Tag: Jeremy Corbyn

  • [VIDEO] #KeepCorbyn Messages de solidarité du Parlement irlandais

    Paul Murphy AAA

    Dans les vidéos ci-dessous, les députés du Socialist Party (section du Comité pour une internationale Ouvrière en république irlandaise et parti-frère du PSL) et de l’Anti Austerity Alliance Paul Murphy et Ruth Coppinger s’expriment contre le coup d’Etat en cours au sein du Parti Travailliste britannique de la part des Blairistes pour retirer la présidence du parti à Jeremy Corbyn. Ils s’expriment également au sujet de l’impact du Brexit.

  • Grande Bretagne. Après le référendum, dégageons les Tories!

    toriesoutDe nouvelles élections maintenant ! Luttons pour une grève générale de 24 heures !

    « Le référendum pourrait très bien rentrer dans l’Histoire comme un point tournant », a déclaré le journal Financial Times, se faisant l’écho de la colère et du désespoir de l’élite britannique suite à la décision de la majorité des électeurs en Grande-Bretagne de quitter l’Union Européenne. Pour la classe capitaliste britannique et à travers l’UE toute entière, il s’agit d’un coup majeur, décrit par le Financial Times comme « le plus gros recul de l’histoire de l’UE ».

    Par Hannah Sell, Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre & au Pays de Galles

    Pour le capitalisme britannique en particulier, c’est une terrible défaite. Elle pourrait mener à la scission du Royaume-Uni s’il y avait un nouveau vote sur l’indépendance de l’Écosse, et conduire à l’effondrement du parti conservateur, le Tory Party, qui compta parmi les partis capitalistes les plus prospères de la planète.

    Il est également possible que le parti travailliste, le Labour Party, scissionne à la suite des événements du 23 juin, alors que la droite du parti, pro-business, complote pour faire tomber Jeremy Corbyn [l’actuel secrétaire du Labour, NdT]. Le champ politique est en pleine tempête.

    Beaucoup des 17 millions de personnes qui ont voté pour sortir de l’UE, cependant, se seront réveillés avec un sentiment d’euphorie car ils ont pu exprimer leur rage face à tout ce qu’ils ont eu à endurer à cause du big business qui a voulu faire payer à la classe ouvrière la crise économique de ces dernières années : salaires faibles, contrats zéro heure, coupes dans les aides sociales, manque de logement à prix abordables, et des services publics qui subissent coupe après coupe.

    De plus, ce faisant, ils ont forcé Cameron – le tant détesté Premier ministre – à annoncer sa démission.

    Ce n’est pas seulement en Grande-Bretagne mais aussi à travers l’Europe que de nombreux travailleurs ont pu être inspirés par ce vote contre l’UE des patrons. Il n’y a aucun doute sur le fait que de nombreux travailleurs en Grèce, dont les conditions de vie ont été dévastées entre mains des institutions de l’UE, se seront réjouis du résultat du référendum.

    En réponse au résultat du référendum, les marchés financiers sont dans la tourmente, avec la livre sterling plongeant à son niveau le plus bas depuis trente ans. C’est en partie à cause du fait que les financiers, les « maîtres de l’univers », avaient arrogamment calculé que ce seraient leurs propres choix qui l’emporteraient, et ils n’étaient pas prêts à cette victoire du Brexit.

    Les fluctuations des marchés financiers ne se refléteront pas nécessairement immédiatement dans une nouvelle crise dans l’économie « réelle », ni en Bretagne ni à l’échelle mondiale. Cependant, le débat autour du référendum a été utilisé par le chancelier Osborne pour détourner l’attention des signes d’une nouvelle étape de la crise économique, à la fois pour le Royaume-Uni et le capitalisme mondial, nouvelle étape qui se développe indépendamment du Brexit, et qui peut s’ajouter aux ondes de choc causées par le résultat du référendum.

    Le « Projet Peur »

    Pendant le référendum, le « projet peur » [une campagne médiatique anti-Brexit, NdT] a atteint des proportions gigantesques. La catastrophe économique, la troisième guerre mondiale et la peur de la montée du racisme et de l’intolérance ont toutes été utilisées pour essayer d’intimider les électeurs et soutenir le camp du « Remain », « rester ». Des peurs légitimes autour de ces questions ont été des facteurs majeurs et expliquent pourquoi 48% des gens ont finalement décidé de voter pour « Remain ». En particulier, il semble qu’une majorité de jeunes a voté « Remain » partiellement à cause de leur peur que le racisme augmenterait s’il y avait un vote pour le Brexit.

    Néanmoins, c’est incroyable le nombre de gens qui ont voté pour le « Leave », « Partir », et qui se sont servis du référendum comme d’une opportunité pour s’opposer à l’UE non démocratique et lointaine et pour protester, ignorant les menaces des dirigeants de tous les partis de l’establishment britanniques, et de tous les dirigeants mondiaux, de Merkel à Obama.

    De manière incroyablement cynique, même le terrible meurtre de la députée Labour et militante de la campagne « Remain », Jo Cox, a été utilisé pour essayer d’augmenter le nombre de voix pour le « Remain ».

    Sans aucun doute, l’atmosphère dangereuse exacerbée par les politiciens de droite pendant les débats autour du référendum ont augmenté le danger d’attaques racistes et d’extrême droite. Mais ce n’était pas que le racisme du côté du « Leave » officiel, mais aussi les attaques constantes de Cameron contre les migrants, avec la droite du Labour qui a même demandé qu’il aille encore plus loin dans les derniers jours de la campagne ! Indépendamment de l’issue du référendum, il aurait été tout autant nécessaire pour le mouvement ouvrier d’adopter une position claire pour l’unité, contre le racisme et en défense des droits des travailleurs migrants en Grande Bretagne.

    De même, il est complètement faux de suggérer que le vote pour le Brexit avait – dans l’ensemble – un caractère droitier ou raciste. Bien sûr, certains de ceux qui ont voté pour le Brexit l’auront fait pour des motivations racistes ou nationalistes, mais le caractère fondamental du vote pour le Brexit était un vote de révolte de la classe ouvrière.

    En particulier avec un référendum, ou les électeurs font face à un choix binaire de « Oui » ou « Non », il y a forcément des motivations différentes parmi les votants, de part et d’autre. Mais dans les faits, aucun mouvement de la classe ouvrière n’est 100% pur, complètement vierge d’éléments réactionnaires ou de courants sous-jacents. C’est la tâche des socialistes révolutionnaires de voir ce qui prime – dans ce cas, un soulèvement électoral largement ouvrier contre l’establishment.

    En général, il y a eu une corrélation entre le niveau de pauvreté dans un endroit et à quel point les habitants y ont voté pour le Brexit. L’Écosse et l’Irlande du Nord, où le référendum était vu différemment, étaient des exceptions. Pourtant, en Angleterre et au Pays de Galles, ce n’étaient pas que les zones plus ouvrières et blanches mais aussi les zones ouvrières plus diversifiées ethniquement qui ont voté pour le Brexit.

    Une majorité à Bradford, avec une forte population asiatique, a par exemple voté pour le Brexit. Même si à Londres – avec une population plus jeune et relativement plus riche – une majorité a voté pour le « Remain », le nombre de gens ayant voté pour le Brexit était plus élevé dans les quartiers plus pauvres. À Barking et Dagenham, où moins de la moitié de la population s’identifie comme britannique blanche, 62% des gens ont voté pour le Brexit. Non loin, à Newham, un des endroits les plus pauvres et les plus diversifiés ethniquement du pays, 47% ont voté pour le Brexit.

    Alors que l’ampleur de l’immigration est devenue un sujet central de la campagne sur le referendum pour la majorité il ne s’agissait pas en général de s’opposer à ce que des gens d’autres pays viennent en Grande Bretagne. Non, c’était plutôt à partir de l’expérience de patrons utilisant tous les moyens possibles – dont l’emploi de travailleurs d’autres pays – pour baisser les salaires, plus la colère contre les immenses coupes budgétaires qui ont eu lieu dans les services publics et la peur de ne pas pouvoir faire face à une augmentation de la population.

    Le fait que même Farage [le leader du parti de droite populiste Ukip, NdT] ait dû dire qu’il n’était pas pour que les migrants de l’UE perdent leur droit à rester dans le pays est un reflet de cela, même si bien sûr le mouvement ouvrier doit se battre pour s’assurer que cela soit bien le cas.

    Ceci doit être lié à la lutte pour un salaire minimum de 10 £ de l’heure pour tous les travailleurs, et l’opposition aux coupes dans les services publics comme seul moyen de défendre le droit de tous les travailleurs, indépendamment de leur pays d’origine.

    Une colère qui s’exprime

    Le soulèvement électoral qui a eu lieu avait été prévu par le Socialist Party. Comme nous l’avons expliqué dans le document voté à notre Conférence nationale de mars : « Comme le vote sur l’indépendance de l’Écosse de 2014, il est possible que le référendum sur l’UE puisse devenir un moyen grâce auquel beaucoup de travailleurs expriment leur rage contre une austérité sans fin. Nous devons poser le référendum dans ces termes, en expliquant que le vote “Leave” pourrait mener à la possibilité de dégager les Tories. ».

    À présent que le référendum est terminé, cela a été faiblement reconnu par Momentum, l’organisation initialement montée pour soutenir Jeremy Corbyn, quand ils ont déclaré : « Des millions semblent avoir choisi le vote “Leave” pour voter contre la mondialisation débridée qui a vu les conditions de vie stagner ou chuter alors que le coût de la vie a augmenté. » Malheureusement, ils ne l’ont reconnu qu’aujourd’hui, le jour du résultat, alors qu’ils ont passé la durée du référendum à faire campagne pour le « Remain » !

    En fait, la révolte a eu lieu malgré la faillite complète de la majorité des dirigeants des syndicats et malheureusement de Jeremy Corbyn aussi à mettre en avant une position indépendante de classe en dirigeant une campagne socialiste et internationaliste pour le Brexit, de manière complètement indépendante et en opposition aux « Little Englanders » de Ukip & Co.

    C’est ce qu’a fait le Socialist Party : expliquer que nous sommes contre l’UE des patrons, qui agit dans l’intérêt des 1%, mais que nous sommes en faveur de la solidarité entre les travailleurs à travers le continent et que nous défendons une confédération socialiste volontaire d’Europe.

    En lieu et place de cela, Frances O’Grady, secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, est apparue aux côtés du dirigeant des Tories en Écosse, Ruth Davidson, sans prononcer une seule critique contre le gouvernement Tory.

    Jeremy Corbyn et John McDonnell [un membre de la direction parlementaire du Labour] ont, eux, correctement refusé d’apparaître aux côtés de politiciens conservateurs, mais ont néanmoins été impitoyablement utilisés par David Cameron pour essayer de gagner une majorité pour le « Remain » et sauver sa peau.

    Dans le journal The Observer (12 juin 2016), David Cameron a impudemment déclaré qu’il ne pouvait pas être « accusé de mener un coup monté de l’establishment » parce qu’il « disait d’écouter Jeremy Corbyn et les Verts ».

    La situation politique aurait été transformée si Jeremy Corbyn était resté sur sa position historique de s’opposer à l’Union Européenne car, comme il le disait à l’époque du Traité de Maastricht : « Il retire aux Parlements nationaux le pouvoir de définir sa politique économique et abandonne celui-ci à un groupe non élu de banquiers. »

    Une campagne qui aurait expliqué comment la nationalisation des chemins de fer ou de l’industrie métallurgique est illégale sous législation européenne, et en solidarité avec les travailleurs en Grèce, en Irlande et dans le reste de l’UE, aurait augmenté la majorité pour le Brexit et forcé non seulement Cameron à démissionner, mais aussi de nouvelles élections générales, avec la possibilité de l’arrivée au pouvoir d’ un gouvernement Labour dirigé par Jeremy Corbyn.

    L’absence complète d’une voix des travailleurs à une échelle de masse dans le référendum a laissé le champ libre à Nigel Farage, l’ex-Tory, l’ex courtier en valeur, pour se poser comme la voix des « petites gens ». En réalité bien sûr, les idées nationalistes et réactionnaires de Ukip n’offrent pas de solution aux travailleurs.

    Toutefois, malgré les graves erreurs faites par la majorité des dirigeants du mouvement ouvrier dans la campagne sur le référendum, ce n’est pas automatique que l’Ukip et leurs semblables en soient les gagnants.

    Un appel, dès à présent, pour des élections générales immédiates pourraient toujours voir l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement Labour avec Corbyn à sa tête, surtout si un programme anti-austérité est mis en avant.

    Par ailleurs, le mouvement syndical doit passer à l’offensive contre ce gouvernement Tory faible et divisé, et lutter pour qu’une grève générale de 24 heures soit appelée contre toute nouvelle menace austéritaire dans le sillage du Brexit.

    Le vote à 91% en faveur de la grève par le syndicat enseignant le NUT donne une indication du climat qui se développait même avant le référendum. Tout comme les votes, passés par les membres des exécutifs locaux des syndicats Unite et Unison, la conférence du syndicat GMB et la branche galloise de la TUC, pour exiger que les conseils municipaux ne votent pas de budgets de coupes.

    Toutefois, ces résolutions doivent être transformées en action. La conférence du National Shop Stewards Network [NSSN, Réseau National des Délégués Syndicaux] qui aura lieu le 2 juillet prochain, sera une importante opportunité pour les syndicalistes de base de se réunir et de discuter de comment construire un tel mouvement.

    Bien sûr, pour le big business en Grande Bretagne, un gouvernement Labour dirigé par Corbyn est un cauchemar qu’ils feront tout pour éviter, tant ils craignent les espoirs qu’un tel gouvernement créerait parmi les travailleurs qui ont souffert année après année d’austérité.

    Ainsi, la classe capitaliste et leurs loyaux représentants au sein du Labour sont, comme nous avions averti, déjà en train d’essayer de rejeter la responsabilité du vote en faveur du Brexit sur les épaules de Jeremy Corbyn et ainsi essayer d’utiliser cela comme une excuse pour manœuvrer contre lui.

    À l’heure où nous écrivons, deux députées de la droite dure du Labour, Margaret Hodge et Anne Coffey, ont présenté au groupe parlementaire Labour une motion de défiance contre Jeremy Corbyn.

    L’élection de Jeremy Corbyn comme dirigeant du Labour était l’expression du climat anti-austérité qui grandissait dans la société. Malgré qu’il ait pu trouver, de manière inattendue, une expression dans la bataille pour la direction du Labour, il s’agissait essentiellement d’un mouvement depuis l’extérieur du Labour, surtout de jeunes et de « vieux revenants » Labour qui recherchaient quelque chose de différent comparé à la suite de dirigeants de partis – Tory comme New Labour – qui ont agi dans les intérêts du 1%.

    Malheureusement cependant, depuis le début, Jeremy Corbyn a été entouré d’une machine blairiste (en référence à Tony Blair, le dirigeant travailliste qui a supervisé le virage à droite du parti dans les années ’90) déterminée à le discréditer puis le faire tomber.

    Les derniers mois ont montré, comme nous avions averti, qu’aucun compromis avec ces représentants de l’establishment capitaliste n’est possible. Au contraire, tout nouveau recul de la part de la direction du Labour conduirait inévitablement à un reflux du soutien envers Corbyn parmi ceux qui sont enthousiasmés par son attitude.

    Les bravades de la droite devraient être confrontées implacablement et avec détermination. Jeremy Corbyn a correctement dit que d’aucuns avaient voté pour le Brexit pour protester contre l’austérité.

    Combattons l’austérité

    Il devrait à présent lancer la bataille contre l’austérité, avec comme point de départ le programme qu’il avait quand il se présentait pour la direction du Labour. Cela devrait comprendre une position claire contre l’austérité, d’où qu’elle vienne : Bruxelles, Westminster ou les conseils locaux. Une telle position – y compris un salaire minimum de 10£/heure et la construction massive de logements – pourrait enthousiasmer non seulement ceux qui l’ont élu à la tête du Labour, mais également de plus en plus de travailleurs, peu importe ce qu’ils ont voté dans le référendum.

    La classe capitaliste est face à une crise : ils trépignent pour essayer de trouver un moyen de trouver des parties fiables pour agir en leurs intérêts. Il ne leur sera pas aisé d’éviter une élection générale. Il est même possible à présent que les divisions à la fois dans le Labour et chez les Tories, qui ne tiennent debout en réalité que grâce au système électoral, amène à un réalignement de la politique britannique. Une scission des Tories et du Labour pourrait mener à un nouvel alignement de l’aile pro-capitaliste du Labour Party et des Tories pro-UE.

    Ce n’est pas pour rien que Janan Ganesh a écrit dans le Financial Times (14 juin 2016) : « Les modérés Tory et Labour qui commencent à se mélanger dans les bureaux de “Remain” vont plutôt bien ensemble. » Il est même possible que la classe capitaliste puisse promouvoir un changement du système électoral vers une représentation proportionnelle pour essayer de mettre une telle coalition au pouvoir.

    Mais alors que la classe capitaliste est en plein chaos, il est urgent que la classe ouvrière trouve sa propre voix politique. Le résultat du référendum montre le potentiel énorme pour une riposte de masse contre l’austérité en Grande Bretagne. La tâche est de créer un parti politique de masse capable de diriger une telle riposte, politiquement armée de politique réellement socialistes.

  • Référendum sur le Brexit: Votons pour faire dégager les conservateurs!

    woreuprotestLe référendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne se tiendra le 23 juin 2016. L’événement ne concernera pas seulement que l’Union européenne, ce sera également une opportunité de donner son verdict à David Cameron ainsi qu’à son gouvernement pourri.

    Éditorial du Socialist, hebdomadaire du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)

    La victoire de la sortie de l’Union européenne porterait un coup mortel au gouvernement qui pourrait conduire à la convocation de nouvelles élections générales et à la chute des conservateurs détestés actuellement au pouvoir. Voter ‘out’ est particulièrement important.
    David Cameron a mis son destin en jeu dans cette bataille entre forces pro et anti Union européenne, de même que d’autres ministres du camp du ‘in’ comme George Osborne et Theresa May. Même s’ils remportent la victoire à une marge étroite, leur autorité sera gravement endommagée. En outre, d’intenses luttes intestines vont déchirer le parti conservateur quel que soit le résultat final.

    Les masques sont tombés dès l’annonce du référendum. Le maire conservateur de Londres Boris Johnson a pris le camp du ‘out’, ce qui constitue un revers significatif pour Cameron. L’écrasante majorité de la base du parti Tory veut également soutenir le ‘out’, plus environ 120 députés conservateurs, un nombre à peine plus court que les 129 qui, aux dires du Daily Mirror, veulent voter pour rester au sein de l’UE.

    C’est une grave erreur pour Jeremy Corbyn et le Parti travailliste de soutenir le rester dans l’UE alors que ce vote pourrait conduire à la chute du gouvernement conservateur, déjà dans les cordes. Ils doivent changer de cap et aider à faire tomber Cameron & Co afin que des élections générales puissent être convoquées.

    Cette campagne doit durer quatre mois, David Cameron va tirer toutes les ficelles qu’il peut, y compris en demandant le soutien des chefs de gouvernement à travers le monde, des États-Unis à la Chine. Les politiciens capitalistes des deux côtés du débat jouent sur la peur et les menaces, et nous ne sommes pas encore au paroxysme de ces manœuvres. Le spectre d’une plus grande vulnérabilité au terrorisme a été soulevé par les ministres Iain Duncan Smith et Michael Gove dans le cas où l’adhésion à l’UE était confirmée, David Cameron utilisant le même argument en cas de Brexit. Mais tous ceux-là soutiennent le bombardement de l’Irak et de la Syrie qui alimente le fléau du terrorisme.

    La classe des travailleurs n’a aucun intérêt commun avec ces politiciens capitalistes favorables à l’austérité, qu’ils soient pour ou contre l’adhésion à l’UE. Tout en se distançant fortement des positions nationalistes et pro-capitalistes des conservateurs opposés au maintien dans l’Union et du parti populiste de droite Ukip, le mouvement des travailleurs a besoin de faire entendre sa propre voix contre l’UE dans ce référendum, de s’opposer au club patronal que représente l’UE et de lutter pour les intérêts des gens ordinaires en Grande-Bretagne et en Europe.

    L’inquiétude des capitalistes

    Face à l’inquiétude croissante de nombreux capitalistes britanniques à la perspective de leurs intérêts minés par le Brexit, David Cameron a désespérément obtenu des concessions de dernière minute à Bruxelles qui pourraient aider à soutenir un vote pro-UE. Mais ses gesticulations politiques et les concessions très limitées qu’il a acquises des 27 autres chefs de gouvernement de l’UE ont peu fait pour changer les choses.

    Il a obtenu un accord partiel concernant une attaque contre les allocations de travailleurs de l’UE qui travaillent en Grande-Bretagne et a affirmé que le Royaume-Uni aura désormais un «statut spécial» dans les futurs traités de l’UE, en plus des dérogations déjà existantes. Mais il a été signalé que la chancelière allemande Angela Merkel aurait mis en garde David Cameron que les exceptions pour la Grande-Bretagne dans les traités futurs pourraient ne jamais voir le jour dans la pratique. Le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, a quant à lui réaffirmé: “Il n’y aura pas de révision des traités, aucun droit de veto pour le Royaume-Uni sur le renforcement de la zone euro et aucune remise en cause du principe de libre circulation”.

    Mais le référendum ne concernera pas principalement l’accord obtenu par Cameron mais bien l’UE dans son ensemble. Partout en Europe, les tensions entre les classes dirigeantes représentent beaucoup plus que les exemptions demandées par le gouvernement britannique. L’économie des 19 pays de la zone euro stagne en dépit des bas prix de l’énergie, d’un taux d’intérêt négatif et d’un assouplissement quantitatif massif de la part de la Banque centrale européenne.

    Cette impasse a conduit à une croissance du nationalisme et des division sur l’ampleur et la répartition des mesures d’austérité brutales que l’UE a tenté de mettre en œuvre et, plus récemment, sur la crise des réfugiés, entre autres questions. L’UE est loin d’être un véhicule pour l’amélioration des droits des travailleurs, comme de nombreux dirigeants du Parti travailliste et des syndicats l’ont défendu en Grande-Bretagne et ailleurs. L’UE est une machine qui vise à imposer une vicieuse austérité qui détruit les services publics et augmente le chômage. La population ordinaire de Grèce , d’Espagne ou du Portugal peut en témoigner.

    Les règles de l’UE ne sont d’aucune utilité pour les gens ordinaires. Elles ont été adoptées pour égaliser le terrain de jeu des grandes entreprises plutôt que pour tenter d’améliorer la vie de la population. Ainsi, la libre circulation des travailleurs a surtout aidé les patrons à mettre pression sur les salaires et conditions de travail, cela ne visait pas à défendre les intérêts des travailleurs et d’assurer l’élévation de leur niveau de vie par-delà les frontières.

    Les normes européennes servent d’écran de fumée pour mieux cacher le fait que les politiques de l’UE sont conçues pour servir les intérêts des entreprises et lutter contre la propriété publique, contre les conventions collectives de travail, contre la régulation et contre les interventions de l’État.

    L’UE est essentiellement une association des classes capitalistes européennes sur base de traités qui réduisent les obstacles à leur soif de profits et facilitent leur concurrence avec d’autres blocs commerciaux à l’échelle mondiale.

    Cependant, les économies européennes n’ont pas été en mesure de surmonter les limites du développement de la production capitaliste sur la base de la propriété privée dans les Etats-nations, et elles ne le seront jamais. Parallèlement, elles font face à l’obstacle insurmontable d’une économie mondiale qui souffre partout de surcapacité de production.

    Jeremy Corbyn… et le GMB

    Jeremy Corbyn et d’autres à gauche ont eu tort de céder à la pression de l’aile droite du Parti Travailliste et à l’argument selon lequel l’UE est avantageuse pour les travailleurs. Ils ont ainsi préconisé de vote pour rester dans l’UE. Une des conséquences de cette erreur est que la campagne référendaire de Corbyn et les autres sera de nature à améliorer les chances de victoire pour Cameron et pour la poursuite de la politique d’austérité des conservateurs.

    Les dirigeants syndicaux se trompent aussi avec leur regardant du côté d’une «Europe sociale» afin de les aider à contrer les attaques antisyndicales et anti-ouvrières d’un gouvernement de droite comme celui de David Cameron. Un futur gouvernement britannique élu sur base du programme anti-austérité défendu par Corbyn alors qu’il menait campagne pour arriver à la tête du Parti Travailliste serait directement confrontée au caractère anti-travailleurs de l’UE.

    Le syndicat GMB (General workers’ union) a publié un communiqué de presse déclarant son souhait de rester dans l’UE, sous le motif que l’exploitation des grandes entreprises “est totalement stoppable. Non pas en votant pour quitter l’UE, mais en exigeant un retour à [la] vision d’une Europe sociale.” Mais qui à qui destiner cette exigence? Comment peut-on la concrétiser ? Il n’y a pratiquement pas de responsabilité démocratique dans l’UE. Les décisions sont prises par le Conseil européen – composé des chefs de gouvernement des 28 pays – et par la Commission européenne qui est en grande partie nommée plutôt qu’élue. Le Parlement européen et ses 751 députés sont presque impuissant.

    Plutôt que d’entrer en lutte pour oeuvrer à la tâche futile de «démocratiser» l’UE, l’attitude de la classe des travailleurs à travers l’Europe penche de plus en plus dans le sens du rejet de cette institution lointaine, bureaucratique et responsable.

    Comme l’a écrit Andrew Rawnsley dans le dernier numéro du Sunday’s Observer, les attitudes sont maintenant très éloignées de ce qu’elles étaient lorsque les politiciens du gouvernement avaient remporté le référendum de 1975 sur l’Europe: “Une grande partie de l’ancienne référence aux «figures d’autorité» s’est évaporée.Nous sommes dans un âge de colère, caractérisé par une aliénation généralisée et profonde de l’établissement.” Il a ajouté: “Le référendum pourrait être un bâton avec lequel donner une claque satisfaisante aux fesses de l’élite politique.”

    Le Financial Times a rapporté que certains hommes politiques pro-européens se demandent si soulever le spectre d’un effet domino du Brexit – à savoir, la désintégration rapide de l’ensemble de l’UE – ne pousserait justement pas les à voter pour ça à la place de les effrayer!

    Certains conservateurs anti-UE feignent soudainement de se préoccuper des personnes touchées par l’austérité. Le secrétaire à l’éducation Gove – détesté des enseignants pour avoir approfondi la privatisation du secteur et avoir lancé des attaques contre les conditions de salaires et de travail – a ainsi déclaré cette semaine avec hypocrisie que : «L’euro a créé la misère économique pour les personnes les plus pauvres de l’Europe.»

    La seule manière de combattre ce genre de monstrueuse duplicité, c’est de construire une campagne indépendante, basée sur la classe des travailleurs, afin de lutter contre l’Union européenne capitaliste et pour offrir la meilleure couverture médiatique à cette approche.

    Tout en appelant à un vote ‘out’, le Socialist Party reconnaît que pour la classe ouvrière et la classe moyenne, le fait que la Grande-Bretagne soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union européenne n représente aucune solution. Aucune de ces deux options n’est non plus une solution pour la population à travers l’Europe.

    Seule la solidarité internationale des travailleurs avec les luttes et les combats des uns et des autres pour une confédération socialiste démocratique du continent peut créer les bases pour une société qui transformerait la vie de l’écrasante majorité de la population.

  • [DOSSIER] Nouveaux mouvements, vieux dilemmes: réforme ou révolution ?

    SYRIZA-photoL’élection du gouvernement Syriza en février 2015 a été saluée par un soutien enthousiaste de la part de la classe des travailleurs en Grèce et dans toute l’Europe, qui s’est transformé en une amère déception après sa capitulation devant la Troïka en juillet dernier. Mais les inégalités et la politique d’austérité continuent à radicaliser des millions de personnes, ce qui fait germer de nouveaux mouvements de gauche. Paul Murphy (Socialist Party, section-sœur du PSL en Irlande et député de l’Anti Austerity Alliance) aborde dans ce dossier les importantes leçons à tirer de l’expérience grecque pour en finir avec le règne des 1%.


     

    « Selon moi, l’atmosphère est un peu similaire à celle d’après 1968 en Europe. Je sens, peut-être pas une ambiance révolutionnaire, mais quelque chose comme une impatience généralisée. Quand l’impatience n’est plus un sentiment individuel mais un aspect social, c’est l’introduction de la révolution. » [1]

    Ces paroles de Donald Tusk, le président du Conseil Européen, sont révélatrices. Elles démontrent la peur croissante des classes capitalistes en Europe. La domination en apparence incontestée du néo-libéralisme depuis la chute du stalinisme est maintenant vigoureusement contestée dans un certain nombre de pays capitalistes avancés. La profonde crise actuelle du capitalisme, qui a commencé fin 2007, se solde politiquement par des virages à gauche dans les points de vue et la conscience ainsi que dans le développement de nouvelles formations de gauche.

    La révolte dans les urnes

    La crise a créé des problèmes politiques significatifs pour la classe capitaliste, en particulier dans la périphérie de l’Europe, là où elle est la plus brutale. La crise est si profonde et si longue que, dans la plupart des pays, les deux faces de la pièce politique ont été au pouvoir. Elles ont appliqué des politiques essentiellement identiques basées sur une profonde austérité, ce qui a fait s’effondrer, en particulier, le soutien des partis anciennement sociaux-démocrates, qui maintenaient encore une base électorale plus ouvrière.

    La chute des partis traditionnels en-dessous de 50% des voix dans 3 pays en est une illustration frappante – en Grèce, où la Nouvelle Démocratie et le PASOK ont obtenu 34% à eux deux aux dernières élections ; en Espagne, où le PP et le PSOE ont obtenu un score combiné de 49% aux élections européennes de l’an dernier et en Irlande où, aux dernières européennes, le Fianna Fail, le Fine Gael et le parti Travailliste ont aussi récolté moins de la moitié des suffrages. Récemment, aux élections législatives du Portugal, alors que le Parti Social-Démocrate et le Parti Socialiste ont encore réalisé le score de 70,9%, cela représente tout de même une baisse de 7,6% et les voix combinées de la gauche radicale sont passées de 5,4% à 18,5%. Les classes capitalistes en Europe font de plus en plus l’expérience de leur propre crise de représentation politique et elles éprouvent des difficultés à trouver des instruments politiques stables pour assurer leur règne.

    La crise et les mouvements contre l’austérité qui se sont développés en particulier dans la périphérie de l’Europe ont aussi accéléré le procédé de création de nouvelles formations de gauche avec des bases de soutien significatives. Ce phénomène n’est bien entendu pas nouveau. Il a émergé depuis le virage à droite dramatique des prétendus sociaux-démocrates, aux environs de l’effondrement de l’URSS et du stalinisme. C’est un processus qui progresse en vagues et qui a vu la montée (et souvent la chute) entre autres de Rifondazione Communista en Italie, du Scottish Socialist Party en Écosse, de Die Linke en Allemagne, du Bloco de Esquerda au Portugal, de l’alliance Rouge Verte au Danemark et de Syriza en Grèce.

    La nature prolongée de la crise a donné un élan à ces mouvements. Cela a été le plus visiblement démontré par la propulsion de Syriza au pouvoir en Grèce, début 2015. En parallèle, il y a eu la montée en flèche de Podemos en 2014. La victoire de Jeremy Corbyn aux élections pour la direction du Parti Travailliste en Grande Bretagne et la performance de Bernie Sanders aux primaires Démocrates aux Etats-Unis sont aussi des expressions de ce processus.

    Un aspect frappant de cette vague de nouveaux mouvements politiques est la manière extrêmement diverse dont le même phénomène s’exprime dans différents pays. A ce stade, comme de l’eau ruisselant entre des berges préexistantes, les mouvements orientés vers une représentation politique de la classe des travailleurs s’écoulent dans des canaux déjà en partie créés par différents paysages politiques nationaux et traditions de la classe des travailleurs.

    C’est ainsi qu’en Grèce, l’élan s’est développé derrière Syriza, une alliance autour d’un noyau de tendance euro-communiste. De 4,7% aux élections européennes de 2009, la formation est grimpée à 36,3% en janvier 2015 et est entrée au gouvernement. En Espagne, où Izquierda Unida (Gauche Unie, rassemblée autour du Parti Communiste) était, surtout dans certaines régions, identifiée aux à l’establishment politique, elle n’a pas bénéficié du même processus. Au lieu de cela, avec l’explosion du mouvement social des Indignados, il s’est exprimé dans une nouvelle force, Podemos, fortement construite autour de la personnalité de Pablo Iglesias.

    Corbyn et Sanders piochent dans la montée de la radicalisation

    L’effet Corbyn en Angleterre et au Pays de Galles est le plus intéressant de tous. Le Parti Travailliste y avait profondément viré à droite sous la direction de Tony Blair et avait été vidé de toute implication réelle des masses de travailleurs et de pauvres. Ce parti avait franchi le Rubicon pour devenir un parti tout à fait capitaliste, même s’il conservait de son passé certaines caractéristiques, comme un lien formel avec les syndicats et un petit nombre de parlementaires se réclamant du socialisme, comme Jeremy Corbyn.

    En raison d’un système électoral particulier, aucun parti de gauche ou travailliste important n’a émergé en Angleterre et au Pays de Galles pour devenir le lieu de rassemblement de ceux qui cherchent une alternative à l’austérité. C’est pourquoi, quand Jeremy Corbyn a présenté sa candidature, initialement considérée comme sans espoir, et qu’il a commencé à défendre une politique fondée sur des principes de gauche anti-austerité, sa campagne a reçu une énorme réponse de la part des jeunes et de la classe des travailleurs. Elle est devenue un flambeau et a su développer un incroyable élan, avec plus de 100.000 nouvelles personnes inscrites comme sympathisants officiels du Parti Travailliste et 60.000 nouvelles adhésions officielles au parti depuis le début de la campagne.

    Pendant ce temps, aux USA, un élan sans précédent s’est développé autour de Bernie Sanders, dans le cadre de primaires destinées à décider du prochain candidat aux élections présidentielles au sein d’une organisation qui n’a jamais été un parti ouvrier. Le Parti Démocrate a toujours consciemment agi pour rassembler autour de lui les mouvements sociaux ainsi que les syndicalistes en les détournant ainsi du besoin urgent de lutter de la base et de construire un parti qui représente la classe des travailleurs. Cependant, Sanders, en se présentant comme socialiste démocrate auto-proclamé (en citant les pays scandinaves comme modèle) a, à l’instar de Jeremy Corbyn, su trouver un écho auprès de millions de travailleurs et de jeunes en-dehors de l’appareil du Parti Démocrate. Ses rassemblements ont attiré les plus grandes foules de ces élections présidentielles (souvent plus de 10.000 personnes et près de 30.000 à Los Angeles). Dans les sondages, il a considérablement réduit l’écart avec Hilary Clinton et les sondages en ligne ont montré qu’il a remporté les débats télévisés des primaires démocrates.

    Il sera extrêmement difficile à Sanders de remporter la nomination et, malheureusement, il a indiqué qu’il soutiendrait Hillary Clinton en cas de défaite, jouant donc précisément une fois encore un rôle de rassemblement des progressistes derrière le Parti Démocrate. Cependant, sa présence dans le débat, la discussion autour de ses idées et le nombre de personnes qui se sont joints à sa campagne peuvent marquer une étape importante dans les développement de la conscience de classe aux USA et dans la construction d’un parti de gauche de masse.

    Le réformisme aujourd’hui

    Ces développements sont énormément positifs. Ils représentent un pas qualitatif en avant vers la création de partis de masse de la classe des travailleurs qui peuvent constituer des instruments très importants pour la résistance des travailleurs contre les attaques austéritaires, en donnant un élan à la lutte de masse par la base. Ils peuvent aussi être le terreau pour le développement de forces socialistes révolutionnaires de masse, à la suite de l’expérience des luttes qui sera acquise par les masses et des discussions politiques.

    Les idées exprimées par les dirigeants de ces mouvements sont toutefois également dignes de critiques. Fondamentalement, toutes ces figures représentent et reflètent différentes variantes du réformisme. Le réformisme est la notion selon laquelle le capitalisme peut être graduellement démantelé pour, au final, qu’un société socialiste soit créée sans moment de rupture décisive – ou révolution – avec l’organisation capitaliste actuelle de la société.

    Le réformisme échoue à reconnaître que la classe capitaliste constitue la classe dominante au sein de la société. C’est le cas en premier lieu par sa propriété et son contrôle des ressources économiques cruciales de la société, mais aussi en étant liée par un millier de ficelles à l’appareil d’État, c’est à dire le judiciaire, les « corps d’hommes armés » dans l’armée et la police et le gouvernement permanent qui existe sous la forme des échelons les plus élevés de la fonction publique.

    L’Histoire du mouvement ouvrier a démontré que si la classe dominante sent que son pouvoir, sa richesse, et ses privilèges sont menacés, alors elle n’hésitera pas à recourir au sabotage économique ou même aux coups d’État militaires, comme cela s’est produit au Chili en septembre 1973 quand le gouvernement élu de Salvador Allende a été renversé. Aujourd’hui, en Europe, les gouvernements de gauche potentiels ne vont pas seulement devoir faire face à cette menace de la part de leur classe capitaliste autochtone mais également de la part des institutions pro-capitalistes de l’Union Européenne.

    Alors que, dans toute l’Europe, les partis réformistes de masse stables étaient une caractéristique du paysage politique de l’ère de croissance économique qui a suivi la deuxième guerre mondiale, c’est une autre histoire aujourd’hui. Étant donné la nature de la crise, et, en fait, la nature de l’UE et de l’euro-zone, les limites du réformisme sont bien plus rapidement atteintes. Le capitalisme ne dispose plus des réserves de “graisse sociale” qu’il avait dans la période d’après guerre et qui permettaient aux gouvernements social-démocrates de beaucoup de pays européens d’instaurer des réformes considérables dans l’intérêt de la classe ouvrière tout en restant au sein du système capitaliste. Il n’y a pas non plus de croissance importante des prix matières premières, comme ceux qui ont permis à Hugo Chavez et à son gouvernement d’augmenter le niveau de vie des masses au Venezuela sans pour autant mettre fin au contrôle de l’économie par les oligarques.

    Au lieu de cela, si n’importe lequel des nouveaux mouvements de gauche prend le pouvoir aujourd’hui, alors la question de la confrontation ou de la capitulation se posera très rapidement. Ce n’est pas une question simplement théorique comme nous l’a illustré les récents événements survenus en Grèce sous le gouvernement dirigé par Syriza. Il faut étudier l’expérience de Syriza au pouvoir car c’était un laboratoire de l’application d’une stratégie réformiste particulière en Europe au stade actuel. Cette expérience continuera d’être un point de référence pour les travailleurs et les militants de gauche dans toute l’Europe dans leur tentative de développer une stratégie capable de réussir à en finir avec l’austérité et le règne des 1%.

    Syriza au pouvoir

    Le 25 janvier 2015, pour la première fois depuis la chute du stalinisme, un gouvernement dirigé par la gauche a été élu en Europe. Des ondes de choc de panique se sont propagées dans tout l’establishment politique Européen et la classe capitaliste. 239 jours plus tard, le même gouvernement a été ré-élu, avec une abstention record, mais cette fois, il a été bien accueilli par les journaux et les dirigeants politiques européens. Entre ces deux élections ont pris place de véritables montagnes russes d’événements politiques qui ont comporté les héroïques 61% du Oxi (Non) des masses grecques face au chantage de l’austérité ou de la sortie de l’euro lors du référendum de juillet 2015 mais aussi la capitulation de la direction de Syriza à la terreur de la Troïka.

    L’expérience de Syriza livre d’importantes leçons pour tous les mouvements qui luttent pour un changement socialiste. Ces leçons ont coûté très cher, à la classe ouvrière et aux pauvres de Grèce en particulier. Pourtant, on a assiste dans toute la gauche européenne et mondiale à des tentatives d’amoindrir ces leçons tout en enjolivant les erreurs de la direction de Syriza. Cette approche se retrouvent parmi ceux qui partagent largement une orientation stratégique similaire à celle de la direction de Syriza.

    Léo Panitch, co-éditeur du journal de gauche Socialist Register, a été à la pointe de cette défense. Il a écrit, peu de temps après l’acceptation du Mémorandum d’austérité de 13 milliards d’euros par Syriza : «Nous espérons que Syriza pourra rester unie en tant que nouvelle formation politique socialiste la plus efficace dans la gauche européenne qui a émergé ces dernières décennies. Le rôle d’une gauche responsable est de soutenir cela, tout en continuant à montrer les faiblesses du parti en termes de manque de capacité à construire sur les réseaux de solidarité. (…) Étant donné notre propre faiblesse en cette matière, une patience et une modestie considérables sont requises de la part de gauche internationale alors que nous regardons se dérouler ce drame.” [2]

    L’essence de cette idée est que l’on ne peut critiquer les autres forces de la gauche à travers le monde avant d’avoir atteint leur niveau d’influence dans la société. C’est une approche profondément anti-internationaliste et qui se situe dans la droite ligne de celle des partis communistes stalinisés dans les années 1920 et ensuite.

    Si cette approche était acceptée, la gauche internationale entière serait simplement condamnée à répéter, l’une après l’autre, les erreurs des autres. Il est tout à fait approprié de tenter d’analyser et de critiquer l’approche stratégique des autres à gauche dans différents pays, tout en maintenant bien sûr l’humilité et le sens des proportions nécessaires.

    Un échec de « l’européanisme de gauche »

    Ce qui s’est produit en Grèce – un gouvernement de gauche qui trahit son mandat et son programme – représente une défaite pour les travailleurs de toute l’Europe. Les politiciens et les médias de droite du continent ont immédiatement sauté sur l’occasion de renforcer le mur “TINA” (pour “There is no alternative”, il n’y a pas d’alternative, slogan cher à Margaret Thatcher) qui avait vacillé avec l’élection de Syriza.

    Mais s’il s’agit d’une défaite pour la gauche dans son entièreté, il est important de reconnaître que ce n’est pas la conséquence de la faillite des idées de la gauche dans leur ensemble. Il faut plutôt y voir l’échec dramatique du réformisme, et en particulier de sa version dominante en Europe, connue comme «l’Européanisme de gauche».

    La stratégie de l’européanisme de gauche applique l’approche graduelle du réformisme à l’Union Européenne. Il adopte le point de vue que l’UE pourrait, par les victoires de la gauche dans les différents pays, être transformée en un projet plus social. C’est une conception qui sous-estime complètement la haine de classe et la cruauté de la Troïka et de Merkel.

    Plus important encore, il comprend mal le caractère réel de l’UE, qui a été si brutalement démasqué par la crise et la réaction de ses institutions dirigeantes. La construction européenne est structurellement néo-libérale, le néo-libéralisme est dans son ADN, il est inscrit dans le traité de Maastricht, dans le  pacte de stabilité et de croissance , dans le Six Pack et le Two Pack (deux «paquets législatifs» européens de 2012 et 2013 respectivement). Le néo-libéralisme constitue l’essence-même du fonctionnement de l’euro et de la Banque Centrale Européenne.

    L’Union Européenne est aussi fondamentalement non-démocratique. Le pouvoir repose dans les mains d’institutions non-élues et qui ne répondent de rien, comme la Commission Européenne et la Banque Centrale Européenne. Les règles ont été écrites de telle façon que tout gouvernement de gauche qui transgresserait les règles de l’austérité se trouverait condamné et perdrait son droit de vote sur des questions importantes. Ce n’est que la position légale formelle – la position réelle est encore plus anti-démocratique. La BCE a auparavant mené deux coups d’État silencieux, en Grèce et en Espagne. Elle en a dans les faits mené un nouveau contre le peuple grec, mais cette fois avec la complicité de Tsipras, en utilisant sa capacité à créer la panique bancaire pour pousser à la capitulation.

    Des relations de plus en plus impérialistes se développent au sein de l’UE entre les classes capitalistes dominantes du centre, en particulier la classe capitaliste allemande, et les États périphériques. Cela se voit notamment dans la servitude dans laquelle la Grèce se trouve maintenant de facto vis-à-vis de sa dette publique.

    En raison de cette conception stratégique de l’européanisme de gauche adoptée par les dirigeants de Syriza et leurs conseillers politiques, ils sous-estiment considérablement leur ennemi. Concrètement, ils pensent que, par peur de la contagion économique, les créanciers pourraient accorder d’importantes concessions. Ils ont lié Syriza à une stratégie visant à rester dans l’euro à tout prix. Ainsi, quand ils se sont retrouvés le révolver sur la tempe avec la menace d’être vraiment exclus de la zone euro, ils ont senti qu’ils n’avaient d’autre option que de battre en retraite.

    Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, a averti que le principal danger pour la classe capitaliste européenne n’était pas la contagion économique, mais la contagion politique. Cela s’est confirmé. Les élites capitalistes européennes sont partantes pour prendre le risque d’une contagion économique de façon soit à renverser Syriza, soit à l’humilier pour dissuader les autres et que cela leur serve de leçon.

    L’expérience de Syriza est une justification par la négative des éléments-clé d’une approche révolutionnaire. Elle souligne le besoin, pour un gouvernement de gauche, de rompre avec les règles de la zone euro, de l’UE et du capitalisme ; la nécessité d’une stratégie de confrontation, plutôt que de compromis, avec l’UE ; la nécessité de préparer la rupture avec la zone euro, au lieu de faire tout son possible pour rester dedans ; tout cela au sein d’un programme socialiste basé sur la mobilisation par en-bas pour s’attaquer au pouvoir de la classe dominante locale, pour lutter en faveur de l’annulation de la dette, pour instaurer un contrôle des capitaux et pour établir la propriété publique des banques et des autres secteurs-clé de l’économie sous contrôle démocratique des travailleurs. Cela illustre une approche internationaliste de lutte capable de faire une brèche dans l’Europe vers le développement d’une confédération d’États socialistes démocratiques comme étape vers une Europe socialiste.

    Réaction face à la défaite de Syriza

    La capitulation et la défaite de Syriza ont provoqué un important débat parmi la gauche européenne. La réponse de Podemos en Espagne a malheureusement été un tournant de son programme plus à droite, Pablo Iglesias continuant à défendre la capitulation de Syriza comme étant «réaliste».

    Ce virage peut assez bien cadrer dans le discours délibérément ambigu qui façonne le projet de Podemos depuis ses débuts. Il est basé sur les travaux du post-marxiste Ernesto Laclau et de la notion qu’au lieu de construire un mouvement de classe, on peut construire une majorité sociale en utilisant des «signifiants vides» – comme la notion de « ceux d’en bas » – contre la caste politique. Dans les mains de certains membres de Podemos, cela est utilisé pour défendre que ce qui est construit n’est ni de gauche ni de droite, ce qui abouti à un manque de clarté politique. La réaction de la direction de Podémos à la capitulation de Syriza a été une des raisons de la chute de Podemos dans les sondages de 30% à environ 15%.

    D’un autre côté, il y a aussi un déplacement à gauche, vers des positions plus critiques envers l’UE et l’euro-zone, sans rompre fondamentalement avec la logique du réformisme. Le tournant à gauche et la position plus euro-critique de la direction du Bloc de Gauche au Portugal est un exemple de cette tendance et a contribué à doubler leur score aux élections générales. Un autre exemple est la scission de Syriza, Unité Populaire, menée par Panagiotis Lafazanis, qui, avec 2,9% des voix seulement, a manqué de peu d’avoir des représentants élus au parlement grec.

    Ces développements au niveau national se reflètent aussi dans les débats au sein de la gauche européenne. Une lettre ouverte intitulée « Plan B pour l’Europe » a été lancée par Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du Front de Gauche en France. Elle a été co-signée par Oskar Lafontaine, personnalité dirigeante de Die Linke, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis, et Zoé Konstantopoulou, l’ancienne présidente du parlement grec, et a depuis été signée par trois parlementaires de l’Anti-Austerity Alliance en Irlande. Elle exprime la conclusion tirée par une partie de la gauche européenne que rester dans le carcan de l’euro à tout prix signifie renoncer à la possibilité de remettre en question la domination du néo-libéralisme.

    «Face à ce chantage, nous avons besoin de notre propre plan B pour dissuader le plan B des forces les plus réactionnaires et anti-démocratiques de l’Europe. Pour renforcer notre position face à leur engagement brutal pour des politiques qui sacrifient la majorité au profit des intérêts d’une infime minorité. Mais aussi pour réaffirmer le principe simple que l’Europe n’est rien d’autre que les Européens et que les monnaies sont des outils pour soutenir une prospérité partagée, et non des instruments de torture ou des armes pour assassiner la démocratie. Si l’euro ne peut pas être démocratisé, s’ils persistent à l’utiliser pour étrangler les peuples, nous nous lèverons, nous les regarderons dans les yeux et nous leur dirons : « Essayez un peu, pour voir ! Vos menaces ne nous effraient pas. Nous trouverons un moyen d’assurer aux Européens un système monétaire qui fonctionne avec eux, et non à leurs dépens». [3]

    Ce sont des développements importants. Ils représentent un défi à la domination de l’européanisme de gauche au sein de la gauche européenne, avec plus d’espace pour critiquer cette approche et indiquer un tournant à gauche. Cependant, ils ont toujours des limites considérables. Cela ne représente pas fondamentalement une rupture avec le réformisme.

    Les erreurs de la gauche de Syriza

    De nouveau, il est utile de revenir à l’expérience de Syriza et en particulier de la gauche de Syriza pour voir ce réformisme euro-critique plus à gauche en action. A un niveau formel, la Plate-forme de Gauche, qui est devenue Unité Populaire, avait un programme qui reproduisait beaucoup d’aspects du programme de Xekinima en Grèce. Il appelait ainsi à la préparation de la sortie de l’euro, à l’annulation de la dette de la Grèce, à la propriété publique des banques et à un programme de reconstruction de l’économie en accentuant l’investissement public. Mais l’appel pour un changement socialiste de société était le grand absent.

    La perspective d’une personnalité dirigeante de ce groupe, Costas, Lapavitsas, telle qu’exprimée dans le livre qu’il a co-écrit avec Heiner Flassbeck et publié juste avant la venue de Syriza au pouvoir, s’est totalement confirmée : « Il y a, ainsi, une sorte de « triade impossible » à laquelle ferait face un gouvernement de gauche dans la périphérie. Il est impossible d’avoir à la fois les trois choses suivantes : premièrement, obtenir une vraie restructuration de la dette ; deuxièmement, abandonner l’austérité ; et troisièmement, continuer à opérer dans le cadre institutionnel et politique de l’UE et en particulier de l’Union Économique et Monétaire (…) Ce serait une folie pour un gouvernement de gauche d’imaginer que l’UE blufferait sur les questions de la dette et de l’austérité (…) Si un gouvernement de gauche tente de jouer le bluff, il échouerait très rapidement. »[4]

    Malgré cette perspective, ils n’étaient pas du tout prêts à la rapidité et à l’échelle de la trahison de la direction de Syriza. L’approche de la Plate-forme de gauche envers la direction de Syriza est un miroir de l’approche de celle-ci envers l’UE. Tandis que Tsipras a échoué à préparer Syriza à la nature du conflit avec les institutions de l’UE et du besoin de rompre avec l’euro, Lafazanis n’a pas réussi à préparer la Plate-forme de Gauche à la probable capitulation de Tsipras, à un conflit avec lui et à une rupture avec Syriza.

    Une des conséquences est qu’au premier vote sur les mesures d’austérité, la plupart des parlementaires de la Plate-forme de Gauche ont voté pour ou se sont abstenus – ce qui a semé la confusion. Ils ont persisté dans leur rhétorique d’unité de parti avec Syriza après qu’il soit devenu clair que Tsipras était déterminé à chasser la gauche du parti et à reconstruire Syriza comme un parti d’austérité.

    Pourquoi ces erreurs ont-elles été commises ? Comme avec Tsipras, ce n’est pas une question de faiblesses ou d’échecs individuels. C’est une question politique. Cela est notamment lié aux méthodes d’organisation de la Plate-forme de Gauche. Celle-ci ne fonctionnait pas comme devrait le faire une organisation révolutionnaire, avec un cadre formé qui discute démocratiquement des perspectives, du programme et de la stratégie. Au contraire, elle reproduisait la culture du cercle dirigeant qui existait chez Syriza. Elle était aussi trop prise au piège dans Syriza et dans le parlement, ne faisant pas assez attention à ce qui prenait place au dehors.

    Mais cette structure organisationnelle est aussi connectée à sa politique parce que beaucoup de ses stratèges-clé étaient aussi issus d’une tradition essentiellement euro-communiste de gauche. L’euro-communisme est une tendance qui est devenue dominante dans les partis communistes européens dans les années ’70 et ’80, en partie en réaction aux horreurs du stalinisme mais aussi pour s’adapter aux pressions capitalistes dans leurs propres pays. Cela a fait que des partis comme les PC en France et en Italie sont devenus concrètement des partis ouvertement réformistes.

    Il nous faut des politiques socialistes

    Dans la Plate-forme de Gauche et dans la gauche en Europe en général, l’idée que le moment est aux «gouvernements anti-austérité» en opposition au changement socialiste est très répandue. Cependant, même un «gouvernement anti-austerité» préparé à sortir de l’euro devrait toujours faire face au même dilemme entre confrontation et capitulation. Comme Rosa Luxemburg l’expliquait en 1898 dans «Réforme ou Révolution», ces deux choix ne sont pas deux voies différentes vers un même point, ils aboutissent à deux endroits différents.

    Les forces de l’UE n’arrêteraient pas leurs attaques tout simplement parce qu’un pays est sorti de l’euro. La classe dominante locale intensifierait probablement ses attaques, ce qui s’est vu par exemple en Grèce avec les rumeurs d’une possibilité de coup d’État si le pays sortait de la zone euro. Un gouvernement qui serait conséquent dans son anti-austérité devrait inévitablement appliquer des mesures de type socialiste pour défendre l’économie et les s99% contre les attaques des 1% nationaux et mondiaux.

    L’absence de reconnaissance que la lutte pour rompre avec l’austérité requiert un mouvement pour un changement socialiste n’est pas seulement une omission théorique. Cela a permis de mettre l’Unité Populaire au pied du mur, d’en faire un simplement un parti anti-euro dans la campagne électorale. Dans son analyse post-électorale, l’Union Populaire a reconnu que défendre la rupture avec l’UE était «difficile à expliquer de manière convaincante au milieu d’une campagne électorale (…) en ayant toutes les forces systémiques contre nous», ce qui a été un facteur considérable dans leur échec à franchir le seuil électoral des 3% pour entrer au parlement.

    Alors que les Grecs étaient prêts à voter Non, malgré les avertissements terribles sur la possibilité de quitter l’euro, la perspective de revenir à la drachme n’a pas mis la majorité en confiance. Lier la rupture avec l’euro à un changement socialiste fondamental serait nécessaire pour montrer comment un tel changement pourrait être géré – y compris en plaçant cela dans le contexte de la lutte pour un changement révolutionnaire dans toute l’Europe.

    Alors que les institutions européennes espéraient que la défaite de Syriza ferait reculer la gauche pour longtemps, la profondeur de la crise capitaliste est telle qu’ils n’ont pas obtenu l’effet escompté. Au lieu de cela, les développements politiques en direction des nouvelles forces de gauche continuent et s’accélèrent. Après une période de défaites et de revers, le test des idées dominantes au sein de ces forces sur l’expérience des événements est une partie inévitable de la clarification et du développement de forces révolutionnaires de masse.

    [1] Financial Times, July 16, 2015
    [2] http://www.socialistproject.ca/bullet/1140.php
    [3] http://www.counterpunch.org/2015/09/14/breaking-with-austerity-europe/
    [4] Heiner Flassbeck and Costas Lapavistas, Against the Troika: Crisis and Austerity in the Eurozone, Verso (London, 2015)

  • Le PS et le SP.a soutiennent Corbyn… uniquement lorsqu’il se soumet à la droite !

    Jeremy Corbyn a récemment été élu président du Parti travailliste, le Labour, en Grande-Bretagne. Cette élection d’un candidat anti-austérité représente un véritable bouleversement dans la situation politique.

    Par Jarmo (Anvers)

    Le Parti travailliste britannique fut l’un des premiers partis sociaux-démocrates européens à embrasser le néolibéralisme et à bazarder toute référence au socialisme ou à une politique favorable aux travailleurs. C’est aussi le parti travailliste, sous la direction de Tony Blair, qui a décidé de partir en guerre en Irak. C’est donc des plus remarquables que c’est précisément ce parti qui, aujourd’hui, se retrouve avec un socialiste à sa tête pour la première fois depuis des décennies.

    L’enthousiasme autour de la figure de Corbyn a même des conséquences en Belgique. La social-démocratie essaie ainsi d’instrumentaliser son succès dans une tentative désespérée de soutenir qu’elle reste politiquement pertinente.

    L’élection de Corbyn – avec 59% des suffrages exprimés – est l’expression de la recherche croissante d’une alternative politique en Grande-Bretagne. Le même processus a déjà conduit à l’émergence de nouvelles formations de gauche comme Syriza et Podemos tandis que, dans d’autres pays, l’espoir se développe que des personnalités de gauche soient capables de reprendre les rênes d’un parti comme le Parti travailliste.

    Des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs se sont mobilisés pour la campagne de Corbyn et ont placé leurs espoirs dans son programme d’investissements massifs dans les services publics, de réhabilitation des acquis sociaux comme les pensions et le droit de grève,… et dans la fin de la vague incessante et violente d’austérité qui frappe la population de plein fouet. L’élection de Corbyn est aussi une expression de la désillusion parmi la population britannique pour la direction traditionnelle du Labour, qui reste d’ailleurs opposée au programme de Corbyn. Cette contradiction devra, plutôt tôt que tard, conduire à une scission. Corbyn doit utiliser son soutien et l’enthousiasme qu’il a suscité pour rassembler autour de lui toutes les forces de gauche dans la société afin de construire un nouvel instrument politique pour la classe des travailleurs.

    Il n’y a pas de différences fondamentales entre la direction traditionnelle du Labour et celles du PS et SP.a en Belgique. Ces partis sont partisans de la casse sociale qui, après des années de participation aux gouvernements, ne voient qu’un sentier de destruction sociale lorsqu’ils regardent derrière eux. La social-démocratie belge fut par exemple à la base de la réforme des prépensions, de la privatisation et du démantèlement des services publics,… Ils ont même été les auteurs de mesures haïes comme le Pacte des Générations en 2005 et la chasse aux chômeurs. Probablement aucun jeune en Belgique ne se souvient d’un moment où ces partis ont représenté une force progressiste.

    Cependant, les dirigeants sociaux-démocrates flamands et francophones sentent aussi la recherche d’une alternative politique. Les succès électoraux du PTB, particulièrement du côté francophone, sont déjà une expression partielle de cette recherche. Elio Di Rupo a donc immédiatement félicité Corbyn en disant qu’ils ont ‘‘des objectifs communs : fin à l’austérité, une société juste et plus de justice sociale’’. Kathleen Van Brempt du SP.a a écrit une carte blanche en défense de Corbyn, mais en se limitant au tournant de Corbyn qui a déclaré qu’il n’est plus en faveur d’un Brexit (la sortie de l’euro). Le fait que Corbyn maintient cependant toujours que l’Union Européenne néolibérale n’est qu’un instrument politique aux mains de la classe dirigeante pour imposer une politique d’austérité sévère n’était bien sûr pas mentionné par Van Brempt. Elle essaie, de façon pathétique, d’utiliser la popularité d’un adversaire politique pour se donner une image plus à gauche.

    Van Brempt n’est pas la seule à procéder de la sorte. Paul Magnette fait pareil. Il se réfère à Corbyn, mais surtout aux points spécifiques sur lesquels il a déjà cédé à la droite de son parti. Autrement dit, Magnette défend Corbyn tant qu’il ne s’agit pas des éléments qui ont créé l’enthousiasme ! Magnette lui reproche d’ailleurs de fonctionner comme la ‘‘gauche radicale’’ : de présenter des sujets complexes d’une manière simpliste. Cela n’empêche pas Magnette de déclarer que les programmes de la gauche radicale et du PS ne sont pas trop différents : une taxe des millionnaires, une fiscalité plus juste,… En réalité Magnette montre les limites de telles propositions. Si même des représentants d’une politique d’austérité sont prêts à les défendre en paroles…

    Dans la même logique Di Rupo, tout comme le président du SP.a John Crombez, a déclaré qu’il n’était pas opposé à des coalitions avec le PTB. Ce parti a aussi déclaré d’être en faveur d’une ‘coalition progressiste’ à Anvers avec SP.a et Groen. Le président du PTB Peter Mertens a ainsi affirmé : ‘‘J’espère que personne ne va s’enfermer dans ses propres points de vue et qu’ils vont comprendre que cette collaboration est plus que jamais nécessaire.’’ Tous les précédents indiquent cependant qu’une nouvelle formation de gauche doit se méfier d’une collaboration avec la ‘‘gauche’’ néolibérale.

    Dans la plupart des pays, le mouvement des travailleurs n’a plus d’instrument politique. L’élection des figures de la gauche dans anciens partis du mouvement ouvrier et l’émergence de nouvelles formations d’autre part, sont des expressions de la recherche d’une alternative. Cela peut constituer des pas importants dans la bonne direction. Mais une alternative politique ne sera en dernière instance seulement possible que sur base d’une grande implication du mouvement des travailleurs. Elle exige également la reconnaissance des limites programmatiques de certains partis de gauche, ainsi que la conscience que les anciens partis sociaux-démocrates dans leur état actuel sont devenus des cadavres pourrissants pour le mouvement des travailleurs. Le PSL veut aider au développement de chaque initiative allant vers la formation d’un nouveau parti des travailleurs.

  • [VIDEO] Weekend "Socialisme" en Angleterre : les idées socialistes sont de retour!

    socialistparty_socialism2015Le weekend “Socialism 2015” organisé ces 7 et 8 novembre par le Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles (parti-frère du PSL et section du Comité pour une Internationale Ouvrière) fut la meilleure édition de cet événement. Les discussions qui ont pris place durant ce weekend ont été très sérieuses et reflètent les débats qui agitent la classe des travailleurs dans le cadre de l’élection de Jeremy Corbyn à la tête du parti travailliste. La confiance et la volonté de se battre contre l’austérité ont augmenté.

    Plus de 1.000 combattants de la classe des travailleurs, socialistes, syndicalistes et jeunes ont débattu et affiné leurs analyses et leur compréhension des questions de tactique et de tâches au cours des 38 ateliers et forums ainsi que des deux meetings centraux qui ont été organisés, sans encore parler des discussions qui ont eu lieu au bar par la suite.

    L’appel financier a permis de récolter pas moins de 30.000 £ (un peu plus de 42.000 euros), ce qui constitue un précieux indicateur de la volonté des membres et sympathisants du Socialist Party de faire face aux défis qui arrivent. Le stand de livres politiques de Socialist Books a vendu pour 2.000 £ de matériel (2800 euros), ce qui illustre la détermination de s’armer d’idées socialistes.

    socialistparty_socialism2015_02La vidéo ci-dessous reprend les discours du meeting central du samedi soir avec :

    * Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party et ancien éditeur en chef du journal “Militant”, exclu du Parti Travailliste
    * Paul Murphy, député irlandais du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) et de l’Anti-Austerity Alliance
    * Jawad Ahmed, chanteur pakistanais et activiste de l’International Youth and Workers’ Movement
    * Chris Baugh, assistant du secrétaire général du syndicat PCS
    * Suzanne Muna, membre de l’exécutif du syndicat Unite
    * Helen Pattison, membre de Youth Fight Austerity à Londres

  • Nouvelles formations de gauche, réformisme ou rupture ?

    podemos_syrizaContrairement à la tendance d’il y a quelques mois, la trajectoire ascendante de la nouvelle formation Podemos est aujourd’hui freinée. A l’occasion des dernières élections régionales espagnoles, en mai dernier, Podemos avait obtenu une digne mais insuffisante troisième position. Depuis lors, la formation violette laisse entrouverte la possibilité de conclure des pactes avec des partis traditionnels. L’ambiguïté de Podemos par rapport à la notion de classe devient maintenant décisive à l’heure de choisir entre rupture ou acceptation d’une austérité ‘‘light’’. L’une des questions clés, en vue des élections générales de la fin de l’année en Espagne, est la formation de coalitions post-électorales et en particulier d’une possible entente entre le PSOE (la social-démocratie) et Podemos.

    Par Marisa (Bruxelles), article tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

    Le PSOE s’est engagé sur la voie du néolibéralisme et a appliqué l’austérité au travers de coupes budgétaires et de réductions salariales. La social-démocratie européenne a tout à fait suivi le discours de la droite durant tout le processus de ‘‘négociations’’ en Grèce. En général, les partis sociaux-démocrates ont été incapables de fournir des réformes progressistes et se sont ouvertement positionnés dans le camp des capitalistes et des contre-réformes. Malheureusement, Syriza a fini par trahir les intérêts des travailleurs de la même façon que le parti social-démocrate grec Pasok.

    Cela a un impact pour la lutte contre l’austérité dans d’autres pays, comme le Portugal, l’Irlande, l’Italie ou l’Espagne. Les dirigeants de Podemos, après avoir tourné à droite, ont déclaré qu’ils auraient soutenu l’accord en Grèce ! Ils ajoutent que l’Espagne serait dans une meilleure position pour ‘‘négocier’’ avec les institutions européennes. Comme si la troïka n’était pas disposée à utiliser n’importe quelle méthode pendant les ‘‘négociations’’ pour écraser et discréditer tout gouvernement qui remet en question leur diktat !

    Si une chose est devenue claire après la crise grecque, c’est que les nouvelles formations de travailleurs ont besoin d’un programme qui vise à aller jusqu’au bout dans la lutte contre l’austérité. La victoire de Corbyn lors de l’élection pour la présidence du Parti travailliste en Grande-Bretagne est aussi importante que l’émergence de Podemos en Espagne. Mais le plus intéressant, c’est que Corbyn s’est présenté avec un programme encore plus radical que celui de Podemos et avec une orientation claire envers la classe des travailleurs, ce qui montre que la recherche d’une alternative à l’austérité se poursuit.

    Il est impossible de mettre en œuvre un programme de réformes sans remettre en cause la base économique du système capitaliste actuel. Une restructuration de la dette n’est pas suffisante et, en plus, elle est souvent utilisée pour rendre la dette plus soutenable et éviter de défaut de paiement nocif pour les créanciers. Le point de départ pour un gouvernement de gauche est un programme qui exprime le vote anti-austérité avec des mesures socialistes telles que le refus du paiement de la dette, la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des secteurs-clés de l’économie et des investissements publics massifs pour répondre aux nécessités sociales.

    C’est seulement sur base d’une nationalisation du système bancaire sous contrôle populaire qu’il serait possible de se débarrasser des spéculateurs qui retiennent la classe ouvrière en otage. Dans un secteur bancaire nationalisé, le fardeau des prêts hypothécaires pourrait être remplacé par des loyers abordables, les petites entreprises pourraient obtenir des prêts bon marché, et des travaux publics tels qu’un programme de construction de logements massif pourraient être financés à moindre coût. Il est clair qu’aucun parti pro-austérité n’accepterait de telles mesures de rupture et, par conséquent, un pacte anti-austérité dans une coalition avec ces partis n’est ni ‘‘réaliste’’ ni ‘‘stable’’, c’est impossible.

    Pour clarifier cette question, il est important de se rappeler de ce qui est arrivé lors des élections en Andalousie, où Izquierda Unida (Gauche Unie) a obtenu le pire résultat de son histoire. Personne n’ignore que IU a été punie pour sa participation à un gouvernement de coalition avec le PSOE, un gouvernement qui a également appliqué l’austérité mais à un rythme plus lent. Cela a été perçu par le public comme une erreur et la création d’une nouvelle coalition de Podemos ou d’autres formations alternatives avec des partis pro-austérité serait à nouveau perçue comme une erreur. La nécessité d’une large confluence de gauche avec un programme anti-austérité pour les élections générales du 20 décembre en Espagne – avec Podemos, IU et les mouvements sociaux – est plus qu’évidente.


     

    Grèce : Abstention record aux élections du 20 septembre

    Tsipras et la direction de Syriza ont transformé le ‘‘non’’ au mémorandum en un ‘‘oui’’. Au lieu de s’appuyer sur le mandat populaire qui lui était donné par les 61 % des voix contre l’austérité, Syriza est devenu rien de moins que le parti qui appliquera le nouveau mémorandum austéritaire.

    Nous ne pouvons pas analyser les résultats du 20 septembre sans commencer d’abord par faire remarquer le taux d’abstention record de 43,4 %. Si nous y ajoutons les 2,42 % des votes nuls ou blancs, cela signifie que près d’un électeur sur deux n’a pas participé aux élections. La frustration qui existe dans la population et dans de grandes parties de la gauche est énorme. Le résultat est un parlement avec 6 partis pro-mémorandum, un parti nazi et le KKE (Parti communiste grec) comme seule expression de la gauche.

    Les deux partis ayant reçu le plus de votes, Syriza et Nouvelle Démocratie (droite), ont obtenu ensemble 3,45 millions de voix. En comparaison avec le résultat des élections de janvier, Syriza a perdu 320.074 voix et ND 192.489. En 2004, l’ancien système des deux partis, le PASOK (social-démocratie) et la ND, obtenait 6,36 millions de voix ensemble. Le ‘‘nouveau’’ bipartisme a moins d’impact et est plus instable que l’ancien. Cela affectera la coalition de Syriza / ANEL (droite nationaliste) qui sera rapidement testée lorsque le poids du mémorandum provoquera les premières réactions politiques et sociales.

    Aube Dorée reste, pour la troisième fois consécutive, la troisième force électorale du pays, mais la formation d’extrême droite a perdu 10.000 voix en chiffres absolus, malgré que le procès lié à l’assassinat du militant antifasciste Pablos Fyssas a déjà commencé. Le KKE a perdu 38.000 voix et Unité Populaire (scission de l’aile gauche de Syriza) n’est parvenue à décrocher aucun siège. Unité Populaire n’a pas été en mesure de présenter une alternative cohérente, ni un processus démocratique ouvert et connecté aux forces présentes dans la société. Le mauvais résultat électoral de la gauche anti-austérité ne peut être que la base pour un nouveau commencement, en tenant compte des erreurs de la gauche réformiste.

    Catalogne : La justice sociale et le droit d’autodétermination sont inséparables

    La victoire des listes de confluence de gauche dans des grandes villes comme Madrid et Barcelone a représenté un grand pas en avant. Les nouveaux élus ont déjà mis en place des mesures pour arrêter des expulsions, un audit de la dette municipale et la création d’un réseau des villes refuge face à la crise migratoire. Cependant, les contraintes auxquelles ces coalitions sont confrontées commencent également à devenir palpables.

    Une nouvelle occasion se présente pour utiliser la force accumulée par les luttes et les mobilisations de ces dernières années. À l’heure d’écrire cet article, les élections catalanes du 27 septembre sont imminentes et la question nationale jouera un rôle très important dans celles-ci. Mais polariser la question autour du ‘‘oui’’ ou ‘‘non’’ à l’indépendance favorise uniquement les secteurs plus réactionnaires. Quel que soit le résultat final par rapport à l’indépendance, le nouveau gouvernement devra choisir entre appliquer plus d’austérité ou s’y opposer.

    En outre, les questions sociale et nationale sont intrinsèquement liées. Il ne peut pas y avoir une véritable justice sociale si ce n’est pas possible d’exercer le droit d’autodétermination, et il ne peut pas y avoir une vraie indépendance si celle-ci n’est pas accompagnée de justice sociale. Toute collaboration avec des organisations bourgeoises sur un de ces sujets est une lourde charge pour les intérêts démocratiques et sociaux de la population.

    Idéalement, il ne faudrait qu’une seule liste de gauche et de rupture, mais en pratique deux listes essayeront de jouer ce rôle : la CUP (gauche indépendantiste et anticapitaliste) et Catalunya Sí que es Pot (confluence de gauche anti-austérité). Mais voter n’est pas suffisant. Il est nécessaire que des nouvelles couches de travailleurs et de jeunes participent à leurs campagnes et rentrent en masse dans l’activité politique. La lutte contre l’austérité et pour la défense des droits démocratiques des travailleurs ne sera pas possible sans une étroite collaboration entre la gauche catalane, espagnole, européenne et internationale.

  • A propos de la victoire de Corbyn : position du Socialist Party

    Dans la vidéo ci-dessous, Peter Taaffe, secrétaire général du Socialist Party (parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles) félicite Jeremy Corbyn pour sa victoire et aborde les difficultés auxquelles il va devoir faire face à la tête du parti travailliste.

  • [VIDEO] Hannah Sell concernant la victoire de Jeremy Corbyn

    Avec 59,5% des voix, le candidat de gauche anti-austérité Jeremy Corbyn a remporté les élections pour la présidence du parti travailliste. Les choses ne vont pas en rester là. L'appareil du parti travailliste n'acceptera pas de nouveau cours à gauche et fera tout pour récupérer Corbyn ou pour saboter son travail. Il sera crucial de structurer le large soutien dont il a bénéficier durant sa campagne pour construire, au côté des socialistes et des syndicalistes qui ne sont pas membres du parti travailliste, un large et fort mouvement anti-austérité.

  • Corbyn en Grande-Bretagne, Sanders aux USA : la percée de candidats de gauche bouscule l’élite néolibérale

    corbyn_sanders

    A peine la poussière est-elle retombée en Grèce après le gigantesque ‘‘NON’’ à l’austérité exigée par la Troïka et le rapide retournement de veste de la direction de SYRIZA que de nouvelles migraines se présentent à l’establishment. En Grande-Bretagne, le candidat de gauche à la présidence du Parti Travailliste, Jeremy Corbyn, a créé la surprise en arrivant en tête des sondages. Ses meetings attirent des milliers de jeunes, de travailleurs et de gens ordinaires qui, jusqu’à tout récemment, ne se sentaient plus du tout concernés par le monde politique. La presse capitaliste et l’establishment sont aux abois.

    Par Peter Delsing

    Corbyn rejette cette idée d’une politique où ‘‘tout le monde’’ considère l’austérité néolibérale comme allant de soi. Il fait campagne sur des questions telles que la nationalisation des secteurs du rail et de l’énergie, il veut combattre les inégalités et arrêter les guerres capitalistes. Et puis, aux Etats-Unis, il y a Bernie Sanders, un candidat de gauche qui se présente aux primaires démocrates qui doivent trancher qui sera le candidat aux présidentielles de 2016. Tout d’abord ignoré par les puissants groupes de presse capitalistes, Bernie Sanders et le mouvement de gauche autour de lui ont fini par sérieusement bousculer la campagne d’Hillary Clinton, candidate naturelle des Démocrates. Sanders attire lui aussi une foule de participants à ses meetings, aucun autre candidat à la présidentielle américaine ne parvient à l’égaler. Il défend un système de soins de santé universel, un enseignement supérieur gratuit face à l’explosion des dettes étudiantes, l’instauration d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure, etc. Comment expliquer ces remarquables bouleversements ?

    ‘‘Tout ce qui semblait solide se dissout dans l’air’’ (Marx)

    De par son analyse dans le ‘‘Capital’’, Marx expliquait qu’une base rationnelle se trouve derrière l’éclatement d’une crise au sein du système. Ces 30 à 40 dernières années, nous avons constaté une baisse systématique des investissements, malgré une hausse des profits pour les capitalistes grâce aux politiques néolibérales. Alors que divers éléments de crise étaient déjà présents dans les années ‘70, nous avons connu une croissance encore plus faible ces dernières décennies, une baisse du pouvoir d’achat, une baisse des allocations sociales,… ainsi que des éléments de la notion marxiste de suraccumulation du capital au-delà de ce que le marché pouvait absorber. Cela s’est traduit par un chômage structurel de plus de 10% en Belgique et un chômage de masse en Europe du Sud. Des générations entières de jeunes et de travailleurs ne connaissent ce système que par son caractère instable et antisocial, où chaque revers économique dégrade ou balaye rapidement leur niveau de vie. Politiquement, cela a créé un vide dans lequel ont tenté de s’engouffrer les forces de droite populistes ou d’extrême droite. Mais de grandes possibilités sont également présentes pour de nouveaux mouvements de gauche.

    Il nous faut des instruments indépendants de l’establishment capitaliste

    L’irruption de Corbyn et Sanders sur le devant de la scène politique en Grande- Bretagne et aux États-Unis renverse toute la sagesse conventionnelle. A l’occasion de la défaite du Parti Travailliste aux dernières élections britanniques, tous les commentateurs bourgeois – et les partisans de droite de Tony Blair – étaient unanime à dire que la campagne de Miliband était axée ‘‘trop à gauche’’ et se concentrait trop sur les inégalités. Le sentiment dominant parmi la majorité des travailleurs et des jeunes en Grande-Bretagne, basée sur leur expérience concrète, est que le Parti Travailliste est lui aussi un parti néolibéral, mais qui applique l’austérité à un rythme différent de celui des conservateurs Tories. Dans les faits, les Tories n’ont ‘‘remporté’’ qu’avec le soutien de 24% de l’électorat. La force d’attraction du Parti Travailliste avait souffert de son programme de cogestion du capitalisme. Jeremy Corbyn et le mouvement qu’il a spontanément provoqué illustrent que des positions de gauche plus radicales ne repoussent absolument pas les électeurs, bien au contraire. Il faut investir dans les services publics et l’emploi, c’est vrai. Le succès de Corbyn – et Sanders aux États-Unis – donne un aperçu du potentiel d’un mouvement socialiste indépendant en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et ailleurs.

    Sanders a réuni 28.000 personnes à Portland (Oregon) pour un meeting. À Los Angeles, 27.000 se sont retrouvées dans un stade, avec peut-être bien autant de personnes à l’extérieur. Sanders, à l’instar de Corbyn, développe de véritables problématiques : l’enseignement, les salaires, les investissements sociaux,… C’est un sérieux pas en avant qui contraste considérablement avec la rhétorique des candidats de l’establishment. Plus les Américains entendent parler de la campagne de Sanders, plus ce dernier grimpe dans les sondages. Dans l’Etat du New Hampshire, Sanders a même dépassé Hillary Clinton dans un sondage (44% contre 37%) et ce n’est pas le seul sondage qui démontre qu’il pourrait bien l’emporter. Sanders pourrait même obtenir des fonds capables de rivaliser avec ceux de Jeb Bush ou Scott Walker (des candidats républicains), mais uniquement sur base de donations de gens ordinaires et pas de multinationales.

    Nos organisations-soeurs aux États- Unis, en Angleterre et au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord sont en dialogue avec ces nouveaux mouvements ‘‘socialistes’’. Mais les campagnes de Sanders et Corbyn comportent tout de même une contradiction majeure. Aux Etats-Unis, le Parti Démocrate représente un parti du Capital avec un appareil de parti entièrement pro-capitaliste. En dépit de l’afflux récent de membres qui veulent voter pour Corbyn, les structures du Parti Travailliste ne représentent aucunement un forum pour le débat et l’exercice d’idées et de campagnes de gauche. L’aile droite hostile à Corbyn contrôle le groupe parlementaire et tout l’appareil du parti. Soit ils saboteront Corbyn, soit une scission se produira au sein du parti. Même si Corbyn est toléré en tant que président, les parlementaires de droite feront tout leur possible pour saper ses propositions et le combattre en interne.

    Mettre sur pied une toute nouvelle structure démocratique et inclusive s’impose pour obtenir un véritable parti de lutte. Le Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles, le Socialist Party écossais et le Socialist Party d’Irlande du Nord (nos partis-frères en Grande- Bretagne) appellent Corbyn à lancer un tel parti des travailleurs et des jeunes à partir d’une grande conférence réunissant la gauche et tous ceux qui veulent se battre contre l’austérité. Nous appelons également Sanders à faire face à une éventuelle défaite contre Clinton aux primaires démocrates en se préparant à lancer une campagne présidentielle indépendante et socialiste. Aucun soutien ne doit être accordé à un candidat démocrate du Big Business. Le potentiel présent doit être exploité pour donner naissance à un large mouvement de la classe des travailleurs indépendant de Wall Street.

    L’avertissement de la capitulation de SYRIZA

    Nous soutenons le virage à gauche exprimé par ces mouvements, tout comme notre organisation-soeur grecque qui avait soutenu de manière critique SYRIZA. Nous avons prévenu dès le départ que Tsipras et la direction du parti s’orientaient vers le centre – autour de la dette nationale et de la propriété publique de l’économie notamment – et qu’un gouvernement de gauche devrait rompre avec le capitalisme s’il était désireux d’appliquer une politique sociale. Même avant le référendum, il était clair que Tsipras ne disposait d’aucune alternative sérieuse face au système capitaliste. C’est cela qui l’a conduit à capituler face à l’Union européenne, au néolibéralisme et à l’austérité.

    Jeremy Corbyn dit qu’il est prêt à faire tourner la planche à billets pour investir dans les services publics et les emplois. Il est certain que ces investissements sont nécessaires. Mais sur base capitaliste, une telle création de monnaie à partir de rien ne conduira pas aux nouveaux investissements espérés. Comme à la fin des années ’70 avec les mesures keynésiennes, cela peut donner naissance à une inflation ou à une stagflation (forte inflation des prix et stagnation économique). C’est l’échec des solutions réformistes de type keynésiennes qui a ouvert la voie aux politiques néolibérales.

    Un gouvernement de gauche subirait l’offensive de l’appareil d’Etat capitaliste (hauts fonctionnaires, managers,…). Les marchés menaceraient d’organiser la fuite des capitaux et les grandes entreprises le sabotage de l’économie. Le capital ne ménagerait pas ses efforts pour dépeindre un gouvernement de gauche comme une bande d’aventuriers. Nous aurons besoin d’un mouvement de masse dans les rues et dans les entreprises armé de ses propres instruments politiques et d’un programme visant à la nationaliser sous contrôle et gestions démocratiques des secteurs clés de l’économie, non pas de manière bureaucratique mais sous l’autorité d’organes démocratiquement élus sur les lieux de travail, dans les écoles et dans les quartiers.


     

    Kshama Sawant a obtenu 52% aux primaires à Seattle

    Cette année, les 9 conseillers municipaux qui gèrent la ville de Seattle doivent être réélus (7 par district et 2 à l’échelle de toute la ville). Ces élections se passent en deux tours et Kshama vient de remporter la première manche avec 52% des voix, soit 15% de plus que son plus proche adversaire sur un panel de 5 candidats.

    Kshama a joué un rôle essentiel pour arracher l’instauration d’un salaire minimum de 15 $ de l’heure, une première dans une grande ville américaine. Elle a utilisé sa position pour aider à construire un mouvement populaire, avec soutien syndical. Elle lutte aujourd’hui pour le contrôle des loyers et la construction de logements publics de qualité.

    Sa campagne a engagé quelque 600 volontaires et elle a su récolter 265.000 dollars, dont pas un cent n’est issu des grandes entreprises. Elle se trouve en bonne position pour remporter les élections de novembre, mais les grandes entreprises feront tout pour la bloquer.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop