Tag: Iraq

  • Pas d’issue en Irak. Bush profondément affaibli

    Début novembre, la cote de popularité du gouvernement Bush n’était plus que de 39%. La plupart de la population estime qu’il est temps d’un retrait des troupes hors d’Irak, tandis que sur place le rêve d’un "modèle stable et démocratique pour le Moyen-Orient" est devenu cauchemar. Un sondage récent, commandé par le ministère britannique de la défense, a révélé que 45% des Irakiens approuvent les attaques contre les troupes d’occupation, que 82% de la population est fortement opposée à la présence de troupes étrangères, et que 67% juge que leur présence a rendu la vie "moins sûre".

    Peter Delsing

    Bush était déjà affaibli à cause de sa réaction, ou plutôt son absence de réaction, face à l’ouragan Katrina. A cette occasion furent démontrés l’énorme clivage entre riches et pauvres aux USA et l’extrême insensibilité de l’élite dominante à Washington. Entretemps, les cadavres de soldats américains s’empilent en Irak: récemment, le chiffre de deux mille morts fut dépassé, avec 15 milles blessés supplémentaires. Les estimations du nombre de victimes irakiennes vont elles de 25 à 100 milles!

    Bush comptait sur les élections et le référendum sur la Constitution pour illustrer le " progrès politique " réalisé en Irak. Mais les conflits interethniques et la menace d’une guerre civile s’amplifient.

    A l’aube du référendum sur la Constitution, 570 attaques par semaine contre les troupes étrangères étaient recencées. Cela aboutit " à la démoralisation et à la désertion des soldats ", selon l’ancien membre de l’Etat-Major américain Lawrence Wilkerson, qui fait référence à la guerre du Vietnam, où l’impérialisme américain connu une défaite sanglante.

    78,6% de la population irakienne auraient voté pour la Constitution, et 21,4% contre. Dans les territoires kurdes et chiites, le vote fut massivement favorable. Les illusions manifestement présentes envers les droits d’autonomies de ces ethnies seront testé par l’expérience de l’exploitation capitaliste. Les sunittes se sont largement abstenu, et soupçonnent les résultats d’être falcifiés pour les adapter aux " besoins politiques ". Ce sentiment est peut-être justifié, les premiers résultats du vote de la province sunitte de Ninive, largements défavorables, furent d’abord retirés, puis ensuite revus à la baisse.

    Entretemps, la situation de Bush s’est détériorée. Sa candidate à la Cour Suprême, élue pour sa loyauté envers le président, Harriet Miers, a fait preuve d’incapacité au Sénat, et s’est ensuite retirée. Même l’aile d’extrême-droite du Parti Républicain ne lui accorda pas son soutien.

    Qui plus est, Lewis Libby, bras droit du vice-président Cheney, est inculpé de parjure, d’obstruction à la justice, de faux témoignages, etc… Il serait impliqué dans la révélation de l’identité d’un ancien agent de la CIA afin de nuire à son mari. Ce dernier est un ancien ambassadeur des USA très critique envers la Maison Blanche et l’invention de preuves pour intervenir en Irak.

    La résistance contre Bush aux USA autour de la guerre et de la colère face à la repartition inégale des richesses s’amplifiera. Les travailleurs devront mener bataille pour leurs propres organes syndicaux et politiques, indépendants de la classe dominante et avec un programme socialiste s’ils veulent stopper le nivellement par le bas qu’engendre le capitalisme, et y répondre par une alternative socialiste.

  • Tremblement de terre en Asie du Sud : les méandres bureaucratiques des autorités de la ville de Bruxelles nous font perdre inutilement un temps précieux

    Cela fait maintenant 9 jours que le tremblement de terre en Asie a eu lieu. Des régions entières ont été complètement dévastées, des villages entiers rayés de la carte. Les chiffres officiels recensant le nombre de victimes -qui approchent déjà les 50.000- sont probablement à revoir nettement à la hausse, du fait que nombre de régions isolées n’ont même pas encore été atteintes par les secours.

    Aucun plan n’a été mis sur pied pour prévenir cette catastrophe, et l’aide apportée par les gouvernements capitalistes de l’Occident ne sont que des cacahuètes face à l’ampleur de la catastrophe et par rapport aux sommes astronomiques qu’ils sont capables de libérer pour leurs projets impérialistes tels que l’occupation de l’Irak. 2,5 millions de personnes se retrouvent sans abri, et des milliers de personnes sont menacés de mort à cause du froid, du manque de nourriture, d’eau et de médicaments. Certains disent qu’au Cachemire, c’est une génération entière qui a disparu sous les décombres. Même les Nations Unies avertissent que si des biens d’aide n’arrivent pas sur place urgemment, nous allons vers une catastrophe d’une ampleur inimaginable.

    Ceux qui ont eu la chance d’échapper au désastre mènent à présent une lutte pour leur survie. L’occupation militaire et la corruption des autorités locales font peser d’autant plus de craintes sur l’efficacité et la transparence de l’aide officielle. L’exemple du Tsunami démontre bien que si l’on connaît souvent le lieu de départ de telles aides, on n’en connaît que rarement le lieu d’arrivée…

    Face à cette catastrophe, la communauté cachemirie vivant en Belgique, qui compte pas moins de 600 personnes, se mobilise. Des Cachemiris tentent ainsi depuis lundi dernier de mettre sur pied un centre d’aide d’urgence à Bruxelles. Ils demandent simplement à la commune de Bruxelles l’autorisation de mettre sur pied une cellule de crise afin d’en faire un point d’information pour les Cachemiris et les Pakistanais qui vivent en Belgique et qui, bien souvent, sont sans nouvelle de leurs familles. Cette cellule de crise permettrait en outre de récolter des fonds par une voie sûre. Mais apparemment, les autorités de la ville ont d’autres priorités, et estiment sans doute que la situation n’est pas assez grave que pour daigner considérer notre demande. Cela fait une semaine que nous multiplions les démarches afin d’obtenir cette autorisation, mais à part une belle démonstration de l’extrême lenteur de l’administration et de vagues promesses, nous n’avons rien obtenu.

    Chaque jour qui passe diminue les espoirs de sauver des vies humaines. Pourtant, quand il s’agit de déployer des forces de police pour casser un piquet de grève, on constate que les autorités font preuve d’une toute autre rapidité… Ce lundi matin, nous nous sommes rendus pour la troisième fois à l’Hôtel de ville avec une dizaine de Cachemiris afin d’obtenir satisfaction. On nous a fait comprendre que nous devrions probablement attendre la réunion du collège échevinal de jeudi avant d’avoir une réponse ! Ces prétextes ne tiennent pas la route: en effet, le collège s’était déjà réuni jeudi passé alors que notre demande avait déjà été introduite.

    De plus, la ville d’Anvers a quant à elle déjà délivré une autorisation similaire, dont la demande a été introduite au même moment. L’autorisation de placer provisoirement une tente au centre-ville ne nous semble pourtant pas insurmontable; il est tout bonnement inadmissible qu’il faille une semaine et demie pour que cela puisse se concrétiser. Cela ne nous étonne cependant pas : le bourgmestre et sa clique sont les représentants de partis bourgeois qui n’ont que faire des interêts de la population.

    Nous ne doutons pas que s’ils donnent une réponse favorable à la demande des Cachemiris, ce ne sera que pour soigner leur image. Dans le cas contraire, seule une mobilisation plus large pourra les faire céder. Une fois de plus, nous ne pouvons que constater à quel point le capitalisme aggrave considérablement les conséquences dramatiques d’une telle catastrophe, et ce ici comme là-bas…

  • Flambée des prix du pétrole. Précarité pour les uns, juteux bénéfices pour les autres

    Il y a un an, ceux qui osaient miser sur un baril à 70 dollars pour l’année 2005 étaient presque considérés comme des fous. Maintenant, même les économistes bourgeois n’hésitent plus à évoquer un « troisième choc pétrolier » et parlent d’un baril à 80 dollars – l’équivalent en dollar d’aujourd’hui du record établi lors du deuxième choc, en 1979- comme une perspective à court terme relativement probable. Depuis l’intervention impérialiste en Irak, les pics historiques n’ont fait que se succéder à un rythme presque ininterrompu : en deux ans, le prix du baril a été multiplié par 2,5. Les travailleurs trinquent, les multinationales pétrolières comptent leurs sous.

    Cédric Gérôme

    Anarchie capitaliste ou planification socialiste?

    Sous le capitalisme, la recherche du profit à tout prix et l’absence d’une planification ordonnée de la production entraînent inévitablement un manque total de stratégie à long terme. Depuis 1950, l’utilisation du pétrole brut est en augmentation de 57%. Certains experts estiment qu’une augmentation similaire est à prévoir pour les 25 prochaines années, et pourrait atteindre les 121 millions de barils par jour (contre 77 aujourd’hui) à l’ombre de 2030. Cette énergie fossile est certes indispensable, mais la manière dont elle utilisée relève de l’anarchie la plus aberrante.

    Un simple exemple: le manque d’investissements publics dans les transports en commun et les politiques d’aménagement du territoire poussent les gens à privilégier la voiture comme mode de transport ; or, une même dépense d’énergie permet à un voyageur de parcourir une distance 11 fois plus grande en tram qu’en voiture… De même, les bilans des marées noires de l’Erika et du Prestige ont encore démontré à quel point, dans une logique capitaliste, la gestion des matières premières et des ressources énergétiques est totalement irresponsable.

    Un cocktail explosif

    Aujourd’hui, l’instabilité politique mondiale fait peser de lourdes craintes quant aux possibilités d’approvisionnement, d’autant que le manque d’investissements dans le raffinage ces 25 dernières années ne saurait faire face à une demande qui ne fléchit pas. Depuis plusieurs années en effet, les compagnies extraient davantage de pétrole qu’elles n’en raffinent. Ce coktail crée une envolée vertigineuse des prix du pétrole. La seule “issue” à cette situation nous semble être…une profonde récession entraînant une chute de la demande de pétrole. Car une augmentation sensible de l’offre, qui rétablirait l’équilibre des prix, est hautement improbable, les producteurs d’or noir n’ayant pas de réserves inemployées, toutes leurs capacités tournant pratiquement à plein régime.

    En dépit des nombreuses déclarations de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole, qui fournit 40% des réserves de pétrole brut mondial) concernant un relèvement de ses quotas de production, ses capacités excédentaires sont limitées. Elle produit déjà à son niveau le plus haut depuis 26 ans, et ce ne sont pas ses maigres offres supplémentaires qui vont significativement inverser la tendance. La découverte de nouveaux gisements est quant à elle de plus en plus rare. Au point qu’une véritable course aux réserves est en train de s’engager; plus globalement, les approvisionnements en énergie deviennent un nouveau terrain de confrontation entre les grandes puissances. Cela est notamment illustré par la véritable guerre que se mène la Chine et le Japon pour le contrôle du pétrole russe.

    L’Irak : la quête d’un nouvel eldorado

    Selon les plans de l’administration Bush, le pillage et le contrôle des ressources pétrolières de l’Irak était sensé entraîner les prix du pétrole vers le bas. Mauvais calcul. Avant l’entrée des troupes américaines dans le pays, l’Irak exportait plus de deux millions de barils par jour. En comparaison, les exportations étaient déjà réduites à une moyenne de 1,5 millions de barils par jour pour l’année 2004. Aujourd’hui, le niveau de la production est toujours plus bas que celui d’avant-guerre, pour cause du chaos qui règne dans le pays et des attaques régulières sur les infrastructures pétrolières.

    Cet effondrement des exportations pétrolières de l’Irak, cumulé à l’accroissement de l’instabilité dans l’ensemble du Moyen-Orient – région qui regorge deux tiers des ressources pétrolières mondiales- semble être la cause première de la flambée des prix du brut. A cela se rajoutent d’autres facteurs, qui s’influencent mutuellement : forte demande de la Chine et de l’Inde, spéculation intense sur les marchés financiers, tensions politiques dans d’autres pays producteurs (Nigéria, Vénéuela…). En ce sens, le récent cyclone Katrina n’a fait que rajouter de l’huile sur le feu. Environ 91,7 % de la production quotidienne de la région, soit 1,38 million de barils par jour, a été interrompue. L’arrivée de Katrina a contraint à la fermeture un grand nombre d’installations du Golfe du Mexique, où se concentrent un quart des infrastructures pétrolières des États-Unis.

    Des bénéfices affolants

    Mais tous ces phénomènes ne doivent pas nous faire oublier la toile de fond sur laquelle ils s’opèrent : la crise mondiale du capitalisme, à travers laquelle se meut une poignée de multinationales qui profitent de leur mainmise sur cette ressource énergétique de première importance pour imposer leurs conditions et surtout leurs prix à l’ensemble de la planète. “Le Soir” du 8 septembre titrait: “Des bénéfices affolants”. C’est le moins que l’on puisse dire: les 5 plus grosses multinationales pétrolières ont réalisé un bénéfice net cumulé de 43,47 milliards d’euros pour le seul premier semestre 2005, une augmentation de 30% par rapport à l’année dernière. “En tant qu’actionnaire, cela ne me dérange pas, mais je plains bien entendu les ménages modestes qui doivent encaisser la facture du mazout cher”, commentait Albert Frère, actionnaire chez Total. On le remerciera au passage pour cette belle démonstration de compassion.

    Les travailleurs paient la note

    Au-delà de l’augmentation du prix à la pompe et du mazout de chauffage, les prix élevés du pétrole entraîne une augmentation des coûts de production, qui mine la rentabilité des entreprises. Cela fournit de nouveaux prétextes aux entreprises pour licencier et stimule de surcroît une augmentation générale des prix, qui frappe les travailleurs de plein fouet.

    Le MAS exige:

    > la réaffectation des recettes pétrolières dans les secteurs prioritaires tel que l’enseignement, les soins de santé, le logement.

    > l’abolition de la TVA sur le mazout et sur les autres sources de chauffage, le gel immédiat des prix

    > le retour du carburant dans l’index

    > la nationalisation des multinationales pétrolières sous contrôle ouvrier, ce qui permettrait aussi de mettre la main sur tout les brevets d’énergies alternative accaparés par les multinationales.

  • Venezuela, un an après le référendum. Quels dangers menacent la révolution maintenant?

    Il y a un peu plus d’un an, le 15 août, le référendum visant l’éjection du président vénézuélien Chavez fut un échec retentissent grâce à la mobilisation des masses vénézuéliennes, particulièrement dans les villes-ghetto, à travers les « unités de combat » électorales et d’autres organisations de la révolution « Bolivarienne ». Cette défaite a ouvert une nouvelle phase dans le processus révolutionnaire. Mais comme Christine Thomas l’explique : même si les forces de l’opposition ont été sévèrement affaiblies, la menace de la contre-révolution subsiste.

    Christine Thomas

    L’élection de Chavez en temps que président en 1998 a représenté un rejet massif de la part des pauvres, des travailleurs et de certaines parties de la classe moyenne de la politique néo-libérale vicieuse orchestrée par l’establishment corrompu de la « quatrième république ». Son populisme anti-impérialiste/anti-néolibéral a radicalisé les couches les plus pauvres de la société vénézuélienne. Ils ont vu en Chavez un leader politique qui les représentait et qui parlait pour eux, plutôt que ces riches oligarques qui dilapidaient les richesses pétrolières : les laissant sombrer plus profondément dans la pauvreté. Sa victoire a créé l’espoir que leurs besoins désespérés d’emplois décents, de soins de santé, d’enseignement et de logements trouveraient enfin une solution. La classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain, de l’autre côté, craignent que les masses déchaînées et radicalisées puissent exiger des mesures plus radicales, se mettent en mouvement dans une direction qui menacerait leurs intérêts. L’impérialisme américain, en particulier, craint l’instabilité dans un pays qui lui fournit 15% de ses besoins en pétrole. Le référendum de l’an dernier était la troisième tentative majeure par la classe dirigeante vénézuélienne, soutenue par l’impérialisme américain, pour éjecter Chavez et écraser toute menace potentielle que le mouvement pourrait poser au Venezuela et partout ailleurs en Amérique latine. Mais toutes les tentatives contre-révolutionnaires (le putsch du 11 avril 2002, le lock-out patronal de deux mois, la tentative de sabotage économique à la fin de la même année et enfin le référendum) ont été bloquées par l’action de masse des pauvres et des travailleurs qui se sont d’avantage radicalisés et dont les espoirs se sont largement développés.

    Dans la période post-référendum, le rapport de force a temporairement glissé en faveur des masses. Les forces de l’opposition (l’élite financière, les partis politiques et leader syndicaux corrompus, l’église catholique, etc.) sont sorties de ces défaites divisées et démoralisées. Chavez, lui-même, a cherché initialement un arrangement avec l’opposition en leur demandant de travailler avec lui à la reconstruction du pays. Mais sous la pression des travailleurs et des pauvres, il s’est d’avantage radicalisé décrivant la révolution bolivarienne pour la première fois comme « socialiste », amorçant une réforme agraire et parachevant les premières nationalisations du régime. Au même moment, il a durci sa rhétorique anti-impérialiste, anti-US et ses actions dans la région.

    Ce tournant à gauche a alarmé la classe capitaliste vénézuélienne et l’impérialisme américain. Ils craignent que les masses, voyant leurs espoirs croître, puissent pousser Chavez dans une direction encore plus radicale, minant leur contrôle économique. Puisque jusqu’à présent, les timides tentatives du régime Chavez avaient laissé ce contrôle largement intact. L’administration américaine a récemment attaqué Chavez au vitriol en l’accusant de soutenir le terrorisme en Colombie et de fomenter des révoltes en Bolivie, en Equateur et partout en Amérique Latine. La secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice a décrit Chavez comme « une menace majeure pour la région entière ». Les relations économiques croissantes avec Cuba de Chavez, dans lesquelles le Venezuela fournit de l’essence à bas prix en retour de médecins cubains etc, ont effectivement brisé l’embargo américain de l’île, lançant une bouée de sauvetage économique tellement nécessaire depuis la chute de l’Union Soviétique qui était son principal appui économique. Chavez est également vu comme un obstacle dans la stratégie américaine qui vise à faire de la Colombie une base de défense des intérêts US en Amérique Latine. Plus important : Chavez a cherché des marchés internationaux alternatifs pour l’essence vénézuélienne, signant des contrats avec la Russie, la Chine, l’Iran autant que d’autres pays latino-américain. Il a menacé d’exercer des représailles contre n’importe quelle agression US en coupant l’approvisionnement en pétrole et au cours de la conférence internationale de la jeunesse à Caracas au mois d’août, il a déclaré que le marché nord américain n’était pas vital pour le Venezuela. Bien qu’une bonne partie de cette rhétorique soit anti-impérialiste, confrontée à une situation déjà instable en Irak et au Moyen-Orient, l’impérialisme américain veut s’assurer que son approvisionnement en pétrole du Venezuela n’est pas menacé. Mais la marge de manœuvre de l’impérialisme US est actuellement limitée. Une combinaison de la faiblesse de l’opposition et des revenus énormes du pétrole à la disposition de Chavez pour financer les réformes sociales profitables aux pauvres (sa principale base sociale) signifie que la situation entre les forces en présence est dans une impasse et que cette situation pourrait être maintenue pour un moment.

    Une invasion directe du Venezuela, comme en Irak, est hors de propos pour le moment. L’Irak a montré les limites de l’hégémonie américaine. Même si la capacité militaire américaine n’était pas déjà dépassée, une invasion du Venezuela serait extrêmement risquée, déclenchant une vague de résistance qui pourrait embraser l’ensemble des Amériques. L’impérialisme américain a donc été forcé à poursuivre dans une approche moins directe, reposant sur un travail dans l’opposition vénézuélienne et dans les forces réactionnaires en Colombie. En décembre de l’an dernier, les forces colombiennes en conjonction avec des sections des forces de sécurité vénézuéliennes sont intervenues directement au Venezuela pour kidnapper un leader de la guérilla FARC, donnant une indication claire de la manière dont ils pouvaient être utilisés pour créer la peur et l’instabilité à l’intérieur du pays. Il n’y a aucun doute sur le fait que certaines parties de l’administration américaine soutiennent l’appel du chrétien fondamentaliste de droite Pat Robertson à l’assassinat ou au kidnapping de Chavez pour amener un « changement de régime » au Venezuela (de telles actions ne peuvent être totalement écartées). Mais chaque mouvement réactionnaire a jusqu’ici donné une impulsion de gauche au processus révolutionnaire et chaque action prématurée pourrait pousser les masses dans une direction encore plus radicale.

    Les parties les plus sérieuses et réfléchies de l’opposition ont donc tiré la conclusion que, après avoir été vaincus à chaque étape par le soutien à Chavez dans la masse de pauvres radicalisés, pour le moment ils n’ont d’autre choix que d’apprendre à « coexister » avec lui. Avec l’équilibre actuel des forces, chaque étape ouvertement contre-révolutionnaire dans le court terme, après celles qui ont été déjà tentées, risque d’accroître la radicalisation du mouvement et de provoquer des mesures qui pourraient menacer d’avantage leur contrôle de l’économie et l’appareil d’état. « Nous devons mordre la poussière de la défaite », a dit le gouverneur de l’état de Zulia quelques jours après le référendum. « Les deux Venezuela doivent se réconcilier, le Venezuela ne peut continuer dans le conflit », a déclaré le patron de Fedecamaras (principale organisation patronale).

    En dépit de l’adoption d’un ton anti-Chavez moins strident, l’administration US semble poursuivre une stratégie à long terme d’épuisement du processus révolutionnaire et préparer un rapport de force qui leur serait plus favorable, avant de lancer des actions de plus grande ampleur contre Chavez.

    Mais malgré cela, sans un mouvement décisif de la classe ouvrière et des pauvres vers une cassure avec le capitalisme et d’établissement d’un état ouvrier démocratique, la contre-révolution réussira par un moyen ou un autre à se ré-affermir. Cela pourrait venir sous une forme extra-parlementaire, un futur putsch victorieux, comme c’est arrivé au Chili en 1973, ou une contre-révolution électorale « démocratique » comme au Nicaragua en 1990. Cette victoire sous n’importe quelle forme signifierait un désastre pour les masses vénézuéliennes. La classe ouvrière vénézuélienne et les pauvres sont confrontés à une tâche urgente, utiliser ce « temps de respiration » pour construire un parti révolutionnaire qui peut fournir un programme qui pousserait le gouvernement en avant et complèterait la révolution socialiste.

    Electoralement, les forces de l’opposition au Venezuela ont été complètement divisées entre une partie qui défendait l’abstention et l’autre qui contestait les élections. Où ils sont restés, ils ont subit défaites sur défaites. Après les élections d’octobre de l’an dernier, ils ne contrôlent plus que deux des 23 états que compte le pays et ont de plus perdu le contrôle de Caracas, la capitale. Aux élections locales et municipales, qui se sont tenues le 7 août de cette année, ils ont obtenu moins de 20% des sièges.

    Le principal quotidien vénézuélien, détenu par des opposants de droite qui ont soutenu unanimement les forces de la réaction à chaque étape, a publié des articles commémorant l’anniversaire du référendum. Ils se sont concentrés sur ce qu’ils considèrent comme le besoin désespéré pour l’opposition « démoralisée, désorientée, manquant de direction » (El Nacional) de s’unir pour fournir une alternative électorale crédible aux « chavistas ». Avec les élections parlementaires attendues pour la fin de l’année et les élections présidentielles en décembre 2006, l’opposition se prépare à de futures défaites électorales.

    Chavez lui-même caracole à 70% d’approbation dans les sondages (l’un des taux les plus hauts de sa présidence). Durant le festival international de la jeunesse, il a parlé confidentiellement de rester en politique jusqu’en 2030 ! Sa confiance a été boostée par les victoires électorales et par le prix élevé du pétrole sur le marché mondial. Le pétrole représente 85% des exportations vénézuéliennes, un quart du PIB et plus de la moitié des revenus du gouvernement. En 2004, les exportations de pétrole ont généré un revenu de 29$ milliards, pour 22$ milliards en 2001 et la somme semble fortement augmenter cette année. Cette énorme aubaine réalisée par le pétrole a permis à Chavez de maintenir et d’accroître les dépenses des « misiones », les programmes de réformes sociales de bien-être qui ont été démarrées en 2003 et largement orientées vers les plus pauvres. Les avantages de ces réformes sont clairement visibles dans les rues des zones les plus pauvres de Caracas. Une superbe nouvelle clinique ou un supermarché d’état Mercal (Mercado de Alimentacion) qui vend de la nourriture de base subsidiée qui se distinguent facilement des immeubles et des infrastructures en ruine des « barrios », les bidonvilles vérolés de pauvreté situés à deux pas de zones d’opulence comme Altamira où vit l’élite.

    Selon les chiffres du gouvernement, 300.000 Vénézuéliens ont surmonté l’analphabétisme (9% des plus de dix ans), deux millions vont à l’école primaire, secondaire et supérieure, et 17 millions ont maintenant accès aux soins de santé de première nécessité grâce aux « misiones ».

    Malgré ces améliorations sociales visibles, une pauvreté noire pourrit encore la vie de millions de Vénézuéliens. 60% des ménages étaient pauvres en 2004, pour 54% en 1999. Même si l’état contrôle les prix de la nourriture de base, l’inflation grimpe à 15-20% et qu’un Vénézuélien sur deux ne dispose pas d’un logement adéquat. Selon un sondage d’opinion récent, le chômage est le problème principal dans la société. Il y a eu des améliorations dans les boulots, à travers des initiatives comme « Vuelvan Caras » , le plan d’état de création d’emplois, principalement dans les coopératives et dans les petites entreprises. Mais 14% de la population reste toujours sans emploi et des millions de personnes sont toujours confrontées à l’insécurité et à l’exploitation dans le secteur informel (comme les vendeurs de rue, les chauffeurs de taxi, etc.).

    Si cela est la situation de la majorité des travailleurs et des pauvres au Venezuela alors que le prix du pétrole est à un niveau si élevé, il est clair que les espoirs des masses ne pourront se concrétiser dans le cadre du capitalisme. Le magazine britannique de droite The Economist résume clairement la situation lorsqu’il écrit : « quand les revenus du pétrole chuteront, tombera dans un enfer de récession et d’inflation »(25 août 2005).

    C’est ce qui est arrivé au Nicaragua. Après la révolution de 1979 qui avait éjecté le dictateur détesté Somoza, les Sandinistes avaient le contrôle de l’appareil d’état. Ils ont nationalisé jusqu’à 40% de l’économie, mais le reste est resté dans les mains de la classe capitaliste qui a utilisé son contrôle économique pour saboter l’économie. Combiné avec la guerre des contras, subventionnée par l’impérialisme US, l’économie plongea dans une crise avec une inflation qui explosa jusqu’à 3600% et un niveau de vie qui périclita de 90% !

    A cause de la démoralisation des masses due à la crise économique, la droite vainquit les Sandinistes aux élections présidentielles de 1990 et poursuivit depuis lors une politique néo-libérale vicieuse à l’encontre des travailleurs et des pauvres nicaraguayens. Si la classe ouvrière au Venezuela n’exproprie pas les monopoles restés dans les mains des capitaliste vénézuéliens et étrangers, si elle n’applique pas une planification de la production sous contrôle démocratique, la crise économique et l’incapacité à satisfaire les besoins des masses mèneront à la démoralisation et à la démobilisation du mouvement, balisant la route pour une victoire de la réaction. Cela serait alors utilisé pour ouvrir une nouvelle ère de répression brutale, en vue de recouvrir un contrôle total de l’économie et de l’état, avec bien sûr une atomisation des organisations et des droits de la classe ouvrière.

    Le haut taux d’abstention (70%) dans les élections locales et régionales du mois d’août représente un avertissement pour le futur. Il est vrai qu’historiquement le taux de participation aux élections locales vues comme en dehors des préoccupations de la plupart des Vénézuéliens a toujours été bas. Une partie de l’opposition appelait également les gens à ne pas voter. Malgré cela, le niveau d’abstention dans les zones pro-Chavez était très élevé alors qu’il avait lui-même souligné l’importance, pour ses partisans, de se mobiliser en masse. Bien que le taux de participation soit susceptible d’être beaucoup plus haut dans des élections parlementaires et présidentielles, des signes de mécontentement commencent à arriver à l’encontre des troupes du mouvement bolivarien. Des activistes étaient mécontents du remplacement bureaucratique de candidats de base par des candidats inconnus des gens des communautés locales. Lors des élections d’octobre de l’an dernier pour le mayorat et le gouvernement d’état, des candidats dissidents se sont présentés contre les candidats officiellement chavistes. Dans les élections locales, des partis pro-Chavez perçus comme plus « radicaux » comme le Parti Communiste Vénézuélien et le mouvement Tupamaros ont augmenté leur nombre de votes dans certaines régions. Le mécontentement, où il existe, ne vise pas principalement Chavez, qui bénéficie encore d’une autorité et d’un soutient immense dans les masses, mais plutôt la bureaucratie qui l’entoure, perçue comme une cassure avec les réformes radicales que ce soit à travers l’inefficacité, la corruption ou le sabotage conscient. Une femme qui protestait contre les actions d’un leader dans l’état de Anzoategui a résumé le sentiment d’une couche d’activistes lorsqu’elle a dit : « Président, ouvrez les yeux… beaucoup de ceux à vos côtés sont en train de vous décevoir. Ecoutez la voix du peuple »(El Nacional).

    La direction du mouvement bolivarien est extrêmement hétérogène. Pour parler franchement, une aile est plus en contact avec les masses et reflète l’atmosphère qui y règne, il y a donc une pression pour qu’elle continue les réformes radicales. L’autre aile, réformiste et pro-capitaliste, dont certains membres ont des contacts avec les forces de l’opposition, essaye à chaque étape de retenir le mouvement et de l’empêcher d’aller dans une direction plus radicale. Ces divisions se sont aiguisées depuis la défaite du référendum. Chavez lui-même a balancé entre ces différentes forces de la société. Sa prise de position la plus récente à « gauche » a été une réponse à la demande d’actions plus radicales de la part des masses. Il a signé un décret nationalisant VENEPAL (l’entreprise de papier en faillite), par exemple, après que les travailleurs aient lancé une lutte déterminée en conjonction avec la communauté locale en occupant l’usine et en demandant sa nationalisation. Depuis janvier, Chavez a qualifié la révolution bolivarienne de socialiste, ceci représentant un développement significatif. La question du socialisme commence à s’ancrer dans la conscience d’une partie des étudiants, des travailleurs et des pauvres. Dans un récent sondage organisé par l’ « Instituto Venezolano de Analisis de Datos », 47,8 % des personnes interrogées déclaraient qu’elles préfèreraient un gouvernement socialiste alors que seulement 22,7% opteraient pour un gouvernement capitaliste.

    Mais Chavez n’a pas une idée claire sur ce qu’ il veut dire par socialisme ni sur la manière d’y arriver. Il parle vaguement de « socialisme au 21ème siècle » qui serait un ‘nouveau type’ de socialisme et il a aussi appelé à son peuple à se débarrasser des vieux préjugés concernant la signification du socialisme. On pourrait interpréter cela comme un rejet du stalinisme. Mais en même temps, Chavez est en train de renforcer ses liens économiques et diplomatiques avec Fidel Castro à Cuba. Il complimente le merveilleux service de santé cubain, dont beaucoup de vénézuéliens sont en train de profiter grâce aux docteurs cubains travaillant au Venezuela, grâce à la formation de docteurs vénézuéliens et aux patients qui sont envoyés à Cuba pour des opérations. Mais en fait Chavez n’est pas critique du tout sur la nature bureaucratique du régime cubain et sur l’absence de véritable démocratie ouvrière.

    Chavez pourrait-il devenir un « second Castro » comme le craingnent une partie de la classe dirigeante vénézuélienne et l’impérialisme américain ? Théoriquement une telle perspective ne pourrait pas être complètement exclue. Arrivé au pouvoir en 1959, Castro n’a pas décidé consciemment de nationaliser l’économie cubaine mais il a pris cette direction en réaction au blocus US et à la pression des masses cubaines. Mais vu que la classe ouvrière n’était pas consciemment à la tête de la révolution, le résultat fut la création d’un état ouvrier déformé, où le capitalisme et le féodalisme ont été éliminés mais où la société était toujours contrôlée du sommet vers le bas par une caste bureaucratique. Le contexte international actuel, après la chute de l’ Union Soviétique, est très différent du temps de la révolution cubaine quand Cuba était soutenu matériellement par la bureaucratie soviétique et ce pour des raisons stratégiques. Quoiqu’il en soit, il n’est pas inconcevable que les masses du Venezuela puissent spontanément prendre possession des usines et de la terre, forçant ainsi Chavez à nationaliser de larges pans de l’économie. Mais un tel régime serait extrêmement instable.

    La révolution serait très certainement vaincue à un certain moment par les forces de la réaction sauf si la classe ouvrière est consciente du rôle qu’elle a à jouer, non seulement en expropriant la classe capitaliste, mais aussi en formant des comités élus démocratiquement qui pourraient faire tourner l’industrie, mettre en place un plan démocratique de production et créer les bases pour un Etat ouvrier dont le programme serait capable d’élargir la révolution à l’Amérique latine et internationalement. C’est pourquoi la lutte pour une véritable ‘politique étrangère’ internationale de la classe ouvrière est si importante aujourd’hui ; soutenant, par exemple, des liens économiques avec Cuba mais utilisant cela pour encourager une réelle démocratie ouvrière au sein du pays et pour étendre la révolution internationalement comme le seul réel moyen de défendre ces acquis qui ont déjà été obtenus.

    La réaction de Chavez à de futurs évènements aura bien sûr un gros impact sur la façon dont les développements se déroulent, particulièrement dans une situation de ralentissement économique. Pour le moment il est en train de répondre d’une façon limitée à la radicalisation des masses et il pourrait aller plus loin dans cette direction. Malheureusement, il y a de nombreux exemples de dirigeants honnêtes qui malgré leur bonnes intentions, une fois confrontés avec la ‘logique’ du marché capitaliste qui se sont mis à réprimer les ‘demandes excessives’ des travailleurs.

    Dans une situation où d’autres options sont trop risquées, une partie de la classe capitaliste du Venezuela s’appuie sur le mouvement de l’aile pro-capitaliste pour freiner les réformes radicales et pour être potentiellement capable de reprendre les acquis de la classe ouvrière et des masses pauvres. Ils préparent ainsi la voie pour une défaite du processus révolutionnaire et pour la victoire de la contre-révolution.

    Il est vrai qu’ils n’ont pas la même autorité au sein de la classe ouvrière et des masses pauvres qu’avaient les sandinistes au Nicaragua après la révolution de 1979 ou qu’avaient les partis socialistes et communistes au Portugal en ’75. Quoiqu’il en soit, si la classe ouvrière n’achève pas complètement la révolution au Venezuela et que la démoralisation s’installe, cette aile pourrait jouer un rôle important en freinant le mouvement et posant les bases pour le triomphe de la réaction capitaliste. Leur façon de définir le socialisme est relativement claire – une économie « mixte » où quelques compagnies d’états et coopératives existent mais dans laquelle les leviers économiques principaux restent dans les mains de la classe capitaliste du Venezuela et étrangère. Chavez parlait récemment d’enquêter sur l’éventuelle expropriation de 136 à1149 entreprises. Mais en réalité toutes ses compagnies étaient en faillite, fermées ou en passe de le devenir. Le ministre de l’industrie a éclairci cette position en déclarant que la nationalisation ne prendrait place que dans des « cas extrêmes », qu’il n’y aurait pas de « vagues d’expropriations » et que les firmes capitalistes ainsi que la « production sociale » pouvaient coexister. De même, la redistribution de 13 000 hectares de terres appartenant au Lord Vesty marquait un pas en avant dans la réforme agraire alors qu’auparavant, seule la terre appartenant à l’Etat avait été redistribuée aux pauvres des campagnes. Mais à ce stade, le gouvernement n’envisage de distribuer que de la « terre non fertile ».

    Quoiqu’il en soit, 158 paysans ont été tués depuis 2000 quand la loi sur la terre a été votée, démontrant que même face à des réformes limitées, les grands propriétaires terriens résisteront brutalement, aidés dans certains cas par les paramilitaires de droite Colombiens.

    Utilisant un langage révolutionnaire, les coopératives sont présentées comme l’embryon de la société socialiste. 79000 coopératives ont été créées les 6 dernières années, majoritairement dans le secteur des services et de l’agriculture. Elles ont eu un certain effet dans la réduction du chômage, qui ne pourra être que temporaire. Ces coopératives sont toujours complètement dans le marché capitaliste avec des compagnies privées et seront dévastées par la crise économique. Beaucoup de ces coopératives en réalité fonctionnent comme des compagnies privées, exploitant la force de travail et dénigrant les droits des travailleurs. Il y a de nombreux exemples d’employeurs privés qui « déguisent » leur entreprise en coopérative afin de recevoir des subsides de l’Etat. En même temps, Chavez encourage « le co-management » des industries d’Etat ainsi que des industries privées. « Ceci est la révolution. Ceci est le socialisme », voilà ce qu’il déclara récemment quand il fit crédit à des taux d’intérêt bas à des patrons de petites entreprises privées qui acceptaient d’introduire des représentant des travailleurs dans les conseils d’administration de leur compagnie.

    Une fois de plus, le ministre de l’industrie utilise clairement cette cogestion, ou participation ouvrière, comme une collaboration de classes pour tromper les travailleurs, augmenter l’exploitation et booster les profits de la classe capitaliste, comme cela a été fait dans des pays comme l’Allemagne. Il déclara : « Il y a une interprétation faussée de ce que signifie la cogestion ». « L’idée est de faire participer les travailleurs à la gestion de l’entreprise, non pas de leur en laisser le contrôle, mais plutôt d’aider à éviter des tensions et des contradictions inutiles. » (El Nacional).

    Chavez, ne voulant pas se confronter à l’économie capitaliste et au pouvoir d’Etat, met en application des contrôles partiels et essaie d’éviter les structures économiques existantes et l’appareil d’Etat. Donc par exemple, en plus des coopératives, il a créé une compagnie aérienne d’Etat, une compagnie de téléphone d’Etat, une station télé d’Etat, et des supermarchés d’Etat vendant des produits basiques jusqu’à 30 % moins chers que dans le secteur privé. Tout ça avec l’intention de rivaliser avec les monopoles privés.

    Ces mesures partielles comme les contrôles des prix sur les aliments de base et les contrôles sur les échanges, servent à rendre la bourgeoisie furieuse, et à augmenter leur détermination à éviter les futurs empiètements sur leur pouvoir économique et sur l’état.

    En même temps, en laissant les grandes entreprises monopolistiques, les banques et les institutions financières, les journaux, etc… dans les mains du privé, il est impossible de planifier démocratiquement l’économie afin d’assouvir les besoins des masses. De plus, la classe dirigeante reste capable de saboter l’économie et de miner le mouvement. Il y a eu une certaine réorganisation du personnel au sommet de l’armée, de la justice, du collège électoral et d’autres institutions d’Etat, mais , sans des élections et le droit de révocation de tous ceux qui ont une position dans l’appareil d’Etat, ainsi que l’existence d’un parti socialiste de masse contrôlant constamment l’Etat, de nouveaux points de soutien à la réaction capitaliste peuvent être générés, même au sein de ceux qui soutiennent Chavez aujourd’hui.

    La classe capitaliste fera clairement tout ce qu’elle peut pour abattre toutes les mesures qui ont été introduites à la demande des masses. Ils utilisent les médias et font pression sur l’aile pro-capitaliste du gouvernement de Chavez pour poursuivre des politiques sociales et économiques plus « réalistes », afin de conquérir les 4 millions de personnes qui ont voté contre Chavez lors du référendum pour sa révocation et afin de ne pas effrayer les investisseurs étrangers. Chavez a lui même encouragé des joint ventures entre du capital étranger et la compagnie pétrolière d’Etat PDVSA. En fait, les multinationales comptent déjà pour plus ou moins 50 % de la production pétrolière au Venezuela, pendant que la production de la PDVSA a, elle, diminué de moitié depuis l’ élection de Chavez, en ’98. Il est vrai que même un Etat ouvrier sain pourrait être forcé de signer des accords économiques et de commerce avec des pays capitalistes ou des compagnies étrangères si la propagation de la révolution internationale était temporairement retardée. Mais cela serait fait sur base d’un plan démocratique de production, d’un monopole d’Etat des exportations et d’une politique consciente d’élargissement de la révolution en appelant la classe ouvrière internationalement.

    Maintenant, en partant d’une politique de préservation du capitalisme, des accords sur des investissements étrangers et sur les commerces seront utilisés pour miner et faire dérailler la révolution. Il y eut un nouvel avertissement quand Chavez a récemment accepté un accord commercial de vente d’armes avec le gouvernement espagnol, le ministre des affaires étrangères de celui-ci, défendant l’accord en réponse aux critiques US en expliquant « le rôle que l’Espagne pourrait jouer au Venezuela pour la satisfaction de Washington, en mettant un frein aux rêves de Chavez d’étendre sa révolution bolivarienne à d’autres pays dans la région » (El Pais, 9 Mai).

    La classe ouvrière, du fait de son rôle dans le processus de production et de son pouvoir collectif potentiel, est la clef capable de mener à bien la révolution socialiste au Venezuela et de vaincre les forces de la réaction. Mais, bien que la classe ouvrière ait été impliquée dans le mouvement de masse dans les moments les plus cruciaux, elle n’a été qu’un élément parmi d’autres. La classe ouvrière n’a pas été consciente de son propre pouvoir ou de la responsabilité qu’elle a de diriger les masses pour transformer la société. A différents moments, Chavez a encouragé la participation des masses mais cela avec des limites strictes. Et sans un programme clair pour faire avancer le processus révolutionnaire, le mouvement risque de stagner et de se démobiliser. Chavez n’a pas encouragé, en particulier, l’indépendance d’action des travailleurs. Pendant, par exemple, une récente grève des travailleurs du métro de Caracas, un conseiller de Chavez a demandé que les grèves soient interdites dans le secteur public et Chavez lui même a menacé d’envoyer la garde nationale contre les grévistes. La tâche principale d’un parti révolutionnaire au Venezuela n’est pas de conseiller Chavez sur la façon de diriger la révolution mais de renforcer et d’étendre les organisations de la classe ouvrière ainsi que de mettre en avant des revendications qui augmenteront la confiance des travailleurs dans leur capacité à changer la société ainsi qu’en augmentant leur compréhension de ce qui est nécessaire à chaque étape d’un processus révolutionnaire. Cela devrait inclure une explication sur la façon dont la classe dirigeante utilisera la cogestion pour défendre ses propres intérêts et sur la nécessité de construire et de renforcer les comités de travailleurs qui seuls pourraient être capables de mettre en application un contrôle réel et une gestion ouvrière des lieux de travail comme un pas en avant vers une planification démocratique de toute l’économie. Des éléments de contrôle ouvrier existent déjà sur certains lieux de travail. Dans la compagnie d’Etat de production d’aluminium ALCASA, par exemple, les travailleurs élisent ceux qui gèrent l’entreprise, ceux-ci ne reçoivent que l’équivalent de leur salaire précédent (comme ouvrier) et peuvent être révoqués. Un récent meeting national des travailleurs, convoqué pour discuter de la cogestion et du contrôle ouvrier a accepté : « d’inclure dans les propositions pour une cogestion révolutionnaire que la compagnie doit être la propriété de l’Etat, sans distribution des actions aux travailleurs, et que chaque profit doit être réparti selon les besoins de la société à travers des conseils de planification socialiste. Ces conseils de planification socialiste doivent être compris comme les organes qui mettent en application les décisions des citoyens réunis en assemblée ». Un véritable programme socialiste révolutionnaire devrait appeler à une démocratisation des organisations de la révolution bolivarienne, à la formation et à l’extension de comités d’entreprises démocratiques et de lier ceux-ci aux comités élus dans les quartiers, dans les forces armées, et ce au niveau local et national.

    En plus de tout ça, des forces de défense ouvrière doivent être formées pour défendre le mouvement contre la réaction. Chavez a reconnu la nécessité de défendre la révolution contre l’agression impérialiste et il a doublé les réserves de l’armée, mis sur pied « des unités de défense populaire » sur les lieux de travail et dans les campagnes. Mais tout cela sera sous son propre commandement et non sous le contrôle démocratique des organisations de la classe ouvrière et des masses pauvres. La solidarité des travailleurs dans le reste de l’Amérique latine et internationalement est aussi un moyen vital de défense. De son point de vue, Chavez est un internationaliste. En imitant son héros, Simon Bolivar, il se voit lui même comme le dirigeant de l’alliance anti-impérialiste en Amérique latine et il utilise le pétrole et les revenus du pétrole pour promouvoir ses objectifs. On voit de récentes initiatives comme par exemple le lancement de Télésur, une compagnie de télé continentale, ainsi que Pétrosur et Pétrocaribe, qui sont des accords avec différents pays d’Amérique Latine et des Caraïbes autour de l’exportation, de l’exploitation et du raffinage du pétrole. Il a aussi utilisé l’argent du pétrole pour racheter la dette de l’Argentine et de l’Equateur en « solidarité » contre les marchés financiers internationaux. Mais Chavez s’est orienté principalement en direction de dirigeants qui appliquent une politique néo-libérale, plutôt que d’en appeler à la classe ouvrières et aux masses pauvres. Le président brésilien Lula, par exemple, a appliqué des politiques d’attaques contre la classe ouvrière et son parti est mêlé à un sérieux scandale de corruption.

    De plus, durant une récente visite, Chavez a félicité Lula et a interprété ce scandale de corruption comme une « conspiration de droite ».

    Chavez est accusé par l’impérialisme d’exporter la révolution à d’autres pays d’Amérique Latine. Mais quand des travailleurs du secteur pétrolier sont partis en grève dans deux Etats d’Amazonie en Equateur en août dernier, demandant que plus de ressources soient investies dans les communautés locales et qu’une compagnie pétrolière US soit virée du pays, Chavez a effectivement joué le rôle de casser la grève, prêtant du pétrole au gouvernement équatorien pour compenser la « perturbation » que les grévistes ont entraînés sur les réserves. En opposition à tout cela, après le passage de l’ouragan Katrina, on a perçu comment une véritable politique internationale de solidarité parmi la classe ouvrière pourrait être menée. Comme Chavez, un gouvernement ouvrier démocratique aurait immédiatement offert de l’aide tout en exposant comment le capitalisme place les profits avant les vies des plus pauvres dans la société, et comment l’impérialisme US est totalement incapable de répondre aux besoins des travailleurs américains en temps de crise ainsi que dans des temps « d’accalmie ». En même temps, il aurait créé des liens avec la classe ouvrière et les organisations des communautés aux Etats Unis pour promouvoir le contrôle démocratique de la distribution de l’aide dans les régions affectées, renforçant ainsi la confiance et la conscience de la classe ouvrière américaine.

    L’Amérique Latine est un continent en révolte. La victoire d’une révolution socialiste démocratique au Venezuela aurait un impact électrique sur la classe ouvrière et sur les masses pauvres de la région et cela aux Etats-Unis même. La classe ouvrière vénézuélienne est maintenant face au défi de construire et de renforcer leurs organisations, ceci incluant la création d’un parti révolutionnaire de masse avec un programme qui sera capable d’assurer la victoire de la révolution dans sa lutte contre la contre-révolution.

  • Contre la guerre, la misère et l’occupation: construis Résistance Internationale

    Il n’y a jamais eu autant de richesses qu’aujourd’hui, pourtant le gouffre entre les pauvres et les riches est de plus en plus grand. Au niveau mondial, les 200 personnes les plus riche possèdent autant que 2,3 milliard des plus pauvre. En Belgique aussi, nous pouvons voir cette situation. Les dix dernières années, le nombre de pauvres en Belgique est passé de 6% à 13%. En 20 ans, la moyenne des allocations de chômage a diminué de 42% du dernier salaire à de 28% du dernier salaire.

    Nikei De Pooter

    Dans une ville comme Anvers, 1 personne sur 4 est au chômage. Depuis un certain nombre d’années, le gouvernement en train d’ épargner sur l’enseignement, sur nos allocations, sur les retraites et tous les autres acquis pour lesquels nos parents et nos grands-parents se sont battus..

    Parallelement, l’impact du monde des entreprises sur nos vies est de plus en plus grand. Nos festivals sont achetés par la multinationale américaine Clear Channel, qui ne fait qu’augmenter les prix, on voit de plus en plus de pubs pour Nike et des boissons froides dans nos écoles, partout à la télé et dans les magazines, on nous dit qu’il faut être les plus beaux, les meilleurs et les plus sportifs, … en fait tout notre environnement de vie est commercialisé. A tous les niveaux, ils essaient de faire des profits.

    Pendant nos études, nous devons faire du travail gratuit via nos stages obligatoires dans les entreprises. Et quand on aura terminé nos études, nous trouverons d’abord des jobs intérims à bas salaires et ultraflexibles. Pour les jobs qui sont encore disponibles et pour les structures sociales qui restent encore, il y a un dur combat. Le racisme est l’expression de ce combat dans les couches les plus pauvres de la société. Par le manque de perspectives, les gens cherchent des solutions individuelles à leurs problèmes et les trouvent dans le racisme.

    Au niveau international, le capitalisme signifie la guerre et la misère pour une majorité de la population mondiale Plus de la moitié de la population au niveau mondial vit avec moins de 2 dollars par jour. En Afrique, le niveau de vie n’a fait que reculé ces 20 dernières années. L’occupation de l’Irak est un exemple que l’impérialisme est prêt à utiliser des interventions militaires directes pour garantir leurs profits.

    Mais la résistance grandit. Dans toute l’Europe, les jeunes et les travailleurs entre en action contre la politique néo-libérale d’attaques des acquis sociaux et la diminution du niveau de vie. Le gouvernement est confronté à des grèves et à des manifestation massives. Aux USA, Bush perd de plus en plus de soutien.

    Dans différents pays européens, naissent des nouvelles formations à gauche de la sociale-démocratie et des verts. En Belgique, les syndicats ont annoncé qu’ils organiseraient des actions dans la fin de cette années contre les différent plansd’attaques de nos acquis. Déjà de plus en plus de jeunes cherchent une organisation où ils pourront se battre contre ce système capitaliste qui est responsable de l’augmentation de la pauvreté et de la misère. Nous voulons construire cette organisation avec Résistance Internationale et le Mouvement pour une Alternative Socialiste. Dans les écoles, les universites, les quartierset les entreprises, nous voulons organiser la résistance et construire notre organisation. Nous appelons tout le monde )à nous contacter pour mener avec nous la lutte pour une autre société, une société socialiste. Deviens actif, rejoins nous !

  • Scission syndicale aux USA. Quelle réponse syndicale pour les jeunes et les travailleurs précaires?

    Le 25 juillet, la grande confédération syndicale américaine AFL-CIO (qui regroupait la grande majorité des syndicats américains) a éclaté en deux lors de la Convention nationale qu’elle tenait pour fêter son 50e anniversaire. Cette scission se produit à un moment où le mouvement ouvrier connaît une crise historique aux Etats-Unis. Depuis des années, les salaires réels baissent, les boulots, qualifiés ou non, sont de plus en plus précaires et la flexibilité augmente. Des millions de travailleurs ont perdu leur assurancesanté, les pensions sont menacées. Dans le secteur privé, 7,9% des travailleurs seulement sont syndiqués, le niveau le plus bas depuis 1901 ! Au total, il n’y a plus que 12,5% de travailleurs à être syndiqués alors qu’il y en avait 33% en 1954.

    Luc Wendelen

    Depuis dix ans, l’AFL-CIO a dépensé des sommes énormes, à la fois pour mener des campagnes de recrutement de nouveaux membres et pour soutenir les campagnes électorales du Parti Démocrate, jugé plus favorable aux syndicats que les républicains de Bush. Mais cette orientation n’a pas enrayé le déclin syndical. C’est pourquoi six syndicats – le syndicat des employés des services (SEIU) qui est le plus grand syndicat de l’AFL mais aussi celui qui a grandi le plus et le plus vite ces dernières années, le syndicat des chauffeurs de camions (Teamsters), le syndicat des travailleurs du commerce et de l’alimentation (UFCW),… – ont créé un regroupement, la « Change to Win Coalition », qui appelait à augmenter fortement la part d’argent réservée au recrutement et à diminuer le soutien financier aux Démocrates. Ces syndicats ont fini par quitter en bloc l’AFL-CIO lors de la Convention.

    Mais le problème du mouvement syndical américain n’est pas principalement une question d’argent mais bien un problème de politique et de stratégie. Or, entre l’AFL et la nouvelle Coalition, il y a une différence d’accent mais pas de véritable différence de fond. Les sommes énormes dépensées pour recruter des membres n’ont pas pour but de construire des syndicats combatifs mais simplement de « donner une dignité et une voix à ceux qui travaillent » sans aucunement remettre en cause la course effrénée au profit des grandes sociétés. D’autre part, si l’AFL-CIO a gaspillé 150 millions de dollars pour soutenir le candidat démocrate John Kerry qui a pourtant mené une campagne favorable au patronat et à la guerre contre l’Irak, et qui n’était en fait qu’une version adoucie de Bush, la Coalition n’appelle pas à rompre avec les Démocrates et à créer un nouveau parti pour défendre les travailleurs. Enfin, les dirigeants de la Coalition ont décidé de quitter l’AFL-CIO sans que les 5 millions de syndiqués qu’ils représentent aient été consultés.

    Le mouvement syndical américain a connu sa plus forte croissance après la grande crise des années ’30 quand les syndicats ont mené et gagné des luttes et des grèves difficiles autour de revendications offensives qui ont fortement amélioré les salaires et les conditions de vie des travailleurs. Ce n’est qu’en renouant avec cette tradition que le mouvement syndical pourra de nouveau motiver et organiser les travailleurs. Mais il ne faut pas compter sur les dirigeants syndicaux actuels pour cela.

    Bien que le taux de syndicalisation soit beaucoup plus élevé en Belgique qu’aux USA (75% des travailleurs et 58% chez les seuls actifs), tout n’est pas rose chez nous.

    Ces dernières années, nous avons subi une offensive historique du patronat, et vu progresser la flexibilisation et reculer notre pouvoir d’achat. Toute une génération de jeunes ne connaît le syndicat que comme une organisation de services et non comme un organe de lutte. Or ce sont précisément ces jeunes qui atterrissent dans des boulots intérimaires, flexibles et mal payés dans des entreprises où la présence et l’activité syndicales sont difficiles.

    Pour changer les choses, il faut une campagne nationale tournée vers les jeunes pour les rendre actifs autour d’un programme combatif qui revendique de vrais boulots au lieu des jobs précaires et qui s’oppose à la flexibilisation à outrance. Ce combat devra commencer à la base puisque n’existe pas aujourd’hui de force d’opposition syndicale organisée nationalement. Ce sera donc une campagne de longue haleine, mais des exemples concrets de succès lors de luttes dans lesquelles une partie plus importante de la base est active peuvent montrer la voie à suivre. Ainsi, le fait que, dans le secteur non-marchand, la LBC (le syndicat des employés de la CSC en Flandre) a organisé de nombreuses réunions parmi le personnel et défendu un programme combatif, a montré les possibilités qui existent pour mobiliser les jeunes travailleurs. De telles expériences doivent être étendues sur les lieux de travail et être renforcées par des campagnes actives contre la détérioration des salaires et des conditions de travail.

  • Attentats de Londres. La répression n’empêchera pas le terrorisme

    Bush et Blair ont envahi l’Irak en affirmant qu’ils voulaient détruire les armes de destruction massive de Saddam Hussein et préparer un « monde plus sûr ». Non seulement ces armes n’existaient pas mais les terribles attentats de ces dernières semaines en Turquie, en Egypte, à Londres et bien sûr quotidiennement en Irak, montrent, tout en nous horrifiant, que le monde est devenu bien moins sûr.

    Jean Peltier

    Nouvelles mesures répressives

    Pourtant, pour Blair, les attentats de Londres n’ont aucun rapport avec sa politique en Irak, mais bien avec l’« idéologie maléfique » de certains musulmans! Il essaie ainsi de désamorcer l’opposition à la guerre en Grande-Bretagne, mais l’émotion populaire et la peur face aux attentats sont autant d’opportunités pour faire passer une série de mesures restreignant les libertés civiles. « Soutenir ou glorifier le terrorisme » deviendrait un délit Mais qu’est-ce que le terrorisme?

    Cette années, les ouvriers d’AGC Splintex furent qualifiés comme tels lorsqu’ils empêchèrent leur direction, sourde à toute dis-cussion, de sortir de leurs locaux. Le statut de réfugié serait refusé à toute personne « ayant participé au terrorisme ou ayant quoi que ce soit à voir avec lui » (idem). Les durées de détention de suspects par la police seraient étendues. Des tribunaux spéciaux composés uniquement de juges spécialement sélectionnés seraient constitués pour juger les actes de terrorisme. Le gouvernement britannique prépare aussi une définition du « comportement inacceptable » qui inclurait quiconque exprime des « vues extrêmes qui sont en conflit avec la culture de tolérance du Royaume-Uni ».

    Aux Etats-Unis existe depuis le 11 septembre un ensemble de mesures de ce genre, le Patriot Act (loi patriotique), utilisé contre des supposés terroristes mais aussi contre des manifestants anti-guerre et des militants du Parti Vert (le parti-frère d’Ecolo !). Aux USA comme en Grande-Bretagne et peut-être demain ailleurs, ces mesures représentent une menace très sérieuse pour tous ceux qui s’opposent au soutien apporté par beaucoup de gouvernements à la politique de Bush d’occupation de l’Irak et d’agression contre les peuples du Moyen-Orient, même si, comme nous, ils sont totalement opposés au terrorisme et qu’ils condamnent sans hésitation les attentats, surtout visant des populations civiles.

    Alternative à l’intégrisme

    Le climat de peur et de paranoïa que le gouvernement et une grande partie de la presse entretiennent, explique que les injures et actes anti-arabes et anti-musulmans se multiplient en Angleterre. La multiplication des opérations policières dans les quartiers immigrés, ne peuvent qu’aiguiser la peur et la colère parmi les jeunes musulmans qui se sentent de plus en plus rejetés et risquent de devenir plus sensib-les aux arguments des intégristes.

    L’intégrisme musulman – et sa branche politique et terroriste en particulier – est une mauvaise réponse aux frustrations ressenties par une grande partie des populations musulmanes, dans le Tiers-Monde comme en Europe, une réponse ultra-conservatrice et rétrograde qui divise les opprimés en fonction de leur religion. Les mesures répressives que prennent des gouvernements occidentaux participant à l’oppression de ces populations sont hypocrites et dangereuses: elles ne permettront pas de lutter efficacement contre l’intégrisme et le terrorisme mais elles risquent fort d’être utilisées de manière beaucoup plus large contre les travailleurs en lutte et tous ceux qui contestent le système actuel.

    Seule une politique réellement socialiste s’adressant à tous les opprimés, quelle que soit leur nationalité ou leur religion, pour lutter ensemble contre la misère, l’injustice, les discriminations et la domination impérialiste sur le monde, peut détacher les jeunes musulmans de l’intégrisme et du terrorisme. Et seul un mouvement uni des travailleurs autour d’une telle politique pourra mettre fin concrètement à toutes ces horreurs.

  • Etats-Unis. Ouragan Katrina: un désastre amplifié par le capitalisme

    Des centaines de milliers de personnes sont devenues sans abri. Des dizaines de milliers d’entre elles ont été envoyées au Texas en temps que réfugiées. Les immeubles se sont effondrés. Des quartiers entiers ont été réduits en gravats. La Nouvelle-Orléans, un des centres culturels et historiques des Etats-Unis, sera inhabitable pour plusieurs mois. Le nombre de morts causés par Katrina se comptera en centaines, si pas en milliers. Certains commentateurs avancent que c’était imprévisible, mais c’est un mensonge.

    Bryan Koulouris, New York, Etats-Unis

    Le Wall street Journal a même imprimé un journal intitulé, « l’évacuation était un modèle d’efficacité – pour ceux qui avaient une voiture. » Le sud profond aux Etats-Unis est aujourd’hui comparable au tiers monde en terme de pauvreté, et la Nouvelle-Orléans, en dépit de son côté touristique, n’est pas une exception.

    Pour les plus de 100.000 habitants pauvres de la Nouvelle-Orléans sans accès aux voitures, il y avait peu d’options. Vous pouviez cracher les quelques penny que vous aviez pour prendre un bus sortant de la ville, abandonnant vos biens, amis, et connaissances pour se retrouver dormant à la belle étoile dans une autre ville. Ou alors, vous pouviez aller au Superdome, où plus de 23.000 personnes avaient décidé d’attendre la fin de l’ouragan dans un stade conçu pour le football américain, pour être éventuellement transporté (après une évacuation dangereuse) vers le pas si proche Astrodome de Houston au Texas.

    Ou bien, comme des centaines de personnes l’avaient décidé (ou avaient été forcées à le faire), attendre cette évacuation sur leur toit ou dans leur grenier, assiégés par la destruction et les cadavres flottants ; en espérant seulement ne pas devenir l’un d’entre eux. La classe ouvrière et les pauvres avaient les maisons les moins stables, leurs maisons furent donc, de manière disproportionnée, les plus détruites.

    La Nouvelle-Orléans (et d’autres endroits à travers la Louisiane, le Mississipi, l’Alabama, etc.) n’ont pas d’eau potable et la distribution de nourriture a été négligée. Des travailleurs et des pauvres désespérés ont été poussés au « pillage » pour se nourrir. Se procurer nourriture, eau et marchandises de première nécessité est vital et les gens ne devraient pas être punis pour la tragédie qu’ils vivent. Les supermarchés peuvent se permettre d’abandonner de la nourriture ; les travailleurs faces à ce désastre, pas.

    Alors que cette crise frappe, plus de 6.000 gardes nationaux de Louisiane et du Mississipi sont en Irak pour soutenir l’occupation du pays (voulue par la classe dirigeante américaine) ne servant que les bénéfices d’Halliburton, Texaco, Bechtel et d’autres compagnies américaines. Théoriquement, la garde nationale n’est supposée s’occuper que des urgences intérieures (ils sont souvent utilisés pour briser des grèves) et s’il y a jamais eu un moment où ils étaient nécessaires dans une urgence intérieure, c’est bien celui-ci. Les priorités du gros business et de ses deux partis sont vraiment dévoilées ici.

    On estime actuellement que les seuls dégâts de la Nouvelle-Orléans coûteront des dizaines de milliards de dollars. Ca semble une somme incroyable, mais pensons-y : en seulement quelques mois, Bush et sa clique ont dépensé des centaines de milliards de dollar pour la guerre en Irak. Aujourd’hui, l’occupation coûte 5,6 milliards de dollars par mois.

    Visiblement pour les millionnaires et les milliardaires qui dirigent ce pays, la guerre et les profits passent avant le souci des gens ordinaires confrontés à la pire des situations. A cause, en partie, de la quantité astronomique d’argent consacré à la guerre pour le pétrole, des profits et du prestige, les gouvernements locaux et fédéraux ont fait des coupes de budget vaseuses qui ont causé, plus qu’autre chose, une diminution de l’argent destiné à s’occuper des désastres naturels.

    Prévention: les profits avant les gens

    Les dernières années ont vu une croissance significative du nombre d’ouragans et autres catastrophes naturelles dont certains résultent probablement des changements climatiques. Il aurait, bien sûr, été impossible de prévenir l’entièreté des dommages causés par Katrina, mais une grosse partie pouvait l’être. La Nouvelle-Orléans encerclée de trois côtés par l’eau (le Mississipi, le lac Pontchartrain et le golfe du Mexique) a atteint un niveau record d’inondations pendant l’ouragan.

    La ville a été construite en dessous du niveau de la mer et est protégée des inondations permanentes par un système de digues et de pompes. Les digues ont été conçues pour résister à des ouragans de niveau trois, mais Katrina était un ouragan de niveau quatre et il existe une multitude de technologies qui supportent même le niveau cinq.

    Le système de pompes qui extrait l’eau des endroits les plus bas fonctionne avec l’électricité pas avec des générateurs. Bien sûr, l’électricité n’a pas été coupée seulement à la Nouvelle-Orléans, mais bien sur toute la côte du golfe. Le système aurait pu fonctionner à l’aide de générateurs, mais cela aurait coûté de l’argent, de l’argent que les politiciens du « big business » n’était pas prêt à dépenser.

    Dans un article intéressant du New Orleans City Business daté du 7 février 2005, l’armée américaine constatait que des millions étaient nécessaires pour la protection de la Nouvelle-Orléans des ouragans et des inondations, mais « la plupart des projets ne seront pas financés dans le budget fiscal de 2006 du président.» De 2001 à 2005, les dépenses gouvernementales dans des projets de protection des inondations massives pour la Nouvelle-Orléans sont tombées de manière drastique de 147 millions de dollars à 82 millions.

    Le corps d’armée des ingénieurs est responsable de la maintenance des défenses contres les inondations et en juin de l’an dernier, son chef de projet (Al Naomi) vint avant que l’autorité de la digue d’East Jefferson ne réclame 2 millions $ pour « travaux urgents » que Washington ne payait pas. « Les digues s’affaiblissent » dit-il, « tout s’affaiblit, et si nous n’obtenons pas suffisamment vite l’argent pour les renforcer, alors nous ne pourrons plus protéger les constructions. »

    Toutes les études ont montré que les quartiers pauvres et ouvriers, comme le nécessiteux “Lower Ninth Ward” de la Nouvelle-Orléans, sont les plus durement frappés par les inondations à cause du manque d’investissements dans la prévention.

    Ils clament qu’il n’y avait pas d’argent pour la prévention, pourtant des millions ont été injectés dans United Airlines par le gouvernement fédéral. Des milliards sont dépensés dans la destruction, l’occupation et l’oppression en Irak. Et ils ne peuvent financer des projets pour minimiser les dommages de catastrophes inévitables ? Ridicule…

    Avec le contrôle du plan d’urgence par le « big business », la situation semble mauvaise pour les masses pauvres de la côte du golfe. Même si le niveau de l’eau se normalise, les cadavres, la nourriture avariée et les eaux putrides vont mener à des épidémies et la certitude de la maladie pour celui qui retournerait dans la région. L’électricité et l’eau potable ne seront pas prêt non plus pour une utilisation de masse.

    Pour le moment, Wall street ne s’inquiète pas de la situation dramatique vécue par des millions de gens à cause du désastre. Ils sont inquiets à propos de l’essentiel : les profits. Et plus spécifiquement du pétrole. La côte du golfe a beaucoup, si pas la plupart, de raffineries pétrolières des USA. Avec la montée en flèche du prix du gaz et une crise importante de l’énergie dans de nombreux endroits, les grands manitous de Wall Street s’inquiètent de « la confiance des investisseurs » et d’un « effet boule de neige » dans la chute des stocks.

    Ils devraient être inquiets. L’économie américaine et l’économie mondiale seront massivement affectées par ces évènements. La classe ouvrière a déjà été frappée très durement. Les travailleurs ne peuvent laisser le « big business » leur faire porter le fardeau des problèmes économiques ; et c’est ce qu’ils feront quand ils nous demanderont de « nous serrer la ceinture .» Bush et son gang sont inquiets. La colère monte envers lui sur plusieurs sujets, la guerre qui s’éternise en Irak, le revenu instable et sa coupe massive des taxes pour les riches. Souffrant déjà d’un taux d’approbation au plus bas, Bush craint que la catastrophe ne le mine d’avantage avec la compréhension des responsabilités de son gouvernement dans la coupe des budgets des défenses contre les inondations et de l’envoi de la garde nationale en Irak. L’ouragan Katrina pourrait être un moment charnière dans lequel la colère passive se transformerait en opposition active.

    Nous devons combattre le « big business » pour un désastre qu’il a aidé à amener et qu’il a empiré. Nous devrions exiger un contrôle par la communauté et les travailleurs des ressources d’aide. Nous devrions exiger des milliards en aide et en prévention des catastrophes naturelles. Le gouvernement fédéral doit fournir l’entretien complet et sans restrictions à ceux qui ont perdu leur emploi, il doit y avoir un programme de construction de bonnes habitations publiques d’urgence pour tous ceux qui sont maintenant sans toit, des prêts sans intérêts doivent être donnés aux petites affaires et aux fermiers pour leur permettre de reconstruire, un financement fédéral doit être donné aux états pour compenser leurs pertes de revenu en taxes. Nous devons organiser des manifestations de masse, des grèves, des actions concrètes pour renverser les coupes budgétaires, taxer les riches, et obtenir des fonds pour des programmes comme des soins de santé universels, un enseignement de qualité et des travaux publics qui offrent des emplois décents.

    Le système capitaliste a ses priorités : rendre les actionnaires heureux en augmentant leurs profits. Pour faire des profits, ils veulent garder nos salaires bas. Les grosses entreprises ne veulent pas être taxées pour payer nos programmes sociaux, donc ils payent des politiciens qui font passer des lois et des budgets dont bénéficient les super riches. Nous avons besoin d’un parti qui représente les travailleurs, un parti qui ferait de la pauvreté, de la guerre, du racisme et de la destruction environnementale de l’histoire ancienne. Nous avons besoin d’un parti des travailleurs avec un programme socialiste qui combattra le « big business » jusqu’au bout.

  • Venezuela: Rapport du Festival Mondial de la Jeunesse

    Un groupe de membres du Comité pour une Internationale Ouvrière (notre organisation internationale) venus du Chili, d’Autriche, d’Angleterre et du Pays de Galles a fait une intervention très réussie au Festival mondial de la Jeunesse qui s’est tenu à Caracas au Venezuela. Beaucoup de jeunes se présentent comme socialistes et ont envie de discuter si et comment la « révolution bolivarienne » peut conduire au socialisme et faire progresser substantiellement le niveau de vie des masses vénézuéliennes. L’article qui suit reprend des extraits du « Journal de bord vénézuélien » écrit par Sonja Grusch, qui est la porte-parole du Parti Socialiste de Gauche (SLP), notre organisation sœur en Autriche, et membre du Comité Exécutif International du CIO.

    Sonja Grusch

    De grands espoirs (4 août)

    Des milliers de jeunes du monde entier vont se rassembler sur le thème de cette année “Pour la paix et la solidarité – Nous combattrons contre l’impérialisme et la guerre ».

    Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle le Venezuela est pour le moment une destination intéressante. Depuis l’élection d’Hugo Chavez comme président en 1998, le pays se trouve de plus en plus sous les feux de la rampe. La ‘Révolution Bolivarienne’ ne laisse personne indifférent. A côté de fermes partisans, il a aussi des opposants déterminés. Le pays a connu ses premières nationalisations d’entreprises et de terres. Les opposants se trouvent pour l’essentiel dans la classe dominante et dans certains secteurs de la classe moyenne au Venezuela mais également aux Etats-Unis.

    Le Venezuela est un des plus importants producteurs de pétrole pour les USA et un modèle populiste radical comme celui fourni par le gouvernement de Chavez, qui bénéficie d’une sympathie très étendue parmi les masses populaires de tout l’Amérique Latine, est un coin enfoncé dans l’impérialisme US.

    Sur le chemin menant à l’aéroport, j’ai vu une suite sans fin de graffitis et de peintures murales. Les opposants prétendent qu’une invasion cubaine est à l’ordre du jour. Il y a aussi beaucoup de graffitis contre Fidel et contre le communisme. Mais la seule « invasion » cubaine qu’on peut voir, ce sont les 10.000 médecins qui permettent à des milliers de gens d’avoir accès aux soins de santé.

    Mais la majorité des graffitis soutient Chavez et sa politique. Au cours des dernières années, des écoles et des universités ont ouvert, des programmes d’alphabétisation ont été mis en œuvre et d’énormes pas en avant ont été faits dans le secteur de la santé. Mais, malgré toutes ces améliorations, j’ai vu beaucoup de sans-abri dans le centre-ville de Caracas. Les bidonvilles et la misère sont encore largement répandus. Un élément qui illustre le niveau de la misère, ce sont les mesures de sécurité prises par les commerçants et les autres indépendants. Les fenêtres sont grillagées ou barricadées et, dans de nombreux magasins et hôtels, on ne peut entrer qu’une fois les portes déverrouillées et ouvertes de l’intérieur.

    Les attentes sont très grandes dans le pays où 80 % de la population est encore officiellement considérée comme pauvre. Les prochains jours, je veux essayer de comprendre qu’elles sont les attentes et les espoirs des gens et ce qu’ils pensent des changements en cours.

    Au cours des derniers mois, un débat sur le « socialisme » a démarré dans le pays. De plus en plus de gens se demandent s’il est possible de trouver dans le cadre du capitalisme une solution aux nombreux problèmes qui se posent aujourd’hui. Chavez a parlé d’un « socialisme du 21e siècle ». Mais ce que cela signifie pour lui n’est pas clair. Cette question – quel type de socialisme et, plus encore, comment y parvenir et comment le développer – sera la question centrale de ma visite.

    Sous le signe des élections (5 août)

    Dimanche il y aura des élections locales au Venezuela. C’est perceptible à chaque coin de rue, mais la manière de le voir dépend du quartier on se trouve. La différence est frappante entre les quartiers les plus pauvres et les plus riches de Caracas. Les quartiers pauvres de Valle et Coche sont presque entièrement pro-Chavez. A première vue, ces quartiers semblent assez pittoresques. Il y a beaucoup de petites maisons, parfois peintes, s’agrippant à flanc de montagnes. Mais quand on y regarde de plus près, cette impression change rapidement. La plupart de ces maisons ont été construites illégalement, sont très petites et presque construites les unes sur les autres. La plupart ne sont pas cimentées et sont partiellement construites en tôle ondulée.

    La pauvreté est omniprésente. Un jeune homme attend à l’extérieur d’un immeuble grillagé à appartements que quelqu’un lui demande de ramener ses courses à la maison. C’est un moyen pour lui de se faire quelque bolivars (la monnaie du pays). Un vieil homme aveugle erre de café en café en faisant tinter une cannette . En regardant les bus et les autos, on se demande comment ils peuvent encore rouler. Les affiches de l’opposition ne durent pas très longtemps ici.

    Dans les quartiers riches de la ville, il en va tout autrement. On se retrouve là comme dans une grande ville européenne : de grosses autos avec des gens bien vêtus. Et ici on trouve des affiches de l’opposition. Ce qui frappe, c’est que les candidats de l’opposition ont pour la plupart un teint beaucoup plus clair que la majorité de la population. Les différences sociales et de classes sont très visibles.

    Même si le soutien à Chavez et sa politique est grand, on se demande si la participation aux élections sera élevée. Il y a des critiques sur la manière dont les candidats sont sélectionnés : ils sont souvent choisis par en haut, beaucoup sont des inconnus dans les circonscriptions où ils se présentent. En fin de compte, il ne sera pas possible de résoudre les problèmes sociaux par la voie des élections.

    Les slogans qui appellent au socialisme se retrouvent partout. Mais le socialisme exige la démocratie et une participation active de la population. Les travailleurs, les paysans, les jeunes et les pauvres ne doivent pas être de simples observateurs, mais doivent prendre la direction du processus.

    Au Venezuela, une grande partie de l’économie, et en particulier l’industrie pétrolière, est nationalisée. En plus, il y a eu d’autres nationalisations au cours des derniers mois. Une discussion sur la « cogestion » est en cours. En fonction des gens avec qui on discute, cela peut signifier une participation des travailleurs, une co-direction de l’entreprise ou une autogestion par les travailleurs. Ce débat et les résultats qui en sortiront seront décisifs pour la période à venir.

    Les élections et le début du festival (7 août)

    14,4 millions de Vénézuéliens peuvent aujourd’hui apporter leur voix pour élire le gouverneur d’Amazonas, deux bourgmestres mais surtout 5.596 représentants locaux.

    Il est impossible de dire combien de partis participent aux élections. Le vote est électronique, ce qui sera probablement utilisé par l’opposition pour accuser Chavez de fraude électorale. Etrangement, cette même opposition ne considère pas que les votes électroniques aux USA soient anti-démocratiques alors qu’il y a eu néanmoins de nombreux « incidents » douteux. Devant les bureaux de votes il y a de longues files, mais il est difficile de préjuger quelle sera la participation.

    Le réceptionniste de mon hôtel me raconte qu’initialement dans ce quartier il y avait presque 100% de voix pour Chavez. Mais un certain nombre d’électeurs sont déçus parce qu’il n’a pas tenu toutes ses promesses et que, de toute évidence, il y a des gens qui se remplissent les poches au passage. Il dit qu’en général la corruption est un problème.

    Il est difficile de contrôler ce genre d’affirmations. Dans les médias qui sont dominés par l’opposition, on trouve beaucoup d’articles négatifs sur Chavez. Il est possible qu’un certain nombre de critiques soient réelles, mais beaucoup sont fausses ou racontées d’une manière complètement déformée.

    Un membre du CIO qui a visité le pays lors du référendum en août 2004 et qui est maintenant du nouveau sur place, raconte comment la situation a évolué depuis lors. A l’époque il y avait des discussions partout, dans la rue, les cafés, les transports publics,… Maintenant, tout cela a presque complètement disparu. Mais, en même temps, le « socialisme » est devenu un thème largement utilisé et un point de référence.

    Un processus révolutionnaire, comme celui qui se développe au Venezuela, porte en lui des éléments contradictoires et ne se développe pas en ligne droite. Mais il y a bien une donnée cruciale : le temps compte. Des possibilités et des opportunités s’ouvrent, mais elles peuvent de nouveau disparaître si elles ne sont pas utilisées à temps. La motivation pour les discussions était plus forte lors du référendum en 2004 quand la menace immédiate de l’opposition était plus palpable. Mais, à ce moment, l’essentiel du soutien à Chavez et à un nouveau Venezuela était orienté vers le terrain électoral.

    Aujourd’hui marque aussi l’ouverture du Festival de la Jeunesse. Mais, aujourd’hui comme hier, il sera cependant difficile de faire la fête parce que la Ley Seca (la « Loi sèche ») interdit la distribution d’alcool la veille et le jour des élections.

    Malgré cela, l’ambiance est bonne parce que le public, très majoritairement jeune, se réjouit de cet événement international et de passer du temps avec des gens qui pensent comme. Ils sont unis dans leur volonté de faire quelque chose contre la faim et l’exploitation, contre l’oppression et la violence et contre la guerre et le capitalisme.

    Les discussions seront intenses et également polémiques. Mais elles seront cruciales pour le Venezuela à cette étape de la lutte. Elles seront l’occasion d’apprendre du passé pour éviter les mêmes erreurs à l’avenir. Les évènements sanglants du 11 septembre 1973 au Chili ont prouvé que les tentatives de trouver un terrai commun et une unité avec la classe capitaliste se termine en défaite pour les travailleurs. Il y a également des leçons importantes à tirer de la révolution cubaine.

    Une opposition enragée et un long début du festival (9 août)

    Des discussions sérieuses se développent à propos du résultat des élections. D’une part, l’opposition se plaint que les bureaux de votes soient restés ouverts plus longtemps que prévu. D’autre part, on discute aussi de l’ampleur de la participation. L’opposition présente des chiffres montrant une abstention entre 77 et 78% des électeurs. Selon la commission électorale, ce chiffre n’atteint que 69,1%. Il faut savoir que ce sont des chiffres normaux pour des élections locales : en 2000, l’abstention était de 76,2%. Une partie de l’opposition avait même appelé au boycott des élections, ce qui rend leurs divagations à propos de la faible participation assez ridicule.

    Le parti de Chavez, le MVR (Mouvement pour une Cinquième République), a récolté 58% des sièges sur le plan national et l’ensemble des partis pro-Chavez en récoltent 80%. Cela semble être la véritable raison de la colère de l’opposition. Certains partis d’opposition ont un lourd passé de fraude électorale. Vu le manque de soutien de la population à leur égard, ils ne semblent pas avoir d’autre solution que de brandir des accusations de fraude.

    Le Festival de la Jeunesse a commencé hier. Les délégations des différents pays se sont rassemblées sur une grande place. Il y avait des jeunes et des moins jeunes. La délégation du CIO, même si elle était petite, a défilé en tant que groupe international. Elle comptait des camarades qui venaient d’au moins cinq pays différents. Notre matériel politique mettait l’accent sur les questions « Qu’est-ce que le socialisme ? », « Comment peut-on construire un mouvement pour le socialisme au Venezuela ? »,… Ces questions ont une énorme importance pour les Vénézuéliens. Nous ne pouvons pas distribuer gratuitement notre matériel. Il coûte assez cher en fonction du niveau de vie au Venezuela – 500 bolivars, l’équivalent d’une grande baguette au festival. Malgré cela, les gens font régulièrement la queue pour en acheter.

    Il y a un énorme intérêt pour les idées politiques. Les gens sont très ouverts et désireux de discuter, mais il y a également beaucoup de confusion sur ce que signifie le socialisme. Il y a un million de réponses à la question de ce qu’est le socialisme qui sont souvent contradictoires. Il n’y a certainement pas de réponse facile mais néanmoins la réponse sera d’une importance cruciale pour l’avenir du Venezuela.

    Le pétrole, source de richesse et de misère (10 août)

    Le Venezuela est un pays riche. Il est le cinquième plus grand producteur de pétrole à travers le monde. Mais l’énorme richesse de ce pays n’est pas redistribuée équitablement, c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis l’augmentation du prix du pétrole au milieu des années ‘70, les revenus de l’Etat ont quadruplé. Une partie de cette somme a servi à améliorer le niveau de vie des travailleurs et des pauvres. Mais cela n’a pas duré longtemps. Avec la baisse du prix du pétrole dans les années suivantes sont venues des mesures néo-libérales drastiques d’austérité qui ont eu des conséquences sociales dramatiques.

    Les revenus réels ont chuté. Le pouvoir d’achat de ceux qui touchaient le salaire minimum a été amputé des deux-tiers entre 1978 et 1994. Des coupes sévères ont eu lieu dans les services sociaux à tel point que les dépenses pour la sécurité sociale ont été réduites de moitié. Les pertes d’emplois ont été énormes et les conditions de travail sont devenues de plus en plus précaires. Le taux de chômage a explosé et beaucoup de gens ont dû se tourner vers le secteur informel pour survivre. En 1999, on estimait que 53 % de la population travaillait dans le secteur informel. Le taux de pauvreté a lui aussi explosé : entre 1984 et 1995, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté est passé de 36 à 66 %.

    Les partis dominants sont entrés en crise, à cause de leur arrogance et de leur implication croissante dans des scandales de corruption, mais surtout de la polarisation de la situation sociale. Chavez a réussi à offrir une alternative en mettant en avant une politique économique et sociale plus juste. Il s’est adressé « aux gens» et s’est engagé dans une direction de plus en plus anti-capitaliste. Un grand nombre d’améliorations ont eu lieu à l’initiative des ministres ou des « Missions » et de nouveaux emplois ont été créés, particulièrement dans le secteur public.

    Pendant le festival, il était parfois difficile de faire une distinction entre les ceux qui participaient aux activités et les salariés des services publics, comme les balayeurs et les nettoyeurs de rue. Tous portaient des T-shirts rouges avec des slogans pro-Chavez.

    Le programme d’alphabétisation mis en place a permis à plus d’un million de gens d’apprendre à lire et à écrire. Pour la première fois, les universités ont été ouvertes aux enfants de travailleurs et 3.200 nouvelles écoles sont aussi été construites. Des millions de gens ont, pour la première fois de leur vie, eu accès à des soins de santé. A tout moment, les gens parlent avec enthousiasme de ces améliorations et de la différence qu’elles font dans leur vie. Casanova, un dirigeant du MVR, a déclaré que « le pétrole était maintenant géré pour le peuple ».

    Il ne fait aucun doute qu’il y a eu d’énormes changements, même si la misère reste également énorme. La base de ces améliorations réside non seulement dans la volonté politique de changement, mais aussi dans le haut niveau des prix du pétrole. 50 % des dépenses publiques sont financées par les revenus pétroliers. Cela pose la question de savoir ce qui se passera si les prix du pétrole baissent.

    Une partie de la population espère que le processus actuel continuera indéfiniment et qu’elle connaîtra une augmentation continuelle et constante de son niveau de vie. Un enseignant m’explique que ce sera un long processus qui pourrait durer peut-être de 20 à 30 ans. Mais les gens sont-ils prêts à attendre si longtemps ? Peuvent-ils se permettre d’attendre si longtemps ? Et l’opposition bourgeoise et l’impérialisme se contenteront-ils d’observer ce processus en restant silencieux pendant encore 20 ans ? A toutes ces questions, on doit répondre par la négative.

    Le salaire minimum qui n’existe que dans le petit secteur formel est de 405.000 bolivars par mois. La compagnie d’électricité, Cadafe paie un salaire moyen de 600.000 bolivars par mois à ses travailleurs. Un repas bon marché coûte 6.000 bolivars, un petit yogourt 1.000. Un ticket de métro coûte entre 300 et 350 bolivars, une bière entre 1.000 et 1.500. Il n’y a pas d’allocations de chômage et les pensions sont une exception. C’est ce qui fait que la discussion sur le socialisme est si importante.

    Mais, comme je l’ai dit, le terme de socialisme a ici beaucoup de significations. Cela vaut également pour ce qu’on appelle la « co-gestion ». Certains y voient ou veulent y voir le contrôle des travailleurs et même la gestion par les travailleurs. Mais ce n’est pas nécessairement ce que le gouvernement entend par là. Ses représentants disent que cela signifie la propriété par l’Etat et l’implication des travailleurs dans la gestion. On en parle aussi comme d’une distribution d’actions et d’un paiement de dividendes aux travailleurs et aux populations locales.

    Une société socialiste signifie plus que de permettre aux travailleurs de se faire entendre et d’avoir mot à dire. Le socialisme signifie un véritable contrôle ouvrier et une gestion par les travailleurs de la production et des moyens de productions.

    Pour préparer un Venezuela socialiste, un programme clair est indispensable. A notre stand au Teatro Teresa Carreno, toutes nos discussions sont centrées sur le socialisme. Nous ne discutons pas qu’avec les participants du festival, mais aussi avec les nettoyeurs, les balayeurs et les gardiens qui travaillent sur place. Tous veulent discuter et sont intéressés à chercher des réponses à leurs questions sur la manière de procéder. Ils souhaitent entendre notre point de vue. Ces discussions sont vraiment excitantes et il y a beaucoup de gens qui sont d’accord avec notre opinion que la question du socialisme est vitale.

    Une fête pour Chavez (12 août)

    Le festival dure depuis quelques jours et de plus en plus il se transforme en une fête massive pour fans de Chavez et de Che Guevara. Il y a des posters de tous les formats montrant Chavez posant face à Bolivar. Il y a des t-shirts avec Chavez, des porte-clés et des petites photos à glisser dans le portefeuille. On peut aussi acheter des discours de Chavez sur CD, des fichus et des bikinis… aux couleurs du drapeau vénézuélien.

    Notre stand est unique en son genre parce qu’il est le seul à l’entrée du Teatro Teresa Carenno à proposer du matériel politique.

    L’enthousiasme pour les changements dans le pays est compréhensible. Mais l’admiration et le soutien sans critique pour Chavez en tant que personne sont autre chose. Chavez est une figure-clé qui peut jouer un rôle décisif, mais il n’est pas seul et il n’est pas infaillible.

    Chavez ne peut pas remplacer l’organisation de la classe ouvrière. En contraste avec l’attitude de beaucoup de Vénézueliens (et je ne parle pas de l’opposition), critiquer Chavez est vu presque comme un acte de blasphème par beaucoup de visiteurs internationaux.

    Beaucoup veulent penser que Chavez est infaillible. S’il commet une erreur, ce sera mis sur le compte de mauvais conseillers. Malheureusement, cette attitude acritique n’aide pas à faire avancer le processus révolutionnaire. Celui-ci a besoin de discussions ouvertes qui permettent de prendre en compte différentes idées et propositions, de les confronter les unes aux autres, de développer des perspectives et, plus encore, de tirer les leçons du passé. La participation active des travailleurs, des jeunes et des pauvres dans la prise de décision est une condition élémentaire. Sans leur participation, il ne pourra y avoir de socialisme véritable et démocratique.

    Au meeting du CIO sur le thème « Qu’est-ce que le socialisme et comment le réaliser ? », un jeune Vénézuélien a expliqué que le Festival ressemblait à un événement destiné à promouvoir le gouvernement. Beaucoup sont contents d’avoir la possibilité de discuter avec nous à notre stand.

    Tous les discours sur l’apolitisme des jeunes ont été démentis une fois de plus. Des jeunes venus de partout dans le monde sont ici pour discuter de politique. Le Festival est aussi l’expression de la solidarité et du soutien à la révolution bolivarienne. Une fois de plus, cela montre clairement que le peuple n’est pas trop mauvais ou trop égoïste pour le socialisme, mais que c’est le capitalisme qui est mauvais pour le peuple.

    Pour le socialisme, mais quel socialisme ? (15 août)

    Aujourd’hui, c’est le dernier jour du festival. Les deux jours précédents s’est tenu le tribunal anti-impérialiste qui a mis en évidence les crimes de l’impérialisme – les guerres contre le Vietnam et l’Irak, la misère et la faim, la répression et les attaques contre les droits démocratiques.

    Des milliers de gens dans la salle et des milliers d’autres dehors sont venus écouter le discours de clôture de Chavez. A côté de nombreuses références historiques à Bolivar, Sandino, Miranda et d’autres encore et de suggestions de livres à lire, Chavez a cité les fameuses paroles de Rosa Luxembourg : Socialisme ou Barbarie. L’enthousiasme avec lequel le socialisme est vu comme une alternative est un développement relativement récent. Après l’effondrement des Etats staliniens à fin des années ‘80, le socialisme était devenu très impopulaire.

    La situation a commencé à changer à nouveau la naissance du mouvement anti-mondialisation et a trouvé son expression dans le slogan « Un autre monde est possible ». Cependant, la signification exacte du mot « autre » n’était pas très claire.

    Depuis lors, beaucoup de choses ont changé. La classe des travailleurs est de retour dans l’arène de la lutte et nous avons assisté à de nombreuses grèves et grèves générales dans de nombreux pays et à de soulèvements et des mouvements insurrectionnels qui ont provoqué la chute de présidents et de gouvernements en Asie, en Afrique, en Amérique Latine et ailleurs.

    La discussion sur ce que peut être « l’autre monde possible » a continué d’avancer. C’est le message que je veux ramener chez moi de ce Festival.

    En 1997, lors du Festival de la Jeunesse à Cuba, la discussion sur le socialisme comme alternative au capitalisme était moins présente. En 2005, à Caracas, il y a presque un consensus sur le fait que le socialisme était l’alternative au capitalisme.

    Chavez a reçu le plus d’applaudissements quand il a fait référence au socialisme. Friedrich Engels a dit en son temps que le socialisme ne marquerait que le commencement de l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, nous nous n’en sommes qu’au début du commencement.

    Mais qu’est ce que c’est exactement le socialisme ? Que veut dire Chavez quand il parle du socialisme du 21e siècle ? Qu’est-ce que les Vénézuéliens et les participants au festival entendent par là ? Il est clair que cela signifie une répartition plus juste des richesses et l’élimination de la misère. Mais, à ce stade, beaucoup n’ont pas une idée plus claire ou plus élaborée de ce que signifie le socialisme.

    Chavez n’est pas plus clair quand il décrit le socialisme du 21e siècle. Il voit comme partenaires tant Fidel Castro (alors qu’à Cuba manque cruellement une démocratie pour les travailleurs) que Lula (dont le parti et le gouvernement sont impliqués actuellement dans un scandale majeur de corruption et qui est confronté à des actions de protestation contre l’application de mesures néo-libérales). Chavez a fait des références positives à Poutine (qui restreint les droits démocratiques et mène une guerre sanglante contre la Tchétchénie) et à l’établissement d’une Zone de Libre Commerce en Amérique Latine.

    Chavez a glissé vers la gauche, mais n’a pas un programme clairement socialiste. Le socialisme ne va pas se réaliser de lui-même. Il faut une progression révolutionnaire consciente vers le socialisme et un renversement actif du capitalisme, sinon le danger existe d’un retour à une politique néo-libérale au Venezuela. Développer un tel programme et travailler au renversement du capitalisme et à la construction d’une véritable société socialiste démocratique est la tâche des socialistes révolutionnaires aujourd’hui.

  • Mouvement anti-guerre. Une majorité d’Américains veulent le retrait des troupes d’Irak

    Mouvement anti-guerre

    Semaine après semaine et sondage après sondage, deux grandes tendances se confirment aux Etats-Unis. La popularité de Bush plonge et est maintenant nettement en dessous des 50% tandis que l’hostilité à la poursuite de l’occupation militaire de l’Irak grandit.

    Jean Peltier

    Début juin, un sondage réalisé pour le quotidien USA Today indiquait que 59% des Américains souhaitent que les Etats-Unis procèdent à un retrait total ou partiel de leurs troupes d’Irak.

    Les deux tendances sont évidemment étroitement liées. Malgré le pilonnage pro-guerre et pro-Bush des grands médias, les Américains se rendent compte que, loin de s’améliorer, la situation continue à se dégrader en Irak. David Rumsfeld, secrétaire à la Défense et va-t’en-guerre de première classe, a dû le reconnaître lui-même en déclarant que " L’Irak n’est statistiquement pas plus sûr aujourd’hui qu’après la chute de Saddam Hussein ".

    Les statistiques qui tracassent Rumsfeld ne sont sans doute pas les 100.000 Irakiens qui, selon des estimations réalisées pour les Nations-Unies, ont trouvé la mort depuis l’invasion américaine. Ce sont plutôt les pertes matérielles et humaines qu’encaisse l’armée US – plus de 1.600 GI sont morts depuis que Bush a annoncé la fin de la guerre il y a deux ans – et l’effet que cela a sur le moral des troupes. Car celui-ci part en chute libre. Beaucoup de soldats sont partis en Irak persuadés qu’ils allaient libérer le pays et qu’ils seraient accueillis à bras ouverts par la population. Or, à la place de fleurs, ce sont des crachats, des pierres et une hostilité générale qu’ils reçoivent. Quand elles sortent de leurs bases ultra-protégées, les patrouilles risquent à tout moment de tomber dans des embuscades. En réaction, les soldats tirent à vue aux contrôles routiers ou lors des attaques nocturnes contre les quartiers sensés abriter des " terroristes ", ce qui renforce en retour la haine dans la population.

    Désertions et résistance

    Cette situation de tension extrême est de plus en plus mal vécue par les soldats US. Malgré le blocus total mis par l’Etat-major sur toutes les informations concernant le contingent américain en Irak, des informations commencent à percer. Les auto-mutilations se multiplient, les soldats blessés espérant être renvoyés chez eux. Plus étonnant encore, l’armée US elle-même a dû reconnaître plus de 6.000 désertions depuis le début de la guerre. Durant la même période, le nombre de demandes du statut d’objecteurs de conscience a triplé. Tout comme pendant la guerre du Vietnam, des organisations de soldats revenus d’Irak et de parents de soldats morts se développent et jouent un rôle important dans le mouvement contre la guerre.

    Rien d’étonnant dans ces conditions que l’armée US rencontre aujourd’hui un autre gros problème, celui du recrutement. Le nombre de volontaires pour partir en Irak étant lui aussi en chute libre, l’armée est obligée de multiplier les opérations de recrutement dans les écoles. C’est pourquoi le mouvement anti-guerre aide à développer un mouvement d’étudiants et de lycéens contre le recrutement militaire, qui dénonce les mensonges et les fausses promesses des militaires et multiplie stands et réunions de contr’information dans les écoles.

    Si, dans les années ’60 et ’70, les Etats-Unis ont perdu la guerre, ce n’est pas uniquement sur le terrain – dans les rizières, les forêts et les quartiers populaires du Vietnam – mais tout autant sur les campus universitaires américains. La guerre actuelle en Irak pourrait bien elle aussi être perdue autant dans les écoles et les villes US que dans les sables de Bagad.

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