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  • Comment les politiciens et les patrons transforment la réalité

    Ce n’est pas la concurrence, mais la solidarité qui crée les richesses

    Ce n’est pas la solidarité, mais la concurrence qui appauvrit

    Ce dossier traite du fondement-même de la société actuelle ; la production basée sur la concurrence. On nous le rappelle chaque heure, chaque minute, chaque seconde : si nous ne sommes pas concurrentiels, nous allons tous périr ensemble. Des syndicalistes combatifs lanceront une contre-offensive au cours des prochaines semaines et des prochains mois. La concurrence n’est plus depuis longtemps un moteur pour la création de richesses, au contraire. La production actuelle, le développement de la science et de la technique, exigent un autre modèle économique dont la base ne serait plus la concurrence et la compétition, mais la coopération et la solidarité.

    Par Eric Byl, dossier par dans l’édition de mars de Lutte Socialiste

    L’idéologie dominante

    La propagande du patronat, nous la connaissons. Ce sont toujours ces mêmes patrons qui sont interviewés par une élite ‘‘choisie’’ de journalistes neutres dans des médias de masse qu’ils contrôlent eux-mêmes, que ce soit de façon directe ou indirecte.

    Ce sont toujours ces mêmes politiciens qui, avec en vue de futurs postes lucratifs dans des conseils d’administrations d’entreprises, viennent répéter les mêmes ‘‘vérités’’. Dans le meilleur des cas, les journalistes sont forcés de se retenir mais, dans leur majorité, ils sont imprégnés de la logique patronale et, très souvent, sollicitent ouvertement une future carrière politique. Leur bas de laine ? Pour survivre, il faut augmenter la compétitivité des entreprises.

    Il existe aussi une propagande plus raffinée, plus systématique et par conséquent mortellement efficace. Des publicités, des feuilletons, des films, des magazines, des journaux commerciaux et des quotidiens soutiennent tous, de façon consciente ou inconsciente, l’idée qu’il faut être concurrentiel pour avoir du succès. Même le sport, où une bonne dose de compétition devrait stimuler le développement physique et psychologique de tous, est transformé en un plaidoyer pour une concurrence impitoyable. Le moyen de propagande peut-être le plus efficace d’entre tous est la simple transmission des valeurs et des mœurs dominantes de la société par les parents, les amis, l’école, l’église, etc. C’est ce dont Marx parlait en disant que l’idéologie dominante dans une société est en général celle de la classe dominante.

    Le socialisme scientifique

    Il ne s’agissait pas simplement d’une intuition que Marx a appliquée par la suite aux sociétés précapitalistes, mais au contraire une loi tendancielle déduite après une étude approfondie de l’histoire humaine telle qu’elle était jusqu’alors connue. D’où l’appellation de socialisme scientifique. C’est tout à fait différent du ‘bon sens’ dont parlent si souvent nos politiciens. Ils ne font que repérer des caractéristiques de leur environnement immédiat pour décréter que ces “découvertes” sont des lois universelles. Quelques exemples ? ‘‘L’homme est naturellement égoïste’’, ‘‘l’exploitation a toujours existé et existera toujours’’, ‘‘l’homme a besoin de la concurrence en tant que stimulant pour produire’’,… Toutes ces ‘‘vérités’’ doivent nous convaincre de fatalisme et nous faire accepter notre sort.

    Avec son approche scientifique, Marx a pu non seulement reconnaitre la validité relative d’une loi tendancielle, mais également en voir les limites. Pendant 3 millions d’années (200.000 ans pour l’Homo sapiens), les humains ont vécu en tant que chasseurs-cueilleurs. Il n’y avait ni égoïsme ni exploitation, ils vivaient de façon sociale et solidaire, non pas par générosité, mais simplement puisque les conditions matérielles – vivre de ce qu’offre la nature – ne permettait pas de faire autrement. Ce n’est qu’il y a 10.000 ans, avec la révolution agraire, que l’exploitation est devenue la meilleure forme d’adaptation à son environnement. A la division du travail selon le sexe, les capacités physiques et l’âge s’est ajoutée une division du travail permanente entre activités physiques et spirituelles.

    L’espace nous manque ici pour analyser chaque type de société que nous avons connu depuis lors. Mais ce qui les caractérise tous, c’est l’existence d’un monopole de la violence aux mains de l’élite dominante et d’idéologies adaptées pour faire accepter aux sujets qu’ils cèdent une partie de leur travail à cette élite, qu’importe s’il s’agissait d’une caste dominante – dont le pouvoir est basé sur sa place spécifique dans la division de travail, comme avec le mode de production asiatique ou le stalinisme – ou d’une classe dominante qui possède directement les moyens de production telle que les sociétés esclavagistes, féodales, capitalistes ou l’une des nombreuses formes intermédiaires.

    Marx est parvenu à la conclusion qu’une société peut tenir tant qu’elle réussit à développer les forces productives. Du moment qu’elle n’en est plus capable, le déclin s’amorce, le moteur de l’histoire – la lutte des classes – se met en marche ou, en cas d’absence de lutte des classes, la société est écrasée par d’autres plus dynamiques. Dans des telles périodes, les contradictions de la société deviennent plus aigües, de plus en plus visibles et de plus en plus insupportables. L’ancienne société ne veut pas encore céder la place, la nouvelle ne peut pas encore casser le carcan de l’ancienne. Cela provoque une crise qui atteint toutes les anciennes institutions, qui s’accrochent toutes désespérément à leurs privilèges et à leur vision idéologique, le dogme libéral de la concurrence dans le cas du capitalisme. C’est ce qui explique que des processus qui prendraient autrement des siècles peuvent soudainement éclater et se dérouler en quelques heures, quelques jours ou quelques années.

    une offensive pour annuler l’effet de la manifestation du 21 février

    Les syndicalistes venaient à peine de ranger leurs pancartes et de replier leurs calicots que l’offensive patronale reprenait de la vigueur. “La manifestation superflue” écrivait le lendemain le quotidien flamand De Morgen. “Coene s’alarme de la compétitivité morose”, annonçait De Tijd. Le jour d’après De Standaard avertissait: “Sans mesures drastiques, la Belgique s’expose à une amende européenne”. Le message ? ‘N’écoutez pas ces 40.000 syndicalistes bruyants, conservateurs et grisonnants, divisés en interne et isolés de leurs troupes, mais écoutez plutôt des personnalités importantes comme Luc Coene, gouverneur de la Banque Nationale et le Commissaire Européen Oli Rehn, sinon nous allons tous périr.’

    C’était comme si ces articles dénonçant que 18 des 100 plus grosses multinationales au monde utilisent la voie belge pour éviter de payer des milliards d’euros d’impôts n’avaient jamais étés publiés. Nous, par contre, nous avons retenu que les 25 sociétés de financement et holdings les plus capitalisés (qui gèrent ensemble 340 milliards d’euros et ont fait en 2011 un profit cumulé de 25 milliards d’euros) ont seulement payé 183 millions d’euros d’impôts, soit à peine 0,7% à peine (1) . Ne parlons pas cette fois-ci d’Arnault et de Depardieu. Mais nous ne pouvons que tirer l’attention sur le fait que les déductions d’impôts des entreprises ont, en 2010, largement dépassé la totalité des impôts de sociétés ! (2) Que disent Oli Rehn ou le rapport de Luc Coene à ce sujet ? Que dalle. Le rapport mentionne juste que “Les impôts sur les bénéfices des sociétés ont fortement progressé pour la troisième année consécutive.” (3)

    Une coïncidence est fort bien possible, mais le timing de la publication du rapport annuel de la Banque Nationale arrive très exactement au bon moment pour la droite politique et le patronat. Il se peut que ce soit une coïncidence aussi qu’Oli Rehn s’est senti appelé à consacrer quelques phrases à la Belgique le lendemain de la manifestation, mais nous ne serions pas étonnés d’apprendre que cela lui a été chuchoté.

    Dans la presse flamande, ça y va cash. La presse francophone doit être plus prudente. Pourquoi ? En mars de l’an dernier déjà, un sondage d’Ipsos avait dévoilé que 71% de la population Belge voulait réduire les avantages fiscaux des grosses entreprises. (4) Cette majorité se retrouvait dans toutes les régions mais, au sud de la frontière linguistique, elle n’était pas seulement plus large, mais aussi plus explicite et plus manifeste. C’est pourquoi Onkelinx réplique dans Le Soir que les nouvelles propositions de Luc Coene pour une nouvelle réforme de l’index sont une folie. Elle explique le fait qu’elle est déjà en train d’appliquer cela au gouvernement par la pression de la droite.

    Sous le titre “Les Belges accusent le coût salarial’’ , La Libre a publié un sondage de Dedicated. Bien que le titre de l’article suggère le contraire, les résultats sont alarmants pour le patronat et ses laquais politiques. Pas moins de 72% des sondés veulent des garanties d’emplois des multinationales en échange des avantages fiscaux. Plus frappant encore : 60% sont favorables à l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font du profit (72% en Wallonie, 66% à Bruxelles et même une majorité de 52% en Flandre). A la question de savoir si les autorités doivent contrer les fermetures par des nationalisations ou des régionalisations, 43% des sondés répondent par l’affirmative, une majorité à Bruxelles (52%) et en Wallonie (53%), mais aussi une minorité significative de 36% en Flandre. (5)

    Pas d’investissement

    Le mythe selon lequel il est possible de sortir de la crise par l’austérité est sérieusement miné. Nombreux sont ceux qui ne croient plus que de nouvelles concessions sur les conditions de travail et les salaires suffiront à restaurer la compétitivité des entreprises et à relancer l’économie.

    De plus en plus de salariés se rendent bien compte que chaque concession de leur part ne conduit qu’à de nouvelles concessions ailleurs. Ainsi, nous sommes tous entrainés dans une spirale négative de casse sociale. Le nombre de dépressions et de maladies psychologiques liées au stress augmente, tout comme le manque de perspective et le sentiment de se sentir traité comme des mouchoirs jetables.

    “Nous achèterons une usine à pneus en Chine ou en Inde, nous y payerons un salaire horaire inférieur à un euro et nous exporterons vers la France tous les pneus dont elle a besoin. Vos ouvriers, faites-en ce que vous voulez.” C’est ce que l’investisseur Américain Maurice Taylor a répondu à la demande de négociations sur la reprise du site de Goodyear à Amiens, menacé de fermeture.(6) Ce n’est pas étonnant que beaucoup de gens considèrent l’austérité comme un moyen de l’élite pour accumuler encore plus de richesses. Ils ne croient plus que plus de profits conduiront à plus d’investissements. Selon Trends, l’an dernier, les 30.000 plus grosses entreprises ont payé 40% de leurs profits aux actionnaires. (7) Quant aux entreprises européennes non-financières, elles disposent d’une réserve de cash de 2000 milliards d’euros, mais refusent de les investir.

    A en croire Coene, cela s’explique par le manque de confiance, tant des consommateurs (ce qui explique l’arrêt de la consommation) que des producteurs (qui craignent que les investissements ne seront pas suffisamment rentabilisés). N’est-il plutôt pas possible d’imaginer que les richesses ne sont pas réparties équitablement ? En fait, les produits de luxe se portent très bien, alors que la production de masse est partout en surcapacité malgré le besoin manifeste de logements sobres en consommation énergétique, d’écoles, de matériel convenable dans les transports publics, etc.

    Un problème de redistribution?

    D ans ‘Socialisme utopique et socialisme scientifique’ Friedrich Engels avait déjà accentué le fait que le capitalisme a socialisé la production. Nous sommes de nombreux producteurs à travailler sur un même produit, mais les moyens de production restent privés.

    De plus, le travailleur ne reçoit en salaire qu’une partie de son travail, le reste, c’est du profit qui peut être réinvesti ou qui disparait dans les poches des actionnaires. Il y a donc d’office une tendance systématique à la surproduction. Finalement, ceux qui disposent encore d’épargnes ne sont pas tentés de les dépenser alors que rode le spectre du chômage, alors qu’augmentent les coûts des soins de santé, de l’enseignement et des autres services et alors que la retraite légale permet de survivre de plus en plus difficilement. Une nouvelle dose d’austérité n’arrangera rien.

    Mais si le problème s’explique entre autres par l’inégalité de la répartition des richesses, n’est-il pas possible de corriger le marché et d’atténuer la concurrence ? Avec un gel des prix par exemple, comme Vande Lanotte l’a fait pour l’énergie ou comme Chavez au Venezuela ? Le gel des prix ne supprime pas la concurrence mais la déplace vers ailleurs, avec la diminution de la masse salariale dans le secteur concerné. De plus, un gel des prix sans nationalisation des entreprises concernées peut très bien, comme au Venezuela, conduire à des étagères vides en conséquence du refus de vendre des investisseurs privés qui peuvent aussi carrément décider de réorienter leurs investissements vers d’autres secteurs. Ne pouvons-nous pas atténuer les effets de la concurrence par un impôt plus important sur les sociétés, par un impôt sur les fortunes comme la CSC le défend ou par une taxe des millionnaires comme nos collègues du PTB le défendent ? Si le PSL avait l’occasion de voter pour ces mesures dans un parlement, nous le ferions certainement, mais pas sans expliquer d’avance les limites et les dangers de ces mesures. Les simples mesurettes de Hollande en France ont entrainé une fuite de capitaux de 53 milliards d’euros en deux mois à peine, en octobre et novembre 2012. De plus importantes mesures feraient sauter de joie les banques internationales dans la perspective d’accueillir une vague de capital en fuite. La population risquerait bien de se retrouver avec une sévère gueule de bois et l’idée que la gauche peut être positive pour le social, mais catastrophique pour l’économie.

    Un problème de profitabilité

    Dans ‘Misère de la philosophie’, Marx a répondu à Proudhon, qui lui aussi ne voulait pas abolir la concurrence, mais la limiter, “chercher un équilibre” . Marx y appelle la société capitaliste “l’association basée sur la concurrence.” Il démontre “que la concurrence devient toujours plus destructive pour les rapports bourgeois, à mesure qu’elle excite à une création fébrile de nouvelles forces productives, c’est-à-dire des conditions matérielles d’une société [socialiste, NDLA] nouvelle. Sous ce rapport, du moins, le mauvais côté de la concurrence aurait son bon.”

    Dans ‘Beginselen van de Marxistische économie’ (les bases de l’économie marxiste, non-traduit en français), Ernest Mandel l’expliquait en disant que les causes principales de la concurrence sont l’indétermination du marché et la propriété privée des moyens de production. C’est ce qui oblige le capitaliste à se mettre à la tête du progrès technologique, afin de ne pas se laisser dépasser par la concurrence. Cela exige de plus en plus de capitaux pour l’achat de machines de plus en plus modernes. Amortir ces machines pèse de plus en plus sur la quantité de profits réalisée par unité de capital investi. Des capitalistes moins riches sont poussés vers des secteurs moins productifs, d’autres partent en faillite et rejoignent les rangs des salariés.

    La concurrence conduit donc à la concentration, la formation de monopoles qui entrent en concurrence à un plus haut niveau. La concurrence économique pousse à l’accumulation de quantités de capitaux de plus en plus importantes. Ces capitaux sont soustraits du travail non rémunéré du salarié, la plus- value, d’où la contrainte économique d’augmenter cette dernière de manière permanente. La lutte sur le rapport entre le travail non-rémunéré et le travail rémunéré, entre la plus-value et le salaire (le taux d’exploitation), c’est le contenu élémentaire de la lutte des classes.

    La concurrence entre capitalistes entraîne une concurrence entre travailleurs. Avec les syndicats, les travailleurs essayent d’étouffer la concurrence entre travailleurs, en vendant leur force de travail de façon collective et non plus individuelle. Leur organisation collective devient donc un moyen de partiellement compenser la relation de soumission du travailleur face au capitaliste. Ainsi, la politique économique des travailleurs fait face à celle de la bourgeoisie. Le fondement de la politique économique de la bourgeoisie, c’est la concurrence, celui de la politique économique des travailleurs, c’est la solidarité.

    Dans les branches de l’industrie les plus développées, la production, la science et la technique ont depuis quelque temps atteint un niveau supérieur aux possibilités des investisseurs privés. Cela a provisoirement pu être surmonté avec la mobilisation de capitaux “dormants” (notamment des fonds de pensions), des subsides publics, des investissements militaires et la commercialisation de l’enseignement et des soins de santé. Mais la mise au point de nouveaux produits exige tellement de recherche et de développement et le capital investi doit être amorti à une échéance tellement courte (afin de ne pas se faire rattraper par des produits encore plus performants) que même ses moyens palliatifs ne suffisent plus. Des découvertes scientifiques essentielles sont cachées à l’aide de brevets afin de se protéger de la concurrence. Du temps, de l’énergie et des moyens précieux sont ainsi gaspillés.

    Aujourd’hui, la concurrence provoque la paralysie, fait obstacle au libre échange de savoirs ; ne nous permet pas d’investir les moyens nécessaires à prendre à bras-le-corps les grands défis écologiques, sociaux et économiques ; et condamne des millions de jeunes et d’autres travailleurs à être des spectateurs sans emploi. La concurrence ne détruit pas seulement nos emplois, nos conditions de vies, nos communautés, notre environnement, mais aussi souvent des unités de production performantes que nous pourrions utiliser pour répondre à de nombreux besoins sociaux urgents.

    Seule une société basée sur la solidarité, où toutes les banques et toutes les institutions financières seraient réunies en une seule banque sous le contrôle démocratique de la collectivité, pourra suffisamment mobiliser de moyens et les utiliser comme un levier pour une planification démocratique de l’économie en fonction des intérêts de toute la collectivité. Cette solidarité sera évidemment internationale.


    Notes

    1. De Tijd 2 février 2013 page 5
    2. De Tijd 13 février 2013
    3. http://www.nbb.be/doc/ts/Publications/ NBBreport/2012/FR/T1/rapport2012_TII. pdf Selon ce rapport, l’impôt des sociétés (plus d’un million de sociétés) représentait 3,2% du PIB en Belgique en 2011. Nous en sommes ainsi quasiment revenus au niveau d’avant la crise. Au total, cela signifie 11,6 milliards d’euros. Nous ne connaissons pas les profits cumulés de toutes les entreprises. Mais grâce à Trends, nous savons que les 30.000 plus grosses sociétés ont réalisé cette année-là un profit net cumulé de 76 milliards d’euros, contre 57 milliards d’euros en 2010 et 63 milliards d’euros en 2009. Cela laisse supposer que le taux réel d’impôt des sociétés ne peut être de plus de 9%, alors que le taux légal est de 33,99%. Les autorités perdent ainsi 30 milliards d’euros de revenus !
    4. Faire payer les grandes entreprises: le Belge est pour – Le Soir 14 mars 2012
    5. La Libre – 22 février 2013 page 6 en 7
    6. Het Nieuwsblad – 21 février 2013
    7. http://trends.knack.be/economie/nieuws/ bedrijven/trends-top-30-000-nettowinst-van- 76-miljard-euro/article-4000217926367.htm
  • Politique d’austérité : les médias dominants sont complices

    ‘‘La presse se présente comme un contre pouvoir, mais elle joue plutôt le rôle d’attaché de communication du gouvernement en cette période de crise. Ce n’est pas un complot, c’est une proximité idéologique.’’ C’est ce que déclare Geoffrey Guens, chargé de cours en communication à l’Université de Liège. Ce n’est pas étonnant, et ça s’explique.

    Concentration et homogénéisation

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    L’édition de l’hebdomadaire Le Vif/ L’Express qui a suivi la publication du Budget 2013 a consacré…une page (sur 98) au budget antisocial ! Mais 9 pages au ‘‘vote ethnique’’ avec un sous-titre lourd de sens : ‘‘Faut-il en avoir peur’’. Parce qu’une personne d’origine immigrée qui vote, ce n’est tout de même pas trop rassurant. L’image utilisée est d’ailleurs une femme voilée, histoire de bien enfoncer le clou.
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    La ‘‘presse libre, indépendante et objective’’ est un mythe. En Belgique, seule une petite dizaine de grands groupes contrôle la majorité de la presse d’initiative privée, et on ne retrouve pas n’importe qui à leur tête. Albert Frère, l’homme le plus riche de Belgique, est un grand actionnaire de RTL-TVI. Axel Miller, l’ancien patron de Dexia, est président du conseil d’administration du groupe IPM (La Libre, la DH), Thomas Leysen est président de la banque KBC, mais aussi du groupe Corélio (De Standaard, Het Nieuwsblad),… Et toutes les personnes mentionnées ci-dessus siègent au conseil de direction de la toute puissante organisation patronale Fédération des Entreprises Belges (1). A côté de ces groupes existent encore les médias publics, directement contrôlés par les partis traditionnels totalement soumis à la logique patronale.

    Dans ces conditions, il est tout à fait normal de se retrouver avec des lignes éditoriales interchangeables et une analyse politique, sociale et économique qui ressemble de plus en plus ouvertement à de la propagande gouvernementale et patronale. Ceci dit, même si les propriétaires des médias ont évidemment une grande influence, cela n’explique pas encore tout.

    Conditions de travail et qualité de la presse

    Ces dernières années, les conditions de travail n’ont fait qu’empirer, notamment suite aux nombreux licenciements qui ont considérablement augmenté la charge de travail pesant sur le personnel restant. Il n’est pas rare de trouver des articles quasiment totalement identiques dans la presse écrite, tout simplement parce que les rédacteurs n’ont pas eu de temps pour faire autre chose que d’encadrer une dépêche de l’agence de presse Belga, par exemple. Et encore moins de la vérifier par un minimum de travail de recherche.

    Le président de la Société des journalistes professionnels du Soir Bernard Padoan a ainsi expliqué fin novembre que ‘‘Les effectifs de la rédaction [du Soir, NDLR ] ont déjà fortement baissé ces dernières années : à peu près 20 % en équivalents temps plein sur les trois dernières années (…) On peut dire que la rédaction, elle est déjà à la corde. Nous sommes déjà sous pression et nous craignons que de nouvelles économies ne viennent faire craquer cette corde et, malheureusement, que la qualité du journal s’en ressente.” Il réagissait ainsi à l’annonce d’une restructuration prévoyant le licenciement d’environ 10% du personnel restant, soit 34 équivalents temps-plein.

    La vente avant l’information

    L’information est un produit qu’il faut vendre pour s’attirer des rentrées publicitaires, ce qui renforce l’uniformisation de l’information et l’adoption de méthodes bassement mercantiles. Début septembre, Le Soir s’auto-glorifiait (avant d’annoncer un plan de restructuration deux mois plus tard) : ‘‘Sur le plan qualitatif, il faut aussi observer que Le Soir gagne des lecteurs dans les catégories supérieures dont les cadres (+ 10.000), précise Didier Hamann, rédacteur en chef du Soir. Nous continuons à attirer ce type de lecteurs par le soin que nous apportons à notre qualité éditoriale.’’ La chasse à l’électorat aisé est donc un des objectifs ouvertement affichés par le journal. Et pour cela, autant appuyer l’approche idéologique qui leur correspond le mieux.

    Tout cela permet de comprendre pourquoi les médias se sont contentés de régurgiter la bonne parole néolibérale à l’occasion de la journée européenne d’action contre l’austérité du 14 novembre ou lors des discussions concernant la confection du budget 2013.

    Les médias dominants : une arme aux mains du système

    Les médias ont un rôle de préparation idéologique avant que les attaques antisociales ne soient réellement lancées, puis un autre rôle, de dénigrement cette fois, pour isoler la lutte et faire passer l’idée que, de toute façon, cela ne sert à rien de combattre.

    Ainsi, alors que les travailleurs et les allocataires sociaux apprenaient avec désarroi la vague de licenciements qui a suivi les élections, la presse en a profité pour défendre le programme du patronat. Rebondissant sur les milliers de pertes d’emplois, la presse a tenu à les justifier par le ‘‘manque de compétitivité’’ de nos entreprises. Ils ont donc comme dans La Libre appelé à : ‘‘un (petit) choc pour favoriser la compétitivité des entreprises’’ ou dans Le Soir appelé à ‘‘oser 10 mesures choc’’ (Faut-il partir à la retraite à 67 ans ? Faut-il supprimer l’indexation des salaires ? Faut-il supprimer la durée légale du temps hebdomadaire de travail? Faut-il limiter dans le temps les allocations de chômage ? Etc.) Tout a été fait pour nous enfoncer dans le crâne que la meilleure méthode pour sauvegarder nos acquis sociaux, c’était de les perdre…

    A chaque grève, les médias expliquent en long et en large que ces actions sont soit nuisibles, soit inutiles. A chaque grève de la SNCB, les journalistes partent à la chasse au passager ‘‘pris en otage’’, parfois même carrément à côté du piquet de grève ! Ils ne faut pas compter sur eux pour dire que c’est la politique néolibérale et le manque de moyens qui en découle qui prend les passagers en otage !

    La résistance à l’austérité doit s’armer, y compris pour organiser la contre-attaque idéologique. Internet et les réseaux sociaux sont des moyens utiles, mais cela n’est pas suffisant. Les distributions de tracts explicatifs devraient être beaucoup plus systématisées et développées en préparation d’une grève ou d’une manifestation devant les gares, comme cela se fait souvent, mais aussi aux portes des entreprises, dans les centres-villes,… Mais il faut aussi soutenir la presse alternative, la presse réellement du côté des luttes sociales, à l’image de Lutte Socialiste.


    Abonnez-vous à Lutte Socialiste! Cet article est tiré de l’édition de décembre-janvier de notre journal, Lutte Socialiste. Si vous désirez recevoir les prochaines éditions dans votre boîte aux lettres, prenez vite un abonnement. Vous pouvez verser 20 euros (pour 12 n°) ou 30 euros (abonnement de soutien) au n° 001-3907596-27 de "socialist press" avec la mention "abonnement". Pour plus d’infos, des remarques, propositions d’articles,… : prenez contact avec nous via redaction@socialisme.be


    (1) Données issues du Cetro, un journal à édition unique édité avec le soutien du CADTM, de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, de l’ASBL Aquilone, de Financité, d’Attac,… (www. lacrisepourlesnuls-liege.blogspot.be/p/cetro_ 18.html)

  • Irlande : Elle est morte à cause de l’interdiction de l’avortement : plus jamais ça !

    Veille à la mémoire de Savita et protestation contre l’interdiction de l’avortement en Irlande

    Après le décès tragique de Savita Halappanavar, des actions de protestation ont eu lieu partout en Irlande. En Belgique aussi, il existe un appel (Never Again – Brussels vigil for Savita and protest at Irish abortion law) pour une veille à sa mémoire et pour une action de protestation, ce mercredi 21 novembre, face à l’ambassade d’Irlande (Chaussée d’Etterbeek 180, 1040 Bruxelles). Le PSL/LSP soutient cette action et appelle à y participer.

    Par Anja Deschoemacker

    La mort de Savita Halappanavar illustre à nouveau à quel point le mouvement “pro-vie” est bien mal nommé. Cette femme de 31 ans est arrivée à l’hôpital avec un mal de dos. Les médecins ont constaté qu’elle allait faire une fausse couche mais, malgré l’aggravation rapide de son état, l’avortement lui a été refusé puisque le cœur du fœtus battait encore. Savita est décédée d’une septicémie.

    Des portes-paroles du mouvement ”pro-vie” essayent de se débarrasser de cette histoire en disant que toutes les données ne sont pas encore connues et qu’il peut y avoir d’autres causes à son décès. Il n’existe que de doute – voire aucun – sur le fait que cette femme serait encore en vie aujourd’hui si le fœtus lui avait été enlevé à temps. Mais le gouvernement irlandais attend les rapports et les enquêtes avant de faire quoi que ce soit pour changer la loi. ”Pour sauver un fœtus de quatre mois, ils ont laissé mourir ma fille de 30 ans. Vous pouvez m’expliquer le bons sens là-dedans ?” a déclaré la mère de Savita. ”Combien de cas semblables doivent encore suivre ?” (De Standaard, 15/11/2012)

    En Irlande l’avortement est interdit par la constitution, sauf exceptionnellement, si la vie de la mère enceinte est en danger. Cette exception a été obtenue en 1992 sous la pression d’un mouvement de protestation. Mais les divers gouvernements ont refusé de transformer cette exception en loi avec pour résultat le fait que la clarté manque toujours concernant ce qui est possible et permis. Cela laisse beaucoup d’espace aux docteurs et aux directions des hôpitaux (souvent catholiques), qui décident comme ils l’entendent. Une proposition de loi émise par notre parti-frère en Irlande, le Socialist Party, a été rejetée par le gouvernement des travaillistes et du Fianna Gail.

    Un jugement de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué que l’Etat irlandais n’appliquait pas la législation existante concernant l’avortement en cas de mise en danger de la vie de la mère. En janvier, le gouvernement irlandais a mis sur pied un groupe d’experts afin de parvenir à des recommandations sur base de ce jugement. Pour Savita, c’est de toute façon trop tard.

    L’Irlande n’est pas le seul pays à être dans ce cas en Europe. Il y a aussi la Pologne et Malte. La vie des femmes y est mise en danger par une législation basée sur des opinions religieuses – et sur une vision très limitée de la place de la femme dans la société – et pas sur les intérêts de la majorité de la population. Afin d’éviter que plus de femmes ne connaissent le sort de Savita, il est urgent que les choses changent.

    Une adaptation minimale de la loi ne suffira pas à éviter le mal et des morts inutiles. Les irlandaises doivent toujours se rendre à l’étranger pour se faire avorter, ce qui est impossible pour de nombreuses femmes en raison d’un manque de moyens. La vente de pilules abortives sur internet est un phénomène qui n’a que pris de l’ampleur depuis le début de cette crise économique qui frappe durement l’Irlande. Il est évident que ce genre d’avortement sans sécurité et sans accompagnement signifie un énorme risque de complications et que cela met en danger la vie des femmes qui veulent avorter.

    Le PSL/LSP se bat pour le droit des femmes de décider librement si et quand elles veulent avoir des enfants:

    • Pour le droit à l’avortement, dans des centres publics et accessibles
    • Pour la prévention, par la gratuité des moyens contraceptifs et par une éducation sexuelle de qualité enseignée à l’école
    • Pour des emplois à temps plein avec de bons salaires pour tous ; pour des services publics de qualité qui aident les femmes à combiner leur travail et les enfants ; pour des allocations familiales qui couvrent les coûts réels de la vie, tout cela afin d’éviter que des femmes n’avortent uniquement pour des raisons financières
  • Un budget sur mesure pour les marchés

    Le drame de Ford n’ébranle pas la politique de cadeaux aux patrons

    Alors que la fermeture de Ford est une catastrophe sociale pour des milliers de travailleurs de Ford et des soustraitants, les patrons orientent le débat vers l’augmentation des cadeaux au patronat, particulièrement sous la forme de baisses des coûts salariaux. La discussion sur le budget fédéral n’est pas différemment organisée : pour qui donc cherchent-ils des solutions ?

    Article d’Anja Deschoemacker, tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste

    Le contrôle budgétaire pour 2012 s’est conclu par la recherche de 811 millions d’euros essentiellement par le biais de coupes, de gel et d’ajournement des dépenses. En bref, une succession d’assainissements prétendument ‘‘non perceptibles’’. Cette logique d’assainissement assure depuis les années 1980 le sousfinancement chronique de toute la politique sociale, de l’infrastructure et des services publics. Qui peut oser prétendre sans rougir de honte que les listes d’attente pour chaque nécessité sociale sont ‘‘non perceptibles’’ ?

    Concernant le budget 2013, les ministres fédéraux ont été unanimes : les mesures ne doivent pas heurter la compétitivité des entreprises. En d’autres termes, ils vont chercher 3,7 milliards d’euros sans toucher à tous les privilèges qui garantissent que les grandes entreprises ne soient qu’à peine imposées malgré leurs profits exorbitants. Cette politique généreuse n’est pas payée de retour, comme l’a à nouveau clarifié le cas de Ford, dans l’éventualité où l’on aurait déjà oublié Renault, Opel, ArcelorMittal,…

    Cette annonce de la future fermeture de Ford a remis au goût du jour une vieille discussion : le gouvernement flamand pourra-t-il récupérer (une partie des) 43,5 millions d’euros investis dans Ford ces dix dernières années ? Et il semble encore que le gouvernement fédéral contribue chaque année ‘‘pour pas moins de 30 millions d’euros aux coûts salariaux de Ford, comme pour le travail de nuit, le travail en équipe et le chômage technique’’ (selon la Ministre SP.a de l’Emploi Monica De Coninck, dans les pages du De Standaard, le 25 octobre).

    Pourtant, le budget ne sera pas confectionné avec une autre recette. Il est bien concevable qu’une petite mesurette soit là pour faire ‘‘contribuer’’ les grandes fortunes, dans l’unique objectif de faire avaler les mesures antisociales. N’oublions pas non plus que les précédentes mesures destinées à faire contribuer les grandes fortunes n’ont jamais été réellement appliquées, ou appliquées de telle manière que les riches avaient trouvé la parade avant même que la moindre chose ne soit votée. C’est une fois de plus la grande partie de la population, les travailleurs et leurs familles, qui subira l’écrasante majorité du choc.

    Il y a quelques semaines encore, en pleine campagne électorale, les politiciens traditionnels nous promettaient de s’en prendre au manque de moyens dans l’enseignement, dans l’accueil d’enfants,… au niveau communal. Maintenant, il est question de nous demander de nous serrer la ceinture tous ensemble (un léger effort sera demandé aux riches). Concernant le budget 2014, le comité de monitoring, un organe de fonctionnaires d’où sont issus les chiffres de la politique fédérale, parle d’un ‘‘effort commun’’ (autorités fédérales, régionales et locales) d’au moins 8 milliards d’euros supplémentaires. Il nous faudra non seulement nous serrer la ceinture, mais encore y percer de nouveaux trous !

    Dans tous les pays où la politique d’austérité tourne déjà à plein régime, la pauvreté a explosé et une grande partie de la jeunesse semble être condamnée à n’être qu’une ‘‘génération perdue’’. ‘‘L’alternative’’ à la Hollande ou Di Rupo semble entretemps n’être qu’une politique d’austérité identique (un peu mieux présentée) où, dans l’objectif d’éviter une résistance de masse, on ne s’attaque pas aux travailleurs à coups de marteau, l’idée étant de parvenir au même résultat avec une austérité plus lente mais tout aussi destructrice.

    Le problème auquel nous sommes confrontés n’a rien à voir avec “les coûts salariaux’’. Le problème, c’est le marché. ‘‘Le marché’’ considère n’avoir aucune responsabilité sociale, la production capitaliste étant basée sur la recherche de profits et sur la satisfaction des besoins de ceux qui permettent la réalisation de profits pour les patrons uniquement. Toute la discussion sur les coûts salariaux – partie intégrante de celles portant sur le budget et sur les négociations pour le prochain Accord Interprofessionnel (AIP) – n’a pas pour vocation de combattre la crise mais bel et bien d’utiliser cette crise pour lancer une nouvelle attaque contre les salaires et les conditions de travail de la grande majorité de la population.

    La période d’été et de campagne électorale sont derrière nous. Maintenant, dans les syndicats, tout le monde doit être sur le pied de guerre pour organiser la résistance contre la politique de bain de sang social de la direction de Ford et de ses alliés politiques aux autorités fédérales, régionales et locales ! Seule cette lutte collective peut conduire à des solutions favorables à la majorité de la population.

  • Nos aînés livrés à la soif de profits du marché immobilier

    Puisque le gouvernement ne trouve pas nécessaire d’investir suffisamment de moyens afin de faire face aux besoins urgents de soins pour les personnes âgées, la porte est ouverte pour que des fonds immobiliers construisent des maisons de repos privées avec pour objectif de réaliser d’énormes bénéfices. Après la pénurie de places dans les crèches, les écoles, les logements sociaux ou sur le ‘‘marché de l’emploi’’, on voit maintenant également apparaître une pénurie de places dans les maisons de repos et de soins. Il s’agit d’un exemple de plus qui illustre que la société capitaliste est en pleine faillite.

    Selon le quotidien flamand De Standaard, entre 1.600 et 3.000 nouveaux lits sont nécessaire chaque année dans les maisons de repos. Le Bureau du plan prévoit que pas moins de 600.000 personnes âgées vont s’ajouter aux chiffres déjà grands de personnes qui devraient bénéficier d’un accueil au cours des 50 prochaines années. Face à cela, les autorités publiques ferment leurs yeux. Les moyens diminuent alors que l’offre augmente dans de nombreux domaines, ce qui rend tout à fait réaliste de passer sa vie sur liste d’attente !

    Faute d’une intervention des autorités, de grandes opportunités sont ainsi laissées au secteur privé, pour qui cette demande de places résonne comme autant de pièces tombant dans les poches des actionnaires. Les fonds immobiliers sont très actifs sur le marché des soins aux personnes âgées, sans que le respect de nos aînés ne sont le moins du monde leur priorité. Auparavant, la société immobilière Cofinimmo était la plus puissante sur le marché immobilier des espaces de bureaux. Cette société immobilière belge est maintenant en passe de devenir en seulement quelques années le plus grand acteur sur le marché européen des maisons de repos. Les maisons de repos sont évaluées à 34% du portefeuille de la société, les bureaux tombant ainsi à 50%.

    Le secteur immobilier des maisons de repos est particulièrement attrayant, aux dires du De Standaard. Le journal écrit: "La ‘‘chance’’, c’est que la demande est forte et non cyclique. Par conséquent, l’occupation des bâtiments est garantie à 100 pour cent. Dans les immeubles de bureaux du portefeuille de Cofinimmo pour cette année, seuls 93% des possibilités étaient occupées. Les problèmes dans le secteur de l’immobilier de bureau ont augmenté ces dernières années en raison de la crise économique et d’une offre excédentaire provoquée par la spéculation.’’ Le secteur de l’accueil des personnes âgées est donc considéré comme un juteux refuge pour ces rapaces.

    Il s’agit cependant d’un refuge bien relatif. Avec la crise économique et la politique d’austérité, le niveau de vie des personnes âgées est menacé. De même, comment les travailleurs d’aujourd’hui – de plus en plus condamnés aux contrats temporaires, précaires et faiblement rémunérés – pourront-ils s’offrir une place dans une maison de repos privée ?

    La société Cofinimmo ne se limite pas aux maisons de retraite. En France, elle investit également dans les hôpitaux psychiatriques et les centres de convalescence. La société n’a pas encore franchit l’étape des hôpitaux, trop gros et trop difficile à réaffecter. En refusant d’investir suffisamment de moyens dans le secteur des soins de santé et en laissant les sociétés immobilières privées et les spéculateurs avides de profit s’en charger, les autorités jouent avec l’avenir même de nos soins de santé. Ce secteur n’est-il pas trop important que pour être livré comme proie à cette même logique capitaliste qui est responsable de la crise économique actuelle ? Il nous faut de toute urgence un plan d’investissement massif dans le secteur public des soins de santé et de l’accueil aux personnes âgées. Mais pour cela, nous n’avons rie à attendre des partis traditionnels, tous acquis à la logique de l’économie de marché et de la concurrence.

  • Nulle part en Europe la productivité par travailleur n’est aussi élevée qu’en Belgique

    Depuis que les travailleurs belges, il y a trente ans, sont sortis de la moyenne pour se hisser dans le top 5 des travailleurs les plus productifs au monde, ils n’en ont jamais été chassés. Une étude du consultant PwC(1) l’a encore confirmé fin mars. Nulle part en Europe la production par travailleur n’est aussi élevée qu’en Belgique. Ce titre, les travailleurs en paient le prix en termes de burn-outs, d’usage record d’antidépresseurs et de crises cardiaques.

    Par Eric Byl

    Les données les plus consultées sur la productivité sont celles de l’OCDE(2). On y trouve qu’en 2010, les travailleurs belges produisaient en moyenne une valeur de 58,9 $ pour chaque heure de travail prestée. C’était un peu moins que ce que nos collègues norvégiens, luxembourgeois, irlandais et américains produisaient, mais beaucoup plus que ce qui se fait de manière générale dans le reste du monde. Ces données s’appliquent à l’ensemble de notre économie, PME et indépendants compris.

    L’agence PwC a fait le même exercice pour les entreprises privées de plus de 250 travailleurs, en excluant le secteur financier, le travail temporaire et le nonmarchand. Il est ainsi apparu que dans ces entreprises, la production annuelle par travailleur dans notre pays est en moyenne de 239.000 € par an. Afin de produire en un an autant que 100 travailleurs belges, il faut 126 travailleurs néerlandais, 131 français, 132 allemand ou 176 britanniques. Il ne faut donc guère s’étonner de voir le baron Paul Buysse déclarer comme il l’a fait l’an passé dans Knack(3) : ‘‘Si la Belgique était une entreprise, je l’achèterais tout de suite !’’

    Les travailleurs belges ne reçoivent en retour qu’une petite partie de leur production. Depuis l’introduction de la norme salariale en 1996, nos salaires se sont certainement accrus de 15% par rapport aux salaires allemands, mais ont baissé de 3 % et même de 15% par rapport aux salaires français et hollandais( 4). Ce sont surtout les grands actionnaires, les cadres de direction et les membres des conseils d’administration qui s’en vont avec les gros morceaux. Ainsi, les entreprises non-financières du Bel 20 s’apprêtent-elles à verser à leurs actionnaires 75 % de leur profit net réalisé en 2011(5) ! Le salaire annuel moyen du top-manager d’une compagnie cotée en bourse s’élève entretemps à 2 millions d’euro(6) et les présidents d’un conseil d’administration d’une entreprise du Bel 20 reçoivent une prime moyenne de 190.000 € pour une dizaine de réunions par an(7).

    Mais le gouvernement ne va certainement pas parler de cela quand, une fois les élections sociales terminées, il va commencer à discuter de son plan de relance. Tout comme dans le cadre d’un plan d’austérité ou d’une correction budgétaire, ce seront les salariés, s’ils ne s’y opposent pas, qui se retrouveront une fois de plus du côté où tomberont les coupes. L’enjeu étant une nouvelle hausse de la compétitivité des entreprises, notre mécanisme d’indexation va se retrouver au centre des combats, tandis que sont à prévoir de nouvelles baisses de taxes pour les entreprises.


    (1) PricewaterhouseCoopers, “Trends in Human Capital”

    (2) Organisatie voor Economische Samenwerking en Ontwikkeling – http://stats.oecd. org/Index.aspx?usercontext=sourceoecd

    (3) Knack interview 19 janvier 2011

    (4)De Standaard 12 février 2012

    (5)De Tijd 30 mars 2012 Belgische bedrijven keren driekwart van hun winst uit

    (6) De Tijd 31 mars 2012 Crisis treft salarissen toplui niet

    (7) De Tijd 4 avril 2012 Huygebaert en Buysse best betaalde bestuursvoorzitters

  • En Bref…

    Chaque samedi, nous publions dans cette rubrique quelques faits marquants, des citations, des cartoons, de petites vidéos,…


    23% de la population européenne menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2010

    Ce mercredi, Eurostat (l’office statistique de l’Union Européenne) a publié un communiqué de presse qui affirme qu’en 2010, 115 millions de personnes (23,4% de la population) étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne, chiffre qui atteint même les 27% pour les moins de 18 ans.

    Ce n’est pas la crise pour tout le monde…

    Alors qu’on nous dit toujours plus de nous serrer la ceinture pour ”le bien commun”, différentes données expriment ce que signifie concrètement ce ”bien commun”… Ainsi, les premiers résultats pour l’année 2011 des sociétés belges cotées en Bourse illustrent que l’argent continue de se déverser dans les poches des patrons et des actionnaires (voir tableau ci-contre). Ls dividendes versés aux actionnaires augmentent de 25% chez Umicore, de 10% chez Barco et de 13,6% chez Arseus…

    L’aide alimentaire atteint des sommets en Belgique

    Les banques alimentaires ont reçu 13.385 tonnes de nourriture en 2011, tandis que 117.440 personnes ont fait appel à l’aide alimentaire, un record (environ 3.000 de plus qu’il y a un an, selon Het Belang Van Limburg et Gazet van Antwerpen). Toute personne disposant d’un revenu inférieur à 740 euros nets par mois peut demander de l’aide aux banques alimentaires. Selon l’administrateur délégué de la Fédération des banques alimentaires Alfons De Vadder, les bénéficiaires sont souvent des mères célibataires, des chômeurs suspendus et des nouveaux Belges.

    Les médias traditionnels contre les grévistes

    Nous avons déjà mentionné dans cette rubrique un article du site français ACRIMED (Action-Critique-Médias) concernant la couverture des dernières mobilisations syndicales par la presse francophone. Ce site en a remis une couche en ce basant sur un éditorial de La Libre datant du lendemain de la grève générale du 30 janvier : Nouveau tir à vue éditorial contre les grévistes en Belgique.


    La lutte contre la politique d’austérité concerne aussi les jeunes!

    Les politiciens, les patrons et leurs médias font tout leur possible pour monter la jeunesse contre les syndicats et leur résistance à la politique d’austérité. Cela fait partie d’une tentative consciente de diviser l’opposition sur base de contradictions qui ne sont pas fondamentales. Mais les jeunes sont aussi durement touchés par la politique actuelle que les travailleurs plus âgés. La politique d’assainissements menée par les partis établis menace notre avenir. Cela a d’ailleurs été expressément reconnu par une source irréprochable, le chef de la Sûreté d’Etat de Belgique. Il a déclaré la semaine passé dans le quotidien De Standaard : "Ce sont principalement les jeunes qui sont touchés par la crise. Il est normal qu’ils entrent en action." En Espagne, plus de la moitié des jeunes de moins de 25 ans sont actuellement sans emploi sur base de telles politiques. Si nous laissons faire les patrons et leurs politiciens, nous aurons une ”génération sans avenir”. La meilleure façon d’éviter cela est de passer à l’action, avec les travailleurs, les pensionnés, les chômeurs,…


    Action durant un match de foot

    Le 31 janvier dernier, Everton et Manchester City se sont opposés dans le cadre du championnat anglais de football. Peu de temps avant la mi-temps, un supporter a envahi le terrain et s’est enchaîné au goal de l’équipe visiteuse. Le jeu a été interrompu pendant cinq minutes pour arrêter cet homme, qui voulait par son action dénoncer la politique de Ryanair. Son T-shirt proclamait que Ryanair est le plus gros gangster d’Europe (la concurrence est acharnée pour ce titre…). La réputation de la politique antisociale de Ryanair vis-à-vis de son personnel n’est plus à faire. Le pire, c’est que cet homme pourrait se voir interdit de stade à vie, alors que Ryanair pourra tout simplement poursuivre sa politique antisociale.


    Tout va bien à General Motors (GM)

    Plus d’un an après la fin de General Motors à l’entreprise Opel-Anvers, des nouvelles positives arrivent, mais uniquement pour les actionnaires. De Tijd a écrit ce mardi: "Les résultats du constructeur automobile américain General Motors (GM) sont étonnamment bons, deux ans seulement après la faillite et l’aide que l’entreprise a reçue. Le journal The Wall Street Journal a écrit que GM avait publié le 16 février un bénéfice net de 8 milliards de dollars (6,01 milliards d’euros). C’est près du double de 2010 (4,7 milliards). C’est le plus haut bénéfice pour General Motors, principalement en raison d’une une forte croissance en Chine et des marges bénéficiaires plus élevées sur le marché nord-américain, où GM a réduit les coûts de milliards de dollars pour faire baisser les prix. En Europe, les filiales Opel et Vauxhall sont toujours trop chères. "


    Cartoon: Le libre marché

    ”Si vous ne pensez pas que la libre entreprise est une bonne idée, souvenez-vous de ceci: jusqu’à ce que le gouvernement s’en mêle, ces enfants avaient du travail.”

  • NON à l’austérité : manifestation massive des syndicats

    Nous étions hier pas moins de 80.000 dans la rue, contre la politique d’austérité, cette politique des 1% les plus riches destinée à faire payer la crise aux 99%. Mille slogans, un seul massage” a-t-on pu lire dans L’Avenir d’aujourd’hui, ”Non à l’austérité". Avant même d’avoir été installé, le gouvernement Di Rupo 1er a reçu une première puissante illustration du mécontentement des travailleurs. Cette austérité, on n’en veut pas, et contre elle, on se battera!

    Avec 80.000 manifestants, selon les syndicats, c’était là une des plus grandes manifestations syndicales qu’a connu la Belgique au cours de ces dernières années. En 2005, 100.000 manifestants étaient dans la rue contre le Pacte entre les Générations, une attaque contre les prépensions, également menée par les sociaux-démocrates du PS et du SP.a. Après cela, les quelques grandes manifestations qui on suivi se déroulaient dans le cadre européen, avec de fortes mobilisations de l’étranger. Nous ne sommes qu’au début de l’avalanche d’austérité de Di Rupo 1er. Mais comme le disait le tract que le PSL distribuait lors de la manifestation, il est vaut mieux stopper une avalanche d’économies au début, sinon elle ne peut que gagner en force et causer encore plus de dégâts. 

    Le caractère massif de cette protestation syndicale était une riposte des plus logique face à l’ampleur de l’austérité que le gouvernement veut appliquer, sur les dos des plus faibles de la société. Il s’agit là de l’opération d’austérité la plus profonde de l’histoire belge: plus profonde que le Plan Global, ou le Plan Sainte Anne avant cela. L’enjeu sera d’offrir à cette protestation massive une prolongation avec un plan d’action qui puisse convaincre nos collègues, notre famille et nos amis de se mobiliser eux aussi.

    Cette mobilisation a suscité des réactions très hostiles des patrons. Ainsi, la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB) estimait que ”plutôt que de faire la grève, il est préférable de discuter des problèmes du marché du travail”. En Flandre, l’organisation patronale UNIZO avait lancé une pétition en ligne contre la manifestation sous le même message et a fait hier une action ludique en offrant un café aux automobilistes qui se rendaient au travail. Une grande attention de la presse pour quelque chose de bien pauvre au final… Certainement au regard des 80.000 manifestants qui ont occupé la capitale!

    Les réactions de la presse ont été diverses. En Flandre, dans le quotidien De Standaard, un collectif de rédacteurs a fait appel aux manifestants avant la manifestation pour qu’ils cherchent à "devenir adulte finalement”! Les journalistes parlaient tous "d’actions irresponsables". Du côté francophone, ce matin, pas de dénonciation franche des actions, mais des rapports relégués en 12e page pour La Libre et en 6e pour Le Soir. Seul L’Avenir a consacré une partie de cette première page à un manifestant déguisé en Di Rupo et non à Di Rupo lui-même, avec le titre : ”Non à l’austérité: le voilà prévenu”, et un article en pages 2 et 3 titré : ”Un message: l’austérité, ça sent le pavé.”

    On peut lire dans la presse d’aujourd’hui différents témoignages de manifestants, et les articles parlent de cette possibilité d’une grève générale pour le 19 décembre. Mais l’attention reste énormément focalisée sur Di Rupo 1er et cet accord si difficile à avoir obtenu qu’ils serait bien bête de continuer à le critiquer… Pour les syndicalistes combatifs et tous ceux qui veulent s’opposer à ce budget de malheur qui épargne les responsables de la crise, il faut quelque chose d’autre, des médias qui prennent résolument le côté des travailleurs et qui ne se contentent pas de ”comprendre” les craintes de la population tout en disant qu’on ne peut pas vraiment faire autrement… C’est pourquoi le PSL dispose de ses propres médias, avec ce site internet et notre mensuel Lutte Socialiste, que nous avons vendu à plus de 300 exemplaires hier durant la manifestation. Dans ce journal-là, on ne trouvera pas que de la ”compréhension”, mais des arguments contre la logique qui veut nous faire payer la crise ainsi que des propositions pour construire un rapport de forces favorable au mouvement ouvrier.

    Différents thèmes étaient centraux dans nos discussions avec les manifestants. Il y avait la question d’un plan d’action bien entendu, et celle de la manière de construire la lutte le plus fermement possible, mais aussi celle du prolongement politique pour les revendications des travailleurs et de leurs familles. Les syndicalistes rouges, verts et bleus ont manifesté ensemble contre un gouvernement composé de partis des mêmes couleurs… Et, comme on a pu le lire dans Le Soir, ”la rue a été écoutée, pas entendue”. Après 540 jours de négociations, un gouvernement de cinq partis est remplacé par un autre, composé des mêmes partis, rejoints par le SP.a, unis autour d’un programme qui attaque directement les travailleurs. Les manifestants ne disposent donc d’aucun parti qui défende leurs intérêts. Sur le terrain politique, c’est comme dans les médias: on ”comprend”, mais ce sera l’austérité générale tout de même. Un peu à la manière de cette carte blanche des élus du PS qui disait en substance: ”on va vous faire payer la crise, mais croyez bien que ça nous fera plus de mal à nous qu’à vous” ! On devrait continuer à écouter ces contes là ?

    La nécessité de disposer enfin d’un instrument politique pour renforcer la lutte contre l’austérité, se pose plus que jamais. Les dirigeants syndicaux vont-ils continuer à fonder leurs espoirs sur ces mêmes partis contre lesquels ils ont manifesté hier ? A la base, de nombreux militants ont déjà abandonné ces partis à genoux devant l’establishment capitaliste, et sont maintenant des sortes de ”sans-abris politiques”. Il est grand temps de prendre l’initiative pour, avec les dizaines de milliers de militants syndicaux et tous ceux qui veulent résister à la politique néolibérale, construire notre propre formation politique.

    En Flandre, le PSL participe à Rood!, une initiative politique lancée par le mouvement autour d’Erik De Bruyn, l’ancien candidat à la présidence du SP.a qui a quitté ce parti. Lors de la manifestation, nous avons pu voir qu’il y avait beaucoup d’intérêt pour Rood!. Quand Erik De Bruyn a quitté le SP.a, Rudy De Leeuw, le président de la FGTB, a réagi en disant que c’était bien malheureux. De Leeuw révisera-t-il sa position? Du côté francophone aussi, cette discussion se pose. Il sera bien difficile pour le PS de continuer à se cacher derrière les libéraux avec un premier ministre PS. Pour nous, le seul problème de langue de Di Rupo, c’est qu’il ne parle pas le langage des travailleurs! Ces derniers doivent disposer de la traduction politique de leur résistance contre la politique l’austérité, et le PS fait partie du problème, pas de la solution.

    Lors de la manifestation, le PSL a milité activement, avec 4 stands politiques en différents endroits, et en participant aux différents stands de Rood!.

    Cette manifestation était le début d’une lutte qui peut être longue et dure. Si les travailleurs et leurs familles ne veulent pas connaître les conditions de vie des Grecs, la lutte doit être des plus sérieusement organisée, au travail, dans nos quartiers et sur le terrain politique. Hier, 80.000 manifestants ont prouvé qu’ils veuillent mener cette lutte. Ce n’est qu’un début, continuons le combat!

  • Le déclin des hôpitaux publics et du statut de fonctionnaire est-il irréversible ?

    Dans le secteur social/non-marchand, on parle souvent de la commercialisation du secteur des hôpitaux publics, mais on entend moins souvent parler du déclin de ces hôpitaux, également lié à la “réforme” du statut de fonctionnaire. La synergie des secteurs privés et publics dans les hôpitaux inquiète les syndicats, car cela s’accompagne souvent de la casse des acquis du personnel.

    Analyse d’Hypertension, blog d’action du secteur social/non-marchand

    La mort lente de nos hôpitaux

    Ces trente dernières années, le paysage hospitalier a drastiquement changé. Les économies d’échelle ont réduit la sympathique clinique de quartier à un beau souvenir. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1980, on comptait encore 521 hôpitaux en Belgique, avec un total de 92.436 lits. En 2000, le nombre d’hôpitaux avait été réduit de moitié (223) et plus de 20.000 lits avaient disparu (il n’en restait que 72.304). En 2008, le nombre d’hôpitaux est encore passé à 207, pour 70.084 lits. Par contre, pour être complet, il faut préciser que le nombre de lits dans les maisons de repos a plus que quadruplé (de 12.203 en 1990 à 129.775 en 2008). (1)

    Les grands groupes hospitaliers grignotent comme des requins immobiliers les petites cliniques et se partagent le butin (bâtiments, lits, personnel). On trouve les exemples les plus frappants à Bruxelles, avec entre autres le défunt Hôpital français et le démantèlement de St-Étienne par l’hôpital St-Jean. Les lits d’hôpitaux qui en ont été “récupérés” ont déménagé de Bruxelles vers la Wallonie et la Flandre en échange d’une forte somme.

    Les hôpitaux privés, essentiellement catholiques, ont entre temps abandonné leur dernière touche caritative. Les nouveaux termes à la mode sont aujourd’hui “conformité au marché”, “production”, “concurrence”. Parallèlement, les structures strictement publiques évoluent vers des hôpitaux hybrides, vers des partenariats avec le privé par des processus ‘‘d’autonomisation’’ ou des fusions pures et simples. Une conséquence de cette évolution est le commerce bien lucratif des lits d’hôpitaux.

    En Flandre, la situation a viré à la caricature : il ne reste plus qu’un seul hôpital strictement public : l’hôpital communal de Roeselare. Il existe 22 hôpitaux (soit 22.600 employés et 11.300 lits) avec un partenaire public au conseil d’administration (généralement le CPAS). De ces 22.600 employés, seule une minorité (qui tend à diminuer) de 8.000 personnes bénéficie d’un contrat statutaire ou d’une nomination ! Ce processus de privatisation en douce peut être comparé à un jeu de dominos. Les pièces tombent une à une, et les employeurs ont plus de facilités à imposer leurs vues concernant les conditions de travail.

    Comme la majorité des personnes nominées dans les hôpitaux publics flamands a plus de 50 ans, il est clair que si cette évolution n’est pas stoppée, il n’y aura plus de personnel statutaire d’ici une dizaine d’années. Dans le langage des employeurs, on dit : “Les nominés, à la porte”.

    Il y a toutefois un village d’irréductibles Gaulois qui résiste encore et toujours : l’hôpital universitaire de Gand. En 2008, les syndicats y sont parvenus à arracher la statutarisation automatique du personnel. Le 1 janvier 2009, il y avait là 4.143 statutaires et 798 contractuels (plus de la moitié du nombre de statutaires de toute la Flandre y sont donc rassemblés).

    Tant les employeurs que les syndicats demandent une harmonisation des conditions de travail pour les employés du privé et du public. Les employeurs veulent casser les conditions d’embauche du secteur public et les rendre semblables au privé, tandis que les syndicats défendent une harmonisation à la hausse. La lutte des employés du secteur public pour le maintien du statut et d’autres avantages est en ce sens une lutte pour les employés du privé.

    L’unité d’action des syndicats dans le public et dans le privé – plus que jamais nécessaire !

    Nous constatons hélas que la communication entre les syndicats des hôpitaux publics et privés est lamentable. A la FGTB, par exemple, il y a d’un côté la CGSP et de l’autre le SETCa et la Centrale générale. Lors des dernières mobilisations des secteurs fédéraux des soins de santé (la ‘‘colère blanche’’), il fallait chercher à la loupe les délégations de la CGSP. À la CSC, il semble que la communication entre les centrales du privé et du public fonctionne un peu plus correctement.

    Comme l’accord budgétaire pluriannuel du secteur vaut tant pour le public que pour le privé, lutter en commun est crucial. Avec des initiatives comme le réseau Hypertension du côté francophone et Polslag en Flandre, la concertation existe entre militants de base du privé et du public. Les différences entre hôpitaux “publics” et privés ne s’expriment constamment plus qu’au niveau des points et des virgules, les militants des deux secteurs peuvent apprendre beaucoup les uns des autres. Les employeurs battent le tambour de guerre communautaire…

    En mars 2011, l’administrateur responsable d’ICURO (la coupole flamande des hôpitaux à partenaires publics) a annoncé des nouvelles de mauvais augure. De Standaard titrait: ‘‘Le boom des pensions dans les hôpitaux publics’’. Cette bombe temporelle s’élèverait à 2,7 milliards d’euros pour le versement des pensions dans les 25 années à venir. La baisse dramatique du nombre de statutaires a pour conséquence que de moins en moins d’argent rentre dans la caisse des autorités publiques locales, alors qu’il y a encore beaucoup de pensions à payer.

    L’ICURO et Zorgnet sont aussi fâchés contre la ministre Onkelinx parce que 90% du budget prévu dans le mini-accord de 2011 des soins de santé fédéraux pour pouvoir maintenir à niveau, voire augmenter, le nombre de nominations, est destiné à la Wallonie. Il est cependant logique que si l’on refuse de faire usage des nominations, on ne reçoit pas non plus d’argent pour ce faire… Il est clair que nous devons tenir compte du fait que les soins de santé publics sont mieux représentés en Wallonie (42 privés contre 25 publics) et à Bruxelles, tandis qu’en Flandre, on voit une prédominance absolue des hôpitaux privés (90 privés contre 22 “publics”).

    La solution qui se trouve pourtant à portée de main et qui est défendue par les syndicats, c’est-à-dire de nominer de nouveau un assez grand nombre du personnel de sorte que la caisse de pensions engrange à nouveau assez de revenus, semble totalement hors de question pour les employeurs. C’est un choix purement idéologique.

    (1) Source : Health Systems in Transition, volume 12 nr 5 2010, KCE

  • [DOSSIER] Dexia: aux travailleurs et à leurs familles de payer pour les bénéfices du privé ?

    Pour la nationalisation de Dexia, première étape vers un secteur financier public

    Dexia Banque Belgique est actuellement aux mains de l’Etat belge. La France a aussi repris une partie de Dexia, et le reste est placé dans une ‘‘bad bank’’. Début octobre, l’Etat danois a repris la banque Max et l’Etat grec la banque Proto. Ces interventions des gouvernements sont une expression de l’énorme nervosité qui règne dans les milieux économiques et politiques partout en Europe. Certains disent même qu’il faut une intervention européenne coordonnée pour sauver le secteur bancaire avec une injection de 200 milliards d’euros, de l’argent de la collectivité bien entendu.

    Dossier, par Bart Vandersteene

    En un weekend, le gouvernement belge a trouvé quatre milliards d’euros pour acheter Dexia Banque Belgique. Selon le premier ministre Yves Leterme et le ministre Reynders, cela ne va rien coûter aux contribuables. Dexia doit immédiatement payer une prime de 270 millions d’euros pour la garantie destinée à la ‘bad bank’, tandis que les intérêts annuels pour le prêt de 4 milliards sera de ‘seulement’ 160 millions d’euros. Bien sûr, ils passent très vite sur le fait que les 4 milliards empruntés doivent être remboursés. Par ailleurs, le gouvernement a engagé la collectivité pour un garantie de 54 milliards d’euros pour la ‘bad bank’. Cela représente 15% du PIB et environ 5.000 euros par Belge.

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    Est-ce qu’une banque publique pouvait éviter la crise actuelle ?

    Il est illusoire de penser qu’une banque publique qui n’a pas participé à des investissements risqués serait restée debout dans la période qui a précédé 2008. Cette illusion, qui était aussi entrée dans la gauche, suppose qu’une banque avec un taux d’intérêt de 2% sur les épargnes pouvait rivaliser avec les 4 à 6% promis par les autres banques, bien que cela fût fondé sur les grands risques.

    Si une banque publique avait existé, cela aurait été une île au milieu d’un océan de logique capitaliste, et les vagues spéculatives l’auraient immergé. Qui serait resté à la banque publique face au bombardement de propagande des médias et des experts avec leurs projections de rendements attrayants ? La pression aurait été rapidement là complètement s’inscrire dans une logique de spéculation.

    C’est pourquoi le Crédit Communal et la CGER ont été vendus au secteur privé. Les banques publiques ne pouvaient pas répondre de façon adéquate à la vague de spéculation financière néolibérale.


    Qui gère une banque publique ?

    Comment pouvons-nous assurer que la gestion des banques éviter de retourner vers la logique capitaliste, avec des managers dont la tâche est de faire des profits rapides pour gagner des bonus ? Nous plaidons pour que le contrôle et la gestion soient aux mains d’un comité de représentants démocratiquement élus des travailleurs du secteur, des clients et du monde du travail en général. Ces élus ne devraient avoir aucun privilège pour l’exercice de leurs fonctions. Les travailleurs devraient être exemptés de leur boulot pour exercer cette tâche, les représentants des gouvernements sont déjà payés pour leur mandat public.

    Mais ce n’est pas juste une question de nouvelle structure. La nationalisation de Dexia et de l’ensemble du secteur financier devrait faire partie de la construction d’une autre société dans laquelle les profits d’une minorité ne seraient pas centraux, mais bien les besoins de la majorité.

    Ce n’est pas ce que les ‘‘représentants’’ de la collectivité ont défendu au sein de Dexia ces dernières années. Non, ils ont délibérément défendu l’illusion néolibérale que les risques ont été réduits en les répartissant. Ils ont été bien payés pour défendre ces mensonges. Ces représentants ont-ils représenté la collectivité au sein de Dexia, ou plutôt Dexia au sein de la collectivité ? Aucun représentant public chez Dexia – et ils n’étaient pas des moindres avec le président de l’Europe Herman Van Rompuy ou le presque nouveau premier ministre Elio Di Rupo – n’a averti des dangers du secteur. Est-ce que ces politiciens vont maintenant se limiter à une nationalisation de Dexia pour que la collectivité doive payer pour les mauvaises dettes pendant que le privé peut s’en aller avec les bons morceaux pour leurs profits ?

    Une fois que le secteur financier sera dans les mains publiques, le secteur ne peut pas suivre la même voie que les directions précédentes qui étaient toujours inscrites dans la logique du capitalisme. Le secteur doit être mis sous le contrôle direct et la gestion des travailleurs et des clients. Cela devrait permettre de s’assurer que le secteur bancaire et de crédit joue un rôle socialement utile.


    Nous demandons que :

    • Tous les représentants politiques au sein du conseil de Dexia remboursent leurs honoraires pour les 10 dernières années
    • Tous les bonus pour les managers, comme Mariani, soient récupérés
    • Que Dexia soit enfin complètement placé aux mains du public
    • Un audit public soit réalisé sous contrôle ouvrier pour déterminer quels actionnaires et détenteurs d’effets ont droit à une indemnité équitable au nom de la collectivité
    • Les livres de toutes les banques soient ouverts
    • Le secteur dans son ensemble soit mis dans les mains du public
    • La gestion de ce secteur et son contrôle soient effectués par un comité élu composé de représentants élus des travailleurs, des clients et du monde du travail en général
    • Il faut rompre avec le capitalisme qui démontre de plus en plus sa faillite. Il faut commencer à construire une alternative socialiste dans laquelle les besoins et les désirs de la majorité de la population sont centraux.


    Tous complices

    Qui sont les représentants de la collectivité qui étaient supposés nous représenter au conseil d’administration de Dexia? Aperçu de quelques complices…

    Le président du conseil d’administration est Jean-Luc Dehaene, député européen du CD&V. Francis Vermeiren n’est pas seulement maire de Zaventem pour le VLD mais aussi président du Holding Communal (46.000 euros par an) et administrateur chez Dexia (pour un montant similaire). Plusieurs politiciens ont fait partie du conseil d’administration de Dexia. Parmi eux se trouvait le président européen Herman Van Rompuy.

    Une petite liste des politiciens qui ont été membres du conseil d’administration de Dexia ces dernières années :

    • PS: Marc Deconinck, Elio Di Rupo,
    • CDH: Benoît Drèze, Jean-Jacques Viseur
    • MR: Antoine Duquesne, Serge Kubla.
    • SP.a: Frank Beke, Patrick Janssens, Jean Vandecasteele, Geert Bervoets
    • Open VLD verres Louis, Francis Vermeiren, Patrick Lachaert, Karel De Gucht, Rik Daems, Jaak Gabriels
    • CD & V: Wivina Demeester, Herman Van Rompuy, Tony Van Parys, Luc Martens, Jef Gabriels, Stefaan Declerck

    Dehaene: politicien ou homme d’affaires ? Ou est-ce le même?

    Yves Leterme s’est trompé quand il a été à la radio en parlant de Dehaene comme un ex-politicien. Le poids lourd du CD&V est toujours eurodéputé, ce qui représente un salaire mensuel de € 6.080 ajouté aux 4.500 euros de frais et d’indemnités de voyage.

    En tant que président de Dexia, Dehaene a reçu une indemnité de 88.000 euros par an (hors primes et bonus). Au conseil d’administration d’Inbev, il recueille € 79.000, chez Umicore € 33.000, chez Lotus € 17.500, … A la FIFA, il reçoit € 70.000 par an. Ce montant a été récemment doublé en raison d’une pression de travail élevée. Ces revenus comptent pour environ 30.000 par mois. Rembourser ce qu’il a reçu de Dexia ne sera donc pas un grand problème pour Dehaene.

    Jean-Luc Dehaene est officiellement de l’aile du Mouvement Ouvrier Chrétien du CD&V. Les membres du MOC (y compris les membres d’Arco) pensent-ils que les intérêts des travailleurs sont bien défendus par de tels représentants ?
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    Pour des logements abordables, un enseignement gratuit et de qualité, des soins de santé,… il n’y a jamais de garantie de l’Etat. Pourquoi le problème des listes d’attente dans les soins de santé n’est-il pas résolu en un weekend en donnant les moyens adéquats ? Pour les banquiers et les spéculateurs, les politiciens trouvent facilement de l’argent en ‘un weekend de courage politique’. Mais pour les manques qui frappent la majorité de la société, il n’y a pas de moyens.

    La collectivité perd

    La décision de scinder Dexia a de lourdes conséquences. Cela est évident rien qu’au regard de la liste des principaux actionnaires:

    • Arco, le holding du Mouvement Ouvrier Chrétien, contrôle 13% des actions
    • Le Holding Communal : 14%
    • L’association d’assurance Ethias : 5%
    • Les gouvernements régionaux : 5,7% et le gouvernement fédéral : 5,7%

    Non seulement les grands actionnaires privés connaissent une perte de valeur, mais tous les niveaux de gouvernement et même la coopérative du mouvement ouvrier chrétien vont payer le prix fort pour avoir rejoint l’idéologie néolibérale avec le casino de Dexia.

    La perte de valeur pour le gouvernement fédéral et les gouvernements régionaux est de 2 milliards d’euros. Pour les 700.000 membres de la société Arco, une solution sera développée correspondant à la garantie de l’Etat pour les comptes d’épargne. La perte du Holding Communal, en théorie, doit conduire à la faillite. Il est possible que les régions et le gouvernement fédéral interviennent pour le maintenir à flot. Mais, pour les communes, cela signifie de toute façon un gouffre financier. Il y a la disparition des dividendes (en 2008, il s’agissait de 8,5 millions d’euros pour Anvers) et aussi la perte de valeur du Holding Communal. Ce holding avait acheté ses actions Dexia à 8,26 € alors que leur valeur boursière a chuté à moins de 1 euro. La collectivité va payer un prix élevé, la seule discussion est de savoir quel niveau va supporter quelle partie du prix.

    Enfin, le gouvernement a également engagé la collectivité pour 54 milliards d’euros pour la ‘bad bank’. Si quelque chose va mal – et le nom de ‘bad bank’ indique que le risque est grand – la collectivité intervient. Parmi les 200 milliards d’euros d’actifs dans cette ‘bad bank’, il y a 12 milliards d’euros en obligations des gouvernements d’Europe du Sud et 7,7 milliards d’actifs toxiques. Comme le dit l’économiste Van de Cloot (Itinera): ‘‘S’il y avait seulement de bons morceaux, pourquoi faudrait-il une garantie du gouvernement ?’’

    Les agences de notation vont bientôt se pencher sur la solvabilité de la Belgique, qui sera réduite après les garanties que l’Etat a prises en charge. Les belles paroles du gouvernement concernant l’argent que les garanties pour la ‘bad bank’ rapporteront à la collectivité ne sont pas prises au sérieux par les économistes des agences de notation.

    La ‘Bad Bank’ : étape vers un scénario grec?

    Dans le quotidien flamand ‘De Morgen’ le rédacteur en chef Yves Desmet a dit que la ‘bad bank’ est un énorme pari. ‘‘Si ça tourne mal, le gouvernement met la prochaine génération devant une dette semblable à celle de la Grèce ou de l’Irlande. C’est ni plus ni moins que mettre l’avenir en péril.’’

    Un scénario grec en Belgique suite à l’éclatement d’une bulle de spéculation et de crédit, c’est ce que la ‘bad bank’ peut nous apporter. Juste un rappel de ce que signifie ce scénario grec : un doublement du taux de chômage, la chute de moitié du revenu moyen d’une famille grecque au cours des quatre dernières années, une montagne de nouveaux impôts pour les travailleurs et leurs familles, la fin des livres scolaires parce qu’ils ne peuvent pas être payés, 200.000 fonctionnaires en moins,…

    De cyniques journalistes placent la responsabilité de ce scénario grec chez les Grecs eux-mêmes. Steven De Foer du ‘De Standaard’ avait écrit le 7 octobre : ‘‘Cette violence, cette protestation arrogante contre les institutions internationales, cette innocence théâtrale, comme si le Grecs sont justes des victimes. (…) Bien sûr, cela n’a pas de sens de réélire pendant des années des politiciens corrompus et de profiter du travail au noir, du népotisme, de la mauvaise gestion,… et après de venir dire que ce n’est pas de sa faute.’’ C’est vrai que le capitalisme met en évidence les éléments les plus mauvais des gens. Dans le cas d’un scénario grec dans notre pays, ce journaleux s’excusera-t-il pour le rôle joué par son journal dans l’élection des politiciens traditionnels ?

    Qui suit après Dexia ?

    Dexia a ouvert la danse dans cette deuxième phase de la crise financière. Beaucoup l’ont vu venir de loin, mais les responsables ont tout fait pour entretenir l’illusion qu’ils avaient tout sous contrôle. Il y a quelque mois, Jean-Luc Dehaene affirmait qu’il n’y avait aucun problème, pour dire aujourd’hui que Dexia est désormais plutôt un hedgefund.

    La garantie de l’Etat pour la ‘bad bank’ de Dexia (une garantie qui représente 15% du PIB) n’est que le début. Que faire si d’autres banques suivent ?

    Le FMI a estimé, avant l’épisode Dexia, qu’il faut 200 milliards d’euros pour protéger le secteur bancaire contre les conséquences de la crise de la dette dans la zone euro. Combien faudrait-il si, après la Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Espagne entre aussi en difficulté ? Tout semble indiquer que nous allons bientôt avoir une vue plus claire sur ce scénario. Combien d’argent public sont-ils prêts à donner pour sauver les richesses, la position de pouvoir des grands actionnaires et les spéculateurs du secteur financier ?

    Gagnants et perdants

    Malgré tout l’argent public consacré au sauvetage des banques en 2008, la même culture de la spéculation et de la cupidité est restée à l’ordre du jour. Le manager de Dexia Mariani avait reçu 1,95 million d’euros en 2009 et, en plus de son salaire régulier, il a encore reçu plus de 1 million d’euros en 2010 en cadeau pour sa retraite de 200.000 euros, avec un bonus de 600.000 euros. L’homme avait sans aucun doute travaillé très dur ? Ses notes de frais à l’hôtel – l’hôtel cinq étoiles ‘Amigo’ à Bruxelles – démontrent qu’il était à Bruxelles en moyenne deux fois par semaine. Et c’est bien sûr Dexia qui payait 185 euros par nuit. Sans doute Mariani et Dehaene vont-ils encore encaisser une prime de départ pour quitter le bateau en plein naufrage ?

    Les politiciens veulent maintenant nettoyer les débris des vautours avec l’argent public. Les débris sont soigneusement triés dans les ‘‘toxiques’’ (lire: les pertes) qui sont pour la collectivité et une partie rentable qui, par la suite, peut être retournée aux mêmes vautours à prix d’ami. Alors que les spéculateurs sont sauvés, nous sommes confrontés à des projets d’austérité dans la sécurité sociale, les soins de santé, les services sociaux et publics, l’éducation,…

    Les principaux actionnaires ont encaissé de gras dividendes des années durant et ont consciemment joué les parasites. Leurs complices dans les médias et la politique ont menti au public et quelques personnes se sont laissé tenter pour placer leurs épargnes et participer à la fête boursière. Cela est maintenant utilisé pour dire que chacun est responsable, y compris ceux qui ont été trompés par cette campagne de propagande massive.

    Les responsables de la spéculation, les principaux actionnaires et les managers, n’ont besoin d’aucune compensation pour l’expropriation par le public. Pour les petits actionnaires, une compensation doit être possible sur base de besoins prouvés. Nous ne voulons pas mettre en encore plus grande difficulté ceux qui avaient espéré compléter leur maigre pension avec le revenu de quelques actions.

    Il faut aussi que l’épargne et les prêts des travailleurs et de leurs familles soient garantis. La société Arco doit être dissoute, avec une compensation pour les 700.000 membres victimes de la participation de la direction d’Arco au casino de Dexia.

    Une alternative socialiste

    La nationalisation complète et définitive de Dexia en tant que première étape vers un secteur financier dans les mains du public avec une gestion démocratique

    La première banque entièrement détenue par l’État est un fait. Le ministre Reynders suggère que Dexia Banque Belgique peut rester dans la propriété publique pendant des années. Le rédacteur du ‘De Standaard’ Guy Tegenbos n’est pas d’accord : ‘‘une banque n’est pas une tâche essentielle pour un gouvernement.’’ Bien protéger l’épargne et l’utiliser pour accorder des prêts à ceux qui veulent, par exemple, investir en achetant une maison ou au gouvernement pour investir dans des travaux publics nous semble bien être une tâche essentielle de la collectivité.

    Le système bancaire et de crédit est trop important pour être laissé aux vautours à la recherche de profits rapides. Il est vrai que cela ne sera pas réglé si ‘nationalisation’ signifie que les banques seraient dirigées par des (anciens) politiciens aux attitudes identiques à celles de leurs copains du privé. Tegenbos écrit: ‘‘Même si l’objectif des administrateurs du gouvernement est d’avoir des services bancaires objectifs, il y aura toujours la tentation de poursuivre des objectifs moins honorables’’.

    Une banque publique ne signifie pas automatiquement qu’elle fonctionne au service de la majorité de la population. Ces dernières décennies, de nombreuses entreprises publiques ont été utilisées comme tremplin pour le secteur privé. Elles étaient sellées avec des achats inutiles, une mauvaise gestion et un agenda destiné à servir un noyau d’élite. Pensons à la mauvaise gestion au sommet de la SNCB, où à la faillite orchestrée de la Sabena, après quoi le privé a pu reprendre le morceau intéressant de Brussels Airlines.

    L’ensemble du secteur financier doit être retiré des mains du secteur privé afin de pouvoir jouer un rôle socialement utile. Faire de Dexia Banque une banque publique ne peut être qu’une première étape pour prendre l’ensemble du secteur hors des mains des spéculateurs.

    Mais un Etat servant les intérêts de l’élite capitaliste n’appliquera pas une telle politique dans les pans de l’économie dont il est propriétaire. Pour échapper à la logique du libre marché, une banque, une société ou une industrie dans les mains du public doit être placée sous le contrôle démocratique des travailleurs.


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