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Tag: Histoire
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1949 – La révolution chinoise

Dirigeant communiste s’adressant aux survivants de la Longue Marche. Le capitalisme et l’impérialisme ont été chassés du pays, mais le pouvoir politique est resté entre les mains d’un parti unique stalinien
En cette année du 60e anniversaire de la République populaire de Chine (c’est article a initialement été publié en 2009), le régime du Parti communiste chinois est particulièrement nerveux. Il dépend de plus en plus de campagnes de propagande prestigieuses, du style Jeux olympiques, pour s’assurer une certaine base de soutien ; en effet, malgré des décennies de croissance économique record, il est à présent confronté au mécontentement des travailleurs, des paysans et de la jeunesse.
Ma?o Tsé-Tou?ng (Mao Zedong), l’homme à la tête du Parti communiste chinois au moment de la fondation de la République populaire chinoise il y a 60 ans, a beau être crédité d’être le père fondateur de la nation, le point de vue officiel du régime actuel est que sa politique était une vision d’« ultragauche », qui a dû être « corrigée » par le retour à la loi du marché sous son successeur Te?ng Hsia?o-P’i?ng (Deng Xiaoping) en 1978. Pour en savoir plus sur la véritable histoire révolutionnaire de la Chine, nous devons tout d’abord nous pencher sur ses origines.
Par Vincent Kolo du groupe « Ouvrier chinois » (section chinoise du CIO), 2009
Le PCC (Parti communiste chinois) n’est pas arrivé au pouvoir à la tête d’un mouvement des travailleurs. Étant donné son orientation stalinienne et ses méthodes de même type, le PCC était à l’origine en faveur d’un programme limité, l’établissement d’une « nouvelle démocratie », dans le cadre d’une économie capitaliste. Mais, presque malgré lui, le PCC s’est retrouvé hissé à la tête d’une des plus puissantes vagues révolutionnaires de l’histoire mondiale.
C’est cette véritable fièvre révolutionnaire de masse, dans le cadre du contexte international qui se mettait en place après la Seconde Guerre mondiale, qui a poussé le régime de Mao à introduire les changements qui ont transformé la Chine de fond en comble.
Cela faisait longtemps que la Chine était connue comme « le grand malade » du continent asiatique ; c’était un pays pauvre, même par rapport au reste de l’Asie à cette époque. Avec son immense population (près de 500 millions d’habitants en 1949), la Chine était le plus grand « État failli » du monde et ce, depuis près de 50 ans.
De 1911 à 1949, la Chine était un territoire déchiré, partagé entre différents chefs de guerre, avec un gouvernement central corrompu, à la merci des interventions des puissances étrangères. Mais mettre une terme à la domination des comptoirs coloniaux et à l’occupation par des armées impérialistes étrangères n’a été qu’un des gains de la révolution parmi d’autres. Le régime de Mao a également introduit une des réformes foncières les plus importantes de l’histoire mondiale – même si elle n’était pas aussi étendue que la réforme foncière mise en place par la révolution russe, la population rurale concernée était quatre fois plus grande.
La révolution paysanne
Cette révolution paysanne a, comme le disait l’historien Maurice Meisner, « annihilé la classe féodale chinoise en tant que classe sociale (en lui ôtant toutes les terres qui constituaient la base de son pouvoir), éliminant ainsi pour de bon une des classes dirigeantes qui avait eu avait eu le règne le plus long de l’histoire mondiale, une classe qui avait pendant très longtemps représenté un obstacle majeur à la modernisation et au retour de la Chine sur la scène mondiale. »
En 1950, le gouvernement de Mao a également signé une loi sur le mariage qui interdisait les mariages arrangés, le concubinage et la polygamie, tout en facilitant l’obtention de divorces pour les hommes comme pour les femmes. C’était un des bouleversements les plus importants jamais vus dans l’histoire des relations familiales et maritales.
Lorsque le PCC a pris le pouvoir, 80 % de la population était analphabète. En 1976, à la mort de Mao, l’analphabétisme était tombé à 10 %. En 1949, l’année où Mao a pris le pouvoir, il n’y avait que 83 bibliothèques publiques dans tout le pays, et 80.000 lits d’hôpitaux – une situation d’arriération. En 1975, on y trouvait 1250 bibliothèques et 1.600.000 lits d’hôpitaux.
L’espérance de vie est passée de 35 ans en 1949 à 65 ans en 1975. Les innovations dans la santé publique et le système d’enseignement, la réforme de l’alphabet (simplification des caractères chinois), le réseau de « docteurs aux pieds nus » mis en place pour couvrir la plupart des villages ont en effet transformé les conditions des populations rurales pauvres. Toutes ces réalisations, à une époque où la Chine était bien plus pauvre qu’aujourd’hui, démontrent la faillite du nouveau système de marché libre et de privatisation qui a amené la crise dans les systèmes de santé et d’enseignement.
L’abolition du féodalisme était une précondition cruciale pour le lancement de la Chine sur la voie du développement industriel moderne. Le régime de Mao avait tout d’abord espéré pouvoir conclure une alliance avec certaines sections de la classe capitaliste et a laissé des pans entiers de l’économie entre les mains du privé. Mais il s’est rapidement retrouvé contraint d’aller beaucoup plus loin qu’initialement prévu, en expropriant même les « capitalistes patriotes » pour incorporer leurs entreprises dans un plan étatique sur le modèle du système bureaucratique en vigueur en Union soviétique.
Comparé à un véritable système de démocratie ouvrière, le plan maoïste-stalinien était un outil assez rudimentaire et brutal, mais un outil néanmoins, incomparablement plus vital que le capitalisme chinois corrompu et anémique qui l’avait précédé.
Au vu du caractère relativement primitif de l’économie chinoise au début de la révolution, le niveau d’industrialisation obtenue tout au long de cette phase d’économie planifiée est absolument époustouflant. De 1952 à 1978, la part de l’industrie dans le produit national brut est passée de 10 % à 35 % (données de l’OCDE). Il s’agit d’un des taux d’industrialisation les plus rapides jamais vus, supérieur au taux d’industrialisation du Royaume-Uni à l’ère de la révolution industrielle de 1801-1841 ou à celui du Japon lors de sa période de transition au capitalisme de 1882 à 1927 (ères Meiji et Taïsh?). Au cours de cette période, la Chine a bâti des industries nucléaires, aéronautiques, maritimes, automobiles et de machinerie. Le PIB mesuré en pouvoir d’achat s’est augmenté de 200 %, tandis que le revenu par habitant augmentait de 80 %.
Une révolution n’est pas l’autre
Les deux grandes révolutions du 20e siècle, la révolution russe de 1917 et la révolution chinoise de 1949, ont plus contribué à changer le monde que n’importe quel autre évènement au cours de l’histoire mondiale. L’une comme l’autre ont été la conséquence de l’incapacité du capitalisme et de l’impérialisme à résoudre les problèmes fondamentaux de l’humanité. L’une comme l’autre ont été des mouvements de masse d’une ampleur épique, et non pas de simples coups d’État militaires comme les politiciens bourgeois aiment le raconter. Ayant dit ceci, il faut cependant noter des différences fondamentales et cruciales entre ces deux révolutions.
Le système social établi par Mao n’était pas le socialisme, mais le stalinisme. C’est l’isolement de la révolution russe à la suite de la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe et ailleurs au cours des années 1920 et 1930 qui a fait arriver au pouvoir une bureaucratie conservatrice en Russie sous Staline, qui tirait son pouvoir et ses privilèges de l’économie étatique.
Tous les éléments de démocratie ouvrière – la gestion et le contrôle de l’économie et de la politique par des représentants élus et dépourvus de privilèges – avaient été anéantis.
Cependant, comme l’a expliqué Léon Trotsky, une économie planifiée a tout autant besoin de démocratie pour vivre que le corps humain a besoin d’oxygène. Sans cela, sous un régime de dictature bureaucratique, le potentiel de l’économie planifiée peut être dilapidé et au final, comme cela a été démontré il y a maintenant un peu plus de vingt ans, l’ensemble de l’édifice se voit menacé de destruction.
Mais c’est le modèle stalinien qui a été adopté par le PCC lorsqu’il a pris le pouvoir en 1949. Car même si l’URSS stalinienne était loin d’être un véritable système socialiste, l’existence d’un système économique alternatif au capitalisme et les gains visibles que cela représentait pour la grande masse de la population exerçaient un puissant pouvoir d’attraction et de radicalisation dans la politique mondiale.
La Chine et la Russie, en raison de leurs économies étatiques, ont joué un rôle important dans la politique mondiale en contraignant le capitalisme et l’impérialisme à faire toute une série de concessions, notamment en Europe et en Asie.
La révolution chinoise a accru la pression sur les impérialistes européens qui ont fini par évacuer leurs colonies dans l’hémisphère sud. Elle a aussi contraint l’impérialisme états-unien, craignant de voir ces pays suivre l’exemple chinois, à financer la reconstruction et l’industrialisation rapides du Japon, de Taïwan, de Hong Kong et de la Corée du Sud afin de pouvoir utiliser ces États en tant que satellites et zones-tampons pour contrer l’influence de la révolution chinoise.
Si tant la révolution chinoise que la révolution russe étaient dirigées par des partis communistes de masse, il existait des différences fondamentales entre ces deux partis tant en terme de programme que de méthode et avant tout en terme de base sociale. La révolution russe de 1917, dirigée par le parti bolchévique, avait un caractère avant tout ouvrier, un facteur d’une importance cruciale. C’est ce facteur qui a doté la révolution russe d’une indépendance politique et d’une audace historique qui a permis à tout un pays de s’engager sur une route qui n’avait jamais été ouverte auparavant. Les dirigeants de cette révolution, notamment Lénine et Trotsky, étaient des internationalistes qui considéraient leur révolution comme le début de la révolution socialiste mondiale.
Au contraire, les dirigeants du PCC étaient en réalité des nationalistes avec seulement un fin vernis d’internationalisme. Cela correspondait à la base paysanne de la révolution chinoise. Lénine a toujours dit que la paysannerie est la moins internationaliste de toutes les classes sociales. Ses conditions de vie, son isolement et sa dispersion, lui donnent une mentalité de village qui lui rend bien souvent difficile même le développement d’une perspective nationale.
Plutôt qu’un mouvement ouvrier de masse basé sur des conseils avec des dirigeants élus par la base (ces conseils, appelés en russe « soviets », étant le véritable moteur de la révolution russe) dirigé par un parti prolétarien marxiste démocratique (le parti bolchévique), en Chine, le pouvoir a été pris par une armée, l’Armée de libération du peuple chinois (ALP). La classe ouvrière n’a pas joué le moindre rôle dans la révolution chinoise – au contraire, elle a même reçu des ordres pendant la révolution de ne pas faire grève ni manifester mais d’attendre l’arrivée de l’ALP dans les villes.
La paysannerie est capable d’un grand héroïsme révolutionnaire, comme toute l’histoire de lutte de l’Armée rouge en Russie ou de l’Armée de libération du peuple en Chine l’a montré, que ce soit dans la lutte contre le Japon ou contre le régime dictatorial de Tchang Kaï-chek (Jiang Jieshi). Cependant, elle est incapable de jouer le moindre rôle politique indépendant. Tout comme les villages suivent toujours la ville, la paysannerie, sur le plan politique, est condamnée à toujours suivre l’une ou l’autre des classes urbaines : soit la classe prolétaire, soit la classe capitaliste.
En Chine, au lieu de voir les villes se tourner vers la campagne, le PCC est arrivé au pouvoir en construisant une base de masse parmi la paysannerie avant d’occuper les villes qui étaient essentiellement passives, fatiguées par des années de guerre. La base sociale de la révolution a eu pour résultat qu’elle a pu copier un modèle social existant (celui de l’URSS), mais pas en créer un nouveau.
La théorie de la « révolution par étapes »
L’orientation du PCC envers la paysannerie a été élaborée à la suite de la terrible défaite de la révolution chinoise de 1925-1927, une défaite causée par la théorie de la « révolution par étapes » promue par l’Internationale communiste sous la direction de Staline. Selon cette théorie, la Chine n’était encore qu’à l’étape « nationaliste-bourgeoise » de la révolution (avec un territoire national sous la coupe de différents chefs de guerre), et donc les communistes devaient soutenir et servir le Parti nationaliste (le Kouoo-mi?n tang / Guomin dang) bourgeois de Tchang Kaï-chek. L’impressionnante base jeune et ouvrière du PCC a été brutalement massacrée lors de la prise du pouvoir par le Parti nationaliste.
Mais si une importante minorité trotskiste s’est formée peu après cette défaite, tirant à juste titre la conclusion que la révolution chinoise devait être guidée par la classe ouvrière et non pas par les bourgeois, la majorité des dirigeants du PCC s’en sont tenus à la conception stalinienne de la « révolution par étapes », même si, ironiquement, ils ont eux-mêmes fini par comprendre qu’il fallait abandonner cette idée après leur prise du pouvoir en 1949.
Par conséquent, à la fin des années 1920, le principal groupe de cadres du PCC (pour la plupart issus de la petite-bourgeoisie intellectuelle), conservant ces idées erronées et pseudo-marxistes, est passé à la conception d’une lutte armée à partir du village. Tch’e?n Tou?-hsie?ou (Chen Duxiu), le fondateur du PCC, qui deviendra plus tard trotskiste et sera chassé du parti pour cette raison, avait averti du fait que le PCC risquait de dégénérer au rang de la « conscience paysanne », un jugement qu’on peut qualifier de prophétique. Alors que le parti comptait 58 % d’ouvriers en 1927, il n’en comptait plus que 2 % en 1930.
Cette composition de classe est restée pratiquement inchangée jusqu’à la prise de pouvoir en 1949, étant donné que la direction ne se focalisait plus que sur la paysannerie et rejetait les villes en tant que centres de la lutte.
On assistait en même temps à une bureaucratisation croissante du parti, au remplacement du débat et de la démocratie internes par un régime de décrets et de purges, avec le culte de la personnalité autour de Mao – toutes ces méthodes étant copiées de celles de Staline.
Un environnement paysan, une lutte principalement militaire, sont beaucoup plus enclins à donner naissance à une bureaucratie qu’un parti immergé dans les luttes du prolétariat. Par conséquent, alors que la révolution russe a dégénéré en raison d’un contexte historique défavorable, la révolution chinoise était bureaucratiquement déformée dès le début. C’est ce qui explique la nature contradictoire du maoïsme, d’importants gans sociaux accompagnés d’une féroce répression et d’un régime dictatorial.
La guerre d’occupation
Lorsque la guerre d’occupation japonaise a pris fin en 1945, l’impérialisme états-unien a été incapable d’imposer de façon directe sa propre solution pour la Chine. L’opinion publique avait en effet un fort désir de voir les soldats rentrer au pays. Les États-Unis n’ont donc pas eu d’autre option que de soutenir le régime corrompu et incroyablement incompétent de Tchang Kaï-chek en lui envoyant des quantités massives d’armement et de soutien financier.
Les États-Unis n’avaient cependant que peu de confiance dans le régime du Parti nationaliste chinois, comme l’exprimait le président Truman quelques années plus tard : « Ce sont des voleurs, il n’y en a pas un pour racheter l’autre. Sur les milliards que nous avons envoyé à Tchang, ils en ont volé 750 millions ».
Pour les masses, le régime « nationaliste » a été une véritable catastrophe. Ce fait est en grande partie oublié aujourd’hui, sans quoi nous n’assisterions pas au phénomène grotesque du regain de popularité de ce parti aujourd’hui en Chine parmi la jeunesse et les classes moyennes.
Au cours des dernières années du règne du Parti nationaliste, plusieurs villes étaient réputées être remplies de « personnes en train de mourir de faim dans les rues et abandonnées là ». Les usines et les ateliers fermaient en raison du manque de matières premières ou parce que leurs travailleurs étaient trop faibles pour pouvoir accomplir leur travail, tant ils avaient faim. Les exécutions sommaires par les agents du gouvernement, le crime omniprésent sous la tutelle des gangs mafieux, tout cela était la norme dans les grandes villes.
En plus de la redistribution des terres qu’il opérait dans les zones qu’il avait libérées, la plus grande force du Parti communiste était la haine de la population pour le Parti nationaliste. C’est également ce facteur qui a favorisé des désertions massives des soldats de Tchang Kaï-chek qui passaient à l’Armée de libération du peuple. À partir de l’automne 1948, à quelques exceptions près, les armées de Mao avançaient la plupart du temps sans aucune opposition sérieuse.
Dans une ville après l’autre, partout dans le pays, les forces du Parti nationaliste se rendaient, désertaient, ou se mutinaient pour rejoindre l’ALP. Dans les faits, le régime de Tchang qui pourrissait de l’intérieur présentait au Parti communiste des circonstances extrêmement favorables. Les autres mouvements de guérilla maoïste qui ont tenté de reproduire chez eux la victoire de Mao (en Malaisie, aux Philippines, au Pérou, au Népal) n’ont pas eu autant de chance que lui.
Les grèves des travailleurs
Avec une véritable stratégie marxiste, le Parti nationaliste aurait certainement pu être dégagé beaucoup plus rapidement et à bien moindres frais.
Dès septembre 1945, à la suite de la débandade militaire du Japon, jusqu’à la fin 1946, les travailleurs de toutes les grandes villes ont organisé une vague de grèves splendide, avec 200.000 grévistes rien qu’à Shanghaï. Les étudiants marchaient en masse dans les rues, dans le cadre d’un mouvement de masse qui reflétait la radicalisation des couches moyennes de la société.
Les étudiants exigeaient la démocratie et rejetaient la mobilisation militaire du Parti nationaliste dans le cadre de la guerre civile contre le Parti communiste. Les travailleurs exigeaient des droits syndicaux et des hausses de salaire après des années de blocage salarial.
Au lieu de donner une direction à ce mouvement prolétarien, le PCC a cherché à le freiner, appelant les masses à ne pas recourir à des « extrémités » dans le cadre de leur lutte. À ce moment-là, Mao était toujours convaincu de la nécessité d’un « front uni » avec la bourgeoisie nationale, qu’il ne fallait pas effrayer en soutenant les mouvements des travailleurs.
Les étudiants ont été utilisés par le PCC en tant qu’objet de marchandage afin de faire pression sur Tchang Kaï-chek, pour le convaincre de se rendre à la table des négociations. Le PCC a tout fait pour maintenir séparées les luttes des étudiants et les luttes des travailleurs.
Les lois inévitables de la lutte de classe sont ainsi faites qu’en s’efforçant de limiter ce mouvement, le PCC a automatiquement entrainé sa défaite et sa démoralisation. De nombreux militants étudiants et travailleurs se sont retrouvés pris par la vague de répression qui a ensuite été lancée par le régime nationaliste. Bon nombre ont été exécutés.
Une occasion en or a été ratée, ce qui a permis à la dictature du Kouo-min tang de prolonger sa vie d’autant d’années, tout en rendant les masses urbaines passives, simples spectatrices de la guerre civile qui se jouait dans le pays.
Après la révolution
Toujours aussi fidèle à la théorie stalinienne de la « révolution par étapes », Mao écrivait ceci en 1940 : « La révolution chinoise à son étape actuelle n’est pas encore une révolution socialiste pour le renversement du capitalisme mais une révolution démocratique bourgeoise, dont la tâche centrale est de combattre l’impérialisme étranger et le féodalisme national » (Mao Zedong, De la Nouvelle Démocratie, janvier 1940).
Afin d’accomplir ce bloc avec les capitalistes « progressistes » ou « patriotes », Mao a tout d’abord limité sa redistribution des terres (en automne 1950, elle ne concernait encore qu’un tiers du pays). De même, alors que les entreprises appartenant aux « capitalistes bureaucratiques » (les cadres du Parti nationaliste) avaient été nationalisées directement, les capitalistes privés ont conservé le contrôle de leurs entreprises, lesquelles, en 1953, comptaient toujours pour 37 % du PIB.
La situation a beaucoup changé avec le début de la guerre de Corée qui a éclaté en juin 1950. Cette guerre, qui s’est soldée par la division de la Corée entre une Corée du Nord, « communiste » (stalinienne) et une Corée du Sud capitaliste (sous protectorat états-unien), a fortement intensifié la pression des États-Unis, avec toute une série de sanctions économiques et même la menace d’un bombardement nucléaire sur la Chine.
Cette guerre, et la brusque intensification de la situation mondiale qui l’a accompagnée (c’était le début de la « guerre froide » entre l’Union soviétique et les États-Unis) a eu pour conséquence que le régime de Mao, pour pouvoir rester au pouvoir, n’a pas eu d’autre choix que d’accomplir la transformation complète de la société, accélérant le repartage des terres et étendant son contrôle sur l’ensemble de l’économie.
La révolution chinoise a donc été une révolution paradoxale, en partie inachevée, qui a permis d’obtenir d’énormes avancées sociales mais tout en créant une dictature bureaucratique monstrueuse dont le pouvoir et les privilèges ont de plus en plus sapé le potentiel de l’économie planifiée.
Au moment de la mort de Mao, le régime était profondément divisé et en crise, craignant que de nouveaux troubles de masse ne lui fassent perdre le pouvoir.
Un mécontentement grandissant face aux successeurs de Mao
Lorsque les dirigeants actuels de la Chine contemplent la gigantesque parade militaire du 1er octobre, sans doute pensent-ils en même temps aux problèmes croissants auxquels ils sont confrontés au fur et à mesure que la crise du capitalisme mondial s’approfondit. Les centres d’analyses du gouvernement ont déclaré que le pays a perdu 41 millions d’emplois en 2008 en raison de la baisse des exportations (-23 % cette année). En même temps, le nombre de grève se serait accru de 30 %.
Le gouvernement est agité. Ça se voit par sa décision de limiter à 200.000 le nombre de participants à la grande parade de la Fête nationale à Pékin – il y a 20 ans encore, on s’accommodait sans difficultés d’un million de participants. Le régime a également prohibé les cérémonies et parades dans les autres villes. Pour quelle raison ? Parce qu’il est terrifié que ces évènements pourraient être exploités pour en faire des marches contre son gouvernement. Partout dans le pays, le régime fait face à une opposition massive de la part de la population, pas seulement dans les régions d’ethnies non chinoises (comme l’Ouïghouristan à majorité turco-musulmane dans l’ouest, où d’ailleurs les Ouïghours n’étaient pas les seuls à marcher contre le régime, les Chinois aussi y étaient).
Les étudiants de deux universités de Pékin se sont mis en grève contre leur programme d’entraînement trop rigoureux qui leur est imposé avant la cérémonie du 1er octobre, certains allant même jusqu’à brûler leurs uniformes de cérémonie. Sur de nombreux réseaux, on voit les gens commenter « C’est votre anniversaire, maintenant moi j’ai quoi à voir dans ça ? ». Beaucoup de jeunes sont devenus de fervents anticommunistes, qui soutiennent le capitalisme mondial en pensant à tort qu’il s’agirait d’une alternative au régime actuel. D’autres préfèrent se tourner vers l’héritage de Mao, qui a été selon eux complètement trahi par ses héritiers politiques. Au vu de toutes les turbulences sociales et politiques dans le pays, les marxistes tentent, via leur site et leurs publications, de gagner l’adhésion de ces jeunes au socialisme démocratique mondial en tant que seule alternative viable.
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Pourquoi Rosa Luxembourg nous inspire

Notre campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) fait explicitement référence à Rosa Parks, la championne du mouvement des droits civiques américains, de même qu’à la révolutionnaire polono-allemande Rosa Luxembourg (1871-1919). Il y a tout juste un siècle, cette dernière fut l’une des dirigeantes de la Révolution allemande de novembre 1918. En janvier 1919, la sanglante répression du soulèvement a notamment entraîné son assassinat.
Par Geert Cool
Rosa Luxembourg a grandi dans la partie de la Pologne occupée à l’époque par la Russie tsariste. Elle a cependant dû fuir le pays en raison de ses premiers pas dans le mouvement révolutionnaire. Elle s’est retrouvée en Suisse, puis en Allemagne. Là-bas, Rosa Luxembourg a tout d’abord aidé à organiser les travailleurs dans la partie occupée de la Pologne. Rosa Luxembourg voulait toutefois éviter de limiter son rôle à celui d’une migrante polonaise d’origine juive ou à celui de femme. En tant que Polonaise, elle n’a pas eu une vie facile, pas même au sein du parti social-démocrate SPD, mais elle tenait à jouer un rôle de premier plan dans la lutte pour une transformation socialiste de la société. Elle considérait qu’un tel changement était l’unique réponse à apporter aux diverses formes d’oppression. Pour elle, la lutte pour l’émancipation des femmes – qui à cette époque s’exprimait tout particulièrement autour de la lutte pour le droit de vote des femmes – n’était ‘‘qu’une expression et une partie de la lutte générale pour l’émancipation de la classe ouvrière. C’est là que réside la force et l’avenir de la lutte des femmes.’’
Avec d’autres, comme Clara Zetkin et Karl Liebknecht, Rosa Luxembourg s’est toujours opposée aux tendances réformistes au sein du mouvement ouvrier socialiste. Ce courant considérait que les réformes immédiates et mineures représentaient un moyen de progressivement parvenir à l’instauration d’une société socialiste. Rosa Luxembourg n’a pas seulement résisté à cette approche, elle s’y est ouvertement opposée dans son texte ‘‘Réforme ou révolution’’. Rosa Luxembourg ne s’opposait pas aux réformes favorables à la classe ouvrière : elle considérait celles-ci comme des étapes importantes dans l’édification de la force nécessaire pour provoquer un changement social fondamental. Rosa Luxembourg fut notamment l’une des pionnières à souligner l’importance et le rôle des grèves générales.
En raison du rôle étouffant de la direction du SPD pour qui le mouvement était ‘‘tout’’ et l’objectif socialiste final rien, Rosa Luxembourg s’est opposée à ce qu’elle considérait être une organisation révolutionnaire nationale trop centralisée. Sa résistance n’était donc pas synonyme d’opposition à l’organisation en tant que telle. Avec son compagnon de vie et camarade Leo Jogiches, elle a posé les bases du parti socialiste polonais SDKPiL et, au sein du SPD, elle a fait tout son possible pour maintenir ensemble un noyau authentiquement révolutionnaire. Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, à laquelle elle s’est toujours opposée, elle a décrit la social-démocratie comme un ‘‘cadavre pourri’’. Cette prise de position politique l’a conduite en prison en 1916. ‘‘Etre humain, c’est s’il le faut, mettre gaiement sa vie toute entière ‘‘sur la grande balance du destin’’, tout en se réjouissant de chaque belle journée et de chaque beau nuage’’, écrivait-elle de prison.
La fatigue de la guerre était générale vers 1917-18 : ce massacre n’était pas dans l’intérêt des travailleurs, uniquement dans celui des forces impérialistes et des capitalistes. Partout dans le monde, des mouvements ont émergé, inspirés et enthousiasmés par la Révolution russe de 1917. Ce fut également le cas en Allemagne. En novembre 1918, le mouvement culmina en la constitution de conseils ouvriers qui ont pris le pouvoir et le contrôle de la société elle-même. La révolution de novembre 1918 a illustré quel était le potentiel d’un changement de société, mais elle n’a pas conduit à une rupture anticapitaliste. Pourtant, le Keizer a été renversé et une nouvelle société reposant sur un gouvernement des travailleurs et les conseils ouvriers était en gestation. Les capitalistes ont dû faire d’énormes concessions pour maintenir leur système en place. Ils trouvèrent leurs plus importants alliés parmi la clique dirigeante du SPD.
Il n’existait malheureusement pas de mouvement révolutionnaire suffisamment fort et unifié pour orienter le mouvement à travers l’Allemagne et construire un front uni de tous les travailleurs socialistes avec suffisamment de propositions pour les tactiques à adopter. Après la Révolution de novembre, d’autres mouvements voulaient créer une société différente. L’absence d’une organisation suffisamment développée et disposant de cadres solides s’est traduite par un déficit de coordination nationale. La contre-révolution a finir par réussir à briser le mouvement de ville en ville.
Une tragique illustration de cela fut donnée à Berlin en janvier 1919 : le mouvement y devançait alors le reste du pays, ce qui a permis aux forces de la contre-révolution de se concentrer entièrement sur la capitale. Les révolutionnaires ont été brutalement attaqués et leurs dirigeants tels que Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ont été assassinés. En conséquence de quoi la Révolution allemande ne pouvait plus compter sur ses pionniers les plus clairvoyants. Ils auraient pu faire toute la différence dans les mouvements de 1919-1923 pour concrétiser le potentiel révolutionnaire présent. L’échec de la révolution allemande a par la suite ouvert la voie à la barbarie nazie. Le slogan de Rosa Luxemburg ‘‘socialisme ou barbarie’’ a ainsi été confirmé dans le sang.
La lutte pour le socialisme était au cœur de la vie de Rosa Luxembourg. Sa bonne amie et camarade Clara Zetkin l’a ainsi résumé après sa mort : ‘‘Rosa Luxembourg a donné au socialisme tout ce qu’elle pouvait lui donner. Il n’y a pas de mots pour saisir la volonté, le désintéressement et le dévouement qu’elle a donné à la cause’’.
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Rosa Parks: figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale
La campagne ROSA a été lancée en mars dernier, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. ROSA, c’est l’acronyme de ‘‘Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité’’, mais c’est aussi une référence tant à la révolutionnaire Rosa Luxemburg et qu’à la militante des droits civiques Rosa Parks.Par Marion (Mons)
Née en 1913, Rosa Louise McCauley fut confrontée aux réalités de la ségrégation et du racisme dès son enfance. Tous les jours, elle allait à l’école à pied car les enfants noirs n’avaient pas le droit de prendre le bus scolaire. Plus tard, elle fréquenta l’école normale d’instituteurs noirs de l’État d’Alabama. Son grand-père montait la garde la nuit devant leur ferme contre les actions du Ku Klux Klan qui a d’ailleurs brûlé à deux reprises l’école qu’elle fréquentait. Son futur mari, Raymond Parks, travaillait à l’antenne de l’Association d’avancement pour les gens de couleur à Montgomery. Rosa y fut secrétaire et responsable des jeunes.
Le 1er décembre 1955, dans un bus, on ordonna à Rosa de céder sa place à un passager blanc. Elle refusa et fut alors arrêtée. Une journée de boycott fut organisée le 5 décembre, soit 4 jours après l’incident, au moment de son procès où elle fut déclarée coupable et condamnée à une amende. Le boycott, mené par le révérend Martin Luther King, durera finalement 381 jours durant lesquels des milliers de personnes allèrent à leur travail à pied, partagèrent leurs voitures ou prirent des taxis. En 1956, la Cour suprême soutint le mouvement des droits civiques qui demandait la fin de la ségrégation raciale dans les bus municipaux. Rosa continua à travailler, donnant des conférences et défendant la justice sociale.
Aujourd’hui encore, elle reste un personnage modèle par son courage et son esprit de sacrifice dans la défense de la justice sociale et de la paix, du mouvement civique aux Etats-Unis au combat contre l’Apartheid en Afrique du Sud.
Rosa Parks est devenue un symbole de résistance mais, si son geste a pu bénéficier de cet écho toujours puissant à l’heure actuelle, c’est en raison de l’entrée en action des masses. La campagne ROSA désire commémorer les victoires et les luttes du passé, mais aussi et surtout en tirer les enseignements pour aujourd’hui dans la construction d’une lutte unitaire des travailleuses et des travailleurs contre le sexisme, mais aussi contre le capitalisme qui se nourrit de chaque discrimination.
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C’est par la révolution que nous pouvons arracher le changement
Au Forum économique de Davos et aux autres grandes rencontres internationales, un thème s’invite continuellement dans les discussions : la crainte des troubles sociaux. Il plane comme une odeur de 2011. Cette année-là avait ressurgi la menace de la révolution. En quelques semaines, les régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Égypte furent balayés par la colère des masses et le monde entier fut parcouru par une vague de soulèvements qui donna naissance au mouvement des Indignés en Espagne ou encore à celui d’Occupy aux États-Unis.Par Nicolas Croes
En Tunisie comme en Égypte, seul le sommet de la pyramide fut renversé. En dépit du formidable élan des masses, l’exploitation capitaliste a poursuivi son œuvre. En Libye, les interventions impérialistes ont assuré que le feu de la contestation sociale soit éteint et que la chute de Kadhafi n’alimente pas une contagion révolutionnaire. En Syrie, le soulèvement de masse contre Assad a été dévié vers une sanglante guerre civile qui sévit encore aujourd’hui. Partout ailleurs, un certain vent de déception a succédé à l’enthousiasme initial. Pourquoi cela ?
Selon nous, le point fondamental fut l’absence d’un programme, d’une stratégie et de tactiques capables d’entrainer le mouvement jusqu’à sa conclusion logique : le renversement du capitalisme et l’instauration d’une réelle démocratie, c’est-à-dire une société où les secteurs-clés de l’économie, tels que la finance, auraient été expropriés et placés sous contrôle et gestion populaires. Tout cela se synthétise dans un parti. Comme l’écrivit Trotsky dans sa monumentale Histoire de la révolution russe : ‘‘Sans une organisation pour la guider, l’énergie des masses se dissiperait comme de la vapeur qui n’est pas emprisonnée dans une boîte à piston. Mais néanmoins, ce qui fait bouger les choses, ce n’est ni le piston ni la boîte, mais la vapeur’’.
De la même manière que les États-majors militaires prennent grand soin d’étudier en profondeur les leçons à tirer des grandes batailles historiques, les événements révolutionnaires doivent bénéficier d’une attention tout aussi rigoureuse afin d’éviter d’être pris au dépourvu dès lors que la chaine des événements s’accélère et devient plus tumultueuse. À ce titre, le parti bolchévique reste le cas d’école par excellence, puisque c’est lui qui a permis aux travailleurs et aux paysans de Russie de prendre le pouvoir dans leurs mains en octobre 1917.
Le parti bolchévique
Le premier groupe marxiste russe est né dans l’émigration en 1883. Quelques années plus tard, en 1898, fut proclamée la création du parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR). En 1903 survient une scission qui fait encore couler beaucoup d’encre entre les bolchéviques (ce qui signifie ‘‘majoritaire’’ en russe) d’une part et les menchéviques (‘‘minoritaires’’) d’autre part. En 1912, la fraction bolchévique du parti devint officiellement un parti indépendant.
Lénine était arrivé à la conclusion que, pour que les travailleurs russes puissent renverser l’État dictatorial tsariste, une force disciplinée et organisée serait nécessaire. Le parti bolchévique était un nouveau type de parti qui donnait à ses membres une formation solide basée sur l’étude des expériences et des luttes antérieures, qui prenait ses décisions au terme de discussions démocratiques et de débats à tous les niveaux du parti et qui agissait de manière unie quand il menait des campagnes et des actions. C’est ainsi que fut forgé un cadre révolutionnaire apte tout à la fois à prendre des initiatives audacieuses, comme à agir de concert.
Toujours est-il que lorsque le régime tsariste fut balayé, en février 1917, et que commença l’épreuve de force entre le gouvernement provisoire acquis à la défense des intérêts de l’élite et les soviets (conseils) ouvriers et paysans, le parti bolchévique ne représentait encore qu’une poignée de militant sur toute l’étendue de la vaste Russie. Dans son texte Classe, parti et direction, Trotsky explique : ‘‘Le parti bolchevik en mars 1917 était suivi par une minorité insignifiante de la classe ouvrière (…) En l’espace de quelques mois, en se basant sur le développement de la révolution, le parti a été capable de convaincre la majorité des travailleurs de la justesse de ses slogans. Cette majorité organisée en Soviets fut capable à son tour d’attirer les soldats et les paysans.’’ Comment cela a-t-il bien pu se faire ?
L’épreuve des faits
Contrairement aux staliniens, les bolchéviques n’ont jamais considéré le marxisme comme un dogme rigide et ossifié. Il s’agissait pour eux d’un guide pour l’action. Chaque événement était analysé et placé dans son contexte tactique et stratégique à la manière d’un sportif devant sauter une barrière et qui étudie comment il doit prendre son élan afin de passer l’obstacle avec la force nécessaire tout en se préservant pour ne pas être hors d’haleine pour la suite du parcours.
Le révolutionnaire belgo-russe Victor Serge expliquait les choses ainsi : ‘‘1917 fut une année d’action de masses étonnante par la multiplicité, la variété, la puissance, la persévérance des initiatives populaires dont la poussée soulevait le bolchevisme. (…) Les bolcheviks assumèrent le pouvoir parce que, dans la sélection naturelle qui s’était faite entre les partis révolutionnaires, ils se montrèrent les plus aptes à exprimer de façon cohérente, clairvoyante et volontaire, les aspirations des masses actives. Ils gardèrent le pouvoir, ils vainquirent dans la guerre civile parce que les masses populaires les soutinrent finalement, en dépit de bien des hésitations et des conflits, de la Baltique au Pacifique. Ce grand fait historique a été reconnu par la plupart des ennemis russes du bolchevisme. (…) Ainsi, jusqu’à la fin de la guerre civile, en 1920-1921, la Révolution russe nous apparaît comme un immense mouvement populaire auquel le Parti bolchevik procure un cerveau et un système nerveux, des dirigeants et des cadres.’’ (Trente ans après la Révolution russe)
Hélas, la révolution dégénéra et une bureaucratie parvint à prendre le pouvoir sous la direction de Staline. L’Histoire aurait été fondamentalement différente si les révolutionnaires avaient été organisés à la manière des bolchéviques en Allemagne et ailleurs avant que n’éclate la Révolution russe. Faute de cela, les soulèvements révolutionnaires en Allemagne, en Autriche et en Hongrie échouèrent en laissant la révolution isolée en Russie, ce qui a favorisé le développement de conditions matérielles bénéfiques à l’essor de la bureaucratie.
Commémorer… mais surtout appliquer !
Un parti révolutionnaire ne crée pas les conditions qui conduisent les travailleurs à entrer en lutte. Mais, lorsque ces conditions existent, le parti peut jouer un rôle clé en accélérant le développement de la conscience des travailleurs et en fixant des objectifs pour leurs luttes. C’est pourquoi il nous semble également essentiel de revenir sur les leçons à tirer de l’histoire du parti bolchévique.
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[HISTOIRE] Le massacre de Shanghai par Tchang Kaï-Chek

Le massacre de Shangai en 1927 Le 12 avril 1927, un coup d’État militaire sanglant orchestré par Tchang Kaï-Chek a changé le cours de la Révolution chinoise. Un dossier de Vincent Kolo, de chinaworker.info
Il y a 90 ans, la classe ouvrière chinoise et son jeune parti communiste (PCC) ont subi une terrible défaite dans leur bastion de Shanghai, ce qui fut un tournant décisif dans la Révolution chinoise. Cet important anniversaire a largement été passé sous silence en Chine. Le PCC maoïste / stalinien arrivé au pouvoir en 1949, basé sur une armée paysanne rurale plutôt que sur le pouvoir organisé de la classe ouvrière urbaine, n’a jamais été en mesure d’expliquer ce qui s’est passé en 1927 et encore moins les dirigeants «communistes» actuels.
Au milieu des années 1920, un flux révolutionnaire a permis une croissance explosive du PCC qui était alors un parti de classe avec une base ouvrière. À cette époque, il aurait été possible – si un programme et une direction correcte avaient existé – que la classe ouvrière chinoise prenne le pouvoir suivant la voie de la Révolution socialiste russe en 1917.
Dans les grandes villes de Shanghai et de Guangzhou (Canton), les travailleurs avaient effectivement pris le pouvoir. Ils ont toutefois ensuite été vaincus et écrasés en raison des tactiques désastreuses imposées par Staline et la nouvelle élite bureaucratique qui consolidait alors son règne sur l’Union soviétique.
Afin de rester au pouvoir en Russie, la bureaucratie stalinienne a utilisé l’énorme autorité de la Révolution russe pour propager une politique et des méthodes étrangères à cette révolution.
Si la révolution chinoise avait triomphé, elle aurait changé le monde. Cela aurait revigoré la classe ouvrière internationale après une période de revers et injecté une nouvelle vie dans la Révolution russe qui célébrait son dixième anniversaire, ce qui aurait donné aux travailleurs la confiance nécessaire pour repousser la contre-révolution stalinienne.
Chasse aux sorcières anti-communistes
Le 12 avril 1927, la répression sanglante à Shanghai a commencé avant le lever du soleil, signalée par une explosion de clairons du quartier général militaire de Tchang Kaï-Chek, chef du parti nationaliste bourgeois le ‘Kuomintang’.
Les gangs armés de la «triade», qui avaient revêtis des salopettes ouvrières avec des brassards blancs ornés du personnage Kung («travailleur»), se sont répandus dans les entreprises contrôlées par les capitalistes étrangers et ont commencé à y chasser syndicalistes et communistes. Des soldats se sont ensuite déplacés pour désarmer les milices ouvrières de la garde rouge de la ville, une force de plus de 5.000 soldats. Les forces militaires étrangères, en particulier françaises, ont également joué un rôle clé dans la répression avec 40 navires de guerre étrangers occupant des positions dans le fleuve Yang Tsé (fleuve qui traverse Shanghai).
Les travailleurs ont été abattus et décapités dans les rues à une telle échelle que l’un des généraux de Tchang reçut le surnom de “The Hewer of Communist Heads” (« Le décapiteur de communistes ») par le magazine Times. Des communistes arrêtés ont été vus jetés vivants dans les fours des locomotives. La confusion et le désordre extrême régnaient parmi les travailleurs alors que leurs dirigeants leur avaient assuré une alliance nécessaire avec les soldats du Kuomintang – formés et armés par l’Union soviétique.
Dans « The Tragedy of the Chinese Revolution » (« La tragédie de la révolution chinoise »), un compte rendu magistral de cette période par le trotskyste américain Harold Isaacs, celui-ci affirme que le 12 avril «ne fut une surprise pour quiconque, sauf pour les travailleurs eux-mêmes».
Après le coup d’État de Tchang Kaï-Chek, les arrestations et les exécutions de membres et de sympathisants du PCC s’étendirent dans toutes les zones sous son contrôle. Environ 300.000 personnes ont été tuées au cours de l’année suivante.Les syndicats et les grèves furent interdits. Tchang établit la dictature du parti unique, reposant sur le capitalisme chinois et fortement dépendant des puissances impérialistes, de l’Allemagne et plus tard de l’Amérique. Son régime était vicieux opposé à la gauche et a continué le combat même après que ses forces aient perdu le pouvoir face aux armées rouges de Mao Zedong dans les années 1940 et lors de sa fuite à Taïwan.
La décimation du PCC après la défaite de 1927 (dont les membres sont passés de 58.000 à environ 10.000) a envoyé la plupart des dirigeants survivants loin des villes et vers une orientation rurale «paysanne», plus tard défendue par Mao. Cela a joué un rôle dans le fait que la classe sociale la plus nombreuse de Chine, la paysannerie, est devenue le principal objectif de la lutte révolutionnaire, la classe ouvrière des villes étant reléguée à un rôle auxiliaire de soutien passif. Cette approche déséquilibrée et erronée était liée à la dégénérescence du parti selon les lignes staliniennes, avec une direction bureaucratique du haut vers le bas et une perspective de plus en plus nationaliste.
La révolution permanente
La Chine a émergé de sa révolution de 1911 comme étant un «État en faillite». L’ancien système dynastique s’était effondré, mais les années suivantes ont montré l’incapacité de la bourgeoisie à mener une lutte révolutionnaire contre le féodalisme, les seigneurs de guerre et la domination étrangère.
À l’instar de leurs homologues russes, les capitalistes chinois sont arrivés tardivement et dépendaient fortement à la fois des intérêts impérialistes étrangers, mais aussi de la classe des propriétaires fonciers en Chine.
Sous la direction de Lénine et Trotsky, la Révolution russe a triomphé comme étant une révolution ouvrière qui a réussi à attirer à ses côtés la paysannerie et ainsi à abolir le capitalisme et la propriété privée des terres. Ils avaient compris que les capitalistes russes étaient liés aux intérêts impérialistes et étaient incapables de diriger une révolution capitaliste nationale contre le système semi-féodal existant ; et que cette révolution devait donc être dirigée par la classe ouvrière contre les capitalistes.
Ce processus a été plus clairement élaboré par Trotsky dans sa brillante théorie de la révolution permanente. Il a expliqué que les travailleurs, une fois au pouvoir, ne s’arrêteraient pas aux tâches purement capitalistes de la révolution (redistribuer la terre et établir une république démocratique), mais continueraient à mettre en œuvre les mesures socialistes comme la propriété publique sous contrôle de l’État et le contrôle démocratique des travailleurs sur l’économie, élargissant leur révolution à l’échelle internationale.
Ce sont les mencheviks russes (sociaux-démocrates de droite) qui, avec une véhémence tout opposée aux bolcheviks, ont insisté pour que la révolution marche derrière une direction capitaliste, les partis ouvriers se limitant à un rôle de soutien jusqu’à ce que le capitalisme soit consolidé – un processus qu’ils estimaient devoir durer plusieurs décennies.
Sous le stalinisme, cette ‘théorie des étapes’ menchevik est devenue une caractéristique des partis communistes officiels avec des résultats désastreux en Espagne, au Vietnam, en Indonésie, au Chili et dans de nombreux autres pays. La révolution chinoise fut la première où ces idées erronées sont devenues une politique officielle du parti communiste, freinant la lutte de la classe ouvrière dans l’intérêt d’une «alliance» avec le Kuomintang capitaliste.
La faiblesse du capitalisme chinois
Sun Yat-sen, le «Père de la Chine moderne» et chef du Kuomintang jusqu’à sa mort en 1925, a personnifié la faiblesse politique de la classe capitaliste chinoise. Sun avait une foi incroyable dans les puissances impérialistes et les manœuvres en coulisses. Il était hostile à la lutte des classes et la considérait comme ‘clivante’. Les perspectives de Sun étaient semblables aux réformateurs bourgeois et aux «démocrates» en Chine, à Hong Kong et à Taiwan aujourd’hui.
La Révolution russe de 1917 a porté le marxisme jusqu’en Chine. Avant cela, de nombreux intellectuels attribuaient le retard de la Chine à l’absence d’un «gouvernement fort» plutôt que de le considérer comme un produit du capitalisme et de l’impérialisme. Les intellectuels chinois ont ensuite commencé à regarder vers les idées de Lénine, Trotsky et du premier gouvernement ouvrier au monde. Ces intellectuels ont joué le rôle de fermant révolutionnaire en aidant les idées marxistes à croître parmi la jeune classe ouvrière. Le PCC, fondé en 1921, a progressé pour devenir en quelques années une force de masse.
La capacité de combat de la classe ouvrière chinoise a commencé à se manifester à travers plusieurs luttes importantes au début des années 1920, tel que la lutte épique des marins de Hong Kong de 1922 qui a secoué toute la Chine. Ces mouvements ont commencé à intéresser le dirigeant du Kuomintang. Sun Yat-sen, dont les efforts pour courtiser l’impérialisme n’avaient conduit nulle part. Il a alors dû se tourner vers l’Union soviétique pour obtenir une aide militaire, mais aussi pour avoir un levier permettant d’influencer le mouvement ouvrier. Cela a abouti sur un accord par lequel le Kuomintang recevait de l’équipement et une formation militaire importante et à travers lequel il était reconnu par le gouvernement de Staline comme «la force dirigeante» dans la révolution chinoise.
Staline voyait l’alliance avec le Kuomintang comme le plaçant au cœur de la politique chinoise – un régime amical qui offrirait une frontière orientale sûre. La contre-révolution stalinienne en Union soviétique, à travers laquelle le contrôle démocratique par la classe ouvrière sur le gouvernement et l’économie avait été démantelé, signifiait que l’internationalisme prolétarien de 1917 cédait de plus en plus la place à des politiques répondant aux prérogatives nationales de la nouvelle élite bureaucratique.
Le PCC a été invité à fondre ses forces dans le Kuomintang, décrit de façon invraisemblable par le leadership du Komintern (International Communiste) comme une «alliance de l’intérieur». Sun Yat-sen ne voulait pas que le PCC rejoigne le Kuomintang en tant que parti, mais uniquement en tant que membres individuels, ce que le Komintern / Staline a accepté. En conséquence, le PCC était politiquement subordonné au programme du Kuomintang et à son leadership bureaucratique. Il y avait des doutes parmi beaucoup de communistes chinois, mais le prestige du Komintern était tel que cette politique fut acceptée.
Trotsky s’est opposé à la politique d’entrée dans le Kuomintang, en prévenant que cela supprimerait l’indépendance politique aux communistes. Il n’était pas opposé à un bloc plus limité autour d’actions spécifiques, par exemple contre les impérialistes qui occupaient des villes chinoises clés, mais la ligne de Staline était équivalente à la construction d’un parti commun au sein duquel des représentants politiques de la bourgeoisie noieraient la voix spécifique des communistes. Comme le prévoyait Trotsky, cette politique s’est révélée catastrophique, entraînant un changement complet de l’orientation du PCC sur les questions de perspectives, de programmes et de tactiques pour la révolution à venir.
Le flux révolutionnaire
Lorsque les troupes britanniques tuèrent onze travailleurs lors d’une manifestation à Shanghai en mai 1925, cela déclencha une grève générale et une recrudescence révolutionnaire dans les principales villes chinoises. Des millions de paysans sont également entrés dans des associations paysannes qui, dans de nombreux villages, ont commencé à fonctionner comme des soviets embryonnaires avec des milices armées. Les adhésions au PCC ont augmenté passant de 1 000 à 20 000 en 1925, puis elles ont plus que doublé l’année suivante. Les nouvelles organisations syndicales ont attiré des millions de membres.
La classe capitaliste et les propriétaires fonciers ruraux dont les fils étaient bien représentés dans le corps d’officiers des armées du Kuomintang ont eu peur des demandes de plus en plus radicales de la classe ouvrière (pour une réduction du temps de travail et contre le régime dictatorial en place dans de nombreuses usines) et de la paysannerie (pour une réforme agraire et contre les oppressantes taxes de la classe des propriétaires fonciers). Ces contradictions ont conduit à de premiers affrontements entre les dirigeants du Kuomintang et les communistes à Guangzhou, où le Kuomintang avait mis en place un «gouvernement national» en juillet 1925. Mais avant cela, la classe ouvrière de Guangzhou déjà réussi à établir un soviet de facto, les ouvriers révolutionnaires élus dans ledit ‘Conseil’ géraient le «deuxième gouvernement» de la ville.
En mars 1926, Tchang a organisé un coup d’État à Guangzhou, affirmant avoir découvert un complot communiste pour le kidnapper. Son coup n’a réussi que grâce à la confusion au sein de la direction du PCC en raison de ses mauvaises perspectives et de son orientation contradictoire. Les gardes rouges des travailleurs (à ne pas confondre avec les groupes d’étudiants pendant la Révolution culturelle de Mao) ont été désarmées et les premiers communistes ont été arrêtés, y compris les conseillers russes du Kuomintang. Cela s’est produit malgré la présence de milliers de troupes fidèles au PCC, sans parler de centaines de milliers de travailleurs organisés, et des milliers d’armes.
Tchang est parvenu à établir une dictature militaire à Guangzhou, ordonnant la dissolution des organisations de travailleurs. Et le Komintern n’a pas levé le doigt en signe de protestation ! Staline a réitéré sa position selon laquelle l’alliance avec le Kuomintang dût être préservée à tout prix. Au lieu d’organiser les travailleurs pour résister au coup d’État, le PCC a été invité à faire de nouvelles concessions, en ce compris bannir les membres du PCC qui occupaient les meilleurs postes au Kuomintang et dans l’armée et accepter que toutes les communications entre le PCC et Moscou passent par le siège du Kuomintang.
De manière criminelle, toutes les informations concernant le coup d’État de Guangzhou ont été supprimées au sein du mouvement communiste à l’échelle internationale, car cela ternirait la direction stalinienne et la métrait dans l’embarras. Les rapports de la presse occidentale sur le coup d’État ont été taxés de “fabrications impérialistes” conçues pour semer des divisions entre le PCC et le Kuomintang.
L’avertissement de Guangzhou
Quelques jours après le coup d’État de Guangzhou, le Comité exécutif du Komintern a voté l’admission du Kuomintang comme section sympathisante, avec un vote contre : celui de Trotsky. “En se préparant au rôle de bourreau”, a déclaré Trotsky, Tchang Kaï-Chek “voulait avoir la couverture du communisme mondial, et il l’a obtenu”.
L’analyse de Trotsky et sa lutte contre la désastreuse politique de la Chine de Staline étaient inconnues en Chine et dans le mouvement communiste plus large en raison de la censure imposée par la machine stalinienne au nom de la «discipline du parti».
Néanmoins, l’opposition à la ligne de Staline a commencé à se cristalliser au sein du PCC. En juin 1926, le fondateur et président du parti, Chen Duxiu, a remporté une majorité pour sa proposition visant à remplacer l’emprisonnement du PCC au sein du Kuomintang par un bloc de deux partis distincts. Cela a été transmis à Moscou où la proposition a été rejetée.
En février 1927, les travailleurs de Shanghai se sont exprimés contre le chef de guerre de la ville Sun Chuanfan et, pendant des semaines de combats de rue, ont défait ses forces, appelant à une grève générale et prenant le contrôle des principales artères de la ville ou encore du chemin de fer et des imprimeries. Cette victoire a été réalisée bien avant que les armées de l’expédition du nord de Tchang Kaï-Chek aient atteint la ville. Les organisations ouvrières contrôlaient la ville, mais ce n’était toutefois pas un mouvement suffisamment conscient.
Il fallait annoncer la formation d’un gouvernement ouvrier et paysan pour la nationalisation immédiate des grandes entreprises, une réforme agraire, la cessation des entreprises étrangères, les droits démocratiques et la formation de soviets à travers la Chine. Un appel spécial aurait dû s’adresser aux soldats du rang dans l’armée dirigée par le Kuomintang pour la construction de soviets de soldats alliés aux travailleurs et aux paysans. Tragiquement, aucun appel de ce type n’a été émis parce que le PCC était piégé dans le concept d’un mouvement de «toutes les classes» sous la direction de la «bourgeoisie révolutionnaire».
Dans la lutte des classes, plutôt que de séparer les événements ou les étapes historiques (comme le fait l’Histoire bourgeoise), le marxisme analyse la révolution et la contre-révolution comme les côtés opposés d’un même processus révolutionnaire en formation.
La classe ouvrière a besoin d’un parti avec un programme et une direction clairs qui lui permette d’aller vers le socialisme. La tragédie de la Révolution chinoise fut que les travailleurs étaient privés d’une telle direction révolutionnaire. Le jeune Parti communiste était une force héroïque, mais ce n’était pas encore un parti bolchevik, et son potentiel de développement a été saboté par les politiques qui lui ont été imposées par le régime de Staline.
Les événements de Guangzhou ont été une répétition générale pour l’affrontement beaucoup plus sanglant à Shanghai un an plus tard. Malheureusement, un seul côté était préparé pour cela: la contre-révolution capitaliste. La masse des travailleurs et des paysans et même de leur couche avancée n’avait pas été assimilée les leçons les plus importantes de Guangzhou – le danger de la contre-révolution et le programme et les méthodes nécessaires pour le combattre. Jusqu’au moment où il a donné son coup fatal, Tchang Kaï-Chek a encore été présenté dans la propagande officielle communiste en tant qu’allié et «leader de la révolution».
Pour plus d’informations sur la Révolution chinoise de 1925-27, nous vous recommandons:
- Harold Isaacs, La tragédie de la révolution chinoise (1938)
- Léon Trotsky, Problèmes de la Révolution chinoise (1927-1931)
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Quelles sont les origines du 1° mai ? – Par Rosa Luxemburg
Rosa Luxembourg (1871-1919) est une révolutionnaire marxiste cofondatrice de la Ligue spartakiste, puis du Parti communiste d’Allemagne. Elle fut assassinée à Berlin en janvier 1919 pendant la révolution allemande, lors de la répression de la révolte spartakiste. [/caption]L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures [1], est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.
De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux-mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.
Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1° mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1° mai 1890.
Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 [2]. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne [3] de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1° mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.
A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1° mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1° mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1° mai devait être une institution annuelle et pérenne.
Le 1° mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1° mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1° mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1° mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.
Notes :
[1] L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.
[2] Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.
[3] Raymond Lavigne (1851- ?), militant politique et syndicaliste. -
Les origines du capital et du travail en Australie
Dans le Manifeste communiste, Karl Marx et Friedrich Engels ont écrit: «L’histoire de toute société jusqu’à présent est l’histoire des luttes de classes». Il ne fait aucun doute qu’en Australie, la force motrice de l’histoire a été la lutte entre le capital et le travail. Dans cet article, Anthony Main examine comment ces deux classes sont nées.
Par Anthony Main (Socialist Party, section australienne du CIO)
Le 26 janvier 1788 fut le jour où l’Empire britannique débarqua officiellement sa première flotte sur le continent australien. Envahissant les terres des peuples Aborigènes, ils occupèrent très vite une zone à Port Jackson (Sydney), mettant ainsi en place la première colonie pénitentiaire. A cette époque, le continent était connu pour beaucoup comme la Nouvelle-Hollande. Nommé par les explorateurs hollandais, ceux-ci en avaient tracé le littoral, mais n’avaient pas tenté de s’y établir.
C’est à partir de 1788 que commença le processus d’établissement du capitalisme en Australie. La nouvelle colonie, appelée Nouvelle-Galles du Sud, devait être un emblème de l’Empire britannique, ayant récemment perdu la colonie d’Amérique du Nord après la Révolution américaine.
Le capitalisme australien et la classe ouvrière australienne se sont développés dans des circonstances tout à fait uniques. Contrairement à d’autres parties du monde, il n’y eut pas de transition du féodalisme au capitalisme. Au lieu de cela, le capitalisme australien fut reconstitué sur des terres volées.
Les Aborigènes étaient déjà présents sur le continent depuis plus de 60 000 ans. Comme les sociétés de chasseurs-cueilleurs à travers le monde, ils développèrent des moyens très sophistiqués de vivre de la culture de la terre. Cela s’est étendu à l’utilisation à grande échelle du feu dans la gestion du paysage. Certains groupes ont planté, récolté et pratiqué l’aquaculture. De petites colonies, y compris des abris avec des fondations en pierre, marquaient des emplacements où les gens vivaient de façon semi-permanente.
Pendant longtemps, les Australiens non aborigènes furent inculqués à l’idée que les sociétés aborigènes n’utilisaient pas ‘vraiment’ la terre; Il s’agissait de justifier la colonisation et de peindre les peuples autochtones comme étant peu sophistiqués. En réalité, cette forme d’économie faisait de la terre une utilisation intensive, et impliquait le développement généralisé d’une technologie spécialisée. Cela permit de maintenir de petites populations avec une abondance de nourriture variée, tout en laissant suffisamment de temps dans la vie des gens pour des activités cérémonielles et de loisirs. Ces sociétés échangeaient beaucoup, mais surtout, ce commerce profitait à des communautés entières. Elle n’était pas destinée à extraire et à accumuler des bénéfices pour une minorité.
Quand les Britanniques sont arrivés, ils se sont mis à créer un nouveau type de système. Leur système capitaliste axé sur le profit était incompatible avec l’ancien mode de production. Pour établir le capitalisme, les Britanniques devaient remplacer l’ancien ordre. Ils l’ont fait avec succès et, en quelques décennies, l’imposition du capitalisme a entraîné des changements dévastateurs sur la population aborigène.
Le développement du capitalisme australien ne peut être correctement compris que dans une perspective internationale. Ce développement était le résultat direct des processus qui se déroulaient à l’échelle mondiale. Le capitalisme britannique était en expansion à l’époque et les opportunités s’ouvraient pour le commerce dans l’Est. La région du Pacifique elle-même était riche en ressources naturelles et mûre à l’exploitation.
Les changements qui ont eu lieu à la suite de la révolution industrielle en Grande-Bretagne ont vu des milliers de personnes fuir de leurs terres et vers les zones urbaines. La pauvreté et les difficultés dans les villes ont augmenté de façon spectaculaire et des lois sévères ont été introduites pour protéger les intérêts du profit de la classe capitaliste. Par exemple, la peine de mort pu être imposée pour vol, et même les crimes moins graves virent des gens emprisonnés, parfois à vie.
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Colonies PénitentiairesAvec toujours plus de pauvres remplissant les prisons de Grande-Bretagne, de nombreux condamnés furent envoyés à l’étranger. Mais lorsque les colonies nord-américaines gagnèrent leur indépendance dans les années 1770, un nouveau lieu pour les détenus devenait nécessaire. S’occuper du problème des prisonniers était une des raisons principales pour lesquelles les Britanniques décidèrent de mettre en place une colonie pénitentiaire, mais en même temps, la nouvelle colonie britannique était également d’une importance stratégique. Elle aiderait à empêcher leurs rivaux français de s’installer et faire du Pacifique une colonie commerciale via l’Australie.
Environ 1 000 personnes sont arrivées de la Première Flotte; 700 d’entre eux étaient des condamnés. Les officiers britanniques en charge de l’expédition étaient mal équipés pour la lourde tâche de construire une nouvelle colonie sur un territoire inconnu et, au départ, le projet a presque échoué. Très rapidement, les officiers ont demandé à ce que des “colons libres” ayant des connaissances agricoles soient également envoyés afin de contribuer à la consolidation de la colonie.
Des concessions de terres furent faites aux colons libres ainsi qu’aux officiers britanniques. Les condamnés ont été forcés au travail comme faisant partie de leur châtiment. Dès le départ, certains privilégiés ont été pourvus essentiellement de capitaux libres et de main-d’œuvre bon marché. Cela leur a donné un énorme avantage et ce sont ces individus qui ont formé l’embryon de la classe capitaliste australienne.
Le commerce à petite échelle entre ces individus a vu les débuts d’un marché émerger. Lorsque plus de navires sont arrivés de Grande-Bretagne transportant des marchandises, de petits magasins ont également été établis. C’est à partir de ces débuts simples que sont jetés les fondements d’une nouvelle économie capitaliste.Lorsque les condamnés terminaient leur peine, ils étaient autorisés à travailler pour de petits commerçants et des agriculteurs pour des salaires modestes. Certains prisonniers qui étaient considérés comme faisant preuve «de bonne conduite» se sont vu attribuer de petites parcelles de terre, mais les principaux bénéficiaires dans les premiers jours ont été sans aucun doute les officiers britanniques. Ils ont monopolisé de nombreuses parties de l’économie naissante pour eux-mêmes et se sont accordés d’immenses étendues de terre.
À l’époque il y avait une pénurie de pièces de monnaie, donc le principal moyen de troc était le rhum. Les officiers ont maintenu le contrôle strict de l’approvisionnement en rhum et, par conséquent, sont devenus connus sous le nom de «Rhum Corps». Les officiers ont utilisé les richesses qu’ils avaient accumulées pour exercer une influence politique et économique excessive. Même dans les premières décennies de la colonisation, il y avait une forte division entre les riches officiers et les propriétaires fonciers et le reste de la population.
Le commerce de la laine
En 1805, un officier amena le premier troupeau de moutons en Australie et installa une petite station. La croissance de l’industrie textile en Grande-Bretagne signifiait une demande croissante de laine. Avec des techniques agricoles améliorées, un climat idéal, des terres libres et des forçats forcés au travail, le secteur de la laine s’est rapidement développé dans les années à venir.
En 1807, seulement 245 lb de laine ont été exportés. Cela a augmenté à 175,400 livres en 1821 et ensuite à un massif 3 693 241 livres en 1836.
Comme la demande internationale de laine augmentait de manière fulgurante le gouvernement colonial et les capitalistes eurent besoin de plus de terres pour faire paître les moutons. Il s’agissait de terres que les Aborigènes utilisaient alors. La population autochtone était considérée comme un obstacle à la réalisation de profits et pour surmonter cette situation, les colons ont entrepris une campagne violente pour chasser ceux-ci de leurs terres.
Au gré des besoins du capitalisme mondial, des dizaines de milliers d’Aborigènes ont été chassés dans des régions éloignées ou tout simplement tués. Certains ont été brutalement assassinés, tandis que d’autres sont morts de faim ou de maladies comme la variole et la tuberculose. Ces maladies ont été introduites par les Britanniques, et n’étaient auparavant pas présents parmi la population indigène. Il est prouvé que la variole a été introduite délibérément dans le cadre d’une stratégie militaire en 1789, comme cela avait été fait trente ans plus tôt en Amérique du Nord !
La création d’immenses pâturages de moutons signifiait également que des changements majeurs ont été apportés à l’environnement naturel. Beaucoup de plantes et d’animaux sur lesquels les peuples aborigènes comptaient pour se nourrir ont été détruits. Cela a eu un impact énorme sur leur capacité à chasser et à récolter de la nourriture, à cultiver et à pêcher. Pour se nourrir, il arrive que des aborigènes tuent des moutons. Les propriétaires de moutons ont souvent répondu en tuant indistinctement des aborigènes en représailles.
Une lutte très vive, mais essentiellement inégale, eut lieu entre les colonisateurs britanniques et les peuples autochtones. Une série de conflits se sont produits, les Aborigènes luttant férocement pour se défendre, ainsi que leur terre et leur mode de vie. Parallèlement à la guerre conventionnelle à petite échelle, les peuples autochtones se livrèrent aussi à des formes de sabotage pour résister. Des bâtiments furent brûlés, des chevaux tués et du bétail volé.
Génocide aborigène
Malheureusement, les colonisateurs britanniques eurent le dessus dans le conflit, principalement parce qu’ils étaient équipés d’armes bien supérieures telles que armes à feu et poisons. La façon dont les peuples aborigènes étaient socialement organisés a également rendue difficile la défense à grande échelle de la terre.
La guerre continua pourtant et la population aborigène décimée. D’une population estimée à plus de 700 000 au moment de l’invasion de 1788, près de 90% de tous les indigènes avaient été tués en 1900.Au début, le capitalisme australien était indubitablement construit sur le dos des moutons et des condamnés, mais il l’a aussi été dans le sang des aborigènes. Le génocide qui a eu lieu provient des fondements même des nouvelles relations de propriété capitalistes qui étaient en cours de création.
En raison de leur mode de vie, les peuples autochtones n’ont pas adhéré au concept capitaliste de la propriété privée. En revanche, les colonisateurs cherchaient essentiellement à privatiser eux-mêmes les terres pour les exploiter.Les colonisateurs britanniques apportèrent avec eux toutes sortes d’idées reculées. En partie, leur racisme brutal envers les Aborigènes a été formé par leur attitude envers les Noirs sous l’esclavage, mais a aussi été utilisé pour justifier la dépossession qui a permis d’étendre la colonie. Ils considéraient les Noirs comme des êtres inférieurs. Les condamnés étaient également considérés comme inférieurs, encore une fois pour justifier leur traitement sévère et l’exploitation de leur travail.
Exploitation des condamnés
Les condamnés étaient systématiquement punis et fouettés pour avoir refusé de se conformer aux ordres. Le confinement solitaire et le travail forcé étaient des punitions courantes. Le traitement sévère a été conçu en partie pour dissuader les rébellions; malgré cela, les condamnés ont tenté de résister et de lutter pour améliorer leurs conditions de vie.
Le ralentissement du travail et le sabotage ne sont que quelques-unes des tactiques utilisées par les détenus pour obtenir des concessions – ils ont d’abord obtenu des « limites » sur le nombre d’heures travaillées, puis le droit de travailler pour un salaire –parfois payé, souvent pas.
Des soulèvements comme la célèbre rébellion de Castle Hill ont également eu lieu mais, en raison des conditions économiques auxquelles les condamnés étaient confrontés, une lutte pour leur pleine émancipation n’était pas possible. Certains de ceux qui ont réussi à échapper au régime ont fini par devenir des « bushrangers » et ont vécu comme hors la loi.
Dans les années 1820, une petite économie capitaliste prospère avait pris racine à côté des colonies pénitentiaires. Une nouvelle classe marchande avait également émergée et commençait à briser le monopole des officiers britanniques. Des banques et des sociétés commerciales ont été créées et une monnaie stable a finalement été établie. Cela sapait encore l’influence des officiers, et la classe capitaliste commença à se diversifier.
Les capitalistes britanniques ont été encouragés à investir en Australie, en particulier dans le secteur agricole. L’importation et l’exportation de biens ont augmenté et, parallèlement à la laine, la vente de bois, d’huile de baleine et de peaux de phoques a contribué à la croissance de l’économie. L’augmentation du commerce a vu l’expansion des ports maritimes, et a vu de plus en plus de travailleurs employés dans l’industrie maritime.
La classe ouvrière
Ce fut dans ces conditions que la classe ouvrière australienne commença à émerger. Les capitalistes pouvaient déjà exploiter la terre, mais ils savaient qu’ils pourraient produire beaucoup plus de valeur en exploitant également la force de travail de cette classe ouvrière naissante. Les condamnés ont fourni les premières formes de travail en Australie, mais à mesure que l’économie grandissait, il fallait plus de «main-d’œuvre libre». Les condamnés qui avaient servi leur temps sont devenus peu à peu des travailleurs salariés et de nouveaux ouvriers avec certaines compétences sont arrivés de la Grande-Bretagne.
Il n’a pas fallu trop de temps à ces travailleurs pour se réunir dans une tentative d’améliorer leur situation. Beaucoup ont commencé à s’organiser en «sociétés». Il s’agissait généralement de combinaisons temporaires de travailleurs en fonction des revendications particulières – habituellement des améliorations des salaires et des conditions de travail. Même dans les premiers jours du capitalisme australien, les travailleurs savaient que leurs demandes étaient plus susceptibles d’être acceptées s’ils agissaient collectivement.
En 1823, le gouvernement britannique créa un Conseil législatif et reconnut formellement l’Australie comme une colonie. La loi draconienne sur les maîtres et les serviteurs a été introduite en 1828 dans le but de contrôler les travailleurs qui avaient commencé à lutter pour une plus grande part de la richesse et de limiter leur capacité à s’organiser collectivement. Tandis qu’une lutte se faisait sur la richesse créée, le mouvement des premiers travailleurs était encore trop immature pour contester l’ordre social existant.
Au début des années 1840, l’Australie connut une grave crise économique précipitée par la spéculation sur les terres et les stocks, ainsi qu’une sécheresse sévère. Un certain nombre de banques se sont effondrées et le chômage est devenu un problème majeur. Tandis que beaucoup de gens ordinaires ont lutté pour joindre les deux bouts, le gouvernement colonial fit tout en son pouvoir pour soutenir les intérêts de profit des propriétaires riches terriens et des capitalistes.
L’économie s’est finalement rétablie et, au fur et à mesure que le capitalisme s’est développé de nouveau, il fallut encore plus de force de travail. Les programmes de migration de la Grande-Bretagne ont été établis, les prix des terres étant fixés juste hors de la portée de la majorité. Cela a forcé la plupart des nouveaux arrivants à la main-d’œuvre et solidifié la position économique des riches propriétaires fonciers. Ces propriétaires sont devenus connus sous le nom de «squatters», car ils avaient essentiellement acquis des droits d’usage en occupant d’abord la terre.
Lutte pour le « travail libre »
A cette époque, une lutte s’engagea entre les « squatters » et les classes émergentes de travailleurs et de marchands dans les villes. Les squatters voulaient maintenir le système bon marché du travail forcé, alors que les travailleurs voulaient que le travail libre soit institué plus largement.
Pour les travailleurs, la présence de forçat permet de tirer vers le bas les salaires et empêchait l’extension de leurs droits par l’introduction de l’autonomie gouvernementale. Pour les commerçants et les petits commerçants, la main-d’œuvre libre serait un stimulant pour leur fortune, avec la capacité de consommation de la population en hausse. L’augmentation de la population pour répondre aux besoins des villes en pleine croissance a vu l’équilibre des forces pencher en faveur d’un système de travail libre.
Le transport des condamnés était de plus en plus considéré comme une forme de châtiment inefficace, car beaucoup de condamnés en Australie étaient effectivement mieux placés que ceux qui étaient touchés par la pauvreté en Grande-Bretagne. Le transport vers la Nouvelle-Galles du Sud a été arrêté en 1840, mais les tentatives pour le redémarrer ont été faites en 1848. Des réunions et des manifestations de masse ont été tenues et le gouvernement a été forcé d’abandonner toute tentative pour transporter des forçats à Sydney en 1850.
La découverte de l’or en Australie en 1851 a enfoncé l’un des derniers clous dans le cercueil des forçats, car il était perçu comme ridicule d’envoyer des criminels dans un pays où ils pourraient potentiellement devenir riche! De 1850 à 1868, seuls des transports de très petite échelle ont eu lieu. Au cours des 80 premières années de colonisation, environ 162 000 condamnés ont été envoyés en Australie. 80% de tous les condamnés envoyés en Australie ont été transportés pour crimes contre la propriété, contre seulement 3% qui avaient été transportés pour «crimes contre la personne».
Ruée vers l’or
C’est dans le contexte de la ruée vers l’or des années 1850 que le capitalisme australien a vraiment commencé à prendre forme. La ruée vers l’or a transformé l’économie australienne de façon spectaculaire, avec un long essor qui a lieu entre les années 1850 et les années 1890. Pendant les années 1850, la population de la colonie a essentiellement triplé avec des milliers de personnes immigrant de tous les coins du globe.
Au fur et à mesure que la taille de la classe ouvrière augmentait, sa capacité à exercer davantage d’influence allait de pair. Avec l’expansion de l’économie à un rythme rapide, les ouvriers dans les villes, les pelleteurs sur les champs d’or, et les petits commerçants exigeaient une plus grande part de la richesse créée. De puissantes batailles eurent lieu, la plus célèbre étant la rébellion d’Eureka à Ballarat.
Avant les années 1850, le régime des détenus entravait la mise en place d’un mouvement syndical organisé. D’une part, le gouvernement exerçait des pouvoirs dictatoriaux, tandis que d’autre part les capitalistes et les squatters riches ont donné la priorité à l’utilisation du travail des forçats afin de maximiser les profits.
À partir des années 1850, ce système a été réduit et des syndicats ont été créés. Un certain nombre de luttes organisées réussies ont été menées. Tout en venant plus tard que bon nombre de leurs homologues du monde entier, la classe ouvrière australienne a pu profiter des niveaux de vie relativement élevés créés par les booms économiques de la laine et de l’or.
Les travailleurs australiens de cette époque ont forcé toute une série de concessions importantes de la classe capitaliste, y compris les droits de vote des hommes, les réformes agraires et la journée de travail de 8 heures. Dans de nombreux cas, ces réformes ont été remportées des décennies à l’avance des travailleurs à l’étranger.
Puissance latente
Le capitalisme précoce en Australie a profité énormément de la terre qui a été volée aux populations aborigènes ainsi que de la surexploitation des prisonniers. La laine et l’or ont fourni la base pour le développement du capitalisme, mais la majeure partie de la richesse qui a été créée provient de l’exploitation des travailleurs. Comme c’est le cas pour le capitalisme partout, les travailleurs sont exploités en ce sens qu’ils ne reçoivent qu’une partie de la richesse qu’ils produisent. Le reste est tenu par les capitalistes comme profit.
Un système inégal a été mis en place dès le début en Australie. Cependant, dans son sillage une force sociale – la classe ouvrière – a été créée. Aujourd’hui, la plupart des gens sont de la classe ouvrière. Notre classe est unique en ce qu’elle est la seule force dans la société qui a le pouvoir latent d’arrêter l’exploitation et l’oppression sur laquelle le capitalisme se fonde.
Si la classe ouvrière agit collectivement et s’aligne sur les autres peuples opprimés, elle a le potentiel non seulement de remporter des réformes, mais aussi de créer un nouveau type de société qui utilise la richesse générée pour la majorité et le bien-être de tous. En mettant l’économie aux mains du public, nous pourrions utiliser cette richesse pour mettre fin à la pauvreté et à la dévastation environnementale du capitalisme et créer une société capable d’offrir une qualité de vie élevée pour toutes les personnes – et non pas seulement pour une minuscule minorité.
Comprendre l’histoire de la lutte entre le capital et le travail en Australie et ailleurs n’est que la première étape pour effectuer un tel changement.
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1917. Se battre pour un réel changement, cela exige de renverser ce système
L’ivresse révolutionnaire régnait en Russie à la suite de la Révolution de février 1917. Des centaines de milliers de travailleurs, de soldats et leurs familles étaient entrés en action contre la famine et la guerre. Ce ne fut pas sans résultat : la dictature haïe du tsar tombait. Tout cela n’était encore cependant que le début : comment à partir de là était-il possible d’avoir un nouveau pouvoir capable de satisfaire les besoins des masses ?
Par Geert Cool, article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste
Le double pouvoir
La Révolution de Février a donné naissance à divers nouveaux pouvoirs. Les ouvriers, les soldats et les paysans qui avaient fait la révolution étaient organisés dans des soviets (le nom russe pour ‘‘conseil’’), qui avaient émergé lors de la révolution de 1905, noyée dans le sang. Mais il n’était personne n’imaginait encore que ces soviets pouvaient carrément prendre le pouvoir en main. Le pouvoir a donc été a donc été présenté sur un plateau d’argent à l’institution censée gouverner : le Parlement (la Douma). Les politiciens libéraux qui avaient regardé avec horreur le développement de la Révolution de Février se sont alors tout à coup retrouvés à la tête du gouvernement provisoire qui devait défendre les acquis de cette révolution.
Ce gouvernement voulait particulièrement calmer le mouvement et assurer que tout continuerait comme avant: poursuivre la guerre afin de ne pas offenser les alliés et repousser toute velléité d’amélioration des conditions de vie des paysans et des ouvriers jusqu’après la guerre. Le refus du gouvernement provisoire de répondre aux exigences des masses révoltées a rapidement conduit à de nouvelles tensions et de nouveaux conflits. Dans la pratique, le pouvoir était déjà aux mains des soviets, le gouvernement ne pouvait rien faire sans leur aval. Mais ce dernier disposait toujours du pouvoir formel.
La direction bolchevique en Russie avait adopté une attitude prudente face au gouvernement provisoire, ce qui lui laissait les mains libre. La fin du tsarisme devait d’abord ouvrir une période de développement démocratique, estimait-elle. Ce n’est que par la suite que devait commencer la lutte pour le socialisme. Quant aux masses, elles ont premièrement cherché le chemin de moindre résistance et se sont essentiellement orientées vers les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (SR). Plusieurs dirigeants bolcheviques prônaient alors l’unification avec les mencheviks.
Les Thèses d’avril
C’est dans ce climat général de réconciliation par-delà les frontières politiques que Lénine revenait à Petrograd, au début du mois d’avril 1917. Il devait clarifier sa position: la révolution n’était pas terminée, les bolcheviques devaient préparer l’étape suivante, la prise du pouvoir par les soviets.
Le programme de Lénine s’est résumé dans ses ‘‘Thèses d’avril’’, dont le mot d’ordre central était : ‘‘Aucun soutien au gouvernement provisoire’’. Lénine regardait objectivement la situation et son lot de complications: les réalisations démocratiques de Février avaient donné aux masses de quoi respirer. Ces dernières ont donné le bénéfice du doute au gouvernement des capitalistes. Les bolcheviks étaient minoritaires. Lénine préconisait de patiemment nourrir les masses de l’idée que seul le pouvoir aux soviets pouvait assurer la paix et le progrès social.Dans ses ‘‘Thèses d’avril’’, Lénine a livré une ébauche de ce qui était nécessaire pour une rupture fondamentale: l’arrêt de la guerre, la nationalisation des terres pour en permettre le contrôle démocratique, la nationalisation et le contrôle public des banques, la surveillance de la production sociale par les représentants des travailleurs. Il a également appelé à un renouvellement de l’Internationale puisque la révolution ne pouvait rester limitée à un pays.
Dans la lutte qu’il a menée au sein du parti autour de cette question, Lénine a vite reçu le soutien des ouvriers révolutionnaires qui voyaient bien au travers de l’écran de fumée des changements formels du gouvernement provisoire que le système de guerre et d’exploitation capitaliste étaient restés intacts. La Révolution de Février avait mis fin au tsarisme, mais de quel côté allait ensuite pencher la balance ? Vers la bourgeoisie ou les soviets ? En adoptant une position indépendante envers le gouvernement provisoire, c’est ce qui a permis aux bolcheviks de canaliser l’énergie des travailleurs impatients de Petrograd vers un bouleversement révolutionnaire qui conduira à la fondation du premier Etat ouvrier en Octobre 1917.
Des ministres de gauche ne font pas un gouvernement de gauche…
La confusion qui régnait parmi la direction bolchevique avant l’arrivée de Lénine venait de la fête de la victoire après Février. De nombreux bolcheviks estimaient qu’il fallait d’abord consolider les acquis de Février et, à un stade ultérieur, il pourrait alors y avoir le socialisme. Ils étaient pénétrés des illusions des masses, qui espéraient que le nouveau gouvernement mettrait fin à la famine et à la guerre.
La pression exercée par le peuple sur le gouvernement provisoire a fait en sorte que ce dernier incorpore un certain nombre de ministres socialistes. Les mencheviks se disaient encore marxistes et révolutionnaires, mais ils considéraient la construction d’une société socialiste comme une tâche lointaine alors que des tâches immédiates leur faisaient face. Sur le papier, le gouvernement provisoire virait à gauche.
Mais ce n’est pas parce que des membres du gouvernement se disaient socialistes que le gouvernement l’était pour autant. En fin de compte, la question politique d’importance décisive était la suivante : un rapport de force visant à mettre fin à la guerre et la famine, et donc à rompre avec le système, allait-il être mis en œuvre ou alors les ministres ‘‘socialistes’’ allaient-ils épouser la logique capitaliste ?
La pression pour cette dernière option est toujours très élevée. Un système social ne se laisse pas tout simplement être mis de côté. Il peut faire preuve d’une grande flexibilité pour survivre et assurer le règne de la classe dirigeante. Dans ce cadre, faire des concessions limitées pour éviter le pire, cela reste de l’ordre du possible. Incorporer si nécessaire des opposants politiques dans un gouvernement est toléré si c’est dans le but d’espérer les intégrer dans la défense du système ou au moins dans le but de les brûler au pouvoir et d’ainsi gagner du temps pour que des partenaires politiques plus fiables reviennent à l’avant-plan.
L’expérience d’un gouvernement comprenant des ministres socialistes et qui, malgré d’énormes espoirs, ne fait aucune différence, n’est pas limitée à la Russie de 1917. Nous avons vu la même chose avec le gouvernement grec de SYRIZA, élu pour arrêter la politique d’austérité imposée par l’Union européenne. La majorité des Grecs étaient prêts à rompre avec l’UE, mais la direction de SYRIZA a hésité et a essayé de parvenir à un compromis. Un tel compromis ne pouvait consister qu’en l’acceptation de la politique d’austérité, ce qui a finalement eu lieu.
Une patiente préparation vers un changement de système
Les choses auraient pu être différentes en Grèce. Si SYRIZA avait patiemment préparé la population à engager une rupture avec le capitalisme autour d’un programme de nationalisation des secteurs-clés de l’économie et du monopole d’Etat sur le commerce extérieur, couplé à un appel à l’aide internationale de la part du mouvement ouvrier européen, cela aurait, à n’en pas douter, entrainé beaucoup d’enthousiasme et les travailleurs grecs ne se seraient pas retrouvés isolés.
Sur cette base, il aurait été possible d’organiser la société sur des bases socialistes démocratiques. Au lieu de continuer à rembourser la dette publique, ces fonds auraient pu être utilisés pour déployer un vaste programme d’investissements publics dans le logement social, les services publics, les énergies renouvelables,… Une planification démocratique de l’économie axée sur les besoins de la majorité de la population aurait représenté une alternative concrète qui aurait été observée dans le monde entier.
Le capitalisme ne peut pas être progressivement démantelé pour céder la place à une société socialiste. La position dominante de la classe capitaliste repose sur sa propriété et son contrôle des secteurs-clés de l’économie ainsi que de l’appareil d’Etat auquel elle est intimement liée. Tous les moyens seront utilisés pour assurer le maintien du pouvoir par la classe capitaliste. Aboutir à une rupture systémique décisive exige une révolution, un moment où les masses elles-mêmes s’engagent consciemment dans la politique afin d’utiliser la puissance de leur nombre pour renverser les dirigeants actuels.
Pour parvenir à cette autre société, la question du pouvoir doit être ouvertement posée, ce qui ne laisse comme choix que la confrontation ou la capitulation. Cela peut sembler évident mais, en 1917, seuls les bolcheviks, grâce aux idées de Lénine (formées par des années d’analyse politique et d’engagement dans la lutte), étaient préparés à cette inévitable confrontation. C’est un facteur-clé dans le succès de la Révolution russe et c’est la raison pour laquelle, 100 ans plus tard, nous faisons encore référence à la Révolution russe comme l’un des événements les plus importants de l’Histoire de l’Humanité.
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Alexandra Kollontaï: La Journée Internationale des Femmes
Texte d’Alexandra Kollontaï paru dans Mezhdunarodnuy den’ rabotnitz, Moscou 1920.
Une fête militante
La Journée de la Femme ou la Journée de l’Ouvrière est un jour de solidarité internationale et un jour pour passer en revue la force et l’organisation des femmes prolétariennes.Mais ce n’est pas un jour spécial uniquement pour les femmes. Le 8 mars est une journée historique et mémorable pour les ouvriers et les paysans, pour tous les ouvriers russes, et pour tous les ouvriers du monde. En 1917, ce jour là, la grande Révolution de Février a éclaté [1]. Ce sont les ouvrières de Petersbourg qui ont commencé cette révolution; ce sont elles qui, en premier, ont décidé de soulever la banderole de l’opposition au tsar et à ses associés. C’est pourquoi la journée de la femme est une double fête pour nous.
Mais si c’est un jour férié général pour tout le prolétariat, pourquoi l’appelle-t-on ‘Journée de la Femme’? Pourquoi alors tenons-nous des fêtes et des réunions spéciales destinées avant tout aux ouvrières et aux paysannes? Cela ne compromet-il pas l’unité et la solidarité de la classe ouvrière? Pour répondre à ces questions, nous devons regarder en arrière et voir comment la Journée de la Femme est arrivée et pour quelle raison elle a été organisée.
Comment et pourquoi la Journée de la Femme a-t-elle été organisée?

Alexandra Kollontaï (1872-1952) est une femme politique communiste et militante féministe soviétique. Elle est la première femme de l’Histoire contemporaine à avoir été membre d’un gouvernement et ambassadrice dans un pays étranger. Il n’y a pas longtemps, en fait, il y a dix ans environ, la question de l’égalité des femmes et la question quant à savoir si les femmes pourraient prendre part au gouvernement aux côtés des hommes étaient chaudement débattues. La classe ouvrière dans tous les pays capitalistes luttait pour les droits des ouvrières: la bourgeoisie ne voulait pas accepter ces droits. Ce n’était pas dans l’intérêt de la bourgeoisie de renforcer le vote de la classe ouvrière au parlement; et dans chaque pays, elle a entravé l’adoption des lois qui donnaient ce droit aux ouvrières.
Les socialistes en Amérique du Nord ont insisté sur leurs exigences pour le droit de vote avec une particulière persistance. Le 28 février 1909, les femmes socialistes des USA ont organisé d’énormes manifestations et réunions à travers le pays, exigeant les droits politiques pour les ouvrières. C’était la première ‘Journée de la Femme’. L’initiative d’organiser une journée de la femme appartient donc aux ouvrières américaines.
En 1910, durant la Seconde Conférence Internationale des Ouvrières, Clara Zetkin [2] a mis en avant la question d’organiser une Journée Internationale de l’Ouvrière. La conférence a décidé que chaque année, dans tous les pays, on devrait célébrer le même jour une ‘Journée de la Femme’ avec le slogan ‘Le droit de vote pour les femmes unira notre force dans la lutte pour le socialisme’.
Durant ces années, la question de rendre le parlement plus démocratique, par exemple, en élargissant le droit de vote et en l’étendant au vote des femmes, était une question vitale. Même avant la première guerre mondiale, les ouvriers avaient le droit de voter dans tous les pays bourgeois, sauf en Russie [3]. Seules les femmes, ainsi que les fous, restaient sans ces droits. Cependant, la réalité discordante du capitalisme exigeait la participation des femmes dans l’économie du pays. Chaque année, il y avait une augmentation du nombre de femmes qui devaient travailler dans les usines et dans les ateliers, ou comme domestiques et femmes de ménage. Les femmes travaillaient aux côtés des hommes et la richesse du pays était créée par leurs mains. Mais les femmes restaient sans droit de vote. Mais dans les dernières années avant la guerre, l’augmentation des prix a forcé même la ménagère la plus pacifique à s’intéresser aux questions de la politique, et à manifester fortement contre l’économie de pillage de la bourgeoisie. Les ‘soulèvement des femmes au foyer’ sont devenus de plus en plus fréquents, s’intensifiant soudainement à des moments différents en Autriche, en Angleterre, en France et en Allemagne.
Les ouvrières ont compris qu’il n’était pas suffisant de détruire les étals au marché ou de menacer le commerçant singulier: elles ont compris qu’une telle action ne réduit pas le coût de la vie. Il faut changer la politique du gouvernement. Et pour réussir cela, la classe ouvrière doit voir que le droit de vote est élargi.
Il a été décidé d’avoir une Journée de la Femme dans tous les pays en tant que forme de lutte pour obtenir le droit de vote pour les ouvrières. Ce jour était destiné à être une journée de solidarité internationale dans le combat pour des objectifs communs et une journée pour passer en revue la force organisée des ouvrières sous la bannière du socialisme.
La première Journée Internationale de la Femme
La décision prise lors du Second Congrès International des Femmes Socialistes n’est pas restée sur papier. Il a été décidé de tenir la première Journée Internationale de la Femme le 19 mars 1911. Cette date n’a pas été choisie au hasard. Nos camarades allemandes ont sélectionné ce jour à cause de son importance historique pour le prolétariat allemand. Le 19 mars de l’année de la Révolution de 1848, le roi prussien a reconnu pour la première fois la force de la population armée et a cédé devant la menace d’un soulèvement prolétarien. Parmi les nombreuses promesses qu’il a faites, et qu’il a plus tard échoué à tenir, figurait l’introduction du droit de vote pour les femmes. Après le 11 janvier, des efforts ont été faits en Allemagne et en Autriche pour préparer la Journée de la Femme.
Ils ont fait connaître les projets pour une manifestation à la fois par le bouche à oreille et par la presse. Durant la semaine précédant la Journée de la Femme, deux journaux sont apparus: ‘The Vote for Women’ (Le Droit de Vote pour les Femmes) en Allemagne et ‘Women’s Day (Journée de la Femme) en Autriche. Les divers articles consacrés à la Journée de la Femme – ‘Women and Parliament’ (Femmes et Parlement), ‘The Working Women and Municipal Affairs’ (Les ouvrières et les Affaires Municipales), ‘What Has the Housewife got to do with Politics?’ (Qu’à la Femme au Foyer à voir avec la Politique?), etc – ont analysé à fond la question de l’inégalité de la femme dans le gouvernement et dans la société. Tous les articles ont souligné le même point: qu’il était absolument nécessaire de rendre le parlement plus démocratique en étendant le droit de vote aux femmes.
La première Journée Internationale de la Femme a eu lieu en 1911. Son succès a dépassé toutes les attentes. Durant cette Journée de l’Ouvrière, l’Allemagne et l’Autriche n’étaient qu’une mer de femmes grouillante et tremblante. Des meetings ont été organisés partout – dans les petites villes et même dans les villages, les salles étaient tellement remplies qu’on a du demander aux ouvriers de laisser leurs places aux femmes.
Ceci a certainement été la première démonstration de militantisme de la femme ouvrière. A cette occasion, les hommes sont restés à la maison avec leurs enfants, et leurs femmes, les femmes au foyer prisonnières, sont allées aux meetings. Durant les plus grandes manifestations dans la rue, auxquelles 30000 ont participé, la police a décidé d’enlever les calicots des manifestants: les ouvrières ont résisté. Dans la bagarre qui a suivi, le carnage n’a été empêché que grâce à l’aide des députés socialistes au parlement.
En 1913, la Journée Internationale de la Femme a été transférée au 8 mars. Ce jour est resté le jour du militantisme de l’ouvrière.
Une Journée de la Femme est-elle nécessaire?
La Journée de la Femme a eu des résultats ahurissants en Amérique du Nord et en Europe. Il est vrai que pas un seul parlement bourgeois n’a pensé à faire des concessions aux ouvriers ou à répondre aux exigences des femmes. Car à cette époque, la bourgeoisie n’était pas menacée par une révolution socialiste.
Mais la Journée de la Femme a réussi quelque chose. Elle s’est avérée par dessus tout être une excellente méthode d’agitation parmi nos sœurs prolétaires les moins politisées. Elles ne pouvaient pas aider, mais ont tourné leur attention vers les réunions, les manifestations, les affiches, les tracts et les journaux qui étaient consacrés à la Journée de la Femme. Même l’ouvrière politiquement arriérée s’est dit à elle-même «Ceci est notre journée, le festival pour les ouvrières», et s’est précipitée aux meetings et aux manifestations. Après chaque Journée Internationale de la Femme, plus de femmes rejoignent les partis socialistes et les syndicats grandissent. Les organisations se sont améliorées et la conscience politique s’est développée.
La Journée de la Femme a encore servi à une autre fonction: elle a renforcé la solidarité internationale des travailleurs. Les partis des différents pays échangent habituellement des conférenciers pour l’occasion: des camarades allemands vont en Angleterre, des camarades anglais vont en Hollande,… La cohésion internationale de la classe ouvrière est devenue solide et ferme et cela signifie que la force combattante du prolétariat en tant qu’ensemble qui a grandi.
Journée de la Femme Ouvrière en Russie
Les ouvrières russes ont pour la première fois pris par à la ‘Journée de l’Ouvrière’ en 1913. C’était une période de réaction alors que le tsarisme tenait les ouvriers et les paysans dans son étau – comme un contrôle. Il ne pouvait y avoir aucune pensée de célébrer la ‘Journée de l’Ouvrière par des manifestations au grand jour. Mais les ouvrières organisées étaient capables de marquer leur journée internationale. Les deux journaux légaux de la CLASSE ouvrière – la ‘Pravda’ bolchévique et la ‘Looch’ menchévique – ont transmis des articles à propos de la Journée Internationale de la Femme [4]: ils ont publié des articles spéciaux, des portrait de certaines de celles qui prenaient part au mouvement des ouvrières et des salutations de camarades tels qu’August Bebel et Clara Zetkin [5].
Durant ces sombres années, les meetings étaient interdits. Mais à Petrograde, à la Bourse de Kalashaïkovsky, ces ouvrières qui appartenaient au Parti (bolchévique) ont organisé une réunion publique sur ‘La Question de la Femme’. Le prix d’entrée était de cinq kopecks. C’était un meeting illégal mais la salle était absolument pleine. Les membres du parti ont parlé. Mais cette réunion ‘fermée’ animée s’est terminée péniblement quand la police, alertée par de tels débats, est intervenue et a arrêté de nombreux conférenciers.Il a été d’une grande importance pour les travailleurs du monde que les femmes en Russie, qui vivaient sous l’oppression tsariste, devraient se joindre et d’une manière ou d’une autre s’arranger pour se reconnaître dans les actions de la Journée Internationale de la Femme. C’était un signe bienvenu que la Russie se réveillait et que les prisons et les gibets tsaristes étaient impuissants pour tuer l’esprit de lutte et de protestation des travailleurs. En 1914, la Journée de l’Ouvrière en Russie a été mieux organisée. Les deux journaux des ouvriers se sont concernés eux-mêmes par la fête. Nos camarades ont mis beaucoup d’efforts dans la préparation de la Journée de l’Ouvrière. A cause de l’intervention policière, ils ne sont pas parvenus à organiser une manifestation. Ceux qui étaient impliqués dans l’organisation se sont retrouvés dans les prisons tsaristes et beaucoup ont été plus tard envoyés dans le grand nord. Car le slogan ‘pour le droit de vote des femmes’ était naturellement devenu en Russie un appel public pour le renversement de l’autocratie tsariste.
Journée de l’Ouvrière durant la guerre impérialiste
La première guerre mondiale a éclaté. La classe ouvrière de chaque PAYS était recouverte du sang de la guerre [6]. En 1915 et 1916, la Journée de l’Ouvrière à l’étranger a été une faible affaire – les femmes de l’aile gauche socialiste qui partageaient les vues du Russion Bolshevik Party (Parti Bolchévique de Russie) ont essayé de transformer le 8 mars en une manifestation des ouvrières contre la guerre. Mais ces traîtres du parti socialiste en Allemagne et dans d’autres pays ne permettraient pas aux femmes socialistes d’organiser des rassemblements; et les femmes socialistes se sont vues refuser des passeports pour aller dans des pays neutres où les ouvrières souhaiteraient tenir des réunions internationales survivait.
En 1915, il n’y a qu’en Norvège qu’elles se sont débrouillées pour organiser une Journée de la Femme en Russie, car ici, la puissance du tsarisme et de la machine militaire était effrénée.
Ensuite est arrivée la grande, grande année 1917. La faim, le froid et les épreuves de la guerre, ont brisé la patience des ouvrières et des paysannes de Russie. En 1917, le 8 mars (23 février) pour la Journée de l’Ouvrière, elles sont hardiment sorties dans les rues de Petrograd. Les femmes – certaines étaient ouvrières, certaines étaient des femmes de soldats – ont exigé du ‘Pain pour nos enfants’ et le ‘Retour de nos maris des tranchées’. A ce moment décisif, les protestations des ouvrières ont présenté une telle menace que même les forces de sécurité tsaristes n’ont pas osé prendre les mesures habituelles contre les rebelles mais ont regardé avec confusion la mer orageuse de la colère populaire.
La Journée de l’Ouvrière de 1917 est devenue mémorable dans l’histoire. Ce jour là, les femmes russes ont soulevé la torche de la révolution prolétarienne et ont mis le feu au monde. La Révolution de Février a débuté ce jour là.
Notre appel au combat
La ‘Journée de l’Ouvrière’ a été organisée pour la première fois il y a 10 ans durant la campagne pour l’égalité des femmes et pour la lutte pour le socialisme. Cet objectif a été rempli par les femmes de la classe ouvrière en Russie. En république soviétique, les femmes ouvrières et paysannes ne doivent pas se battre pour le droit de vote ou leurs droits civils. Elles ont déjà gagné ces droits. Les travailleurs russes et les femmes paysannes sont des citoyens égaux – dans leurs mains se trouve une arme puissante pour rendre la lutte pour une vie meilleure plus facile – le droit de vote, de participer aux soviets et dans toutes les organisations collectives [7].
Mais les droits seuls ne sont pas assez. Nous devons apprendre à les utiliser. Le droit de vote est une arme que nous devons apprendre à maîtriser pour notre propre bénéfice, et pour le bien de la république des ouvriers. Durant les deux années de pouvoir des soviets, la vie en elle-même n’a pas absolument changé. Nous sommes seulement dans le processus de lutte pour le communisme et nous sommes encerclés par le monde dont nous avons hérité du PASSÉ, sombre et répressif. Les entraves de la famille, du ménage, de la prostitution pèsent toujours lourdement sur la femme ouvrière. Les ouvrières et les paysannes ne peuvent se débarrasser de cette situation et obtenir l’égalité dans la vie elle-même, et pas juste dans la loi, que si elles mettent toutes leurs énergies pour faire de la Russie une vraie société communiste.
Et pour accélérer son arrivée, nous devons d’abord redresser la barre de l’économie délabrée de la Russie. Nous devons examiner la solution de nos deux tâches les plus urgentes – la création d’une force de travail bien organisée et consciente politiquement et la restauration du transport. Si notre armée du travail fonctionne bien, nous devrions bientôt avoir à nouveau des machines à vapeur; les chemins de fer recommenceront à fonctionner. Cela signifie que les ouvriers et les ouvrières recevront le pain et le bois de chauffage dont ils ont désespérément besoin.
Obtenir le retour à la normale du transport accélérera la victoire du communisme. Et avec la victoire du communisme viendra l’égalité complète et fondamentale des femmes. C’est pourquoi le MESSAGE de la ‘Journée de l’Ouvrière’ doit cette année être «Ouvrières, paysannes, mères, femmes et soeurs, tous les efforts pour aider les travailleurs et les camarades à surmonter le chaos des chemins de fer et à rétablir le transport. Tout le monde dans la lutte pour le pain, le bois de chauffage et les matières premières».
L’an dernier, le slogan de la Journée de l’Ouvrière était: «Tous pour la victoire du Front Rouge» [8]. Maintenant, nous appelons les ouvrières à rallier leur force sur un nouveau front sans effusion de sang: le front du travail! L’Armée Rouge a battu l’ennemi extérieur parce qu’elle était organisée, disciplinée et prête à l’abnégation. Avec de l’organisation, du travail dur, de l’auto-discipline et de l’abnégation, la république des travailleurs surmontera l’ennemi interne – la dislocation du transport et de l’économie, la famine, le froid et la maladie. «Tous pour la victoire du front du travail sans effusion de sang! Tous pour la victoire!»
Les nouvelles tâches de la Journée de l’Ouvrière
La Révolution d’Octobre a donné aux femmes l’égalité avec les hommes, pour autant que les droits civils sont concernés. Les femmes du prolétariat russe, qui étaient il n’y a pas si longtemps, les plus malheureuses et opprimées, sont aujourd’hui dans la République Soviétique, capables de montrer avec fierté aux camarades d’autres PAYS le chemin vers une égalité politique par l’intermédiaire de l’établissement de la dictature du prolétariat et du pouvoir des soviets.
La situation est très différente dans les pays capitalistes où les femmes sont toujours surmenées et défavorisées. Dans ces pays, la voix de l’ouvrière est faible et inanimée. Il est vrai que dans divers pays – en Norvège, en Australie, en Finlande et dans certains des états d’Amérique du Nord – les femmes ont gagné les droits civils même avant la guerre [9].
En Allemagne, après que le kaiser ait été rejeté et qu’une république bourgeoise dirigée par les ‘conciliateurs’ [10] ait été établie, 36 femmes sont entrées au parlement – mais pas une seule n’était communiste!
En 1919, en Angleterre, une femme a été élue pour la première fois en tant que membre du parlement. Mais qui était-elle? Une ‘lady’. Cela signifie une propriétaire de terres, une aristocrate [11].En France aussi, la question de l’extension du droit de vote aux femmes est apparue plus tard. Mais de quelle utilité sont ces droits pour l’ouvrière dans la structure des parlements bourgeois? Tant que le pouvoir est dans les mains des capitalistes et des propriétaires terriens, aucun droit politique n’évitera à la femme ouvrière la position traditionnelle d’esclavage dans la maison et dans la société. La bourgeoisie française est prête à envoyer une autre mouillette à la classe ouvrière, face à la croissance des idées bolchéviques parmi le prolétariat: elle est prête à donner le droit de vote aux femmes [12].
Monsieur le Bourgeois – il est trop tard!
Après l’expérience de la Révolution d’Octobre russe, il est clair pour chaque ouvrière en France, en Angleterre et dans d’autres pays, que seule la ‘dictature de la classe ouvrière’, seul ‘le pouvoir des soviets’ peuvent garantir l’égalité complète et absolue, la victoire ultime du communisme démolira les chaînes de la répression centenaires et le manque de droits. Si la tâche de la ‘Journée Internationale de l’Ouvrière’ était antérieurement de combattre pour le droit de vote des femmes face à la suprématie des parlements bourgeois, aujourd’hui, la classe ouvrière a une nouvelle tâche: organiser les ouvrières autour des slogans de combat de la Troisième Internationale. Au lieu de prendre part au fonctionnement du parlement bourgeois, écoutez l’appel de la Russie. «Ouvrières de tous les pays! Organisez un front prolétarien uni dans la lutte contre ceux qui pillent le monde! A bas le parlementarisme de la bourgeoisie! Nous accueillons le pouvoir le pouvoir des soviets! Supprimons les inégalités subies par les hommes et les femmes travailleurs! Nous nous battrons avec les ouvriers pour le triomphe du communisme mondial!»
Cet appel a été entendu pour la première fois au milieu des épreuves d’un nouvel ordre, il sera entendu dans les batailles de la guerre civile et aura une résonance dans les coeurs des ouvrières dans d’autres pays. Les ouvrières écouteront et croiront cet appel à la raison. Jusqu’à il y a peu, elles pensaient que si elle s’arrangeaient pour envoyer quelques représentantes au parlement, leurs vies seraient plus faciles et que l’oppression du capitalisme seraient plus supportables. Maintenant, elles savent le contraire.
Seul le renversement du capitalisme et l’établissement du pouvoir des soviets les sauvera du monde de souffrances, d’humiliations et d’inégalités qui rendent la vie de l’ouvrière dans les pays capitalistes si difficile. La ‘Journée de l’Ouvrière’ est passée d’une journée de lutte pour le droit de vote à une journée à une journée internationale de lutte pour la libération totale et absolue des femmes, ce qui signifie une lutte pour la victoire des soviets et pour le communisme!
A BAS LE MONDE DE LA PROPRIÉTÉ ET DU POUVOIR DU CAPITAL!
A BAS INÉGALITÉ, LE MANQUE DE DROITS ET L’OPPRESSION DES FEMMES – HÉRITAGE DU MONDE BOURGEOIS!
EN AVANT VERS L’UNITE INTERNATIONALE DES OUVRIÈRES ET DES OUVRIERS DANS LA LUTTE POUR LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT – LE PROLÉTARIAT DES DEUX SEXES!Notes:
[1] La Russie tsariste utilisait toujours le vieux calendrier ‘Julien’ du Moyen-Age qui était 13 jours derrière le calendrier ‘Grégorien’ utilisé dans la plupart du reste du monde. Ainsi, le 8 mars était le ’23 février’ dans l’ancien calendrier. C’est aussi pourquoi la révolution de mars 1917 est appelée ‘la Révolution de Février’ et celle de novembre 1917 ‘la Révolution d’Octobre’.
[2] Clara Zetkin était une dirigeante du mouvement socialiste allemand et la dirigeante principale du mouvement international des ouvrières. Kollontaï était une déléguée à la conférence internationale représentant les ouvrières du textile de St-Pétersbourg.
[3] Ceci n’est pas correct. La grande majorité des ouvriers non-qualifiés en Angleterre, en France et en Allemagne ne pouvaient pas voter. Un plus petit pourcentage des hommes de la classe ouvrières aux États-Unis ne pouvaient pas voter – en particulier les hommes immigrés. Dans le sud des USA, les hommes noirs étaient souvent empêchés de voter. Les mouvements de la classe moyenne pour le suffrage dans tous les pays européens ne se sont pas battus pour donner le droit de vote aux femmes de la classes ouvrières, ni aux hommes de la classe ouvrières.
[4] Durant son Congrès de 1903, le Russian Social Democratic Labour Party (Parti Russe Social Démocratique du Travail) s’est divisé en deux ailes, les bolchéviques (ce qui signifie ‘majorité’ en russe) et les menchéviques (ce qui signifie ‘minorité’). Dans la période entre 1903 et 1912 (quand la division est devenue permanente), les deux ailes ont travaillé ensemble, se sont unifiées pendant un moment, et puis se sont encore divisées. De nombreux socialistes, y compris l’ensemble des organisations locales, ont travaillé avec les deux ailes ou ont essayé de rester neutres dans les désaccords. Kollontaï, une socialiste active et combattante pour les droits des femmes depuis 1899, était d’abord indépendante des factions, puis est devenue menchévique pour plusieurs années. Elle a rejoint les bolchéviques en 1915 et est devenue la seule femme membre de leur comité central. Elle a également siégé comme commissaire du bien-être de la République Soviétique et comme directrice de la section féminine du Parti Bolchévique.
[5] August Bebel (1840-1913) était un dirigeant du German Social-Democratic Party (Parti Social-Démocrate Allemand). Il était un supporter bien reconnu du mouvement des femmes et l’auteur d’un ouvrage classique sur le marxisme et les femmes ‘Die Frauenfrage’, traduit en anglais ‘Woman under Socialism’ (Femme et Socialisme), qui a été traduit en de nombreuses langues.
[6] Lorsque la guerre a éclaté en 1914, il y avait une énorme scission dans le mouvement socialiste international. La majorité des sociaux-démocrates en Allemagne, en Autriche, en France et en Angleterre soutenait la guerre. D’autres socialistes, tels que Kollontaï, Lénine, le Parti Bolchévique et Leon Trotsky en Russie, Clara Zetkin et Rosa Luxemburg en Allemagne, et Eugene Debs aux Etats-Unis, pour ne nommer que quelques dirigeants, ont dénoncé les socialistes pro-guerre d’être des traitres à la classe ouvrière et au combat pour la révolution des ouvrières.
[7] Le mot ‘soviet’ signifie ‘conseil’. Les soviets, ou conseils des ouvriers, sont des corps démocratiques dans lesquels les délégués sont élus dans des réunions des usines et du voisinage et sont contrôlés par leurs frères et soeurs ouvriers. Les représentants des soviets doivent faire rapport à leur circonscription électorale et sont sujets à un rappel immédiat.
[8] Après la saisie du pouvoir par la classe ouvrière en octobre/novembre 1917, l’état ouvrier russe était confronté à deux problèmes majeurs. L’un était une invasion, y compris des États-Unis, l’autre était la résistance des éléments pro-monarchistes et pro-capitalistes en Russie. Principalement sous la direction de Léon Trotsky, les soviets ont créé une armée ‘des ouvriers et des paysans’, l’Armée Rouge’, qui a battu les forces de contre-révolution.
[9] Les femmes avaient gagné le droit de vote dans plusieurs états des États-Unis avant la Première Guerre Mondiale. Un amendement fédéral garantissant à toutes les femmes de plus de 21 ans le droit de vote a été voté le 26 août 1920. Il a fallu attendre les années 60 pour que la dernière barrière légale au vote de personnes de la classe ouvrière aux États-Unis soit abolie.
[10] Les conciliateurs auxquels Kollontaï fait référence sont les dirigeants du Parti Social-Démocrate qui formaient un nouveau gouvernement capitaliste en Allemagne après la chute du kaiser en 1918. Ils sont activement soutenu la contre-révolution après leur arrivée au pouvoir.
[11] Alors que l’aristocrate Lady Astor était en effet la première femme à siéger au parlement anglais, la première femme élue au parlement a été la révolutionnaire irlandaise Constance Markievicz. Avec d’autres membres du parti Sinn Fein, elle a refusé de prendre son siège au parlement impérial.
[12] Les femmes françaises n’ont finalement pas obtenu le droit de vote avant la Deuxième Guerre Mondiale.Traduction et commentaires réalisés par le site “La Bataille Socialiste”
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Hommage à Léon Lesoil
Ce dimanche 12 février, quelques camarades du PSL ont rejoint Gustave Dache, vétéran carolo du mouvement trotskiste, afin de rendre hommage à Léon Lesoil, l’un des pionniers du trotskisme en Belgique.
Nous aurions difficilement pu trouver une meilleure date pour une telle commémoration : cette année est non seulement le centenaire de la révolution russe, mais également celui de la conversion de Léon Lesoil au bolchevisme, alors qu’il servait en Russie en tant que soldat belge. dès ce moment, il ne cessera jamais de défendre le marxisme révolutionnaire, jusqu’à sa mort en camp de concentration en 1942.
Il fut l’un des co-fondateurs du Parti communiste en Belgique et participa notamment au IIIe Congrès de l’Internationale communiste (la Komintern). Face à la dégénérescence bureaucratique de l’Union Soviétique et de la Komintern, il se rallia aux positions défendues par Léon Trotsky et fut exclu du parti en 1928. Il poursuivit son combat et figura parmi les fondateurs du mouvement trotskiste en Belgique. Il fut également l’un des dirigeants de la grève des mineurs de Charleroi en 1932.
Cet hommage, le premier que nous faisons sur la tombe de Léon Lesoil mais certainement pas le dernier, est un outil pour nous réapproprier notre histoire. Aujourd’hui, les commémorations portent majoritairement sur l’histoire de la classe dominante ou sur la manière dont celle-ci voudrait que l’on comprenne les événements historiques. La faiblesse actuelle des organisations de travailleurs a considérablement diminué le nombre de commémorations ayant pour but de nous souvenir de l’histoire ouvrière, de ses luttes et de ses héros. Il reste bien entendu le Premier mai, par exemple, mais il s’agit presque d’une exception.
Il fut pourtant un temps où les commémorations ouvrières étaient nombreuses et à l’affluence massive. A Liège, la vague de révoltes ouvrières de 1886 a d’ailleurs commencé par une manifestation de quelques milliers de travailleurs dont le cortège commémorait les 15 ans de la Commune de Paris.
Le parti que le PSL a l’ambition de construire ne se veut pas seulement un instrument visant à la prise du pouvoir par la classe des travailleurs. Il veut aussi faire œuvre de mémoire du mouvement ouvrier et des luttes oubliées par l’histoire officielle. C’est d’autant plus le cas concernant l’histoire des véritables bolcheviks et des trotskistes.




