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  • Royaume-Uni. Après ces élections, May et les conservateurs doivent être dégagés!

    « Theresa DésarMay », « Un pari raté » – voilà les titres à la une des torchons de droite que sont le Sun et le Daily Mail, qui avaient pourtant passé toute la campagne électorale à balancer une attaque après l’autre contre le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn dans le vain espoir d’obtenir une victoire éclatante pour le Parti conservateur.

    Le jour où a été annoncée la tenue d’élections générales anticipées (élections législatives qui donnent généralement lieu à la nomination d’un nouveau chef de gouvernement), le Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles, avait déclaré ceci : « Si Corbyn se présente avec un programme clairement socialiste, notamment au sujet d’un Brexit favorable aux intérêts des travailleurs et des classes moyennes, il peut remporter cette élection ». Cette déclaration a suscité beaucoup de rires ici et là, y compris, malheureusement, de la part de l’aile droite du Parti travailliste qui pensait que cette élection allait lui donner un prétexte pour se débarrasser de Corbyn.

    En à peine cinq semaines pourtant, la campagne électorale de Jeremy Corbyn a prouvé à tous ses détracteurs à quel point ils avaient eu tort. Elle a complètement transformé la situation politique au Royaume-Uni. Face à une opposition impitoyable de la part de l’élite capitaliste et des médias ainsi que, hélas, de la part de l’aile droite de son propre parti qui a tout fait pour saboter sa campagne, Jeremy Corbyn a vaillamment défendu son programme anti-austérité pour le peuple du Royaume-Uni.

    Des centaines de milliers de gens, y compris le Socialist Party, ont mené campagne pour son programme dans toutes les rues du pays. Le résultat a été la plus forte hausse du nombre de voix pour son parti jamais vue depuis 1945. Le taux de participation des jeunes, qui était de 43 % en 2015, est passé à 72 % cette année, reflétant la popularité de Corbyn et le désir de lutter de la part de la jeunesse.

    Les Conservateurs sont sortis fortement endommagés de cette élection. Nous devons maintenant construire un mouvement pour les contraindre à quitter le pouvoir. Le 8 juin n’était que le début. C’était le début d’un mouvement pour chasser les Conservateurs et créer une société socialiste qui donnera l’enseignement gratuit, des logements décents et des emplois corrects pour tout un chacun.

    S’organiser, faire grève, résister et lutter pour réaliser le programme de Corbyn

    Par Hannah Sell, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    L’échec du pari électoral de Theresa May est un cauchemar pour la classe capitaliste britannique. Il y a à peine sept semaines, la plus grande partie de l’élite britannique espérait encore que May parvienne à obtenir une augmentation spectaculaire du nombre députés conservateurs pour renforcer son gouvernement afin de faire face à la crise économique, faire passer sa politique d’austérité contre l’avis de la majorité de la population et négocier une sortie de l’Union européenne qui soit dans l’intérêt des 1 % les plus riches de son pays.

    Au lieu de ça, elle est maintenant présentée comme une Première ministre « morte-vivante », qui ne pourra continuer à s’accrocher au pouvoir que de manière temporaire grâce au soutien des députés réactionnaires du Parti unioniste démocrate (DUP), qu’elle décrit pourtant comme ses « amis ».

    Le DUP, dirigé par Ian Paisley est un parti d’Irlande du Nord bien connu pour ses liens avec les milices anti-indépendantistes qui ont leur part de responsabilité dans les multiples guerres civiles de cette région. En outre, ses membres sont contre l’avortement, contre les droits des LGBT et nient la réalité du changement climatique. Mais les Conservateurs ne sont pas les seuls qui sortiront salis de cette alliance.

    En effet, la base du DUP comprend une grande partie de la classe ouvrière protestante d’Irlande du Nord qui souffre elle aussi de la politique d’austérité (les « ajustements structurels ») mise en place par les Conservateurs. Il semble d’ailleurs que les dirigeants du DUP ont déjà demandé à May d’abandonner ses projets de retrait des aides aux retraités pour le chauffage de leur domicile.

    Conservateurs – dégagez ! May n’a aucune légitimité

    Non seulement les Conservateurs sont scindés en deux camps ennemis sur la question du Brexit, leur principale dirigeante est une personne qui n’a plus aucune autorité ni en-dedans, ni en-dehors du parti. La seule raison pour laquelle elle reste à son poste est que les Conservateurs n’ont pas encore trouvé de remplaçant et craignent que les discussions sur le choix d’un nouveau Premier ministre ne mènent à une rupture décisive de leur parti.

    Jeremy Corbyn et John McDonnell, à la tête du Parti travailliste, ont très justement appelé May à démissionner et ont promis de tout faire pour proposer leur programme au parlement et faire voter les députés en sa faveur. Il nous faut à présent construire un mouvement pour assurer que ce programme soit bien appliqué, quel que soit le nombre de députés qui sont prêts à le soutenir.

    Ces élections générales ont été une victoire totale pour l’attitude anti-austérité de Jeremy. Le jour où les élections ont été annoncées, le 18 avril, le Socialist Party a déclaré : « Si Corbyn lutte sur base d’un programme socialiste, et notamment pour un Brexit dans l’intérêt des travailleurs et des classes moyennes, il pourrait emporter l’élection ». Cette déclaration a suscité beaucoup de rires ici et là, y compris, malheureusement, de la part de l’aile droite du Parti travailliste qui pensait, à tort, que cette élection allait lui donner un prétexte pour se débarrasser de Corbyn.

    Souvenons-nous par exemple que c’était à peine en septembre que Peter Mandelson, un blairiste convaincu, disait dans la presse « prier chaque jour pour des élections anticipées », qui signifieraient selon lui la fin de la direction Corbyn.

    Corbyn renforcé

    Bien au contraire, ces élections ont énormément renforcé la position de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste et dans la société de manière générale. Le Parti travailliste a en effet obtenu 40 % des voix, contre 30 % en 2015. Cela représente la plus forte hausse de soutien pour ce parti depuis 1945. En même temps, le « phénomène Corbyn » est responsable d’une incroyable hausse du taux de participation, avec 3,5 millions d’électeurs en plus cette année par rapport à il y a deux ans (9,3 millions en 2015, 12,8 millions en 2017).

    Ce phénomène s’est particulièrement illustré par le nombre de jeunes qui se sont retrouvés devant les bureaux de vote. Alors que tout le monde des médias, des intellectuels et des politiciens décrivaient la jeunesse comme « apathique, sans conviction, consumériste », etc., voilà que nous assistons à une véritable révolte électorale de la jeunesse qui lutte pour son avenir. Certaines estimations indiquent que 72 % des jeunes ont voté, contre 43 % en 2015. Et deux jeunes sur trois ont voté Corbyn.

    Le Parti libéral-démocrate, qui prétendait avoir une base parmi les électeurs jeunes de classe moyenne, a quant à lui reçu la juste monnaie de sa pièce pour avoir voté en faveur de la hausse des frais d’inscription à l’université en 2010.

    La jeunesse a été principalement inspirée par le programme de Corbyn dans lequel on retrouve un nouveau salaire minimum de 10 £ de l’heure (7500 francs CFA), l’enseignement gratuit, un strict contrôle sur les montants des loyers et un plan de construction massive de logements sociaux. La jeunesse, désormais politisée, ne retournera plus à son état précédent : la base a ainsi été jetée pour le développement d’un soutien de masse aux idées du socialisme.

    Le soutien de la jeunesse à Corbyn est surtout répandu parmi la classe prolétaire et les classes moyennes. L’exemple le plus flagrant en est la victoire du Parti travailliste dans la petite ville universitaire de Canterbury (Sud-Est), qui, pour la première fois depuis 1918, n’a pas élu un Conservateur pour la représenter. On voit ici aussi de manière générale la radicalisation croissante des jeunes issus de la classe moyenne mais qui se retrouvent de plus en plus prolétarisés par les bas salaires et la hausse vertigineuse des loyers.

    Il est cependant entièrement erroné et même scandaleux de décrire, comme certains médias bourgeois l’ont fait, le résultat de cette élection comme provenant d’un conflit « de générations ». Il s’agit d’une nouvelle tentative consciente de diviser la classe des travailleurs entre « vieux » et « jeunes » – une tentative qui doit être combattue par la solidarité tant dans la lutte pour la gratuité de l’enseignement que pour l’aide au chauffage des pensionnés.

    De nombreux travailleurs plus âgés, déçus par le virage droitier imprimé par Tony Blair au Parti travailliste, ont de nouveau voté travailliste cette année pour la première fois depuis près de vingt ans, afin de soutenir Jeremy Corbyn. Au Pays de Galles, où les Conservateurs rêvaient de faire une percée, les Travaillistes ont connu d’importants gains.

    Il est clair également que la disparition virtuelle du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) n’a pas tant profité aux Conservateurs, comme May l’avait espéré. Parmi les personnes qui ont voté pour l’UKIP en 2015 (qui comprennent évidemment aussi d’anciens électeurs travaillistes), certains ont voté cette fois-ci pour May en raison de ses promesses d’un « Brexit dur » (sans concessions à l’Union européenne). Si Jeremy n’avait pas fait une concession aux blairistes en acceptant (à contrecœur) de faire campagne pour rester dans l’Union européenne au lieu de s’en tenir à la position qui avait toujours été la sienne (et celle du Socialiste Party) et d’appeler à sortir du club impérialiste qu’est l’Union européenne en mettant en avant un programme antiraciste et internationaliste, May n’aurait jamais pu obtenir les voix qu’elle vient de récupérer de la part de certains travailleurs.

    Néanmoins, la position adoptée par Jeremy durant la campagne électorale (un Brexit dans l’intérêt des travailleurs) a permis de convaincre toute une série de travailleurs qui avaient voté pour l’UKIP aux dernières élections. Même Nigel Farage, le président démissionnaire de l’UKIP, a dû admettre que Corbyn est parvenu à s’assurer un soutien tant de la part des jeunes qui auraient préféré rester dans l’UE que de la part des travailleurs qui ont voté pour son parti.

    La raison fondamentale pour laquelle Jeremy Corbyn était tellement à la traine au début de la campagne est que la majorité de la population n’avait jamais entendu parler de son programme. Il est vrai que cette situation a été en partie causée par l’hostilité de la part des médias capitalistes, mais alors, comment expliquer que Corbyn ait pu gagner en soutien tout au long de la campagne électorale alors que cette hostilité des médias s’était encore intensifiée ! C’est que cette fois-ci, au lieu de rester silencieux dans une nouvelle vaine tentative d’apaiser les blairistes, l’aile Corbyn a décidé de porter son programme à travers tout le pays. La droite l’a laissé faire, se disant qu’ainsi, Corbyn serait « responsable » de la défaite ; au lieu de ça, le voilà devenu « responsable » du meilleur résultat électoral pour le Parti travailliste depuis 1997.

    Ce résultat aurait d’ailleurs été encore plus grand si Jeremy avait pris dès le départ une position plus claire par rapport au fait qu’il soutient le droit à l’indépendance de l’Écosse. En 2015, avant que Corbyn n’arrive à la tête du parti, le Parti travailliste avait mené campagne contre l’indépendance. Vu le soutien affiché à l’indépendance par toute une partie de la population (notamment par les couches les plus pauvres de la société), face à l’opposition farouche de tous les autres partis politiques du Royaume-Uni, le Parti national écossais est tout naturellement devenu premier parti d’Écosse. Cependant, vu que depuis, ce parti ne cesse d’appliquer la même politique d’austérité que les Conservateurs, la déception vit à présent parmi la population qui l’avait soutenu. C’est pour cette raison que Corbyn est parvenu à gagner beaucoup de voix parmi certaines circonscriptions ouvrières d’Écosse, sans pour autant concrétiser le potentiel qui s’offrait à lui. Par contre, les Conservateurs ont fortement accru leur vote dans les circonscriptions les plus privilégiées d’Écosse, tirant parti du courant anti-indépendantiste, plus fort dans ces régions.

    L’heure doit être à la mobilisation syndicale

    Après cette victoire de Jeremy Corbyn, il est urgent de poursuivre sur cette lancée en appelant immédiatement à une manifestation nationale contre l’austérité avec pour slogan « Conservateurs, dégagez ! », pour faire cesser l’ensemble des attaques menées entre autres sur notre système de soins de santé et nos établissements d’enseignement. Cette marche rassemblera des millions de gens ; on pourrait alors déclarer une grève générale de 24 heures qui forcera May à organiser de nouvelles élections.

    En même temps, Jeremy Corbyn et l’aile gauche du Parti travailliste doivent faire cesser l’application des plans d’austérité des Conservateurs par les conseils communaux et régionaux entre les mains de leur parti.

    En très peu de temps, des millions de gens ont été convaincus de voter pour Corbyn malgré le fait qu’il n’était pas clair s’il était vraiment prêt à appliquer son programme. Ce scepticisme est logique, vu toutes les trahisons perpétrées par le « Nouveau » Parti travailliste (« New Labour ») lorsque celui-ci a pris le pouvoir avec Tony Blair, et toutes les trahisons au niveau des conseils communaux qui sont responsables de la moitié des mesures de restriction budgétaires dans les services publics depuis 2010.

    Pour consolider l’enthousiasme généré par la campagne de Corbyn, il est nécessaire qu’il clarifie dès aujourd’hui qu’il est entièrement opposé aux coupes d’austérité au niveau local et que le gouvernement conservateur est désormais trop faible pour contraindre les conseils municipaux travaillistes d’appliquer cette politique. C’est particulièrement le cas dans les zones urbaines où le soutien à Corbyn est le plus grand, et alors que des élections municipales auront lieu l’an prochain.

    Transformer le Parti travailliste

    Comme le disait Riz Ahmed, du groupe de rap Swet Shop Boys, « Bravo Jezza pour avoir ramené à tant de gens l’espoir dans la politique. Si le Parti travailliste avait été uni derrière Corbyn, nous aurions pu remporter cette élection haut la main ! ». Cet avis est largement partagé parmi les partisans de Corbyn.

    Non seulement Jeremy est parvenu à s’imposer face à l’hostilité et au sabotage permanent de la part de l’élite capitaliste, mais il a aussi été énormément freiné par les blairites, ces représentants du capitalisme au sein du Parti travailliste. Si ces derniers n’oseront plus tenter un nouveau « coup d’État » contre lui en cette période postélectorale, nous ne devons pas nous faire la moindre illusion sur le fait qu’ils pourraient se réconcilier avec lui. Le Parti travailliste reste, jusqu’à nouvel ordre, deux partis qui partagent la même étiquette.

    Pour la classe capitaliste, la politique défendue par Corbyn représente une véritable menace et, plus encore, l’espoir qu’il est en train de susciter chez des millions de gens. C’est pourquoi les représentants du Parti travailliste vont chercher de nouvelles manières de vaincre Corbyn. C’est ainsi que, dans la semaine du scrutin, on a vu la députée Joan Ryan attaquer Corbyn publiquement et interdire aux agents électoraux d’utiliser des tracts qui mentionnaient son nom ! Hier encore, Hilary Benn est venu marmonner dans la presse que « Le Parti travailliste doit tirer les leçons de cette troisième défaite électorale ».

    Nous ne pouvons pas non plus accorder la moindre confiance aux blairistes qui ont récemment commencé à faire des déclarations de soutien à Jeremy. Il s’agit d’une manœuvre pour tenter de l’encercler avant de le forcer à abandonner un point après l’autre de son programme radical. Car c’est bien de cela qu’il est question lorsque Peter Mandelson, le plus blairiste de tous et qui avait un jour suggéré l’idée d’un assassinat politique, affirme que Corbyn doit « montrer du respect » envers l’ensemble des fractions du parti. Or, si beaucoup de gens ne connaissaient pas encore Corbyn et son programme à la veille du scrutin, c’est justement à cause de cette aile droite qui a tout fait pour l’étouffer depuis qu’il a été élu à la tête du parti.

    Nous ne pouvons nous permettre de voir cette situation perdurer. C’est pourquoi il nous faut immédiatement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. Cela requiert l’introduction de la réélection obligatoire des députés. Les prochaines élections générales pourraient avoir lieu à tout moment ; il serait intolérable que le Parti travailliste ait à nouveau à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant.

    Il faut aussi prendre des mesures pour démocratiser le parti, y compris le droit de parole pour les syndicats affiliés et l’intégration des socialistes de lutte, tels que les militants du CIO, dans le cadre d’une fédération démocratique. Nous pourrons ainsi forger un parti qui pourra véritablement rassembler tous les jeunes, les socialistes, les travailleurs et les militants sociaux qui ont été inspirés par Jeremy Corbyn pour en faire une puissante force de masse.

    Lutter pour le socialisme

    Cette campagne électorale a permis à toute une nouvelle génération d’être touchée par les idées du socialisme pour la première fois. Cela est un énorme pas en avant. Mais elle a aussi révélé à quel point les capitalistes sont prêts à aller pour saboter la moindre tentative de mettre en place une politique en faveur de la majorité de la population et non pas de leur petit clan. L’hostilité à laquelle Jeremy Corbyn a été confrontée n’est que le pâle reflet de ce qui l’attendra le jour où il prendra la tête du gouvernement.

    Pour couper court à cette résistance de la part des riches, il faudra envisager des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des – disons – 100 plus grandes entreprises et banques qui dominent l’économie du Royaume-Uni pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Le gouvernement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs ; une politique « Pour les millions et non pour les millionnaires ».

  • [VIDEO] La TUSC soutient Jeremy Corbyn aux élections britanniques

    Cette année, la Trade Unionist and Socialist Coalition (coalition de syndicalistes et de socialistes) ne se présente pas aux élections britanniques du 8 juin. Ses membres, parmi lesquels nos camarades du Socialist Party, soutiennent le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn. Lors de précédentes échéances électorales, tous les partis traditionnels défendaient la politique d’austérité. Cette élection est très différente. Un véritable choix peut être fait. La TUSC a réalisé cette vidéo pour expliquer son choix.

  • Attentat de Manchester: Unité contre le terrorisme, la guerre et le racisme

    Des jeunes en sortie se sont retrouvés confrontés à l’une des pires horreurs imaginables lorsqu’une bombe a explosé dans la Manchester Arena, la plus grande salle de concert de Grande-Bretagne. Vingt-deux personnes ont été tuées et au moins 59 blessées par cette explosion à la fin d’un concert de la chanteuse américaine Ariana Grande.

    Par Judy Beishon, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et pays de Galles)

    Cette atrocité, que le Socialist Party condamne complètement, rappelle l’attaque commise dans la salle du Bataclan à Paris en novembre 2015. Dans les deux cas, des gens de tous horizons ont été abattus sans discrimination, en particulier des jeunes. Les premiers rapports ont suggéré que l’agresseur était un kamikaze mort sur les lieux. Il s’agit de la pire attaque terroriste en Grande-Bretagne depuis que 56 personnes ont été tuées lors de l’attentat de Londres en juillet 2005.

    Les habitants de Manchester ont rapidement réagi pour aider les personnes fuyant la scène, en proposant de les accueillir, de leur offrir un lit ou de les raccompagnez chez eux tandis que les chauffeurs de taxi n’ont pas fait payer leurs courses. Cette réaction faite de solidarité et d’entraide – ainsi que celle des travailleurs des services d’urgence et des hôpitaux – n’a rien de commun avec la réaction hypocrite des ministres du gouvernement conservateur qui expriment leur sympathie et leur chagrin alors qu’ils sont totalement responsables des politiques qui fournissent la base sur laquelle de telles atrocités sont commises.

    Les attaques terroristes dans les villes européennes sont de plus en plus fréquentes. En Grande-Bretagne, l’inquiétude touchera cette fois tout le pays, l’attaque ayant été perpétrée en dehors de Londres. Les raisons qui se trouvent derrière ces attaques semblent souvent être multiples et aucun événement ne ressemble exactement à un autre. Des liens ou une sympathie idéologique avec Daesh (l’Etat islamique) ainsi que la colère contre les interventions impérialistes occidentales au Moyen-Orient sont toutefois des caractéristiques communes.

    Il est essentiel de s’opposer à des organisations réactionnaires comme Daesh, qui soutiennent et commettent des actes barbares, mais aussi de s’opposer aux guerres impérialistes et d’appeler au retrait immédiat des forces militaires britanniques du Moyen-Orient. Nous devons également créer l’unité des travailleurs contre la stratégie visant à trouver des boucs émissaires en jouant sur le racisme et la division, en défendant les idées du socialisme comme seule alternative à ce système actuel qui ne peut pas et ne mettra pas fin à la pauvreté, aux guerres et au terrorisme.

    L’incapacité des conservateurs à contrer le terrorisme

    La Première ministre Theresa May tentera sans aucun doute d’instrumentaliser ces atrocités pour apparaître comme la championne des lois anti-terroristes et renforcer sa position dans la perspective des élections du 8 juin prochain. Ces deux dernières décennies n’ont cependant pas manqué de nouvelles législations antiterroristes et aucune d’entre elles n’est parvenue à empêcher de nouvelles attaques à l’instar de celle de mars dernier à Westminster ou du dernier terrible événement en date, celui de Manchester. Le Socialist Party n’a dès le début cessé de prévenir que ce serait le cas.

    Parallèlement, l’austérité implacable appliquée par les conservateurs au pouvoir rend chacun plus vulnérable lorsque survient un attentat. Après l’attaque de Westminster, nous avons attiré l’attention sur la façon dont les réductions budgétaires dans les services de secours, les hôpitaux et le personnel des transports réduisent inévitablement la rapidité des secours.

    Les victimes de l’attentat de Manchester auraient été soignées dans 8 hôpitaux des environs, certains d’entre eux doivent actuellement faire face à une diminution de leurs moyens et la fermeture des urgences 24 heures sur 24 est même envisagée. Cet attentat, commis en fin de soirée, expose la nature potentiellement dévastatrice de ces coupes budgétaires, que les conservateurs désirent par ailleurs encore approfondir.

    Au cours de l’actuelle campagne électorale, les conservateurs actuellement au pouvoir ont clairement démontré qu’ils entendent poursuivre sur leur voie austéritaire de manière tout à fait insensible. Ils ont suscité des réactions indignées en précisant qu’ils souhaitaient encore durcir leur politique à l’égard des bénéficiaires d’allocations sociales. A la suite de l’attentat de Manchester, les conservateurs vont tenter de se profiler comme les défenseurs de la population, cette manœuvre doit être exposée et combattue.

    La popularité des politiques anti-guerres

    L’attentat de Madrid en 2004, où 191 personnes avaient perdu la vie, a eu lieu au cours d’une campagne électorale. Le Parti populaire, qui était au pouvoir, a tenté d’utiliser ces atrocités pour stimuler sa campagne. Leur stratégie a toutefois échoué, la colère des masses s’était dirigée contre lui après qu’il ait essayé de faire porter la responsabilité de l’attentat aux nationalistes basques. Il est au contraire clairement apparu que les auteurs agissaient en sympathie avec le réseau Al-Qaida. Le rejet de la politique du gouvernement dans le cadre de la guerre en Irak a conduit à la victoire du PSOE, le parti social-démocrate espagnol.

    Dans l’actuelle campagne électorale en Grande-Bretagne, l’approche anti-guerre de Jeremy Corbyn (le chef du Parti travailliste) peut bénéficier d’encore plus de résonance et d’un puissant impact. Corbyn a longtemps été un adversaire conséquent des interventions de la Grande-Bretagne et d’autres puissances capitalistes occidentales dans les guerres d’Afghanistan, d’Irak, de Libye et de Syrie. Celles-ci ont causé une dévastation massive et d’innombrables pertes de vie tout en créant les conditions du développement de l’horrible violence terroriste dans ces pays et au-delà.

    Le Socialist Party s’est fermement opposé à ces guerres et a constamment prévenu que ce seraient les travailleurs et la population ordinaires au Moyen-Orient et dans le monde entier qui supporteraient le coût de cette politique, tant au niveau financier qu’à celui de de l’instabilité croissante.
    En même temps, nous condamnons (tout comme Jeremy Corbyn) l’idéologie et les méthodes odieuses des organisations réactionnaires de droite comme Daesh et Al-Qaida, qui cherchent à construire un califat semi-féodal et capitaliste hautement répressif, sans la moindre parcelle de droits fondamentaux ou de démocratie des travailleurs.

    La classe des travailleurs, en Irak et en Syrie, doit construire des syndicats, des organismes de défense non-sectaires démocratiquement dirigés, etc., pour lutter contre Daesh, avec le soutien des travailleurs à l’échelle internationale. Les puissances impérialistes n’interviennent que pour défendre leur prestige et leur influence ainsi que pour défendre les intérêts de leurs grandes entreprises.

    L’impérialisme britannique n’a pas fait exception, qu’il ait été représenté par les conservateurs ou par les blairistes du New labour avant eux. Par une coïncidence appropriée, le «briefing du matin» du Guardian suite à l’attaque de la Manchester Arena a commencé par l’attaque terroriste pour ensuite suivre avec le «soutien sans précédent pour l’industrie des combustibles fossiles» dans le manifeste électoral conservateur. Les dirigeants de l’industrie pétrolière ont en conséquence promis plus de £ 390.000 à la campagne de la première ministre Theresa May.

    Les élections générales du 8 juin offrent une opportunité d’expulser les conservateurs et de faire avancer la lutte du mouvement ouvrier contre les blairistes en plaçant Jeremy Corbyn au poste de premier ministre. Il s’agirait d’une étape très importante pour mettre fin à l’austérité, à la pauvreté et à la guerre inhérents au système capitaliste, qui porte également en lui la division, le racisme et le terrorisme.

  • Le manifeste travailliste de Corbyn, un pas important dans la bonne direction

    Mobilisons pour lutter en faveur d’un changement socialiste !

    Le dirigeant du Labour, le Parti travailliste, Jeremy Corbyn a présenté son manifeste de campagne vers les élections du 8 juin prochain en déclarant que le Labour était « un parti pour le plus grand nombre » (« party for the many ») alors que les Tories (les conservateurs) sont le « parti des riches ».

    Un projet préliminaire du manifeste avait fuité et les médias de droite avaient lancé d’impitoyables attaques contre Jeremy Corbyn, ce qui avait mis en pleine lumière les politiques défendues dans ce texte. Dans les médias sociaux, la discussion était enthousiaste. Le Labour a grimpé dans les sondages jusqu’à obtenir 32% selon Opinium et ORB, et 35% selon un sondage ComRes réalisé après la fuite.

    L’expérience des membres du Socialist Party (parti-frère du PSL) est qu’un nombre plus important de personnes sont désireuses de s’arrêter et de discuter en prenant un tract ou en achetant notre journal maintenant que le manifeste du Labour est arrivé dans la presse. Nous sommes confiants envers le fait que les grandes lignes politiques de ce texte peuvent être une source d’inspiration pour de nombreuses personnes.

    Un million de personnes supplémentaires se sont inscrites sur les registres électoraux pour participer au vote depuis que la tenue de ces élections a été annoncée, dont 42% de jeunes. Une des raisons qui explique cela est qu’une nouvelle génération atteint l’âge d’être électeur. L’introduction de ce système où il faut soi-même effectuer les démarches pour figurer sur les listes d’électeurs avait entrainé la chute d’un quart du nombre de jeunes sortant de l’école sur ces listes. Au moins une partie de cette couche s’inscrit cette fois-ci. Il est également probable qu’ils s’inscrivent afin de voter pour le programme défendu par Jeremy Corbyn, le Labour étant nettement en avance sur les conservateurs parmi les moins de 40 ans.

    Les médias de droite ont immédiatement lancé leur offensive. Sans surprise, le quotidien The Daily Mail a crié que le Labour nous ramènerait aux années 1970, ce à quoi de nombreuses personnes ont répondu que c’était déjà mieux que les conservateurs, qui veulent nous renvoyer en 1870 ! Les grandes entreprises et leurs représentants politiques remueront ciel et terre pour empêcher que Corbyn soit victorieux. La Première-ministre conservatrice Theresa May avait qualifié les fuites du manifeste travailliste de « politiques socialistes désastreuses ». Selon elle, les travailleurs ordinaires allaient être « consternées » en en prenant connaissance.

    Des politiques populaires

    En réalité, les conservateurs et les riches qu’ils représentent sont terrifiés par la popularité de ces politiques. Les élections récentes en France et aux États-Unis de même que le référendum sur l’Union européenne ont été utilisés par les travailleurs et les jeunes pour exprimer leur révolte contre l’establishment capitaliste. Cette colère de classe basique va plus loin pour de nombreuses personnes qui sont à la recherche d’une alternative favorable à la classe ouvrière. C’est cela qu’a illustré le soutien monumental dont ont bénéficié Bernie Sanders aux USA et Jean Luc Mélenchon en France.

    Les sondages actuels montrent que si les gens soutiennent les politiques défendues dans le manifeste travailliste, ils sont sceptiques vis-à-vis de Jeremy Corbyn lui-même. Ce n’est guère surprenant, compte tenu de l’offensive dont il est victime à chaque minute. L’entourage de Corbyn se plaint des attaques des médias, mais ils ne réfutent pas suffisamment celles qui viennent de l’aile droite de leur propre parti.

    Malheureusement, le message anti-austérité de Jeremy Corbyn (qui l’a déjà porté à deux reprises à la tête du parti travailliste) n’a pas été suffisamment audible pour la majorité de la population au cours l’année écoulée. Les innombrables tentatives de trouver un compromis avec l’aile pro-capitaliste et blairiste du Parti travailliste ont étouffé sa voix. C’est un euphémisme. Ce scepticisme parmi la population provient également de la méfiance éprouvée envers les promesses de n’importe quel politicien.

    Une campagne audacieuse pourrait surmonter cela. Corbyn et ses soutiens syndicaux (au Royaume Uni, les syndicats choisissent le parti qu’ils soutiennent et lui versent une cotisation, NDT), comme le secrétaire général du syndicat UNITE (premier syndicat du pays)), Len McCluskey, doivent se présenter dans des rassemblements de masse et sur les lieux de travail en parlant de la riposte contre les riches et leur « système truqué », selon l’expression de Corbyn. S’ils défendent hardiment les emplois, les droits des travailleurs, le droit au logement et les services publics, ils pourraient défier les prétendus «experts» qui se prononcent contre le manifeste travailliste et l’emporter.

    Theresa May avait appelé à la tenue d’élections anticipées en pariant que, comme le laissaient entendre les sondages, elle serait en mesure de sérieusement accroître sa majorité parlementaire. Mais, comme le Socialist Party l’a expliqué dès le début, il s’agit d’une stratégie très risquée.

    La vidéo d’une femme issue d’un milieu ouvrier et affligée d’un handicap faisant face à Theresa May et critiquant les coupes budgétaires dans les allocations d’invalidité est devenue virale sur internet. Ces images en disaient beaucoup sur la vie réelle et l’atmosphère qui prévaut parmi la classe ouvrière.

    Theresa May reprend parfois à son compte des mesures politiques qu’elle a décrites précédemment comme « désastreuses », en version édulcorée, notamment au sujet des logements sociaux, des «droits des travailleurs» et des plafonds sur les prix de l’énergie. Concrètement, Corbyn a défini quel est l’ordre du jour politique. Le débat politique a été considérablement poussé vers la gauche.

    La presse conservatrice fait tout son possible pour discréditer Jeremy Corbyn au sujet de la défense. Mais lorsque ce dernier a parlé de l’échec de la stratégie du « bombarder d’abord, discuter ensuite » en expliquant qu’il s’agit d’une recette « pour augmenter, et non diminuer, les menaces et l’insécurité », il n’a pas seulement touché une corde sensible parmi la jeunesse, mais aussi auprès des millions de personnes qui s’étaient opposées à Tony Blair et à la guerre en Irak et qui avaient ensuite déserté le Labour. Corbyn a aussi déclaré s’opposer à toute nouvelle poignée de main avec Donald Trump, ce qui est à n’en pas douter également fort populaire auprès des centaines de milliers de personnes mobilisées contre le milliardaire raciste et sexiste.

    Malheureusement, ce manifeste illustre aussi que des concessions ont été faites à la droite du parti, dans l’espoir vain de parvenir à une unité. De nombreux partisans de Corbyn seront par exemple déçus que le manifeste s’engage à renouveler le programme de dissuasion nucléaire britannique Trident. Alors que la renationalisation des chemins de fer est très populaire, il est seulement question de renationaliser les sociétés ferroviaires au fur et à mesure que les franchises expirent. Bien que le manifeste spécifie qu’un certain nombre d’allocations sociales seraient revalorisées et que le système de sécurité sociale serait réformé, aucun engagement général n’existe quant au retour sur les précédentes réductions de budgets dans la sécurité sociale.

    Les militants du droit au logement sont déçus que le manifeste ne s’engage pas à abroger la Loi de 2016 sur le logement et l’aménagement du territoire (fortement critiquée notamment en raison de la réduction du nombre de logements sociaux que cette loi a impliqué, NDT). Corbyn avait initialement déclaré qu’un gouvernement travailliste construirait un million de nouveaux logements dont une moitié de logements sociaux dépendant des municipalités. La formulation du manifeste est beaucoup plus vague. Le Socialist Party affirme que nous avons besoin d’un million de logements sociaux ! De même, concernant le contrôle des loyers, le manifeste promet de contrôler les loyers à la place de fixer un plafond aux niveaux de loyer.

    Il s’agit de retraites concédées face à l’opposition blairiste. Mais la popularité d’autres mesures politiques et le virage de l’ensemble du débat politique vers la gauche en réponse à celles-ci, illustre qu’il n’a jamais été nécessaire d’accepter de pareils compromis avec la droite du Labour.

    Le Socialist Party soutient pleinement l’approche anti-austérité de Jeremy Corbyn. Depuis qu’il a été élu dirigeant du labour, nous avons fait tout notre possible pour soutenir le parti anti-austérité en formation dans sa lutte contre la droite du Parti travailliste.

    Les représentants de l’establishment capitaliste existent tant au sein du Parti travailliste qu’en dehors. Comme l’a montré le coup de l’été dernier tenté contre Corbyn, la grande majorité des députés travaillistes espèrent désespérément avoir l’occasion de l’abandonner. Contrairement à ce qu’ils clament, ces élus de droite n’agissent pas de la sorte parce que Corbyn serait «inéligible» mais précisément en raison de ses chances d’être élu.

    Nous avons défendu la démocratisation du Parti travailliste, la réadmission des socialistes expulsés et l’introduction d’une resélection obligatoire des députés (la possibilité par la base de mettre en cause la réinvestiture d’un député sortant, NDT). Si cela avait été effectivement appliqué, l’aile anti-austérité du Labour serait aujourd’hui dans une position bien plus favorable.

    L’aile droite ose prétendre représenter la clé d’un succès électoral alors qu’elle veut à nouveau appliquer les mêmes vieilles politiques d’austérité qui ont vu l’équivalent français du Labour, le PS, tomber à 6% des voix lors du premier tour des élections présidentielles. Après sept ans de misère conservatrice, les électeurs n’ont aucun intérêt à voter pour une version « light » de l’austérité et des politiques conservatrices dont les conséquences négatives rappellent le souvenir du temps où le New Labour était au pouvoir.

    Une personnalité de l’aile droite du parti a, sans honte, anonymement décrit le nouveau manifeste travailliste dans la presse comme ainsi : «tout cela se résume à une belle quantité de cadeaux pour tous les groupes spécifiques. Tout est concentré sur les «incapables pauvres» et rien ne s’adresse à la grande majorité qui travaille dur.»

    Le député bliriste Ben Bradshaw (Exeter) a déclaré qu’il n’avait rien à faire avec ce programme et qu’il produirait son propre manifeste, à l’image de ce grand nombre de députés de droite qui éditent des tracts locaux sans mentionner Jeremy Corbyn et les politiques qu’il défend. La députée de Walthamstow, Stella Creasy, affirme quant à elle sur ses tracts qu’elle a «combattu et remporté la bataille du domaine Butterfields», alors que c’est la lutte courageuse des locataires, soutenue par le Socialist Party, qui a mené à conduit à la victoire et a empêché leur expulsion. D’autres élus, tels que Wes Streeting et John Woodcock, déclarent ouvertement qu’ils ne vont pas soutenir l’accession de Jeremy Corbyn au poste de premier ministre.

    Jamais auparavant il n’a été plus clair que le Parti travailliste représente aujourd’hui deux partis en un: un parti pro-capitaliste blairiste et un nouveau parti anti-austérité en formation.

    En 2016, Tony Blair a déclaré que si Jeremy Corbyn devenait premier ministre, ce serait «une expérience très dangereuse» qu’il ne serait pas prêt à risquer. Il n’est pas surprenant qu’il fasse tout pour essayer d’empêcher cette victoire, en suggérant même que des électeurs travaillistes envisagent de soutenir les libéraux-démocrates ou les conservateurs s’ils sont favorables au maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. L’aile pro-capitaliste n’abandonnera jamais son combat pour étrangler la formation d’un nouveau parti qui soit anti-austérité. Plus aucune concession ne doit lui être accordée ! Nous avons besoin d’un parti dévoué à la défense des intérêts de la classe ouvrière, pas à ceux des milliardaires!

    Le Brexit

    Un programme clairement anti-austérité – reposant sur les intérêts de la classe des travailleurs – devrait également préciser quelle est l’approche du Parti travailliste à l’égard du Brexit (la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne). Les travailleurs qui ont voté pour le Brexit ont principalement agi de la sorte en raison de leur révolte contre toute la misère qu’ils ont subie au cours de cette dernière décennie. Le Socialist Party a soutenu que Jeremy devrait préciser qu’il se battait pour un Brexit dans l’intérêt de la majorité sociale, celle des travailleurs et de la classe moyenne.

    Le manifeste s’inscrit dans ce sens – en parlant de donner la priorité aux emplois et aux conditions de vie, de protéger les droits des travailleurs et de «toutes les communautés» – mais il fait encore des concessions à l’aile droite en ne précisant pas clairement le rôle de l’UE dans l’instauration de la politique d’austérité.

    Le manifeste contribue à défendre «les avantages du marché unique et de l’union douanière» sans expliquer le moindre rejet des règles néolibérales de l’Union européenne. Le manifeste parle beaucoup de la défense de la protection des travailleurs dans l’UE, mais il ne fait aucune mention de la législation européenne qui a conduit la course vers le bas en terme de conditions de salaire et de travail, à l’instar de la «directive des travailleurs détachés» ou des diverses directives de la privatisation des services publics. Le manifeste s’oppose par contre très clairement au racisme et défend les droits des migrants européens.

    Les politiques défendues dans ce manifeste pourraient transformer la vie de la majorité des gens (salaire décent, logement abordable, services publics décents et plus encore). Mais un parti anti-austérité socialiste doit aller plus loin pour résoudre tous les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et leurs familles.

    Par exemple, l’actuel plan concernant l’énergie consiste à assurer le contrôle du gouvernement sur les réseaux de distribution par étapes au fil du temps et à «soutenir la création» de sociétés d’énergie publiques dans chaque région, opérant avec des entreprises privées. Cependant, continuer à fonctionner au sein d’un marché privé où domine la soif de profits rendra impossible de contrôler ce qui arrive à l’approvisionnement en énergie, à ses prix et à son impact sur l’environnement. Pour assurer un accès authentique à l’énergie tout en investissant dans un plan visant à l’expansion rapide des énergies renouvelables, il faudrait une nationalisation démocratique de l’ensemble du secteur.

    Les plans économiques du manifeste de Corbyn sur l’investissement impliquent un rôle significativement plus important de l’État dans l’économie par rapport à ce qui a été défendu pendant des décennies. Ces propositions sont toutefois extrêmement modestes pour défier la propriété privée des secteurs clés de l’économie. Les manifestes travaillistes de 1945, 1972 et 1983 comprenaient des engagements de nationalisation beaucoup plus élargis. Mais la différence est telle en comparaison de ce qu’a défendu le Parti travailliste sous la direction de Tony Blair et les conservateurs que ce manifeste a le potentiel de secouer toute la société de haut en bas.
    Ce manifeste affirme que les choses n’ont pas à être ainsi et c’est cela que craignent tant les conservateurs et les blairistes. Ce manifeste ouvre la porte à la discussion sur la manière dont pourrait être différemment organisée la société.

    Mener campagne en faveur du manifeste de Jeremy Corbyn signifie de s’opposer non seulement aux conservateurs mais également aux représentants du capitalisme à l’intérieur du Parti travailliste. Cela signifie de continuer à se battre pour un parti en mesure de réaliser ce programme. Cela signifie de mener campagne pour des politiques de type socialistes.

    Lorsque les conservateurs et les médias capitalistes attaquent ces politiques comme étant inabordables, ils expriment en fait que ces mesures sont préjudiciables aux profits gargantuesques de l’élite capitaliste. L’argent ne manque pas au Royaume Uni. Les mille personnes les plus riches de Grande-Bretagne possèdent 658 milliards £ – 83 milliards £ de plus en un an! Les mesures fiscales de Corbyn et McDonnell visent à prélever £ 48,6 milliards supplémentaires dans leurs poches.

    Nous soutenons les projets de Jeremy Corbyn de taxer les grandes sociétés et les plus riches. Durant la plupart des années 1970, les grandes entreprises étaient imposées à 52%. Mais ce pourcentage a été réduit jusqu’à 20% aujourd’hui. Même avec les augmentations de taxe prévues par Corbyn et McDonnell, les grandes entreprises seraient encore moins imposées en Grande Bretagne que dans les autres pays du G7.

    Mais il faut reconnaitre que les « marchés » – c.à.d le capitalisme – n’accepteront jamais docilement de voir l’imposition et la régulation des grandes sociétés et des riches considérablement augmentés, ni même que des entreprises privées soient prises sous contrôle public.
    Un système truqué

    Le « système truqué » dont parle Jeremy Corbyn est géré par et pour un petit nombre de riches et d’entreprises. Aujourd’hui, un petit groupe de personnes en Grande-Bretagne et dans le monde entier possèdent et dirigent les industries, la science et la technique dans le seul but de maximiser leurs profits.

    Au niveau mondial huit personnes possèdent plus de richesses que la moitié la plus pauvre de l’Humanité. Nous connaissons le plus grand fossé entre riches et pauvres qui ait jamais existé dans l’histoire humaine. Environ 125 grandes entreprises dominent complètement l’économie. L’infime élite qui possède ces entreprises et ses laquais sont déterminés à stopper l’arrivée de Jeremy Corbyn au pouvoir.

    Les milliardaires qui tentent déjà de bloquer la diffusion des idées défendues par Jeremy Corbyn feront tout leur possible pour saboter leur mise en œuvre s’il est élu. Même les modestes objectifs de ce manifeste vont trop loin à leur goût. Ils sont surtout terrifiés par l’effet que cela pourrait avoir sur les attentes de la classe des travailleurs, qui pourraient être grandies et qui pourraient pousser Corbyn à aller bien plus loin que ce qu’il imagine actuellement.

    Il faudrait s’attendre à des tentatives visant à démettre Corbyn de ses fonctions de premier ministre. Ils utiliseraient aussi le sabotage, avec des mesures telles que la grève des investissements et le retrait de leur argent des banques. L’énorme pression qui a été en son temps instaurée sur le gouvernement dirigé par SYRIZA en Grèce est un avertissement pour tout gouvernement disposé à remettre en cause les intérêts des plus riches.

    Voilà pourquoi la lutte pour les politiques défendues par Corbyn et autres nécessitent la mobilisation active et massive du mouvement des travailleurs. Cela signifie d’être prêt à aller plus loin en adoptant des mesures de type socialistes.

    Cela impliquerait de nationaliser les grandes banques et sociétés financières, avec compensation uniquement sur base de besoins prouvés. Une étape cruciale pour résoudre la crise économique serait de placer sous propriété publique démocratique les quelque 125 grandes entreprises qui contrôlent environ 80% de l’économie britannique. À la différence des nationalisations du passé, il faudrait cette fois-ci les placer sous contrôle démocratique populaire en impliquant les travailleurs, les syndicats et la collectivité.

    Ce ouvrirait la voie à la possibilité de développer un plan démocratique et socialiste de production et d’échange qui pourrait très rapidement transformer la vie de millions de personnes.

  • Elections anticipées au Royaume-Uni: Corbyn doit se battre armé de politiques socialistes

    La Première ministre et cheffe du parti conservateur (Tory) Theresa May a convoqué des élections législatives anticipées le 8 juin et ce pour une seule raison : la faiblesse du gouvernement face à la colère qui se développe dans la société britannique.

    Déclaration du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles

    Les travailleurs souffrent de la contraction la plus prolongée des salaires depuis le début du XIXe siècle ! Les réductions d’allocations sociales laissent des millions de personnes sur le carreau, sans disposer de suffisamment d’argent pour se nourrir eux-mêmes et leurs familles. L’année dernière, pas moins de 200.000 personnes ont été admises à l’hôpital pour malnutrition ! L’enseignement et le système de soins de santé (NHS) font face à des coupes budgétaires qui mettent en danger leur existence. La crise du logement atteint un degré catastrophique. Les nouvelles lois anti-syndicales ultra-draconiennes sont sources d’amertume et de frustration parmi les syndicalistes.

    Le gouvernement est loin d’être fort et, compte tenu de la très fine majorité des Tories au parlement, Theresa May craint d’être submergées de blocages au Parlement. Cela s’est déjà produit à 11 reprises au cours de la première année de son gouvernement. Theresa May avait jadis déclaré refuser d’appeler à la tenue d’élections anticipées, mais elle a ravalé sa parole. Cela ne fait qu’illustrer une fois de plus à quel point les politiciens capitalistes sont capables de changer les règles en fonction de leurs désirs.

    David Cameron (conservateur) et Daniel Clegg (libéral-démocrate) avaient dirigé le gouvernement issu des élections de 2010 (jusqu’en 2015). Ils avaient introduit le Fixed Term Parliament Act (1) pour tenter de renforcer le gouvernement de Coalition pendant cinq ans. Aujourd’hui, Theresa May veut passer outre pour essayer de renforcer son gouvernement conservateur en situation de faiblesse. En se basant sur les sondages actuels, elle parie l’emporter avec une majorité accrue. Elle serait alors plus à même de mener à bien son véritable programme, qui ne ressemble en rien à de la «gestion juste» mais s’apparente à l’austérité la plus vicieuse.

    Un pari risqué

    Le véritable sondage, ce sera celui du 8 juin. Beaucoup de choses peuvent se produire d’ici là. Elle considère partiellement ces élections comme un référendum sur le Brexit, en espérant que le tiers des électeurs conservateurs qui avaient soutenu le maintien dans l’Union européenne continuera tout de même à soutenir son gouvernement. Cela n’est toutefois pas garanti. Certains pourraient bien passer aux libéraux démocrates pour cette raison.

    Les conservateurs, détestés, sont très peu susceptibles de faire une percée importante en Ecosse. Le Scottish National Party (Parti national écossais) n’est pas encore pleinement exposé en tant que parti austéritaire et est susceptible de maintenir sa base électorale en grande partie. La victoire remportée par les conservateurs aux élections partielles de Copeland a probablement suscité l’espoir que les conservateurs puissent améliorer leur position dans le nord de l’Angleterre. Cette élection a eu lieu en février suite à la démission d’un député travailliste. Le candidat conservateur a remporté ce siège, une première pour un parti au pouvoir dans une élection partielle depuis 1982. Mais, dans les faits, les conservateurs ont surtout accédé à cette victoire parce qu’ils ont perdu moins de voix que les travaillistes. La nuance est importante.

    Une des leçons à tirer des récentes élections – des États-Unis, à la France en passant par les Pays-Bas – c’est que les électeurs veulent punir l’establishment capitaliste. Les partis et candidats qui se profilent comme étant opposés à cet establishment bénéficient d’un écho massif. Il suffit de regarder la campagne de Jean-Luc Melenchon en France. En se basant sur un programme de gauche, il a grimpé jusqu’à 19% dans les sondages d’opinion. Il est même possible qu’il soit présent au second tour. Jeremy Corbyn (dirigeant du parti travailliste, le Labour, élu sur un programme de gauche, dont l’autorité est contestée par l’appareil du parti, ancré à droite) a déjà déclaré que le Labour ne s’opposerait pas à la tenue d’élections anticipées. Il lui faut maintenant lancer une campagne électorale basée sur des politiques socialistes capable de satisfaire les besoins de la classe ouvrière.

    Des politiques pour un changement socialiste de société

    Il est clair qu’une grande partie de la cabale pro-capitaliste au sommet du Parti travailliste accueillera favorablement ces élections en secret en estimant que Jeremy Corbyn subira une défaite. Il pourrait ensuite être remplacé par un dirigeant pro-capitaliste et pro-austérité. Ils pourraient s’en mordre les doigts. Pour peu que Jeremy Corbyn se décide à lutter avec un programme socialiste clair – notamment en faveur d’un Brexit favorable aux intérêts de la classe des travailleurs et de la classe moyenne – il pourrait remporter ces élections

    Les politiques qu’il a défendues et qui l’ont propulsé à la tête du Labour constitueraient un excellent début: l’introduction immédiate d’un salaire minimum de 10 £ de l’heure, un enseignement gratuit pour tous, la construction massive de logements sociaux et la nationalisation des compagnies ferroviaires et énergétiques. A cela doit être combiné la fin immédiate de toutes les coupes budgétaires dans les services publics et un engagement à renationaliser immédiatement Royal Mail (la poste britannique).

    Jeremy devrait clarifier qu’il jetterait le secteur privé hors des services publics et de l’enseignement. Il devrait s’engager à instaurer un véritable système de soins de santé socialiste de haute qualité et bien financé, sous contrôle démocratique, et gratuit. Tout cela doit être lié à la nécessité d’un changement socialiste fondamental : en faveur d’une société gérée en fonction des intérêts de la majorité sociale plutôt qu’en fonction de la voracité d’une infime élite capitaliste.

    Une telle campagne électorale ne devrait pas être limitée aux discours et aux émissions électorales. Le secteur des soins de santé est entrée lutte et a connu une grande manifestation le 4 mars dernier. Jeremy Corbyn a pris la parole à cette manifestation. Maintenant, en collaboration avec le mouvement syndical et les militants du secteur, une deuxième manifestation doit être organisée, durant la campagne électorale, pour mobiliser des millions de personnes dans les rues contre les conservateurs et en défense du système de soins de santé.

    1) Le Fixed-term Parliaments Act de 2011 a été adopté dans le cadre de la coalition entre le Parti conservateur et les Libéraux-démocrates. La loi met fin à la prérogative royale concernant la dissolution du Parlement : le Parlement est automatiquement dissout 25 jours ouvrés avant la date d’une élection. La date de l’élection est fixée par la loi au premier jeudi de mai la cinquième année qui suit l’élection précédente.

  • [DOSSIER] La révolte “Corbyn” : Retour vers le futur

    jeremycorbynLe Labour et Jeremy Corbyn: Vers une nouvelle force politique anti-austérité de masse ?

    C’est Margaret Thatcher qui doit se retourner dans sa tombe ! La ‘‘Dame de Fer’’, grande architecte de la contre-révolution néolibérale des années ’70 et ’80 aux côtés du président américain Reagan, considérait que sa plus grande réalisation était le ‘‘New Labour’’. Elle entendait par là la transformation du Parti travailliste en un parti ouvertement capitaliste sous la direction de Tony Blair, par la suite Premier ministre travailliste de 1997 à 2007. Le Labour est aujourd’hui déchiré par une guerre civile politique où s’affrontent d’une part l’appareil du parti ainsi que la majorité de ses élus et, d’autre part, le dirigeant du parti Jeremy Corbyn.

    Un dossier de Nicolas Croes tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste. Cet article a été écrit avant de connaître le résultat du vote. Pour en savoir plus : Jeremy Corbyn réélu à la tête du Labour à une large majorité.

    Tout commence il y a un an. Le parti travailliste britannique doit alors élire son nouveau chef de parti peu de temps après les élections de mai 2015 marquées par la pire défaite travailliste depuis 1987. Le Parti Conservateur (Tory) rempile alors pour un nouveau mandat. Les 5 années précédentes, le gouvernement de David Cameron avait mené une politique d’austérité des plus sauvages : coupes drastiques dans les budgets sociaux, mise en place de la ‘‘Bedroom Tax’’ (un impôt sur les logements possédant une chambre vacante), précarisation accrue du travail (notamment au travers des contrats ‘‘zéro heure’’), augmentation des frais d’inscriptions aux universités jusqu’à 9.000 livres l’année (environ 10.500 euros) ou encore durcissement de la politique migratoire. Résultat : près d’un million de personnes dépendent des banques alimentaires pour nourrir leurs familles tandis que les travailleurs ont souffert de la plus sévère contraction salariale depuis l’ère victorienne !

    Pour l’écrasante majorité des commentateurs, un seul constat s’impose: les Britanniques sont résolument passés à droite et, pour reprendre un titre du Financial Times : ‘‘Miliband [figure de proue du Parti travailliste à l’époque] paie le prix de son virage à gauche.’’ Nos camarades du Socialist party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles) défendent au contraire que ‘‘Les travaillistes n’ont pas perdu pour avoir été trop à gauche, mais parce qu’ils ne l’ont pas suffisamment été et qu’ils ont refusé de défendre une alternative à l’austérité. Ils se sont limités à soutenir une «austérité-light».’’ En comptant l’abstention, le conservateur David Cameron ne recueille effectivement que 24,4% des voix…

    Un effet boomerang qui ne manque pas d’ironie

    Face à la défaite de son parti, Miliband remet sa démission. Mais un facteur inattendu s’invite dans la campagne pour la désignation de son successeur… En 2014, la direction du parti avait revu son système électoral interne selon le modèle des primaires américaines afin d’amoindrir le poids des syndicats sur le parti (ce sont les syndicats qui ont créé le parti en Grande-Bretagne, contrairement à la Belgique). N’importe qui peut donc participer aux élections en payant la somme symbolique de 3 livres sterling. L’establishment travailliste était à ce moment à mille lieues d’imaginer le raz-de-marée de 2015. Le nombre d’adhérents au Labour passe de 190.000 membre en août 2014 à près de 300.000 en septembre de l’année suivante !

    La candidature de Jeremy Corbyn déchaîne un enthousiasme inédit. Il promet une politique anti-austérité, ce qui le distingue complètement de ses trois challengers (Andy Burnham, Yvette Cooper et Liz Kendall). Il reçoit le soutien des principaux syndicats, sa campagne crée la surprise. Chez les héritiers de Tony Blair, c’est la panique. On s’arrache les cheveux. Corbyn était censé n’être rien d’autre qu’une candidature de folklore et voilà qu’il attire une foule de jeunes et de travailleurs ! Les ‘‘barbares frappent à la porte’’ ! Yvette Cooper parle des élections comme d’une ‘‘bataille pour l’âme du parti’’. Elle et Liz Kendall appellent ensuite à voter pour ‘‘n’importe qui, sauf Corbyn’’. Tony Blair entre lui-même dans la danse et crie qu’une victoire de Corbyn entrainerait la ‘‘déroute, peut-être l’annihilation’’ du parti. Les médias dominants ne restent pas spectateurs et lancent une affolante campagne de dénigrement et de calomnies. En vain.

    Le 12 septembre 2015, c’est le scénario de cauchemar de l’appareil du parti qui devient réalité. Corbyn remporte les élections – dès le premier tour – avec 59,5 % des voix. La majorité des trois collèges d’électeurs – les membres du parti, les adhérents des syndicats et les sympathisants qui pouvaient voter après avoir payé 3 livres sterling – le plébiscitent. Le 13 septembre, le parti annonce que 15.000 membres supplémentaires ont rejoint le parti depuis l’annonce de la victoire de Corbyn.

    Pour le Premier ministre britannique David Cameron :‘‘le Labour représente maintenant une menace pour notre sécurité nationale, pour la sécurité de notre économie et celle de votre famille.’’ Rien que ça ! Des députés travaillistes qualifient l’élection de ce gauchiste antimilitariste comme un ‘‘putain de désastre’’. Pour Michael Meacher (ministre du gouvernement travailliste entre 1974 et 1979 et à nouveau sous Blair de 1997 à 2003), il s’agissait du ‘‘plus grand bouleversement non-révolutionnaire de l’ordre social dans la politique britannique moderne. Après 20 ans de fanfaronnades capitalistes, les gens ont dit ‘‘assez’’ et le Labour en revient maintenant à ses valeurs et principes réels.’’ (The Guardian, 13 août 2015) L’avenir ne s’annonçait pas aussi simple.

    La guerre est déclarée

    Une année durant, l’appareil du parti et la majorité des élus tentent de saboter Corbyn. Finalement, le référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, le Brexit de juin dernier, donne à l’aile droite l’occasion de tenter un ‘‘coup d’Etat’’. Corbyn est accusé de ne pas avoir suffisamment mené campagne pour le ‘‘Remain’’ (le maintien dans l’UE) et la plupart des membres du ‘‘cabinet fantôme’’ du Labour (sorte de gouvernement fictif de l’opposition) démissionnent. Ils appellent Corbyn à quitter la direction du parti. 80 % des députés travaillistes (172 députés sur 230) votent une motion de défiance contre Corbyn. Mais Corbyn refuse de démissionner. Les principaux syndicats lui renouvellent leur soutien et 10.000 personnes se rassemblent en vitesse devant le Parlement pour le soutenir. De nouvelles élections sont provoquées, dont le résultat sera annoncé le 24 septembre (peu de temps après que ce journal ait été envoyé à l’imprimeur).

    Pour la droite, l’été devient l’occasion d’une purge massive de militants soupçonnés de soutenir Corbyn. Son personnel épluche les comptes Facebook et Twitter des adhérents pour y déceler des preuves de manque de loyauté. 130.000 personnes ayant rejoint le Labour depuis janvier sont exclues du vote, tout comme 50.000 des 180.000 sympathisants inscrits. Un seul candidat de droite se présente contre Corbyn, Owen Smith, qui tente de se profiler à gauche. Bien peu de gens sont toutefois dupes de la manœuvre : il est considéré comme une marionnette de l’establishment et des héritiers de Blair. Pendant ce temps, Corbyn accumule les meetings de masse. A Liverpool, le 2 août, 10.000 personnes viennent l’écouter. Au final, plus de 600.000 personnes doivent se prononcer et les derniers sondages pronostiquent une victoire éclatante de Corbyn à plus de 60%. Selon les chiffres officiels, le Labour a gagné 300.000 nouveaux adhérents grâce à ‘‘l’effet Corbyn’’. Une catastrophe pour l’establishment épouvanté du parti. Un riche donateur du parti, Michael Foster, perd ainsi son flegme et compare dans la presse les alliés de Corbyn à un commando de ‘‘stormtroopers nazis’’.

    Ce n’est toujours qu’un début

    Jeremy Corbyn semble bien être en route vers une nouvelle victoire, mais il ne peut y avoir aucun compromis avec les représentants du capitalisme au sein du Labour. L’ancien conseiller de Tony Blair, John McTernan, a carrément déclaré : ‘‘Les révolutions sont inévitablement sanglantes et, n’ayons aucune illusion, reprendre le Parti travailliste des mains de Jeremy Corbyn et John McDonnell nécessite une révolution.’’ Ce politicien a encore récemment appelé les conservateurs à ‘‘écraser les syndicats des cheminots une bonne fois pour toutes’’ (The Telegraph, 10 août 2016).

    Le Financial Times a publié le 24 juillet dernier un article indicatif de la détresse de la droite du parti, sous la plume du député Jon Cruddas, qui défendait que le ‘‘parallèle historique le plus proche (…) ne se trouve pas dans [au Parlement], mais à Berlin en 1918’’, au moment de la révolution allemande. Il compare les députés anti-Corbyn à ‘‘Friedrich Ebert [qui] a dirigé le parti social-démocrate (SPD)’’ et le mouvement en faveur de Jeremy Corbyn aux révolutionnaires ‘‘Spartakistes, dont Rosa Luxemburg et Karl Kautsky, [qui] qui ont reçu [leur légitimité] du mouvement des travailleurs, des comités d’usine et des comités ouvriers.’’ Il ajoute que ‘‘Ebert a finalement lâché les Freikorps contre les dirigeants de l’insurrection’’, ce qui a conduit à l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Aucune complaisance n’est de mise avec ces gens-là.

    L’une des possibilités est que la droite finisse par scissionner du parti pour constituer une nouvelle formation. Le challenger de Corbyn, Owen Smith, a lui-même a déclaré : ‘‘Je pense qu’il y a toutes les chances que le parti se divise si Jeremy remporte cette élection.’’ Il est cependant toujours possible que la droite hésite et entretienne l’espoir de renverser Corbyn à l’avenir, où que certains quittent le parti tandis que d’autres y restent. Certains espèrent que la nouvelle Première Ministre, Teresa May, appelle à des élections anticipées en comptant qu’une victoire des Conservateurs pour contraindre Corbyn à démissionner. Il est peu probable qu’elle soit capable de poursuivre son mandat jusqu’à son terme en 2020, mais l’extrême faiblesse de son gouvernement ainsi que les profondes divisions qui existent également chez les Conservateurs la poussent à hésiter devant le risque d’élections anticipées.

    Ce qui est essentiel, c’est qu’à la différence de la première victoire de Corbyn en 2015, il n’y ait plus de tentatives de la gauche de trouver un compromis avec les blairistes. Le mouvement autour de Corbyn doit au contraire être organisé et construit afin de consolider et d’accroître les gains jusqu’ici obtenus. Un programme anti-austérité sans équivoque doit être adopté et les députés travaillistes doivent y souscrire comme condition préalable pour siéger comme membre du parti. A gauche, certains redoutent une scission de la droite du Labour. Mais l’empêcher, cela revient à capituler devant les éléments pro-capitalistes du parti. Ces deniers ne condescendront à s’entendre avec l’aile gauche que si on leur laisse le champ libre, si leurs carrières est protégée et, plus important encore, si le Parti travailliste se limite entièrement au cadre capitaliste.

    Refonder le Labour

    socialistpartyL’élection de Jeremy Corbyn offre l’occasion de créer un parti de masse de la classe ouvrière, que ce soit ou non sous l’appellation de ‘‘Labour’’, capable de regrouper sur une base fédérative des Verts, des organisations socialistes anticapitalistes, des syndicats actuellement affiliés ou non au Labour, des organisations de quartier,… pour lutter ensemble contre l’austérité tout en conservant leurs identités propres. Jeremy Corbyn semble globalement en accord avec cette approche des choses, comme il l’a exprimé en déclarant: ‘‘Nous ne pouvons gagner une élection générale qu’en gagnant des gens qui ne votent pas ou qui votent pour un autre parti. Si quelqu’un a politiquement évolué au point de rejoindre le Parti travailliste, qu’il ait été autrefois membres des Lib-Dems, des Verts ou d’autre chose, c’est très bien. Bienvenue à bord.’’ Interrogé sur la possibilité que le Socialist Party (le parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles) s’affilie au Labour, il a ajouté: ‘‘Je me réjouis d’avoir une conversation avec Peter [Taaffe, secrétaire général du Socialist Party] à un moment donné.’’

    Un groupe de députés, même très limité, menant campagne sans relâche contre l’austérité et en défense des travailleurs en lutte, ferait beaucoup plus pour la lutte contre les Conservateurs que 232 députés ‘‘travaillistes’’ favorables à l’austérité, aux privatisations et aux guerres. Un Parti travailliste anti-austérité pourrait rapidement engranger des gains électoraux de façon similaire à ce qu’a connu Syriza en Grèce lors de sa victoire de janvier 2015 en défendant à l’époque un programme anti-austérité. Un tel parti pourrait rapidement gagner du terrain électoralement en offrant une alternative aux coupes budgétaires sans fin, aux privatisations et à la misère croissante.

    L’élément crucial serait toutefois de soutenir les luttes extra-parlementaires. C’est la grève Ford Dagenham qui a imposé la Loi sur l’égalité salariale entre hommes et femmes. C’est la menace d’une grève générale qui a forcé la libération des dockers emprisonnés en 1972. Ce sont les 18 millions de personnes qui ont refusé de payer la Poll Tax qui ont mis fin au règne de Margaret Thatcher et qui ont forcé le gouvernement de John Major à abolir la taxe.

    Imaginez si, après presque une décennie de coupes budgétaires brutales qui ont laissé les budgets municipaux exsangues (en moyenne de 40% moindres à ceux de 2008), un certain nombre de conseils – même une poignée – refusaient de mettre en œuvre les réductions budgétaires (à l’image de la ville de Liverpool dans les années ’80) et se soutenaient les uns les autres. Imaginez si ces conseils disposaient du soutien sans faille du parti de Jeremy Corbyn au Parlement, quel que soit son nom. Une telle lutte – étant donné toute la colère accumulée contre l’austérité – serait très populaire. Il serait non seulement possible de gagner, mais aussi d’organiser la lutter contre les conservateurs pour forcer la tenue de nouvelles élections à partir desquelles serait posée la possibilité de l’arrivée au pouvoir du parti de Corbyn. Il s’agit juste d’un exemple de la manière dont un parti de gauche au Parlement, même avec tout d’abord un petit nombre de députés, pourrait agir en tant que porte-voix de la classe ouvrière et du mouvement anti-austérité, déplaçant ainsi la balance de forces dans la société dans le sens de la classe ouvrière.

    Renverser le capitalisme

    Nos camarades du Socialist Party soutiennent Jeremy Corbyn tout en cherchant à pousser le mouvement encore plus vers la gauche et en avertissant des retraites qui peuvent, à un stade ultérieur, conduire à des défaites. Les capitalistes résistent avec véhémence à un plus grand rôle de l’Etat et à l’augmentation des taxes. Pour mettre en œuvre le programme, même modeste, de Jeremy Corbyn, ‘‘l’action extra-parlementaire’’ sera cruciale, ce qui signifie la mobilisation active de la classe ouvrière en soutien aux politiques d’un gouvernement de gauche.

    Le programme actuel de Jeremy Corbyn représente un véritable pas en avant par rapport aux politiques pro-capitalistes des précédents dirigeants travaillistes. Mais il est encore trop timide. L’expérience de SYRIZA en Grèce, où la direction d’un parti anti-austérité a capitulé sous la pression des grandes entreprises et appliqua actuellement lui-même l’austérité, démontre que vaincre l’austérité est lié à la lutte pour une rupture anticapitaliste et pour le socialisme. Cela nécessite d’exiger la renationalisation totale de secteurs comme les chemins de fer ainsi que la nationalisation des secteurs clés tels que la finance ou la sidérurgie afin d’élaborer la production économique selon une planification démocratique, dans laquelle la population jouera un rôle de décision central.

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    [MEETINGS] Révolte en Grande Bretagne – Le Parti Travailliste & Jeremy Corbyn

    corbyn_afficheLa lutte pour un parti de la classe des travailleurs – Quelle pertinence pour la résistance sociale en Belgique ?

    Meetings avec
    – Roger Bannister. Militant du syndicat Unison et du Socialist Party (successeur de Militant) à Liverpool.
    – Nicolas Croes. Rédacteur en chef de Lutte Socialiste

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    • Ven. 14/10 Bruxelles – 19h, Pianofabrief, 35 rue du Fort, Saint Gilles (sur Facebook)
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  • Jeremy Corbyn réélu à la tête du Labour à une large majorité

    socialistparty

    Cette victoire éclatante est une autre étape de franchie dans la transformation du Labour

    Il y a trois mois de cela, 172 députés – soit les trois quarts des élus du Parti travailliste au Parlement – ont lancé un coup d’Etat interne contre le leader du parti, Jeremy Corbyn. Afin de renverser ce dernier, ces députés ont reçu le soutien de toutes les forces de l’establishment capitaliste. Les grandes entreprises et les médias de droite ont sans cesse attaqué Jeremy tandis que la machine du parti travailliste a empêché plusieurs milliers de ses partisans de participer aux nouvelles élections pour la direction du parti.

    Déclaration du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)

    Tous ces efforts n’ont abouti à rien. Le 24 septembre, Jeremy a été réélu à une confortable majorité de 61,8% des voix. Cette victoire est donc encore plus grande que celle qui l’avait propulsé à la tête du labour il y a un an de ça. La participation fut très forte, plus d’un demi-million de personnes, et Jeremy a remporté des majorités claires dans toutes les catégories d’électeurs – les membres du parti travailliste, les sympathisants affiliés et les sympathisants enregistrés.

    Les partisans de Tony Blair – le dirigeant du Labour qui a incarné son profond virage à droite dans les années ’90 et qui a orchestré la participation de la Grande Bretagne aux aventures guerrières de Georges W. Bush – sont sous le choc face à ce mouvement anti-austérité massif en soutien à la figure de Jeremy Corbyn. Cela ne signifie toutefois pas que les blairistes se sont réconciliés avec la direction de Jeremy Corbyn ou qu’ils ont accepté la perspective que le Parti travailliste devienne un parti anti-austérité.

    L’establishment capitaliste a énormément bénéficié de la transformation du Labour en New Labour avec Tony Blair. Cela a permis que le débat politique soit dominé par les idées pro-libre marché au cours des 20 dernières années. Ce sont les forces de cet establishment qui se trouvent derrière le coup d’Etat de cet été à l’encontre de Jeremy Corbyn. La défaite de cette première tentative de le renverser est un coup retentissant qui leur a été porté.

    Il est cependant d’ores et déjà clair qu’il ne s’agira pas de la dernière tentative de l’establishment capitaliste pour retrouver son contrôle incontesté du Parti travailliste. Les enjeux sont trop élevés. La question cruciale est de savoir comment consolider la victoire de Jeremy Corbyn en transformant véritablement le Labour en un mouvement de masse de la classe des travailleurs anti-austérité et socialiste.

    Aucun compromis avec la droite

    Alors qu’il s’approchait de sa première victoire pour la direction du parti l’an dernier, Jeremy Corbyn démontrait un grand optimisme face aux avertissements du danger d’une contre-révolution de l’establishment. ‘‘Complots, doubles-complots et complots derrière des complots, c’est fascinant’’, at-il déclaré à un journaliste du Guardian qui l’a dépeint ‘‘écartant les suggestions selon lesquelles il ferait face à un coup d’Etat interne pour le démettre de ses fonctions s’il devenait dirigeant du Labour’’ (5 août 2015). Il a même déclaré qu’il fallait suivre l’exemple malheureux du président américain Abraham Lincoln en tant qu’image prétendument ‘‘unificatrice’’ après la guerre civile américaine ‘‘démontrant de la malice envers aucun et de la charité envers tous’’.

    Les événements de ces douze derniers mois, qui ont culminé avec la tentative de coup d’Etat interne de cet été, démontrent à quel point il était erroné de tenter de concilier les représentants de classe sociales antagonistes. Cette erreur ne doit pas être répétée aujourd’hui.

    La position de Jeremy Corbyn est encore fragile. Si trois votes à peine s’étaient exprimés autrement lors de la réunion du comité exécutif national du Labour (NEC) du 12 juillet dernier, les candidats auraient dû demander l’approbation des députés avant de se présenter. Des candidats de l’establishment comme Owen Smith ou Angela Aigle auraient donc pu se présenter sans opposition, comme Gordon Brown l’a fait en 2007 après la démission de Tony Blair. Seules les protestations de milliers de membres du Labour et de syndicalistes ont permis d’éviter l’annihilation de la possibilité de transformer le Parti travailliste, ce que la direction de Jeremy Corbyn représente comme possibilité.

    Pour la première fois depuis la seconde guerre mondiale, toutes les réunions régulières du parti ont été annulées par la NEC durant l’été, un certain nombre de sections locales ont été suspendues (parmi lesquelles la plus grande unité locale du parti) et «l’unité de conformité» a conduit à ce que John McDonnell a qualifié à juste titre de ‘‘purge truquée des partisans de Jeremy Corbyn.’’

    Les structures et relations de forces développées dans le cadre du New Labour qui avaient détruit la capacité de la classe ouvrière à lutter pour développer son influence au sein du parti sont toujours en place. Le leadership de Jeremy Corbyn est une tête de pont contre les forces du capitalisme au sein du Parti travailliste. Il reste à retirer le pouvoir de la droite parmi les députés du Labour (Parliamentary Labour Party, PLP), l’appareil du parti national et la grande majorité des 7.000 conseillers municipaux travaillistes qui mènent à bien le programme d’austérité des conservateurs.

    L’organisation et la politique

    Jeremy Corbyn, à la suite de sa victoire, devrait déclarer qu’il va rétablir le rôle central des syndicats au sein du Parti travailliste en raison de leur importance en tant que voix collective de millions de travailleurs. La représentation syndicale au sein du Parti travailliste démocratiquement exercée par les membres du syndicat fournit un moyen potentiel à la classe ouvrière de contrôler ses représentants politiques. Cela caractérisa le Parti travailliste dans le passé – avant le New Labour – en tant que parti ‘‘capitaliste des travailleurs’’. En d’autres termes, alors que le parti avait une direction qui reflétait toujours la politique de la classe capitaliste, sa structure permettait aux travailleurs de contester la direction et de menacer les intérêts des capitalistes. Les droits des syndicats doivent être restaurés.

    D’autres mesures sont également nécessaires pour démocratiser les structures du Parti travailliste, stérilisées par le blairisme au fil des ans. L’un des éléments clés est la re-sélection des députés. Mais si permettre aux structures locales de remplacer leurs députés lors des prochaines élections générales est positif, une action plus décisive doit être prise au niveau national avant cela. Les 172 députés qui ont déclenché le coup d’Etat interne contre Corbyn avec leur motion de défiance du 28 juin ne devraient continuer de siéger en tant que travaillistes que s’ils acceptent le mandat renouvelé de Corbyn et souscrivent à des politiques anti-austérité et anti-guerre.

    Un réarmement idéologique du parti est également nécessaire. En 1995, Tony Blair a aboli l’engagement historique du labour à «la propriété commune des moyens de production, de distribution et d’échange», la clause 4. Le remplacement de cette clause a mis le labour à la remorque de ‘‘l’entreprise du marché’’ dynamique, de la ‘‘rigueur de la concurrence’’, et du ‘‘secteur privé florissant’’.

    Dans le magazine Socialism Today (mensuel de nos camarades en Angleterre et au pays de Galles qui accompagne leur hebdomadaire The Socialist), Hannah Sell (secrétaire général adjointe du Socialist Party) défend que les politiques économiques de Jeremy Corbyn et de John McDonnell représentent une rupture importante, même si elle n’est que partielle, avec le dogme néolibéral blairiste. Elles ont certainement attiré les foudres de l’ancien membre du comité monétaire de la Banque d’Angleterre David Blanchflower qui avait été intégré dans le comité consultatif économique du Labour l’an dernier (ce fut l’une des nombreuses tentatives erronées de trouver un arrangement avec l’aile droite du parti). Ce dernier avait soutenu la candidature d’Owen Smith dans les élections pour la direction du parti en expliquant que Corbyn et McDonnell ‘‘doivent accepter les réalités du capitalisme et des marchés modernes, qu’ils les approuvent ou non.’’ (The Guardian, le 2 Août 2016).

    Malheureusement, il est également vrai que les politiques économiques défendues par Jeremy Corbyn, une forme de keynésianisme au final – ne répondent pas à la charge de Blanchflower selon qui «les obligations et les actions des marchés’’, qui seraient encore libres de gouverner l’économie, ‘‘le [Corbyn] mangeraient pour le déjeuner.’’ Corbyn e défend pas un programme clair de propriété publique démocratique des banques, des institutions financières et des grandes entreprises sous le contrôle et la gestion des travailleurs. Cela représente la base essentielle pour une nouvelle forme de société, le socialisme, en opposition au système capitaliste de marché.

    Réintégrer les socialistes

    Cette discussion nécessaire au sujet des politiques et des idées à défendre est la raison pour laquelle une autre exigence vitale dans la période à venir sera le droit pour tous les socialistes, y compris ceux déjà expulsés ou exclus, de participer à la vie du Parti travailliste et d’y être organisés.

    La bataille pour le leadership du parti a révélé la peur morbide des «socialistes organisés» de la part de la classe dirigeante et de ses représentants au sein du Labour. Derrière cette crainte de l’aile droite, illustrée par l’attaque du dirigeant travailliste Tom Watson contre les ‘‘trotskistes’’, est le spectre de la tendance Militant, le prédécesseur du Socialist Party en Angleterre et au Pays de Galles.

    Les capitalistes disposent de leurs «tendances» au sein du Labour. Ils les soutiennent matériellement et idéologiquement, y compris avec le poids des médias de l’establishment. Les députés et conseillers municipaux du Parti travailliste actuels ne sont qu’une caste organisée, une ‘‘tendance’’ bénéficiant des moyens de l’Etat. Pourquoi donc les opposants au capitalisme n’auraient-ils pas le droit de s’organiser eux aussi?

    corbyn_afficheLa meilleure façon d’atteindre cet objectif et de couper court à la fixation des médias de masse pour les ‘‘conspirations secrètes’’ serait de permettre aux partis et organisations socialistes de s’affilier ouvertement au Parti travailliste.

    La transformation du Parti travailliste en New Labour n’était pas un acte, il s’agissait d’un processus consolidé au fil des ans. Inverser cette transformation ne se fera pas en un jour. Cela exigera l’organisation d’un mouvement de masse visant consciemment à renverser l’héritage du New Labour, politiquement et organisationnellement. La réélection de Jeremy Corbyn est une autre étape importante sur cette route, mais il faut construire les autres de toute urgence.

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    [MEETINGS] Révolte en Grande Bretagne – Le Parti Travailliste & Jeremy Corbyn

    La lutte pour un parti de la classe des travailleurs – Quelle pertinence pour la résistance sociale en Belgique ?

    Meetings avec
    – Roger Bannister. Militant du syndicat Unison et du Socialist Party (successeur de Militant) à Liverpool.
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  • [MEETINGS] Révolte en Grande Bretagne – Le Parti Travailliste & Jeremy Corbyn

    La lutte pour un parti de la classe des travailleurs – Quelle pertinence pour la résistance sociale en Belgique ?

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    Le Parti Travailliste & Jeremy Corbyn: La lutte pour un parti de la classe des travailleurs

    corbyn_afficheLa Grande-Bretagne est en eaux troubles. Depuis le Brexit, ce sont les élections pour la présidence du Parti travailliste qui occupent les esprits. Une guerre civile pure et simple est en cours entre l’aile droite autour des parlementaires “blairistes” et la révolte de la base autour de Corbyn et de sa rhétorique de gauche. Les salles et les places sont combles pour venir l’écouter, un peu à l’image de ce qu’a pu faire Bernie Sanders aux USA. Jeunes et moins jeunes prennent la rue pour entendre un discours anti-austérité prononcé. Des revendications telles que la renationalisation des chemins de fer, la fin de la modération salariale ou encore des investissements majeurs dans les soins de santé et l’enseignement sont extrêmement populaires. Des idées socialistes considérées comme dépassées sont à nouveau considérées avec intérêt. Jeremy Corbyn appelle à l’unité de la classe des travailleurs contre la guerre, l’oppression et l’exploitation. L’élite parlementaire travailliste redoute que Corbyn soit en mesure de remporter la prochaine élection sur ce programme. Ce dernier a le potentiel de faire du Parti Travailliste un parti pour et par la classe ouvrière, avec l’implication active d’une base de masse.

    Roger Bannister était membre de ‘‘Militant’’ à Liverpool dans les années ‘70 et ’80, là où le conseil municipal travailliste a mis en œuvre une politique très à gauche au beau milieu des années Thatcher. Il a été exclu du Parti travailliste par l’aile droite en raison de ses opinions socialistes. Roger est également un syndicaliste reconnu au sein de l’Unison. Il a recueilli 5% des voix à Liverpool aux dernières élections municipales sur une liste de la TUSC (Coalition des syndicalistes et des socialistes).

    Quelle pertinence pour la résistance sociale en Belgique ?

    En Belgique aussi, les luttes sociales font rage et la colère contre la politique austéritaire est croissante. Fin 2014, un mouvement de grève massif a quasiment renversé le gouvernement Michel, mais les dirigeants syndicaux n’ont pas voulu continuer, notamment faute de véritable alternative politique. Tout comme en Grande-Bretagne, la social-démocratie flamande et francophone a défendu et appliqué une politique néo-libérale aux conséquences dramatiques pour nos soins de santé, nos services sociaux, l’aide aux seniors, l’enseignement, etc. Pour l’instant, cela semble politiquement sans issue et l’opposition se manifeste essentiellement sur le plan syndical. Mais le mouvement des travailleurs a besoin des deux à la fois. Un syndicat ne peut rien faire s’il ne peut pas traduire sa lutte politiquement et un parti des travailleurs ne peut rien faire sans être constamment soutenu et poussé par les luttes en entreprises. Attendre et voir ce que donneront les prochaines élections peut se révéler catastrophique. La droite pourrait à nouveau l’emporter si le mouvement social ne parvient pas à la stopper. En Belgique aussi, il nous faut un nouveau parti de masse des travailleurs avec l’implication active de sa base.

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  • Jeremy Corbyn: quel type de parti pour les travailleurs et la jeunesse?

    corbynpicket

    Le Parti travailliste britannique est le champ de bataille d’un combat acharné entre la gauche et la droite. Le résultat de cette épreuve de force est très attendu en Europe et au-delà. Jeremy Corbyn, le président de gauche du parti, parviendra-t-il à retirer le Labour des griffes de l’appareil bureaucratique pro-austérité du parti ? Pourrait-il développer un nouveau modèle de parti des travailleurs contrôlé par la base ?

    Par Peter Delsing

    La droite du Labour a déclenché une procédure de réélection pour la présidence et, en dépit de la manœuvre qui a fait grimper les cotisations des membres à 25£, au moins 183.000 personnes ont à nouveau adhéré. Aucun parti – de gauche ou de droite – ne peut se vanter d’avoir connu un tel afflux en Europe ces dernières années. Les meetings de Jeremy Corbyn bénéficient partout d’une présence massive. A Liverpool, plus de 10.000 personnes se sont retrouvées dans les rues.

    Corbyn essayera-t-il de maintenir une nuisible ‘‘unité’’ avec ses opposants néolibéraux ? L’appareil bureaucratique du Labour – soutenu par les médias – pourrait réussir à l’éjecter à un certain stade. Soit maintenant, au cours des nouvelles élections pour la présidence du parti où lui fait face Owen Smith, soit plus tard.

    Une revanche de l’Histoire

    Depuis le milieu des années ’70, le capitalisme est en crise latente. La période post-stalinienne ouverte après 1989 a conduit la social-démocratie encore plus loin des idées du socialisme. Ses dirigeants ont ouvertement adopté le ‘‘libre marché’’, la privatisation et les coupe antisociales dans les salaires, les allocations sociales et les pensions. Cette absence de ‘‘boussole de classe’’ claire, a ouvert la voie à la croissance du populisme de droite et parfois même de l’extrême droite.

    C’est surtout depuis que la crise de 2008 a éclaté que de nouveaux courants de gauche ont fait une percée. En Grèce il y eut l’émergence et la chute de SYRIZA, le développement de Podemos en Espagne et, bien sûr, l’impressionnant mouvement autour de Bernie Sanders. Ces développements politiques se sont construits sur l’essor des conflits sociaux: les Indignés, les occupations de place, le mouvement Occupy aux Etats-Unis,… La lutte contre l’élite capitaliste et leur exploitation pousse inévitablement à la recherche d’une issue, pas toujours sans ambiguïté, comme ce fut le cas avec le référendum sur le Brexit qui est essentiellement une révolte de la classe des travailleurs contre l’establishment et son projet européen.

    Il est temps de choisir: un tournant à gauche ou foncer vers le précipice avec la droite?

    Le challenger de Corbyn, Owen Smith, essaye naturellement de se profiler à gauche au vu du contexte actuel, mais il se veut le garant d’un Labour inoffensif pour la classe dirigeante et les carriéristes. Peut-être Corbyn parviendra-t-il à nouveau à remporter les élections. 234 des 275 réunions locales du Parti qui se sont tenues en août pour désigner leur candidat ont choisi Corbyn.

    Dès le début, la droite a organisé une offensive pour saboter sa présidence, parfois concernant des choses insignifiantes. Portait-il une cravate? A-t-il chanté l’hymne national britannique ? N’a-t-il pas montré bien peu d’enthousiasme pour l’Union européenne néolibérale ? La droite a essayé d’exclure de nombreux nouveaux membres, puis a considérablement augmenté le montant de leurs cotisations. Des dizaines de milliers de personnes ont été exclues pour avoir affiché sur les médias sociaux leurs critiques de l’aile droite du Labour. Il a même été interdit aux réunions locales du parti de se réunir et de discuter de la situation actuelle, sauf pour désigner leur candidat à la présidence.

    Malheureusement, Corbyn s’est initialement montré trop conciliant envers l’aile droite. Il a changé de position pour soutenir l’Union européenne. Il s’est prononcé contre la révocation des députés s’ils ne reflétaient pas l’opinion de la majorité démocratique du parti ou s’ils participaient à la politique d’austérité. Il a également refusé que le Labour s’oppose à l’austérité à l’échelle communale et défende des budgets publics visant à mobiliser la rue pour exiger davantage de moyens du gouvernement et des plus riches.

    Malgré cela, son programme de renationalisation des chemins de fer, en faveur d’un salaire minimum et en défense des droits syndicaux trouve un écho. Cette guerre civile politique entre deux ailes représentant des intérêts de classe irréconciliables ne peut pas tout simplement être reléguée au frigo. Le groupe autour de Jeremy Corbyn s’est jusqu’ici limité à des perspectives purement électoralistes en essayant de temporiser les choses jusqu’à une victoire électorale en 2020 qui changerait tout. Cette perspective n’est pas réaliste.

    Un instrument démocratique pour la classe des travailleurs

    Ce que le capital et la bureaucratie travailliste craignent par-dessus tout, c’est la victoire électorale d’un Labour fondamentalement renouvelé par l’implication de la classe des travailleurs et qui aurait absorbé leur défense jusqu’en son cœur. Ils tremblent face à la perspective d’un Labour radicalisé dans une situation déjà rendue périlleuse suite au vote sur le Brexit.

    Selon le parti frère du PSL, le Socialist Party, l’enthousiasme basé sur le programme Corbyns doit être libéré des entraves bureaucratiques du parti. Il faudrait refonder le Labour en organisant une grande conférence destinée à rassembler tous ceux, du Labour ou non, mouvements ou individus, qui veulent s’opposer au néolibéralisme. Un tel parti fonctionnerait mieux de manière fédérative (au lieu d’être fortement centralisé), ouverte et inclusive, en assurant la prépondérance de sa base de masse active dans la prise des décisions politiques et organisationnelles centrales. Le Socialist Party participerait avec enthousiasme à un tel projet démocratique. L’expérience de la social-démocrate, des bureaucraties staliniennes du passé, de nombreux dirigeants syndicaux et de leurs approches hiérarchiques et exclusive ne fonctionnerait pas et ne serait pas acceptée par les militants du parti ou syndicaux.

    Cela conduirait à une scission? Oui. Mais quelle situation serait la plus favorable aux travailleurs ? Un parti dont les centaines de députés votent pour l’austérité et la guerre? Ou un nouveau parti avec quelques dizaines de membres au Parlement mais qui, avec un programme vraiment à gauche et un passé sans tâche, pourrait certainement réaliser une percée impressionnante ? Si ce parti s’implique dans les luttes syndicales, les campagnes de quartiers,… il pourra rapidement devenir un parti de millions de travailleurs et de jeunes. Un tel parti de masse serait un gigantesque laboratoire d’idées et de lutte pour une société socialiste démocratique.

    Le spectre du trotskysme dans les médias capitalistes

    Le parti frère du PSL, le Socialist Party, a été touché par la campagne de diffamation des médias de masse contre Jeremy Corbyn. Des figures de droite du parti travailliste ont, avec le soutien des journaux et de la télévision, tenté de démontrer l’existence d’une ‘‘infiltration trotskyste’’. Ils espéraient que Corbyn allait en pâtir par association d’idées.

    Mais contrairement aux affirmations de l’aile droite, les méthodes du Socialist Party (ex-Militant) ne reposent pas et n’ont jamais reposé sur l’intimidation ou les complots. La véhémence de nos détracteurs visait particulièrement les succès du passé de notre organisation: la lutte massive de la ville de Liverpool sous la direction de Militant en pleine ère de Thatcher, où le conseil communal a réussi à arracher 60 millions de livres des autorités nationales pour des budgets sociaux, et bien sûr, la campagne contre la Poll Tax durant laquelle 18 millions de personnes ont refusé de payer cette taxe et ont ainsi mis fin au règne de Margareth Thatcher.

    Trotsky a lutté contre la bureaucratie stalinienne ainsi qu’en défense de la démocratie soviétique et d’un système multipartite, mais reposant sur l’économie planifiée et la lutte pour le socialisme international. Il fut, avec Lénine, le principal dirigeant et théoricien de la Révolution russe.

    Aux yeux de l’establishment capitaliste, cet héritage de défense implacable du drapeau rouge et des meilleures traditions du mouvement ouvrier ne doit évidemment pas être redécouvert par les nouvelles générations. Pourquoi ? Parce que ce sont des idées et une organisation qui peuvent changer le monde.

  • Grande-Bretagne: L'insurrection Corbyn. Finissons-en avec la droite!

    Jeremy-Corbyn

    Jeremy Corbyn semble bien être en route pour être à nouveau élu à la tête du Parti travailliste (le Labour) ce mois de septembre. Mais la lutte acharnée et amère que lui mène la droite démontre qu’il ne peut y avoir aucun compromis avec les représentants du capitalisme au sein du Parti travailliste. Cette fois, il faut en finir et véritablement transformer le Labour en un parti socialiste anti-austérité. L’article suivant est publié dans l’édition de septembre de Socialism Today, le magazine de nos camarades du Socialist Party.

    Par Hannah Sell, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

    La guerre civile en cours dans le Parti travailliste atteint un nouveau pic d’intensité. La majorité anti-Corbyn des députés travaillistes (le Parliamentary Labour Party, PLP) et l’appareil du parti mènent une campagne tout aussi désespérée que dégoûtante pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Ils ont face à eux un véritablement mouvement de la classe ouvrière et de la jeunesse. Ces derniers ont fait irruption sur la scène de l’Histoire et exigent de faire entendre leur voix. La «bulle de Westminster» (siège du Parlement britannique) qui a passé des décennies à complaisamment accepter les coupes budgétaires, l’austérité et les privatisations a le sentiment d’être soudainement menacée par des «barbares frappant à sa porte». L’ensemble de l’establishment capitaliste a tout d’abord été secoué par le vote sur le Brexit et, maintenant, les tentatives de se débarrasser de Jeremy Corbyn sont contrecarrées par une énorme vague de soutien pour le dirigeant travailliste qui déborde des limites de la politique habituelle.

    Ces dernières semaines ont eu lieu les plus grands rassemblements de masse de la gauche depuis des décennies, à Liverpool, Hull, Leeds, Bristol et dans de nombreuses autres villes. Des 275 réunions locales qui se sont tenues pour désigner leur candidat à la présidence du parti, 234 ont à ce jour choisi Corbyn, avec la plupart du temps une participation de centaines de personnes. Cette «deuxième vague» venue à la rescousse de Corbyn est encore plus grande que la première qui lui avait permis d’être élu à la tête du parti l’an dernier. Elle comprend également un plus grand nombre de travailleurs au côté de l’importante couche de jeunes radicalisés qui avait dominé la première vague.

    Toutes les forces de l’establishment capitaliste, à l’intérieur et à l’extérieur du Labour, tentent de vaincre ce mouvement regroupé derrière Jeremy Corbyn. La décision de la Cour d’appel de soutenir celle du National Executive Committee travailliste d’interdire le droit de vote aux 130.000 nouveaux membres ayant rejoint le Labour après le 12 janvier n’est que le dernier exemple en date du soutien que l’establishment capitaliste est capable de donner aux manœuvres les plus antidémocratiques qui soient de la part de la droite du parti. Un incroyable nombre de 183.000 personnes ont payé les 25£ pour s’enregistrer comme supporters du Labour en 48 heures seulement. Mais il a été signalé que plus de 40.000 d’entre eux vont être exclus pour des raisons qui incluent notamment d’avoir apparemment eu la témérité de qualifier les députés «blairistes» (partisans de la ligne droitière de Tony Blair) de “traîtres” sur les réseaux sociaux. Toutes les réunions des sections locales du Labour ont été annulées, à l’exception de celles consacrée à la nomination du candidat. Un certain nombre de réunions de partisans de Corbyn ont été annulées pour des motifs fallacieux.

    Étant donné jusqu’où la droite est prête à aller pour essayer de l’emporter, ce serait une erreur de faire preuve de complaisance. Les médias capitalistes mènent une campagne électorale unilatéralement en faveur du challenger de Jeremy Corbyn, Owen Smith. Ce dernier a remarquablement tenté de se profiler à gauche, une stratégie désespérée visant à faire appel aux partisans radicalisés de Corbyn. Il a même prétendu être favorable à une «révolution socialiste»! Parallèlement, il a tenté de s’attirer les voix de ceux qui avaient voté pour le maintien de la Grande-Bretagne à l’intérieur de l’Union européenne durant le référendum sur le Brexit en se disant favorable à la tenue d’un second référendum sur l’appartenance à l’UE. L’axe central de sa campagne est cependant que Corbyn est «inéligible» et divise le Parti travailliste, suggérant ainsi que la seule voie pour un gouvernement travailliste passe par son élection. Une couche plus passive de gens pourrait être affectée par cet assaut des médias.

    Jusqu’à présent, la droite semble s’être révélée incapable d’empêcher la réélection de Jeremy. Sa victoire, particulièrement avec une marge confortable, ferait à juste titre le plaisir des centaines de milliers de personnes qui ont rejoint la bataille contre les blairistes. Mais cela ne sera encore que le début et non la fin de cette bataille. Il n’y a aucune chance que la droite accepte l’autorité de Jeremy Corbyn. Elle l’a elle-même explicitement dit. L’ancien conseiller de Tony Blair, John McTernan, a carrément déclaré : «Les révolutions sont inévitablement sanglantes et, n’ayons aucune illusion, reprendre le Parti travailliste des mains de Jeremy Corbyn et John McDonnell nécessite une révolution.» Les gens tels que McTernan sont les véritables «entristes» dans le Parti travailliste, non pas favorables à la révolution, mais à la contre-révolution. Cet homme a encore récemment appelé les conservateurs (les Tories) à «écraser les syndicats des cheminots une bonne fois pour toutes» (The Telegraph, 10 août 2016). De tels propos ne devraient pas prendre place dans un parti précisément historiquement créé par les syndicats afin de promouvoir les intérêts de la majorité de la classe ouvrière.

    L’essence de la lutte en cours dans le Parti travailliste se résume aux intérêts de classe qu’il défendra à l’avenir. Défendra-t-il la classe ouvrière, majoritaire dans la société, et la classe moyenne sans espoir pour l’avenir ou alors l’élite capitaliste ? La droite utilisera tous les moyens nécessaires pour faire à nouveau du Parti travailliste un outil fiable pour les capitalistes. Cependant, à l’heure actuelle, rien ne les pousse à imaginer disposer de beaucoup de chances de succès. Ils titubent sous le choc d’une classe ouvrière radicalisée qui ose désormais intervenir dans «leur» parti et menacer leurs carrières.

    Le Financial Times a publié le 24 juillet dernier un article indicatif de leur détresse, sous la plume du député Jon Cruddas, qui défendait que le «parallèle historique le plus proche (…) ne se trouve pas dans à Westminster, mais à Berlin en 1918», au moment de la révolution allemande. Il compare les députés anti-Corbyn à «Friedrich Ebert [qui] a dirigé le parti social-démocrate (SPD)» et le mouvement en faveur de Jeremy Corbyn aux révolutionnaires «Spartakistes, dont Rosa Luxemburg et Karl Kautsky, [qui] qui ont reçu [leur légitimité] du mouvement des travailleurs, des comités d’usine et des comités ouvriers.» Il ajoute que «Ebert a finalement lâché les Freikorps contre les dirigeants de l’insurrection», ce qui a conduit à l’assassinat de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht. Il ne propose pas l’assassinat comme un moyen de sortir de la situation qui prévaut actuellement dans le Labour, mais il est très clairement désespéré.

    Une scission de droite ?

    L’une des possibilités est que la droite finisse par scissionner du parti pour constituer une nouvelle formation à la suite de l’élection de la direction. Owen Smith lui-même a déclaré : «Je pense qu’il y a toutes les chances que le parti se divise si Jeremy remporte cette élection.» Bien sûr, à ce stade, personne ne va admettre qu’il à l’intention de faire scission. Mais c’est toujours le cas dans une situation de guerre : tout le monde continue de parler de paix jusqu’au moment de déclarer la guerre.

    Il est toutefois frappant de constater à quel point la droite envisage ouvertement cette possibilité. Il a été révélé que Stephen Kinnock était au centre d’une discussion portant sur une scission de 150 députés du Labour pour créer un nouveau parti. Un tel parti, qu’importe s’il parvient ou non à garder le nom «Labour» serait en mesure de devenir l’opposition officielle (le plus grand parti d’opposition) et donc de recevoir environ 4 millions £ par an de subventions parlementaires. Kinnock envisage la possibilité d’une scission rapide afin de disposer de suffisamment de temps pour constituer un parti de «centre-gauche», c’est-à-dire pro-capitaliste, avant la tenue de nouvelles élections générales.

    Il est cependant toujours possible que la droite hésite et entretienne l’espoir de renverser Corbyn à un moment donné, où que certains quittent le parti tandis que d’autres y restent. Tout comme George Eaton l’a écrit dans le New Statesman: «Nombreux sont ceux qui croient aujourd’hui que ce n’est qu’à travers une élection générale que la lutte interne du parti sera résolue.» Ce qu’ils veulent dire par là est qu’ils attendent que la Première Ministre Teresa May appelle à des élections anticipées donnant la victoire aux Conservateurs pour que la droite puisse espérer vaincre Corbyn et le forcer à démissionner!

    C’est espoir est vain. Il est impossible de dire aujourd’hui si Teresa May appellera oui ou non à des élections anticipées. Même s’il est peu probable qu’elle finisse son mandat en 2020 étant donné l’extrême faiblesse de son gouvernement de même que les profondes divisions au sein du Parti conservateur qu’elle n’a pu que temporairement calmer, d’importantes raisons la poussent à hésiter avant de convoquer immédiatement de nouvelles élections. Premièrement, il y a les conséquences du Brexit. La stratégie actuelle des capitalistes est de faire trainer les choses en longueur autant que possible et d’espérer que l’occasion se présente de faire marche arrière. Ce n’est pas un thème sous lequel Teresa May pourrait battre campagne et espérer remporter une élection générale !

    L’autre problème, c’est qu’en dépit des sondages actuels qui donnent une avance aux Conservateurs, Jeremy Corbyn pourrait bien remporter les élections pour autant qu’il se batte avec un clair programme de classe anti-austérité. C’est un scénario de cauchemar pour la classe capitaliste, en particulier dans le contexte d’une crise économique grandissante, car cela pourrait réveiller l’appétit de la classe ouvrière pour une alternative à l’austérité, en conséquence de quoi un tel gouvernement pourrait être mis sous pression pour adopter des mesures radicales menaçant le système capitaliste.

    Aucun compromis avec la droite !

    Même si la droite décide de temporairement raccrocher les gants et d’attendre pour à nouveau partir à l’offensive, cela ne signifierait pas pour autant un retour à la trêve armée qui existait il y a un an. La guerre civile qui a commencé exige une conclusion, presque indépendamment de la volonté de ses protagonistes. Le chef adjoint du Parti travailliste, Tom Watson, a décrit le genre de mesures que la droite défendrait, y compris l’élection du cabinet fantôme (sorte de gouvernement d’opposition) directement par les députés (ce qui laisserait Jeremy Corbyn isolé au beau milieu d’une équipe de droite) ou encore le retour au précédent système de «collège électoral» pour l’élection du président du parti, en donnant un tiers des voix aux députés et députés européens travaillistes. Cela rendrait beaucoup plus facile à l’appareil de garder en main le contrôle du parti. Mais le changement de l’équilibre des forces au sein du Labour leur rend la tâche très difficile. Ils sont également terrifiés d’être pris un par un dans un processus de désélection (de révocation des élus). Les événements peuvent donc pousser la droite sur la voie de la scission même si elle craint que son nouveau parti ne dispose que d’une base sociale extrêmement limitée.

    Ce qui est essentiel, c’est qu’à la différence de la première victoire de Corbyn en 2015, il n’y ait plus de tentatives de la gauche de trouver un compromis avec les blairistes. Le mouvement autour de Corbyn doit au contraire être organisé et construit afin de consolider et d’accroître les gains jusqu’ici obtenus.

    Un programme anti-austérité sans équivoque doit être adopté et les députés travaillistes doivent y souscrire comme condition préalable pour siéger comme membre du parti. A cela doit être combiné l’introduction d’une procédure de resélection obligatoire permettant aux sections locales du parti de décider démocratiquement de celui qui se tiendra au Parlement en leur nom. La conférence de la fédération syndicale UNITE a adopté une motion proposée par un membre du Socialist Party appelant à la resélection obligatoire. UNITE doit maintenant faire campagne pour que cela soit effectivement adopté lors de la prochaine conférence du Parti travailliste.

    Ceux qui, à gauche, craignent une scission de la droite du Labour doivent faire face à ce que la prévention d’une telle scission nécessite: une capitulation complète devant les éléments pro-capitalistes du parti. Rien d’autre ne satisfera la droite. Cette dernière ne condescendra à s’entendre avec l’aile gauche que si on lui laisse le champ libre, si la carrière de ses représentants est protégée et, plus important encore, si le Parti travailliste se limite entièrement au cadre capitaliste de l’austérité, des privatisations et de la guerre.

    Certains à gauche essayent d’ignorer cette réalité. Ils font valoir que le Labour a toujours été une grande église où les «factions belligérantes» doivent trouver des compromis. Il est vrai que la plupart de l’histoire du parti est marquée par cette «large église», sous la forme d’un parti ouvrier bourgeois.

    Alors que sa direction agissait dans l’intérêt de la classe capitaliste, elle devait composer avec une base de masse à prédominance ouvrière qui, via ses structures démocratiques, a été en mesure d’exercer une influence sur l’orientation du parti. La carrière de l’aile droite dépendait de membres issus de la classe ouvrière. A contre-cœur, elle a été contrainte de tenir compte de leurs opinions. Il y avait une base matérielle derrière cette alliance, particulièrement lors de la période de reprise économique d’après-guerre, alors que le capitalisme s’est vu forcé d’accorder des réformes à la classe ouvrière.

    Cette période est toutefois révolue depuis longtemps déjà. Avant même le début de la crise économique mondiale de 2008, les conquêtes sociales passées de la classe ouvrière étaient sous pression systématique, y compris sous l’effet du New Labour lorsqu’il était au pouvoir. Les blairistes sont parvenus à transformer le Parti travailliste en un parti agissant loyalement selon les désirs de la classe capitaliste. Comparer l’attitude du parti lors des guerres du Vietnam et d’Irak illustre l’ampleur de la profonde transformation de la nature du parti. Le Premier ministre travailliste Harold Wilson fut incapable d’envoyer des troupes soutenir l’impérialisme américain au Vietnam, en dépit de sa volonté de procéder de la sorte. Tony Blair, en revanche, a été en mesure de dire à George Bush: «Je serai avec vous, quoi qu’il puisse se passer.» La conférence travailliste de 2004 s’est elle-aussi placée du côté de Bush en votant massivement pour le soutien de l’occupation de l’Irak. Le parti fut imperméable à la plus grande manifestation anti-guerre de l’Histoire de Grande-Bretagne qui avait eu lieu l’année précédente.

    Refonder le Labour

    L’élection de Jeremy Corbyn représente une rupture essentielle dans l’impasse politique. Cela offre l’occasion de créer un parti de masse de la classe ouvrière, que ce soit ou non sous le nom de «Labour». Il s’agirait d’un grand pas en avant. Les marxistes doivent faire tout leur possible pour aider au développement d’une telle force. Un tel parti, en particulier dans ses premiers jours, serait encore une «large église», dans le sens où il contiendrait inévitablement des groupes aux approches politiques différentes. Le fil rouge devrait toutefois être l’unité contre l’austérité et en défense de mesures visant à améliorer la vie de la majorité sociale – les travailleurs et la classe moyenne.

    Cela seul serait une véritable «alliance progressiste» contrairement à l’idée d’une alliance avec des forces pro-capitalistes telles que les libéraux-démocrates, comme l’a suggéré le journaliste de gauche Paul Mason. A l’opposé de cette approche, il faut unir tous ceux qui sont prêts à souscrire à un programme clairement anti-austérité. Un appel peut être lancé en direction des Verts, des organisations socialistes (parmi lesquelles le Socialist Party et la Coalition des syndicalistes et socialistes, TUSC), des syndicats non affiliés au Labour et des organismes communautaires pour se rassembler sous un même parapluie aux élections tout en conservant leurs propres identités. C’est sur une telle base fédérale que le Parti travailliste a été initialement constitué. Cette version moderne serait un vrai pas en avant et pourrait récupérer un grand nombre des près de cinq millions d’électeurs, principalement issus de la classe ouvrière, que le Parti travailliste a perdu entre 1997 et 2010. Beaucoup d’entre eux ont tout simplement arrêté de voter, d’autres ont protesté en votant pour l’UKIP, les Verts ou, dans certains cas, pour la TUSC, coalition à laquelle participe le Socialist Party.

    Aux premiers jours du Parti travailliste, le Parti socialiste britannique (l’un des précurseurs du Parti communiste) était affilié au Parti travailliste. Le célèbre marxiste écossais John McLean s’est présenté aux élections pour devenir député en 1918 sous la bannière travailliste (il était aussi Consul écossais de Russie à l’époque!). Jusqu’en 1925, les membres du parti communiste pouvaient avoir une double adhésion. Jusqu’à la victoire du blairisme, il y a toujours eu des forces marxistes et trotskystes significatives au sein du Parti travailliste. Lorsque la Militant Tendency (Tendance Militant, qui existe aujourd’hui sous le nom de Socialist Party), a été expulsée du labour, nous avions prévenu que la direction avait franchi le Rubicon et que le processus se terminerait par l’expulsion des voix de la classe ouvrière.

    Il est très positif que Jeremy Corbyn semble globalement en accord avec cette approche des choses. Il a à juste titre rejeté le dossier douteux de Tom Watson paru dans The Observer le 14 août comme étant un «non-sens» et en déclarant: «Nous ne pouvons gagner une élection générale qu’en gagnant des gens qui ne votent pas ou qui votent pour un autre parti. Si quelqu’un a politiquement évolué au point de rejoindre le Parti travailliste, qu’il ait été autrefois membres des Lib-Dems, des Verts ou d’autre chose, c’est très bien. Bienvenue à bord.» Interrogé sur la possibilité que le Socialist Party s’affilie au Labour, il a ajouté: «Je me réjouis d’avoir une conversation avec Peter [Taaffe, secrétaire général du Socialist Party] à un moment donné.»

    Cependant, Pati travailliste refondé ne pourrait pas se contenter d’être un rassemblement des forces politiques de gauche. Il lui serait aussi vital de restaurer les droits démocratiques des syndicats au sein du parti. Un aspect central de la destruction des structures démocratiques du labour fut l’affaiblissement du rôle des syndicats. Le Parti travailliste a été créé par les syndicats dans le but de disposer d’un parti spécifique pour la classe ouvrière. Aujourd’hui, les syndicats restent les plus grandes organisations démocratiques de Grande-Bretagne. Elles impliquent plus de six millions de travailleurs. L’action collective des syndicats a été le principal moyen par lequel les travailleurs ont été en mesure de lutter contre l’austérité. Si les dirigeants syndicaux de la TUC (Trade Union Confederation) avaient été prêts à appeler à une action de grève coordonnée contre l’austérité, à commencer par une grève générale de 24 heures, le gouvernement serait tombé. Pourtant, les syndicats sont restés sans voix politique de masse depuis des décennies. Restaurer leur rôle dans le parti ne doit toutefois pas signifier de reproduire à l’identique le «vote par blocs» du passé, parfois utilisé de manière antidémocratique par les sommets syndicaux. Il faudra assurer la participation active des syndicalistes de base. La reconstruction d’une section jeunes massive et démocratique serait également posée.

    Les scissions ont une base de classe

    Ceux qui excluent l’arrivée d’une scission du Parti travailliste sur des lignes de classe sont les vrais utopistes. Imaginer qu’il soit possible pour Jeremy Corbyn de s’accrocher à la présidence jusqu’à 2020 en mettant la droite en sourdine, comme le font certains à la direction de «Momentum» (un mouvement favorable à Corbyn), c’est entretenir des illusions. Il existe des précédents de scissions au sein du Labour qui ont été, en fin de compte, des manières de protéger les intérêts de la classe capitaliste. En 1981, la scission qui a constitué le Parti social-démocrate (SDP) n’a pas fait beaucoup pour les carrières ministérielles de ceux qui sont partis, mais elle a joué un rôle important pour la classe capitaliste. En emportant 11,5% des voix travaillistes aux élections générales de 1983, elle a contribué, avec la guerre des Malouines, à assurer la défaite du Parti travailliste et Thatcher a pu gagner un second mandat.

    En 1931 s’est présenté un cas différent. A l’époque, 15 députés travaillistes, dirigé par le Premier ministre travailliste Ramsay MacDonald, ont fait scission pour constituer un gouvernement avec les Libéraux et les Conservateurs qui a mis en œuvre une offensive sauvages contre la classe ouvrière. L’expérience comprend un certain nombre de leçon pour aujourd’hui. Herbert Morrison, grand-père de Peter Mandelson, a été invité à rester dans le Labour au lieu de rejoindre la scission avec les traîtres afin défendre les intérêts du capitalisme au sein du parti. Sans aucun doute, même si la grande majorité des députés travaillistes quitte le parti, il ne s’agira pas d’une scission chimiquement pure. Certains à droite resteront dans un Labour dirigé par Corbyn pour des raisons identiques à celles de Morrison à l’époque. Il serait donc encore nécessaire pour Corbyn et ses partisans d’exiger de tous les députés travaillistes de souscrire officiellement à un programme anti-austérité qui les engage à défendre cette politique.

    De nombreux partisans travaillistes craignent qu’une scission n’affaiblisse le parti. En fait, ce serait très exactement le contraire. Certes, en cas de scission, il y aurait peut-être moins de députés travaillistes à Westminster, du moins dans un premier temps. Mais un groupe de députés même limité menant campagne sans relâche contre l’austérité et en défense des travailleurs en lutte ferait beaucoup plus pour la lutte contre les Conservateurs que 232 députés «travaillistes» dont la majorité voteraient en faveur de l’austérité, des privatisations et de la guerre.

    Un Parti travailliste anti-austérité pourrait rapidement engranger des gains électoraux de façon similaire à ce qu’a connu Syriza en Grèce lors de sa victoire de janvier 2015 en défendant à l’époque un programme anti-austérité. En Espagne aussi, la gauche a récemment obtenu des gains rapides sur le terrain électoral. La situation n’est pas directement comparable mais, entre 1931 et 1935, le Labour avait gagné 13,5% aux élections. En 1931, les suffrages travaillistes avaient diminué de près de deux millions par rapport aux élections qui s’étaient tenues deux ans auparavant, mais aux élections générales de 1935, le Labour était de retour au niveau de 1929. Cela, bien sûr, reflétait la colère contre la trahison de Ramsay MacDonald et sa clique. En substance, le rôle d’un nouveau parti de «centre gauche» ne sera pas différent au groupe de MacDonald, il ferait bloc au parlement avec un gouvernement conservateur faible contre Corbyn et la classe ouvrière.

    L’impact d’un parti de gauche

    Un sondage YouGov (2 août) a récemment été utilisé pour démontrer l’impossibilité d’une scission, mais il ne fait rien de la sorte. Il suggère que si la droite fait scission et que Corbyn conserve le nom de «Labour», la gauche recevrait 21% des voix, alors qu’une scission de gauche où la droite garderait le nom du parti recevrait 14% des voix. La différence relativement faible entre ces deux chiffres exprime l’affaiblissement de la fidélité traditionnelle envers le Labour qui a pris place au cours des décennies. La loyauté au «label» travailliste est très faible. De toute évidence, 21% est préférable à 14%, mais dans ces circonstances, ce serait aussi un très bon début pour la construction d’un nouveau parti autour d’un programme anti-austérité.

    Un tel parti pourrait rapidement gagner du terrain électoralement en offrant une alternative aux coupes budgétaires sans fin, aux privatisations et à la misère croissante. En revanche, les présidences du parti de Brown et Miliband ont démontré qu’il existe un appétit limité pour un parti travailliste défenseur d’une austérité «light» et qui appliquerait essentiellement une version édulcorée des politiques conservatrices. Mais même si un Parti travailliste de droite était en passe de conquérir le pouvoir, ce serait pour faire quoi ? Si c’est pour appliquer une politique capitaliste, alors ce sera au détriment des intérêts de la majorité dans la société.

    En revanche, un parti dirigé par la gauche, sous le nom de Labour ou sous un autre, serait en mesure de faire avancer les intérêts des travailleurs dès le premier jour, et d’engranger des gains électoraux en raison de cela. Owen Smith a défini ce qui le sépare de Corbyn en disant que toute la question était de savoir si le changement devait venir de l’intérieur ou de l’extérieur du Parlement. Il a notamment reproché à Corbyn de parcourir le pays pour construire un mouvement et de ne pas s’inquiéter des élections.

    Tout d’abord, Owen Smith n’a aucune preuve pour affirmer que Jeremy Corbyn ne se soucie pas des élections. Mais suggérer qu’aucun changement n’a été acquis en dehors du parlement depuis l’instauration du suffrage universel est une preuve de complet «crétinisme parlementaire». Les exemples sont innombrables. C’est la grève Ford Dagenham qui a imposé la Loi sur l’égalité salariale entre hommes et femmes adoptée par le Parlement. C’est la menace d’une grève générale qui a forcé la libération des dockers emprisonnés en 1972. Ce sont les 18 millions de personnes qui ont refusé de payer la Poll Tax qui ont mis fin au règne de Margaret Thatcher et qui ont forcé le gouvernement de John Major d’abolir la taxe.

    Comme pour résumer leur idiotie, un des films produit par l’aile droite (Saving Labour) commence en expliquant platement que manifester n’a jamais changé quoi que ce soit. Ce slogan était imposé sur deux manifestations à Liverpool, l’une en soutien de Corbyn, l’autre en soutien au conseil municipal de Liverpool en 1984. A l’époque, le conseil municipal travailliste, dans lequel les partisans de la Tendance Militant ont joué un rôle central, a arraché 60 millions £ du gouvernement conservateur et a été en mesure de construire 5.000 logements sociaux, d’ouvrir six nouvelles crèches, quatre collèges, six centres de loisirs et bien plus encore. Il n’aurait pas été possible de faire tout cela en passant tout simplement par le conseil. Une approche audacieuse à l’intérieur du conseil municipal combinée à des manifestations massives, au secteur public en grève générale et à la grève des mineurs qui se déroulait en même temps, c’est tout cela qui a forcé le gouvernement Thatcher à faire de sérieuses concessions.

    L’année suivante le conseil de Liverpool et celui de Lambeth ont été défait en raison de la trahison de Neil Kinnock et de la direction du Parti travailliste. Mais ses réalisations sont toujours là, en briques et en mortier. Jeremy Corbyn, qui a soutenu la lutte du conseil municipal de Liverpool à l’époque, a commis une erreur en n’y faisant pas référence dans son discours au récent meeting de masse tenu à Liverpool. Il n’a pas jusqu’à présent pas pris de position sans équivoque concernant le fait que les conseils municipaux travaillistes doivent refuser d’appliquer l’austérité et les coupes budgétaires, en dépit des conférences des syndicats UNITE et GMB appelant à les conseils municipaux à adopter des budgets municipaux sans aucune coupe budgétaire.

    Imaginez si, après presque une décennie de coupes budgétaires brutales qui ont laissé les budgets municipaux exsangues (en moyenne de 40% moindres à ceux de 2008), un certain nombre de conseils – même une poignée – refusaient de mettre en œuvre les réductions budgétaires et se soutenaient comme l’avaient fait à l’époque les conseils de Poplar, Liverpool, Lambeth et Clay Cross. Imaginez si ces conseils disposaient du soutien sans faille du parti de Jeremy Corbyn au Parlement, quel que soit son nom. Une telle lutte – étant donné toute la colère accumulée contre l’austérité – serait très populaire. Il serait non seulement possible de gagner, mais aussi d’organiser la lutter contre les conservateurs pour forcer la tenue de nouvelles élections à partir desquelles serait posée la possibilité de l’arrivée au pouvoir du parti de Corbyn. Il s’agit juste d’un exemple de la manière dont un parti de gauche au Parlement, même avec tout d’abord un petit nombre de députés, pourrait agir en tant que porte-voix de la classe ouvrière et du mouvement anti-austérité, déplaçant ainsi la balance de forces dans la société dans le sens de la classe ouvrière.

    Renverser le capitalisme

    Le Socialist Party soutient Jeremy Corbyn dans son combat contre la droite et soutient chaque étape positive franchie. Mais nous cherchons également à pousser le mouvement encore plus vers la gauche en avertissant des retraites qui peuvent, à un stade ultérieur, conduire à des défaites.

    Le programme électoral de 2016 de Jeremy soulève de nombreux aspects positifs qui résonnent parmi les travailleurs et sont très populaires, y compris son appel à l’instauration d’un salaire minimum de 10 £ de l’heure, sa promesse de construire un million de logements (des logements sociaux pour moitié) et d’introduire le contrôle des loyers dans le secteur privé. Ses promesses de renationalisation des chemins de fer et de fin de la privatisation des services de santé aura également un soutien généralisé. L’idée d’une banque nationale d’investissement avec 500 milliards £ à dépenser dans des investissements publics payés par l’augmentation des taxes sur «les plus hauts revenus» est la bienvenue. Dans son interview au magazine The Observer (14 août), Jeremy a réitéré son soutien à l’abolition des frais de scolarité et à la réintroduction d’une bourse d’étude.

    Dans le même temps, il a cependant reculé concernant son appel initial à la nationalisation des compagnies d’énergie, plaidant maintenant uniquement pour «une participation accrue de la communauté». Malheureusement, son appel à la renationalisation des chemins de fer se limite à leur reprise en main publique quand les franchises arrivent à échéance, ce qui signifie qu’après cinq ans de gouvernement travailliste, seuls deux tiers des chemins de fer seraient sous propriété publique. Il n’a pas non plus clairement appelé à renationalisation de l’industrie de l’acier, en dépit de cette nécessité écrasante. Cela reflète une réticence à tirer toutes les conclusions qui s’imposent sur la manière de défendre les intérêts de la classe ouvrière. Il ne faut pas accepter mais bien défier ce que l’ancien conseiller économique de Jeremy Corbyn David Blanchflower a appelé «les réalités modernes du capitalisme et des marchés» (The Guardian, 2 août). Blanchflower est maintenant ardent partisan d’Owen Smith.

    Les capitalistes résistent avec véhémence à un plus grand rôle de l’Etat et à l’augmentation des taxes. Pour mettre en œuvre le programme, même modeste, de Jeremy Corbyn, «l’action extra-parlementaire» sera cruciale, ce qui signifie la mobilisation active de la classe ouvrière en soutien aux politiques d’un gouvernement de gauche.

    Le programme actuel de Jeremy Corbyn représente un véritable pas en avant par rapport aux politiques pro-capitalistes des précédents dirigeants travaillistes. Il se situe toutefois en deçà d’un programme socialiste. La nécessité d’un tel programme sera posée par les événements. L’expérience de SYRIZA en Grèce, où la direction d’un parti anti-austérité a capitulé sous la pression des grandes entreprises et appliqua actuellement lui-même l’austérité, démontre que vaincre l’austérité est lié à la lutte pour le socialisme.

    L’austérité sans fin et les inégalités croissantes ne sont pas des accidents. Cela découle des besoins fondamentaux du capitalisme, un système où les profits de quelques-uns sont réalisés au détriment de la majorité. Cependant, l’énorme avantage de la création d’un parti de masse des travailleurs, chose maintenant à l’ordre du jour, est qu’il fournirait un forum où les travailleurs et la jeunesse pourraient discuter et débattre de la manière d’atteindre le renversement du capitalisme et la construction d’une société socialiste démocratique.

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