Tag: Irlande

  • [VIDEO] Paul Murphy interviewé par Tariq Ali sur Tele Sur

    Paul_telesurLa chaîne Tele Sur a été lancée au Venezuela en 2005 à l’initiative du président défunt Hugo Chavez, en partenariat avec l’Argentine, l’Uruguay et Cuba dans l’objectif de contrecarrer l’hégémonie d’une information néolibérale et dépendante des intérêts de l’impérialisme américain.

    L’écrivain britannique Tariq Ali y anime une émission, The World Today with Tariq Ali, dans le cadre de laquelle il a interviewé notre camarade Paul Murphy, député irlandais membre de notre parti-frère en république irlandaise le Socialist Party ainsi que de l’Anti Austerity Alliance (AAA). Ce dernier aborde la situation actuelle en Irlande et démasque la réalité de la situation derrière le prétendu “miracle” irlandais sorti de l’austérité drastique imposée par les politiciens traditionnels du pays et par la Troïka.

    Ce mensonge néolibéral d’un pays sorti de la crise grâce aux mesures de la Troïka vise à aider l’application de cette logique austéritaire ailleurs. La réalité, c’est qu’un nombre impressionnant de jeunes a quitté le pays, que la pauvreté a augmenté,… Une nouvelle taxe visant à en finir avec la gratuité de l’eau a cristallisé toute la colère et a donné lieu à de nombreuses mobilisations impressionnantes. Paul Murphy revient sur tout ceci ainsi que sur les élections générales à venir, qui risquent d’être un véritable séisme politique pour l’establishment capitaliste.

  • Socialisme et question nationale dans la pensée de James Connolly

    connollyJames Connolly était un marxiste, un révolutionnaire, un socialiste et un internationaliste. Pour commémorer le 90e anniversaire (1) de son exécution, Peter Hadden (2) a étudié sa vie faite de luttes incessantes pour faire avancer les intérêts de la classe ouvrière et renverser l’ordre établi.

    Par Peter Hadden

    En 1910, James Connolly terminait son pamphlet Labour Nationality and Religion dans des termes simples et directs : «Le temps est passé de rapiécer le système capitaliste, il doit partir». 90 ans après sa mort, il est nécessaire de se remémorer la vie de James Connolly, ses idées et ce pourquoi il se battait vraiment.

    Cela est rendu nécessaire parce que, vu les commémorations du soulèvement de Pâques (3) de 1916, nous devrons probablement assister au spectacle nauséabond des représentants du gouvernement irlandais, des dirigeants de l’establishment des partis du Sud, comme des principaux partis nationalistes du Nord, tenter de commémorer et de vénérer Connolly, comme s’ils s’inscrivaient dans cette tradition.

    Connolly, s’il était encore vivant aujourd’hui, se battrait sans repos contre ces gens et le système qu’ils représentent, comme il s’est battu contre leurs équivalents à son époque, en Irlande et sur la scène internationale. Il ne serait pas surpris que ces gens, qui sont les ennemis de tout ce qu’il a représenté, essaient de récupérer son héritage politique. Après tout, dans les commémorations du centenaire de la rébellion de 1798, Connolly nota la manière dont l’establishment de l’époque fit de même avec la mémoire du leader de la Société des Irlandais unis, Wolfe Tone (4). Les « apôtres de la liberté », écrit-il dans la première édition de son journal, Workers’ Republic, « sont toujours adulés lorsque morts, mais crucifiés de leur vivant. ».

    Connolly est né, en 1868, dans le district de Cowgate à Édimbourg, en Écosse. Il était le plus jeune d’une famille de trois fils. Son père était charretier et sa famille vivait dans une pauvreté extrême. James dut travailler à partir de l’âge de 10 ou 11 ans. Il travailla dans une imprimerie, une boulangerie et une usine de carrelage. Son éducation était rudimentaire, mais son formidable potentiel d’écriture – non seulement du journalisme politique et historique, mais aussi à travers la poésie et la dramaturgie – était l’œuvre d’un autodidacte. Dans sa biographie de Connolly, Desmond Greaves attribue le strabisme de Connolly au fait qu’il devait, dans sa jeunesse, lire à la lumière des braises « dont les bâtons carbonisés lui servaient de crayons ».

    Connolly avait également les jambes un peu arquées à cause du rachitisme, un effet secondaire courant de la pauvreté et de la malnutrition. Il avait seulement 14 ans quand la pauvreté le força à adopter un pseudonyme et à s’enrôler dans le King’s Liverpool Regiment de l’armée britannique. Son service le mena en Irlande et dura presque 7 ans, avant qu’il déserte et retourne en Écosse vers la fin de 1888 ou au début de 1889. C’est à partir de ce moment, de retour à Édimbourg et survivant avec de petits boulots, que Connolly commença son engagement politique dans le mouvement socialiste. Il se joint à la Socialist League, une scission de la Social Democratic Federation, un des premiers groupes socialistes d’Angleterre. Eleanor Marx, fille de Karl Marx, fut membre de la Socialist League et Friedrich Engels eut une grande influence dans sa création.

    Tous les groupes de cette époque étaient peu organisés. En 1896, Connolly, malgré sa situation financière précaire, quitta l’Écosse où il était secrétaire de la Scottish Socialist Federation et secrétaire du Scottish Labour Party. Il s’agissait alors du nom local donné au courant de Kier Hardie, connu sous le nom d’Independent Labour Party. Il répondit alors à l’appel pour devenir secrétaire du Dublin Socialist Club.

    Dans l’espace de seulement quelques mois, à son arrivée à Dublin, il convertit le Dublin Socialist Club en section la plus organisée du Irish Socialist Republican Party. Cette organisation fut formée lors d’une rencontre de huit personnes dans un bar de la rue Thomas en mai 1896. Il devint organisateur rémunéré avec un salaire d’une livre par semaine. Depuis ce jour, jusqu’à son exécution 20 ans plus tard, Connolly a été un révolutionnaire à temps plein. Travaillant, quand il y avait de l’argent, pour de petits groupes socialistes comme l’ISRP, le Socialist Party of Ireland, ou comme un excellent organisateur syndical dans le mouvement ouvrier. Pendant une grande partie de sa vie, Connolly et sa famille continuèrent de vivre dans la pauvreté. La plupart du temps, il devait tenir des tournées de discours en Écosse, en Angleterre et aux États-Unis pour récolter des fonds.

    Connolly comprenait la nécessité de publier des journaux pour propager ses idées. Il produit un nombre important de pamphlets et publia une quantité de journaux, notamment Workers’ Republic, lancé au départ comme publication de l’ISRP et The Harp, un journal qu’il publia d’abord aux États-Unis, où il vécut de 1903 à 1910.

    Maintenir la publication de ces journaux avec peu de moyens et une circulation limitée n’aurait pas été possible si ce n’eut été des énergies gargantuesques que Connolly y dédiait. Il était à la fois le principal contributeur, le rédacteur en chef, le trésorier et le principal responsable des ventes. Gardant en tête que le travail des révolutionnaires est de faire ce qui doit être fait, même si la tâche est ingrate, Connolly pris sur lui de veiller à ce que ces journaux soient diffusés le plus largement possible dans la classe ouvrière. Aux États-Unis, il pouvait être vu sur les coins des rues et à l’entrée des meetings, en train de vendre The Harp. Une des pionnières du mouvement ouvrier aux États-Unis, Elizabeth Gurley Flynn, dans son autobiographie, se souvient de Connolly tentant d’améliorer les ventes de son journal. « Il était pathétique de le voir debout, mal habillé, aux portes de Cooper Union ou du East Side Hall, vendre son petit journal ».

    C’est à travers ses articles dans ces journaux, et dans les journaux d’autres organisations, que Connolly développa les idées qu’il tint tout au long de sa vie. Il s’inspira des idées de Marx et Engels, principalement l’idée générale que le moteur de l’histoire est la lutte entre des classes aux intérêts opposés, et l’appliqua au cas de l’Irlande.

    Son premier pamphlet, une série d’essais publiés en 1897 sous le titre d’Erin’s Hope, tira la conclusion que Connolly défendit et bonifia toute sa vie : que la classe ouvrière irlandaise était « la seule fondation sûre sur laquelle une nation libre pourrait se bâtir ». Cette conclusion fut bonifiée et présentée d’une manière plus achevée dans son œuvre importante, le pamphlet de 1910, Labour in Irish History. Cette publication reste à ce jour la plus importante contribution de Connolly dans le domaine des idées.

    La principale conclusion de Labour in Irish History est que la classe moyenne et la bourgeoisie « ont un millier de liens économiques qui prennent la forme d’investissements qui les attachent au capitalisme anglais. ». Il s’ensuit que « seulement la classe ouvrière irlandaise demeure incorruptible parmi les héritiers du combat pour la liberté en Irlande ». Ces conclusions furent développées en parallèle des idées de Léon Trotsky, maintenant connues comme la théorie de la révolution permanente.

    Trotsky expliquait que la bourgeoisie nationale dans les pays les moins développés et dans le monde colonial avait émergé tardivement sur la scène de l’histoire. Elle était trop affaiblie comme classe pour oser se mettre à la tête des mouvements visant à abolir les derniers vestiges du féodalisme ou pour établir des États-nations indépendants, comme les bourgeois des puissances capitalistes établies avaient, de manière confuse et souvent incomplète, réussi à le faire. Ces tâches revenaient donc à la classe ouvrière qui, en prenant le pouvoir, pourrait venir à bout de ces tâches laissées en jachère, qui dans une période historique précédente avaient échu à la classe capitaliste montante. Au même moment, la classe ouvrière allait procéder, de manière ininterrompue à accomplir les tâches de la révolution socialiste.

    Connolly n’a jamais tiré ces conclusions avec la précision de Trotsky. Il n’a pas non plus eu l’opportunité de lire le matériel produit par Trotsky. Comme avec plusieurs de ses autres écrits, il existe parfois une ambiguïté, à propos de la question nationale, celle-ci se trouvant amplifiée par ses actions à la fin de sa vie. Il y alla de déclarations, spécialement à ce moment, qui purent être lues comme supportant l’idée que l’indépendance accélérerait et favoriserait le combat pour le socialisme. Par exemple, en 1916, il fit le commentaire suivant, que l’indépendance est « la première étape requise pour le libre développement des pouvoirs nationaux nécessaires pour notre classe ». Des formulations ouvertes comme celle-ci ont été utilisées par quelques commentateurs de la gauche pour valider la notion erronée selon laquelle l’indépendance nationale est en quelque sorte un nécessaire premier «stade » sur la route vers le socialisme et pour justifier des alliances avec les nationalistes pour atteindre cet objectif.

    Cela ne fut jamais vraiment la vision de Connolly. Son matériel le plus consistant sur cette question dit explicitement le contraire. Dans Labour in Irish History, et dans plusieurs de ses autres écrits sur la question nationale, il est plus ou moins d’accord avec Trotsky, que c’est à la classe ouvrière qu’il revient de réaliser l’indépendance et, ce faisant, d’en profiter pour établir le socialisme. Avec cette interprétation, il fut en avance sur son temps.

    En ce qui concerne plusieurs autres aspects, Connolly s’est élevé au-dessus des autres commentateurs l’entourant dans le mouvement ouvrier britannique et irlandais. Il reconnaissait que «chaque parti politique représente une classe », qui pour sa part s’en sert « pour créer et maintenir les conditions les plus favorables pour l’exercice du pouvoir par sa propre classe ». La classe ouvrière avait besoin de son propre instrument politique, le parti, et celui-ci devrait se développer de manière indépendante par rapport aux autres partis.

    Cela va sans dire qu’elle aurait pu être sa position par rapport aux appels présents des leaders syndicaux favorables aux « partenariats sociaux » ou ceux qui, comme l’Irish Labour Party et le Sinn Fein, passent leur temps à cogner aux portes des partis politiques de droite de l’establishment, souhaitant former des gouvernements de coalition; ou, en contrepartie, ceux à gauche qui, de manière silencieuse, abandonnent leurs idéaux socialistes de manière à participer à de larges « fronts » avec des individus et des groupes qui sont hostiles au socialisme.

    Les organisations socialistes du temps de Connolly étaient encore principalement des organisations de propagande sans une base politique de masse et sans grande influence. Pour Connolly, il s’agissait de quelque chose qui devait être changé et la question de l’heure demeurait : comment les transformer en organisations de masse sans pour autant diluer leur contenu socialiste. Des débats intenses sur des questions comme celles-ci faisaient rage dans tous les groupements socialistes, parmi lesquels Connolly était impliqué. Des échanges parfois très acrimonieux tenaient lieu de débats entre les différents courants politiques qui émergeaient. Une de ces expériences politiques avait lieu au sein de l’aile irlandaise de la Social Democratic Federation, qui devint ultimement une secte propagandiste menée par Henry Hyndman, un homme dont le rôle, selon Connolly, était « de prêcher la révolution et le compromis dans la pratique et de ne faire ni l’un ni l’autre de manière consistante ».

    Quand il quitta l’Irlande pour les États-Unis, en 1903, Connolly se joint au Socialist Labor Party qui était mené par Daniel De Leon. Connolly se querella avec De Leon sur plusieurs questions théoriques, mais plus particulièrement sur la façon dictatoriale par laquelle De Leon menait le SLP. La réponse de De Leon ne fut pas toujours politique; entre autres choses, il accusa Connolly d’être un « agent jésuite » et un « espion policier ». De toute manière, ce fut une expérience amère et Connolly aurait été d’accord avec Engels qui, au début des années 1890, écrivit que le SDF et SLP traitaient le marxisme « d’une manière doctrinaire et dogmatique, comme quelque chose à apprendre par cœur ». Pour eux, il s’agissait d’un credo et non d’un guide pour l’action ».

    Connolly quitta le SLP en 1908 et déclara qu’il n’y avait pas de futur entre les mains de De Leon, sauf pour former une « église ». Il se joint alors au Socialist Party, une organisation plus large, mais réformiste. L’objectif de Connelly était d’organiser une minorité révolutionnaire en son sein. Ce fait démontre son absence totale de sectarisme politique. Il savait l’importance des idées claires, mais il comprenait aussi qu’il était nécessaire de faire vivre ces idées dans le mouvement vivant de la classe ouvrière, pas de les réfrigérer dans une secte politique.

    En 1912, au sein du Irish Trades Union Congress, ce fut Connolly qui réussit à faire adopter la proposition pour une représentation politique indépendante des syndicats qui marqua la naissance du Irish Labour Party. Il ne voyait aucune contradiction entre ceci et son travail au sein du Socialist Party of Ireland. Connolly, en d’autres mots, comprenait instinctivement la double tâche des socialistes, qui était d’encourager, d’assister et de participer à tout développement contribuant à amener les larges masses de travailleurs à l’activité politique, en construisant en même temps une organisation politique socialiste, de manière consciente.

    Cela ne veut pas dire qu’il avait une conception claire du besoin d’un parti révolutionnaire qui pourrait agir comme instrument politique pour la classe ouvrière lui permettant de mener une révolution socialiste. En ce temps, seul Lénine en Russie comprenait qu’une révolution socialiste victorieuse requérait une direction organisée et consciente d’une telle manière qu’elle ne serait pas neutralisée face à la pression des événements.

    Luttes syndicales

    Connolly, comme la plupart des marxistes de son époque, n’avait pas identifié clairement quel instrument la classe ouvrière utiliserait pour renverser le capitalisme, ni comment. D’abord, il mettait de l’avant la vision syndicaliste selon laquelle le rôle principal serait joué par des syndicats industriels. Cet intérêt pour le syndicalisme ne signifiait pas qu’il n’envisageait pas de rôle pour la lutte politique ou les partis. Tout au long de sa vie, il affirma clairement que la classe ouvrière devait s’organiser autant politiquement, que sur une base « industrielle » (5).

    Connolly comprenait l’importance capitale des idées, mais il n’aurait jamais été prêt à jouer le rôle d’un professeur ennuyeux, à la manière de De Leon. Il comprenait que la théorie est seulement une préparation pour l’action et que la seule façon de valider des idées est de le faire via le mouvement organisé des travailleurs. Pendant la dernière décennie de sa vie, il fut un organisateur syndical révolutionnaire, mettant en pratique ses idées et ses méthodes dans une série de luttes d’agitations momentanées.

    Ses talents d’organisateur de masse furent mis à rude épreuve en 1911 à Belfast, en Irlande, quand il devint responsable de l’organisation du Syndicat général des travailleurs irlandais du transport (Irish Transport and General Workers Union – ITGWU), avec James Larkin. Il était revenu des États-Unis avec quelques années d’expérience comme organisateur pour l’Industrial Workers of the World (IWW). Pendant ce temps, il avait pris part à certaines batailles sanglantes menées par les travailleurs des États-Unis contre des attaques violentes menées par les patrons, aidés par les policiers et les scabs.

    Connolly entra en poste à l’ITGWU au moment où une vague de grèves explosives se déroulait en Angleterre et en Irlande. Trois millions de jours de travail furent perdus en grève en 1909. Trois ans plus tard, il s’agissait de 41 millions de jours. L’Irlande connaissait les batailles les plus dures, alors que les patrons essayaient de résister à la nouvelle force militante connue sous le nom de New Unionism. Il s’agissait de l’organisation des travailleurs semi-spécialisés et non-spécialisés. En 1911, Connolly mena une lutte avec les dockers de Belfast. Celle-ci fut rapidement suivie par l’organisation des femmes travaillant dans les manufactures, les « esclaves du textile de Belfast », plus d’un millier, menèrent une grève inspirante contre les conditions difficiles et contre le régime de travail tyrannique vécu dans les manufactures.

    À la fin de 1911, Connolly dû partir à Wexford, où les membres de l’ITGWU étaient en lock-out depuis le mois d’août lors d’une tentative de l’employeur de briser le syndicat. Pendant ce conflit, les travailleurs formèrent une organisation de défense, une « police ouvrière » (Workers’ Police), pour se protéger de la police. Il s’agissait d’une organisation semblable à celle de l’Irish Citizens’ Army, qui fut formée pour les mêmes raisons lors du lock-out de Dublin en 1913 (6).

    Les événements de Dublin en 1913 furent l’apogée de cette période dans laquelle les forces du travail et du capital se confrontèrent directement en Irlande. En août 1913, l’Association des employeurs de Dublin, menée par William Martin Murphy, mit en lock-out les membres de l’ITGWU, leur demandant de quitter le syndicat. Il s’agissait d’une tentative pour briser le mouvement ouvrier irlandais avant l’établissement du Home rule (7).

    Le conflit se prolongea jusqu’à la fin de janvier 1914, quand les travailleurs furent finalement affamés au point de devoir retourner au travail. À son sommet, ce conflit impliqua pratiquement l’ensemble de la classe ouvrière de Dublin. Les leaders incontestés des travailleurs furent Larkin et Connolly. Ligués contre eux se trouvaient non seulement les patrons et les forces de l’État capitaliste, mais aussi les différentes églises et les nationalistes de droite. Les prêtres, du haut de leurs chaires, dénonçaient le socialisme et le syndicalisme. L’Ordre ancien des Hiberniens (Ancient Order of Hibernians), surnommé Ordre ancien des hooligans par Connolly – qui depuis les premiers jours de l’ISRP avaient été impliqués dans des attaques répétées contre des rencontres et des manifestations publiques – entrèrent dans le journal du Irish Worker et brisèrent les caractères d’imprimerie.

    À la fin, ce furent les faux amis et non les ennemis ouverts de l’ITGWU qui laissèrent les travailleurs de Dublin isolés et sans autre choix que de retourner au travail. Connolly et Larkin avaient appelé à une grève générale de solidarité en Angleterre et aux blocus des bateaux des scabs, qui transportaient les biens au port de Dublin. Le débat à propos du blocus fut débattu lors d’une rencontre spéciale du British Trade Union Congress en décembre, mais, avec les dirigeants syndicaux des principaux syndicats opposés à une action de solidarité, la proposition fut rejetée par 2 280 000 votes contre seulement 203 000 pour.

    Le retour au travail se fit selon les termes de l’employeur, mais la victoire eut pour conséquence de poser les bases d’une tradition de militance et de solidarité, ce qui signifiait que le syndicat avait était blessé durablement, mais non brisé.

    La question nationale

    Il s’agit d’une des trois défaites vécues par le mouvement ouvrier dans l’espace de seulement quelques années. Cela laissa sans doute Connolly quelque peu désorienté et influença les trois dernières années de sa vie.

    Le retour de Connolly à Belfast, après la grève, se produisit au même moment que la crise du Home Rule, qui se déroula entre 1912 et 1914. La proposition par Westminster d’accorder un gouvernement autonome limité (Home Rule) à l’Irlande provoqua une opposition féroce chez les unionistes et dans une partie significative de la classe dirigeante d’Angleterre. L’Ulster Volonteer Force, formée en 1913, et la hiérarchie unioniste cherchaient à établir un gouvernement provisoire en Ulster, dans le cas où le Home Rule deviendrait une loi. Alors que la menace d’une guerre pesait lourd, un compromis fut trouvé qui permettrait l’exclusion « temporaire » de tout comté d’Ulster qui choisirait de ne pas participer à l’entente. Le leader nationaliste John Redmont l’accepta.

    Connolly rejeta l’idée qu’une exclusion serait temporaire et analysa correctement ces événements comme une défaite pour la classe ouvrière. Il prédit que la partition « signifierait un carnaval pour la réaction, à la fois au Nord et au Sud, qu’il s’agirait d’un recul pour la classe ouvrière irlandaise qui paralyserait les mouvements les plus avancés le temps qu’elle durerait ».

    Pendant ce temps à Belfast, Connolly avait essayé d’unir les travailleurs politiquement et de manière industrielle. Il ne réussit toutefois pas à donner une forme organisationnelle durable à ces grèves et à ces autres combats. L’ITGWU organisait principalement des travailleurs catholiques, comme le faisaient les différents groupes socialistes.

    Connolly luttait pour l’unité de classe et se battait pour y arriver, mais cette ambition n’était pas assez forte pour briser le moule sectaire. Il ne parvint jamais à expliquer pourquoi de grandes parties de la classe ouvrière protestante étaient prêtes à défendre jusqu’au bout les Lords et Ladies de l’unionisme protestant. S’il avait pris le temps d’observer plus attentivement, il se serait aperçu que les travailleurs protestants avaient peur de ce qui pourrait arriver avec le Home Rule et aurait compris qu’il était nécessaire pour les socialistes d’amener des idées pour contrer ces peurs.

    Le grand Belfast était à cette époque le centre industriel de l’Irlande. Les industries lourdes faisaient partie d’un triangle industriel dont les deux autres points étaient Liverpool et Glasgow. Les travailleurs protestants avaient développé des relations fortes, dans la lutte, spécialement avec les travailleurs de ces villes. Leur peur était qu’avec la venue du Home Rule, qui serait sans doute l’écho des intérêts des petites entreprises du Sud, leurs liens avec le mouvement ouvrier en Angleterre se briseraient et que leurs emplois seraient menacés, alors que les industries se trouveraient coupées de leurs marchés d’exportation.

    L’analyse de l’évolution de la situation de la question nationale par Connolly était fondamentalement correcte. Par contre, les conclusions qu’il tirait de cette analyse, au point de vue du programme, étaient favorables unilatéralement aux catholiques, ce qui n’avait rien pour rassurer la classe ouvrière protestante. Avec Larkin, il se prononçait pour des syndicats ouvriers séparés pour les Irlandais (catholiques et protestants) et pour des organisations politiques également séparées. Il jugeait cela nécessaire pour permettre aux travailleurs catholiques de s’éloigner de l’influence des nationalistes. Dans le Nord, cette position faisait en sorte que les travailleurs protestants resteraient au sein d’organisations britanniques et que les travailleurs seraient divisés selon une ligne religieuse. À tout le moins, il aurait été préférable de réclamer que des liens formels soient maintenus entre les organisations de la classe ouvrière de l’Irlande et de l’Angleterre. En particulier, les liens entre les organisations de représentants des ouvriers dans les entreprises (shop stewards’ organisations) auraient dû être maintenus.

    À propos de la question de l’indépendance, Connolly défendait de manière correcte la position pour une République socialiste irlandaise. Par contre, cela était aussi posé d’une manière unilatérale. Quand Marx parlait du combat pour l’indépendance irlandaise, au sens d’indépendance sur une base capitaliste, il ajoutait qu’après l’indépendance « pourrait venir la fédération ». Les écrits de Connolly laissaient tomber cette idée.

    James Connolly se battait pour le mouvement ouvrier, était à la pointe du combat pour l’indépendance et avait pour but la fondation d’une République socialiste irlandaise. Il aurait toutefois pu vouloir maintenir les liens avec la classe ouvrière britannique et mettre de l’avant l’idée d’une fédération socialiste de l’Irlande et de la Grande-Bretagne.

    Guerre mondiale et soulèvement de Pâques

    La troisième défaite subie par la classe ouvrière prit la forme du déclenchement de la guerre en août 1914. Avant la guerre, les puissants partis politiques de la IIe Internationale – particulièrement le Parti social-démocrate allemand– avaient publié de puissants argumentaires anti-guerre et promis de lancer la grève générale afin de paralyser l’effort de guerre si l’ouverture des hostilités était déclarée.

    Quand le combat commença, toute la résistance, à l’exception de quelques leaders individuels courageux et de partis comme les bolcheviques en Russie, ne se résuma à presque rien. Pour Connolly, il s’agissait d’un autre coup dur et il répondit dans son style vitupérant habituel : « Qu’est-ce qui arrive alors de toutes nos résolutions, toutes nos protestations, toutes nos fraternisations, toutes nos menaces de grèves générales, toute notre machine internationaliste construite avec soin et tous nos espoirs pour le futur? S’agissait-il seulement de bruit et de furie, est-ce que cela ne signifiait rien? ».

    L’annonce de l’ouverture de la guerre fut accompagnée par une vague de chauvinisme. Les idées classistes, de même que les grèves et autres expressions de la lutte des classes étaient, pour l’instant, reléguées à l’arrière-plan. En Irlande, le leader nationaliste John Redmond devint sergent-recruteur pour l’armée britannique et des dizaines de milliers de personnes qui avaient auparavant porté les uniformes des Irish Volunteers, lors d’exercices, s’enrôlaient chez les Britanniques.

    Il est évident, en lisant les écrits subséquents de Connolly après 1914, que toutes ces trahisons et ces renoncements l’affectèrent profondément. Ses écrits à propos de la guerre, pris comme un tout, n’étaient pas aussi clairs et précis que dans ses premiers travaux. Au final, il maintenait une approche socialiste et internationaliste, mais de plus en plus, ses idées étaient marquées par une frustration à l’égard de la passivité de la classe ouvrière face au massacre en Europe : « Même une tentative ratée de lancer une révolution sociale, par les armes, suivant la paralysie de la vie économique pour cause de militarisme, serait moins désastreuse pour la cause socialiste que les actes de socialistes s’autorisant à participer au massacre de leurs frères dans cette cause. Un grand soulèvement continental de la classe ouvrière permettrait d’arrêter cette guerre ».

    Laissant l’Angleterre préoccupée, il commença à envisager que le premier coup de cette contre-attaque pourrait être lancé en Irlande. Alors que la guerre s’enlisait dans l’horreur interminable des tranchées, le besoin d’agir rapidement pour s’assurer que ce coup serait rendu devint sa préoccupation principale.

    Son impatience était telle qu’il était prêt à laisser de côté certaines des idées et des méthodes qu’il avait patiemment développées au courant de sa vie de combattant révolutionnaire. Dans Labour and Irish History, il observe correctement que « les révolutions ne sont pas des produits de nos cerveaux, mais issus de la maturité des conditions matérielles ». Dans un article précédent de Shan Van Vocht, il critiquait les Young Irelanders et les Fenians pour avoir commencé à agir quand les conditions objectives de la révolution n’étaient pas atteintes : « les Young Irelanders n’ont fait aucun effort raisonnable pour augmenter le niveau de conscience de la population, alors l’échec était inévitable ». Maintenant, il faisait l’argument inverse, critiquant ceux qui dans le mouvement de la Young Ireland parlaient de révolution, mais qui, le temps venu, « commençaient à trouver des excuses, à murmurer à propos du danger d’une insurrection prématurée ».

    Alors que la classe ouvrière était inactive à ce propos, Connolly regarda du côté des forces nationalistes radicales alors organisées dans l’Irish Republican Brotherhood (IRB) et leurs 13 000 Irish Volunteers, qui avaient rompu avec Redmont à cause de son appui pour la guerre. Il espérait qu’un soulèvement en Irlande, même s’il était organisé dans un but nationaliste, plutôt que socialiste, pourrait, comme il le disait « allumer le feu pour une conflagration européenne qui ne cesserait de brûler jusqu’à ce que le dernier trône et la dernière dette soient enterrés par le bûcher funéraire du dernier chef de guerre capitaliste» (8).

    De manière à faire pression sur l’IRB, et à travers eux sur les Irish Volunteers, pour qu’ils se mettent en action, Connolly était prêt à faire des concessions politiques qu’il n’aurait jamais pu faire à aucun autre moment de sa vie. Il a bien fait de travailler côte à côte avec les nationalistes en opposition à la guerre, comme il le fit dans la Irish Neutrality League. En se joignant à eux sur des dossiers spécifiques, il était aussi nécessaire, comme Connelly l’avait fait au cours de sa vie, de maintenir une indépendance politique et organisationnelle. Connolly n’a jamais abandonné ses idéaux socialistes, mais, à certaines occasions, en ne les mettant pas de l’avant, il fit en sorte que ses idées se mélangèrent avec celles des nationalistes. Ce fut alors le drapeau vert de l’indépendance, non le drapeau rouge du socialisme, ni même son Starry Plough (9), qui flotta sur Liberty Hall, le quartier général de l’ITGWU.

    Les conditions pour un soulèvement réussi n’existaient pas en 1916. De ce point de vue, le soulèvement était prématuré et condamné à l’échec dès le départ. Connolly était conscient de ce fait. Quand, le matin du soulèvement de Pâques, son collègue depuis longtemps, William O’Brien, le croisa dans les marches du Liberty Hall et lui demanda s’il y avait une seule chance de succès, la réponse de Connolly fut « aucune, peu importe ».

    Pour Connolly, le but de cet acte était d’en faire un acte militaire de défiance. Heureusement, les répercussions de celui-ci à travers les autres nations d’Europe encouragèrent la classe ouvrière d’autres pays à se soulever. Le fait qu’il n’ait pas vraiment tenté de se servir de sa position à la tête de l’ITGWU pour préparer la classe ouvrière à soutenir le soulèvement démontre qu’il n’était que trop conscient qu’il n’y avait pas de large sentiment de support pour ce qu’il s’apprêtait à faire. Il ne fit aucun appel à la grève générale pour paralyser le mouvement des troupes et des munitions. Pendant le soulèvement en tant que tel, il ne fit aucun appel aux troupes britanniques pour qu’elles refusent de combattre sur une base de classe.

    Laissant de côté la question de savoir s’il était correct ou non d’agir à ce moment, la manière dont Connolly participa fut aussi mauvaise. Dans son empressement pour que le soulèvement aille de l’avant, il accepta de participer selon les termes des Volunteers, plutôt que selon les siens.

    Il signa la Proclamation de la République irlandaise (Proclamation of the Irish Republic) qui fut lue par Pádraic Pearse, à partir des marches du GPO (10). La proclamation était un énoncé direct d’idées nationalistes et non socialistes. Il est vrai que certaines phrases se trouvent dans cette déclaration, à propos desquelles Connolly a probablement insisté, telles que : « le droit du peuple d’Irlande à la propriété de l’Irlande ». Connolly avait auparavant toujours rejeté avec vigueur l’idée de faire appel au « peuple en entier », qui comprenait les « propriétaires usuraires » et les « capitalistes menés par le profit » et il se basait sur les intérêts de la classe ouvrière.

    Avant et durant le soulèvement, il ne publia pas de plateforme séparée mettant de l’avant les objectifs socialistes de la Citizen Army. De l’avoir fait n’aurait pas été un geste inutile, même dans la défaite. S’il avait lancé sa propre plateforme lançant l’appel pour une Irlande socialiste, il aurait au moins laissé une pierre de fondation pour de futurs mouvements socialistes. Il aurait aussi empêché des forces politiques et des individus qui représentent l’antithèse de tout ce pour quoi il s’est battu, de se réclamer de son héritage.

    Ceux qui prirent part au combat se battirent héroïquement et tinrent bon pendant une semaine contre toute attente. Le courage de Connolly sous le feu lui gagna le respect, non seulement des hommes et des femmes de la Citizen Army, mais aussi des rangs des Volunteers et même de certains officiers britanniques.

    Après le soulèvement vinrent les représailles. Les principaux leaders furent emmenés en cour martiale et exécutés. Connolly fut blessé gravement et n’était pas en état de faire face à un procès en cour martiale. Le général Maxwell, général britannique en charge, insista pour que la procédure aille de l’avant dans l’hôpital militaire. Connolly fut condamné à mort et envoyé en ambulance à la prison de Kilmainham où il fut mitraillé à l’arrivée. Il s’agissait de la revanche de la classe dirigeante britannique – appuyée par ses alliés irlandais – non pas simplement pour le soulèvement, mais aussi pour une vie de combat contre eux.

    Connolly était maintenant mort, et dans sa mort, la classe ouvrière irlandaise se trouvait privée d’un leader important et remarquable. Connolly n’avait pas ressenti le besoin de former un parti révolutionnaire et discipliné et aucune trace de ses écrits n’en faisait mention. Le mouvement ne se termina pas en révolution, mais en partition du pays et en défaite.

    Notre hommage à Connolly n’a pas pour objectif de faire de fausses louanges, comme celles qui vont sortir hypocritement des lèvres de l’establishment. Notre objectif était d’apprendre de ses accomplissements et de ses erreurs pour que son expérience de vie puisse aider les générations actuelles à réussir, enfin, à débarrasser le monde du capitalisme.

    1. Texte écrit en l’honneur du 90e anniversaire de la mort de James Connolly, publié pour la première fois dans Socialism Today, No. 100, April/May 2006. Première traduction française faite par R.H., B.P. et A.H. pour Alternative socialiste en 2015.
    2. Peter Hadden (1950-2010) fut membre de la section nord-irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière et permanent syndical pour la Northern Ireland Public Service Alliance (NIPSA). Les notes de bas de page ont été ajoutées par le traducteur pour faciliter la compréhension du texte.
    3. Insurrection armée organisée par les milices républicaines contre l’occupation britannique. Les combats se sont déroulés entre le 24 avril et le 30 avril 1916. Ils furent sévèrement réprimés dans le sang.
    4. Theobald Wolfe Tone (1763-1798). Précurseur du républicanisme irlandais. Arrêté lors du soulèvement de 1798 contre l’Empire britannique.
    5. Les premiers syndicats ont été d’abord l’œuvre des ouvriers qualifiés, à mesure que l’industrialisation et la division du travail se développent apparaît une main d’œuvre non qualifiée, qui deviendra rapidement majoritaire, mais délaissée par les syndicats de métiers. En Grande-Bretagne, apparaît alors à la fin du XIXe siècle ce qu’on a appelé le New Unionism, qui consistait à syndiquer sur une base « industrielle », c’est-à-dire syndiquer l’ensemble des travailleurs d’une usine et non plus uniquement les travailleurs qualifiés.
    6. Pour en savoir davantage sur le lock-out de 1913 ; Joe Higgins, « The 1913 Dublin Lockout and the unions today », SocialistWorld, http://www.socialistworld.net/doc/6448
    7. Le Home Rule est une loi donnant une certaine autonomie politique à l’Irlande, tout en restant soumise à la couronne britannique.
    8. « Starting thus, Ireland may yet set the torch to a European conflagration that will not burn out until the last throne and the last capitalist bond and debenture will be shrivelled on the funeral pyre of the last war lord ». James Connolly, « Our Duty In This Crisis », Irish Worker, August 8, 1914.
    9. Drapeau de la Citizen Army de Connelly. La bannière, sur fond bleu ciel, représente une constellation en forme de charrue. Aujourd’hui, ce drapeau est toujours utilisé par les républicains socialistes en Irlande.
    10. GPO : General Post Office, quartier général des républicains.
  • Irlande : Manifestation contre la répression politique

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    Aux dires des médias dominants, plus de 2000 personnes ont manifesté samedi dernier à Dublin contre la persécution de militants opposés à la nouvelle taxe qui vise à en finir avec la gratuité de l’eau en Irlande, une nouvelle mesure antisociale qui cristallise la colère contre la politique d’austérité. La résistance est grande, 57% des personnes concernées n’ont toujours pas payé leur première facture en signe de protestation. L’establishment capitaliste tente de faire taire l’opposition, notamment en poursuivant en justice plus de 27 activistes du quartier dublinois de Jobstown. Parmi eux figure le député Paul Murphy, élue de l’Anti Austerity Alliance (AAA), un front dans lequel est activement impliqué le Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Irlande et parti-frère du PSL). Voici ci-dessous le discours qu’il a donné lors de la manifestation de ce samedi.

  • L'establishment irlandais à l'offensive contre la contestation – nous ne l'acceptons pas!

    jobstown1Hier midi, une dizaine de membres du PSL / LSP se sont rendus à l’ambassade irlandaise à Bruxelles afin d’y protester contre les poursuites judiciaires qui frappent 27 activistes irlandais, parmi lesquels le député Paul Murphy ainsi que des conseillers municipaux, suite à un action opposée à la nouvelle taxe sur l’eau. Une lettre de protestation a été remise à l’ambassade.

    Il y a quelques mois, une action spontanée avait eu lieu dans le quartier de Jobstown, au Sud-Ouest de Dublin, après qu’il ait été connu que la vice-première ministre Joan Burton (parti travailliste) se rendait dans le quartier. Elle a été bloquée dans sa voiture deux heures durant. Cette dernière a ensuite déposé plainte pour «privation de liberté». La police a pris cette plainte au sérieux et des militants ont été arrêtés chez eux, au petit matin, alors qu’ils étaient encore dans leur lit pour être interrogés. Maintenant, ils sont même poursuivis en justice. Nous ne sommes pas dupes, il s’agit très clairement d’une manière de criminaliser l’opposition à l’austérité. L’opération en cours est une véritable opération de police politique visant à atteindre l’opposition.

    La nouvelle taxe sur l’eau vise à en finir avec la gratuité de l’eau dans le pays. Cette mesure antisociale est particulièrement haïe dans le pays, elle a cristallisé toute la colère ressentie contre la politique d’austérité brutale imposée à la population des années durant. Une campagne de non-paiement massive a été lancée et, aujourd’hui, 57% de la population n’a toujours pas payé la première facture. Le gouvernement se trouve dans les cordes, et recours à la répression pour tenter de garder le contrôle de la situation.

    Demain, une manifestation prendra place à Dublin pour en finir avec la répression politique et pour exiger la relaxe des “27 de Jobstown”. Le PSL soutient bien entendu cette mobilisation.

    Tanja Niemeier, membre du PSL et ancienne collaboratrice de Paul Murphy alors qu’il était député européen, a déclaré : Nous nous montrons solidaires des 27 de Jobstown. Ces 27 activistes sont innocents. Le succès de la campagne de non-paiement menace la taxe sur l’eau et pourrait même faire chuter le gouvernement. Voilà les véritables raisons qui se cachent derrière cette persécution. Le gouvernement irlandais est confronté à un mouvement de masse qu’il ne contrôle pas. La population en a assez de l’austérité et a choisi de s’organiser pour lutter. La poursuite des 27 militants est politiquement inspirée, c’est une tentative agressive de criminaliser et d’intimider le mouvement. Nous exigeons le retrait des poursuites et dénonçons les visées politiques de la police.”

    Voici ci-dessous une vidéo et quelques photos.

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  • Irlande: Paul Murphy et 22 militants poursuivis pour une manifestation pacifique

    Le député, membre du Socialist Party et de l’Anti Austerity Alliance (AAA), est accusé de séquestration pour avoir protesté contre le taxe sur l’eau.

    Par des correspondants du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise et parti-frère du PSL)

    paulmedia-300x219Le soir du mercredi 12 août différents médias nationaux ont rapporté que des accusations formelles allaient être portées contre 23 habitants du quartier populaire de Jobstown, à Dublin, dont le député Paul Murphy et les conseillers municipaux Kieran Mahon et Mick Murphy, tous membres de l’Anti Austerity Alliance (AAA) et du Socialist Party. L’information a été divulguée à la presse avant même que les accusés n’aient été prévenus, probablement à la suite de fuites de la Gardai (la police irlandaise).
    Ces accusations sont liées à une action de protestation qui a pris place dans cette communauté en novembre 2014 (interview de Paul sur ce sujet, après les premières arrestations) au cours de laquelle un sit-in avait bloqué pour deux heures la vice-Première ministre, Joan Burton (Parti Travailliste). Les accusations comprennent des allégations de troubles violents, de dommages criminels et de séquestration! Ces accusations sont extrêmement graves, la charge de séquestration pouvant potentiellement être passible d’une peine de vie. Le dossier devra passer en procès face à un jury et non à juge. La date de la tenue de ce procès n’est pas encore claire, ce sera après les élections générales, mais il s’agira sans aucun doute d’un des procès politiques les plus importants de ces dernières décennies en Irlande.

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    Une loi pour les riches, une autre pour le reste…

    L’Anti Austerity Alliance condamne ces derniers développements très clairement politiquement motivés. Ils surviennent à un moment où les sondages d’opinions sont sombres pour l’équipe gouvernementale et où ses projets concernant l’imposition d’une nouvelle taxe sur l’eau se portent au plus mal. Le gouvernement irlandais a échoué au test Eurostat (qui devait prouver à l’agence de statistique européenne que la moitié des revenus liés à l’eau étaient issus des usagers, l’échec de ce test signifiant que les fonds alloués à l’entretien doivent être inclus dans la dette nationale, NDT) et le taux de non-paiement de la taxe sur l’eau est massif : 57% de la population n’a toujours pas payé la première facture !

    En février, 40 personnes de Jobstown ont été arrêtées en deux semaines lors de raids menés à l’aube par des forces policières en nombre excessif. Ces actions non conventionnelles visaient manifestement à terroriser le quartier pour s’être livré à une protestation efficace contre la «ministre de la protection sociale» (dirigeante du Parti travailliste, largement considérée comme coupable des attaques contre les couches les plus pauvres de la société; plus particulièrement contre les bénéficiaires de l’aide sociale et les parents isolés). Il s’agissait également d’envoyer un avertissement à la classe des travailleurs pour qu’elle ne suive pas l’exemple de Jobstown.

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    Action de protestation contre les accusations qui pèsent sur les “23 de Jobstown”

    Cette fuite d’informations vagues dans les médias est également destinée à distiller la peur, tout en contredisant la justification officielle qui avait été donnée aux perquisitions, selon motif fallacieux que les suspects étaient susceptibles de prendre la fuite.

    L’action de protestation à laquelle ces accusations se réfèrent a constitué l’un des événements les plus marquants du mouvement de masse contre la taxe sur l’eau qui s’est développé cette dernière année. Cette action avait impliqué 700 personnes du quartier, qui avaient convergé vers une école visitée par la ministre dès que la nouvelle de sa présence avait été connue le jour-même. Le rejet de la taxe sur l’eau s’est ajouté à la colère compréhensible existant dans ce quartier complètement abandonné par la classe politique depuis de nombreuses années et trahi par le Parti travailliste qui y disposait traditionnellement d’une bonne base de soutien.

    Ces événements de même que la réaction violente de l’establishment reflètent la polarisation croissante qui prend place dans la société irlandaise entre les personnes les plus touchées par les ravages de l’austérité et ceux qui en profitent. Cela démontre encore à quel point le Parti travailliste est devenu pourri. La perspective d’un procès comprenant la vice-Première ministre Joan Burton en tant que témoin clé contre des victimes de ses politiques d’austérité sauvages au cours d’un procès qui s’en prendra au droit fondamental de mener des actions de protestation renforcera encore la haine ressentie contre le Parti travailliste.

    Au côté de la communauté de Jobstown, L’Anti Austerity Alliance mènera vigoureusement campagne pour l’abandon de toutes les accusations portées contre les manifestants. Il s’agira d’un des thèmes majeurs que portera l’Anti Austerity Alliance durant les élections, avec la lutte contre l’austérité et la taxe sur l’eau. Si les choses iront effectivement jusqu’au procès, nous assurerons que le thème de l’austérité soit bien présent et que le droit de mener des actions soit défendu.

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    6 des “23 de Jobstown”. Banderole “Joan Burton et les travaillistes contre Jobstown et toutes les communautés ouvrières en lutte contre l’austérité”.

     

  • Irlande : Condamnation du chantage de la Troïka contre la Grèce au Parlement

    A l'image du gouvernement Michel, le gouvernement irlandais a rejoint le camp de la Troïka. Au Parlement irlandais, notre camarade Paul Murphy (Socialist Party, section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière) a pris la parole pour dénoncer cette attitude du gouvernement qui a "poignardé le peuple grec dans la poitrine et le peuple irlandais dans le dos." Solidarité internationale avec les travailleurs et les jeunes grecs! Non à l'Europée capitaliste, pour une Europe socialiste!

    "Depuis tout ce temps, l'approche de l'establishment européen a été de parvenir à un des deux buts suivants: soit faire chuter le gouvernement grec et le remplacer par un autre plus docile, soit l'humilier et donner le message qu'il ne peut y avoir d'alternative, soit le renforcement du dogme thatchérien pour stopper tout autre force dans la périphérie ou ailleurs en Europe de défier le dogme néolibéral."

  • Irlande: Retour sur l'écrasante victoire du «oui» au référendum sur le mariage égalitaire

    AAA-Vote-YesL’establishment conservateur fait face à une opposition grandissante

    La victoire du «Oui» au référendum sur le mariage égalitaire a exprimé un soutien massif pour l’égalité des personnes LGBTQI (Lesbiennes, Gays, Bisexuel(le)s, Transgenres, Queers et Intersexes), le progrès et un changement social. De nombreuses personnes ont pris d’assaut les rues de Dublin et d’autres villes pour fêter une victoire qui était l’aboutissement de décennies de lutte menées par les personnes LGBTQI.

    Conor Payne, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Irlande)

    Le poste Facebook d’un activiste LGBTQI, Panti Bliss, illustre le changement et le sentiment de libération que la victoire du «Oui» a déclenché : «Je marchais dans le centre de Dublin hier, deux jours après le résultat, c’était remarquable et agréable de voir tant de couples LGBT se tenir la main avec nonchalance. Que cela puisse continuer. Tout a changé, complètement changé.»

    L’écrasante victoire du «Oui» était impressionnante et a démontré fermement le changement dans les comportements qui a pris place dans la société irlandaise ces dernières décennies. C’est un pays où l’homosexualité était criminalisé jusqu’en 1993 ! Le «Oui» l’a emporté sur le «Non» à 62,1% contre 37,9% avec une participation de 60,5%, le plus grand taux de participation à un référendum depuis celui portant sur le divorce en 1995. En comparaison, en 2008, le mariage égalitaire dans l’Etat américain de Californie a subi une défaite lors d’une consultation populaire à 52% contre 48%. Tandis que dans le passé, des référendums sur des questions telles que le divorce ou l’avortement débouchaient sur des résultats très serrés, avec une grande fracture entre Dublin et le reste du pays, ici une seule circonscription électorale a voté «Non». Même dans des circonscriptions rurales qu’on voyait traditionnellement conservatrice, le «Oui» a souvent dominé très largement. Le «Oui» l’a très largement aussi remporté parmi les jeunes et les femmes et dans les régions ouvrières.

    Ceci ne se serait pas réalisé sans le développement d’une politisation et d’un mouvement parmi ces groupes de population, dont les jeunes qui se sont mobilisés et ont permis une énorme victoire du «Oui». 66.000 nouveaux électeurs, la plupart des jeunes, sont venus gonfler le registre électoral pour participer au vote, et les inscriptions sur le registre ont augmenté dans les derniers mois précédant le référendum. À Fingal, 4.207 nouveaux électeurs se sont inscrits. Le jour du vote, 96% de ces nouveaux votants se sont vraiment déplacés et ont voté. Le hashtag #HomeToVote a réussi à aller chercher le «Oui» chez de nombreux jeunes qui ont émigré – beaucoup à cause de la crise économique. Presque 50.000 d’entre eux sont revenus en Irlande pour voter «Oui».

    Des centaines de personnes ont été actives en faisant du porte-à-porte électoral et autre travail électoral à l’approche du référendum. À Dublin et à travers le pays, des dizaines de milliers de badges «Oui» étaient portés ostensiblement pour montrer son opinion. Des très nombreuses personnes se sont engagées dans la campagne pour le «Oui» par le biais d’amis ou de la famille qui les a convaincus. C’était un mouvement social – le deuxième le plus important à balayer l’Irlande ces dernières années, avec la lutte contre la taxe sur l’eau.

    La classe ouvrière a voté largement «Oui»

    Pendant le référendum, la campagne pour le «Non» a tenté de dépeindre le référendum comme le projet d’une «élite libérale». Au même moment, le «Ministre de l’égalité», le travailliste Aodhan O’Riordain, pour qui la classe ouvrière est simple et arriérée, a exprimé sa crainte de voir les électeurs en colère contre la taxe sur l’eau voter «Non», ce dernier a déclaré : «Je pense que lorsque les premières factures arriveront et que les militants sonneront à leur porte et bien je pense que les gens pourraient nous donner comme conseil ‘Donne-moi d’abord un référendum sur la taxe sur l’eau et je voterai pour le mariage égalitaire’. Le niveau d’antagonisme attisé à propos de la politique en général pourrait mener les gens à voter contre une réelle proposition en rapport avec l’égalité et les droits humains.»

    Malgré ces stéréotypes sur la classe ouvrière, les votes les plus massifs pour le «Oui» ont été réalisés dans les régions ouvrières les plus défavorisées et laissées pour contre. Par exemple, l’Irish Times rapportait que, à Dublin, Coolock a voté «Oui» à 88%, Jobstown à 87%, Liberties 88%, Cherry Orchard 90%. À Limerick, Moyross a voté «Oui» à 70% et South Hill à 72%. Tous ceux qui ont été impliqués et mobilisés dans le mouvement contre la taxe sur l’eau ont continué à montrer un énorme soutien aux amis, parents et voisins LGBTQI et pour l’égalité et le changement social. Grainne Healy, président de «Marriage Equality» et co-directeur de la principale campagne «Yes Equality» a déclaré : «Quand on faisait campagne dans des régions telles que Finglas, le «Oui» le remportait de manière écrasante. Un jour nous nous somme rendus à Glasnevin, il y aurait plus de résistances. On s’est rendu compte que les maisons très cossues avec deux voitures étaient moins favorables au ‘Oui’.» (Irish Times 24/05/15)

    L’introduction du mariage égalitaire apportera un réel avantage aux couples de même sexe en Irlande qui veulent se marier. Mais le vote a exprimé beaucoup plus que cela. Malgré quelques discours de la part des partisans du «Oui» à propos du mariage comme étant la «fondation d’une société stable», le vote était d’abord et avant tout une affirmation en faveur de l’égalité des personnes LGBTQI. Il a aussi exprimé un rejet de la bigoterie et d’une vision arriérée de la société défendue par les partisans du «Non». Le vote a montré une énorme volonté pour une société égalitaire, progressiste et séculaire.

    Pendant la campagne, les partisans du «Non» ont tenté de semer le doute et la peur particulièrement concernant l’homoparentalité et la gestation pour autrui (GPA). L’argument selon lequel les enfants «ont le droit à une mère et un père mariés» était totalement en décalage avec la réalité et une insulte aux nombreuses familles en Irlande qui vivent aujourd’hui hors de cet «idéal» supposé. Ils ont aussi joué le jeu de la victime qui n’est pas «écoutée», et se sont présentés comme des opposants à l’establishment. Mais ces arguments n’ont pas été capables de convaincre une majorité. Loin d’avoir été «ignorés» ou diabolisés, la réalité est que les partisans du «Non» ont pu compter sur la bienveillance de la majorité de l’establishment notamment avec la décision de RTE de distribuer 80.000€ aux membres de l’Ioana Institute après qu’ils ont été qualifiés «d’homophobes».

    L’intervention de la hiérarchie de l’Eglise catholique très active sur la question a été repoussée. Les commentaires de Kevin Doran, l’Evêque d’Elphin, pour qui les personnes gays qui ont des enfants «ne sont pas des parents» étaient emblématiques de l’attitude des partisans du « Non ». Le dimanche précédant le référendum, des lettres pastorales des Evêques appelant à voter «Non» ont été lues massivement à travers le pays. On a rapporté à travers le pays que de telles déclarations ont provoqué des protestations spontanées de fidèles qui se rendaient à la messe. Les commentaires de l’Archevêque Diarmuid Martin après le vote disant que l’Eglise «devait redescendre sur terre» et s’était «complètement éloignée des jeunes» reflètent la crise profonde de l’Eglise qui continue à perdre profondément en autorité.

    L’importance de la victoire du mariage égalitaire par référendum démolit le mythe d’une «majorité silencieuse» naturellement conservatrice et montre les forces qui sont les réelles actrices du changement et du progrès dans la société irlandaise. Cela démontre de façon probante que la source de la nature conservatrice de l’Etat irlandais se trouve dans l’establishment et non dans les comportements de la majorité de la population. Cela laisse aussi entendre qu’une campagne pour le «Oui» avec un message moins prudent aurait même pu déboucher sur une majorité plus grande en faveur du «Oui». On a reçu un écho très positif des affiches de l’Anti Austerity Alliance (AAA) et beaucoup ont dit que son slogan «Discrimination Damages Lives» («La discrimination nuit à la vie») était l’affiche la plus émouvante et la plus percutante dans la campagne pour le «Oui». AAA était aussi la seule force politique qui a fait référence à la culture LGBTQI en utilisant le drapeau arc-en-ciel sur ses affiches. Cela contrastait énormément du slogan des Travaillistes «On a tous le droit d’être traité de même manière» avec comme images des personnes qui ne semblaient pas du tout être dans une relation LGBTQI.

    Leo Varadkar, Ministre de la Santé, a décrit le vote comme une «révolution sociale». Cela reflète le changement majeur qui a pris place mais est aussi une tentative de suggérer que l’égalité est maintenant obtenue et les problèmes sont largement résolus. En fait, le vote a montré une soif de changement et l’énergie politique déclenchée par la campagne ne partira pas. On a maintenant une énorme situation contradictoire en Irlande où un enseignant LGBTQI qui travaille dans une école de confession religieuse peut être marié mais risquerait de perdre son boulot parce qu’il viole l’«éthique» de l’Eglise. Il y a toujours une loi discriminatoire en place qui interdit aux HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) de donner leur sang. Le gouvernement discute d’un projet de loi concernant la reconnaissance de genre qui présente d’énormes défauts et ignore les réalités des personnes transgenres. Toutes ces questions peuvent être au centre de campagnes importantes. Plus fondamentalement, il y a un désir de défier la nature conservatrice de l’Etat irlandais. On n’est pas seulement sur un chemin sans encombre vers toujours plus de progrès et de tolérance. Ceux qui s’opposent au changement détiennent un très grand pouvoir dans la société.

    Malgré ses enseignements de plus en plus rejetés sur les «questions morales», l’Eglise catholique détient un très grand pouvoir à travers son contrôle de la plupart des écoles primaires et secondaires dans le pays. Elle est aussi le plus grand propriétaire terrien. Cette situation fait qu’elle peut user de sa position pour bloquer le changement social. On le voit dans la «Section 37» de la loi sur l’égalité au travail qui autorise aux institutions de confession religieuse comme les écoles et les hôpitaux de discriminer leurs employés sur base de leur sexualité. Cela se retrouve dans les programmes et «l’éthique» des écoles qui font que la plupart des jeunes LGBTQI ne reçoivent pas une éducation inclusive, par le biais de cours d’éducation aux sexualités qui reconnaissent et valident leurs vécus. La revendication pour une société séculaire et la séparation de l’Eglise et de l’Etat émergera maintenant comme question clé. Dans cet effort d’aider à la construction de cette lutte en marche, les députés de l’Anti Austerity Alliance ont soumis un projet de loi à la Chambre des Représentants pour abolir la «Section 37»

    Le plus important de tout est que le référendum pose la question de l’abrogation du 8e amendement et de la restriction honteuse des droits à l’avortement en Irlande. Un sondage montre que 56% sont en faveur de l’abrogation du 8e amendement, avec seulement 19% contre. Depuis des décennies, la classe politique dirigeante est restée campée sur ses positions malgré des scandales tels que Savita Halapannavar, Ms. Y et les décès d’enfants qui naissent avec des malformations. L’excuse a toujours été la même : les gens ne sont «pas prêts» et un référendum serait un échec. Cet argument revient toujours. Le résultat du vote en faveur du mariage pour tous montre clairement que le problème vient de l’establishment et pas des votants et qu’une campagne pour un référendum pourrait être une victoire. Les travaillistes s’approprient maintenant ces questions et déclarent qu’ils mettront sur pied un référendum pour abroger le 8e amendement s’ils seront dans le prochain gouvernement. Mais ces promesses électorales sonnent faux dans le contexte actuel où le Labour Party au côté de Fine Gael, Fianna Fail et Sinn Fein ont rejeté de nombreux projets de loi pour l’abrogation du 8e amendement et ont même limité les droits à l’avortement alors qu’ils étaient au Parlement. Le fait que les Travaillistes et le Sinn Fein ont rejoint l’appel à abroger le 8e amendement est le résultat de la pression du mouvement pro-choix et des changements dans l’opinion publique. Il faut maintenir cette pression pour gagner un référendum. La campagne a montré que le changement vient d’en bas et qu’on doit mettre maintenant une très grande pression sur les partis, particulièrement sur ceux qui ont rejoint l’abrogation, pour organiser un référendum et légaliser les droits à l’avortement en Irlande.

    L’importance de la victoire pour le mariage égalitaire par référendum devrait donner une grande confiance à tous ceux qui luttent pour l’égalité sociale et économique. Cela montre aussi la stratégie dont on a besoin pour obtenir un changement social. Le maintien d’une mobilisation et d’une pression actives était crucial dans cette victoire mais vont aussi à l’encontre des politiques capitalistes en Irlande. Le jour du référendum Eamon Gilmore soulignait l’engagement actif des jeunes dans la campagne en déclarant : «La démocratie n’est pas une activité passive.» C’est tout à fait correct mais à l’opposé de ce qu’on a entendu l’année passée de la bouche d’un gouvernement qui a diabolisé l’activité politique menée en marge de la «politique officielle» par la classe ouvrière qualifiée de «fasciste» et «sinistre».

    Un establishment conservateur

    Le fait que tous les partis ont appelé à voter « Oui » pourrait être interpréter comme un changement au sein de l’establishment et que ce dernier accepte maintenant voire même est à la tête du progrès social sur les questions de société. On peut avoir une idée de la situation à travers la crise dans le Fianna Fail qui a dévoilé au grand jour l’opposition significative au mariage égalitaire dans ses rangs et une réticence à soutenir la question. L’année passée, Fianna Fail, Fine Gael, Parti travailliste et Sinn Fein, tous ont voté contre des droits même extrêmement limités à avorter. Tous ces partis restent opposés aux droits à l’avortement, plaidant au mieux pour le droit à avorter dans des circonstances extrêmement limitées telles que des malformations mortelles pour les nouveau-nés et en cas de viol et d’inceste.

    La question de l’égalité était cruciale dans cette campagne mais on vit toujours dans une société qui est profondément inégale de bien des façons, socialement et économiquement : de la discrimination réelle dans les lois contre les LGBTQI et les femmes à l’augmentation du fossé entre riches et pauvres en Irlande et internationalement. Le capitalisme en Irlande en est profondément responsable. Le capitalisme se base sur l’inégalité et nourrit les divisions entre les gens pour justifier et maintenir sa domination. En Irlande, à cause de sa faiblesse, l’establishment capitaliste est incapable de faire avancer la société. Il a utilisé et s’est lié à l’idéologie de l’Eglise catholique pour justifier sa domination. L’homophobie reste très puissamment ancrée dans la société, pas seulement dans les lois ecclésiastiques mais tous les jours dans des comportements homophobes à l’encontre des personnes LGBTQI. On n’en viendra pas à bout sous le système capitaliste marié à l’inégalité et au conservatisme.

  • [VIDEO] Joe Higgins versus Jean-Claude Trichet

    [VIDEO] Joe Higgins versus Jean-Claude Trichet

    Le parlement irlandais a lancé une commission d'enquête concernant la crise de 2008. L'un des membres de cette commission est notre camarade Joe Higgins, affilié à notre parti-frère irlandais le Socialist Party et bien connu des lecteurs réguliers de socialisme.be. La semaine dernière, il a été confronté à Jean-Claude Trichet, ancien président de la banque Centrale Européenne. L'échange de questions/réponses vaut le détour…

  • Arrestation d’activistes en Irlande : Interview de Paul Murphy

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    Plus d’une vingtaine d’activistes anti-austérité ont été arrêté une journée durant en Irlande, à partir du lundi 9 février dernier (voir nos articles à ce sujet). Parmi eux se trouvaient plusieurs mineurs d’âge, ainsi que le député Paul Murphy. Jeudi dernier, plus de 1.000 personnes se sont réunies face au ministère de la Justice pour protester contre ces arrestations éminemment politiques. Dans cette interview, réalisée pour le site socialistworld.net, le député de l’Anti-Austerity Alliance (AAA) et du Socialist Party (section irlandaise du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL) Paul Murphy nous parle de cette vague d’arrestations qui a frappé le milieu des opposants à la taxe sur l’eau.

    Plusieurs activistes ont été arrêtés dans le cadre de leur implication dans la campagne contre la nouvelle taxe sur l’eau qui vise à mettre fin à la gratuité de l’eau dans le pays. Pourquoi ne vous a-t-on pas simplement envoyé une citation à comparaître ?

    Vous pouvez tous nous arrêter, nous ne reculerons pas!
    Vous pouvez tous nous arrêter, nous ne reculerons pas!

    La procédure normale est effectivement de contacter les témoins ou les suspects et de convenir d’un rendez-vous pour un interrogatoire. C’est en tout cas ce traitement qui a été appliqué aux politiciens corrompus et aux banquiers interrogés ces dernières années au cours des enquêtes liées à l’effondrement du système bancaire. Comparer les traitements réservés aux super-riches et aux activistes contre la taxe sur l’eau est extrêmement révélateur des véritables priorités de la classe dirigeante et de la nature de l’Etat. Récemment encore, il a été révélé que des milliards d’euros sont cachés en dépôt dans des comptes bancaires secrets suisses détenus par des citoyens irlandais, à la banque HSBC. Les autorités irlandaises ont décidé de ne pas poursuivre ces fraudeurs alors que les grands moyens ont été utilisés pour charger les manifestants opposés à la taxe sur l’eau.

    Environ 100 agents de police ont arrêté une vingtaine de personnes pour avoir participé à une manifestation qui a bloqué la voiture de la vice-première ministre quelques heures, parmi lesquels trois élus de l’Anti-Austerity Alliance (AAA) et des militants locaux. La police est intervenue au domicile des militants, avant 7 heures du matin, les sortant de leurs lits pour les arrêter en face de leurs familles. Il s’agit clairement d’un acte politique destiné à criminaliser les manifestants et à décourager les gens de participer aux actions de protestation dans la période à venir. On a pu lire dans les médias que la police a l’intention de poursuivre les arrestations un certain temps. Parmi les personnes arrêtées, on trouve des adolescents de 14, 15 et 16 ans qui se préparaient à se rendre à l’école quand la police a débarqué chez eux. Cela instaure un climat de peur dans les quartiers où vivent ceux qui ont participé à la manifestation.

    Quelles sont les accusations retenues contre eux ?

    Les manifestants ont été arrêtés sous l’accusation de ‘‘séquestration’’. Il s’agit d’une accusation très grave qui revient quasiment au même qu’un enlèvement. La peine encourue peut atteindre les 15 ans de réclusion. S’ils s’appuient sur cela, ils n’iront nulle part. Mais ils peuvent encore faire appel à d’autres accusations comme infraction à l’ordre public.

    Quel est le contexte politique derrière ces arrestations ?

    Rassemblement de solidarité avec les militants arrêtés.
    Rassemblement de solidarité avec les militants arrêtés.

    Cette répression n’est pas arrivée par accident. La nouvelle taxe sur l’eau a conduit à une véritable explosion sociale ces derniers mois. En octobre, 100.000 personnes ont manifesté dans les rues de Dublin contre la taxe et d’autres manifestations de masse ont suivi en novembre et décembre. De très nombreux groupes locaux se sont organisés pour développer la campagne contre la taxe.

    En avril, les premières factures doivent parvenir aux ménages. Nous les invitons à boycotter ces factures, à refuser de les payer. Un boycott de masse instaurerait une sérieuse pression sur le gouvernement. L’enjeu est sérieux, et le gouvernement le sait. Voilà la raison derrière ces arrestations : tenter d’endommager le mouvement.

    Le Premier ministre irlandais, Enda Kenny, a déclaré que les actions de protestations concernent bien plus que la taxe sur l’eau. C’est au moins une chose sur laquelle nous pouvons être d’accord avec lui. Depuis 6 ans, une austérité des plus vicieuses a frappé le pays, imposée par les gouvernements irlandais successifs et par la Troïka. Les conditions de vie des travailleurs ont gravement été érodées. Les services publics ont été dévastés, les écoles et les hôpitaux sont en crise profonde. Le nombre de sans-abris atteint des records. Les plus vulnérables ont été les plus durement touchés, des milliers de personnes ont été plongées dans la pauvreté. La jeunesse a été poussée à émigrer à la recherche d’un meilleur avenir à un point inédit depuis la Grande Famine qui a touché le pays au milieu du 19ème siècle. Une gigantesque colère a ainsi été construite et la taxe sur l’eau, sans mauvais jeu de mot, a été la goutte qui a fait déborder le vase.

    Ce mouvement est une menace majeure pour l’establishment politique pro-austérité. Le gouvernement tombera très certainement si cette taxe peut être vaincue. Il est crucial de complètement changer la situation pour rendre extrêmement difficile à tout autre gouvernement de poursuivre l’application des politiques d’austérité. La chute du gouvernement actuel constituera un atout majeur pour l’avenir en ayant donné confiance dans la résistance active contre l’austérité et dans la lutte pour un autre type de société, où les besoins de la population seraient prioritaires.

    L’Irlande peut-elle rejoindre la Grèce et l’Espagne dans la lutte contre l’austérité ?

    La presse internationale se fait l’écho de la fable selon laquelle l’Irlande serait la ‘‘succes story’’ de la Troïka. C’est ce que veulent nous faire croire la Commission européenne, le gouvernement irlandais et les gouvernements austéritaires européens. Ce n’est tout simplement pas le cas. L’économie irlandaise se trouve dans une situation très précaire et la dette connait un record. Le remboursement de la dette publique et des intérêts paralyse l’économie : 8 milliards d’euros y sont consacrés chaque année.

    Parfois, on peut même entendre dans la presse internationale que les Irlandais se sont pliés de bonne grâce à la ‘‘médecine dure’’ de la Troïka. Encore une fois, c’est un mensonge. L’opposition à l’austérité a été massive mais, malheureusement, un mouvement de masse n’a jamais pris corps, en grande partie à cause du rôle de frein joué par les dirigeants syndicaux.

    L’élection du gouvernement Syriza en Grèce et la croissance de la gauche dans les sondages en Espagne a donné un véritable coup de fouet au mouvement contre la taxe sur l’eau et contre l’austérité en Irlande. Toute cette idée selon laquelle il n’y aurait pas d’alternative à l’austérité a reçu une claque sévère.

    Cela a ouvert un large débat au sein du mouvement contre la taxe sur l’eau au sujet de ce qui est possible à réaliser en termes d’alternative. Il est essentiel d’assurer que – à l’instar de ce qui s’est produit en Grèce et en Espagne – ce mouvement se traduise également politiquement. L’Anti Austerity Alliance veut relever ce défi politique en réunissant activistes locaux et militants syndicaux. Nous avons également appelé à ce que les divers groupes anti-taxe qui se sont développés à travers le pays considèrent également de présenter des candidats aux élections. Si cela se produit, l’opportunité d’une percée électorale importante serait réelle et cela représenterait un grand pas en avant dans la construction d’une voix politique pour la classe des travailleurs dans les années à venir.

  • Le premier ministre irlandais interpellé suite aux arrestations d'activistes

    Cette semaine, au Parlement irlandais, il a à nouveau été question de l'approche très politique de la police irlandaise. Plus de 20 activistes ont jusqu’ici été arrêtés pour leur opposition à la nouvelle taxe sur l’eau profondément haïe. Un récent sondage a mis en avant que 4 Irlandais sur 10 seulement étaient disposés à payer ce nouvel impôt destiné à enterré la gratuité de l’eau dans le pays et à chercher dans les poches de la population (une nouvelle fois) de quoi payer la crise du système capitaliste. La police irlandaise – la Gardai – a été utilisée comme outil politique de répression contre les militants opposés à la politique austéritaire. Réagissant à une interpellation de notre camarade la députée Ruth Coppinger (élue du Socialist Party, parti-frère irlandais du PSL), le Premier ministre Enda Kenny a que la police ait été utilisée de façon politique. Ruth a notamment lu la lettre d’un agent de police qui expliquait qu’il ne paiera pas la taxe sur l’eau et ne voyait pas pourquoi il devait intervenir en tant que policier contre les actions de protestation. Quand la lutte des classes entre au Parlement…

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