histoire nous avertit que la classe capitaliste ne reculera devant rien pour protéger sa richesse et son pouvoir. Le sabotage économique – menaces de délocalisations, fuite des capitaux, etc. – sera sa réponse face à un plan de renationalisation à large échelle.

    Se préparer au sabotage

    Corbyn devrait prendre des mesures pour protéger la classe ouvrière contre cela. Pour cela, il faudrait être prêt à prendre des mesures qui vont au-delà des contraintes capitalistes. Cela signifie de nationaliser les banques pour prendre le contrôle des flux de capitaux. Cela signifie d’être prêt à défier le pouvoir le plus important que possède la classe capitaliste – son contrôle de l’économie. Pour ce faire, il faut aller au-delà de la renationalisation de quelques services privatisés et prendre collectivement en main, sous le contrôle et la gestion démocratiques de la classe ouvrière, les grands monopoles qui dominent actuellement notre économie. L’indemnisation ne peut être versée aux actionnaires qu’en fonction de besoins prouvés.

    En fin de compte, tout cela nécessiterait que Corbyn s’appuie sur le pouvoir et l’autorité non pas du parlement, mais d’une classe ouvrière organisée, mobilisée et consciente, participant démocratiquement à l’orientation de l’avenir et capable de contrôler sa propre destinée.

    Sur cette base, il serait possible de transformer complètement la vie de millions de personnes. Cela nous donnerait la possibilité de planifier démocratiquement une économie qui aurait comme priorité non pas les profits de quelques-uns, mais les besoins et les désirs de la majorité. Ce serait une société qui aurait le potentiel d’agir comme un phare pour l’Europe et le monde.

    Dans son discours d’ouverture de campagne, Corbyn a souligné la nécessité d’une révolution industrielle verte. La crise à laquelle notre planète est confrontée signifie que nous n’avons pas de temps à perdre. Corbyn doit tenir compte du slogan qui est devenu synonyme des grèves climatique de masse dans les écoles : nous avons besoin d’un changement de système. Cela signifie que nous devons mettre fin à ce système capitaliste désastreux qui repose fondamentalement sur l’exploitation des gens et de la planète pour le remplacer par une société socialiste au bénéfice de millions de personnes.

    Socialist Alternative participera à cette campagne électorale pour assister la lutte en faveur d’un gouvernement dirigé par Corbyn. Mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Nous nous organiserons pour aider à construire un mouvement capable de lutter pour la transformation socialiste dont notre société a désespérément besoin. Ce mouvement devra se poursuivre au-delà du 12 décembre, qu’importe qui occupe alors Downing Street. Nous espérons que vous vous joindrez à nous.

    • Les conservateurs dehors ! Pour un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn qui mette fin à l’austérité !
    • Construisons un mouvement de masse – Corbyn doit mobiliser la classe ouvrière pour qu’elle se batte afin d’expulser Johnson et de se préparer à la suite.
    • Que les syndicats soient au cœur de la campagne ! Solidarité avec les travailleurs en grève de Royal Mail, des universités et des conflits locaux.
    • Pas de concessions aux politiciens pro-capitalistes – Corbyn doit rester ferme et défendre des politiques socialistes !
    • Pour l’union des travailleurs au-delà du Brexit – Remain et Leave – avec une approche pro-ouvrière et internationaliste de la question du Brexit !
    • Luttons contre la crise climatique! Nous avons besoin d’un changement de système.
    • Organisons nous pour lutter pour le socialisme et en finir avec la richesse des capitalistes en nationalisant les grands monopoles qui dominent notre économie !
  • 8 députés de droite quittent le Parti travailliste. Que les autres dégagent aussi !

    Le parti conservateur est en crise et le gouvernement menace de s’effondrer. C’est pourtant à ce moment précis que huit députés ont choisi de quitter le Parti travailliste pour constituer leur propre ‘‘groupe indépendant’’.

    Version raccourcie d’un édito de l’hebdomadaire ‘The Socialist’

    Cette ‘‘bande des Huit’’ a choisi de commettre cet acte de sabotage en prévision d’une éventuelle élection générale, qui pourrait survenir au cours de ces prochains mois, surtout si l’impasse parlementaire sur le Brexit continue et si une action syndicale de masse est organisée pour faire chuter les Conservateurs.

    Depuis l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste, une guerre civile fait rage entre l’aile gauche et l’aile droite. Cette dernière reste dominante au parlement, dans les conseils municipaux et dans la machine bureaucratique du parti. Des députés travaillistes de droite ont témoigné de leur répugnante sympathie envers les huit députés qui ont quitté le parti, mais il est scandaleux que certains dirigeants syndicaux se soient également fait l’écho de ces sentiments.

    La droite du parti ne mérite aucune confiance !

    Des membres de la section travailliste de Wavertree, d’où provient une députée de la bande des Huit, avaient précédemment cherché à obtenir un vote de défiance à son égard. Mais ils ont été soumis à diverses pressions pour retirer leur motion au nom de ‘‘l’unité’’. La direction du parti autour de Jeremy Corbyn continue hélas de chercher à conclure des compromis avec la droite du parti. C’est ce qui a permis à cette 5e colonne nostalgique de Tony Blair de continuer à saper sa position.

    Cette scission ne représente qu’une petite partie de l’aile pro-austérité du Parti travailliste. Elle comprend des personnalités relativement importantes mais le fait que la majorité des députés pro-austérité soient restés au parti travailliste est certainement une stratégie calculée. Jusqu’à présent, cette ‘‘scission’’ n’est visible qu’au niveau parlementaire. Aucun nouveau parti n’a été lancé. Cela pourrait être le cas plus tard.

    Il est probable que l’on espère que cette scission pourra contribuer à empêcher l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement dirigé par Corbyn. Cela pourrait ainsi remplir un rôle similaire à celui la scission du Parti social-démocrate en 1981. Mais compte tenu de la colère générale dans la société et de la crise profonde à laquelle le Parti conservateur est confronté, il est loin d’être certain que cette initiative sera couronnée de succès.

    Du point de vue de la classe capitaliste, il est logique que la majorité de ses représentants au sein du parti travailliste y restent pour l’instant. Ces députés de droite pourraient être utilisés efficacement pour saboter un gouvernement dirigé par Corbyn s’il était élu et tentait de mettre en œuvre une vraie politique de gauche. Une sortie massive des députés de droite peut être gardée en réserve et utilisée à l’avenir pour précipiter la chute d’un gouvernement dirigé par Corbyn.

    Le secrétaire général du syndicat Unite, Len McLuskey, demande à juste titre que des élections partielles soient déclenchées dans les circonscriptions que représentent ces anciens députés travaillistes. Si des combattants de la classe des travailleurs étaient choisis comme candidats travaillistes à leur place, cela pourrait constituer un excellent premier test pour apprécier le soutien réel qui existe dans la société pour un agenda réellement de gauche.

    L’incapacité de Corbyn d’articuler une approche socialiste de la question du Brexit de manière claire et cohérente permet à d’autres forces d’obtenir un certain soutien en jouant sur la confusion et la division qui existent au sein de la classe des travailleurs sur cette question. Cela souligne l’importance pour Corbyn d’adopter une approche socialiste claire de la question, en faisant valoir qu’un gouvernement dirigé par lui se battrait pour rouvrir les négociations sur une base totalement différente.

    Un point de départ pour ce faire serait de définir un programme de protection et d’amélioration des droits des travailleurs, y compris les droits des travailleurs migrants et des réfugiés ; d’abolir toutes les lois et règles antisyndicales comme la directive européenne sur le détachement des travailleurs – que les employeurs peuvent utiliser pour faciliter une ‘‘course vers le bas’’ des salaires et des conditions de travail ; de lutter contre toutes les réglementations européennes qui agissent contre les intérêts des travailleurs, comme celles qui font obstacle aux politiques gouvernementales comme les aides publiques et les nationalisations ; et de définir un nouveau programme pour une collaboration des citoyens européens sur une base socialiste.

    Dans une situation où des emplois sont actuellement menacés, le spectre d’un Brexit sans négociation étant souvent utilisé par les patrons pour justifier les fermetures d’entreprises et les licenciements, Corbyn devrait immédiatement dire ce qu’un gouvernement travailliste ferait pour protéger les emplois : nationaliser les entreprises menacées de fermeture.

    La bande des Huit a exposé plus clairement la nature de la bataille qui fait rage dans le parti travailliste, avec le potentiel qu’il devienne un parti démocratique défendant le socialisme avec une structure fédérative. Le Socialist Party appelle à la tenue d’une conférence du Parti travailliste à laquelle pourraient participer toutes les forces anti-austérité, dont les syndicats et les groupes socialistes.

    Une telle conférence pourrait discuter des tâches urgentes qui attendent notre mouvement. Dans l’immédiat, il s’agit notamment d’organiser une mobilisation de masse pour se battre dans la perspective d’une élection générale et de la révocation des députés de droite pour les remplacer par des candidats socialistes combattifs, et construire la lutte pour transformer une transformation socialiste de la société.

  • Le Corbynisme, trois ans plus tard

    Le gouvernement conservateur ne tient qu’à un fil. Sa politique désastreuse du Brexit menace de l’anéantir et le désespoir et la colère généralisée face à une austérité apparemment sans fin peuvent éclater à tout moment. Il est encore temps, selon PETER TAAFFE, que Jeremy Corbyn agisse de manière décisive dans la « guerre civile » du parti travailliste – pour développer une alternative socialiste à la crise et à la misère capitaliste.

    Article tiré de l’édition de novembre du magazine Socialism Today (édité par la section du CIO en Angleterre et au Pays de Galles)

    Cela fait maintenant trois ans que Jeremy Corbyn a été élu pour la première fois à la tête du Parti travailliste. Il s’agissait d’une révolution politique, de l’intérieur et de l’extérieur, provenant de forces essentiellement neuves qui exigeaient une rupture nette avec les politiques pro-capitalistes du Blairisme.

    Bien sûr, une révolution sociale – qui bouleverse la société de fond en comble – diffère d’une révolution politique au sein d’un même parti, que le mouvement Corbyn pouvait représenter. Cependant, la question du leadership est vitale dans les deux types de bouleversements.

    La révolution russe a prospéré pendant neuf mois en octobre 1917 pour une seule raison : le rôle vital de Lénine et Trotsky dans la direction du parti bolchevique.

    Eux seuls avaient compris le rythme de la révolution à chaque étape, en particulier de la conscience des masses, et l’ont dotée du programme et de la perspective nécessaires pour prendre le pouvoir.

    L’un des facteurs qui ont conduit à la défaite finale de la révolution espagnole de 1931-1937 est que la classe ouvrière n’avait pas de parti et de direction capable de prendre le pouvoir. Le Parti socialiste espagnol (PSOE) avait le potentiel pour devenir un tel parti, mais Largo Caballero, le leader de la gauche, a permis au parti de rester sous le contrôle de la droite dirigée par Indalecio Prieto.

    Les forces de l’ancien régime travailliste, la droite blairiste, ont mené une politique consciente de sabotage digne des révoltes de la réaction féodale vendéenne à la révolution française.

    Il est tout à fait intéressant de jeter un regard rétrospectif sur les trois années de guerre civile inachevées des travaillistes et sur les attaques continues, vindicatives et organisées de la droite travailliste et de ses partisans dans les médias sur ce que Corbyn représente.

    Ed Miliband a perdu les élections générales en mai 2015 et a démissionné. Le mois suivant, on disait que Jeremy Corbyn serait le porte-drapeau de la gauche à l’élection à la direction du parti travailliste et il s’est déclaré dans le journal local d’Islington comme « candidat anti-austérité ».

    En juin, Corbyn est arrivé sur le bulletin de vote avec quelques minutes d’avance. Certains députés de droite pensaient qu’il n’était qu’un « loser » et, par conséquent, qu’il n’y avait aucun risque à lui « prêter leur vote ».

    Nombre d’entre eux, soucieux de préserver leur réputation de « démocrates », avaient regretté d’avoir laissé Gordon Brown courir en toute liberté – accompagné de ses hommes de main – lors de la course à la direction en 2007.

    Ils ont passé les trois dernières années à regretter leur décision d’avoir facilité la victoire de Corbyn ! En septembre, il a été annoncé comme chef élu du Parti travailliste lors d’une conférence spéciale.

    La droite ne s’est toujours pas réconciliée de sa victoire. Depuis lors, les travaillistes ont connu des coups d’État ou des tentatives de coups dignes d’une république d’Amérique centrale !

    En décembre 2015, Hilary Benn s’est exprimé au Parlement en faveur d’une intervention militaire en Syrie. Cette position a été massivement rejetée par les membres du Parti travailliste et la masse de la population qui s’opposaient à toute nouvelle aventure après la catastrophe irakienne.

    Corbyn a refusé (à tort) d’émettre un « whip [i]» de trois lignes avant le débat. Puis, en juin 2016, lors du référendum de l’UE, les électeurs ont voté pour le Brexit.

    Immédiatement après le référendum, Benn a finalement été licencié par Corbyn pour avoir organisé des démissions massives du cabinet fantôme[ii].

    Cela a conduit à une révolte de la droite qui domine toujours le Parti travailliste parlementaire (PLP). Une motion de défiance à l’égard de Corbyn a été proposée par Margaret Hodge et appuyée par 172 députés à 40 ! Quelques jours plus tard, le 9 juillet, le leader adjoint du parti travailliste, Tom Watson, a refusé de rencontrer Len McCluskey, secrétaire général d’Unite, et d’autres dirigeants syndicaux qui se plaignaient de son hostilité et de celle du PLP envers Corbyn.

    Crucially, the main reason Labour registered a partial victory was the launch of the anti-austerity manifesto over the heads of the right, particularly the PLP. At its core was the promise to abolish student fees and bring back grants.

    Trois jours plus tard, le Comité exécutif national du Parti travailliste, les dents serrées – contrôlé comme il l’était encore par la machine Blairiste non reconstruite – a permis à Corbyn de revenir sur le bulletin de vote pour un nouveau défi de leadership.

    Dans une lutte âprement disputée, sur fond de diffamation personnelle et politique de Corbyn, Owen Smith était le porte-drapeau de l’aile droite.

    Il essaya de manière farfelue de se déguiser en gauchiste, voire même en « révolutionnaire aux yeux froids ». Pourtant, Corbyn a été réélu.

    Lors de l’élection générale surprise de juin 2017, bien que les travaillistes n’aient pas gagné, ils ont obtenu leur plus forte augmentation de votes depuis 1945 et éliminé la majorité du gouvernement conservateur.

    La Première ministre Theresa May ne s’est accroché qu’au travers d’un sale accord avec le parti unioniste démocratique d’Irlande du Nord[1][iii] ; ce pacte menace de s’effondrer à tout moment.

    La principale raison pour laquelle le Parti travailliste a eu une victoire partielle a été le lancement du manifeste anti-austérité par-dessus la tête de la droite, en particulier le PLP. La promesse d’abolir les frais de scolarité et de rétablir les bourses d’études était au cœur de ce projet.

    Ce message anti-austérité a électrisé toute une nouvelle génération qui étaient motivée pour soutenir le Parti travailliste de Jeremy Corbyn.

    Cela a confirmé nos arguments de l’époque selon lesquels un appel audacieux en faveur de mesures socialistes radicales trouverait une réponse de masse.

    Si cela avait été combiné avec l’adoption par Corbyn d’une position de principe claire sur l’Écosse – défendre le droit à l’autodétermination du peuple écossais et à un second référendum sur l’indépendance s’il le souhaitait – cela aurait pu sceller une victoire travailliste, soit comme parti le plus important, soit même avec une majorité globale.

    Redémarrage du Labour

    Il en va de même pour la situation interne au sein du parti travailliste, où les vagues radicalisées de nouveaux membres, en particulier, étaient ouvertes à un leadership audacieux.

    Le Parti socialiste[iv] a suggéré que, comme pour le lancement du manifeste, Jeremy Corbyn devrait contourner la machine travailliste de droite.

    Il devrait lancer sa propre constitution qui serait soumise au vote de tous les membres du Parti travailliste avec une resélection obligatoire.

    Dans le même temps, le mouvement travailliste devrait être reconstitué en tant que fédération ouverte de différentes organisations socialistes, y compris le Parti socialiste, tout en conservant les fondements des affiliations syndicales démocratisées.

    Il ne fait aucun doute que cela aurait suscité l’enthousiasme généralisé des membres de gauche, remplissant le mouvement travailliste d’une base active prête à s’organiser contre la droite qui aurait probablement pris cela comme le signal pour déserter le Labour.

    Au lieu de cela, la guerre civile s’est poursuivie et la droite a été autorisée à poursuivre sa campagne de provocation – en fait, d’autres soulèvements contre Corbyn et la gauche – comme l’a montré la campagne antisémite scandaleuse et renouvelée de Hodge et la cabale de droite toujours dominante dans le PLP cette année.

    Malgré les menaces de former un nouveau « parti du centre » avec des déserteurs « libéraux » du parti conservateur et peut-être des libéraux-démocrates, les travaillistes de droite n’ont pas encore fait le premier pas, pour une très bonne raison.

    En cette période de crise organique profonde du capitalisme et de forte polarisation des classes, le milieu favorable qui existait au moment de la formation du SDP [v]au début des années 1980 n’existe pas aujourd’hui.

    Les forces qui ont formé le SDP possédaient trois dirigeants de renommée nationale qui pouvaient rallier un bloc électoral important pendant un certain temps.

    Les « Lib-Dems », cependant, sont maintenant si faibles qu’ils ont dû envisager de faire de la publicité à l’extérieur de leurs rangs pour qu’un leader remplace Vince Cable dévoré par les mites.

    Les vagues de nouveaux adhérents du Parti travailliste, ceux qui pensaient rejoindre un parti socialiste rajeuni, sont devenus frustrés par la timidité politique, le refus d’affronter le sabotage blairiste et par l’hésitation de Jeremy Corbyn.

    C’est particulièrement le cas du leadership de Momentum, représenté par Jon Lansman et ses partisans.

    Souvenez-vous de leur mantra apaisant – « Yes we Khan » – en faveur de Sadiq Khan, le maire de Londres qui a exigé « plus de milliardaires pour Londres » dans sa campagne électorale de 2016 ?

    Lansman a également rejeté et s’est opposé à nos arguments selon lesquels, sans le contrôle de la resélection obligatoire des députés, le corbynisme était comme un couteau sans lame – qu’il serait difficile, voire impossible, de retirer l’ensemble de la droite blairiste par le mécanisme dit du « vote de déclenchement [vi]».

    Cette question a été écartée parce qu’elle n’était pas « pertinente ». Ce faux argument, déguisé en « réalisme » de gauche, a été mis à nu lors de la récente conférence du Parti travailliste avec la clameur des rangs travaillistes pour une resélection obligatoire.

    Cette proposition a été rejetée, certains syndicats de gauche comme Unite jouant un rôle moins que glorieux dans le règlement de la question de la prolongation du vote de déclenchement.

    Cela signifie que la majorité des députés de droite resteront en position, libres de saper Corbyn et de nuire à l’attrait du Parti travailliste en tant que parti socialiste transformé et radical.

    Cela aura de graves conséquences à l’avenir, en particulier si un gouvernement travailliste arrive au pouvoir.

    Les travaillistes de droite sont des agents ouverts du capitalisme, prêts à faire ce dont le système a besoin -s’ils pensent que c’est dans leur intérêt.

    Regardez les accusations pernicieuses, vicieuses et fausses d’antisémitisme portées contre Jeremy Corbyn. Malgré une couverture médiatique extrêmement biaisée, cela n’a toutefois pas empêché la grande majorité des membres du mouvement syndical ou de l’opinion publique de se rallier à son point de vue.

    Certains dirigeants syndicaux – à Unite, par exemple – pensaient sans aucun doute qu’ils agissaient dans le meilleur intérêt de leurs membres qui souhaitent désespérément voir la fin de May et des Conservateurs et les remplacer par un gouvernement Corbyn.

    D’où l’accent mis par les dirigeants syndicaux de gauche sur l’unité – « Soutenons Jeremy et John ». Malheureusement, cela pourrait surtout devenir l’unité de la fin.

    La tendance « au coup de poignard dans le dos »

    L’expression « église large » [vii] n’est utilisée par la droite travailliste que lorsqu’elle est minoritaire et de plus en plus rejetée par la base.

    Il n’y avait pas d’église aussi large quand la droite était dans l’ascendant. Au contraire, les chasses aux sorcières et les exclusions étaient à l’ordre du jour lorsque le parti était dirigé par le baron -aujourd’hui totalement discrédité- Neil Kinnock, suivi de John Smith, puis du criminel de guerre Tony Blair, qui a entrepris de détruire la clause IV – les aspirations historiques socialistes du mouvement syndical.

    Blair a poursuivi une politique de terre brûlée contre les droits des membres du Parti travailliste et la démocratie interne.

    Cependant, les bourgeois se préparent aussi politiquement à toutes les éventualités, y compris un gouvernement Corbyn et comment « gérer » cela.

    Le Evening Standard – édité par George Osborne, architecte de l’austérité en chef – a félicité Tom Watson pour avoir agi dans « l’intérêt national » en restant dans le mouvement travailliste.

    Watson est considéré comme un frein géant à toute « dérive à gauche » sous un gouvernement travailliste ! Il est douteux qu’il possède le poids politique nécessaire pour remplir cette tâche, mais il n’y a aucun pouvoir au sein du PLP prêt à jouer le rôle d’une cinquième colonne conservatrice.

    Theresa May a courtisé environ 31 députés travaillistes pour appuyer le gouvernement au sujet d’un éventuel accord du Brexit.

    S’ils trahissent ainsi le Labour, il y aura des pressions massives pour qu’ils soient retirés des rangs même du parti travailliste.

    Mais le fait qu’une telle spéculation puisse même apparaître -la trahison des députés travaillistes de droite- est en soi un avertissement pour l’avenir.

    Par conséquent, la décision de la conférence du Labour de ne pas introduire de système de contrôle effectif du PLP pourrait avoir des conséquences désastreuses pour le parti et la classe ouvrière à l’avenir.

    L’écrasante majorité des députés travaillistes ont déjà démontré qu’ils sont en fait la tendance « à poignarder dans le dos ».

    Ils ont qualifié d’antisémite le Parti travailliste et consciemment donné aux conservateurs et aux médias le bâton pour se faire battre ; et ont même soutenu l’affirmation de la députée blairiste Chuka Umunna selon laquelle le Labour est « institutionnellement raciste ».

    Malheureusement, les forces de gauche rassemblées derrière Corbyn n’ont pas fait preuve d’une réelle détermination. Momentum s’est rendu coupable d’avoir pris ses désirs pour des réalités.

    Les syndicats devraient réexaminer la question de la resélection obligatoire. La gauche devrait diriger l’appel à une conférence d’urgence d’une journée pour envisager son introduction immédiate.

    Programme économique

    Sur le plan programmatique, John McDonnell a fait de son mieux pour rassurer les capitalistes, tout comme Jeremy Corbyn, que les travaillistes ne menaceront pas leurs intérêts vitaux au gouvernement.

    Lors de la conférence du Parti travailliste, McDonnell a exposé les grandes lignes d’un programme qui, selon lui, ferait des travailleurs des  « copropriétaires » de leur entreprise, qui bénéficieraient finalement d’une « propriété partagée » par le versement de dividendes plafonnés à 500 livres par an.

    Les excédents iraient dans les coffres de l’État. Will Hutton de la Fondation Resolution, un fervent partisan du capitalisme « éclairé » et un opposant virulent au socialisme, a salué cette décision comme une étape bienvenue vers son concept d’un capitalisme « réformé ».

    Ce n’est pas une idée nouvelle, mais une idée qui a été testée par les grands et sincères prédécesseurs de Karl Marx, tels que Robert Owen.

    Elle représentait une tentative utopique de « changer la société dans le dos de la société ». Même là où elle a été mise en œuvre avec succès pendant un certain temps – par exemple, avec la reprise d’industries défaillantes – elle se heurte inévitablement aux barrières impénétrables du capitalisme et aux lois du marché et sa soif insatiable de profit.

    Au mieux, elle représente des îlots de socialisme dans un océan de capitalisme. Cependant, si elle ne s’étend pas rapidement pour s’emparer des hautes sphères de l’économie, des quelque 100 monopoles qui contrôlent la grande majorité de l’industrie britannique, elle sera vouée à l’échec.

    A cela s’ajoute la crainte des patrons qu’une fois qu’une ou plusieurs industries seront reprises par l’Etat, l’appétit augmentera en mangeant.

    Ce serait particulièrement le cas dans le contexte d’une situation économique qui se dégrade et dont l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Corbyn offre toutes les perspectives.

    S’il y avait des fermetures massives d’usines et de lieux de travail à la suite d’une nouvelle crise économique ou d’une crise encore plus grave qu’en 2007-08 – qui a mis au moins 20 millions de personnes au chômage dans les pays capitalistes avancés – la patience de la classe ouvrière s’épuiserait, les manifestations de masse et les demandes d’action remonteraient à la surface.

    Les stratèges du capitalisme, cependant, ne peuvent pas être entièrement sûrs qu’ils seront capables de contrôler complètement Corbyn et McDonnell étant donné la crise profonde du capitalisme britannique et mondial.

    Il y a déjà un mécontentement massif, les pauvres en particulier souffrant de réductions budgétaires cruelles et de conditions de vie de plus en plus mauvaises.

    C’est si grave que même d’anciennes stars du football comme le gardien d’Everton Neville Southall – reconnu comme l’un des plus grands – a écrit récemment : « Nous sommes en difficulté…. La NHS, l’emploi, le crédit universel, la pauvreté, l’austérité, Brexit.

    « C’est pourquoi j’ai rejoint Unison – les syndicats doivent jouer un plus grand rôle et pourtant le gouvernement essaie de dissoudre les syndicats, alors nous devons nous battre… J’apprécie Jeremy Corbyn. Il s’en tient à ce en quoi il croit, il ne change pas. C’est sûrement mieux que quelqu’un qui se plie avec le vent. »

    Les indignités quotidiennes menacent de déclencher des émeutes spontanées à tout moment. Les files d’attente dans les banques alimentaires se sont allongées, avec des rapports indiquant que le gouvernement a facilité l’approvisionnement en nourriture de ces points de vente afin de garder le contrôle d’une situation incendiaire.

    L’espérance de vie en Grande-Bretagne a stagné, contrairement à ce qui se passe ailleurs. La police proteste aussi contre les coupes budgétaires, tout comme les chefs d’établissement qui ont manifesté poliment à Downing Street, comme jamais auparavant.

    Les femmes retraitées lèvent les bras après avoir découvert qu’elles ont été escroquées, que l’âge de la retraite a été repoussé alors qu’elles avaient hâte de mettre les pieds en l’air…

    En même temps, le chancelier conservateur Philip Hammond a indiqué que la situation économique désastreuse de la Grande-Bretagne et la situation financière du gouvernement signifient la poursuite des réductions, y compris des augmentations d’impôts, dans le prochain budget.

    C’est pourquoi les perspectives de la Grande-Bretagne au cours de la prochaine période ne peuvent être contenues uniquement au sein du parti travailliste.

    Préoccupations capitalistes

    La perspective d’un gouvernement travailliste s’inscrit dans le contexte des 30 dernières années ou plus de politiques néolibérales : privatisation, augmentations de salaires historiquement faibles frôlant les salaires de misère pour beaucoup, logements de location inadéquats et pratiquement inexistants, d’où l’augmentation du nombre de sans-abri qui frappe désormais les grandes villes britanniques.

    Cela remplit d’effroi les capitalistes. McDonnell a menacé de très légères augmentations de l’impôt sur la fortune qui ne feraient que leur couper les ongles.

    Jim O’Neill, ancien ministre du Trésor, conservateur et inventeur du terme « Brics » – pour décrire la puissance croissante dans le passé des économies « émergentes » du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud – s’est présenté pour un gouvernement Corbyn ! Il reflète les préoccupations d’une aile des capitalistes qui voit à quel point le déclin du capitalisme en Grande-Bretagne a été favorisé par la concentration à court terme de la finance parasitaire à travers le « capitalisme actionnaire » au détriment de la reconstruction de la base industrielle, y compris les infrastructures.

    O’Neill a écrit dans le Guardian : « Au cours des quatre dernières décennies, il est devenu beaucoup plus facile d’embaucher et de licencier des travailleurs au Royaume-Uni, au point où l’investissement en capital est maintenant moins intéressant.

    “Dans ces circonstances, il n’est pas du tout surprenant que la productivité soit si faible. Changer l’équilibre pour aider les conditions de travail des employés, y compris leurs gains, devrait faire partie de la solution ».

    Un gouvernement Corbyn, avec un programme d’imposition et de dépenses modéré, pourrait en fait stimuler le marché et donc la « demande », explique-t-il.

    Le Daily Telegraph a récemment déclaré que la crise du capitalisme n’était pas économique ou financière mais le spectre d’un gouvernement Corbyn.

    Pourtant, son programme formel n’est que modérément social-démocrate, n’allant pas au-delà du programme du SDP séparé du Parti travailliste dans les années 1980.

    Cela n’a pas empêché une panique mineure dans les rangs des super-riches. Le Financial Times a rapporté : « Les ultra riches de Londres délocalisent des actifs hors du Royaume-Uni et certains se préparent à partir à mesure que les inquiétudes concernant un gouvernement travailliste de gauche dirigé par Jeremy Corbyn s’intensifient… 

    La plupart des gens [c’est-à-dire les patrons] sont beaucoup plus inquiets pour Corbyn que pour le Brexit…. Les ultra-riches du monde sont incroyablement mobiles, ce qui ne doit pas être sous-estimé. Si Corbyn mettait en place un contrôle des capitaux, il y en aurait beaucoup plus qui s’en iraient”.

    Bien sûr, nous et le mouvement syndical soutiendrons toutes les mesures qui cherchent sérieusement à empiéter sur le pouvoir économique des capitalistes et à le supprimer.

    Le scandale des tarifs élevés, le surpeuplement massif et la rareté des services ferroviaires, ainsi que le pillage scandaleux de leurs budgets, en font une cible de choix pour une nationalisation démocratique.

    Le dépouillement tout aussi scandaleux des actifs financiers des compagnies des eaux signifie que la proposition de les reprendre, ainsi que les services d’énergie à tarification élevée, recevrait un soutien enthousiaste.

    Malgré cela, il s’agit de mesures très modestes qui ne dépassent pas les frontières du capitalisme.

    Briser le mythe blairiste

    La lutte n’est pas seulement ou même principalement dans les salles de commission du Parti travailliste, étant donné la décision de la conférence du parti de mettre en suspens une véritable resélection, le contrôle des membres sur les députés.

    Il est plus susceptible de se développer dans les rues et dans les usines, les écoles, les universités et les collèges – où la lutte se poursuit actuellement – en particulier à cause des coupes continuelles dans les conseils communaux.

    La promesse de May de reporter ou de réduire l’austérité est un non-sens : « D’ici 2021, 37 milliards de livres sterling seront dépensés en moins pour la sécurité sociale pour ceux en âge de travailler qu’en 2010, malgré la hausse des prix et du coût de la vie, selon les estimations de la bibliothèque de la Chambre des communes“. Les crédits d’impôt seront réduits, de même que les allocations pour les enfants, pour l’incapacité et pour le logement.

    Les anciens premiers ministres Gordon Brown et John Major ont mis en garde contre des émeutes de type « poll-tax [viii]» si le crédit universel n’est pas retiré ou amendé – sa mise en œuvre complète a récemment été repoussée.

    Le spécialiste de la gauche travailliste Owen Jones s’est joint au chœur de protestation tout en prônant une résistance de masse sur le modèle de la taxe électorale, en louant même la All-Britain Anti-Poll Tax Federation – créée par Militant[ix], ce qu’il ne reconnaît pas, évidemment.

    La fédération a organisé la défaite de la taxe électorale en convainquant 18 millions de personnes de ne pas payer. Elle a été organisée et dirigée par des militants qui ont consenti à de grands sacrifices : 34 de nos camarades sont allés en prison.

    Jones admet maintenant que la taxe électorale a relégué Thatcher aux oubliettes.

    Les raisons du sabotage de la droite travailliste ont été résumées par un député travailliste anonyme dans le « INews » (24 septembre) : « Après avoir passé ma vie à essayer d’obtenir un gouvernement travailliste au pouvoir, je suis maintenant dans la position incroyable de devoir faire tout ce que je peux pour empêcher Corbyn de devenir Premier ministre. Cela me brise le cœur ».

    Ils souhaitent un gouvernement travailliste, mais pas un gouvernement Corbyn. Pourquoi ? Parce qu’ils soupçonnent à moitié qu’un tel gouvernement, alimenté par une autre crise économique, aura été élu sur un programme radical et avec une pression massive pour le changement, contrairement aux gouvernements Blair et Brown.

    S’ils mettent en œuvre même quelques-unes de ces politiques radicales, cela briserait le mythe blairiste selon lequel le Parti travailliste ne peut réussir sur le plan électoral qu’avec des politiques « centrales » (pro-capitalistes) – comme l’ont fait les succès électoraux du Parti travailliste de Liverpool, quand il était fortement influencé par le Militant dans les années 1980.

    De plus, le bilan « modéré » des gouvernements Brown et Blair, aux côtés de celui des Conservateurs, est quotidiennement réfuté par des rapports, les uns après les autres.

    Aditya Chakrabortty dans The Guardian illustre à quel point Blair a été désastreux en cherchant à réaliser le même programme que Thatcher.

    Il utilise l’analyse du FMI de 31 pays, de la Finlande à la France, qui montre que le Royaume-Uni « est dans le rouge pour plus de 2 000 milliards de livres sterling ».

    Seuls le Portugal, la Gambie et le Kenya sont en moins bonne posture, mais « les raisons pour lesquelles la Grande-Bretagne est dans un tel état sont presque aussi surprenantes : elles reviennent toutes au néolibéralisme », en particulier la privatisation.

    Chakrabortty conclut que les gouvernements britanniques ont « bradé presque tout ce qui se trouvait dans l’armoire, des aéroports au Royal Mail – souvent à des prix très intéressants – aux amis de la ville ».

    De telles privatisations, juge le FMI, « augmentent les recettes et réduisent les déficits », mais réduisent aussi les avoirs du gouvernement, et transfèrent en même temps la richesse à quelques privilégiés.

    « Le néolibéralisme vous a arnaqué et aveuglé. Les preuves s’accumulent – dans vos factures, dans vos services et dans les finances de votre pays ». De telles analyses sont assez courantes, en particulier dans la presse « libérale ». Pourtant, il n’y a toujours pas de conclusions tirées de ces mises en accusation cinglantes du système capitaliste…

    Transformer le Labour

    Il n’y a pas non plus de vaste programme de nationalisation socialiste et de planification économique venant de Jeremy Corbyn.

    En fait, il n’a mentionné le socialisme qu’une seule fois, en passant, dans son discours de conférence du Parti travailliste !

    La perspective d’un gouvernement dirigé par Corbyn a été évoquée à maintes reprises. Mais quel type de gouvernement ? Il y aurait du dégoût si c’était une répétition du désastre de Blair-Brown.

    Les bourgeois et les conservateurs réfléchissent à la manière de gérer la discussion sur la « crise du capitalisme » désormais largement reconnue.

    Il est donc absolument essentiel que le mouvement ouvrier, en particulier la gauche, saisisse l’occasion de soulever l’idée de véritables mesures socialistes démocratiques et de la planification de la société. Cependant, ce n’est manifestement pas le cas !

    Il est nécessaire d’adopter l’ancienne revendication contenue dans la clause IV, partie 4 de la constitution travailliste, supprimée impitoyablement par Blair et Brown dans les années 1990 : la « nationalisation des sommets de l’économie ».

    Aujourd’hui, cela signifierait la prise par l’État d’une centaine de monopoles sur la base du contrôle et de la gestion des travailleurs.

    Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible de satisfaire pleinement aux exigences en matière de programmes de construction de logements, d’écoles, de services sociaux et ainsi de suite.

    Depuis le début de la guerre civile travailliste, la gauche officielle, y compris Momentum et certains dirigeants syndicaux de gauche, a pris beaucoup de retard sur les événements.

    Ils ont refusé de proposer des mesures politiques et organisationnelles audacieuses pour consolider le Parti travailliste en tant que force de gauche et socialiste.

    Les dirigeants de Momentum ont tenu à concilier avec la droite blairiste même si cette dernière s’en est prise à la gauche.

    Il en va de même pour certains dirigeants syndicaux de gauche, même ceux comme Matt Wrack, qui se sont précipités pour affilier le syndicat des pompiers (FBU) qu’il dirige au Parti travailliste.

    Cela signifiait remettre des honoraires considérables à la machine travailliste à une époque où elle restait sous l’emprise des Blairistes et où elle menait à bien les exclusions et les expulsions de ceux qui se trouvaient à gauche.

    Cela aurait été fait, semble-t-il, dans le but d’effectuer un « véritable changement », mais n’a pas été couronné de succès. Il faut toutefois reconnaître à son honneur que le FBU a été pratiquement le seul syndicat à appuyer la resélection obligatoire à la conférence du Parti travailliste.

    Néanmoins, comparez ceci à la position de principe du syndicat Rail Maritime et Transport qui a obstinément résisté aux appels de Matt Wrack et d’autres à remettre ses précieuses ressources financières à la machine toujours non « reconstruite » du Parti travailliste.

    Les maires travaillistes ont refusé de soutenir le syndicat à propos des trains sans accompagnateurs. Le RMT est tout à fait disposé à se joindre au mouvement travailliste s’il y a une perspective réaliste qu’il devienne une arme pour ses membres et les autres travailleurs dans leurs luttes quotidiennes. Mais cela ne s’est pas produit jusqu’à présent.

    Le changement au sein du parti travailliste doit être efficace, non seulement en exerçant un contrôle sur les députés, mais aussi sur la question cruciale des coupes dans les conseils communaux souvent effectuées par les conseillers travaillistes eux-mêmes.

    Le soulèvement contre ces coupes budgétaires se poursuit. Elle touche de plus en plus les partis locaux, avec des critiques sur le rôle honteux des conseillers travaillistes en particulier, qui président à l’austérité du gouvernement. Les budgets des conseils municipaux sont nécessaires pour mobiliser les travailleurs dans l’action.

    C’est pourquoi, tout en soutenant Jeremy Corbyn à toutes les étapes – y compris lors d’une élection générale – un défi électoral aux conseillers travaillistes de droite continuera d’être nécessaire, même contre ceux qui se font passer pour de « gauches » tout en faisant le sale boulot du gouvernement conservateur au niveau local.

    Même d’anciennes figures pro-Blairistes comme l’écrivain Polly Toynbee – aujourd’hui une Corbynista- écrit que seulement 4% des gens soutiennent les coupes budgétaires.

    Si elle dit ça, cela doit être vrai ! Il n’y a pas d’excuse pour traîner les pieds sur cette question. Les conseillers communaux devraient lutter contre l’austérité, comme Liverpool l’a fait dans les années 1980 avec d’autres conseils.

    Dans le cas contraire, les personnes touchées par les coupes – dont certaines sont dévastatrices –s’y opposeront lors des élections, et nous serons à leurs côtés.

    A l’heure actuelle, la Grande-Bretagne semble relativement calme en surface. Cependant, une révolte de masse se prépare à mesure que l’ampleur et le type d’indignités qui ont été accumulées sur les épaules de la classe ouvrière augmentent.

    Cela remontera inévitablement à la surface. Il est nécessaire que cette colère soit dirigée par les bataillons organisés du mouvement ouvrier, qui s’unissent en un mouvement de masse pour renverser les conservateurs et amener au pouvoir un gouvernement travailliste socialiste, dirigé par Corbyn.

     Notes:

    [i] Dans les pays appliquant le système de Westminster ainsi qu’aux États-Unis, le whip est le député ou représentant chargé de veiller à ce que les élus de son parti soient présents et votent en fonction des consignes du parti.

    [ii]Dans les pays appliquant le système de Westminster, le cabinet fantôme (« anglais : shadow cabinet ») comprend les députés d’un parti d’opposition qui, sous la conduite du chef de leur parti, forment un cabinet alternatif à celui du gouvernement. Chaque membre du cabinet fantôme est chargé de surveiller et critiquer l’action d’un ministre du gouvernement.

    [iii] Le Parti unioniste démocrate (en anglais : Democratic Unionist Party, DUP) est un parti politique britannique présent en Irlande du Nord depuis 1971

    [iv] The Socialist Party, section-sœur du PSL en Angleterre et au Pays de Galles

    [v] Le Parti social-démocrate (en anglais : Social Democratic Party, abrégé en SDP) est un parti politique britannique fondé en mars 1981 et qui fusionne en 1988 au sein des Libéraux-démocrates. Pour les élections générales de 1983 et 1987, le SDP forme avec le Parti libéral l’« Alliance SDP-Libérale » puis, lors du congrès de 1987, décide de fusionner avec les libéraux au sein des Libéraux-démocrates.

    [vi] Actuellement, si une élection générale est déclenchée et que le député travailliste sortant souhaite se présenter à nouveau comme candidat, le processus de contestation implique un vote de toutes les sections, forums et organisations affiliées du parti de circonscription, comme les syndicats, qui doivent répondre par “oui” ou “non”. Une majorité simple de candidatures affirmatives de ces organisations signifie que le député évite un concours de sélection ouverte. Ce processus, connu sous le nom de ” scrutin de déclenchement “, est ouvert à la manipulation et confrontationnel, c’est pourquoi il est déconseillé aux députés d’ouvrir un processus de réélection contre leur député. Par contre, la réélection obligatoire signifierait une course ouverte chaque fois qu’une élection générale est déclenchée, les membres ayant le pouvoir de choisir leur candidat par un processus de sélection démocratique

    [vii] En anglais, le terme « Broad Church » est souvent utilisé pour caractériser toute organisation, par exemple politique, qui englobe un large éventail d’opinions.

    [viii] La poll tax (mot anglais signifiant « capitation »), officiellement appelée Community Charge, est un impôt locatif forfaitaire par tête, instauré au Royaume-Uni par le gouvernement de Margaret Thatcher en 1989. Entré en vigueur en 1990, il fut jugé très inégalitaire par les couches les plus modestes de la population car, frappant les foyers et non les personnes et ce sans distinction de revenu ou de capital, il était d’autant plus lourd pour les foyers les plus pauvres. La poll tax fut l’une des causes essentielles de la chute de Margaret Thatcher

    [ix] Militant tendency est un courant politique britannique fondé en 1964 autour du journal Militant par des militants trotskystes. Militant s’est spécialisé dans l’entrisme au sein du Parti travailliste et a atteint le maximum de son influence au début des années 1980. À partir de 1982-1983, la direction du Labour s’est employée à exclure les dirigeants de Militant. La tendance de Peter Taaffe a quitté le Labour et s’est rebaptisée en 1997 Socialist Party.

     

     

  • Elections municipales britanniques. Il faut concrétiser la rhétorique de gauche !

    Jeremy Corbyn. Photo : Wikimedia Commons

    Ces dernières années beaucoup de turbulences politiques ont secoué la Grande Bretagne. Cela n’a pas l’air de devoir se calmer de sitôt.

    Par Els Deschoemacker

    Il y a eu la ‘‘révolte Corbyn’’, qui a vu des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs se ranger à plusieurs reprises derrière le président de gauche du parti travailliste Jeremy Corbyn en opposition aux partisans de Tony Blair dans le parti. Puis le vote dramatique sur le Brexit, une véritable insurrection des couches les plus pauvres de travailleurs contre la brutale politique d’austérité de l’Union européenne et de l’establishment britannique. Ce tremblement de terre politique continue de hanter l’élite, tant britannique qu’européenne. Finalement, Theresa May, première ministre, a perdu sa majorité conservatrice au parlement à l’occasion d’élections anticipées. Elle doit dorénavant naviguer en plein turbulence à la barre d’un gouvernement minoritaire et d’un parti conservateur où règne la discorde. La droite pourra toutefois continuer ses méfaits, à moins que la gauche ne s’organise et saisisse l’occasion pour contre-attaquer.

    Tout cela ne tomba pas du ciel. L’austérité a ravagé la société britannique. Depuis 2010, plus d’un million de personnes handicapées ont perdu leur allocation, en totalité ou en partie. Les loyers ont doublé en dix ans. Plus d’un demi-million de travailleurs municipaux ont perdu leur emploi (enseignants, pompiers,…). Divers services publics locaux ont été privatisés ou sujets à des partenariats public-privé (PPP).

    La réaction ne s’est pas uniquement traduite sur le terrain électoral. Des dizaines de campagnes locales, voire nationales, ont pris place pour sauvegarder des hôpitaux et des bibliothèques publiques, pour exiger des hausses de solaire, s’opposer aux licenciements,…

    Corbyn et le politique municipale socialiste

    Souvent, cette lutte s’oppose à des majorités municipales, y compris du parti travailliste. Cela rend très concret l’enjeu de la lutte entre l’aile gauche et l’aile ouvertement pro-capitaliste du parti travailliste. A quoi sert un programme de rupture anti-austérité et en faveur de plus d’investissements publics si cela n’assiste pas la lutte pratique pour l’obtention de ces revendications ?

    Ainsi des centaines d’habitants de Haringey ont protesté contre la privatisation des logements sociaux dans de district du Grand Londres dirigé par le parti travailliste. Cela a conduit à l’écartement de candidats travaillistes favorables à la privatisation, remplacés par des candidats de gauche. La décision de privatiser a depuis été repoussée jusqu’après la tenue des élections municipales, en mai prochain. Sous la pression de la lutte, Haringey peut ainsi devenir une des premières localités à suivre Corbyn. La collectivité veut récupérer ce qu’elle a perdu ces dernières années.

    Tout cela suscite un vif débat sur la manière de trouver les moyens publics nécessaires pour rompre avec l’austérité. Le Socialist Party, le parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles, est résolument en faveur de budgets municipaux anti-austérité, en faisant appel aux réserves des localités mais aussi avec la possibilité de faire des prêts à bon marché. Il ajoute que cela ne suffira probablement pas et qu’il faudra combattre pour arracher plus de moyens de la part des autorités nationales.

    Un mouvement unifiant des majorités municipales de gauche en lutte via des groupes d’actions locaux, avec l’implication de la jeunesse et des travailleurs, pourrait donner le coup de grâce au gouvernement affaibli de May. Cela ouvrirait la voie à Corbyn pour former un gouvernement travailliste qui pourrait diriger la politique nationale vers une orientation socialiste.

    Jusqu’ici, Corbyn et son entourage ont essayé de concilier la gauche et la droite au sein du parti travailliste afin de parvenir à un compromis. C’est une illusion. Chaque pas en avant réalisé l’a été lors de moments où une politique résolument de gauche a été adoptée par-dessus la tête de la droite. C’est ce que l’on a pu constater lors de la publication du manifeste de Corbyn pour les élections de juin dernier, et encore une fois encore avec l’écartement des candidats de droite à Haringey.

    Le Socialist Party appelle Corbyn à saisir le moment pour rompre avec la droite du parti, à démocratiser le parti travailliste, à faire appel aux centaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui ont rejoint le parti travailliste ces dernières années, à renforcer de nouveau le poids des syndicats dans le parti et à réintégrer dans le parti tous ceux qui, dans le passé, ont été exclus en raison de leur combattivité de gauche.

  • L’establishment pris de panique et bousculé par les nouvelles formations de gauche

    Mélenchon, lors de la marche de La France Insoumise du 23 septembre, à laquelle ont participé 150.000 personnes. Photo : Gauche Révolutionnaire

    Le 23 septembre, ce sont 150.000 personnes qui ont répondu à l’appel de la France Insoumise (LFI) pour défiler à Paris contre le ‘‘coup d’Etat social’’ de Macron ! Tandis que ce dernier voyait sa cote de popularité continuer de chuter, LFI arrivait largement en tête des formations citées comme première force d’opposition au gouvernement. ‘‘Je crois en la démocratie, mais la démocratie, ce n’est pas la rue’’, a réagi Macron, visiblement très agacé. A Paris, face à la gigantesque foule, Mélenchon lui a répondu : ‘‘C’est la rue qui a abattu les rois, les nazis, le plan Juppé et le CPE… (…) La bataille n’est pas finie, elle commence.’’

    Par Nicolas Croes

    La révolte dans les urnes

    En France et ailleurs, le paysage politique traditionnel fait face à un séisme inédit. Depuis le début de la crise, les partis traditionnels ont appliqué une politique fondamentalement identique: l’austérité. Electoralement, le prix à payer fut très lourd, tout particulièrement pour les partis sociaux-démocrates. Leur argument du ‘‘moindre mal’’ était usé jusqu’à la corde. Pour les différentes classes capitalistes nationales, aux profondes difficultés économiques s’ajoutait la crise de leurs instruments politiques privilégiés. Longtemps exception à la règle, même le PS d’Elio Di Rupo est maintenant touché.

    Pour l’establishment capitaliste, le pire était encore à venir : le processus de développement de nouvelles formations et courants de gauche a été accéléré. Le phénomène n’était pas neuf, mais le caractère durable de la crise a offert un soutien particulièrement large à des formations telles que SYRIZA et Podemos. SYRIZA est arrivé au pouvoir début 2015. Dans l’Etat espagnol, Podemos et les listes de confluence de gauche prenaient leur envol. Au Royaume-Uni, la direction du Parti travailliste a échappé à l’aile droite du parti. Leurs multiples manœuvres n’ont pas réussi à contenir l’arrivée massive et enthousiaste des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui ont porté le vétéran de la gauche du parti Jeremy Corbyn à sa tête. De l’autre côté de l’Atlantique, Bernie Sanders a chamboulé les primaires Démocrates face à la candidate par excellence du monde de Wall Street, Hillary Clinton.

    Comment parvenir au changement

    Les formations et figures de gauche qui ont su exprimer audacieusement l’envie de changements radicaux ont pu compter sur un large écho. Après des décennies où la pensée unique néolibérale a pesé telle une chape de plomb, l’arrivée d’un programme même limité de réformes progressistes a semblé révolutionnaire aux yeux de beaucoup de personnes, même si le programme de ces nouvelles formations ne dépasse généralement pas le cadre de simples ajustements au système capitaliste. L’idée la plus en vogue est encore que le capitalisme pourrait être graduellement démantelé pour donner naissance à une société égalitaire, sans grandes précisions sur ce que pourrait bien être une telle société.

    De nos jours, c’est encore la classe capitaliste qui constitue la classe dominante. Cette classe sociale possède et contrôle les ressources économiques cruciales de la société (finance, grandes entreprises,…) et est liée à l’appareil d’Etat (justice, forces armées, échelons élevés de la fonction publique,…) par un millier de ficelles. L’Histoire a déjà démontré à maintes reprises que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973.

    De plus, en cette période de crise de longue durée, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes que dans la période exceptionnelle d’après-guerre où existait également la pression de l’URSS. L’expérience de SYRIZA démontre que, aujourd’hui, la confrontation ou la capitulation avec le système capitaliste et ses institutions se posera très rapidement. Pour les créanciers et la classe capitaliste, il faut à tout prix éviter le risque de contagion politique qui pourrait naître d’une rupture avec la politique d’austérité. La plus importante était d’humilier SYRIZA et de décourager de nouvelles initiatives de gauche. Là où un certain espace de réformes progressistes a pu exister, comme au Venezuela, la fin des prix élevés du pétrole a rapidement entrainé la fin de diverses conquêtes sociales tandis que le pays s’enfonçait dans la crise politique et sociale. Au Venezuela, l’échec ne provient pas du socialisme, mais justement de l’absence de rupture socialiste avec le pouvoir du capital.

    Construire le mouvement

    Ces nouvelles formations de gauche représentent de véritables pas en avant pour débattre du programme, de la stratégie et des tactiques nécessaires à la prise du pouvoir par les travailleurs et la jeunesse. L’expérience de Syriza souligne l’intérêt fondamental d’adopter une approche révolutionnaire, c’est-à-dire de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une stratégie de confrontation reposant sur le refus du paiement de la dette publique, sur l’instauration d’un contrôle des capitaux, sur la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs, sur l’élaboration démocratique d’une planification de l’économie collectivisée pour répondre aux urgences sociales et écologiques laissées par le capitalisme.

    Afin de contrôler effectivement les leviers de l’économie, la collectivité doit les posséder. On ne contrôle pas ce que l’on ne possède pas. Il en va de même pour le mouvement social lui-même. Le meilleur moyen d’assurer que ce programme soit appliqué, c’est qu’il soit porté par la base. Pour cela, il faut construire un instrument politique: un parti de masse des travailleurs capable de réunir toute l’énergie du mouvement afin d’en faire une véritable force reposant sur le nombre. Il faut bien entendu donner une direction à cette force, et c’est là tout l’intérêt d’un programme. Pour le PSL, arracher de véritables changements signifie de viser à une transformation socialiste de la société. Chaque pas en avant est positif en soi, mais il doit toujours être conforme à cet objectif.

    #JoinTheWave : construire une campagne de gauche large et inclusive en Belgique ?

    En 2014, la gauche radicale est arrivée au parlement pour la première fois depuis les années ’80. Depuis lors, Les élus du PTB ont donné plus d’échos à un débat qui, jusque-là, était essentiellement limité aux lieux de travail et aux milieux militants. Aujourd’hui, les sondages laissent présager une percée bien plus importante.

    Avec son appel #JoinTheWave (rejoins la vague), le PTB vise à construire une large campagne autour du parti en disant que voter ne suffit pas, qu’il faut aussi s’organiser. Au-delà de la répartition de tâches pratiques auprès des bénévoles pour les campagnes électorales, l’appel #JoinTheWave pourrait opter pour une approche large et inclusive reposant sur l’action. Les campagnes de gauche qui ont connu les plus grands succès électoraux sont celles qui ont su susciter l’enthousiasme et la participation massive dans l’action. Dans l’Etat espagnol, Podemos a bénéficié du mouvement des Indignés. Aux Etats-Unis, il y a eu le mouvement Occupy avant Sanders. Ou encore les meetings et manifestations de masse autour de Corbyn en Angleterre et de Mélenchon en France.

    Cela pourrait ainsi ouvrir la voie à l’engagement actif de dizaines de milliers de personnes impliquées dans les mouvements syndicaux, de jeunesse, féministes, écologistes, antiracistes, pacifistes,… autour du PTB. Et comment mieux lancer une telle campagne que par le moyen d’une large mobilisation vers des débats publics dans toutes les villes, ouverts à toute personne désireuse de rejoindre ‘‘the wave’’, à titre individuel ou avec son parti, sa délégation syndicale, son association,… ? La création de ‘‘groupes d’appui’’ pourrait y être proposée, à l’instar de ceux de la France Insoumise. Ces groupes pourraient donner de l’élan aux campagnes électorales, mais aussi aux mobilisations sociales, comme c’est le cas des groupes d’appui de la France Insoumise.

    Si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate pour tous les employés communaux d’une semaine de 30 heures de travail sans perte de salaire avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour davantage de logements sociaux de qualité et énergétiquement neutres et, entretemps, assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la camisole financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. Dans les années 80’, le conseil municipal de Liverpool, en Angleterre, a trouvé la parade pour lancer son vaste programme d’investissements publics. Il a construit un front de résistance d’une vingtaine de municipalités de gauche. Et, via des grèves et des manifestations de masse, il a forcé le gouvernement Thatcher à céder un refinancement de la ville.

    Une initiative inclusive basée sur l’action peut permettre une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de nous étouffer l’est également ; un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car les marges pour changer la politique n’existent pas sous le capitalisme.

  • Vers une recomposition du paysage politique en 2019

    Photo de Liesbeth

    Les résultats du sondage Dedicated Research, réalisé du 23 au 27 juin, ont été accueillis avec enthousiasme par de nombreux travailleurs et jeunes, y compris au camp d’été d’EGA et du PSL début juillet. Selon ce sondage, le PTB deviendrait le plus grand parti de Wallonie, progresserait fortement à Bruxelles et franchirait le seuil électoral en Flandre. Le PTB/PVDA deviendrait le plus grand groupe au Parlement fédéral avec 26 sièges, à pied d’égalité avec la N-VA. Cette recomposition du paysage politique pourra enflammer le parlement, orienter les débats politiques dans une direction différente et faire entendre la voix du mouvement des travailleurs bien au-delà du parlement.

    Par Eric Byl, édito de l’édition de septembre de Lutte Socialiste

    Ce n’était pas l’intention du MR quand il a commandé ce sondage. Il voulait mesurer l’impact électoral des scandales autour de Publifin et Samusocial, en espérant qu’il serait particulièrement mauvais pour le PS. C’est le cas, il plonge à 16%, la moitié de son résultat déjà médiocre de 2014. Mais ce n’est ni le MR (-2,6%) ni le CDH (-4,2%), dans les scandales jusqu’au cou, qui en bénéficient. Ecolo (+ 3,1%) et Défi vont de l’avant, mais c’est surtout le PTB et ses parlementaires au salaire d’un travailleur qui confirme et renforce la percée observée dans les sondages antérieurs.

    La fin de la stabilité

    Nous voyons ici encore que la conscience est habituellement en retard sur la réalité, qui ne progresse pas de manière linéaire mais par chocs, que l’histoire n’est pas le produit de l’évolution mais de la révolution en d’autres termes. L’époque où il était possible de masquer les contradictions de classe sur base de la croissance d’après-guerre est déjà loin. À cette époque, le parti interclassiste CVP pouvait encore se présenter comme l’architecte de la reconstruction, mais c’est devenu intenable au début des crises économiques en 1974-75 et cela explique les divisions politiques en Flandre. A la même période, la social-démocratie revendiquait la paternité de l’État-providence.

    Pendant longtemps, le PS semblait immunisé à la crise internationale de la social-démocratie. Il pouvait compter sur un réservoir de travailleurs combatifs qui étaient envoyés vers le PS par les dirigeants syndicaux et, en même temps, se profiler dans les gouvernements de coalition comme une opposition interne à la majorité flamande de droite. Il n’a pas été puni pour le clientélisme et l’enrichissement personnel, jusqu’à ce que Di Rupo dirige un gouvernement austéritaire et que le PTB, avec ses premiers élus, fournisse une alternative électorale à gauche.

    Ce sondage gêne également l’illusion développée par les dirigeants syndicaux selon laquelle le gouvernement Michel I serait presque automatiquement électoralement punis en 2019, après quoi la situation se ‘‘normaliserait’’ avec un gouvernement de centre-gauche. Au lieu de s’appuyer sur la force du mouvement des travailleurs, ils ont placé tous leurs espoirs dans leurs partenaires politiques traditionnels. Mais la N-VA prospère justement sur les frustrations créées par sa casse sociale. La repousser exige une force qui repose sur le mouvement unifié des travailleurs. Avec sa percée électorale, le PTB peut jouer un rôle important dans les deux régions du pays.

    Que Lutgen attendait son moment pour envoyer le cdH vers la droite, ce n’était pas vraiment une surprise. Le PS lui a offert cette opportunité sur un plateau d’argent. Avec la formation d’une majorité alternative de centre-droit en Wallonie, la reconduction du centre-droite au niveau fédéral est également plus palpable. C’est en soi une petite révolution que Michel ne doit pas à ses propres forces, mais à la faiblesse de l’opposition politique et sociale.

    Percée du PTB

    Mais, avec la progression du PTB, cette révolution est immédiatement éclipsée par une plus grande encore. Michel peut s’imaginer être premier ministre, peut prétendre que lui et son gouvernement ont créé des emplois et peut parler d’un printemps économique, tout cela est très fragile. La grande majorité de la population ne remarque rien, ou si peu, et croit que le gouvernement sert les riches et les classes moyennes supérieures. Le gouvernement a reporté l’équilibre budgétaire, mais il nous fera encore subir des économies considérables et une ‘‘réforme fiscale’’ favorable aux entreprises. Si à cela s’ajoute une nouvelle crise financière internationale, le ralentissement de la croissance européenne et, par conséquent, la baisse des exportations, ou encore une augmentation des taux d’intérêt sur la dette publique, cela causera des problèmes et le PTB pourrait encore accroitre son score électoral.

    Que le PTB mette en garde contre des attentes excessives est compréhensible. Mais une chance telle que celle-ci se présente rarement et si le PTB ne fait aucun effort pour la maximiser, l’élan peut passer. Les formules les plus réussies à l’étranger sont celles qui ont reposé sur des actions concrètes : Podemos en Espagne avec les Indignados, Sanders avec Occupy, Corbyn et Mélenchon avec des manifestations et meetings de masse. Ils ont généralement dû lutter contre la résistance des dirigeants syndicaux conservateurs qui ont soutenu Clinton, le PSOE espagnol et les adversaire de droite de Corbyn. Ce ne sera pas différent en Belgique.

    Chacun d’entre eux a opté, non pas sans opposition, pour une approche inclusive. La France Insoumise de Mélenchon a mis en place des groupes de soutien dans tout le pays, Podemos a participé à des listes de convergence de gauche aux élections locales, etc. Une approche tout aussi axée sur l’action et inclusive aidera le PTB à maximiser le potentiel présent. Le PSL a d’ailleurs soumis par écrit une proposition au PTB pour voir comment nous pouvons y aider, y compris en offrant des candidats au PTB pour les élections communales de 2018.

    Vers des majorités progressistes ?

    Il est vrai que le PTB n’est pas encore en mesure de ‘‘former un gouvernement qui entrera en collision avec les principes actuels de concurrence et de déséquilibre’’ et qui ‘‘à cette fin demandera le soutien actif de la population’’, comme l’écrit Peter Mertens. Mais si le PTB confirme les résultats des sondages en octobre 2018, la question de majorités progressistes au niveau local peut être rapidement posée. Elles pourraient servir de levier en faveur de l’idée d’un gouvernement majoritaire de gauche, un gouvernement des travailleurs, d’abord au niveau régional.

    Cela exige que ces majorités locales précisent qu’elles ont l’ambition d’appliquer une politique fondamentalement différente. L’introduction immédiate d’une semaine de 30 heures sans perte de salaire pour tous les employés communaux avec embauches compensatoires, le remplacement des contrats précaires par des statuts de fonctionnaire ou au moins des contrats à durée indéterminée, un programme massif d’investissements publics pour plus de logements sociaux, de qualité et énergétiquement neutres, et entre-temps assurer l’accueil pour tous les sans-abris ou ceux qui vivent dans la pauvreté, etc. Cela et bien d’autres mesures concrètes pourraient poser les bases d’une mobilisation massive de la population.

    Le PTB et les majorités progressistes entreront en collision avec la crise financière dans laquelle les gouvernements régionaux et le fédéral maintiennent les communes. La mobilisation et l’organisation autour d’une lutte pour exiger plus de moyens seront nécessaires, ainsi qu’une préparation politique via des discussions ouvertes et démocratiques, mais aussi la défense et la popularisation d’un programme qui rend possible de parvenir à la victoire. Des propositions et mesures concrètes sont indispensables, mais également un projet pour ce qu’il conviendra de faire si l’establishment essaie de se nous étouffer, un projet qui ne peut être que celui du véritable socialisme démocratique car sinon ‘‘les marges pour changer la politique’’ n’existe pas.

  • Mélenchon, Corbyn, Sanders, etc. Le retour du péril rouge ?

    Le mois de juin a connu deux élections aux résultats inédits, des deux côtés de la Manche. En France, aux élections législatives, le PS a confirmé la débâcle des présidentielles. De ses 287 élus obtenus en 2012 (302 avec ses alliés), il n’en reste plus aujourd’hui que 30 (46 avec ses alliés). ‘‘La déroute du Parti socialiste est sans appel’’, a déclaré le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis. Quelques jours plus tôt, en Grande- Bretagne, le Parti travailliste dirigé par Jeremy Corbyn arrivait à briser la majorité conservatrice sans pour autant remporter les élections. Mais au-delà de l’arithmétique électorale, une bataille essentielle a été gagnée : celle des idées. Le socialisme est redevenu populaire. Et la panique s’est emparée de la classe dirigeante. En route vers un Octobre rouge ?

    Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

    Le pari perdu de Theresa May

    Lorsque la Première ministre conservatrice Theresa May a annoncé la tenue d’élections anticipées, elle entendait considérablement renforcer sa majorité parlementaire. Le Labour (parti travailliste) était 20 points derrière les conservateurs dans les sondages et son dirigeant Jeremy Corbyn était contesté en interne. Ce dernier, élu par les membres de base pour défendre un programme anti-austérité, est aux prises avec une véritable guerre civile que lui mène la droite du parti depuis 2015. Dans les faits, deux partis existent actuellement au sein du Labour: celui des partisans de Tony Blair qui soutiennent une politique favorable aux grandes entreprises et aux riches et celui des nouvelles couches qui entendent mettre un terme à la politique d’austérité autour de Jeremy Corbyn.

    Au mois de mai, le manifeste électoral travailliste a été rendu public. C’était un plaidoyer en faveur de l’enseignement supérieur gratuit, de l’augmentation des dépenses dans les soins de santé, de la renationalisation de la poste et du rail,… La dérision dominait dans la presse dominante du Royaume-Uni. “Le manifeste du Labour nous ramène dans les années ‘70’’, avait ainsi sarcastiquement titré le Daily Mail. Sauf que pour une bonne partie de la population, confrontée à une austérité sauvage depuis des années, cette idée était plutôt séduisante ! Le Labour a finalement terminé sa campagne avec 40 % des voix en l’ayant commencée à 25%, ce qui constitue son meilleur résultat depuis des années. Avec un gain de 30 députés par rapport à la précédente législature, le Labour est apparu vainqueur des élections puisque les conservateurs avaient quant à eux perdu 13 députés, tout en restant malgré tout en tête. Parmi la jeunesse, 71% des électeurs se sont rendus aux urnes pour se prononcer à 72% en faveur du parti de Jeremy Corbyn.

    ‘‘Je ne veux pas affaiblir le PS, je veux le remplacer’’ – Jean-Luc Mélenchon

    Quand François Hollande a été élu président en 2012, le PS disposait de la majorité à l’Assemblée et au Sénat, dans les deux tiers des départements ainsi que dans toutes les Régions, sauf une. Mais, à l’exception notable du mariage égalitaire (ouvrant ce droit aux couples de même sexe), sa politique fut synonyme de profond recul social, notamment en matière de législation du travail. Aujourd’hui, le parti a quasiment été balayé de la scène.

    A sa gauche, La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon – lui-même élu – est parvenue à obtenir 16 sièges à l’Assemblée tandis que le Parti Communiste Français en obtenait 11. Même si un accord ne survient pas entre le PCF et la FI, cette dernière pourrait constituer un groupe parlementaire. Parmi ses élus figure notamment François Ruffin, rédacteur en chef du journal Fakir et auteur du documentaire césarisé Merci patron !. Il a fait une entrée en fonction fracassante en annonçant qu’il ne garderait de son salaire de parlementaire que l’équivalent du Smic (1480 euros bruts mensuels) et que son mandat serait révocable : ‘‘Si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m’en irai’’, a-t-il assuré.

    Le parti du président Macron peut se targuer de disposer d’une majorité parlementaire, sa légitimité est bien fine compte tenu de l’abstention record qui a marqué ces élections législatives (57% au second tour !), ce à quoi s’ajoutent encore les votes blancs ou nuls (9,9% au second tour) ou encore les électeurs non-inscrits. Jean-Luc Mélenchon décrit la situation comme une ‘‘grève générale civique’’ (en moyenne, les députés n’ont été élus que par 22,4 % des inscrits). Pour lui, cette abstention a une ‘‘signification politique offensive’’ qu’il faudrait transformer en ‘‘Front populaire social, politique et culturel’’ contre le ‘‘coup d’Etat social’’ que préparent Macron et ses alliés.

    Début juin, un baromètre Ifop pour Paris Match indiquait que, pour 39% des sondés, c’est la France Insoumise qui incarne le mieux l’opposition, loin devant Marine Le Pen et le FN, en dépit de leurs efforts visant à instrumentaliser la colère de la population.

    Vers un octobre rouge ?

    Comme constaté précédemment dans la campagne menée par Bernie Sanders aux Etats-Unis, l’enthousiasme et la dynamique que nous avons vus s’épanouir autour de Jeremy Corbyn et de Jean-Luc Mélenchon illustrent que l’audace et les mots d’ordre radicaux savent trouver l’oreille des classes populaires. Mais le plus important est très certainement que cela peut aussi donner confiance pour reprendre le chemin de la lutte.

    Au Royaume-Uni, l’atmosphère sociale a totalement été métamorphosée par la campagne dont la fin fin n’a pas pour autant sonné le glas de la mobilisation. Des manifestations spontanées ont eu lieu dès le lendemain des élections pour poursuivre la lutte contre les conservateurs et Theresa May dans la rue. 3 jours après la tenue des élections, 150.000 personnes avaient rejoint le Labour, qui atteignait donc les 800.000 membres ! John McDonnell, membre du ‘‘cabinet de l’ombre’’ de Corbyn (qui regroupe les principales figures de l’opposition au gouvernement), a directement appelé à ce qu’un million de personnes se mobilisent afin de forcer la tenue de nouvelles élections avec l’aide de ‘‘tous les syndicats’’ et en insistant sur la nécessité de ‘‘sortir dans les rues’’.

    Au moment d’écrire ces lignes, il était question d’une manifestation nationale le 1er juillet tandis que divers dirigeants et militants syndicaux (essentiellement du secteur des services publics) parlaient d’un ‘‘été de la colère’’ menant à un ‘‘octobre rouge’’ qui verrait Jeremy Corbyn devenir Premier ministre.

    Et tout ça, c’était avant le dramatique incendie de la Grenfell Tower de Londres, où plus de 80 personnes ont perdu la vie. Alors que Theresa May n’a pas osé se rendre auprès des sinistrés par crainte d’un accueil glacial, Jeremy Corbyn y a été très favorablement accueilli. Il a tout d’abord appelé à ce que les logements vides du quartier soient saisis pour aider les familles qui devaient survivre à la tragédie et, devant le refus des autorités, il a appelé ses partisans à ‘‘occuper’’ les bâtiments vides pour les victimes de la Grenfell Tower ! Rien de surprenant à ce que le journaliste du Guardian Paul Mason ait décrit l’establishment comme étant ‘‘en pleine panique’’.

    Un potentiel à organiser

    Nos camarades du Socialist Party ont activement soutenu la campagne de Corbyn, tout en soulignant que ces élections devaient être une première étape vers une lutte concrète pour dégager les conservateurs et barrer la route à la politique d’austérité. En France, nos camarades de la Gauche Révolutionnaire ont agi de même dans la campagne de la France Insoumise. Ce combat représente également une excellente opportunité de clarifier avec quel programme, quelles méthodes et quelle stratégie il est aujourd’hui possible de construire une alternative favorable aux travailleurs et aux pauvres.

    Au Royaume-Uni, il faut impérativement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. De prochaines élections générales peuvent avoir lieu à tout moment. Une bonne mobilisation syndicale pourrait d’ailleurs en accélérer la venue. Et il serait intolérable que le Parti travailliste doive à nouveau se mettre à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant et défendent une approche droitière.

    En France, la France Insoumise peut poser les jalons de la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs et de la jeunesse. Dans les deux cas, la situation politique et dans la rue serait métamorphosée s’il existait un nouvel outil de lutte démocratique et fédérateur de masse regroupant différentes sensibilités de gauche tout en leur offrant le droit de participer au débat sur l’orientation politique à adopter.

    Lutter pour le socialisme

    Au Royaume-Uni, en France et aux États-Unis, une nouvelle génération vient de faire son entrée sur la scène politique et s’élance à la recherche d’une alternative. Mais l’hostilité qu’ils ont subie de la part des médias et de l’establishment capitaliste dans son ensemble illustre à quel point le combat sera âpre pour parvenir au pouvoir. Et leur hargne ne fera que croître lorsque nous aurons réussi à gagner une partie du pouvoir.

    Pour empêcher les capitalistes de saper la transformation naissante de la société, des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des plus grandes entreprises et des banques qui dominent l’économie pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Un gouvernement véritablement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs.

  • Des socialistes qui se remplissent les poches renforcent la droite

    De vrais socialistes luttent pour un autre système !

    La longue suite de scandales sur la cupidité des politiciens a durement frappé le PS. Rien d’étonnant : certains ont été jusqu’à arrondir leurs fins de mois au détriment des plus faibles comme les sans-abris ! Pire encore, les responsables se disent ‘‘socialistes’’. Si le PS subit une sévère punition électorale, ce n’est pas parce qu’il se réclame du socialisme, mais parce qu’il n’a plus rien à voir avec cela.

    La logique néolibérale de rentabilité et de salaires de haut vol a contaminé le secteur public. Rien d’étonnant non plus : tous les partis traditionnels – dont les sociaux-démocrates – ont adopté et appliqué le néo-libéralisme. Les services publics étaient des entreprises publiques: le service a cédé la place à la chasse aux profits. Les politiciens traditionnels se sont comparés aux managers du secteur privé pour qui le moindre souffle de vent est prétexte à une augmentation.

    La colère contre toutes ces rémunérations exagérées est d’autant plus grande qu’elles sont dévoilées à la suite d’années d’austérité qui ont vu fondre les conditions de vie des travailleurs et de nos services publiques. Alors que ces derniers ployaient sous le manque de moyens, des politiciens ont continué à se servir dans les caisses. La manœuvre est connue, c’est une étape vers la privatisation complète qui verra les profits et les salaires démesurés aller vers les grandes entreprises. Nous exagérons ? Pensons à la N-VA qui, à Anvers, souhaitait transférer la gestion des personnes sans-abri à la société G4S… La menace est pour l’instant écartée, mais l’accueil des personnes sans-abri en a néanmoins souffert (voir en page 5). Que cela soit au profit de politiciens du PS ou d’actionnaires, cet enrichissement au détriment des plus démunis nous semble tout aussi scandaleux.

    Les choses ne se résument pas à quelques personnalités aux mains sales. C’est tout le système qui est problématique, son fonctionnement garantit la croissance des inégalités et les excès de toutes sortes.
    Cette colère a soutenu l’envol de la popularité de ‘‘vieux socialistes’’ tels que Bernie Sanders, Jean-Luc Mélenchon et Jeremy Corbyn. Le PS et le SP.a peuvent bien théoriquement être ‘‘socialistes», ils ont cependant depuis longtemps vidé le terme de son contenu. Si Sanders, Corbyn et Mélenchon ont pu bénéficier d’un aussi formidable écho, c’est parce qu’ils ont très clairement pris les intérêts de la majorité de la population comme point de départ de leur approche politique. Il peut paraitre contradictoire au premier abord que le socialisme connaisse un renouveau au moment même où le PS s’effondre. Mais la social-démocratie ne sait plus depuis longtemps ce que signifie le socialisme.

    Pour leurs opposants, le programme de Corbyn, Sanders ou Mélenchon est ‘‘impayable’’ et ‘‘irréaliste’’. Cet ‘‘argument’’ est devenu le dernier rempart des partisans sociaux-démocrates du néolibéralisme. Ces derniers n’ont en revanche jamais considéré que les innombrables diminutions d’impôts pour les grandes sociétés ou les régimes fiscaux favorables aux plus riches fussent inestimables. Visiblement, disposer d’un enseignement de qualité et accessible, d’un bon logement, de transports en commun pleinement opérationnels, etc., tout cela est accessoire.

    Cela fait des décennies que l’on nous martèle que tout fonctionnerait tellement mieux une fois intégrée la logique de rentabilité et de profit. L’horrible réalité a été dévoilée lors du drame de l’incendie de la tour Grenfell à Londres : soumettre les logements sociaux à cette approche équivaut à considérer les mesures de sécurité comme des dépenses de trop. Cette catastrophe n’a pas été causée parce que des règles ont été violées ou que différentes normes de sécurité existent au Royaume-Uni, mais parce que les autorités néolibérales payent les régimes fiscaux favorables aux plus nantis (comme les promoteurs immobiliers) en allant puiser dans les fonds publics au détriment de la sécurité ou des investissements d’entretien nécessaires.

    Nous n’en sommes encore qu’au début du renouveau des idées socialistes. Toutes ces revendications ‘‘old school’’ tout au plus considérées jusqu’il y a peu comme pittoresques suscitent un grand enthousiasme. La (re)nationalisation d’industries ou de services, l’enseignement gratuit, etc. font appel à l’imagination. Mais tout cela reste conditionné à la stratégie à adopter pour en faire une réalité. Corbyn défend la renationalisation du rail, mais uniquement à mesure de l’expiration des licences d’exploitation accordées au privé. Son passage à l’énergie renouvelable passerait par une expansion progressive du contrôle public sur l’énergie au côté des géants du privé actuels. Mélenchon fait essentiellement reposer son projet sur l’argument selon lequel des salaires plus élevés pourraient parvenir à stimuler l’économie et sur des dispositions légales pour contrôler les entreprises.
    Ces revendications représentent un bon début, mais l’enthousiasme pour de tels programmes existe en raison de l’aperçu qu’il donne pour une rupture complète et immédiate avec la casse sociale et l’exploitation capitaliste. Faire face aux changements climatiques, pour ne prendre qu’un exemple, exige de ne pas s’en remettre au ‘‘marché libre’’ pour assurer une transition énergétique rapide. En effet, cela nécessite des investissements publics massifs.

    Riposter au chantage et au sabotage du capitalisme exige d’adopter une position ferme. Nous ne pourrons pas passer à côté de la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Les gains de ces secteurs pourraient alors être utilisés pour réaliser les investissements cruciaux nécessaires dans les services publics et la recherche scientifique, tandis que le contrôle démocratique des travailleurs est essentiel pour protéger les secteurs nationalisés du sous-financement et de la corruption. Les véritables socialistes ne se remplissent pas les poches, ils luttent activement pour une société socialiste ! Rejoignez le PSL !

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