Tag: Gand

  • A propos du parti – Nouvelles du PSL

    Cette rubrique de socialisme.be vous propose des nouvelles de notre parti, de ses activités et initiatives,… Cette rubrique comprendra donc divers courts rapports d’actions, des brèves de campagne, des appels pour des conférences, des rapports de réunion, ou encore de petits textes de nouveaux membres qui expliquent pourquoi ils ont rejoint notre parti.


    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    A noter dans votre agenda

    • Lu. 24 oct. Bruxelles. 19h. Pianofabriek, rue du fort 35, 1060 St-Gilles. Réunion ouverte: Après la crise de Dexia : plaçons l’entièreté du secteur financier aux mains du public!
    • Lu. 24 oct. Louvain. 20h. LOKO. Réunion ouverte: Après la crise de Dexia : plaçons l’entierté du secteur financier aux mains du public!
    • Ma. 25 oct. Gand. 19h30. Irish Pub, St-Michielshelling. Meeting: Dexia, les pertes pour la collectivité et les profits pour le privé?
    • Me. 26 octobre. Seraing. 10h, devant l’Hôtel de ville. Manifestation contre la fermeture de la phase à chaud d’ArcelorMittal
    • Me. 26 octobre. Anvers. 19h30 Multatuli. Réunion ouverte du PSL : Après la crise de Dexia : plaçons l’entièreté du secteur financier aux mains du public!
    • Je. 27 octobre. Louvain. 16h Grote Markt. Action #Occupy Louvain
    • Sa. 29 octobre. Gand. Seconde Journée du Socialisme organisée par la Table Ronde des Socialistes en Flandre
    • Sa. 29 octobre. Gand. 13h, Zuidpark. Action # Occupy Gent
    • Me. 3 novembre. Anvers. 19h30 R 0.10 (Rodestraat). 38 ans après le coup d’Etat de 1973 au Chili : les travailleurs et les jeunes en résistance massive. Avec Pablo, membre d’EGA d’origine chilienne et un orateur de Colectivo Zudaka
    • Me. 3 novovembre. Gand. 19h30. Therminal, vergaderzaal 2. Réunion d’EGA: Le matérialisme historique et la position des femmes dans la société
    • Me. 16 novembre. Anvers. 19h30. Rodestraat R0.10 (stadscampus). Débat: Le capitalisme en crise: quelle réponse de la gauche? Avec Meryem Almaci (Groen), Erik De Bruyn (Rood), Peter Mertens (PTB) et Bart Vandersteene (PSL). Un orateur du SP.a est également demandé.
    • Sa.-di. 26-27 novembre. Congrès régionaux du PSL
    • 3 décembre: Manifestation Climat
    • 8 mars 2012: Manifestation anti-NSV à Louvain
    • 25 mars 2012: Protestation contre la manifestation anti-avortement à Bruxelles

    Agenda de Rood!

    Le PSL participe en Flandre à la construction de Rood!. Voici ci-dessous quelques dates de l’agenda de cette initiative.

    • Je. 27 octobre. Anvers. 19h30 café Multatuli. Débat sur la pauvreté
    • Sa. 5 nov. Bruges. Café Rouge. Débat politique avec John Crombez (sp.a), Erik De Bruyn (Rood!), Bart Vandersteene (PSL), Peter Mertens (PTB). 20h30 Hollandse Vismijn.

    [/box]

    Pourquoi j’ai rejoint le PSL

    Daphnée, Liège

    J’ai toujours eu des idées de gauche (merci à mes parents pour cela) mais j’ai mis longtemps à vouloir agir. Les évènements récents ont fini par me décider: l’annonce de la fermeture du chaud d’ArcelorMittal (où mon père travaille depuis qu’il a l’âge de travailler), une entreprise qui s’est construite grâce à la sueur du front des travailleurs liégeois mais aussi français et allemands, notamment. Nous savons que les multinationales de ce genre payent un impôt risible par rapport à leur chiffre d’affaire. Est-ce normal? Non, et encore moins de nous faire payer la dette de l’Etat!

    Dans le monde entier, de plus en plus de gens s’indignent de voir comment le monde tourne et commencent à agir! Nous n’avons pas encore la même situation qu’en Grèce ou ailleurs mais est-ce pour cela qu’il faut se sentir à l’abri de l’austérité?

    Après avoir travaillé une bonne partie de notre vie, nous sommes en droit d’avoir une pension convenable, tout comme les personnes qui ne sont pas en état de travailler ont le droit d’avoir une aide. J’aimerais encore pouvoir garantir cela à mes enfants.

    Ces évènements, ces mouvements de masse mais aussi l’éducation que j’ai eue et le sentiment que ce pour quoi nos parents et nos grands parents se sont battus n’est plus chose acquise m’ont décidé à rejoindre le PSL.


    Les cafés EGA : Une réussite!

    A Gand, Louvain et Anvers, nous avons organisé des cafés-EGA ces derniers jours, afin d’avoir des discussions informelles et de faire connaissance avec les nouveaux membres d’EGA, ou avec ceux qui veulent rejoindre. Nous avons partout ressenti un grand intérêt pour nos idées cette rentrée académique, différentes questions politiques sont largement discutées, comme les nationalisations ou les mobilisations de masse.

    Ces cafés sont dans le prolongement des débats que nous avons organisé, où la participation était importante, et qui a débouché sur la volonté de participer à nos campagnes parmi de nombreux jeunes. Partout, ces cafés-EGA ont rencontré le succès. A la fin du café-EGA à Anvers, un cycle de formation marxiste en petits groupes a été convenu. Deux étudiants y ont également rejoint le PSL.


    Manifestation à Seraing ce mercredi

    Ce mercredi, une mobilisation de toute première importance a lieu, contre la fermeture de la phase à chaud de la sidérurgie liégeoise. Les syndicats appellent à la nationalisation de l’entreprise. Nous mobilisons pour cette manifestation, même si ce ne sera pas évident de faire venir des délégations de solidarité de partout un mercredi matin dans la région de Liège. Mais tant les syndicalistes que les jeunes devraient mettre tout en œuvre pour se libérer et être présents. Nous interviendrons à la manifestation avec tracts, badges et notre journal, qui comprendra un supplément sur ArcelorMittal (issu de notre édition de novembre). D’autres actions et manifestations devraient suivre. Une large mobilisation aiderait en tout cas à aller de l’avant.


    Avec les cheminots

    Notre travail vers les cheminots est en bonne voie. Nous avons produit quatre tracts en deux semaines, et sommes intervenus à quatre actions différentes : devant le conseil d’administration de la SNCB les 7 et 18 octobre, lors d’une réunion de Logistics SA à Anvers et, mercredi, nous étions présents pour une action tenue dans la zone portuaire d’Anvers. Nous essayons de renforcer ces actions avec nos arguments et en aidant à construire la solidarité. Compte tenu du plan de gestion brutal, nous allons très certainement continuer à renforcer ces efforts militants. Sans construire une opposition conséquente, l’état du rail continuera d’empirer dans notre pays. Nous lancerons ces prochains jours un nouveau site de Libre Parcours, notre site syndical consacré au transport en commun.


    Meetings sur la crise bancaire

    A Bruxelles, Louvain, Gand et Anvers, nous allons organiser différents meetings sur la crise de Dexia et notre programme concernant le secteur financier (voir ci-contre).

  • Tous Indignés?

    Après la manifestation réussie de samedi dernier (10.000 personnes environ), des actions spontanées locales se préparent à partir d’appels lancés sur Facebook, et attirent déjà un grand nombre de participants virtuels. Dans l’ordre, il y a un #OccupyAntwerp ce samedi, #OccupyBxl HQ European Union ce dimanche contre le sommet européen des chefs d’Etats, un #OccupyLeuven jeudi prochain et un #OccupyGent le samedi d’après. D’autre part, le large soutien pour les revendications anticapitalistes des Indignés a également été remarqué par l’establishement, qui se précipite pour déclarer tous azimuts qu’il comprend les Indignés et la colère contre les effets de la crise.

    Le président européen Herman Van Rompu et le président de la Commission Européenne Manuel Barroso ont été la cible de nombreux slogans et pancartes lors des manifestations du mouvement des Indignés. Pourtant, tous deux ont déclaré – sans rire – qu’ils comprennent ces actions de protestation. Barroso a même été jusqu’à dire qu’il était "scandalisé" et que les banques "doivent contribuer" contre les effets de la crise. Le chef de file libéral et ancien premier ministre belge Guy Verhofstadt a quant à lui déclaré à la radio que les Indignés manifestaient à juste titre, que les problèmes dénoncés étaient effectivement graves et que seule une union budgétaire européenne serait une issue à la crise ! Comment la logique du problème peut-elle faire partie de la solution ?

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

      15 octobre

    • 15 octobre: Journée de résistance inter-continentale
    • Reportage-photos de Bruxelles (1)
    • Reportage-photos de Bruxelles (2)
    • Reportage-photos de Bruxelles (3)
    • Reportage-photos de Bruxelles (4)
      [/box]

      Ce n’est pas exactement pour ça que les manifestants étaient dans les rues de Bruxelles et d’ailleurs samedi dernier… Les manifestations étaient clairement orientées contre ce système capitaliste qui conduit à la crise, contre les banquiers et les spéculateurs ainsi que contre leurs représentants politiques. Comment osent-ils maintenant parler ainsi ? Comprennent-ils que, pour les Indignés, Van Rompuy est une marionnette aux mains des banquiers et des spéculateurs ? Il n’y a pas si longtemps, le président européen était d’ailleurs lui-même un banquier, il a été membre de longue date du conseil d’administration de Dexia, un poste duquel il n’a démissionné que pour devenir premier ministre.

      Si les politiciens prétendent être ceux qui comprennent le mieux les Indignés, ce n’est que parce qu’ils réalisent qu’il que la répulsion provoquée parmi la population par les banquiers et les spéculateurs est très large et très profonde. Les politiciens tentent désormais de se distancer artificiellement de cette image, même si la croissance de la spéculation est le résultat de la politique qu’ils ont menée avec enthousiasme. En Europe, leurs politiques d’austérité enfonce dans la précarité les jeunes, les travailleurs, les chômeurs, les pensionnés,…

      Au Etats-Unis, le président Obama essaie lui aussi de récupérer une partie du mouvement. Il se réfère même à Martin Luther King et dit qu’il soutient l’occupation de Wall Street ! Pure hypocrisie. L’équipe économique du président américain n’est pas composée de syndicalistes et de représentants des collectivités locales, ce sont tous des banquiers de Wall Street ! Comment un gouvernement de représentants de Wall Street peut sérieusement prétendre qu’il proteste contre Wall Street ?

      Ces politiciens ne nous représentent pas, ils tentent de récupérer le mouvement parce qu’ils savent que la protestation contre le capitalisme n’a pas une expression politique indépendante. Nous pensons que cela devrait être un point de discussion dans le mouvement de Indignés, auquel nous participons. Nous comprenons et partageons le dégoût des jeunes face à la politique établie. Nous croyons que nous ne devons pas laisser la politique aux politiciens, et que nous devons construire notre propre voix politique.

      Dans les jours et semaines à venir, d’autres actions sont prévues dans notre pays. Ce qui en sortira n’est pas encore clair. Mais le fait est qu’il existe un large soutien pour la manifestation de samedi dernier et la participation à la manifestation a dépassé toutes les attentes initiales. On note aussi une radicalisation croissante parmi les jeunes et une ouverture croissante à la discussion d’alternatives.

      Nous serons présents aux prochaines actions prévues à Anvers, Bruxelles, Louvain et Gand.

      #OccupyAntwerp Samedi 22 octobre, occupation de la Groenplaats à Anvers à partir de 15h. Groupe Facebook

      #OccupyBxl HQ European Union Dimanche 23 octobre, occupation de la rue de la loi face au sommet européen à partir de 13h. Groupe Facebook

      #OccupyLeuven Jeudi 27 octobre occupation de la Grote Markt à Louvain à partir de 16h. Groupe Facebook

      #OccupyGent Samedi 29 Octobre occupation du Zuidpark à gand à partir de 13h à South Park. Groupe Facebook

  • Il faut une gauche forte, combative et conséquente

    Les derniers sondages dévoilent une N-VA aussi “incontournable” en Flandre que le PS l’est en Wallonie. La N-VA a grimpé jusqu’à 33,5% (contre 28,2% l’an passé). Le PS obtient de son côté un score similaire aux élections dernières avec 35,6%. Cela signifie-t-il un ferme tournant à droite de l’électeur flamand ? Pas en première instance, selon nous.

    Bart Vandersteene

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    A la réunion de lancement de Rood! à Gand, le 15 juin dernier, environ 80 personnes étaient présentes. Le PSL soutient Rood! et veut défendre de façon conséquente la nécessité de la création d’une nouvelle formation politique large de gauche.
    [/box]

    La propagande de droite et libérale menée des années durant a certainement eu un impact sur la manière dont une grande partie de la population réfléchi vis-à-vis de nombre de sujets brûlants. Mais le score de la N-VA est avant tout l’expression de la faiblesse de ses opposants politiques. La N-VA défend un programme de droite et anti-social, mais comment les partis traditionnels pourraient-ils le dénoncer de façon crédible ? Comment le SP.a pourrait attaquer Bart De Wever sur le fait qu’il veut poursuivre les privatisations alors qu’eux-mêmes ont bradé sans scrupules Belgacom, La Poste, la SNCB, De Lijn,… avec des libéralisations et/ou des privatisations ?

    La N-VA fait tout pour maintenir une image de parti d’opposition, de parti qui n’a pas encore souillé ses mains à la politique, malgré leur participation au gouvernement flamand. Là, le parti a déjà montré quelle est sa démarche au pouvoir, en allant chercher Philippe Muyters dans les rangs de l’organisation patronale flamande extrémiste Voka pour en faire un ministre des Finances et du Budget…

    De qui la N-VA défend-elle les intérêts ?

    En 2010, la Belgique comptait 75.000 millionnaires en dollars, une croissance de 9,8% en comparaison de 2009. Pour les plus riches, la crise a rapidement été digérée. Ces 75.000 personnes (soit 0,7% de la population) font la pluie et le beau temps. S’ils estiment que les impôts sont trop élevés, ils menacent alors de quitter le pays et d’aller à Monaco ou un autre paradis fiscal. Que les travailleurs osent défendre des revendications salariales et ils menacent de délocaliser la production pour se faire plus d’argent ailleurs.

    De Wever & Co défendent, avec finesse, les intérêts de ceux qu’ils représentent réellement, c’est-à-dire ce 1% des plus riches et ceux qui espèrent un jour faire partie de ce club. Subtilement, avec des répétitions méthodiques et en l’absence de toute contestation, ils créent de nouvelles ‘‘évidences’’, des interprétations qu’une partie grandissante de la population accepte comme étant la vérité : ‘‘les pensions ne sont plus payables’’, ‘‘les salaires sont trop élevés’’, ‘‘plus de compétences pour la Flandre pourrait tout résoudre’’,…

    Nous avons besoin d’une gauche qui défende avec la même résolution le camp des 95% restant de la population : les familles de simples travailleurs, l’un avec un meilleur salaire que l’autre, l’un avec un peu plus d’épargne que l’autre. Qu’importe, ils ont tous en commun de vivre du travail salarié et de préférer payer leurs impôts pour une grande piscine communale plutôt que de devoir construire une piscine trop petite et trop chère dans leur jardin. Pour ces 95%, un mécanisme de solidarité collectif pour les soins de santé et la sécurité sociale est bien meilleur qu’une assurance individuelle. Ce sont ces 95% qui ressentent maintenant la crise, pour qui les emplois deviennent incertains, pour qui trouver un logement décent est devenu quasiment inabordable, pour qui les services coûtent toujours plus cher, pour qui la facture énergétique est une charge très lourde,…

    Fin de cette année, le gouvernement Leterme va devoir accoucher d’un programme d’austérité, ce qu’il prétend pouvoir réaliser sans mesures antisociales. Illusion. Une augmentation de l’âge des pensions, des attaques contre l’indexation salariale, une baisse du budget pour les soins de santé, la détérioration de la sécurité sociale, le démantèlement des services publics,… Tout ça, c’est ce qui nous attend.

    Au Parlement, aucun parti ne s’oppose résolument à cette logique politique qui fera payer la crise à la population, alors qu’elle n’en est en rien responsable. Nous voulons soutenir chaque initiative allant en direction d’une représentation politique des intérêts des simples travailleurs. C’est pourquoi nous nous engageons dans des initiatives plus larges comme Rood ou le Front des Gauches.

    Rood en Flandre, le Front des Gauches en Belgique francophone

    Fin avril, l’opposition de gauche officielle au sein du SP.a a définitivement tourné dos au parti et a initié le mouvement indépendant ‘‘Rood’’ (Rouge en néerlandais). Depuis lors se sont tenues les premières réunions à Anvers, Gand, Bruxelles, Hasselt, Herentals et Louvain. En septembre, nombre d’autres villes sont encore prévues. Le PSL/LSP participe à cette initiative, qui a selon nous le potentiel de grandir vers un large mouvement de gauche. Pour cela, il faut un profil combatif et le mouvement doit adopter un programme clairement socialiste.

    Le Front des Gauches (FdG) n’a pas pu utiliser l’année écoulée depuis sa participation électorale afin de s’imposer plus fortement dans le paysage politique. Le FdG est une coalition de six organisations, dont le PSL, le PC, la LCR et le PH. Juste avant les élections précédentes un accord avait été conclu pour se présenter aux élections comme FdG, une liste qui a eu un respectable 1,15% (28.000 voix). Les divergences d’opinions concernant la manière de poursuivre cette initiative ont conduit à ce que le Front n’est aujourd’hui pas plus avancé qu’il y a un an, c’est-à-dire une coopération électorale de six organisations. Selon nous, le potentiel est réel de pouvoir rassembler en une initiative large des centaines de gens de gauche qui ne sont actuellement pas organisés.

    Le travail à faire est encore grand avant de pouvoir parvenir à constituer des formations de gauche aussi fortes que celles dont dispose la droite. Mais cette nécessité devient sans cesse plus urgente aux yeux de beaucoup de personnes, et cela est en soi un grand potentiel. Le PSL appelle chacun à rejoindre les initiatives existantes. Ce n’est qu’avec une participation et une implication de couches plus large que les actuels militants de gauche qu’elles peuvent devenir des réussites.

  • De l’intérêt de la crise politique pour le mouvement ouvrier – Un regard réellement socialiste sur la crise politique persistante

    La tentative de conciliation de Vande Lanotte était qualifiée de tantième ”négociation de la dernière chance”. A nouveau, aucun accord n’a été obtenu, mais il apparaissait en même temps qu’il ne s’agissait pas de ”la dernière chance” non plus. Les négociations continuent sous la direction de Vande Lanotte, avec De Wever et Di Rupo, et de nouveaux pourparlers ”cruciaux” vont suivre. Le gouvernement en affaires courantes sous la direction d’Yves Leterme a entretemps reçu du Roi la demande d’élaborer un budget pour 2011 avec un déficit plus bas que prévu.

    Texte d’Anja Deschoemacker au nom du Bureau Exécutif du PSL

    L’homme et la femme de la rue ne savent plus que penser. La dépression, le cynisme et surtout le défaitisme sont aux prises avec le fou rire, bien que ce soit un rire jaune. Entretemps, les institutions internationales, y compris les institutions de crédit, commencent en avoir assez. Les journaux sont remplis d’articles consacrés à la menace issue des marchés financiers. Selon le bureau de recherche du marché CMA, le risque d’une faillite de la Belgique a considérablement monté au cours du dernier trimestre, jusqu’à atteindre 17,9% (site web du quotidien flamand De Tijd, 10 janvier 2011). Avec cela, notre pays occupe aujourd’hui la 16e place des pays à risque, contre la 53e il y a neuf mois.

    Cela doit être fortement nuancé. Même si la crise politique et l’absence d’un gouvernement stable attire évidemment l’attention et peut donner des idées aux spéculateurs, il est insensé de mettre la Belgique au même niveau que la Roumanie, comme fait le CMA. Ceci étant dit, il est évidemment correct de dire que le taux d’intérêt croissant que la Belgique doit payer sur ses emprunts coûte une masse d’argent, certainement au vu du fait que les intérêts que paie notre pays sur sa dette d’Etat représentent aujourd’hui déjà à peu près 11% du PIB.

    Si ces éléments sont actuellement très fortement mis en avant dans les médias et si les dangers sont encore souvent exagérés, c’est surtout afin de mettre pression sur les partis impliqués dans les négociations pour enfin conclure un accord et former un gouvernement. Si la NVA ne peut pas y être poussé, même pas quand la crise financière frappe à nouveau, cela constituera la donnée devant servir pour gouverner sans la NVA, car la NVA ne veut pas gouverner et ”nous ne pouvons pas entretemps voir sombrer le pays”.

    Au vu du fait que la Flandre – et donc aussi la Belgique – risque de devenir ingouvernable si les partis traditionnels perdent encore du soutien électoral et que la NVA l’emporte encore, la pression des marchés financiers et des institutions internationales va devoir être très grande avant que le CD&V ne soit prêt. Ce parti qui a durablement été le plus grand parti du pays, le meneur de jeu ultime, est aujourd’hui dans une situation où son existence même est menacée. C’est l’explication principale de son comportement capricieux.

    Le CD&V dit “non, sauf si” – ou était-ce quand même ” oui, mais”?

    Après la déclaration de Wouter Beke selon laquelle le CD&V ne voulait pas se mettre autour de la table avec les sept partis sur base de la note de Vande Lanotte, sauf si des adaptations fondamentales sur des points essentiels étaient préalablement adoptés, la confusion a totalement éclaté. Le bureau du CD&V aurait décidé de dire ”oui, mais” (selon Torfs et Eyskens), mais le G4 du parti (Kris Peeters, Yves Leterme, Steven Vanackere et Wouter Beke) aurait modifié cette décision après que des contacts aient eu lieu avec la NVA pour dire ”non, sauf si”. Wouter Beke a clairement été surpris des réactions et surtout de la décision de Vande Lanotte de démissioner. C’est du poker à haut niveau…

    Et en première vue, cela semble avoir marché. Vande Lanotte peut maintenant quand même continuer à négocier, bien qu’accompagné de deux ”belles mère”: De Wever et Di Rupo. Qu’il n’y ait maintenant aucune garantie que ce triumvirat ne parvienne à quelque chose, pour le dire le plus doucement que possible, peut être clair au vu des premières réactions. Tant la NVA que le CD&V voudraient maintenant emprunter un chemin où moins de thèmes seraient discutés, mais où les réformes concernant ces sujets seraient plus profondes. Le socio-économique est évident mais, pour la NVA, cela signifie par exemple de revendiquer la scission de toute la politique du marché de l’emploi. Les réactions du CDH, du PS et d’Ecolo ont clairement été ”non!” Le CD&V s’oppose d’ailleurs lui aussi à une scission de la sécurité sociale et de l’Onem, ce parti est aussi sous pression de l’ACW (le Mouvement Ouvrier Chrétien en Flandre) et de l’ACV (la CSC en Flandre) qui s’y opposent également.

    Le CD&V et la NVA veulent plus de responsabilisation des gouvernements régionaux et des adaptations dans la note sur Bruxelles, où joue surtout la veille contradiction entre régions et communautés. L’existence de ces deux structures est une exemple typique de ce qu’on appelle le compromis belge : les communautés ont étés créés sur demande de la Flandre qui voulait mener une politique culturelle propre (la Communauté Germanophone utilisant ce développement pour pouvoir elle aussi disposer de compétences communautaires), les régions ont étés créés sur demande de la Wallonie pour pouvoir mener sa propre politique économique. Les deux s’imbriquent et entraînent une structure d’Etat très compliquée.

    Pour les politiciens flamands, les communautés sont les plus importantes. C’est pour cela que les politiciens et les journalistes flamands parlent tout le temps de deux ”Etats régionaux” et que des propositions reviennent pour que Bruxelles soit gérée à partir de la Flandre et de la Wallonie. Ils nient donc que la création d’une Région de Bruxelles a créé une nouvelle réalité qu’on ne peut pas simplement éviter et que l’application d’un Bruxelles géré par les communautés peut conduire dans la capitale à de grandes différences, et même à une politique de séparation. Ils laissent aussi de côté le fait qu’à peu près la moitié de la population bruxelloise ne se considère comme faisant partie ni d’une communauté, ni de l’autre.

    Pour les politiciens francophones, les régions sont la structure de référence, de manière à ce que deux régions (la Wallonie et Bruxelles) se retrouvent face à la Flandre, ce qui renforce évidemment leur position. Ils refusent le développement de ”sous-nationalités” à Bruxelles, ce avec quoi le PSL est d’accord, mais ils passent à côté de la réalité historique que les Flamands ont dû se battre pour avoir, par exemple, le droit à un enseignement néerlandophone, car les compromis qui étaient conclus à ce sujet avant la création des communautés n’ont jamais été réellement appliqués et la politique visant à repousser le néerlandais et à privilégier le français continuaient tout simplement.

    Maintenant que des nouveaux compromis doivent être conclus, ces vielles contradictions continuent à jouer parce que les compromis du passé n’ont pas résolu l’affaire, mais l’ont seulement temporairement ”concilié”.

    Est-ce que ça va finir un jour?

    Les partis francophones ont évidemment tous négativement réagi face au refus du CD&V et de la NVA de se remettre autour de la table à sept. Car eux aussi veulent des adaptations à la note de Vande Lanotte, mais en direction inverse. Ecolo a déclaré être d’accord pour continuer de négocier autour de cette note, avec des amendements, mais le PS et le CDH ont attendu jusqu’aux déclarations du CD&V et de la NVA pour laisser entendre un ”oui, mais”. Le découragement monte : est-ce qu’un accord finira par arriver un jour ?

    Dans sa première déclaration après l’échec de la note Vande Lanotte, Elio Di Rupo a créé une ouverture envers le MR. Cette ouverture a été de suite refermée – les propositions du MR de travailler sur base de l’article 35 de la constitution et de commencer à discuter sur ce que nous voulons encore faire ensemble à partir d’une feuille blanche n’ont pas aidé Reynders à se réimposer – mais c’était un manœuvre tactique importante. En fait, Di Rupo disait ainsi que le PS n’est pas seulement préparé à fonctionner avec la NVA dans un gouvernement qui est de centre-gauche pour le reste, mais également au sein d’un gouvernement de centre-droit. La NVA a fait savoir auparavant qu’elle préférait impliquer les libéraux afin de pouvoir mener une politique sociale (plus) à droite.

    La NVA a aussi laissé savoir qu’elle était en faveur d’une augmentation des compétences pour le gouvernement sortant et être préparée à donner un soutien de tolérance à plusieurs mesures budgétaires, entre autres autour du dossier du droit d’asile et de l’immigration, ce qu’ils avaient déjà proposé à Leterme en octobre. Il est donc clair que pour la NVA, un gouvernement de (centre) droit est un objectif important, un objectif qu’on ne sait pas obtenir sans les partis libéraux comme tant les sociaux-démocrates que les chrétiens-démocrates, et dans une moindre mesure les verts, sont gagnés à l’idée d’une politique d’austérité socialement emballée et accompagnée au lieu d’une thérapie de choc qui conduirait sans doute à une lutte du mouvement ouvrier. Mais il est très clair qu’avec le MR, il serait encore beaucoup plus difficile d’arriver à un accord autour du dossier symbolique par excellence – la scission de Bruxelles-Hal-Vilvorde – au vu des intérêts électoraux du MR/FDF dans la périphérie de Bruxelles. Si Vande Lanotte échoue à nouveau, une tentative de formation d’un gouvernement de centre-droit sans les verts et avec les libéraux n’est pas exclue.

    La pression sur la NVA augmente aussi dans les médias flamands, et il est clair que ce parti constitue un obstacle sérieux pour parvenir à la formation d’un gouvernement. Mais est-ce qu’il y a la possibilité d’arriver à un accord, avec ou sans la NVA ? Les commentaires dans les médias sur les contradictions de la note de Vande Lanotte montrent qu’il s’agit des même qu’il y a trois ans : la responsabilisation des gouvernements régionaux et la place des Communautés à Bruxelles face à celle de la Région.

    Dans le passé, ces contradictions ont toujours été – temporairement – conciliées dans les structures belges sur base de compromis où chaque côté recevait partiellement ce qu’il voulait en échange de concessions de l’autre côté. Cette tradition de compromis – pas seulement sur la question nationale et la langue, mais aussi en conciliant les contradictions entre travail et capital et celles entre les piliers catholiques et laïque – fait que la politique en Belgique est fortement caractérisée par le pragmatisme.

    En Belgique, tous les commentateurs disent unanimement : ”la politique c’est l’art de faire des compromis”. Les coalitions sont ici la forme gouvernementale traditionnelle. Participer aux coalitions était déjà l’objectif du Parti Ouvrier Belge avant la Première Guerre Mondiale (sur le plan communal), et toutes les forces flamingantes ou régionalistes wallonnes ou bruxelloises ont dans le passé été prises dans des coalitions, une récompense pour leur volonté de compromis.

    Maintenant, il semble que la NVA ne veut pas s’inscrire dans ce processus, ou du moins veulent ils visiblement en faire monter le prix tellement haut que ce ne soit plus acceptable du côté francophone. Mais nous ne devons pas nous tromper : pour la bourgeoisie aussi, par la voix de ses organisations comme la FEB, nombre de revendications de la NVA sont inacceptables. Le dernier rapport du FMI également appelle bien à la responsabilisation des gouvernements régionaux, mais appelle également à éviter que la concurrence entre les régions ne fasse des dégâts à l’unité du marché de l’emploi. Comme le rédacteur en chef du magazine Knack l’écrivait il y a des mois, la Belgique fonctionne pour le patronat comme la vache à lait parfaite, il ne veut en aucun cas s’en débarrasser. A la table des négociations, le PS n’est pas seulement le représentant de la Communauté francophone, mais aussi celui de ces cercles du Grand Capital.

    La NVA reçoit un soutien pour son refus de rentrer dans ce jeu: une rupture avec cette politique des coulisses. Les études du comportement électoral illustrent toutefois que de grandes parties de l’électorat gagné par la NVA n’a rien à voir avec le programme de ce parti, on vote pour la NVA après avoir déjà conclu qu’on ne doit rien attendre des autres partis si ce n’est plus de la même chose. Plus de la même chose, c’est encore quelques décennies de modération salariale, une politique menée ces trente dernières années et qui conduit à ce qu’aujourd’hui, une famille a besoin de deux salaires afin de maintenir le niveau de vie de vie qui pouvait dans le temps être assuré par un salaire. Encore quelques décennies de sous-financement de toute l’infrastructure et de tous les services publics, avec comme résultat des crevasses dans les routes, des retards dans les transports publics, les listes d’attente dans chaque secteur des soins,… Encore quelques décennies d’augmentation de la pauvreté (de 6% dans les années ’80 à 15% aujourd’hui), de sous-emploi et de chômage, d’insécurité sur l’avenir,…

    Mais avec la NVA, tout ça ne s’arrêtera pas, bien au contraire. Le parti peut bien se poser idéologiquement comme parti conservateur et non pas libéral, ses revendications socio-économiques sont par contre ultralibérales. Il semble totalement échapper à la NVA que c’est cette politique libérale qui a conduit à la crise mondiale actuelle. Ou est-ce que la NVA pense que le néolibéralisme mène partout à un bain de sang social et à l’appauvrissement, mais que par une ou autre magie la population flamande peut être sauvée ? Il semble aussi échapper à la NVA que leur idée que l’Europe se développera vers une sorte d’Etat national pour les régions européennes – dans laquelle peut pacifiquement s’évaporer la Belgique et la Flandre pacifiquement et presque automatiquement devenir indépendante – a toujours été utopique et qu’avec la crise financière-économique, la direction que prend aujourd’hui l’Union Européenne est plutôt une direction qui disperse les pays européens plutôt que de les rassembler pour la construction d’une véritable fédération européenne.

    Ce qui échappe aussi à la NVA, c’est le fait que ”la Flandre” est tout sauf unanime – même si les partis flamands le sont – sur la nécessité d’un démantèlement des dépenses sociales et des services publics. En 2008, les fonctionnaires flamands ont protesté contre la diminution de leur pouvoir d’achat et, maintenant, ces mêmes fonctionnaires devraient accepter sans lutter qu’on mette fondamentalement un terme à leurs pensions?

    Si la NVA n’est pas préparée à avaler un accord qui satisfait la bourgeoisie – une réforme d’Etat répartissant l’austérité sur différents niveaux – ce parti ne va pas prendre place au gouvernement. Si ce n’est vraiment pas possible autrement, elle serait éventuellement reprise mais seulement le temps nécessaire pour lui brûler les ailes au gouvernement. A côté de ce chemin, il ne reste à la bourgeoisie que la stratégie de pourrissement, où la NVA est brûlée justement en la gardant hors du pouvoir, si nécessaire avec le prix d’encore quelques années de crise politique et, entre autres, des élections se suivant rapidement.

    Un accord est donc possible si De Wever peut imposer un compromis à son parti et si les “pragmatiques” l’emportent sur les ”romantiques flamands”. Si ce n’est pas le cas, le feuilleton va sans doute encore continuer quelque temps pour alors inévitablement conduire à un certain moment à des élections. La pression externe – de la part de l’Europe, des institutions internationales, la menace des marchés financiers,… – va sans doute être nécessaire pour forcer tous les partis à un accord (et pour en même temps donner l’excuse au fait que cet accord sera sans doute en-dessous du seuil minimum aujourd’hui mis en avant par les partis concernés).

    La Belgique a-t-elle encore un avenir ?

    Comme cela a déjà été dit, dans le passé, des compromis ont été conclus conduisant à chaque fois à une période de pacification. Ces compromis étaient possibles sur base de l’énorme richesse produite par la classe ouvrière belge et qui créait la possibilité d’acheter un accord. Les partis régionalistes ou nationalistes flamands ont toujours obtenu des concessions partielles, et on s’assurait en même temps que toutes sortes de verrous étaient instaurés pour éviter la désintégration du pays. L’attribution de plus de pouvoir et de poids des structures belges vers la Flandre en pleine floraison économique et vers la Wallonie frappée de désindustrialisation, s’accompagnait de doubles majorités et d’autres mesures de protection pour les minorités nationales comme les mesures de conflits d’intérêt et la procédure de la sonnette d’alarme. La pleine reconnaissance du bilinguisme à Bruxelles s’est accompagnée d’une Région bruxelloise, qui constitue aujourd’hui la pierre d’achoppement la plus importante contre la désintégration du pays. L’élite flamande ne sait unilatéralement proclamer l’indépendance que si elle accepte la perte de Bruxelles, ce qui n’est pas en train de se faire immédiatement, qu’importe à quoi peuvent bien rêver nombre de membres de la NVA.

    De l’autre côté, il est aussi clair qu’il devient toujours plus difficile de conclure des compromis. Ces trente dernières années, une partie de plus en plus grande de la richesse est allée vers les couches les plus riches de la population, les capitalistes. Les presque 90% de la population qui vivent de salaires et d’allocations ne reçoivent aujourd’hui même plus la moitié des revenus qui sont produits avec le travail de la classe ouvrière en Belgique. Les salaires et les allocations ont été de plus en plus vidées pour faire à nouveau monter les profits, mais les revenus de l’Etat – impôts et sécurité sociale – ont aussi été toujours plus écrémés. Aujourd’hui, l’Etat fédéral n’est plus dans la position d’acheter n’importe quoi. La question actuelle n’est pas de savoir si on sait parvenir à atteindre une situation ”gagnant-gagnant”, et même pas ”gagner un peu, perdre un peu”, mais à un équilibre sur ce qui est perdu, et donc à une situation ”perdant-perdant”. Cela explique la difficulté.

    Mais le plus probable à ce moment est que – finalement – un compromis soit trouvé. Un compromis bancal qui ne va pas conduire à la stabilité – seulement à plus de coupes dans les dépenses sociales et les services publics, alors que les manques y sont déjà grands. Un compromis donc, dont on peut dire avec certitude qu’il ne va qu’encore augmenter les tensions.

    Et le mouvement ouvrier?

    Il était là et il regardait… Par manque de parti des travailleurs, les intérêts de la classe ouvrière n’entrent pas en ligne de compte dans ces négociations et ne vont certainement pas être à la base d’un accord. Qu’importe ce que dit le PS, ils ont déjà prouvé plus que suffisamment au cours des trente dernières années qu’ils sont préparés à faire tout ce que la bourgeoisie demande. Bien que le PS reste plus à l’arrière-plan et se cache derrière les partis flamands qui ont toujours livré le dirigeant du gouvernement, il est tout comme le SP.a à la base du vol du siècle (passé) : vider presque tous les acquis d’après-guerre du mouvement ouvrier petit à petit, avec une tactique du salami.

    La NVA n’agit clairement pas dans l’intérêt de la classe ouvrière en Flandre, Bart De Wever a rendu cela très clair très tôt dans les négociations, quand il a appelé le Voka – qui a toujours été une des organisations patronales la plus extrême sur le plan des revendications ultralibérales – ”mon patron”. S’il y avait un réel parti des travailleurs en Flandre, qui mène réellement la lutte pour les intérêts des travailleurs flamands, il serait déjà rapidement clair que le Voka – et la NVA avec lui – ne représente qu’une petite minorité de la population flamande, cette minorité qui veut faire travailler pour elle la majorité au coût le plus bas possible. Par manque d’un parti des travailleurs qui réagit aux attaques des partis bourgeois et petit-bourgeois en prenant en main la lutte de classe pour la classe ouvrière, et qui y donne une direction, un climat peut être créé où les intérêts des patrons flamands peuvent être représentés comme les ”intérêts de la Flandre”.

    Il n’y a pas de short-cut. La bourgeoisie n’est pas capable de concilier définitivement et complètement la question nationale en Belgique, la seule chose qu’elle a à offrir est encore quelques exercices d’improvisation et d’équilibre avec comme objectif final de maintenir son système et ses privilèges. Une conciliation réelle de contradictions nationales ne peut se faire que si les moyens sont mis à disposition pour garantir à chacun en Belgique une vie et un avenir décent. Des emplois à plein temps et bien payé pour tout le monde, assez de logements abordables et de qualité, un enseignement de qualité et accessible pour offrir un avenir à nos enfants, des services publics et une sécurité sociale avec assez de financement pour couvrir les besoins,… sont des revendications qui doivent nécessairement être remplis, sans aucune discrimination, pour mener à une fin aux tensions. Un développement harmonieux de l’économie belge avec comme but de satisfaire les besoins de la grande majorité de la population et d’en finir avec les pénuries sur le plan social (et donc en finir aussi avec les luttes pour savoir qui peut disposer de ce qui reste comme moyens) devrait mettre fin au chômage colossal et au manque de perspectives qui règnent dans nombre de régions wallonnes, mais certainement aussi à Bruxelles et dans des villes comme Anvers et Gand, où de grandes parties de la jeunesse ouvrière n’a aucune perspective pour l’avenir, sauf le chômage et la pauvreté. Il ne faut pas attendre ce développement harmonieux de la bourgeoisie. Le capital ne va que là où il y a beaucoup de profit à faire à court terme.

    Tant que ces énormes moyens produits par la classe ouvrière en Belgique disparaissent dans les poches des grandes entreprises et de ceux qui sont déjà super-riches, ni une Belgique unifiée ni une Flandre indépendante ne sait fonctionner. Ces moyens sont nécessaires pour qu’une société réussisse, que ce soit à l’intérieur de la Belgique ou – si une majorité de la population le souhaite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – dans le cadre d’une fédération de régions indépendantes. Le PSL ne résiste pas à la disparition de l’Etat belge comme nous le connaissons, mais au fait que la rupture se base sur la destruction totale des acquis du mouvement ouvrier belge (comme la NVA le propose en réalité). Ces moyens sont en d’autres mots nécessaires aussi bien pour une scission pacifique et harmonieuse du pays, si cela était désiré, que pour une réparation de l’harmonie dans le ”vivre ensemble” en Belgique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre en mains ses affaires. Sur le plan syndical, nous ne pouvons pas nous faire imposer un mauvais accord interprofessionnel parce ”mieux n’est pas réalisable”. Rien, sauf l’appauvrissement, n’est réalisable. Si l’économie repart en chute, stagne ou se relance temporairement et partiellement, si des luttes ne prennent pas place, les patrons vont de nouveau s’en aller avec les profits et les travailleurs vont en payer le coût. Mais aussi sur le plan politique, nous devons de nouveau pouvoir mener la lutte si nous voulons obtenir le maximum sur le plan syndical. Le choix pour le soi-disant moindre mal sous la forme d’encore un fois voter pour les partis existants qui prétendent encore de temps en temps agir dans les intérêts de la classe ouvrière (mais qui ces dernières décennies ne le font plus en actes) a conduit dans le passé au démantèlement social, à une capitulation relative du mouvement ouvrier devant les revendications des patrons. Dans l’avenir cela ne serait pas différent, sauf en pire.

    Avec ce vote pour le moindre mal, le mouvement ouvrier prend une position passive, ce qui signifie qu’elle subit tout simplement le processus actuel de réforme d’Etat – qui est en fait la préparation du plan d’austérité drastique qu’on va essayer de nous imposer. Les directions syndicales ont déjà plusieurs fois appelé avec les organisations patronales à un accord sur la réforme d’Etat et la formation d’un gouvernement, qu’importe le gouvernement. Mais nous ne voulons pas de n’importe quel gouvernement, nous ne voulons pas avoir un gouvernement simplement pour avoir un gouvernement.

    Pour pouvoir sortir de ce scénario, les militants syndicaux doivent augmenter la lutte contre toutes tentatives du patronat de nous faire payer la crise. Nous devons sur le plan syndical refuser un mauvais accord interprofessionnel et mener la lutte pour une augmentation du salaire brut, contre les contrats précaires et pour assez de moyens pour la création d’emplois décents. Sur le plan politique, nous devons nous préparer à agir contre n’importe quel gouvernement quand il veut nous présenter la facture. Dans la lutte pour nos intérêts, les idées et les forces peuvent grandir pour arriver, pour la deuxième fois dans l’histoire, à la création d’un véritable parti des travailleurs. Un vrai parti des travailleurs peut élaborer une solution définitive à la question nationale en Belgique: une démocratie conséquente, qui tient compte des droits sociaux et culturels de tous les groupes de la population, basée sur une économie planifiée démocratiquement élaborée et qui développe tout la territoire de la Belgique sur le plan social et économique, c’est une condition cruciale. Ce n’est possible que si la bourgeoisie est privée de son pouvoir dans la société.

    Un tel parti des travailleurs ne va pas tomber du ciel, mais va se développer sur base de la lutte et des leçons tirées de cette lutte par les masses des travailleurs, comme ça c’est passé dans le temps avec le vieux parti ouvrier, aujourd’hui bourgeoisifié. Une fois qu’une lutte plus massive et maintenue commence pour maintenir des conditions de vie décentes dans cette crise de longue durée du capitalisme, les délégués et militants des mouvements sociaux vont tirer des conclusions plus profondes. L’histoire nous montre que ce processus, une fois commencé, peut développer très vite, certainement s’il y a une minorité consciente sous la forme d’un parti socialiste révolutionnaire capable de développer ses racines dans le mouvement ouvrier dans ce processus.

    Il n’y a donc pas de raccourci. Dans la période qui vient, il y aura sans doute une continuation de la crise politique, pendant laquelle le pays est géré par le gouvernement en affaires courantes, en fait un gouvernement technique qui n’en a pas le nom. Si un gouvernement avec la NVA est formé, il va être de courte durée, le tantième gouvernement de combat à l’intérieur. Si les négociations ne peuvent plus être tirées dans le temps, nous pouvons avoir à faire à des élections dans les mois prochains, bien que cette perspective diminue à mesure que la menace des marchés financiers augmente.

    A un certain moment un compromis devra être trouvé, qui consistera à ce que la grande majorité de la population – les travailleurs et leurs familles, les gens qui vivent d’allocations, les petits indépendants – paye la facture de la crise capitaliste. Ce compromis va, comme toujours, être de double sens et donner vie à de nouvelles contradictions et tensions. Bien qu’aujourd’hui les forces ne sont pas là pour imposer la désintégration de la Belgique, le maintien de la Belgique sur base capitaliste va de plus en plus être miné jusqu’à ce que cela devienne intenable à un certain moment. La faute dans le raisonnement de beaucoup de flamingants contents de ce processus n’est pas que ce processus ne se passerait pas, mais réside dans l’illusion que cela pourrait se passer pacifiquement et avec des négociations.

  • Colloque “Grande Grève” à l’Université de Liège

    Durant trois jours, l’ULG a accueilli un colloque consacré à la grève générale de l’hiver 60-61. Il a été clôturé hier par une table ronde qui a réuni des témoins de l’époque, et notamment Gustave Dache qui, une fois encore, a fait sensation. Sur la quarantaine de participants, une quinzaine sont d’ailleurs repartis avec un exemplaire de son livre "La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61".

    Il a notamment beaucoup été question du fédéralisme et d’André Renard. Gustave Dache a expliqué que, durant la grève, le mouvement s’est retrouvé devant un choix : la confrontation directe avec le régime capitaliste ou la retraite. Mais pour cette dernière option, il fallait un prétexte capable de sauver la face à une partie au moins de l’appareil syndical. C’est dans ce cadre qu’il faut considérer l’appel au fédéralisme lancé par André Renard, un appel qui fut fatal à la grève générale.

    Quand, le 31 décembre 1960, le Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB a publié un communiqué déclarant que la grève était essentiellement localisée en Wallonie, il s’agissait d’un mensonge. Alors que, partout, les travailleurs réclamaient des actions plus dures, le Comité a répondu en semblant prétendre que seule la Wallonie luttait.

    Le 3 janvier, André Renard a déclaré "Le peuple Wallon est mûr pour la bataille. Nous ne voulons plus que les cléricaux flamands nous imposent la loi. Le corps électoral socialiste représente 60 % des électeurs en Wallonie. Si demain le fédéralisme était instauré, nous pourrions avoir un gouvernement du peuple et pour le peuple." (Le Soir du 4 janvier 1961) Le 5 janvier paraissait le premier numéro de l’hebdomadaire dirigé par André Renard, Combat. Son slogan de première page était :"La Wallonie en a assez."

    Peu à peu, et sans consultation de la base, c’est ce mot d’ordre, une rupture de l’unité de front entre les travailleurs du pays, qui a été diffusé par l’appareil syndical. A ce moment, des dizaines de milliers de travailleurs flamands étaient encore en grève à Gand et Anvers, mais aussi dans des villes plus petites comme Bruges, Courtrai, Alost, Furnes,… Finalement, faute de mots d’ordre et de perspective, le mouvement s’est essoufflé. La grève s’est terminée le 23 janvier 1961.

    Si ce sujet vous intéresse, nous vous conseillons bien entendu de commander le livre de Gustave, mais aussi de venir participer aux meetings et présentations de ce livre dans votre région (Plus d’informations)

    De gauche à droite: Jean Louvet (militant wallon et dramaturge (Le train du bon Dieu, 1962 ; L’An I, 1963, etc.), fondateur, suite à la Grève, du Théâtre prolétarien de La Louvière), Jacques Hoyaux (militant wallon, ancien ministre, sénateur honoraire et président d’honneur de l’Institut Jules Destrée), Gustave Dache (à l’époque ouvrier de la base, membre de la FGT B et président des Jeunes gardes socialistes de la Fédération de Charleroi, membre du Bureau national des Jeunes gardes socialistes, ainsi que militant de la IVe Internationale), Philippe Walkowiak (animateur du débat, RTBF), Georges Dobbeleer (à l’époque membre des Jeunes gardes socialistes et militant de la IVe Internationale), Valmy Féaux (à l’époque militant socialiste et assistant à l’Institut de sociologie de l’ULB. Ancien ministre et gouverneur de la Province du Brabant wallon). Louis Van Geyt, ancien président du PCB-KPB, n’a pas pu venir et avait envoyé un texte qui a été lu durant le débat.

  • [DOSSIER] Retour sur la “grève du siècle”

    50 ans après la grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61

    Ces cinq semaines d’un combat implacable, mené en plein hiver, constituent rien de moins que l’évènement le plus grandiose à ce jour de l’histoire des luttes de la classe ouvrière belge. A la base de ce conflit qui a puissamment ébranlé les fondations du système capitaliste, se trouvait un plan d’austérité particulièrement brutal, la Loi Unique. A l’heure où les plans d’austérité pleuvent sur les travailleurs partout en Europe et ailleurs, à l’heure où reviennent à l’avant-plan les grèves générales (voir notre dossier du mois dernier), les leçons à tirer de ce conflit sont inestimables.

    Par Nicolas Croes, sur base du livre de Gustave Dache

    LE CONTEXTE

    A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’appareil de production de la bourgeoisie belge était quasiment intact, un énorme avantage pour une économie belge basée sur l’exportation face à des économies voisines à reconstruire. La machine économique belge tournait donc à plein rendement mais, face au développement progressif de nouvelles industries à l’étranger, cet avantage a progressivement disparu.

    De plus, la bourgeoisie belge avait délibérément négligé des branches industrielles qui s’étaient récemment développées, comme la chimie ou encore l’électronique, pour conserver une structure industrielle basée sur l’industrie lourde (sidérurgie, extraction de charbon,…). Plutôt que d’investir dans leur appareil de production, les capitalistes belges investissaient leurs profits en banque. Disposant d’un très puissant capital financier, la Belgique était alors qualifiée de ‘‘banquier de l’Europe’’. Cette fonction de banquier a toutefois été fondamentalement remise en question par la crise de l’industrie. A cela s’ajoutait encore le coût de la perte du Congo, devenu indépendant le 30 juin 1960.

    Pour assurer ses profits, la classe capitaliste belge devait donc prendre des mesures radicales. Comme toujours, c’est aux travailleurs et à leurs familles que l’on a voulu faire payer la crise avec les mesures d’austérité de la Loi Unique. Mais la prudence s’imposait. Un certain climat de lutte régnait à ce moment, et la grève générale insurrectionnelle de 1950 concernant la Question Royale (le retour du roi Léopold III) n’était pas encore oubliée… C’est pour cette raison que le gouvernement avait choisi de commencer la discussion au Parlement sur la Loi Unique le 20 décembre, en comptant sur les préparatifs des fêtes de fin d’année afin d’affaiblir la mobilisation des travailleurs.

    De leur côté, la direction du Parti Socialiste Belge et de la FGTB comptaient également sur cette période pour éviter de prendre l’initiative et déclencher les hostilités. Les bureaucrates du PSB et de la FGTB étaient pris entre deux feux. Une défaite significative des travailleurs aurait signifié que la bourgeoisie aurait sérieusement commencé à s’en prendre à ses positions et à ses privilèges, mais une victoire de la classe ouvrière était tout aussi menaçante pour ces mêmes privilèges.

    La direction du PSB avait déjà démontré à plusieurs reprises sa servilité à la ‘raison d’Etat’. Quand s’était déroulée la grève des métallurgistes de 1957, le ‘socialiste’ Achille Van Acker, alors premier ministre, n’avait pas hésité à la réprimer. Cependant, la très forte base ouvrière active en son sein forçait la direction du PSB à imprimer des accents plus radicaux à sa politique. Début octobre 1960, le PSB a donc pris l’initiative de mener campagne dans tout le pays au sujet de la Loi Unique. C’était l’Opération Vérité, dont le but était d’assurer qu’une fois la Loi votée et appliquée, la colère et le mécontentement des travailleurs se traduisent en soutien électoral. Partout, l’assistance était nombreuse et les salles souvent trop petites. Ce n’était pas son objectif premier, mais cette campagne aura joué un effet non négligeable dans la préparation de la bataille de l’hiver 60-61.

    Au niveau syndical, les directions voulaient elles aussi éviter la grève générale et une lutte dont elles pouvaient perdre le contrôle. La Centrale Syndicale Chrétienne, proche du PSC au pouvoir, a dès le début freiné la contestation de tout son poids. Au cours de la grève générale pourtant, de très nombreux militants de la CSC, tant au nord qu’au sud du pays, ont rejoint la lutte.

    Au syndicat socialiste, différentes ailes s’affrontaient, ce qui s’est exprimé lors du Comité National Elargi du 16 décembre 1960. La gauche syndicale groupée autour d’André Renard y avait proposé de voter pour un plan comprenant une série de manifestations allant vers une grève générale de 24 heures le 15 janvier 1961 (soit après le vote de la Loi Unique, beaucoup trop tard). De son côté, la droite proposait de simplement organiser une journée nationale d’action quelque part en janvier 1961. Au final, la gauche syndicale a reçu 475.823 voix, la droite 496.487. Mais, en moins de quatre jours, ces deux positions ont complètement été dépassées par l’action de la base.

    LA BATAILLE COMMENCE – L’APPAREIL SYNDICAL EST DÉBORDÉ

    Les services publics étaient particulièrement touchés par la Loi Unique et, le 12 décembre, la Centrale Générale des Services Publics de la FGTB avait appelé au déclenchement d’une grève générale illimitée pour le matin du 20 décembre.

    Dans tout le pays, la grève des services publics a très bien été suivie. A Gand, par exemple, les ouvriers communaux ont bloqué la régie de l’électricité, privant de courant le port et toute la région. Des milliers de syndiqués chrétiens ont rejoint le mouvement, contre l’avis de leurs dirigeants. Dès ses premières heures, le mouvement n’est pas resté limité au service public, de nombreuses grosses entreprises ont été mises à l’arrêt. Souvent, les travailleurs ont dû menacer leurs délégués, qui tentaient d’appliquer les consignes des sommets syndicaux.

    En quelques heures, l’action spontanée des travailleurs a ébranlé tout le système capitaliste et surpris ses agents dans le mouvement ouvrier. Le lendemain, désolé, le secrétaire général de la FGTB Louis Major (également député socialiste) s’est lamentablement excusé à la Chambre en disant : ‘‘Nous avons essayé, Monsieur le premier ministre, par tous les moyens, même avec l’aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.’’

    Le 21 décembre, tout le pays était paralysé. Ce jour-là, on pouvait lire dans La Cité: ‘‘on signale qu’en plusieurs endroits, les dirigeants de la FGTB euxmêmes auraient été pris de court (…) Il semble bien qu’en certains endroits du moins, le contrôle du mouvement échappe à la direction de la FGTB.’’ Pour pallier au manque de direction, les travailleurs se sont petit à petit organisés avec des comités de grève, qui ont commencé à se coordonner. Voilà très précisément ce que craignait le plus la direction syndicale : qu’une nouvelle direction réellement basée sur la lutte collective des travailleurs se substitue à elle. La droite de la FGT B nationale, qui s’était opposée par tous les moyens à la grève générale, s’est déchargée de ses responsabilités sur les régionales en leur laissant le choix de partir ou non en grève.

    Ainsi, ce n’est qu’après que la grève générale ait été effective dans tout le pays que les régionales ont lancé un mot d’ordre de grève générale et tenté de dissoudre ou de récupérer les comités de grève (qui contrôlaient 40% de la région de Charleroi par exemple).

    TRAVAILLEURS FRANCOPHONES ET FLAMANDS UNIS DANS LA LUTTE

    La grève s’est étendue partout, les débrayages spontanés surgissant dans tout le pays. Les métallurgistes, les verriers, les mineurs, les cheminots, les dockers, etc. étaient tous en grève, toute la Wallonie était paralysée. En Flandre, le développement de la grève était plus lent et plus dur, mais bien réel. Des secteurs entiers y étaient en grève. D’ailleurs c’est en Flandre que s’est trouvée la seule entreprise à avoir été occupée par les grévistes lors de cette grève générale (la régie de l’électricité de Gand, du 20 au 30 décembre).

    Contrairement à ce que certains affirmeront par la suite, les travailleurs flamands ont largement démontré qu’ils étaient fermement engagés dans la lutte, malgré toutes les difficultés supplémentaires rencontrées dans une région où n’existaient pas de bassins industriels comparables à ceux de Charleroi ou de Liège, où le poids réactionnaire du clergé était plus important, où la CSC était dominante et où la direction de la FGTB était plus à droite.

    Dans ce cadre, la constitution sous la direction d’André Renard du Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB, le 23 décembre, a représenté une véritable trahison. En plus d’être une manoeuvre destinée à assurer que la direction de la lutte n’échappe pas à l’appareil de la FGTB en faveur des comités de grève, la formation de ce Comité a divisé les forces de la classe ouvrière face à un gouvernement, des forces de répression et une bourgeoisie unie nationalement. Toujours à l’initiative d’André Renard, cette politique de division des travailleurs a été encore plus loin quand, au moment le plus critique de la lutte, la gauche syndicale a introduit la revendication du fédéralisme.

    LE DANGER DE LA RÉVOLUTION

    Au départ, il ne s’agissait que de la Loi Unique mais, très rapidement, c’est la question de la prise du pouvoir qui s’est posée. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que n’apparaissent dans les nombreux et massifs cortèges de manifestants des slogans revendiquant une Marche sur Bruxelles. Ce que les travailleurs entendaient avec cet appel, ce n’est pas une simple manifestation à Bruxelles, mais un rassemblement ouvrier massif dans la capitale pour une confrontation ouverte avec le régime.

    Ce mot d’ordre avait été décisif en 1950 lors de la grève générale sur la Question Royale. Le roi Léopold III avait abdiqué la veille de la tenue de cette Marche afin de désamorcer un mouvement qui n’aurait pas seulement fait basculer la monarchie, mais aurait également fait courir un grand péril au régime capitaliste lui-même. En 60-61, si les bureaucrates ont refusé d’organiser la Marche sur Bruxelles, c’est qu’ils comprenaient fort bien que ce mot d’ordre signifiait l’affrontement révolutionnaire des masses ouvrières et de l’Etat bourgeois.

    Face à l’ampleur du mouvement de grève, le gouvernement a réagi par l’intimidation, par de nombreuses arrestations arbitraires et par la violence des forces de l’ordre. Le gouvernement craignait que les grévistes ne parviennent spontanément à s’emparer des stocks d’armes et de munitions entreposées à la Fabrique Nationale, occupée militairement. L’armée a été envoyée renforcer la gendarmerie afin de surveiller les chemins de fer, les ponts, les grands centres, etc. Des troupes ont été rappelées d’Allemagne.

    Mais les forces de répression se déplaçaient lentement à cause des routes parsemées de clous, des rues dépavées ou encore des barrages. De plus, les troupes n’étaient pas sûres et subissaient la propagande des comités de grève les appelant à rejoindre la lutte. A certains endroits, les femmes de grévistes apportaient de la soupe et de la nourriture aux soldats. Le pouvoir bourgeois avait grand peur de cette fraternisation avec les grévistes.

    Les dirigeants syndicaux étaient systématiquement plus fortement hués lors des meetings de masse, car ils ne faisaient qu’inlassablement répéter en quoi la Loi Unique était néfaste alors que les travailleurs criaient ‘‘A Bruxelles ! A Bruxelles !’’ C’est dans ce cadre qu’il faut considérer les très nombreux actes de sabotage de cette grève générale. Ces actes ne sont que la conséquence de la frustration, de la colère et de l’impatience des travailleurs suite au refus des responsables de donner une perspective au mouvement.

    André Renard, le leader de l’aile gauche de la FGTB, a partout été réclamé pour prendre la parole. Sa rhétorique plus radicale correspondait mieux à l’état d’esprit des grévistes mais derrière son discours se cachait la volonté de ne faire qu’utiliser la force des travailleurs pour forcer la bourgeoisie à faire des concessions et non pour renverser le régime capitaliste. En cela, il a surestimé la marge de manoeuvre dont disposaient les capitalistes et a été forcé de trouver une voie de sortie honorable.

    LE FÉDÉRALISME : L’ÉNERGIE DES MASSES DÉTOURNÉE

    Le mouvement était placé devant un choix : la confrontation directe avec le régime capitaliste ou la retraite derrière un prétexte capable de sauver la face à une partie au moins de l’appareil syndical. C’est dans ce cadre qu’il faut voir l’appel au fédéralisme lancé par André Renard, un appel fatal à la grève générale. Le 31 décembre, le Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB publiait un communiqué déclarant que la grève était essentiellement localisée en Wallonie, ce qui est faux. Alors que, partout, les travailleurs réclamaient des actions plus dures, le Comité a répondu en semblant prétendre que seule la Wallonie luttait.

    Le 3 janvier, André Renard s’est ouvertement prononcé contre une Marche sur Bruxelles. Le même jour, il a déclaré « Le peuple Wallon est mûr pour la bataille. Nous ne voulons plus que les cléricaux flamands nous imposent la loi. Le corps électoral socialiste représente 60 % des électeurs en Wallonie. Si demain le fédéralisme était instauré, nous pourrions avoir un gouvernement du peuple et pour le peuple. » (Le Soir du 4 janvier 1961) Le 5 janvier paraissait le premier numéro de l’hebdomadaire dirigé par André Renard, Combat. Son slogan de première page était : « La Wallonie en a assez. »

    Peu à peu, et sans consultation de la base, c’est ce mot d’ordre, une rupture de l’unité de front entre les travailleurs du pays, qui a été diffusé par l’appareil syndical. A ce moment, des dizaines de milliers de travailleurs flamands étaient encore en grève à Gand et Anvers, mais aussi dans des villes plus petites comme Bruges, Courtrai, Alost, Furnes,…

    Finalement, faute de mots d’ordre et de perspective, le mouvement s’est essoufflé. La grève s’est terminée le 23 janvier 1961.

    Cette défaite ne doit rien au génie ni à la force du patronat et de son gouvernement, mais tout à la trahison des dirigeants du PSB et de la FGTB, de droite comme de gauche, qui ont préféré la défaite à la poursuite de la lutte contre le capitalisme et pour une autre société.


    Comment la défaite aurait-elle pu être évitée ?

    Ce combat historique a été caractérisé par la gigantesque volonté d’en découdre de la part du mouvement ouvrier. Il n’a manqué qu’une chose pour que le mouvement aboutisse à sa conclusion logique, c’est-à- dire le renversement du régime capitaliste, il aurait fallu une direction réellement révolutionnaire aux masses en mouvement. Dans son Histoire de la révolution russe, Léon Trotsky (l’un des dirigeants de cette révolution avec Lénine) a expliqué que “Sans organisation dirigeante, l’énergie des masses se volatiliserait comme de la vapeur non enfermée dans un cylindre à piston. Cependant le mouvement ne vient ni du cylindre ni du piston, mais de la vapeur.” C’est exactement ce qui s’est produit ici, l’énergie des masses s’est volatilisée. Une organisation, même petite, aurait pu réaliser de grandes choses si elle était décidée à prendre ses responsabilités.

    Concrètement, cela aurait signifié d’appuyer sans réserve la constitution des comités de grève et d’appeler à un Congrès national des comités de grève – premier pas vers l’instauration d’un gouvernement ouvrier basé sur les comités de grève – tout en défendant un programme socialiste et révolutionnaire. Cela aurait signifié de vigoureusement dénoncer le refus des directions syndicales d’offrir une voie en avant et les manoeuvres telles que le fédéralisme. Cela aurait aussi signifié d’appuyer concrètement l’appel à la Marche sur Bruxelles. Hélas, cela, personne ne l’a fait. Le Parti Communiste Belge est ainsi essentiellement resté à la remorque du PSB et de la FGTB (il faut toutefois préciser que bon nombre de ses militants ont joué un rôle important dans les entreprises pour déclencher la grève).

    Un autre groupe de gauche radicale existait, au sein du PSB, groupé autour du journal La Gauche (Links en Flandre). Ce groupe était essentiellement dirigé par des militants se réclamant du trotskysme et dont la principale figure était Ernest Mandel. Ils prétendaient défendre une politique révolutionnaire, mais ses dirigeants étaient très fortement influencés par la pratique réformiste de la direction du PSB et des appareils bureaucratiques de la FGTB. Dans les faits, ce groupe a suivi la tendance d’André Renard, n’a pas dénoncé la création du Comité de coordination des régionale wallonnes, n’a pas appelé à la convocation d’un Congrès national des comité de grève et a limité son soutien à la Marche sur Bruxelles à de vagues propositions irréalistes. Concernant les propositions fédéralistes de Renard, La Gauche aurait dû réagir en opposant le renversement du gouvernement et de l’Etat bourgeois. A la place ne s’est manifesté qu’un silence complice.


    TÉMOIGNAGE D’UN OUVRIER DU RANG

    “La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61”

    A l’occasion des commémorations du 50e anniversaire de la grève générale de 60-61, le PSL a décidé de publier ce livre, dans lequel l’auteur s’est efforcé de tirer les leçons du conflit dans la perspective de préparer les générations actuelles de jeunes et de travailleurs aux luttes de masse à venir. Ce dossier est intégralement basé sur ces quelques 350 passionnantes pages d’expériences et d’enseignements, richement documentées. N’hésitez pas et passez commande à la rédaction de socialisme.be.

    ==> Rubrique “60-61” de ce site

     

    ‘‘La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960-61’’, par Gustave Dache, éditions marxisme.be, 354 pages, 15 euros Passez commande au 02/345.61.81 ou par mail à redaction@socialisme.be.

     

  • Campagne pour des marches de jeunes pour l’emploi: Résistance contre le chômage des jeunes – Résistance pour notre avenir!

    Le PSL mène campagne pour des marches locales de jeunes pour l’emploi afin d’organiser la riposte des jeunes pour l’emploi et leur avenir. Quelques initiatives concrètes ont déjà pris place dans cette direction, principalement du côté francophone, mais la dynamique est aussi en marche dans le nord du pays.

    Ce n’est aucunement un hasard si la campagne est plus avancée du côté francophone. Alors qu’un jeune sur trois sera au chômage en 2011, on parle de 40% en Wallonie. Cela signifie donc que près d’un jeune sur deux ne trouvera pas d’emploi et ne pourra pas commencer à construire son avenir.

    A Mons, ce premier mai, la plateforme “Jeune en lutte pour l’emploi-Hainaut” organise une manifestation pour lancer une série d’activités. Le samedi 26 juin se déroulera aussi une journée de débats consacrée au programme dont les jeunes ont besoin pour s’assurer un avenir par leur lutte. Ensuite, fin octobre, une manifestation prendra place à Charleroi. Autour de ce projet collaborent les Jeunes-FGTB de Charleroi, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne de Charleroi, de Mons et de La Louvière et bien entendu le PSL et les Etudiants de Gauche Actifs. Des activités de ce type auront encore lieu à Namur et dans le Brabant Wallon avec les Jeunes FGTB et la JOC.

    A Liège, à la mi-avril, une première action symbolique a notamment eu lieu afin de mobiliser vers un premier meeting public qui a reçu la participation enthousiaste de plus d’une cinquantaine de personnes. Là, la campagne est menée conjointement par la FGTB-Jeunes, la JOC-Liège, Comac, Ecolo-J, la LCR et le PSL, qui y défend l’idée d’un appel pour une manifestation vers septembre-octobre lié à l’organisation de la mobilisation à travers des comités de quartiers, d’écoles, d’entreprises,… ou tout simplement avec un petit groupe autour de soi.

    A Bruxelles, quelques actions ont eu lieu dans le cadre de la campagne ‘‘Jeunes et emploi’’ du PSL. Une action a par exemple eu lieu début février pour protester contre la proposition de service militaire ‘‘volontaire’’ du ministre de la défense De Crem. Lors de la grève de la chocolaterie Godiva, à Koekelberg, nous avons mené une campagne de solidarité dans le voisinage. Dans les médias, on parle beaucoup des jeunes de Bruxelles, de bagarres et de violence, mais les jeunes en lutte pour l’emploi reçoivent bien moins d’attention! Pourtant, la lutte pour le droit d’avoir un emploi décent est un élément essentiel quand on parle de la violence parmi la jeunesse. Dans certains quartiers de Bruxelles, le chômage des jeunes peut atteindre les 70%! Comment imaginer que la frustration ressentie face à ce manque d’avenir n’entraîne aucun problème?

    Du côté néerlandophone, des actions sont prévues à Anvers et Gand pour la rentrée académique. A Gand, nous allons protester contre le sommet européen des ministres de la Défense. A Anvers, une Millionaire Fair se déroulera fin septembre, une foire réservée aux super-riches où nous irons protester. Cet étalage indécent de richesses se déroulera dans un contexte où 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté en Belgique. Nous abordons ici plus largement la situation rencontrée dans le Hainaut et les actions prévues à Anvers.

    Champagne pour les millionnaires – Chômage pour les jeunes

    Thomas, du PSL-Anvers, explique: ‘‘Ce 25 septembre, nous voulons mener campagne à Anvers autour de la Millionaire Fair, une fête décadente pour les super-riches. Eux peuvent se réjouir que la crise soit désormais derrière eux, mais ce n’est pas du tout notre cas. En deux ans, le nombre de chômeurs dans la province d’Anvers a augmenté de 30%, et de 50% chez les jeunes. Dans la ville d’Anvers, plus de 11.000 jeunes de moins de 30 ans sont sans emploi. Le taux de chômage a dépassé la barre des 15%. Et ce chiffre ne tient pas compte de la restructuration d’Opel-Anvers et de ses conséquences!

    ‘‘La Millionaire Fair s’adresse à ces “richs and famous” pour leur livrer des informations sur “le sommet absolu de l’industrie du luxe nationale et internationale.” Si vous avez envie d’un nouvel hélicoptère, vous pouvez l’acheter là-bas, entre gens de bonne compagnie. Car pour les gens ordinaires, il n’est pas question d’entrer. Pénétrer dans cet antre du luxe revient à 35 euros par personnes, et la tenue de soirée est de rigueur. L’évènement est orienté vers les 59.000 millionaires de notre pays. “Pendant le déroulement de cette fête de millionnaires, nous voulons mener des actions autour du thème ‘‘nous ne voulons pas payer pour leur crise’’. Les gigantesques montants de dividendes pour les actionnaires et les bonus des topmanagers sont de retour, mais le chômage continue son ascension. Ce serait à nous de payer pour une crise dont nous ne sommes en aucun cas responsables ?

    ‘‘La Millionaire Fair d’Anvers sera pour nous l’occasion de lancer la campagne “Jeunes et emploi” que nous espérons pouvoir mener avec d’autres organisations. Contrairement à ce qui est dit dans les médias, nous ne nous considérons pas comme une ‘‘génération perdue’’, mais comme une génération qui va mener une lutte résolue pour assurer son avenir. La concentration de richesses dans les mains d’une petite élite va de pair avec une pauvreté grandissante pour des couches sans cesse plus large de la population.

    ‘‘Nous voulons lutter pour la répartition du temps de travail, pour les 32 heures sans perte de salaire et avec embauches compensatoires et sans perte de salaire. Nous exigeons aussi le maintien de la prépension et la défense des fins de carrière – pourquoi laisser les plus âgés bosser plus longtemps si les jeunes ne trouvent pas d’emploi? C’est avec ce genre de revendication que nous voulons lancer notre campagne le premier mai à Anvers, Malines et Mol. De là, nous allons pousser la campagne vers le 25 septembre et les protestations contre la Millionaire Fair.’’

    Hainaut : Pays noir et sombres perspectives

    Le jugement ‘‘Jaguar’’ a marqué les esprits. Un jugement selon lequel il n’est pas des plus malin d’exposer sa richesse dans une région aussi sinistrée que Charleroi, cela tranche avec les discours triomphalistes des politiciens concernant la lutte contre la pauvreté.

    A l’époque des débuts des affaires ‘‘Van Cau’’, beaucoup de chiffres étaient sortis, dont celui concernant le fait qu’un jeune sur deux est au chômage dans la plus grande métropole wallonne! Depuis, la crise est passée par là…

    On parlait du Pays Noir en référence au charbon, aujourd’hui ce serait en termes d’avenir… Le revenu annuel moyen par habitant est dans le Hainaut de 12.647 euros et le taux de chômage y était de 21% en 2009 (contre 17,6% pour toute la région wallonne et 7,1% en Flandre).

    L’aspect le plus dramatique est peut-être le taux de chômage parmi les jeunes. En 2007, le taux de chômage chez les 15-24 ans de la province était de 36,8%! Sur les 660 régions d’Europe, ces chiffres plaçaient le Hainaut à la 5ème place, après, entre autres, la Guadeloupe et la Martinique.

    Avec des données pareilles la campagne du comité pour des marches de jeunes pour l’emploi-Hainaut a fort à faire!

  • 1885 – Naissance du Parti Ouvrier Belge

    Aujourd’hui, lorsqu’on regarde les partis sociaux-démocrates, le PS et le SP.a, il est bien difficile de croire que ces partis-là soient les successeurs du Parti Ouvrier Belge, un parti puissant qui a conquis le suffrage universel pour les hommes et la journée de travail de 8 heures. Le POB a joué un rôle central dans l’obtention de grandes avancées pour le mouvement ouvrier, bien que cela se soit toujours produit malgré sa direction plutôt que grâce à celle-ci. Contrairement au POB de jadis, les partis sociaux-démocrates actuels jouent un rôle central dans le démantèlement de ces acquis.

    Anja Deschoemacker

    PS et SP.a : des partis ouvriers?

    Il est très important d’étudier la dégénérescence de ces partis et d’en tirer les leçons correctes. Les défaites les plus importantes du mouvement ouvrier peuvent être mises sur le compte de leurs directions. Nulle part ces dernières n’ont été capables d’arriver même aux chevilles de beaucoup de leurs membres en termes de combativité, de détermination et d’esprit de sacrifice. Ce n’est pas sans raison que Lénine décrivait ces partis comme « des partis ouvriers avec une direction bourgeoise ». Aujourd’hui, ces partis sont néanmoins devenus des partis proprement bourgeois. Leur très longue participation à la politique néolibérale – en combinaison avec leurs méthodes de travail, la suppression des revendications socialistes de leur programme et leur recherche d’un nouveau public petit-bourgeois – ont chassé les travailleurs de leur base.

    Ce processus, qui a débuté lors de la période de croissance économique exceptionnellement longue qui a suivi la Deuxième Guerre Mondiale, est arrivé à son terme lorsque la social-démocratie a été placée devant le choix d’accepter la logique néolibérale ou d’adopter un programme anticapitaliste et socialiste. La Chute du Mur a accéléré ce processus en éliminant une alternative au capitalisme. Rien ne bloquait plus l’assimilation totale de ces partis au sein de l’élite capitaliste. Willy Claes est alors devenu dirigeant de l’Otan, Karel Van Miert s’est offert du bon temps à l’Union Européenne et de plus en plus d’ex-« socialistes » ont fait leur entrée dans les conseils d’administration des entreprises capitalistes.

    La disparition de ces partis en tant que partis ouvriers a signifié un énorme pas en arrière pour le mouvement ouvrier. Les travailleurs ont besoin de leur propre parti; son absence empêche les revendications syndicales ou celles issues des mouvements sociaux d’être traduites sur le terrain politique. De plus en plus de syndicalistes aboutissent à ce constat.

    Le MAS/LSP mène une propagande pour un nouveau parti des travailleurs depuis 1995 déjà. Le manque objectif d’un tel parti est devenu clair au cours de la lutte contre le programme d’austérité de Dehaene en 1993, le Plan Global. Cette lutte a pu être stoppée par la direction syndicale, à l’aide de l’argument selon lequel faire tomber le gouvernement (chrétien-démocrate et social-démocrate) n’avait aucun sens puisqu’il était le « gouvernement le plus à gauche possible ». Bien que la colère des travailleurs contre le PS et, à ce moment encore, le SP (présents depuis 1988 au gouvernement) ait régulièrement explosé dans les années ’90 – entre autres contre le Plan Global, les privatisations de la Sabena et de Belgacom ainsi que les coupes budgétaires drastiques dans l’enseignement francophone – l’absence d’alternative a eu pour résultat que beaucoup de syndicalistes conscients et combatifs ont tout de même voté pour « le moindre mal » ( la social-démocratie), bien souvent avec une pince à linge sur le nez.

    En 2005, la lutte contre la réforme des pensions du Pacte des Générations, et surtout le rôle proéminent qu’y ont joué des politiciens du SP.a comme Freya Van den Bossche ont entraîné un débat passionné à la FGTB. La direction du syndicat a réussi à canaliser la discussion sur son lien avec le SP.a dans une voie inoffensive, mais une cassure importante a pris place dans les esprits de beaucoup de syndicalistes et de socialistes. De plus, les victoires électorales importantes remportées par des formations comme le SP aux Pays-Bas et Die Linke en Allemagne ont frappé les imaginations, y compris en Belgique. Une première initiative hésitante s’est formée sous le nom de Comité pour une Autre Politique, mis sur pied par Jef Sleeckx. Si cette initiative a échoué l’an dernier, elle a toutefois eu le mérite de rassembler pour la première fois quelques centaines de syndicalistes, d’activistes, de jeunes, de socialistes plus âgés,… pour discuter de la nécessité d’un nouveau parti pour la classe ouvrière.

    Avec cet article, nous voulons utiliser la fondation du POB pour mettre en lumière le processus par lequel ce parti ouvrier est né. Malgré les énormes différences qui existent entre la situation de cette époque et la nôtre, de riches leçons sont à tirer pour aujourd’hui.

    Les antécédents: Le développement de la lutte des travailleurs en Belgique

    L’histoire est un processus continuel et compliqué, ou plutôt une série de processus liés entre eux et qui s’influencent continuellement. On ne peut l’expliquer en aucune façon comme un processus qui va unilatéralement vers l’avant. Des reculs apparaissent souvent nécessaires afin de créer les conditions pour poser de nouveaux pas en avant. La fondation du POB en 1885 n’est donc qu’un point dans ce processus. D’importants événements de grande ampleur se sont déroulés avant, mais également après, lesquels ont assuré que la fondation formelle d’un parti ouvrier puisse réellement conduire au développement d’un tel parti sans subir le sort de ses précurseurs. Les données utilisées pour cet article proviennent presque exclusivement du brillant ouvrage « Wat zoudt gij zonder ‘t werkvolk zijn ? » de Jaak Brepoels (« Que seriez-vous sans les travailleurs ? », ouvrage qui n’a malheureusement pas encore trouvé de traduction en français).

    Dès 1800, le capitalisme a fait son entrée dans ce qui deviendra plus tard la Belgique, à l’époque intégrée dans l’empire français. L’industrie traditionnelle (exploitation du charbon, usinage du fer, tissage du coton, manufacture de drap et industrie textile) connaissait alors un énorme développement grâce, entre autres, à la protection française contre la concurrence britannique. Ce processus ne s’est pas arrêté après la défaite de Napoléon lorsque nos régions ont été ajoutées au Royaume des Pays-Bas, qui servait les intérêts de la bourgeoisie commerciale et coloniale. Les frontières étaient ouvertes aux produits britanniques et la concurrence croissante pressurisait énormément les conditions de travail : des journées de travail de 14 heures n’étaient pas exceptionnelles et les enfants travaillaient dès l’âge de 6 ou 7 ans. Les salaires se situaient loin en-dessous du minimum vital, les patrons pouvant compter sur une réserve de travail rurale presque inépuisable poussée vers la ville par les famines et les prix bas pratiqués pour les produits agricoles.

    A côté de la bourgeoisie industrielle en essor, l’aristocratie et l’église avaient toujours voix au chapitre en tant que grands propriétaires fonciers. Au cours de la révolte populaire de 1830, la bourgeoisie a saisi l’opportunité pour dévier ce mouvement vers un mouvement « contre l’occupant hollandais ». Sous le contrôle étroit des grandes puissances du moment, la Belgique indépendante a été mise sur pied, en tant qu’Etat-tampon contre la France.

    La législation de cet Etat est restée la même que celle introduite par les Français : la liberté brutale du patronat et du propriétaire foncier était garantie pour exploiter le peuple jusqu’à l’os. Ainsi toute collusion entre travailleurs était légalement interdite et, selon l’article 1781 du code civil, le patron avait automatiquement raison en cas de contestation sur la somme ou le paiement du salaire. Le jeune royaume de Belgique avait aussi réintroduit le « livret du travailleur », tombé en désuétude durant l’époque néerlandaise. Le patron pouvait y écrire son appréciation du travailleur ou garder ce livret quand il le licenciait, afin qu’un travailleur ne puisse pas chercher d’autre emploi. Chaque mouvement des travailleurs devait de plus faire automatiquement face à une répression brutale de la part des forces armées.

    Karl Marx n’a donc pas exagéré en décrivant ainsi la Belgique de 1869, dans un texte du Conseil Général de la Première Internationale:

    “Il n’y a qu’un pays dans le monde civilisé où on considère avec désir et plaisir chaque grève comme une excuse pour tuer des travailleurs. Ce pays unique est la Belgique, le pays modèle du constitutionalisme, le paradis douillet du propriétaire foncier, du capitaliste et du prêtre…

    “Le capitaliste belge est généralement connu pour son amour fou de la liberté du travail. Il est tellement attaché à la liberté de ses travailleurs de travailler pour lui pendant toute leur vie, sans exception d’âge ou de sexe, qu’il refuse chaque loi du travail avec indignation. (…)

    “Donnez maintenant aux mains de ce capitaliste tremblant, cruel par lâcheté, la maintenance indivisible et incontrôlée de la dictature absolue, ce qui est le cas en Belgique, et vous n’allez plus vous étonner que dans ce pays le sabre, la baïonnette et le fusil fonctionnent régulièrement et légalement comme un instrument pour pousser vers le bas les salaires et garder hauts les profits. » (4 mai 1869, The Belgian Massacres).

    On ne peut décrire la vie des travailleurs à cette époque autrement qu’en disant qu’elle était synonyme de misère pure et dure. Les crises économiques périodiques, la concurrence internationale et l’importation accélérée de machines permettaient de payer des salaires qui ne suffisaient même pas pour vivre, y compris quand toute la famille travaillait. De ces maigres salaires, à peu près 70% étaient consacrés à la nourriture. De l’Etat, il ne fallait rien attendre. Bien qu’il intervenait constamment dans l’économie afin de soutenir la bourgeoisie industrielle qui se développait, chaque intervention sur le plan social était vue comme diabolique. A la fin du 19e siècle, la Belgique se situait loin derrière les autres pays capitalistes sur le plan des droits sociaux et de la législation du travail. Les premières organisations ouvrières prenaient alors la forme de mutuelles, d’assurances et de coopératives qui – avec la charité sur laquelle seuls les travailleurs « obéissants » pouvaient compter – devaient occuper la place d’une politique sociale totalement absente de la part de l’Etat.

    Mais la résistance ne tarda pas à arriver. En 1830 déjà, des explosions de rage ouvrière spontanées se déroulèrent dans le Borinage, à Lokeren, à Bruges, à Gand, à Namur, à Liège, à Tournai et ailleurs, souvent contre les machines mêmes, et résultant le plus souvent dans des affrontements avec les forces de l’ordre. L’apogée fut atteinte lors de la « Révolte du Coton » de Gand, du 30 septembre au 2 octobre 1839, situation sanglante où une personne a rencontré la mort et où de nombreux travailleurs ont été gravement blessés. En fait, les mutuelles et toutes les formes de caisses de solidarité, les seules organisations ouvrières permises par l’Etat, étaient de plus en plus utilisées comme des organisations de lutte déguisées.

    Entre-temps, les idées socialistes commençaient aussi à faire leur entrée, surtout dans le cadre du radicalisme bourgeois : des libéraux qui se préoccupaient des besoins de la classe ouvrière. Davantage sous l’influence de Saint-Simon et de Fourier que de Marx, ces derniers développèrent un socialisme sentimental et romantique qui se perdait souvent dans des rêveries. Ils n’étaient dangereux qu’en contact avec la masse des travailleurs, ce qui n’était pas le cas de la majorité d’entre eux. Jakob Kats constitua une exception. Cet enseignant-tisseur, implanté parmi les travailleurs bruxellois, menait propagande pour l’obtention de droits égaux, du suffrage universel, des impôts progressifs et de l’enseignement généralisé.

    En 1848, la domination capitaliste croissante en Belgique et la révolte qui se répandait de Paris (où Louis-Philippe avait été déposé) ont rendu la bourgeoisie belge réellement consciente de sa classe. Dès ce moment, la gauche et ses organisations ont dû faire face à des tentatives de se faire briser. Au fur et à mesure des mouvements, de nouvelles générations de dirigeants émergeaient, qui ne venaient plus des cercles bourgeois, mais plutôt de l’artisanat. Dès 1870, le prolétariat industriel commença à jouer lui-même le rôle dirigeant dans les mouvements. La conscience ouvrière grandissait, ce qui mena à la recherche de nouvelles formes d’organisation.

    Les travailleurs du textile de Gand montrèrent la voie avec la fondation des Tisseurs Fraternels et la Société des Fileurs. Sous couvert de mutuelles, ils formèrent les premiers syndicats industriels du pays et organisèrent la résistance ouvrière, qui éclata entre 1857 et 1861 sur fond de crise du secteur textile, crise que les patrons voulaient faire payer aux travailleurs sous forme de diminutions salariales. La planification était devenue partie prenante du mouvement, et la solidarité n’était plus limitée à une seule entreprise. Malgré une répression très brutale et des condamnations sévères, malgré les provocations des forces de l’ordre et malgré encore la saisie continuelle des fonds pour la lutte, l’organisation des travailleurs gantois continua son existence, avec des hauts et des bas. En 1862, la Ligue des Travailleurs fut mise sur pied entre les tisseurs, les fileurs et les métallos.

    La lutte se développa ensuite pour la première fois autour de revendications politiques, comme l’abolition de la loi sur la collusion. Les premiers contacts entre les centres ouvriers de Gand, d’Anvers (la Ligue Générale des travailleurs, mise sur pied en 1861) et de Bruxelles (l’Association Générale Ouvrière) aboutirent à une plate-forme politique minimale.

    Dans la Flandre de 1860, le mouvement social s’était constitué une assise plus profonde, bien que les jeunes organisations ouvrières étaient fréquemment réduites à néant à cause de la répression et de la démotivation de devoir tout recommencer à zéro. Entre-temps, la lutte commençait aussi à prendre son essor en Wallonie, de façon moins organisée mais très explosive. Le Hainaut devint entre 1860 et 1870 la scène d’une lutte violente contre les patrons des mines, qui essayaient d’imposer un règlement de travail commun. Le mouvement put alors compter sur le soutien des travailleurs d’autres secteurs et la grève se répandit – malgré les morts au cours de la lutte – pour finalement aboutir à une victoire et à la suppression du règlement.

    En 1864, la recherche de l’unité dans la lutte ouvrière trouva une plate-forme internationale : l’Association Internationale des Travailleurs, qui voulait rassembler toutes les organisations ouvrières pour discuter de l’action et des tactiques communes. En Belgique, l’Internationale obtint une influence par l’intermédiaire de l’organisation bruxelloise « Le Peuple », mise sur pied sous l’influence des idées proudhoniennes (1) et de son dirigeant César de Paepe. Dans les polémiques entre les différentes opinions présentes dans la Première Internationale, de Paepe développait une position de compromis entre Marx d’un côté et les anarchistes de l’autre.

    L’influence du proudhonisme freinait l’action, mais les Internationalistes se réveillèrent après un mouvement de grèves particulièrement dur contre les licenciements dans les mines, contre les salaires de famine qui continuaient à baisser, et contre la hausse des prix de la nourriture. L’armée avait occupé la région et tué plusieurs travailleurs. Dès lors, le principe de la grève fut reconnu et les Internationalistes commencèrent à intervenir dans la lutte concrète en développant des noyaux à Gand, Anvers et Verviers.

    Durant la période de croissance économique de 1871-72, la lutte des travailleurs obtint ses premiers succès: les métallos arrachèrent la journée de travail de 10 h à Verviers et Bruxelles et les charpentiers et travailleurs de l’industrie marbrière obtinrent une sérieuse augmentation de salaires après cinq mois de grève à Bruxelles. La conscience parmi les travailleurs et la solidarité faisaient des sauts de géant.

    La défaite de la Commune de Paris (en 1871) entraîna néanmoins dans la Première Internationale d’énormes tensions entre marxistes et anarchistes. Dans la section belge, l’aile anarchiste était de loin la plus forte. Quand, en 1871, le dirigeant anarchiste Bakounine fut exclu de l’Internationale par un vote, la section belge le suivit. La crise économique de ’72-’73 fit le reste et, en 1874, l’Internationale était morte dans les faits.

    Avancées et reculs: La fondation d’un parti ouvrier belge.

    Après la chute de l’Internationale, l’expérience de l’époque précédente ne reposait que sur les épaules de certains petits groupes. En Flandre surtout, les ex-Internationalistes essayèrent de rassembler et de réorganiser les forces dispersées. Gand s’accrochait à la coopérative neutre des Boulangers Libres. A Bruxelles, l’organisation explicitement neutre de la Chambre du Travail fut mise sur pied en 1875, exemple suivi par la Fédération des Organisations des Travailleurs d’Anvers. La défaite de la Commune de Paris avait temporairement étouffé le socialisme, et le pragmatisme caractérisait la plupart des initiatives.

    Néanmoins, sur le plan politique, les choses ne restaient pas statiques. A Gand, on regardait vers la social-démocratie allemande qui avait obtenu plusieurs sièges au parlement. A Bruxelles aussi, les premiers pas étaient faits sur le terrain politique de façon hésitante. En Wallonie, par contre, les tendances anarchistes qui avaient fait leur apparition de par le travail de la Première Internationale continuaient à dominer.

    Les Flamands et les Bruxellois impatients n’avaient pas d’autre issue que de s’organiser dans le Vlaamse Socialistische Partij et dans le Parti Socialiste Brabançon. En 1879, ces deux partis rassemblaient aussi quelques noyaux wallons et, en avril, une fusion conduisit à la formation du Parti Socialiste Belge. Le programme était celui du VSP et du PSB, c’est-à-dire une copie du programme de Gotha de la social-démocratie allemande. La base du parti était néanmoins limitée à quelques clubs de propagande, à des cercles d’étude et à quelques organisations syndicales. En Wallonie, on restait très hésitant vis-à-vis de ce nouveau parti et les organisations ouvrières plus neutres étaient effrayées par l’étiquette socialiste. Dans leurs actions, ces dernières continuaient d’être plus proches de l’aile progressiste du Parti Libéral et de sa lutte pour l’élargissement du droit de vote. Le BSP ne décollait pas.

    Dans les années 1880, différents courants se retrouvèrent sur base d’un programme pragmatique et radical-démocrate. En 1884, la défaite électorale de la libéral-progressiste Ligue de la Réforme Electorale, qui avait du soutien parmi les milieux d’artisans bruxellois, ouvrit la voie à la formation d’un parti ouvrier indépendant. En avril 1885, à Bruxelles, le Parti Ouvrier Belge (POB) devint un fait lors d’un rassemblement de 112 travailleurs, qui représentaient 59 groupes de base (des syndicats – neutres et socialistes – des coopératives et des mutuelles).

    Le pragmatisme caractérise le programme et les actions du POB

    Un esprit très pragmatique dominait à la direction du parti, et ce dès le début. Le dirigeant du BSP, Edouard Anseele, défendit pendant le rassemblement à Bruxelles le programme et le nom du BSP, mais il se résigna ensuite face à la crainte des organisations ouvrières neutres qu’un programme radical et le terme « socialiste » puissent effrayer les masses. Les discussions théoriques furent balayées de la table et, en terme de doctrine, le document de fondation affirmait juste que le POB allait essayer «d’améliorer le sort de la classe ouvrière par l’entente mutuelle ».

    Le programme se limitait à un cahier de revendications radical-démocrate avec notamment des revendications telles que le suffrage universel, l’enseignement obligatoire, gratuit et neutre, l’autonomie communale, l’abolition du travail des enfants en-dessous de 12 ans en plus de propositions de lois sur les accidents de travail, la sécurité au travail, la transformation graduelle de la charité publique en un système de sécurité sociale, le retrait de toutes les privatisations de propriétés publiques (Banque Nationale, chemins de fer, mines, propriétés communales,…) et leur transfert vers la collectivité, représentée par les communes et par l’Etat.

    Ce n’était pas vraiment une nouvelle organisation mais plutôt un rassemblement d’organisations existantes. La vie du parti se déroulait surtout autour de noyaux locaux agissant largement de façon indépendante. La première priorité était la construction locale de coopératives, de mutuelles et de syndicats et, à mesure que le mouvement grandissait, cela était suivi par des fanfares, des clubs de gym, des cafés, etc. Lentement, des fédérations furent créées à partir de groupes de base, fédérations qui envoyaient annuellement des délégués à un Congrès où un Conseil Général était élu pour prendre en main la direction du parti. Ce CG choisissait alors un bureau de neuf membres, dont le secrétaire et des délégués des syndicats, des mutuelles et des coopératives.

    Avec le soutien des milieux des artisans à Bruxelles et à Anvers, le bastion du POB était sans aucun doute basé à Gand, où les militants étaient presque exclusivement des travailleurs industriels. En Wallonie, région industriellement plus développée, le parti n’était réellement représenté qu’à Verviers, et cela malgré les mouvements consécutifs de luttes spontanées et inorganisées des travailleurs wallons. Ce n’est qu’en 1886, lorsqu’un énorme mouvement de masse va se conclure par une défaite sanglante, que la nécessité d’une organisation permanente va s’installer profondément dans la conscience.

    Cette grève générale de 1886 se déroula à Liège, et fut de suite confrontée à une occupation brutale de la ville par l’armée. Mais la lutte s’étendit rapidement à Charleroi, et peu après vers le Borinage et le Centre avant les carrière de Lessines, de Soignies, de Tournai et de Dinant. Les travailleurs s’armaient, des machines étaient détruites, des usines et des châteaux de patrons incendiés. La réaction du gouvernement fut sanglante. L’armée colora les rues de rouge avec le sang de dizaines de tués et de blessés. Les ténors du mouvement socialiste, dont Anseele, reçurent des peines de prison ou de grosses amendes (des travailleurs arbitrairement arrêtés furent condamnés jusqu’à la prison à vie). Pourtant, le mouvement n’était pas sous la direction du POB, qui n’avait aucune implantation dans la région concernée. La direction du POB fit même tout pour éviter un élargissement vers la Flandre. A Gand, elle ne put qu’à grand peine convaincre les travailleurs de garder le calme. Les grévistes reçurent certes du soutien du POB, mais sous forme de pains des coopératives, d’accueil des enfants de grévistes dans des familles flamandes et de défense des travailleurs arrêtés devant la justice.

    En Wallonie, la grève avait profondément fait sentir la nécessité d’une organisation solide. En 1887, beaucoup de travailleurs wallons marchaient déjà aux côtés de leurs camarades flamands, dans une manifestation pour le suffrage universel. De plus en plus de travailleurs wallons rejoignaient le POB où, très vite, se déroulèrent des affrontements entre les tendances révolutionnaires et anarchisantes wallonnes – sous la direction d’Alfred Defuisseaux – et des coopératives modérées et orientées vers le parlement (et donc vers la lutte pour le suffrage universel). La direction du POB exclut les frères Defuisseaux au congrès de 1887, avec pour résultat que toute la classe ouvrière du Hainaut les suivirent vers la porte de sortie. Leur attitude révolutionnaire, mais aventuriste, poussa la classe ouvrière du Hainaut à entamer la « grève noire » massive (de nouveau, des machines et des usines furent détruites et des attentats à la dynamite prirent place). Elle ne connut cependant pas d’élargissement faute de soutien actif de la part du POB. Totalement isolé, le mouvement s’affaiblit.

    Plus tard, il fut mis au clair que la direction de la grève avait été infiltrée par la sécurité d’Etat et que celle-ci était responsable des attentats à la dynamite. Le mouvement ouvrier, frappé d’épouvante, fraternisa. La tactique modérée de la direction du POB l’emporta. Toutefois, avec les travailleurs du Hainaut, un courant oppositionnel avait pris naissance dans le parti. Ce courant fera plus tard parler de lui, à nouveau au sujet de la défense de la grève générale comme moyen de lutte, mais aussi en faisant de la propagande pour la combativité et contre la direction modérée et sa volonté de faire des compromis avec les patrons et de coopérer avec la bourgeoisie « modérée ». Plus tard encore, les travailleurs du Hainaut prendront position contre les participations gouvernementales du POB (pour la première fois dans le gouvernement – non élu – mis sur pied pendant la Première Guerre Mondiale).

    Pas un instrument idéal, mais un énorme pas en avant

    Une certaine bureaucratisation des syndicats à mesure que la concertation sociale se développait, la dégénérescence d’un certain nombre de coopératives les plus importantes qui se transformaient en entreprises capitalistes, la pression pour une politique modérée de la part des mutuelles et de la part des premiers représentants parlementaires du parti,… Ce sont des éléments qui étaient en germe dans le POB dès ses débuts. A tous les moments décisifs de la lutte de classes, les masses de travailleurs étaient beaucoup plus radicaux que la direction du POB, qui courait la plupart du temps derrière les explosions plus ou moins spontanées de rage ouvrière pour, à chaque fois, canaliser la lutte dans des voies inoffensives.

    Le POB était très clairement ce que Lénine appelait un parti ouvrier avec une direction bourgeoise. Mais ce parti offrait au mouvement ouvrier un instrument pour mener la lutte nationalement et pour rassembler les forces ; des victoires importantes sur le patronat étaient ainsi acquises. Cela aussi bien sur le plan des droits démocratiques (le droit de vote, mais aussi le droit d’association et de grève) que sur le plan du standard de vie et des conditions de travail (diminution du temps de travail, négociations salariales collectives, salaire minimum, sécurité sociale,…).

    Cette réalité, en combinaison avec les fautes du Parti Communiste, qui fut mis sur pied après la Première Guerre Mondiale, mena à une très grande fidélité parmi les travailleurs socialistes, qui étaient préparés à de grands sacrifices pour leur parti. Leurs dirigeants, à l’inverse, allaient résolument pour leur propre carrière dans le parlement -et plus tard dans le gouvernement- et luttaient contre chaque expression d’idées radicales et socialistes. Même avec la trahison répétée de la direction à des moments décisifs, cette situation a perduré jusqu’à il y a très peu de temps, avant que le parti, entre-temps scissionné régionalement en PS et SP, ne soit plus vu par la masse des travailleurs comme « leur » parti (pour le PS, dans une certaine mesure, ce sentiment reste encore présent parmi certaines couches de la classe ouvrière). Ils y revenaient en masse à chaque fois jusqu’à la fin des années 1980, et faisaient constamment des tentatives de pousser le parti vers la gauche.

    Un parti des travailleurs offre à l’énorme masse de travailleurs la possibilité de discuter ensemble sur les idées, d’élaborer une stratégie et des tactiques communes, de défendre collectivement un cahier de revendications pour aujourd’hui et un programme à plus long terme. Un tel parti organise la solidarité; et la longue existence du POB sur le plan national a été certainement un élément dans la prévention d’explosions plus violentes de la question nationale. C’est au travers d’un parti ouvrier – même avec une direction bourgeoise – que le mouvement ouvrier belge a été capable d’obtenir un système large de sécurité sociale, de services publics et une concertation salariale centrale.

    Les dernières décennies d’érosion néolibérale de “l’Etat-Providence” -ce dernier étant une conséquence de la lutte du mouvement ouvrier, la bourgeoisie n’ayant jamais donné de cadeaux – ont été combinée avec la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

    Des leçons pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs

    Dans les années à venir, la Belgique va rejoindre la série de pays où des nouvelles formations de gauche et/ou ouvrières sont déjà nées. Comme dans le temps avec la fondation du POB, ce processus sera fait d’avancées comme de reculs, de tentatives avortées aussi bien que de pas en avant. Il faut tirer collectivement les leçons des victoires et des défaites des mouvements de masse de la classe ouvrière. Il existe aujourd’hui dans une série de pays des exemples dont nous devons discuter et nous inspirer quant à la manière avec laquelle de telles formations peuvent se développer. Il y a le P-Sol au Brésil, mais il y a déjà depuis des années des développements dans le même sens dans plusieurs pays européens également. Le SP aux Pays-Bas, Die Linke en Allemagne (qui montre tous les jours au travers de hauts scores électoraux dans les sondages qu’une rhétorique socialiste et de « vieilles » revendications de gauche comme la nationalisation des secteurs-clé de l’économie sont tous sauf un frein pour l’attraction et la sympathie de couches larges de travailleurs) , le PRC en Italie, Syriza en Grèce,…

    Aucun de ces développements n’aboutit à une situation “idéale”, et beaucoup de ces nouvelles formations sont extrêmement vacillantes. Les obstacles généraux sont devenus clairs : dans toutes les nouvelles formations, la discussion sur la participation gouvernementale se joue d’une manière ou d’une autre. Choisir cette voie a presque été fatale pour la PRC en Italie, et en Allemagne le développement de Die Linke est freiné dans un certain nombre de régions de l’ex-Allemagne de l’Est, comme à Berlin, par la présence du parti dans le gouvernement régional et par sa participation à la politique néolibérale.

    Dans ces partis, une orientation étroite vers les élections, l’électoralisme, va le plus souvent de pair avec une intervention extrêmement limitée dans la lutte réelle, avec une surestimation des figures dirigeantes et avec une sous-estimation de la construction d’une base active, qui ne peut se faire que par l’intervention dans la lutte réelle. Manier correctement la pression pour une politique plus sociale, qui peut s’exprimer dans une tendance dans ces nouvelles formations de gauche à faire des coalitions politiques, le plus souvent avec les vieux partis ouvriers bourgeoisifiés, est une question fondamentale. Un refus principiel de fonctionner dans un gouvernement néolibéral, va être un élément décisif dans le développement d’un nouveau parti ouvrier et dans sa capacité à s’enraciner de façon permanente dans la classe ouvrière. Une vraie participation de ses membres au travers de structures démocratiques est d’une importance primordiale afin de mettre une nouvelle formation sur le bon chemin, c’est-à-dire vers le développement d’un véritable parti des travailleurs.

    Après la chute du CAP, le Comité pour une Autre Politique, la question d’un nouveau parti en Belgique apparaît provisoirement absente de l’agenda (cliquez ici pour une évaluation du développement du CAP ). Mais les conséquences de la crise vont résulter dans le fait que cette question va revenir à l’agenda avec une force plus grande encore. Pour disposer d’une chance de réussite, chaque initiative va devoir montrer aux travailleurs et aux jeunes qu’ils ont une « plus-value » à offrir.

    En l’absence de partisans dans au moins certaines franges des syndicats, surtout dans les secteurs les plus combatifs, une telle initiative en Belgique n’aura pas beaucoup de chances d’aboutir. Une telle formation va devoir défendre les revendications du mouvement syndical sur le terrain politique; mais pas seulement les revendications syndicales. Un parti des travailleurs doit prendre en main la lutte pour la défense de toutes les couches opprimées et exploitées de la population, afin de se renforcer fondamentalement dans la lutte contre le patronat et le gouvernement. Un gouvernement qui, par manque d’un parti des travailleurs, est de toute façon un gouvernement au service du patronat, quelle qu’en soit sa composition. En d’autres termes, un tel parti des travailleurs va donc devoir défendre explicitement, ou au moins implicitement, des idées et des valeurs socialistes, comme la solidarité et la lutte contre chaque forme de discrimination.

    De nouvelles initiatives vont voir le jour, et le MAS/LSP, comme par le passé, donnera son soutien et sa coopération active à chaque initiative qui présente le potentiel et la volonté de devenir une nouvelle formation de la classe ouvrière. Mais nous allons – comme nous l’avons fait au sein du CAP – s’appuyer sur les leçons de l’histoire. Démontrer la nécessité d’intervenir dans la lutte réelle et d’impliquer autant de travailleurs possible dans la construction. L’époque du POB, en particulier celle de ses débuts, fournit des tas d’exemples de comment, dans tout le pays, des milliers et des milliers de travailleurs s’engageaient activement sur le plan politique, exerçaient constamment une pression sur les directions pour passer à l’action et pour adopter des points de vue plus radicaux. En outre, la nécessité d’une démocratie interne, dont l’absence a généré tellement de dégâts au sein du POB, est une condition essentielle – surtout après les expériences négatives du bureaucratisme stalinien – pour un nouveau parti des travailleurs sain. Chaque membre et chaque groupe de membres doit y avoir la liberté de défendre son programme : une véritable discussion et confrontation d’idées doit pouvoir y trouver sa place.

    Au travers de la lutte contre les attaques néolibérales des prochaines années, un tel parti peut émerger. La classe ouvrière belge, fortement organisée sur le plan syndical, disposera alors d’un instrument puissant en plus pour mener sa lutte, non plus seulement sur le plan syndical, mais aussi sur le plan politique.


    > Rubrique "Nouveau Parti des Travailleurs"

  • Le néolibéralisme est à bout de souffle, les idées socialistes s’envolent

    Succès de nos meetings dans les universités

    Avec la crise économique, de plus en plus de personnes se posent des questions sur le fonctionnement du système capitaliste. Ainsi Paul Krugman, le tout récent prix Nobel d’économie 2008, a récemment déclaré : « Nous n’allons pas revenir à Karl Marx, mais nous allons redécouvrir des choses qu’avait découvertes le président Franklin Roosevelt il y a 75 ans. Laisser les marchés se débrouiller avait été désastreux dans les années 1930 et nous a de nouveau amené au bord du désastre. »

    Par Boris (Bruxelles)

    Mais certains ont bien l’intention d’aller plus loin dans la réflexion que Roosevelt et Krugman. Au mois d’octobre, Karl Marx a fait plusieurs fois la une des rubriques économiques (et même du Magazine Littéraire !) avec des titres tels que “Marx, l’invité surprise” ou encore “La crise financière remet Marx à la mode”. Les ventes de ses ouvrages sont en pleine expansion et Le Capital redevient un best-seller 141 ans après sa publication. Les librairies allemandes ont par exemple enregistré ces derniers mois une hausse de 300% des ventes du Capital tandis qu’à Paris, le nombre d’exemplaires vendus aux presses universitaires a doublé en septembre et triplé en octobre.

    Alors que les bases idéologiques du capitalisme vacillent, Etudiants de Gauche Actifs (notre organisation étudiante) s’est engagé à plein dans le débat avec une série de meetings de rentrée dans les universités. Ceux-ci ont rencontré un vif succès, comme en témoigne la participation et la qualité des débats. EGA a tenu des meetings sur le thème « Pourquoi le capitalisme est-il en crise ? Une réponse marxiste » à Bruxelles (ULB et VUB), Gand, Louvain, Anvers et Liège. A Gand, 60 étudiants étaient présents, 25 à Liège, 30 à Bruxelles. D’autres meetings sur la situation en Amérique Latine, sous-titrés « Capitalisme ou socialisme : pas de compromis possible ! », ont attiré 50 étudiants à Gand et 35 à l’ULB. Notre meeting sur la Chine et Cuba à la VUB a aussi été une réussite.

    Une nouvelle génération de jeunes comprend l’impossibilité d’aménager ce système et cherche une alternative. L’intérêt pour nos meetings de rentrée est une première indication de l’ouverture croissante pour les idées socialistes et marxistes parmi une couche grandissante de jeunes et de travailleurs. Ne reste pas sur le bord de la route. EGA combine la théorie et la pratique. Participe aux réunions ou aux cycles de formation marxiste mais aussi aux campagnes que nous menons (cf pages 10-11-12). Toi aussi, rejoins-nous.

  • GB : 900 emplois menacés

    Fin juin, la direction du groupe Carrefour a annoncé sa décision de fermer 16 Supermarchés GB cette année (8 en Flandre, 1 à Bruxelles et 7 en Wallonie), supprimant ainsi d’un coup 900 emplois (dont 800 dans ces magasins).

    Jean Peltier

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    DU N°1 BELGE AU N°2 MONDIAL

    Le premier Grand Bazar ouvre en 1885 à Bruxelles, d’autres magasins sont ensuite ouverts à Liège, Anvers et Gand. Après la deuxième guerre mondiale, l’expansion est rapide : en 1958 naît la formule actuelle du supermarché ; en 1970, le groupe GB commence à se diversifier avec l’ouverture du premier Brico GB ; en 1974, GB fusionne avec Immo-BM- Priba et devient GIB. En 2000, GIB est absorbé par le groupe français Carrefour (devenu actionnaire à 100% de GIB).

    Le groupe Carrefour Belgium compte aujourd’hui 561 magasins en Belgique, dont 56 hypermarchés Carrefour, 280 supermarchés GB, 133 GB Contact, 91 GB Express et 1 Rob. Il emploie 17.000 personnes en Belgique dont 5.502 dans les GB intégrés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires commercial de 5.380 milliards d’euros.

    L’ensemble des 78 supermarchés GB intégrés ont réalisé, sur les quatre premiers mois de l’année, un bénéfice de 9 millions d’euros, 15% de plus que pour la même période l’an dernier. Le groupe international Carrefour est le 2e groupe de distribution au niveau mondial. Il est présent dans 29 pays où il possède un total de 12.000 magasins et emploie 430.000 personnes.
    [/box]

    La direction du groupe considère que « ces supermarchés sont structurellement non rentables » et qu’ « il est temps de stopper l’hémorragie si on ne veut pas risquer de mettre l’ensemble de la chaîne en péril ». Mais, derrière ces déclarations catastrophistes (alors que le groupe Carrefour Belgium de même que le sous-groupe des supermarchés GB en son sein réalisent des bénéfices confortables), il semble clair que Carrefour n’a pas l’intention de fermer définitivement ces magasins et encore moins de les revendre à la concurrence.

    UN RECUL SOCIAL PLEIN DE FRANCHISE

    En réalité, la direction du groupe a un objectif beaucoup plus vicieux : il s’agit de fermer des magasins intégrés au groupe pour les revendre ensuite à des gérants indépendants qui pourront les rouvrir dans le cadre d’une franchise – avec une convention collective moins favorable et sans représentation syndicale ! – en engageant du personnel plus jeune (le personnel des GB intégrés à en moyenne 17 ans d’ancienneté) à des salaires moindres (de l’ordre de 30 à 35%), des horaires de travail plus longs (38 heures/semaine au lieu de 35) et dans des conditions de travail plus dures (notamment avec des ouvertures le dimanche matin).

    A l’heure actuelle, 202 des 280 supermarchés GB sont déjà exploités par des franchisés. Et on peut redouter que Carrefour cherche à faire passer le plus rapidement possible les 78 magasins restants sous ce statut.

    Lorsqu’en février dernier, le patron de Carrefour Belgium, Marc Oursin, a annoncé la restructuration du groupe en 3 niveaux (les Hypermarchés Carrefour de très grande surface, les Super GB de taille moyenne et les petits GB Express de proximité), il avait aussi annoncé l’ouverture de 8 à 10 Supermarchés et 40 Express… tous sous franchise. Car les magasins sous franchise connaissent, grâce à la pression mise sur le personnel, une augmentation de leur chiffre d’affaires de 8%, alors que les magasins intégrés ne progressent guère.

    Voilà donc comment Carrefour compte augmenter encore plus ses plantureux bénéfices. Une fois de plus, c’est la logique du profit maximum en faveur des grands actionnaires qui s’impose au détriment des travailleurs, des clients et des habitants des quartiers.

    Car ce n’est pas un hasard non plus si la grande majorité des magasins visés sont installés dans des quartiers populaires et ont le plus souvent un grands nombre de clients fidèles mais qui ne sont plus considérés par Carrefour comme des clients privilégiés parce qu’ils ne dépensent pas assez !

    Et c’est encore moins un hasard si Carrefour a annoncé ce plan radical de fermetures et de licenciements juste avant les vacances, sachant très bien qu’il serait difficile de mobiliser le personnel pendant les deux mois d’été.

    Ces fermetures pourraient enfin n’être qu’un avant-goût : en décembre, la direction de Carrefour Belgium avait annoncé aux syndicats que la moitié des GB intégrés n’étaient pas rentables ou juste à l’équilibre. Cela veut dire qu’une vingtaine d’autres magasins pourraient aussi être menacés de fermeture par la suite !

    NÉGOCIER… MAIS SUR QUELLES BASES ?

    Devant le coup de force de la direction de Carrefour, les syndicats ont directement répliqué qu’il n’était pas question de discuter pendant les vacances. Les négociations doivent donc commencer à la rentrée de septembre.

    Dès l’annonce des fermetures, des actions spontanées de grève ont eu lieu dans certains magasins menacés, notamment aux GB de Quiévrain et Termonde. Des grèves de solidarité ont aussi eu lieu dans des GB qui ne sont pas directement menacés de fermeture, comme à Gilly, ainsi que dans des hypermarchés, comme ceux de Mouscron et Froyennes qui ont fait grève le samedi 30 juin en solidarité avec le GB de Tournai. Des actions de solidarité ont également eu lieu parmi les clients. Le Comité de Quartier de Rocourt a réuni plusieurs centaines de signatures contre la fermeture du GB. A Tournai, une manifestation locale de 500 personnes a réuni travailleurs du GB, habitants du quartier et syndicalistes d’autres entreprises.

    Malgré le choc provoqué par l’annonce des fermetures, le potentiel pour une forte réaction unissant travailleurs et clients existe donc. Malheureusement, la réponse des directions syndicales paraît jusqu’ici très limitée.

    Elles ont tout d’abord refusé d’organiser une journée nationale de grève contre les fermetures fin juin ou début juillet. Certes, le délai était court pour organise la mobilisation dans les GB et Carrefour mais une journée de grève au début des soldes aurait eu un impact énorme.

    La CNE et le SETCa se sont contentés d’organiser une mobilisation de quelques centaines de travailleurs le 2 juillet devant le bâtiment où se tenait le Conseil d’entreprise de Carrefour qui devait annoncer officiellement les fermetures. Pendant ce temps, une partie des GB menacés étaient ouverts, les gérants ayant fait appel à des étudiants et des intérimaires pour assurer un service minimum !

    D’autre part, le tract commun SETCa-CNE diffusé fin juin met l’accent sur deux exigences vis-à-vis de Carrefour : « des garanties sur un maintien du volume de l’emploi chez Hyper et chez Super » et le fait que « ce plan de restructuration ne pourra se traduire par des licenciements secs ». Il déclare aussi que « Le drame social ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des travailleurs : la direction doit mettre sur table un vrai plan commercial susceptible de relancer l’activité des supermarchés de manière durable tant en garantissant des salaires décents et des conditions de travail acceptable pour le personnel (le même raisonnement vaut aussi pour les hypers…) ».

    Nulle part n’est avancée la revendication centrale du refus des fermetures qui est le seul moyen de réellement maintenir l’emploi ! Il semble que les directions syndicales se soient résignées à la fermeture des GB avant même de mener un vrai combat et qu’elles s’apprêtent à se concentrer sur deux objectifs minimum : reclasser le maximum de personnel dans d’autres GB et hypers et négocier de bonnes conditions de départ (notamment par la prépension) pour les autres . Or, en 1999, un plan de restructuration accepté par les syndicats prévoyait déjà de tels reclassements internes mais les syndicats se lamentent aujourd’hui de ce que la direction de Carrefour n’a guère respecté ses engagements. Si aucune lutte n’est menée contre les fermetures, la direction de Carrefour se sentira encouragée à mettre la pression dans les négociations et à ne pas mieux tenir ses futures promesses.

    Pour imposer le maintien de l’emploi, il faut que monte rapidement de la base l’exigence du refus des fermetures. C’est la seule base sur laquelle un combat efficace pourra être mené.


    Solidarité active avec le CAP

    Dès l’annonce de la décision de Carrefour, le CAP (Comité pour une Autre Politique) s’est mobilisé pour s’opposer à ces fermetures, réclamer le maintien de l’emploi et appeler à la solidarité des travailleurs de tout le secteur de la grande distribution et des clients.

    Il a ainsi organisé du lundi 25 juin au mercredi 27 juin une tournée à travers le pays de son Bus de la Solidarité avec, comme points d’étapes, neuf des GB menacés par la fermeture. L’équipe du bus et les groupes locaux du CAP ont ainsi pu participer à des Assemblées du personnel, discuter avec les clients et les habitants des quartiers. Une affiche a été diffusée largement et la pétition lancée par le CAP a recueilli plus d’un millier de signatures en trois jours. Le CAP était également présent le 2 juillet lors de la manifestation devant le siège de Carrefour. Vous pouvez trouver un résumé complet de cette « tournée » et des interviews de militants sur le site du CAP (www. autrepolitique.be) (documents postés le 1er juillet).

    La campagne de solidarité reprend début septembre. Le Bus de la Solidarité va repartir sur la route et des interventions sont prévues sur plusieurs GB avec la pétition. Pour plus de renseignements, pour recevoir la pétition, pour participer aux actions, contactez le CAP ou les militants du MAS.

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop