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Tag: Grande-Bretagne
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Brexit : un accord sans gagnant

Quatre ans et demi après le vote de départ de l’Union européenne, un accord commercial a finalement été conclu à la onzième heure avant l’échéance du 31 décembre 2020 fixée par Boris Johnson. Le Parlement n’a eu que quelques jours pour examiner l’accord avant de le ratifier, une parodie de la narration des conservateurs de droite pour lesquels le Brexit visait à “reprendre le contrôle”.Par Sarah Wrack, Socialist Alternative (ASI en Angleterre, Pays de Galles et Écosse)
Les sondages de YouGov ont montré que la majorité des sondés désirait que l’accord soit adopté indépendamment de la façon dont ils ont voté lors du référendum ou des élections générales. Et ce en dépit du fait que très peu (17%) estimaient qu’il s’agissait d’un bon accord pour la Grande-Bretagne. Le Premier ministre Boris Johnson semble avoir espéré qu’attendre la dernière minute pour faire des concessions sur la pêche le ferait apparaître comme un héros remportant l’accord sur le fil. Si c’est effectivement le cas, la déception l’attend. On ne trouve aucune euphorie ni chez les grandes entreprises ni chez les travailleurs. Les sentiments qui dominent sont plutôt d’une part celui du soulagement que le long et fastidieux processus soit terminé et d’autre part, en raison également de la crise sanitaire, que l’incompétence des Conservateurs n’a pas de limite.
Tout cela peut se transformer en colère lorsqu’il deviendra plus clair pour un plus grand nombre de personnes que le processus est en fait loin d’être terminé ! L’accord qui a été conclu est incroyablement mince, il manque de précisions sur un vaste nombre de questions. Les négociations vont probablement se poursuivre pendant des années encore. Alors que certains ont voté pour quitter l’UE en espérant moins de bureaucratie et de “paperasserie”, l’accord a donné naissance à tout un réseau de groupes de travail et de comités mettre au point une multitude de détails.
Les gagnants et les perdants
Cette manière de laisser nombre d’aspects ouverts a permis de conclure l’accord. Ce dernier est suffisamment vague pour que les deux parties puisse revendiquer la victoire. Par exemple, l’une des grandes questions des négociations concernait la garantie qu’aucune partie ne puisse obtenir un avantage “injuste” en modifiant sa législation sur le travail, l’environnement ou les aides d’État. L’accord prévoit le maintien des normes existantes, mais avec le droit de diverger à l’avenir si le gouvernement britannique le souhaite (et de risquer alors de se voir imposer des droits de douane si ces divergences sont considérées comme une menace pour le marché unique de l’UE). L’UE peut donc se prévaloir d’un succès parce que la Grande-Bretagne n’a pas été autorisée à accéder au marché unique avec le droit de fixer les règles qu’elle souhaite. Mais le gouvernement Johnson peut prétendre au succès parce qu’il a obtenu le “droit” pour le Royaume-Uni de prendre ses propres décisions sur ces questions, ce qui était considéré comme politiquement vital pour apaiser de quelque manière que ce soit la base de soutien des conservateurs autour de la “souveraineté”.
La réalité est à l’opposé : aucun des deux camps n’est vainqueur. L’UE est convaincue que le résultat n’a pas fait de cette sortie une perspective attrayante pour les autres États membres, mais elle est très certainement affaiblie par la perte de l’une de ses plus grandes économies et d’environ un quart des dépenses de défense de l’UE.
Du point de vue du capitalisme britannique, si la catastrophe d’une situation sans issue a été évitée, il y aura de nouvelles barrières commerciales contrairement aux déclarations de Boris Johnson. De nouveaux contrôles douaniers seront introduits et des restrictions imposées sur certains produits, tout particulièrement concernant l’alimentation. L’inévitable surcroît de bureaucratie que cela implique risque d’entraîner des problèmes logistiques, des retards, etc. mais aussi une augmentation des coûts et du temps consacrés à la paperasserie.
Toute tentative de répercuter ces coûts sur les travailleurs par des hausses de prix, des suppressions d’emplois ou des réductions de salaires doit être combattue avec acharnement par les syndicats. Il n’y a pas non plus de reconnaissance automatique des qualifications professionnelles et des restrictions seront imposées aux entreprises britanniques qui vendent des services en Europe, surtout pour les services financiers de la classe capitaliste (en valeur, les services représentent 50 % des exportations britanniques).
L’Irlande du Nord
L’un des changements les plus importants est la mise en œuvre du protocole sur l’Irlande du Nord. Pour éviter les implications politiques et sociales du durcissement de la frontière sur l’île d’Irlande, l’Irlande du Nord restera dans le marché unique des marchandises de l’UE, et il existe désormais une frontière réglementaire le long de la mer d’Irlande. L’assemblée d’Irlande du Nord se prononcera également tous les quatre ans sur le maintien de ces dispositions, ce qui signifiera une bataille sectaire régulière concernant la frontière irlandaise, mais aussi la perspective d’un durcissement de la frontière nord/sud à l’avenir.
Des contrôles seront effectués sur certaines marchandises circulant entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, et il est déjà signalé que certaines petites entreprises ont cessé d’approvisionner l’Irlande du Nord en raison de l’augmentation des coûts que cela représente. Si certaines industries d’Irlande du Nord peuvent bénéficier d’un accès aux deux marchés, dans d’autres, il subsiste un risque accru de suppressions d’emplois et de fermetures d’entreprises, auquel il faut résister.
Pour de nombreux travailleurs protestants d’Irlande du Nord, le nouvel arrangement ressemble à une “Irlande économique unie” et constitue une étape supplémentaire pour les pousser dans une Irlande unie dans laquelle ils seront une minorité marginalisée. La République d’Irlande a accepté de prendre en charge les coûts des étudiants d’Irlande du Nord pour maintenir l’accès au programme Erasmus et pour que les voyageurs aient accès aux services de santé européens. Bien que l’approche du DUP (Parti unioniste démocrate, en anglais Democratic Unionist Party) semble pour l’instant minimiser cet aspect, ils peuvent utiliser les nouvelles dispositions pour attiser davantage les tensions sectaires à l’avenir lorsque cela répondra à leurs besoins politiques. Une approche socialiste reposant sur la solidarité et l’unité de la classe ouvrière au-delà des clivages sectaires est essentielle.
Et maintenant ?
Le refrain commun des politiciens capitalistes par-delà les clivages politiques et nationaux est de mettre Brexit derrière eux. Ce processus qui a duré des années les a encore plus exposés, eux et leur système, comme incapables de résoudre les problèmes de la masse des gens ordinaires. Comme nous l’avons souligné, les facteurs qui ont contribué à ce que de nombreuses personnes votent pour quitter l’UE en 2016 – pauvreté, travail précaire, bas salaires, services publics décimés et sentiment d’aliénation par rapport à toutes les institutions politiques – n’ont pas disparu, bien au contraire.
L’abandon de l’UE était un vote contre l’establishment, et il a plongé la classe capitaliste dans la crise, notamment en faisant tomber deux premiers ministres conservateurs. Ce fut un coup dur pour le projet néolibéral de l’Union européenne. Mais nous avons également souligné que sur la base du capitalisme, le Brexit ne résoudrait aucun de ces problèmes sous-jacents. La situation aurait pu être différente si Jeremy Corbyn (alors qu’il était dirigeant du Parti travailliste) et les dirigeants syndicaux avaient pris la tête d’une campagne de gauche anti-austérité pour le « leave » mais, malheureusement, ils ne l’ont pas fait.
Aucun accord élaboré par les conservateurs et d’autres politiciens capitalistes européens n’aurait jamais pu satisfaire les besoins et les désirs de la classe ouvrière. Pour cela, nous ne pouvons compter que sur la force potentielle de la classe ouvrière organisée et des mouvements de masse en Grande-Bretagne et dans le monde pour apporter un véritable changement socialiste. Sur base de l’appropriation publique démocratique de l’économie et d’une planification démocratique visant à répondre aux besoins des gens, nous pouvons construire un avenir meilleur dans lequel les peuples d’Europe et du monde peuvent être unis sur une base libre, volontaire et égale.
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Grande-Bretagne. Suspension du Parlement: Luttons pour des élections générales immédiates !
Non au putsch de Boris Johnson ! Pour des manifestations de masse réunissant les syndicats, le mouvement des grèves climatiques et tous ceux qui s’opposent à cette atteinte aux droits démocratiques !- Nous ne pouvons pas faire confiance aux députés capitalistes pour protéger les travailleurs et les jeunes d’un Brexit conservateur sans accord ! Luttons pour des élections générales et un gouvernement travailliste dirigé par Corbyn autour de politiques socialistes !
- Pour une sérieuse riposte syndicale contre toute menace de licenciement, de fermeture ou de coupe budgétaire !
- Non à un Brexit conservateur – qu’il y ait un accord ou non ! Opposons-nous à l’UE capitaliste ! Développons une véritable solidarité et une résistance coordonnée aux politiques capitalistes à travers l’Europe !
- Pour une Angleterre, un Pays de Galles et une Ecosse socialistes faisant partie d’une fédération socialiste d’Europe et d’un monde socialiste, où les ressources seraient détenues et planifiées démocratiquement !
La crise politique britannique a atteint un nouveau sommet lorsque Boris Johnson a annoncé que le Parlement sera suspendu pour cinq semaines, mesure désormais “approuvée” par la Reine. Lors de son premier acte en tant que premier ministre, Boris Johnson a accéléré l’attaque parlementaire en cours depuis longtemps au sujet de Brexit.
Par Becci Heagney (Socialist Alternative, CIO – Angleterre et Pays de Galles)
Johnson prétend que cette suspension s’explique en raison du ‘‘retard’’ d’un discours de la Reine, par le fait que cette session parlementaire est la plus longue depuis 400 ans ainsi qu’au vu de son intention de présenter une législation “audacieuse et ambitieuse”, comprenant notamment un meilleur financement du NHS (National Health Service, le système de soins de santé publics du Royaume-Uni). Cependant, il est évident que le véritable objectif de Johnson est de sauver sa peau en tentant d’éviter un vote de défiance et en empêchant les députés de voter contre un Brexit sans accord.
Le Parlement sera suspendu jusqu’au 14 octobre, quelques jours avant le sommet européen où Johnson espère obtenir un nouvel accord, les 17 et 18 octobre. Il ne resterait alors plus que deux semaines avant que la Grande-Bretagne ne quitte l’UE, le 31 octobre. Cela signifie en réalité que le Parlement ne pourra pas discuter du Brexit avant le sommet de l’UE, ce qui laisse peu de temps pour qu’un nouvel accord soit discuté et voté.
Johnson représente une petite partie du parti conservateur et de la population dans son ensemble. La majorité de la classe capitaliste est désespérée et opposée à l’approche de Johnson pour qui “pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord”. Quand Theresa May a été nommée chef de file et première ministre, c’était dans le but d’obtenir un accord pour un « Brexit mou ». Elle a été forcée de faire un pas de côté lorsqu’il s’est avéré impossible d’obtenir cela au Parlement.
La direction du Parti travailliste a hésité à appeler un vote de défiance à l’égard de Boris Johnson. Pas plus tard que ce 28 août, des pourparlers entre les partis de l’opposition ont rejeté l’idée d’un vote de défiance et ont plutôt opté pour des mesures “législatives” afin d’essayer d’empêcher l’arrivée d’un Brexit sans accord. Quand la suspension du Parlement a été annoncée, la chose a choqué de nombreux députés travaillistes qui ont réagi en demandant que le parlement soit occupé et que les gens descendent dans la rue pour “arrêter le putsch” et “défendre la démocratie”.
D’énormes protestations contre Johnson doivent prendre place et Jeremy Corbyn et le parti travailliste doivent y appeler, avec le soutien et la mobilisation des syndicats. Mais non pas autour du mot d’ordre de “pas de suspension du Parlement” : il faut exiger la chute de Johnson et des Conservateurs et l’organisation immédiate d’élections générales !
En vérité, de nombreux députés de tous les partis essaient de marcher sur une corde raide. Ils veulent d’un côté éviter un Brexit sans accord ou même revenir sur la décision obtenue par référendum et ainsi rester au sein de l’UE. De l’autre côté, ils ne veulent pas que de nouvelles élections générales soient organisée puisqu’il est fort probable qu’elles seraient remportée par Jeremy Corbyn et qu’il devienne Premier ministre. La perspective de la formation d’un gouvernement d’”unité nationale” pour mettre un terme au “no deal” est inhérente à cette situation. Ou alors, en dépit de sa rhétorique, Johnson pourrait conclure un accord qui pourrait être imposé au Parlement.
Tous les partis se préparent pour de probables élections générales en novembre. Boris Johnson soit un vote de défiance, soit à l’effondrement du gouvernement britannique suite à la sortie de l’UE sans un accord. Auparavant, plus de vingt députés conservateurs avaient averti qu’ils voteraient contre Johnson lors d’un vote de confiance. Sur cette base, il se présenterait au pays en présentant les choses comme étant un combat du “peuple contre le parlement”, en argumentant que les députés de Westminster essaient de stopper le Brexit. En concluant une sorte d’alliance électorale avec Nigel Farage (ancien fondateur de l’UKIP et fondateur du Parti Brexit) et le Parti Brexit, cela pourrait certainement trouver un écho. La situation pourrait s’aggraver si Jeremy Corbyn et le Parti travailliste ne disposent pas d’une position claire au sujet du Brexit.Les socialistes doivent se battre pour une élection où la classe ouvrière affronte l’establishment capitaliste. Nous devons nous battre pour défendre tous les emplois et services menacés par un Brexit désordonné, y compris par la nationalisation de toute entreprise qui menace de quitter le pays, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Étant donné que cette polarisation politique risque d’engendrer des tensions, nous devons également lutter contre le racisme et défendre les droits des migrants tout en faisant campagne contre les règlements et les directives anti-travailleurs de l’Union européenne.
Sur cette base, et avec un programme politique similaire à celui de 2017 (gratuité de l’enseignement, renationalisation d’entreprises privatisées,…), Jeremy Corbyn pourrait rentrer dans ces élections générales avec l’engagement de rouvrir les négociations avec l’UE pour négocier un Brexit dans l’intérêt des travailleurs.
Quoi qu’il ressorte des semaines à venir, il est clair que nous ne pouvons pas compter sur le Parlement. Le fait que le Parlement puisse être suspendu par la Reine, cheffe d’État non élue, expose la réalité antidémocratique de notre système politique. Quel que soit l’accord négocié ou non par Johnson sur le Brexit, les travailleurs devront s’organiser pour défendre les emplois et repousser l’austérité à la suite d’une crise économique provoquée par un Brexit désordonné. La suspension du Parlement représente un signe de faiblesse de ce gouvernement. Il ne tient qu’à un fil. Nous pouvons faire chuter ce gouvernement en commençant par des manifestations dans tout le pays et avec une mobilisation de masse à Manchester lors de la conférence du Parti conservateur du 29 septembre.
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Elections municipales britanniques. Il faut concrétiser la rhétorique de gauche !

Jeremy Corbyn. Photo : Wikimedia Commons Ces dernières années beaucoup de turbulences politiques ont secoué la Grande Bretagne. Cela n’a pas l’air de devoir se calmer de sitôt.
Par Els Deschoemacker
Il y a eu la ‘‘révolte Corbyn’’, qui a vu des centaines de milliers de jeunes et de travailleurs se ranger à plusieurs reprises derrière le président de gauche du parti travailliste Jeremy Corbyn en opposition aux partisans de Tony Blair dans le parti. Puis le vote dramatique sur le Brexit, une véritable insurrection des couches les plus pauvres de travailleurs contre la brutale politique d’austérité de l’Union européenne et de l’establishment britannique. Ce tremblement de terre politique continue de hanter l’élite, tant britannique qu’européenne. Finalement, Theresa May, première ministre, a perdu sa majorité conservatrice au parlement à l’occasion d’élections anticipées. Elle doit dorénavant naviguer en plein turbulence à la barre d’un gouvernement minoritaire et d’un parti conservateur où règne la discorde. La droite pourra toutefois continuer ses méfaits, à moins que la gauche ne s’organise et saisisse l’occasion pour contre-attaquer.
Tout cela ne tomba pas du ciel. L’austérité a ravagé la société britannique. Depuis 2010, plus d’un million de personnes handicapées ont perdu leur allocation, en totalité ou en partie. Les loyers ont doublé en dix ans. Plus d’un demi-million de travailleurs municipaux ont perdu leur emploi (enseignants, pompiers,…). Divers services publics locaux ont été privatisés ou sujets à des partenariats public-privé (PPP).
La réaction ne s’est pas uniquement traduite sur le terrain électoral. Des dizaines de campagnes locales, voire nationales, ont pris place pour sauvegarder des hôpitaux et des bibliothèques publiques, pour exiger des hausses de solaire, s’opposer aux licenciements,…
Corbyn et le politique municipale socialiste
Souvent, cette lutte s’oppose à des majorités municipales, y compris du parti travailliste. Cela rend très concret l’enjeu de la lutte entre l’aile gauche et l’aile ouvertement pro-capitaliste du parti travailliste. A quoi sert un programme de rupture anti-austérité et en faveur de plus d’investissements publics si cela n’assiste pas la lutte pratique pour l’obtention de ces revendications ?
Ainsi des centaines d’habitants de Haringey ont protesté contre la privatisation des logements sociaux dans de district du Grand Londres dirigé par le parti travailliste. Cela a conduit à l’écartement de candidats travaillistes favorables à la privatisation, remplacés par des candidats de gauche. La décision de privatiser a depuis été repoussée jusqu’après la tenue des élections municipales, en mai prochain. Sous la pression de la lutte, Haringey peut ainsi devenir une des premières localités à suivre Corbyn. La collectivité veut récupérer ce qu’elle a perdu ces dernières années.
Tout cela suscite un vif débat sur la manière de trouver les moyens publics nécessaires pour rompre avec l’austérité. Le Socialist Party, le parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles, est résolument en faveur de budgets municipaux anti-austérité, en faisant appel aux réserves des localités mais aussi avec la possibilité de faire des prêts à bon marché. Il ajoute que cela ne suffira probablement pas et qu’il faudra combattre pour arracher plus de moyens de la part des autorités nationales.
Un mouvement unifiant des majorités municipales de gauche en lutte via des groupes d’actions locaux, avec l’implication de la jeunesse et des travailleurs, pourrait donner le coup de grâce au gouvernement affaibli de May. Cela ouvrirait la voie à Corbyn pour former un gouvernement travailliste qui pourrait diriger la politique nationale vers une orientation socialiste.
Jusqu’ici, Corbyn et son entourage ont essayé de concilier la gauche et la droite au sein du parti travailliste afin de parvenir à un compromis. C’est une illusion. Chaque pas en avant réalisé l’a été lors de moments où une politique résolument de gauche a été adoptée par-dessus la tête de la droite. C’est ce que l’on a pu constater lors de la publication du manifeste de Corbyn pour les élections de juin dernier, et encore une fois encore avec l’écartement des candidats de droite à Haringey.
Le Socialist Party appelle Corbyn à saisir le moment pour rompre avec la droite du parti, à démocratiser le parti travailliste, à faire appel aux centaines de milliers de jeunes et de travailleurs qui ont rejoint le parti travailliste ces dernières années, à renforcer de nouveau le poids des syndicats dans le parti et à réintégrer dans le parti tous ceux qui, dans le passé, ont été exclus en raison de leur combattivité de gauche.
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Royaume Uni: Incendie de la Tour Grenfell – Tout l’establishment est exposé
Au fur et à mesure que plus de détails émergent et que le nombre de morts s’élève, le désastre se fait de plus en plus terrible. Le feu s’est répandu à une vitesse ‘‘grand V’’ et les témoins décrivent des scènes déchirantes alors que les victimes essayaient désespérément d’échapper à l’emprise des flammes.
Editorial de l’hebdomadaire The Socialist (journal du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au pays de Galles)
C’est une grande tragédie pour le quartier. Des enfants sont morts. Trois générations d’une même famille ont péri dans le feu. Mais plutôt que d’être déchirés, le quartier a témoigné d’une remarquable solidarité humaine, se soutenant les uns les autres, recueillant des dons de biens et d’argent, organisant un hébergement d’urgence, coordonnant les secours. L’héroïsme, le courage et le sacrifice des services d’urgence et des résidents locaux ont été incroyables. Qui n’a pas été ému en voyant ces pompiers applaudis alors qu’ils s’éloignaient des lieux de la catastrophe ? Le vrai visage de l’Humanité a été révélé au travers de la solidarité qui a fait suite à ce tragique événement.La colère est parallèlement énorme, contre le conseil communal, contre la société de gestion du logement, contre les entrepreneurs qui ont rénovés le bâtiment, contre le gouvernement et contre le système dans son ensemble. De nombreux résidents sont persuadés que le nombre de morts sera beaucoup plus élevé qu’initialement estimé et que des faits sont cachés.
Ce n’est ne sont pas seulement le Socialist Party ou d’autres militants qui l’affirment, les résidents de la tour le crient eux-mêmes: cette affaire concerne la division entre riches et pauvres, à la base de tout cela se trouve un arrogant mépris pour la vie des travailleurs et de leurs familles. Il s’agit d’une communauté aux origines diverses, beaucoup étant issus de l’immigration africaine ou asiatique, qui vivent dans une zone ouvrière pauvre au côté de l’immense richesse des plus nantis.
Après plusieurs années à avoir été ignorés par le conseil communal, certains locataires qui avaient mené campagne pour accroitre la sécurité face aux incendies dans la tour ont péris par les flammes. Deux femmes menacées d’une action en justice par le conseil communal manquent à l’appel, présumées mortes. Dans leur lutte pour augmenter la sécurité sur le site, elles ont été confrontées à divers obstacles, y compris la coupure de leur aide juridique, ce qui signifie concrètement qu’elles ne pouvaient plus se permettre de représentation légale. Mais elles ont mis par écrit leur expérience.
La faillite du conseil communal
La colère est énorme contre l’arrogance et à l’inertie du conseil communal à réponse à la crise. Durant les deux premiers jours qui ont suivi la catastrophe, c’est à peine si le conseil et le gouvernement étaient présents, tout a été organisé par la communauté.
Plus de 5 millions de livres sterlings ont été donnés par la population, ce qui est incroyable, mais tout de même négligeable en comparaison des réserves détenues par le conseil communal de Kensington et Chelsea (300 millions £). Ce conseil a géré un excédent de 15 millions de livres sur son budget consacré au logement (en gagnant 54 millions de livres en loyers et services divers tout en ne dépensant que 40 millions de livres). Malgré cela, les autorités avaient économisé sur les extincteurs et sur d’autres mesures de prévention des incendies.
Le relogement d’urgence est un véritable scandale. Les survivants sont simplement dispersés dans des hôtels. Lors de la deuxième guerre mondiale, les familles victimes des bombardements étaient relogées dans les 24 heures! Selon le député David Lammy, il semblerait que les survivants qui ne veulent pas être répartis dans tout le pays puissent être menacés d’être déclarés délibérément sans abri (ce qui leur ferait perdre plusieurs aides). En continuant de la sorte, la colère ne pourra que continuer à croitre. Le conseil et le gouvernement sont invités à revenir sur leur politique concernant le logement, de sorte qu’aucun résident ne risque de perdre ses droits s’il refuse un logement inadapté.
Le vrai visage des Tories
Le vrai visage des conservateurs (tories) en tant que représentants de la classe capitaliste a été mis à nu. L’attitude dénuée de toute empathie de la Première ministre Theresa May n’est qu’un élément parmi d’autres. La vidéo de Boris Johnson assis au City Hall en se moquant des plaintes concernant les coupes budgétaires dans les services d’incendie est devenue virale. Un ancien discours du précédent Premier ministre David Cameron a aussi beaucoup circulé. Dans celui-ci, il se vante de vouloir ‘‘tuer la culture de la sécurité’’ et déclare : ‘‘Je veux que l’année 2012 soit décrite dans l’histoire non seulement comme l’année des Jeux olympiques ou du Jubilé de diamant, mais aussi comme étant l’année où nous en avons fini avec ce gaspillage inutile de l’économie britannique’’. Le ministre conservateur du logement, Gavin Barwell, aujourd’hui chef d’état-major de Theresa May, s’est scandaleusement assis sur les leçons de l’incendie de l’immeuble Lakanal à Southwark en 2009.
L’austérité tue, cela ne saurait être plus clair. Mais cette politique fait des ravages depuis bien plus longtemps que le règne des conservateurs. Il y a eu des décennies de coupes budgétaires, de privatisations, de déréglementation et de manque de responsabilités démocratiques. Pendant ce temps, le Times rapporte que les topmanagers de Grenfell ont eu 650.000 £ de salaire. De Margaret Thatcher à Tony Blair en passant par David Cameron, tous les politiciens traditionnels sont passés par ce néolibéralisme sauvage.
Les logements sociaux
Le développement de logements sociaux a constitué un grand pas en avant pour les travailleurs; Mais les travailleurs n’ont que ce pour quoi ils se sont battus. Après la Première guerre mondiale, les subventions du gouvernement pour les logements sociaux ne sont arrivées qu’en réponse à la vague de boycott de paiement des loyers et à l’impact de la Révolution russe. Un des responsables d’un conseil d’administration local a notamment déclaré: ‘‘L’argent que nous allons dépenser pour le logement est une assurance contre le bolchevisme et la révolution’’. Le gouvernement travailliste de 1945 a créé l’État-providence, y compris la construction massive de logements sociaux, également sous la pression des masses.
Mais les riches n’ont jamais accepté cette situation et leurs représentants politiques ont passé ces 35 dernières années à démanteler ces conquêtes sociales. En 1980, Thatcher a ainsi forcé la vente de nombreux logements sociaux.
Un million de maisons ont été vendues en dix ans. Parallèlement, les restrictions de budgets ont réduit la construction de nouveaux logements sociaux. Puis, en 1988, le Transfert volontaire à grande échelle (LSVT) a permis de déplacer le parc de logements de la propriété d’un conseil vers celle d’association du logement, un processus ensuite massivement accéléré sous Tony Blair.
Le New Labour a alors couru pour générer des bénéfices des logements publics grâce à l’initiative de financement privé et qui a poussé vigoureusement les «organismes de gestion sans limite» (Almos), éliminant le contrôle démocratique du logement social et le remettant au secteur privé. En 2000, le député New Labour John Prescott a prédit ‘‘la fin du logement social public’’. L’actuel dirigeant du Labour Jeremy Corbyn fut l’un des députés travaillistes qui se sont opposés à ces mesures.
Tout cela a conduit à un transfert de responsabilité et de contrôle des locataires ou des conseillers communaux élus vers des organismes de gestion. Il est vrai que certains locataires sont impliqués dans la gestion, mais ces derniers n’ont aucun pouvoir. Les militants du logement estiment qu’une manœuvre concertée est actuellement en cours pour en finir avec les associations de locataires et de résidents à travers Londres. Les conservateurs veulent mettre fin au logement social, en conséquence de quoi des conditions datant d’il y a une centaine d’années (surpopulation et conditions de vie dangereuses) sont de retour.
L’austérités des Tories
Durant la même semaine que celle de l’incendie de Grenfell, il a été divulgué au Guardian que l’hôpital Charing Cross, qui traite actuellement des survivants, fait face à des réductions dévastatrices qui réduiraient l’institution hospitalière à 13% de sa taille actuelle. Tout comme pour les récentes attaques terroristes, cet événement horrible a fait ressortir le fait que le nombre de pompiers a été réduit à Londres de 550 soldats du feu. Dix stations ont été fermées et d’autres fonctionnent avec des moyens réduits. Le maire de Londres, Sadiq Khan, devrait revenir sur toutes les coupes budgétaires qui ont été opérées dans les services d’incendie de Londres.
Tout cela a un effet profond sur la conscience des masses, non seulement vis-à-vis du logement, mais également quant à la manière dont est organisée la société. La colère s’exprime contre ‘‘les riches qui s’opposent à la classe ouvrière’’. Ce n’est guère étonnant que Jeremy Corbyn ait été si populaire dans la région – non seulement en raison de son attitude humaine, mais aussi en raison de la rupture qu’il offre potentiellement face aux politiques d’austérité.
Theresa May et les Tories étaient déjà en crise, mais cette dernière pourrait encore s’approfondir sur base de cet incendie et de la colère des habitants du quartier et plus généralement des travailleurs.
En plus d’offrir notre plus grande sympathie et notre solidarité avec les habitants de Grenfell et de la région, le Socialist Party défend également diverses idées concernant ce qui pourrait être fait aujourd’hui. Nous soutenons que l’organisation et l’action des locataires avec le soutient actif des syndicats pourraient apporter non seulement une justice rapide pour les survivants, mais aussi amener immédiatement la sécurité de tous les résidents des blocs-tours et des logements de masse.
L’appel lancé en faveur d’une manifestation d’un million de personnes dans les rues le 1er juillet et pour que les syndicats organisent une manifestation de masse et une grève coordonnée pourrait être décisif pour mettre pression sur les conservateurs et avoir l’organisation de nouvelles élections générales.
Le Socialist Party soutient les projets de construction de logements de Jeremy Corbyn, mais il pourrait aller plus loin. En plus d’abolir la ‘‘bedroom tax’’ (une taxe antisociale sur les logements), une politique socialiste de logement impliquerait des investissements massifs dans les logements sociaux, y compris dans la rénovation de nombreuses propriétés existantes; des contrôles de loyers qui contrôlent le niveau réel des loyers et pas seulement les augmentations ou encore la nationalisation sous contrôle démocratique des banques, des terrains et des entreprises de construction pour fournir des logements sûrs, sécurisés et véritablement abordables pour tous.
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Royaume-Uni. Après ces élections, May et les conservateurs doivent être dégagés!
« Theresa DésarMay », « Un pari raté » – voilà les titres à la une des torchons de droite que sont le Sun et le Daily Mail, qui avaient pourtant passé toute la campagne électorale à balancer une attaque après l’autre contre le chef du parti travailliste Jeremy Corbyn dans le vain espoir d’obtenir une victoire éclatante pour le Parti conservateur.Le jour où a été annoncée la tenue d’élections générales anticipées (élections législatives qui donnent généralement lieu à la nomination d’un nouveau chef de gouvernement), le Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles, avait déclaré ceci : « Si Corbyn se présente avec un programme clairement socialiste, notamment au sujet d’un Brexit favorable aux intérêts des travailleurs et des classes moyennes, il peut remporter cette élection ». Cette déclaration a suscité beaucoup de rires ici et là, y compris, malheureusement, de la part de l’aile droite du Parti travailliste qui pensait que cette élection allait lui donner un prétexte pour se débarrasser de Corbyn.
En à peine cinq semaines pourtant, la campagne électorale de Jeremy Corbyn a prouvé à tous ses détracteurs à quel point ils avaient eu tort. Elle a complètement transformé la situation politique au Royaume-Uni. Face à une opposition impitoyable de la part de l’élite capitaliste et des médias ainsi que, hélas, de la part de l’aile droite de son propre parti qui a tout fait pour saboter sa campagne, Jeremy Corbyn a vaillamment défendu son programme anti-austérité pour le peuple du Royaume-Uni.
Des centaines de milliers de gens, y compris le Socialist Party, ont mené campagne pour son programme dans toutes les rues du pays. Le résultat a été la plus forte hausse du nombre de voix pour son parti jamais vue depuis 1945. Le taux de participation des jeunes, qui était de 43 % en 2015, est passé à 72 % cette année, reflétant la popularité de Corbyn et le désir de lutter de la part de la jeunesse.
Les Conservateurs sont sortis fortement endommagés de cette élection. Nous devons maintenant construire un mouvement pour les contraindre à quitter le pouvoir. Le 8 juin n’était que le début. C’était le début d’un mouvement pour chasser les Conservateurs et créer une société socialiste qui donnera l’enseignement gratuit, des logements décents et des emplois corrects pour tout un chacun.
S’organiser, faire grève, résister et lutter pour réaliser le programme de Corbyn
Par Hannah Sell, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)
L’échec du pari électoral de Theresa May est un cauchemar pour la classe capitaliste britannique. Il y a à peine sept semaines, la plus grande partie de l’élite britannique espérait encore que May parvienne à obtenir une augmentation spectaculaire du nombre députés conservateurs pour renforcer son gouvernement afin de faire face à la crise économique, faire passer sa politique d’austérité contre l’avis de la majorité de la population et négocier une sortie de l’Union européenne qui soit dans l’intérêt des 1 % les plus riches de son pays.
Au lieu de ça, elle est maintenant présentée comme une Première ministre « morte-vivante », qui ne pourra continuer à s’accrocher au pouvoir que de manière temporaire grâce au soutien des députés réactionnaires du Parti unioniste démocrate (DUP), qu’elle décrit pourtant comme ses « amis ».
Le DUP, dirigé par Ian Paisley est un parti d’Irlande du Nord bien connu pour ses liens avec les milices anti-indépendantistes qui ont leur part de responsabilité dans les multiples guerres civiles de cette région. En outre, ses membres sont contre l’avortement, contre les droits des LGBT et nient la réalité du changement climatique. Mais les Conservateurs ne sont pas les seuls qui sortiront salis de cette alliance.
En effet, la base du DUP comprend une grande partie de la classe ouvrière protestante d’Irlande du Nord qui souffre elle aussi de la politique d’austérité (les « ajustements structurels ») mise en place par les Conservateurs. Il semble d’ailleurs que les dirigeants du DUP ont déjà demandé à May d’abandonner ses projets de retrait des aides aux retraités pour le chauffage de leur domicile.
Conservateurs – dégagez ! May n’a aucune légitimité
Non seulement les Conservateurs sont scindés en deux camps ennemis sur la question du Brexit, leur principale dirigeante est une personne qui n’a plus aucune autorité ni en-dedans, ni en-dehors du parti. La seule raison pour laquelle elle reste à son poste est que les Conservateurs n’ont pas encore trouvé de remplaçant et craignent que les discussions sur le choix d’un nouveau Premier ministre ne mènent à une rupture décisive de leur parti.
Jeremy Corbyn et John McDonnell, à la tête du Parti travailliste, ont très justement appelé May à démissionner et ont promis de tout faire pour proposer leur programme au parlement et faire voter les députés en sa faveur. Il nous faut à présent construire un mouvement pour assurer que ce programme soit bien appliqué, quel que soit le nombre de députés qui sont prêts à le soutenir.
Ces élections générales ont été une victoire totale pour l’attitude anti-austérité de Jeremy. Le jour où les élections ont été annoncées, le 18 avril, le Socialist Party a déclaré : « Si Corbyn lutte sur base d’un programme socialiste, et notamment pour un Brexit dans l’intérêt des travailleurs et des classes moyennes, il pourrait emporter l’élection ». Cette déclaration a suscité beaucoup de rires ici et là, y compris, malheureusement, de la part de l’aile droite du Parti travailliste qui pensait, à tort, que cette élection allait lui donner un prétexte pour se débarrasser de Corbyn.
Souvenons-nous par exemple que c’était à peine en septembre que Peter Mandelson, un blairiste convaincu, disait dans la presse « prier chaque jour pour des élections anticipées », qui signifieraient selon lui la fin de la direction Corbyn.
Corbyn renforcé
Bien au contraire, ces élections ont énormément renforcé la position de Jeremy Corbyn à la tête du Parti travailliste et dans la société de manière générale. Le Parti travailliste a en effet obtenu 40 % des voix, contre 30 % en 2015. Cela représente la plus forte hausse de soutien pour ce parti depuis 1945. En même temps, le « phénomène Corbyn » est responsable d’une incroyable hausse du taux de participation, avec 3,5 millions d’électeurs en plus cette année par rapport à il y a deux ans (9,3 millions en 2015, 12,8 millions en 2017).
Ce phénomène s’est particulièrement illustré par le nombre de jeunes qui se sont retrouvés devant les bureaux de vote. Alors que tout le monde des médias, des intellectuels et des politiciens décrivaient la jeunesse comme « apathique, sans conviction, consumériste », etc., voilà que nous assistons à une véritable révolte électorale de la jeunesse qui lutte pour son avenir. Certaines estimations indiquent que 72 % des jeunes ont voté, contre 43 % en 2015. Et deux jeunes sur trois ont voté Corbyn.
Le Parti libéral-démocrate, qui prétendait avoir une base parmi les électeurs jeunes de classe moyenne, a quant à lui reçu la juste monnaie de sa pièce pour avoir voté en faveur de la hausse des frais d’inscription à l’université en 2010.
La jeunesse a été principalement inspirée par le programme de Corbyn dans lequel on retrouve un nouveau salaire minimum de 10 £ de l’heure (7500 francs CFA), l’enseignement gratuit, un strict contrôle sur les montants des loyers et un plan de construction massive de logements sociaux. La jeunesse, désormais politisée, ne retournera plus à son état précédent : la base a ainsi été jetée pour le développement d’un soutien de masse aux idées du socialisme.
Le soutien de la jeunesse à Corbyn est surtout répandu parmi la classe prolétaire et les classes moyennes. L’exemple le plus flagrant en est la victoire du Parti travailliste dans la petite ville universitaire de Canterbury (Sud-Est), qui, pour la première fois depuis 1918, n’a pas élu un Conservateur pour la représenter. On voit ici aussi de manière générale la radicalisation croissante des jeunes issus de la classe moyenne mais qui se retrouvent de plus en plus prolétarisés par les bas salaires et la hausse vertigineuse des loyers.
Il est cependant entièrement erroné et même scandaleux de décrire, comme certains médias bourgeois l’ont fait, le résultat de cette élection comme provenant d’un conflit « de générations ». Il s’agit d’une nouvelle tentative consciente de diviser la classe des travailleurs entre « vieux » et « jeunes » – une tentative qui doit être combattue par la solidarité tant dans la lutte pour la gratuité de l’enseignement que pour l’aide au chauffage des pensionnés.
De nombreux travailleurs plus âgés, déçus par le virage droitier imprimé par Tony Blair au Parti travailliste, ont de nouveau voté travailliste cette année pour la première fois depuis près de vingt ans, afin de soutenir Jeremy Corbyn. Au Pays de Galles, où les Conservateurs rêvaient de faire une percée, les Travaillistes ont connu d’importants gains.
Il est clair également que la disparition virtuelle du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) n’a pas tant profité aux Conservateurs, comme May l’avait espéré. Parmi les personnes qui ont voté pour l’UKIP en 2015 (qui comprennent évidemment aussi d’anciens électeurs travaillistes), certains ont voté cette fois-ci pour May en raison de ses promesses d’un « Brexit dur » (sans concessions à l’Union européenne). Si Jeremy n’avait pas fait une concession aux blairistes en acceptant (à contrecœur) de faire campagne pour rester dans l’Union européenne au lieu de s’en tenir à la position qui avait toujours été la sienne (et celle du Socialiste Party) et d’appeler à sortir du club impérialiste qu’est l’Union européenne en mettant en avant un programme antiraciste et internationaliste, May n’aurait jamais pu obtenir les voix qu’elle vient de récupérer de la part de certains travailleurs.
Néanmoins, la position adoptée par Jeremy durant la campagne électorale (un Brexit dans l’intérêt des travailleurs) a permis de convaincre toute une série de travailleurs qui avaient voté pour l’UKIP aux dernières élections. Même Nigel Farage, le président démissionnaire de l’UKIP, a dû admettre que Corbyn est parvenu à s’assurer un soutien tant de la part des jeunes qui auraient préféré rester dans l’UE que de la part des travailleurs qui ont voté pour son parti.
La raison fondamentale pour laquelle Jeremy Corbyn était tellement à la traine au début de la campagne est que la majorité de la population n’avait jamais entendu parler de son programme. Il est vrai que cette situation a été en partie causée par l’hostilité de la part des médias capitalistes, mais alors, comment expliquer que Corbyn ait pu gagner en soutien tout au long de la campagne électorale alors que cette hostilité des médias s’était encore intensifiée ! C’est que cette fois-ci, au lieu de rester silencieux dans une nouvelle vaine tentative d’apaiser les blairistes, l’aile Corbyn a décidé de porter son programme à travers tout le pays. La droite l’a laissé faire, se disant qu’ainsi, Corbyn serait « responsable » de la défaite ; au lieu de ça, le voilà devenu « responsable » du meilleur résultat électoral pour le Parti travailliste depuis 1997.
Ce résultat aurait d’ailleurs été encore plus grand si Jeremy avait pris dès le départ une position plus claire par rapport au fait qu’il soutient le droit à l’indépendance de l’Écosse. En 2015, avant que Corbyn n’arrive à la tête du parti, le Parti travailliste avait mené campagne contre l’indépendance. Vu le soutien affiché à l’indépendance par toute une partie de la population (notamment par les couches les plus pauvres de la société), face à l’opposition farouche de tous les autres partis politiques du Royaume-Uni, le Parti national écossais est tout naturellement devenu premier parti d’Écosse. Cependant, vu que depuis, ce parti ne cesse d’appliquer la même politique d’austérité que les Conservateurs, la déception vit à présent parmi la population qui l’avait soutenu. C’est pour cette raison que Corbyn est parvenu à gagner beaucoup de voix parmi certaines circonscriptions ouvrières d’Écosse, sans pour autant concrétiser le potentiel qui s’offrait à lui. Par contre, les Conservateurs ont fortement accru leur vote dans les circonscriptions les plus privilégiées d’Écosse, tirant parti du courant anti-indépendantiste, plus fort dans ces régions.
L’heure doit être à la mobilisation syndicale
Après cette victoire de Jeremy Corbyn, il est urgent de poursuivre sur cette lancée en appelant immédiatement à une manifestation nationale contre l’austérité avec pour slogan « Conservateurs, dégagez ! », pour faire cesser l’ensemble des attaques menées entre autres sur notre système de soins de santé et nos établissements d’enseignement. Cette marche rassemblera des millions de gens ; on pourrait alors déclarer une grève générale de 24 heures qui forcera May à organiser de nouvelles élections.
En même temps, Jeremy Corbyn et l’aile gauche du Parti travailliste doivent faire cesser l’application des plans d’austérité des Conservateurs par les conseils communaux et régionaux entre les mains de leur parti.
En très peu de temps, des millions de gens ont été convaincus de voter pour Corbyn malgré le fait qu’il n’était pas clair s’il était vraiment prêt à appliquer son programme. Ce scepticisme est logique, vu toutes les trahisons perpétrées par le « Nouveau » Parti travailliste (« New Labour ») lorsque celui-ci a pris le pouvoir avec Tony Blair, et toutes les trahisons au niveau des conseils communaux qui sont responsables de la moitié des mesures de restriction budgétaires dans les services publics depuis 2010.
Pour consolider l’enthousiasme généré par la campagne de Corbyn, il est nécessaire qu’il clarifie dès aujourd’hui qu’il est entièrement opposé aux coupes d’austérité au niveau local et que le gouvernement conservateur est désormais trop faible pour contraindre les conseils municipaux travaillistes d’appliquer cette politique. C’est particulièrement le cas dans les zones urbaines où le soutien à Corbyn est le plus grand, et alors que des élections municipales auront lieu l’an prochain.
Transformer le Parti travailliste
Comme le disait Riz Ahmed, du groupe de rap Swet Shop Boys, « Bravo Jezza pour avoir ramené à tant de gens l’espoir dans la politique. Si le Parti travailliste avait été uni derrière Corbyn, nous aurions pu remporter cette élection haut la main ! ». Cet avis est largement partagé parmi les partisans de Corbyn.
Non seulement Jeremy est parvenu à s’imposer face à l’hostilité et au sabotage permanent de la part de l’élite capitaliste, mais il a aussi été énormément freiné par les blairites, ces représentants du capitalisme au sein du Parti travailliste. Si ces derniers n’oseront plus tenter un nouveau « coup d’État » contre lui en cette période postélectorale, nous ne devons pas nous faire la moindre illusion sur le fait qu’ils pourraient se réconcilier avec lui. Le Parti travailliste reste, jusqu’à nouvel ordre, deux partis qui partagent la même étiquette.
Pour la classe capitaliste, la politique défendue par Corbyn représente une véritable menace et, plus encore, l’espoir qu’il est en train de susciter chez des millions de gens. C’est pourquoi les représentants du Parti travailliste vont chercher de nouvelles manières de vaincre Corbyn. C’est ainsi que, dans la semaine du scrutin, on a vu la députée Joan Ryan attaquer Corbyn publiquement et interdire aux agents électoraux d’utiliser des tracts qui mentionnaient son nom ! Hier encore, Hilary Benn est venu marmonner dans la presse que « Le Parti travailliste doit tirer les leçons de cette troisième défaite électorale ».
Nous ne pouvons pas non plus accorder la moindre confiance aux blairistes qui ont récemment commencé à faire des déclarations de soutien à Jeremy. Il s’agit d’une manœuvre pour tenter de l’encercler avant de le forcer à abandonner un point après l’autre de son programme radical. Car c’est bien de cela qu’il est question lorsque Peter Mandelson, le plus blairiste de tous et qui avait un jour suggéré l’idée d’un assassinat politique, affirme que Corbyn doit « montrer du respect » envers l’ensemble des fractions du parti. Or, si beaucoup de gens ne connaissaient pas encore Corbyn et son programme à la veille du scrutin, c’est justement à cause de cette aile droite qui a tout fait pour l’étouffer depuis qu’il a été élu à la tête du parti.
Nous ne pouvons nous permettre de voir cette situation perdurer. C’est pourquoi il nous faut immédiatement lancer une campagne pour transformer le Parti travailliste en un véritable parti démocratique et anti-austéritaire, un parti des travailleurs et de la jeunesse. Cela requiert l’introduction de la réélection obligatoire des députés. Les prochaines élections générales pourraient avoir lieu à tout moment ; il serait intolérable que le Parti travailliste ait à nouveau à faire campagne alors que la majorité de ses propres candidats s’opposent à son dirigeant.
Il faut aussi prendre des mesures pour démocratiser le parti, y compris le droit de parole pour les syndicats affiliés et l’intégration des socialistes de lutte, tels que les militants du CIO, dans le cadre d’une fédération démocratique. Nous pourrons ainsi forger un parti qui pourra véritablement rassembler tous les jeunes, les socialistes, les travailleurs et les militants sociaux qui ont été inspirés par Jeremy Corbyn pour en faire une puissante force de masse.
Lutter pour le socialisme
Cette campagne électorale a permis à toute une nouvelle génération d’être touchée par les idées du socialisme pour la première fois. Cela est un énorme pas en avant. Mais elle a aussi révélé à quel point les capitalistes sont prêts à aller pour saboter la moindre tentative de mettre en place une politique en faveur de la majorité de la population et non pas de leur petit clan. L’hostilité à laquelle Jeremy Corbyn a été confrontée n’est que le pâle reflet de ce qui l’attendra le jour où il prendra la tête du gouvernement.
Pour couper court à cette résistance de la part des riches, il faudra envisager des mesures socialistes radicales telles que la nationalisation des – disons – 100 plus grandes entreprises et banques qui dominent l’économie du Royaume-Uni pour les réorganiser dans le cadre d’un plan de production démocratique socialiste. Le gouvernement socialiste pourrait alors commencer à gérer l’économie de manière planifiée, sous le contrôle et la supervision démocratiques des travailleurs ; une politique « Pour les millions et non pour les millionnaires ».
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Attentat de Manchester: Unité contre le terrorisme, la guerre et le racisme
Des jeunes en sortie se sont retrouvés confrontés à l’une des pires horreurs imaginables lorsqu’une bombe a explosé dans la Manchester Arena, la plus grande salle de concert de Grande-Bretagne. Vingt-deux personnes ont été tuées et au moins 59 blessées par cette explosion à la fin d’un concert de la chanteuse américaine Ariana Grande.Par Judy Beishon, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et pays de Galles)
Cette atrocité, que le Socialist Party condamne complètement, rappelle l’attaque commise dans la salle du Bataclan à Paris en novembre 2015. Dans les deux cas, des gens de tous horizons ont été abattus sans discrimination, en particulier des jeunes. Les premiers rapports ont suggéré que l’agresseur était un kamikaze mort sur les lieux. Il s’agit de la pire attaque terroriste en Grande-Bretagne depuis que 56 personnes ont été tuées lors de l’attentat de Londres en juillet 2005.
Les habitants de Manchester ont rapidement réagi pour aider les personnes fuyant la scène, en proposant de les accueillir, de leur offrir un lit ou de les raccompagnez chez eux tandis que les chauffeurs de taxi n’ont pas fait payer leurs courses. Cette réaction faite de solidarité et d’entraide – ainsi que celle des travailleurs des services d’urgence et des hôpitaux – n’a rien de commun avec la réaction hypocrite des ministres du gouvernement conservateur qui expriment leur sympathie et leur chagrin alors qu’ils sont totalement responsables des politiques qui fournissent la base sur laquelle de telles atrocités sont commises.
Les attaques terroristes dans les villes européennes sont de plus en plus fréquentes. En Grande-Bretagne, l’inquiétude touchera cette fois tout le pays, l’attaque ayant été perpétrée en dehors de Londres. Les raisons qui se trouvent derrière ces attaques semblent souvent être multiples et aucun événement ne ressemble exactement à un autre. Des liens ou une sympathie idéologique avec Daesh (l’Etat islamique) ainsi que la colère contre les interventions impérialistes occidentales au Moyen-Orient sont toutefois des caractéristiques communes.
Il est essentiel de s’opposer à des organisations réactionnaires comme Daesh, qui soutiennent et commettent des actes barbares, mais aussi de s’opposer aux guerres impérialistes et d’appeler au retrait immédiat des forces militaires britanniques du Moyen-Orient. Nous devons également créer l’unité des travailleurs contre la stratégie visant à trouver des boucs émissaires en jouant sur le racisme et la division, en défendant les idées du socialisme comme seule alternative à ce système actuel qui ne peut pas et ne mettra pas fin à la pauvreté, aux guerres et au terrorisme.
L’incapacité des conservateurs à contrer le terrorisme
La Première ministre Theresa May tentera sans aucun doute d’instrumentaliser ces atrocités pour apparaître comme la championne des lois anti-terroristes et renforcer sa position dans la perspective des élections du 8 juin prochain. Ces deux dernières décennies n’ont cependant pas manqué de nouvelles législations antiterroristes et aucune d’entre elles n’est parvenue à empêcher de nouvelles attaques à l’instar de celle de mars dernier à Westminster ou du dernier terrible événement en date, celui de Manchester. Le Socialist Party n’a dès le début cessé de prévenir que ce serait le cas.
Parallèlement, l’austérité implacable appliquée par les conservateurs au pouvoir rend chacun plus vulnérable lorsque survient un attentat. Après l’attaque de Westminster, nous avons attiré l’attention sur la façon dont les réductions budgétaires dans les services de secours, les hôpitaux et le personnel des transports réduisent inévitablement la rapidité des secours.
Les victimes de l’attentat de Manchester auraient été soignées dans 8 hôpitaux des environs, certains d’entre eux doivent actuellement faire face à une diminution de leurs moyens et la fermeture des urgences 24 heures sur 24 est même envisagée. Cet attentat, commis en fin de soirée, expose la nature potentiellement dévastatrice de ces coupes budgétaires, que les conservateurs désirent par ailleurs encore approfondir.
Au cours de l’actuelle campagne électorale, les conservateurs actuellement au pouvoir ont clairement démontré qu’ils entendent poursuivre sur leur voie austéritaire de manière tout à fait insensible. Ils ont suscité des réactions indignées en précisant qu’ils souhaitaient encore durcir leur politique à l’égard des bénéficiaires d’allocations sociales. A la suite de l’attentat de Manchester, les conservateurs vont tenter de se profiler comme les défenseurs de la population, cette manœuvre doit être exposée et combattue.
La popularité des politiques anti-guerres
L’attentat de Madrid en 2004, où 191 personnes avaient perdu la vie, a eu lieu au cours d’une campagne électorale. Le Parti populaire, qui était au pouvoir, a tenté d’utiliser ces atrocités pour stimuler sa campagne. Leur stratégie a toutefois échoué, la colère des masses s’était dirigée contre lui après qu’il ait essayé de faire porter la responsabilité de l’attentat aux nationalistes basques. Il est au contraire clairement apparu que les auteurs agissaient en sympathie avec le réseau Al-Qaida. Le rejet de la politique du gouvernement dans le cadre de la guerre en Irak a conduit à la victoire du PSOE, le parti social-démocrate espagnol.
Dans l’actuelle campagne électorale en Grande-Bretagne, l’approche anti-guerre de Jeremy Corbyn (le chef du Parti travailliste) peut bénéficier d’encore plus de résonance et d’un puissant impact. Corbyn a longtemps été un adversaire conséquent des interventions de la Grande-Bretagne et d’autres puissances capitalistes occidentales dans les guerres d’Afghanistan, d’Irak, de Libye et de Syrie. Celles-ci ont causé une dévastation massive et d’innombrables pertes de vie tout en créant les conditions du développement de l’horrible violence terroriste dans ces pays et au-delà.
Le Socialist Party s’est fermement opposé à ces guerres et a constamment prévenu que ce seraient les travailleurs et la population ordinaires au Moyen-Orient et dans le monde entier qui supporteraient le coût de cette politique, tant au niveau financier qu’à celui de de l’instabilité croissante.
En même temps, nous condamnons (tout comme Jeremy Corbyn) l’idéologie et les méthodes odieuses des organisations réactionnaires de droite comme Daesh et Al-Qaida, qui cherchent à construire un califat semi-féodal et capitaliste hautement répressif, sans la moindre parcelle de droits fondamentaux ou de démocratie des travailleurs.La classe des travailleurs, en Irak et en Syrie, doit construire des syndicats, des organismes de défense non-sectaires démocratiquement dirigés, etc., pour lutter contre Daesh, avec le soutien des travailleurs à l’échelle internationale. Les puissances impérialistes n’interviennent que pour défendre leur prestige et leur influence ainsi que pour défendre les intérêts de leurs grandes entreprises.
L’impérialisme britannique n’a pas fait exception, qu’il ait été représenté par les conservateurs ou par les blairistes du New labour avant eux. Par une coïncidence appropriée, le «briefing du matin» du Guardian suite à l’attaque de la Manchester Arena a commencé par l’attaque terroriste pour ensuite suivre avec le «soutien sans précédent pour l’industrie des combustibles fossiles» dans le manifeste électoral conservateur. Les dirigeants de l’industrie pétrolière ont en conséquence promis plus de £ 390.000 à la campagne de la première ministre Theresa May.
Les élections générales du 8 juin offrent une opportunité d’expulser les conservateurs et de faire avancer la lutte du mouvement ouvrier contre les blairistes en plaçant Jeremy Corbyn au poste de premier ministre. Il s’agirait d’une étape très importante pour mettre fin à l’austérité, à la pauvreté et à la guerre inhérents au système capitaliste, qui porte également en lui la division, le racisme et le terrorisme.
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Elections anticipées au Royaume-Uni: Corbyn doit se battre armé de politiques socialistes
La Première ministre et cheffe du parti conservateur (Tory) Theresa May a convoqué des élections législatives anticipées le 8 juin et ce pour une seule raison : la faiblesse du gouvernement face à la colère qui se développe dans la société britannique.Déclaration du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles
Les travailleurs souffrent de la contraction la plus prolongée des salaires depuis le début du XIXe siècle ! Les réductions d’allocations sociales laissent des millions de personnes sur le carreau, sans disposer de suffisamment d’argent pour se nourrir eux-mêmes et leurs familles. L’année dernière, pas moins de 200.000 personnes ont été admises à l’hôpital pour malnutrition ! L’enseignement et le système de soins de santé (NHS) font face à des coupes budgétaires qui mettent en danger leur existence. La crise du logement atteint un degré catastrophique. Les nouvelles lois anti-syndicales ultra-draconiennes sont sources d’amertume et de frustration parmi les syndicalistes.
Le gouvernement est loin d’être fort et, compte tenu de la très fine majorité des Tories au parlement, Theresa May craint d’être submergées de blocages au Parlement. Cela s’est déjà produit à 11 reprises au cours de la première année de son gouvernement. Theresa May avait jadis déclaré refuser d’appeler à la tenue d’élections anticipées, mais elle a ravalé sa parole. Cela ne fait qu’illustrer une fois de plus à quel point les politiciens capitalistes sont capables de changer les règles en fonction de leurs désirs.
David Cameron (conservateur) et Daniel Clegg (libéral-démocrate) avaient dirigé le gouvernement issu des élections de 2010 (jusqu’en 2015). Ils avaient introduit le Fixed Term Parliament Act (1) pour tenter de renforcer le gouvernement de Coalition pendant cinq ans. Aujourd’hui, Theresa May veut passer outre pour essayer de renforcer son gouvernement conservateur en situation de faiblesse. En se basant sur les sondages actuels, elle parie l’emporter avec une majorité accrue. Elle serait alors plus à même de mener à bien son véritable programme, qui ne ressemble en rien à de la «gestion juste» mais s’apparente à l’austérité la plus vicieuse.
Un pari risqué
Le véritable sondage, ce sera celui du 8 juin. Beaucoup de choses peuvent se produire d’ici là. Elle considère partiellement ces élections comme un référendum sur le Brexit, en espérant que le tiers des électeurs conservateurs qui avaient soutenu le maintien dans l’Union européenne continuera tout de même à soutenir son gouvernement. Cela n’est toutefois pas garanti. Certains pourraient bien passer aux libéraux démocrates pour cette raison.
Les conservateurs, détestés, sont très peu susceptibles de faire une percée importante en Ecosse. Le Scottish National Party (Parti national écossais) n’est pas encore pleinement exposé en tant que parti austéritaire et est susceptible de maintenir sa base électorale en grande partie. La victoire remportée par les conservateurs aux élections partielles de Copeland a probablement suscité l’espoir que les conservateurs puissent améliorer leur position dans le nord de l’Angleterre. Cette élection a eu lieu en février suite à la démission d’un député travailliste. Le candidat conservateur a remporté ce siège, une première pour un parti au pouvoir dans une élection partielle depuis 1982. Mais, dans les faits, les conservateurs ont surtout accédé à cette victoire parce qu’ils ont perdu moins de voix que les travaillistes. La nuance est importante.
Une des leçons à tirer des récentes élections – des États-Unis, à la France en passant par les Pays-Bas – c’est que les électeurs veulent punir l’establishment capitaliste. Les partis et candidats qui se profilent comme étant opposés à cet establishment bénéficient d’un écho massif. Il suffit de regarder la campagne de Jean-Luc Melenchon en France. En se basant sur un programme de gauche, il a grimpé jusqu’à 19% dans les sondages d’opinion. Il est même possible qu’il soit présent au second tour. Jeremy Corbyn (dirigeant du parti travailliste, le Labour, élu sur un programme de gauche, dont l’autorité est contestée par l’appareil du parti, ancré à droite) a déjà déclaré que le Labour ne s’opposerait pas à la tenue d’élections anticipées. Il lui faut maintenant lancer une campagne électorale basée sur des politiques socialistes capable de satisfaire les besoins de la classe ouvrière.
Des politiques pour un changement socialiste de société
Il est clair qu’une grande partie de la cabale pro-capitaliste au sommet du Parti travailliste accueillera favorablement ces élections en secret en estimant que Jeremy Corbyn subira une défaite. Il pourrait ensuite être remplacé par un dirigeant pro-capitaliste et pro-austérité. Ils pourraient s’en mordre les doigts. Pour peu que Jeremy Corbyn se décide à lutter avec un programme socialiste clair – notamment en faveur d’un Brexit favorable aux intérêts de la classe des travailleurs et de la classe moyenne – il pourrait remporter ces élections
Les politiques qu’il a défendues et qui l’ont propulsé à la tête du Labour constitueraient un excellent début: l’introduction immédiate d’un salaire minimum de 10 £ de l’heure, un enseignement gratuit pour tous, la construction massive de logements sociaux et la nationalisation des compagnies ferroviaires et énergétiques. A cela doit être combiné la fin immédiate de toutes les coupes budgétaires dans les services publics et un engagement à renationaliser immédiatement Royal Mail (la poste britannique).
Jeremy devrait clarifier qu’il jetterait le secteur privé hors des services publics et de l’enseignement. Il devrait s’engager à instaurer un véritable système de soins de santé socialiste de haute qualité et bien financé, sous contrôle démocratique, et gratuit. Tout cela doit être lié à la nécessité d’un changement socialiste fondamental : en faveur d’une société gérée en fonction des intérêts de la majorité sociale plutôt qu’en fonction de la voracité d’une infime élite capitaliste.
Une telle campagne électorale ne devrait pas être limitée aux discours et aux émissions électorales. Le secteur des soins de santé est entrée lutte et a connu une grande manifestation le 4 mars dernier. Jeremy Corbyn a pris la parole à cette manifestation. Maintenant, en collaboration avec le mouvement syndical et les militants du secteur, une deuxième manifestation doit être organisée, durant la campagne électorale, pour mobiliser des millions de personnes dans les rues contre les conservateurs et en défense du système de soins de santé.
1) Le Fixed-term Parliaments Act de 2011 a été adopté dans le cadre de la coalition entre le Parti conservateur et les Libéraux-démocrates. La loi met fin à la prérogative royale concernant la dissolution du Parlement : le Parlement est automatiquement dissout 25 jours ouvrés avant la date d’une élection. La date de l’élection est fixée par la loi au premier jeudi de mai la cinquième année qui suit l’élection précédente.




