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Tag: Grèce
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En Grèce, en Belgique et ailleurs – Contre l'austérité: Restons mobilisés!
Le scandale du Swiss Leaks a une fois de plus mis en lumière que si nous vivons tous sur la même planète, nous ne sommes décidément pas du même monde… Alors que l’austérité continue de ravager nos conquêtes sociales et que le monde patronal remet en question des droits essentiels tels que celui de faire grève, la fête n’en finit plus pour les riches. Une seule donnée suffit à illustrer la nocivité du système capitaliste : en 2014, 80 personnes possédaient autant que les 3,5 milliards de personnes les plus pauvres au monde. Leur patrimoine a doublé entre 2009 et 2014. La crise ? Quelle crise ?Par Nicolas Croes
En 2009, les 1% les plus riches au monde possédaient 44% du patrimoine mondial. En 2014, ils en possédaient 48% et selon Oxfam, à l’origine de ces données, les 50% seront dépassés en 2016. Cela signifie donc que le 1% le plus riche possèdera plus que le reste de l’Humanité. L’inégalité est telle que les 80% les plus pauvres de la population mondiale ne possèdent que… 5,5% des richesses !
Lux Leaks, Swiss Leaks,… et ensuite ?
A l’automne dernier des journalistes avaient publié qu’un bon millier d’entreprises parmi les plus importantes de la planète avaient secrètement négocié avec l’État luxembourgeois l’obtention d’accords fiscaux très avantageux pour elles. Le Swiss Leaks ravale le scandale de cet évitement fiscal au rang d’arnaque de collégiens : on parle ici de pas moins de 180 milliards d’euros qui ont su échapper à l’impôt grâce à un très complexe mécanisme de comptes numérotés en Suisse, avec la complicité active de la banque britannique HSBC. La clientèle de ce système d’évasion fiscale est composée d’un large panel d’illustres représentants de ce 1% de parasites juchés sur une montagne d’argent au sommet de la société.
Combien de montages similaires existent-ils encore à travers le monde? Quelles sommes sont-elles ainsi cachées à la collectivité tandis que cette dernière est pressée comme un citron? Soyons clairs, il ne s’agit aucunement de dérives. Les États et institutions internationales encouragent ces pratiques en estropiant tout à fait sciemment les organismes de lutte contre la fraude fiscale. En Belgique, par exemple, l’austérité s’est également abattue sur le SPF Finances qui a perdu 2375 fonctionnaires uniquement entre fin 2008 et début 2012 (9,1% de personnel en moins…). Les autorités auraient tout aussi bien pu crier ‘‘Fraudez les gars, vous ne risquez rien !’’
Et il ne faut même pas nécessairement aller jusque-là. Les riches et les grandes entreprises, en Belgique ou ailleurs, peuvent parfaitement éviter l’impôt en toute légalité grâce à la déduction des intérêts notionnels, à l’absence d’impôts sur les plus-values, etc. Aux Pays-Bas, les autorités ont conclu divers convention pour éviter la double imposition entre ce pays et d’autres, les royalties ne sont pas imposables,…
On lâche rien !
Le contrôle budgétaire de mars s’annonce ardu. Les mesures antisociales supplémentaires que décideront les autorités viendront s’ajouter à toute la batterie de mesures d’austérité déjà annoncée. Ne laissons rien passer !
L’arrivée au pouvoir d’un gouvernement grec dirigé par le parti de gauche radicale Syriza a parlé à l’imagination d’innombrables jeunes et travailleurs en Europe et au-delà. Une grande frayeur a gagné les élites européennes et leur riposte ne s’est pas fait attendre. C’était comme si le sort du monde se jouait dans ce pays qui ne représente que 2% de l’économie de la zone euro… Comme l’expliquait le dirigeant syndical irlandais James Larkin : ‘‘Les grands de ce monde n’ont l’air grands que parce que nous sommes à genoux. Levons-nous!’’ Voilà ce qui fait trembler l’establishment capitaliste : que les masses réalisent la puissance de leur nombre face à celle toute relative des comptes en banque.
En Grèce, les travailleurs et les jeunes doivent continuer à se mobiliser pour assurer que les nouvelles autorités grecques ne cèdent pas à l’ignoble chantage des institutions européennes. Les masses doivent les pousser à aller plus loin, vers une claire rupture anticapitaliste.Nous n’avons pas à rester spectateurs. En Belgique, le potentiel pour balayer le gouvernement par la grève reste entier. La concentration syndicale du 11 mars ne doit être qu’un premier pas dans le cadre d’un deuxième plan d’action allant crescendo jusqu’à une grève générale de 48 heures, reconductible si besoin est.
Le monde entier est secoué par les troubles politiques, sociaux et économiques à un rythme sans cesse croissant. La classe dirigeante capitaliste est dépourvue de toute solution à long terme. Cela place de colossales responsabilités sur les épaules de la classe des travailleurs, seule capable de construire un monde débarrassé de l’austérité et de l’exploitation. Notre classe a la capacité de bloquer l’économie par la grève pour ensuite la faire tourner à l’avantage de la collectivité, débarrassée des vermines qui vivent de notre travail.
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Syriza recule sous les menaces de la Troïka
Le 20 février, les négociateurs grecs ont accepté une extension de quatre mois du programme de renflouement actuel avec ses créanciers (la Troïka – l’UE, le FMI et la Banque centrale européenne).La délégation grecque aurait été soumise à un chantage pur et simple de la part de l’Eurogroupe (les ministres des Finances de la zone Euro). Le gouvernement grec de Syriza a été prévenu qu’ils seraient forcés de mettre en œuvre des contrôles de capitaux dans les jours qui viennent s’ils n’étaient pas d’accord.Les éléments clés de cet accord sont que la Grèce accepte le cadre du « mémorandum » (l’accord d’austérité) pour les quatre mois à venir ; la Grèce n’obtiendra le renflouement suivant que si elle est évaluée « positivement » par la Troïka ; la Grèce doit rembourser toute la dette à échéance stricte ; la Grèce est contrainte d’utiliser la plus grande partie de l’argent rassemblé par le programme d’austérité pour rembourser la dette sans qu’elle ne puisse engager « d’actions unilatérales ».
Il est clair que l’accord représente un grand recul de la part du gouvernement grec.
Cet accord sur quatre mois peut avoir empêché dans l’immédiat la sortie du PAYS de l’euro, mais avec un très lourd prix à payer. Bien que le premier ministre Tsipras essaie de donner le change, Athènes a fait de grandes concessions, et a reculé sur des revendications comme la dépréciation du montant de l’énorme dette de la Grèce.
Syriza prétend avoir obtenu « le meilleur » des mauvais accords dans un contexte de pressions concernant le refinancement des banques grecques et de retraits chaotiques des fonds dans ces mêmes banques par les Grecs. « Nous avons gagné du temps », a revendiqué Syriza. Mais du temps pour quoi ? On a vu que l’accord conduit Athènes à proposer des réformes acceptables pour ses créanciers. Les propositions de Syriza doivent être validées par l’Eurogroupe et la Troïka, avec la DATE butoir d’avril. Si Syriza n’acceptait pas ces diktats, la Grèce n’obtiendrait pas les nouveaux prêts nécessaires pour ne pas être en défaut de paiement de la dette de 320 milliards d’euros.
Tout est-il perdu ?
Cela signifie-t-il que « tout est perdu » ? Ceci dépend de l’état d’esprit des travailleurs et de la population grecque. Les mouvements ouvrier et social se battront pour que leur victoire électorale se traduise sur le plan industriel, tandis que la Troïka essayera de contenir Syriza dans le cadre capitaliste de l’Union européenne. Le gouvernement sera durement coincé entre ces deux pressions. La façon dont cette lutte va se terminer est imprévisible car c’est une bataille entre forces vives.
Syriza devrait dire la vérité aux Grecs. Si le gouvernement a fait des concessions pour gagner du temps pour permettre la mise en œuvre d’un plan stratégique pour défaire l’austérité, alors la population comprendra et rejoindra la bataille. Mais en refusant de faire cela, le gouvernement grec montrera tristement que le chemin qu’il prend est celui de la collaboration de classe avec l’Union Européenne et la classe dirigeante locale, en acceptant leur calendrier.
Syriza ne met pas en avant un programme socialiste général. Ses dirigeants promettent de rester dans la zone Euro capitaliste, quoi qu’il en soit. Ce qui veut dire emprisonner les travailleurs grecs dans la camisole de force du capitalisme de l’Union européenne des patrons et accepter la logique « du marché unique » et le diktat de la Troïka.
Le ministre des Finances grec Varoufakis a affirmé que l’accord permet à la Grèce de modifier son objectif fiscal cette année, ce qui pourrait amener un excédent inférieur, et qu’il y a « une ambiguïté créative » au sujet des excédents que la Grèce devrait produire au-delà de 2015. Le gouvernement grec a dit que ceci lui permettra d’effectuer certaines politiques humanitaires. Il est vrai que quelques milliard d’euros pourraient atténuer les pressions épouvantables sur ceux et celles qui sont les plus durement touchés parmi de la population grecque. Ceci peut être vu comme un certain progrès par les travailleurs, pour le moment, du moins comparé au morne bilan du dernier gouvernement.
Les enjeux ne pourraient être plus hauts
Mais ça ne sera pas suffisant pour financer une série de réformes pour la classe ouvrière et d’indispensables investissements publics massifs. Les principales parties du «Programme de Thessalonique» de Syriza, qui lui-même était un recul par rapport aux programmes précédents de Syriza, seront reportées, peut-être indéfiniment. Il est bien loin de réparer les dégâts de la perte de 25 % du PIB de ces cinq dernières années. Et si le gouvernement Syriza est d’accord avec des conditions générales draconiennes exigées par le capitalisme allemand alors les travailleurs grecs le verront, tôt ou tard, comme un retournement et une capitulation de la part de Syriza.
Déjà des dirigeants de Syriza vacillent publiquement sur certains engagements politiques comme le rétablissement de la télévision publique ERT. Alors qu’il avait affirmé qu’il n’effectuerait aucune nouvelle privatisation, Syriza a discuté la possibilité que des sociétés privées participent au « développement » d’infrastructures.
Il y a encore un soutien public énorme pour un programme anti-austérité radical. Plus de 100 000 personnes se sont retrouvées dans le centre d’Athènes le 15 février, pour soutenir la position initiale de Syriza dans la négociation. L’état d’esprit était combatif. Les fascistes d’Aube dorée et le nationalisme réactionnaire ont été repoussés à l’arrière-plan dans la situation politique grâce à cette nouvelle ambiance anti-troïka et anti-impérialiste. 70% des électeurs d’Aube dorée ont dit avoir été d’accord avec la position du gouvernement Syriza. Cela montre le soutien actif énorme dont pourrait bénéficier une lutte large contre la Troïka, clairement contre les coupes et pour un programme socialiste, qui inclut le reniement de la dette, pour en finir avec toute l’austérité, pour le contrôle des capitaux, un monopole de l’Etat sur le commerce extérieur, et la propriété publique démocratique des grandes entreprises et des banques, pour répondre aux besoins de la majorité et non d’une poignée – et un appel internationaliste de classe en direction des travailleurs du reste de l’Europe.
Même si Syriza s’en tient avec défiance à son Programme de Thessalonique, les travailleurs et les plus pauvres en Grèce se mobiliseraient avec enthousiasme pour soutenir sa mise en œuvre, avec le soutien actif des travailleurs à travers l’Europe, défiant leurs propres gouvernements mettant en œuvre les coupes budgétaires.
Si le gauche échoue à montrer une porte de sortie et si les classes moyennes et de grands pans de la classe ouvrière tombent dans la frustration et la démoralisation, ceci rouvrira la voie à Nouvelle Démocratie et à d’autres partis pro-austérité et offrira même une nouvelle opportunité de croissance à Aube dorée. Les enjeux ne pourraient pas être plus hauts pour la classe ouvrière grecque et européenne.
Cet article est composé d’extraits d’une interview avec Nicos Anastasiades qui sera publié dans l’édition de mars 2015 de Socialism Today (le magazine mensuel du Socialist Party en Angleterre et au Pays de Galles)
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Le gouvernement Syriza défie l'austérité européenne
Trois semaines après les élections du 25 janvier, 81,3% des Grecs donnaient une appréciation positive ou très positive de l’activité du nouveau gouvernement. À la mi-février, un sondage réalisé par la chaine Alpha TV estimait que SYRIZA pouvait compter sur 45% des voix (contre 36% le 25 janvier). Ces chiffres sont aussi impressionnants qu’inaccessibles aux autres gouvernements, même en rêve. Le contraste entre le gouvernement SYRIZA et les autres est saisissant, il ne peut que susciter l’intérêt et l’enthousiasme. Au lendemain des élections déjà, une vaste opération était lancée pour forcer le gouvernement grec à finir sur les genoux. Toute possibilité de compromis a rapidement été éliminée, les seules options sur la table étaient de se soumettre à la Troïka (Banque centrale européenne, Union européenne, Fonds monétaire international) ou d’emprunter une voie alternative, celle du socialisme.Dossier de Bart Vandersteene
Qu’un gouvernement populaire instaure une alternative à l’austérité représente certainement le pire cauchemar de l’establishment capitaliste européen. Pour ce dernier, le gouvernement SYRIZA doit échouer. Dans cet objectif, tous les moyens possibles et imaginables seront utilisés. La Grèce a besoin de ressources pour son secteur financier toujours malade et afin de refinancer sa dette souveraine. Les ministres des finances européens, la BCE et le FMI tiennent leur couteau sous la gorge du gouvernement grec. Ce qu’ils réclament n’est rien de moins qu’une capitulation totale. Ils ne veulent pas seulement des concessions, ils exigent que les dictats de la Troïka qui figurent dans les deux memoranda (qui regroupent les conditions nécessaires à l’obtention de ‘‘l’aide’’ européenne par la Grèce) soient scrupuleusement respectés par le nouveau gouvernement. Cela signifie plus de privatisations et plus de coupes budgétaires dans les services publics et la sécurité sociale, très exactement les recettes qui ont plongé la Grèce dans un drame social aussi profond.
‘‘La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent’’, selon la définition d’Albert Einstein. Pour de nombreux commentateurs, la politique européenne de ces dernières années peut donc être qualifiée de furieusement cinglée. ‘‘Ma préférence serait accordée à la cessation complète des politiques qui ont échoué ces cinq dernières années’’(1) a écrit l’économiste Münchau dans le Financial Times. Les dirigeants européens sont-ils fous ou représentent-ils avant tout un système absurde? La première éventualité nécessite de choisir des politiciens moins déséquilibrés. La seconde représente à première vue un cas plus difficile, car il contraint à élaborer une stratégie destinée à balancer le capitalisme dans les poubelles de l’Histoire.
Un gouvernement SYRIZA en conséquence des luttes
Ce gouvernement et ses pratiques ne tombent pas du ciel. Ils sont nés de la plus profonde crise qui ait affecté un pays d’Europe occidentale depuis les années ’30 et de l’héroïque résistance de la population contre les programmes d’austérité dramatiques imposés par l’establishment politique et économique grec et européen.
Pendant longtemps, les travailleurs et les jeunes ont placé leurs espoirs dans le parti social-démocrate le plus à gauche en Europe, le PASOK. Entre 1981 et 2009, ce parti de masse a systématiquement su s’attirer entre 38 et 48% des voix. Alors qu’en 2009, il récoltait encore 43,9%, six ans plus tard, seuls 4,7% des électeurs lui accordaient toujours leur confiance… Quand il a été clair que le PASOK défendait les intérêts des 1% les plus riches comme jamais à ce point auparavant, la sanction fut terrible. Les masses ont alors scruté l’horizon à la recherche d’une alternative. Si SYRIZA a su se faire remarquer, ce fut grâce à son attitude ferme et cohérente à l’égard de l’austérité. Le parti de gauche radicale a traduit sa volonté dans l’idée simple que la Grèce avait besoin de politiciens osant dire NON aux dictats de la Troïka et qu’un gouvernement de gauche serait en mesure de représenter les aspirations des Grecs ordinaires. En défendant ce message, SYRIZA est passé de 4,6% en 2009 à 16,8% en mai 2012, puis à 26,9% en juin 2012, à 36,3% en janvier 2015 et, selon les sondages, à 45% environ aujourd’hui.
Ce gouvernement bénéficie également, du moins provisoirement, du soutien d’une couche de Grecs qui n’ont pas voté SYRIZA mais qui estiment que le parti fait tout pour tenir ses promesses électorales.
C’est très différent de ce que les Grecs et nous-mêmes avons vécus… Ces engagements sont d’ailleurs impressionnants :
– Il a promis de rompre avec la tradition de cupidité : les ministres voyagent en classe économique, ont revendu la couteuse flotte de véhicule des ministères et ont retiré les barrières Nadar qui encerclaient le parlement pour signifier que cette assemblée-ci n’avait pas à craindre la colère de la population.
– Les grands symboles de lutte ont été récompensés. Les 600 femmes de ménage du ministère des Finances licenciées par le gouvernement précédent ont été réintégrées. Les autorités ont, de plus, expliqués que leur travail devait être plus valorisé, tandis que des ‘‘experts’’ financiers très couteux ont, quant à eux, été renvoyés.
– Après des mois de résistance populaire, le nouveau gouvernement a promis d’enterrer le projet très polluant d’exploitation de mines d’or de la région de Chalkidiki par une multinationale canadienne.
– Les personnes en retard pour rembourser leur prêt hypothécaire ne pourront plus être expulsées de leur maison et l’électricité ne peut plus être coupée.
– Les travailleurs de la chaine radiotélévisée publique ERT, qui se sont battus durant des mois, sortent victorieux du conflit. L’ERT va à nouveau émettre et sera gérée par les structures que les travailleurs ont eux-mêmes construites durant le conflit.
– Le salaire minimum a été restauré à 751 € par mois (les gouvernements précédents l’avaient diminué à 500€). Cela agit bien entendu comme pression à la hausse pour tous les autres salaires.
– Les enfants d’immigrés nés en Grèce recevront la nationalité grecque.
– Des fonctionnaires licenciés peuvent réintégrer leur emploi.Épreuve de force avec l’UE
La date d’expiration du précédent Mémorandum arrivait en vue, le 28 février. Des négociations entre la Grèce et l’Union européenne ont donc eu lieu.
Le nouveau ministre grec des Finances Yanis Varoufakis n’a pas vraiment pu compter sur des alliés lors des réunions avec les ministres des Finances européens. La Belgique, par la voix du ministre Van Overtveldt (N-VA), a rejoint la ligue des inflexibles pour qui il était hors de question de quitter la table sans une reddition grecque. L’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et l’Autriche figuraient aussi dans ce groupe, au côté des pays baltes, de la Slovaquie et, plus étonnant, du Portugal, de l’Espagne, de l’Irlande,… Ces trois derniers pays se sont exprimés de manière particulièrement féroce contre tout compromis avec la Grèce. Pour ces gouvernements, qui ont eux aussi été sous la coupe de la Troïka, une victoire de la Grèce pour mettre fin à l’austérité serait dramatique. Une telle situation leur rendrait impossible de continuer à se cacher derrière l’adage selon lequel ‘‘il n’y a pas d’alternative’’ précisément au moment où des formations anti-austérité se développent dans leurs pays respectifs, avec Podemos en Espagne et l’Alliance Anti-Austérité en Irlande.
Toute la question était de savoir dans quelle mesure ils parviendraient à forcer SYRIZA à faire des concessions. Depuis les élections de 2012, SYRIZA a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin, il y avait donc suffisamment de raisons de croire que sa direction serait sensible à la pression et ouverte aux négociations. La menace de mettre à sec le gouvernement grec et les banques mais aussi l’absence de plan ‘‘B’’ pour SYRIZA a déjà conduit à pas mal de concessions.
La Grèce a obtenu une prolongation de quatre mois de son programme de soutien. Mais en retour, son gouvernement a promis ‘‘de ne pas revenir sur les mesures des gouvernements précédents et de ne pas introduire de changements unilatéraux aux politiques et réformes structurelles qui auraient un impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière, tels que déterminé par les ‘institutions’ [nouveau nom de la Troïka, ce terme étant trop compromis en Grèce]”.
Le gouvernement de SYRIZA s’est de la sorte acheté un certain répit, mais il reste pieds et poings liés à un accord lui interdisant de réaliser une seule de ses nombreuses promesses électorales fondamentales. La Troïka continue de détenir tout le pouvoir entre ses mains.Un affrontement sur les défaillances de l’austérité européenne
Les 18 autres ministres des Finances de la zone euro avaient pour objectif de maintenir la Grèce dans le carcan de l’austérité.
Mais l’autorité de cette politique est mise sous pression, car elle se traduit par une période prolongée de très faible croissance, ce qui nécessite, à son tour, encore plus d’austérité. Il est frappant de voir comment les plus grands défenseurs du capitalisme mettent ainsi en garde les dirigeants politiques et économiques contre les conséquences de leurs actes. The Economist les a avertis que si Angela Merkel ‘‘continue à contrecarrer tous les efforts qui peuvent conduire à relancer l’économie et à éliminer la déflation, l’Europe sera condamnée à une décennie perdue qui sera encore plus débilitante que celle du Japon dans les années ‘90.’’ The Economist craint que cela ne provoque ‘‘une réaction populiste plus menaçante à travers l’Europe. Cela pourrait menacer la survie de l’euro et l’Allemagne en serait le plus grand perdant.’’(2)
Même au récent Forum Économique Mondial de Davos, les discussions ont porté sur le thème ‘‘Comment sauver le capitalisme des capitalistes’’. Le ministre grec des Finances Varoufakis appartient à la catégorie d’économistes désireux de prioritairement sauver la croissance du capitalisme en repoussant les recettes néolibérales désastreuses. Un de ses collègues économistes travaillant pour le journal radicalement pro-capitaliste Financial Times lui a parlé en ces termes : ‘‘Mon conseil à Yanis Varoufakis serait d’ignorer les regards irrités et les menaces voilées et de tenir bon. Il est issu du premier gouvernement de la zone euro disposant d’un mandat démocratique pour se révolter contre un régime totalement dysfonctionnel qui a prouvé qu’il était économiquement inefficace et politiquement intenable. Si la zone euro veut survivre dans le système actuel, alors ce régime doit s’en aller.” (3)
La direction politique actuelle de l’Union européenne ignore ce conseil. Elle s’accroche à la logique d’un capitalisme européen concurrentiel débarrassé des certitudes du passé : un emploi stable avec un revenu décent, une bonne sécurité sociale et des services publics. Selon elle, pour être capable de survivre face à la concurrence dans ce monde capitaliste globalisé, le taux de profit doit impérativement augmenter et les salaires doivent donc baisser. Afin de poursuivre la diminution continuelle des impôts sur les ‘entrepreneurs’, l’État doit être réduit à sa portion ‘adéquate’ et la dette publique doit être éliminée. L’Union Européenne et l’Union monétaire fournissent pour les capitalistes européens l’outil idéal pour créer une spirale négative de concurrence interne.
Il n’est toutefois pas exclu que, sous la pression des mouvements de masse, l’Union soit obligée de changer son fusil d’épaule. Le succès du mouvement en Grèce et l’inspiration que cela entrainerait internationalement pourraient énormément accélérer le processus. Mais vers où? Si la règlementation concernant le déficit budgétaire devenait plus lâche et si les réformes néolibérales pouvaient être introduites plus tardivement, l’État pourrait à nouveau investir. Cela atténuerait certainement les souffrances actuelles de la population, sans pour autant offrir de solution fondamentale. L’impulsion que recevrait l’économie avec une baisse moins rapide du pouvoir d’achat de la population et des investissements de la part des autorités se verrait contrariée par la chute des investissements des capitalistes puisque le retour sur investissement ne se verrait pas amélioré. Il n’est pas possible de sortir de cette crise en restant enserré dans le carcan du capitalisme.
SYRIZA tente-t-il de concilier l’eau et le feu ?
Au cours des négociations avec l’Eurogroupe, Yanis Varoufakis semblait naïvement croire que ses arguments pouvaient l’emporter. La direction de SYRIZA n’était pas préparée au scénario d’une Union européenne inflexible et aucun plan ‘‘B’’ n’était prévu. La population n’était pas préparée à la situation telle qu’elle se profile.

Xekinima, l’organisation sœur du PSL, milite activement en Grèce pour assurer que le gouvernement SYRIZA tienne bon et ne cède pas au chantage de l’establishment européen. Durant ‘‘Socialisme 2015’’ Nikos Kannelis (conseiller communal de Xekinima à Volos, élu sur une liste SYRIZA) nous donnera plus d’informations sur les développements cruciaux qui prennent place en Grèce et sur l’approche des marxistes révolutionnaires. Durant sa campagne électorale, SYRIZA n’a pas abordé la thématique de la sortie de l’euro. Pour une grande majorité des Grecs, ce n’était pas une option à considérer jusqu’à tout récemment. Une bonne partie des Grecs estime spontanément que quitter l’Union monétaire, en restant sous le capitalisme, ne représenterait pas un pas en avant, voir même plutôt le contraire. L’establishment capitaliste européen sait pertinemment que la direction de SYRIZA n’a pas d’autre scénario en tête que celui de rester au sein de l’eurozone. Elle est par conséquent soumise à une énorme pression et reste sensible au chantage exercé sur elle.
Les ambitions de ce gouvernement, répondre aux aspirations sociales et non aux dictats des banques, entrent en complète contradiction avec la législation et les visées de la zone euro. La direction de SYRIZA doit donc préparer la base du parti et la population à l’éventualité d’un Grexit (une sortie de la Grèce hors de l’eurozone) si le gouvernement grec reste fidèle aux principes qui l’ont conduit au pouvoir.
Qu’importe que la Grèce se trouve en dehors ou au sein de l’Union européenne, la situation ne sera pas fondamentalement améliorée tant que les lois du libre marché et du capitalisme seront en vigueur. Sur base capitaliste, l’économie et les investissements ne peuvent positivement se développer qu’en générant des profits suffisants pour les 1% les plus riches. Cela est incompatible avec le programme de SYRIZA et avec les besoins des 99%.
Le gouvernement doit préparer la population à une confrontation directe et lui soumettre une stratégie capable d’arracher la victoire. Oui, il faut négocier et tester les limites de ce qu’il est possible de faire dans le cadre des relations de forces actuelles au sein de l’Union européenne. Mais il faut parallèlement développer le mouvement social ainsi que son auto-organisation en Grèce de même qu’à l’étranger en s’engageant à répondre par une riposte sérieuse à chaque menace de mettre la population au pain sec et à l’eau. En réponse à la fuite des capitaux, il faut instituer un contrôle des capitaux. La collectivité a suffisamment payé pour sauver le secteur financier, autant qu’il soit placé sous contrôle et gestion publics. Voilà qui balayerait tout chantage financier en dégageant les moyens pour un vaste programme d’investissements publics. La menace des 1% de délocaliser les entreprises ou d’arrêter tout investissement afin de créer un cimetière social peut être coupée court par l’expropriation. Les secteurs clés de l’économie doivent être démocratiquement nationalisés avec pour objectif que la création des richesses soit utile à la majorité sociale et non pas consacrée à la maximisation des profits d’une infime minorité. Un tel programme offensif – traduit aux bons moments en slogans directs et en propositions concrètes – pourrait convaincre la majorité des Grecs d’emprunter la voie du socialisme et de préparer le terrain pour une Europe de la solidarité.
À qui la faute?
Un récent éditorial du Financial Times suggérait que la dette publique grecque réduisait le pays quasiment au rang d’esclave. ‘‘Pour être en mesure de rembourser ses dettes, la Grèce devrait fonctionner quasiment comme une économie esclave qui devra atteindre des années durant un excédent budgétaire primaire de 5% du PIB uniquement aux bénéfices de ses créanciers étrangers.’’ (4)
La dette grecque est effectivement tel un roc pendu au cou de la population qui en supporte collectivement la charge. Cela est largement dû au casino financier mondial. L’un des endroits les plus lucratifs a longtemps été la Grèce. Les banques étrangères y ont engrangé de gigantesques gains spéculatifs année après année, tandis que les dettes ont été renvoyées à la population. Une autre portion de cette dette publique résulte du clientélisme instauré par l’élite politique et économique afin de graisser le système lui permettant de s’enrichir. L’exemple des Jeux olympiques organisés à Athènes en 2004 est particulièrement illustratif : les juteux contrats conclus entre les politiciens et leurs amis entrepreneurs ont finalement centuplé le montant initialement prévu pour l’organisation de l’évènement (11,5 milliards d’euros au lieu de 123 millions).De l’argent accordé à la Grèce par la Troïka, seuls 11% ont été utilisés pour soutenir les finances de l’État alors que la véritable crise humanitaire qui a lieu dans le pays a considérablement accru les besoins sociaux et que pendant ce temps, les 0,1% les plus riches n’ont pratiquement pas payé d’impôts. Le reste de l’argent prêté par la Troïka a totalement disparu dans le remboursement des dettes de jeu des requins du secteur financier international.
La revendication de l’annulation de la dette publique doit être liée à celle de faire payer les véritables responsables. Grâce à la confiscation des profits spéculatifs, à l’imposition des fortunes et à la collectivisation du secteur financier, la société pourra récupérer ce qui lui a été volé. Ces exigences sont nécessaires pour répondre à la propagande qui vise à diviser les peuples d’Europe à l’instar de cette idée selon laquelle chaque Belge devrait payer les dettes des Grecs. Organisons la solidarité internationale avec leur lutte ! Une victoire remportée en Grèce renforcerait la lutte contre nos propres autorités austéritaires.
Pour plus d’infos et d’analyses : Rubrique “Grèce” de ce site
Notes
1. Wolfgang Münchau; FT; 15 février 2015 Athènes doit tenir ferme contre l’échec des politiques de la zone euro
2. The Economist, 31 janvier 2015, ‘‘ Go on, Angela, Make My Day’’
3. Wolfgang Münchau; FT; 15 février 2015 Athènes doit tenir ferme contre l’échec des politiques de la zone euro
4. Financial Times; 26 janvier 2015; La victoire électorale de SYRIZA est une chance de parvenir à un accord -
Rassemblement de solidarité avec la résistance grecque anti-austérité
Cet après-midi, plusieurs centaines de personnes, essentiellement militantes d’organisations de gauche belges ou étrangères, se sont réunis à Bruxelles face à la Bourse pour faire acte de solidarité avec la résistance grecque contre les politiques d’austérité. L’initiative de ce rassemblement avait été prise par SYRIZA-Belgique. De nombreux Grecs étaient présents, mais aussi divers militants espagnols et italiens. A leurs côtés, différentes organisations de la gauche radicale belge étaient représentées. Outre le PSL, nous avons vu le PTB, Vega, Rood, la LCR et le PC. Nos militants ont vendu 36 exemplaires de notre magazine journal Lutte Socialiste, ont réalisé deux abonnements et ont collecté plus de 200 euros de solidarité financière au travers de badges de solidarité. Nous avons également vendu 30 exemplaires du journal de notre organisation-sœur grecque, Xekinima. Plusieurs orateurs se sont succédés, dont Eric Byl au nom du PSL.
=> Journée Socialisme 2015 : la résistance grecque contre la politique d’austérité aura une place de choix lors de la journée “Socialisme 2015”. Nous accueillerons notamment NIKOS KANELLI, conseiller municipal à Volos (Grèce) élu sur une liste SYRIZA (en savoir plus).
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[PHOTOS] Grèce : Aucun pas en arrière!
Alors que diverses actions de solidarité étaient menées dans diverses villes européennes hier, et notamment à Bruxelles, les mobilisations n'ont pas faibli en Grèce non plus pour s'opposer au chantage de la Troïka. Nos camarades grecs de Xekinima ont bien entendu activement participé à ces rassemblements combatifs. Les photos ci-dessous proviennent de Thessalonique. Plus de 10.000 personnes étaient présentes et nos camarades de Xekinima y disposaient d'un bon contingent. Leur bannière proclamait : “Aucun pas en arrière – répudiez la dette – nationalisez les banques – pour un contrôle social et ouvrier”.
A Bruxelles, un nouveau rassemblement de solidarité prendra place ce dimanche, à 12h, à la Bourse.
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Rassemblement contre le chantage de l'UE-solidarité avec le peuple grec
11 février 17h30 Rond-Point Schuman Bruxelles
Une semaine à peine après la victoire historique du peuple grec qui a dit non aux chantages de l’oligarchie européenne, non à la barbarie néo-libérale des mémorandums et de la Troïka, le nouveau gouvernement en place est sous pression pour abandonner son programme d’inversion des politiques austéritaires.Au moment où M. Juncker nous dit qu’il n’y a pas de choix démocratique en dehors des traités européens.
Au moment où le remboursement d’une dette illégitime vient encore une fois jouer son rôle d’épouvantail castrateur de toute tentative d’émancipation.En ce moment crucial, nous appelons à un rassemblement le mercredi 11 février (jour de réunion de l’Eurogroupe) à 17h30 au Rond Point Schuman afin d’exprimer notre solidarité et notre soutien au peuple grec et d’exiger le respect de son choix démocratique.
Finissons-en avec la troïka!
Cette dette n’est pas des peuples! Annulons-là!
Pas de nouveau programme d’austérité imposé par l’UE à la Grèce!
Il n’y a pas de démocratie sans souveraineté populaire!Colectifs signataires: Initiative de solidarité avec la Grèce qui résiste, LCR/SAP, JOC, Vonk/Revolution, Izquierda unida Belgique, CADTM, PSL-LSP, EGA-ALS, Agir pour la paix, Syriza Belgique, D19-20….
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Liège : Une centaine de personnes assistent à notre meeting consacré à Syriza
Ce 5 février, une centaine de personnes ont participé à Liège au meeting organisé par le Parti Socialiste de Lutte (PSL) et les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) au sujet de la victoire de Syriza en Grèce et des leçons à tirer pour la lutte anti-austérité en Europe.
Nous avons eu le plaisir d'accueillir pour l'occasion Maria Panagi, membre du secrétariat de Syriza Belgique. Il était initialement question d'écouter le député européen Georges Katrougalo, mais ce dernier est devenu ministre du gouvernement d'Alexis Tsipras…
A ses côtés se trouvait Bart Vandersteene, porte-parole national du PSL, qui s'est récemment rendu en Grèce, dans le cadre de la campagne électorale, auprès des camarades grecs du PSL, Xekinima.
De nombreuses questions sont venues de la salle au sujet de la dette publique, de la relation du nouveau gouvernement avec les masses, de la signification de cette victoire électorale pour le reste de l'Europe et tout particulièrement l'Espagne,… Il a aussi été question des parallèles entre la nouvelle situation en Grèce et l'Amérique latine du début des années 2000, notamment avec le Venezuela de Chavez.
Nous aurons encore d'autres occasion d'approfondir ces questions !
Photos : Jean-Claude et Loïc
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Le nouveau gouvernement grec annonce de premières mesures anti-austérité

Les marchés et l’Union européenne réagissent contre AthènesPar Niall Mulholland, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
Le nouveau gouvernement grec dirigé par SYRIZA a annoncé une série de mesures politiques qui arriveront telles un énorme soulagement pour les travailleurs grecs après toutes ces années de mesures d’austérité brutales. Ces nouvelles mesures comprennent la restauration du salaire minimum au niveau d’avant la crise (750 euros par mois); une augmentation des faibles pensions et le paiement d’un «treizième mois» de pension (pour la période de Noël) pour tous ceux dont la pension est actuellement équivalente ou inférieure à 700 euros par mois; l’abolition des honoraires de visite à l’hôpital et des frais d’ordonnance; l’arrêt des ventes forcées de maisons de personnes incapables de rembourser leur prêt hypothécaire; l’arrêt des privatisations prévues (y compris concernant l’énergie, les aéroports et les docks); la ré-embauche des enseignants licenciés; l’abolition du système d’évaluation de la fonction publique créé dans l’objectif de licencier sur base continue dans le secteur; la ré-embauche de 10.000 travailleurs licenciés dans le secteur public; la restauration de l’ERT (Radio Télévision hellénique) avec son personnel et l’accès à la citoyenneté grecque pour les enfants d’immigrés nés en Grèce.
Bien que toutes ces mesures doivent encore être adoptées au Parlement, les travailleurs grecs estiment que leur confiance et leur dignité est en cours de restauration. D’autre part, divers éléments symboliques ne seront pas non plus passés inaperçus, comme le fait qu’Alexis Tsipras ait été nommé Premier ministre sans cérémonie religieuse ou qu’il ait ensuite rendu visite au mur des fusillés d’Athènes, où 200 communistes ont été exécutés en 1944 par l’armée allemande.
Prises ensembles, ces premières mesures (aussi limitées et partielles qu’elles soient) vont à l’encontre de décennies de soi-disant «consensus» néo-libéral et à l’encontre de l’agenda pro-austérité de la zone euro et de l’Union Européenne du capital. Ces réformes ne sont pas tombées du ciel, mais sont le produit des herculéennes luttes de masse menées par les travailleurs grecs depuis plusieurs années, avec notamment une trentaine de grèves générales. En dépit du fait que ces luttes n’ont pas permis de mettre fin aux massives coupes budgétaires en raison du rôle conservateur des dirigeants syndicaux, des millions de travailleurs ont connu un processus de radicalisation politique qui a préparé le terrain pour le bouleversement électoral majeur de la semaine dernière.
Ces premières annonces de la part du gouvernement SYRIZA ont aussi pour effet d’exposer plus encore l’attitude lâche des partis traditionnels à travers l’Europe, y compris celle des anciens partis sociaux-démocrates. Lorsque ces partis sont au pouvoir, ils appliquent l’austérité et défendent une politique opposée aux intérêts de la classe des travailleurs sous prétexte «qu’il n’y a pas d’alternative».
La réaction des marchés
Les marchés ont réagi négativement, comme cela était attendu, à ces mesures. A Athènes, les cours se sont effondrés comme jamais encore depuis le pire moment de la crise de la dette. Il est rapporté que les sorties de dépôts grecs se sont accélérées la semaine dernière pour atteindre les 11 milliards d’euros pour le mois de janvier. Les ministres ont cherché à minimiser la perspective d’un affrontement avec les créanciers.
Le parti communiste grec (KKE) tente de justifier son approche sectaire (en refusant de former un gouvernement de coalition avec SYRIZA) en rejetant les réformes gouvernementales comme n’étant guère plus que des «cacahouètes». Bien sûr, ces nouvelles mesures ne constituent pas un programme socialiste, ce qui signifierait d’annoncer des mesures telles que la répudiation de la dette publique, une très forte taxation des riches, l’imposition d’un contrôle des capitaux et du crédit ainsi que du monopole d’Etat sur le commerce extérieur ou encore la prise des commandes des secteurs-clés de l’économie sous propriété et contrôle démocratiques publics. Pareils développements seraient très positivement accueillis par les travailleurs en Grèce et en Europe et agiraient comme un coup de fouet sur l’opposition anti-austérité en Espagne, au Portugal et en Irlande, en particulier.
Les élites dirigeantes européennes seraient étonnées parce qu’elles avaient escompté sur l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de «centre-droit» qui n’aurait pas contesté la politique de soumission aux exigences de la troïka (BCE, UE et FMI). Mais le Premier ministre Alexis Tsipras est arrivé au pouvoir sous la pression de la classe des travailleurs pour concrétiser les revendications basiques de s’en prendre à la dette publique grecque, d’augmenter les salaires et de stopper les réductions de budgets. Il affirme que tous cela peut être réalisé tout en restant au sein de la zone euro, mais les dirigeants européens ont prévenu avant même les négociations sur la dette grecque qu’il aura à choisir l’objectif qu’il poursuit, ce sera l’un ou l’autre.
Les négociations sur la dette
La dette publique grecque est d’environ 320 milliards d’euros. Le pays doit refinancer les bons du Trésor pour le 6 février, soit près d’un milliard d’euros et encore 1,4 milliard d’euros pour le 13 février. SYRIZA affirme ne pas rechercher la confrontation au sujet de la dette et qu’un accord doit être trouvé sur le rééchelonnement du remboursement de la dette publique. Est-il possible que la chancelière allemande Angela Merkel accepte de donner une certaine marge de manœuvre à Athènes? Merkel est sous une pression interne afin de ne pas «gaspiller» plus d’argent avec les sauvetages, mais elle fait également face à une élite dirigeante européenne de plus en plus divisée concernant la meilleure voie à suivre. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre a ainsi récemment critiqué les résultats des politiques de la troïka et a averti de l’arrivée d’une autre «décennie perdue» en Europe. Indication de la situation stagnante de la zone euro, la Banque centrale européenne a été contrainte, la semaine dernière, de lancer un plan d’assouplissement quantitatif (d’impression d’argent).
Mais même si Merkel est prête à faire quelques concessions à Athènes sur l’agenda du remboursement de la dette et sur un certain allègement de la dette, la pression politique de partis au pouvoir sera très forte à travers l’Europe pour ne pas donner trop à la Grèce. Ils craignent que cela ne constitue un précédent qui menacerait de mettre fin au consensus austéritaire et de lancer un processus de «contagion politique» qui donnerait un coup de fouet à l’opposition anti-austérité en Espagne, au Portugal, en Irlande et ailleurs en Europe.
Avant les élections, Alexis Tsipras a déclaré que si aucun accord ne pouvait être concrétisé avec Bruxelles, que la Grèce serait poussée à sortir de la zone euro ou que l’Union Européenne tenterait de bloquer les mesures anti-austérité prises par le gouvernement grec, le gouvernement mené par SYRIZA convoquerait un référendum.
La question ne se résume toutefois pas à des sondages ou à l’arithmétique parlementaire. Comme l’illustre la riposte des gouvernements européens et des marchés face aux mesures annoncées par les nouvelles autorités grecques, les élites dirigeantes se battront avec acharnement contre toute concession accordée à la classe des travailleurs. Même si Angela Merkel et les élites dirigeantes européennes auront à accepter à contrecœur les mesures décidées par SYRIZA, elles feront tout pour revenir sur ces réformes à un stade ultérieur tandis qu’elles œuvreront entretemps à la déstabilisation du gouvernement SYRIZA, ou à sa domestication. Parvenir à arracher des acquis sociaux, même limités, et à les maintenir nécessite de lutter pour l’application d’un programme anticapitaliste et socialiste en mobilisant la classe des travailleurs sur les lieux de travail et dans les communautés, afin de contester le capitalisme et de faire appel à la solidarité des travailleurs à travers l’Europe.


