Tag: De Standaard

  • PLAN D’AUSTERITE: Ca va faire mal après les élections

    Tous les partis traditionnels sont d’accord : la crise économique va mener à un déficit budgétaire record. Les revenus des contributions vont baisser : si les revenus de la plupart des gens actifs sont aisément vérifiés et le paiement de leurs impôts étroitement contrôlé, le gouvernement, avec Reynders aux Finances, accepte par contre sans problème que les entreprises soient plus “créatives” avec les impôts pour en payer toujours moins.

    Par Peter Delsing

    e, les dépenses pour le chômage et la sécurité sociale augmentent par contre rapidement. Le déficit de la sécurité sociale pourrait monter cette année à presque 2 milliards d’euros. Comme c’est le cas pour beaucoup d’estimations économiques ces derniers temps, il est fort probable que celle-ci devra encore être revue à la hausse. Sans les réductions de charges sociales patronales qui atteignent 5 à 6 milliards d’euros par an, la situa-tion financière de la sécurité sociale serait évidemment bien plus saine. Comme dans le cas des milliards versés pour les banques, la logique est claire : les bénéfices sont pour le secteur privé, les charges pour la collectivité.

    De son côté, le nouveau gouvernement Van Rompuy doit revoir les prévisions économiques à la baisse. Il y a quelques semaines, il se basait encore sur le pronostic d’une décroissance de 1,9%. Aujourd’hui cela semble encore trop optimiste. Selon le FMI, nous allons atterrir dans “une récession profonde” où la croissance négative atteindrait les -2,5%. Les banques ING et KBC sont encore plus pessimistes : leurs analystes prévoient respectivement une décroissance de 2,7 et 3,2%. Van Rompuy est bien décidé à garder le silence jusqu’aux élections. D’autres avancent de noirs scénarios au sujet des mesures à venir. Le Conseil Supérieur des Finances (CSF) estime que le déficit budgétaire atteindra 4,5 ou même 5% du PIB dans les prochaines années. Ce qui ferait entre 15 et 17 milliards d’euros. Selon le journal De Standaard, nous allons vers “la mère de tous les plans d’austérité”. Le CSF conseille “d’assainir” 3,7 milliards d’euros par an pendant quelques années, ce qui représente une somme bien plus élevée que le Plan Global de 1993 (voir l’article qui sera publié demain).

    Cela s’ajoute au fait que la protection sociale a été fortement réduite. La pauvreté en Belgique, qui atteint aujourd’hui 15%, a triplé depuis les années 1980. Est-ce que ce taux va atteindre 20 ou 25% dans les prochaines années ? Dans la presse, on peut déjà lire des appels à porter l’âge de la retraite à 67 ans. Et cela, à un moment où les sondages montrent que 47% des travailleurs belges éprouvent des problèmes de stress à cause de la charge de travail trop élevée. 21% des retraités sont pauvres. Comment pourrait-on encore “assainir” les pensions ? Il serait plutôt nécessaire de les augmenter à un niveau correct mais cela exige le choix politique d’aller chercher l’argent là où il se trouve : chez les capitalistes et les grands actionnaires qui contrôlent la moitié de la richesse du pays.

    Les dépenses dans les soins de santé seront également touchées par les assainissements. Nous payons déjà personnellement un tiers des frais de santé et cette proportion risque encore d’augmenter. Faute d’un refinancement public de l’enseignement et des soins de santé, l’accès à ces services devient de plus en plus coûteux. Si les gouvernements doivent encore couper dans l’enseignement, le danger d’une forte augmentation des coûts d’inscription dans l’enseignement supérieur devient réel. L’enseignement deviendra un privilège pour les riches, directement au service du monde patronal, et non tourné vers le développement général de l’individu ou de la société.

    Les discussions sur une scission communautaire de la sécurité sociale (en tout ou en partie) seront utilisées pour diviser et affaiblir la riposte des travailleurs et pour pouvoir ainsi “assainir” davantage. Cela se voit clairement dans l’enseignement, déjà “scissionné” et tout aussi attaqué des deux côtés. Les travailleurs doivent s’opposer à ce rideau de fumée communautaire. Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans une lutte nationaliste pour gérer les déficits produits par un capitalisme en crise.

    Rudy De Leeuw (président de la FGTB) a raison lorsqu’il dit qu’il est impossible “d’assainir” encore plus sur le dos des travailleurs et des pauvres. Mais, s’ils le pensent vraiment, lui et les autres dirigeants syndicaux devraient arrêter de négocier les mesures “d’accompagnement social” des plans d’assainissement et des restructurations d’entreprises et organiser une véritable opposition aux plans de régression que les gouvernements vont nous imposer à tous les niveaux au cours des prochaines années. Il nous faut un plan d’action solide couplé à une réponse idéologique claire au capitalisme décrépit : c’est la seule façon d’éviter un retour aux années 1930 avec leur chômage et leur appauvrissement massifs.

  • Qui va profiter des “solutions” des partis traditionnels ?

    Les manchettes des journaux l’affirment clairement : la situation économique du pays est mauvaise et ce n’est pas près de s’arranger ! Petite sélection : “Chômage triplé au port d’Anvers” (première page du Standaard, 8 avril) ; “Plus d’un millier de faillites pour le mois de mars” (Le Soir, 2 avril, p 24) ; “Un quart des ouvriers au chômage” en mai en comptant le chômage temporaire (première page du De Standaard, 26 mars); “La tempête sociale ne faiblit pas” (Le Soir, le 27 mars, p 5).

    Par Anja Deschoemacker

    Les chiffres évoqués en disent long: entre février 2008 et février 2009, il y a eu 23,5% d’heures prestées en moins dans le travail intérimaire et 86,1% de chômeurs temporaires en plus…

    “Comment en finir avec la crise?” devrait donc être une question cruciale pour les élections. Au lieu de cela, tous les partis traditionnelles gardent lèvres closes sur ce qu’ils nous préparent… Pas fous, on ne gagne pas les élections en parlant d’attaques sociales contre la sécurité sociale, la législation du travail, les services publics,…!

    “Horreur budgétaire”

    C’était le titre de la première page du De Standaard le 24 mars, après la fuite qui a rendu public le rapport du Haut Conseil des Finances. Sur base de ce rapport, le gouvernement fédéral actuel a tracé la voie pour obtenir un budget en équilibre en 2015, l’idée étant de patienter jusqu’à la relance de l’économie, même si personne ne sait quand elle arrivera.

    Le HCF préconisait d’y arriver pour 2013 et avait calculé qu’il faudrait pour y parvenir “assainir” d’à peu près 4 milliards d’euros par an – plus que lors du Plan Global 1993 (qui nous avait alors valu entre autres l’introduction de la norme salariale et de l’index-santé aux conséquences tellement néfastes pour le pouvoir d’achat des travailleurs et des allocataires) Par la suite, Verhofstadt et ses gouvernements ont, pendant des années, contourné une partie de leurs difficultés budgétaires en "soldant" les biens publics, comme les bâtiments et les entreprises publiques. Aujourd’hui, cette "solution" est bien moins évidente à appliquer : que reste-t-il encore à vendre ? Dès lors, il va falloir saigner à vif.

    Quelles solutions proposent les partis traditionnels ?

    Le MR et ses frères libéraux du VLD de l’autre côté de la frontière linguistique restent scotchés aux recettes néolibérales : l’introduction de l’intérim dans les services publics, la limitation de l’allocation de chômage dans le temps combinée à la chasse aux chômeurs, le démantèlement de la législation du travail (afin de comprimer les coûts salariaux et aussi de faciliter les licenciements), etc.

    En face, le PS fustige à grands cris “l’ultra-libéralisme”. Mais cela manque un peu de crédibilité de la part d’un parti qui est au pouvoir depuis plus de 20 ans – et qui a l’ambition d’y rester encore au moins 10 de plus…- dont les 9 dernières années avec les libéraux.

    “Pas question d’un plan d’austérité”, déclare Di Rupo dans Le Soir (28/3), pour dire ensuite que la politique du MR – et surtout la mauvaise gestion financière de Reynders, considéré de plus en plus largement comme le pire Ministre des Finances – a "réduit à néant" les effets de l’austérité de la fin des années ‘80 et des années ’90 appliquée par une coalition socialiste et sociale-chrétienne. En d’autres mots : le PS est fier de ses "acquis" durant cette période, comme le Plan Global et les énormes diminutions de charges patronales qui menacent aujourd’hui de couler la sécurité sociale. Le PS est prêt à faire de nouveau un tel "effort" – mais quand il n’y aura plus d’élections en vue.

    Au moins le PS dit-il encore quelque chose contre la politique néolibérale défendue bec et ongle par le MR et le VLD. Ce n’est même plus le cas du SP.a. qui tient les propos les plus contradictoires : il reproche au gouvernement le déséquilibre budgétaire (qui devrait atteindre 4,5% pour cette année) tout en l’exhortant à dépenser plus…

    Et le CD&V, au fait ? Il se tait le plus possible. Il était revenu au pouvoir en promettant une réforme d’Etat audacieuse mais, l’affaire provisoirement terminée en pétard mouillé, le parti a choisi de ressortir son profil passé de père de famille "responsable" – sévère, mais juste – qui applique ce que nécessite "l’intérêt général". Pour eux, un plan d’austérité ne se conçoit pas comme une mesure unilatéralement prise par le gouvernement, mais comme une concertation avec les partenaires sociaux, suivant l’exemple du Plan Global de ‘93.

    Coincé entre le MR et le PS engagés dans une lutte à couteaux tirés pour le leadership dans la partie francophone, le CDH ne se fait presque pas entendre, sauf à travers le plaidoyer de Milquet en faveur de l’extension du chômage économique aux employés.

    En Flandre, beaucoup de gens expriment leur dégoût des partis traditionnels en votant pour une opposition de droite. Mais le Vlaams Belang, la Lijst Dedecker et la NVA défendent en réalité des mesures d’austérité encore plus dures. Les écolos de Groen! ont semblé un moment vouloir jouer un rôle d’opposition de gauche mais, à la première occasion qui leur a été donnée d’entrer au gouvernement, leur radicalisme a vite montré ses limites.

    En Wallonie, le mécontentement social est aujourd’hui largement capté par Ecolo, à qui les sondages annoncent une grande percée et qui pourrait atteindre 20% et dépasser le CDH. Il n’est plombé ni par des participations gouvernementales impopulaires, ni par des "affaires" à la mode Van Cau et Lizin. Il n’hésite pas devant une solide touche de radicalisme – il faut "libérer l’économie de la dictature de la finance" affirme leur programme électoral. Mais les mesures concrètes proposées dans leur "New Deal Vert" – mieux encadrer l’activité des banques, interdire les parachutes dorés, réorienter l’économie vers l’énergie renouvelable et le développement durable,… – restent tout à fait acceptables par le patronat.

    Ce paysage politique n’offre pas de choix !

    Ce rapide panorama montre clairement l’absence d’un parti qui ne pense pas d’abord aux profits des entreprises quand on parle de résoudre la crise mais qui considère comme une priorité les intérêts de la grande majorité de la population et veut apporter des solutions à leurs problèmes. Taper du poing sur la table pour défendre l’emploi, exiger des salaires et des conditions de travail corrects, imposer les entreprises qui ont amassé des fortunes incroyables, défendre la sécurité sociale et les services publics, nationaliser les secteurs-clés de l’économie sous le contrôle des travailleurs et de la population,… tout cela est aussi étranger aux socialistes et aux Verts qu’aux autres.

    Sans parti pour les représenter, les travailleurs et les allocataires sociaux (qui représentent ensemble la majorité écrasante de la population) n’ont face à eux que les jeux des politiciens traditionnels : une petite poussée communautaire, une gesticulation contre le changement climatique, un zeste de proposition sur le droit d’asile,… Mais une réponse générale partant de la division la plus fondamentale de la société – la division en classes sociales aux intérêts opposés – reste totalement absente de cette lutte électorale.

    Il faut un nouveau parti pour les travailleurs

    Dans une situation de crise profonde – cette crise sera peut-être même pire que celle des années ’30 – cela est dramatique. Quel que soit les combinaisons qui sortiront des urnes, cela ne changera rien au fait que le patronat et les partis à son service se préparent à saigner nos droits et notre niveau de vie.

    Pour le moment, notre seul moyen de défense réside dans la préparation de la résistance syndicale: les militants combatifs doivent augmenter la pression sur les directions syndicales. Mais sans instrument politique pour prolonger cette lutte, la défense sera presque la seule option.

    Le PSL/LSP défend depuis longtemps déjà la nécessité de construire un parti de lutte pour les travailleurs et leurs familles. Nous continuerons à populariser cette idée avec nos propres listes LSP du côté néérlandophone et aux régionales à Liège, Mons et Nivelles, et en coopération aux élections européennes en Belgique francophone avec la LCR (liste LCR-PSL) ainsi qu’avec le PC et le PH à Bruxelles (liste PC-PSL-LCR-PH). Ces collaborations ne vont pas conduire à la naissance d’un tel parti large, mais les électeurs auront au moins l’opportunité de voter pour un programme qui défend réellement les intérêts de la grande majorité de la population contre les partis des patrons.

  • La question nationale: histoire récente et perspectives

    Dans ce chapitre nous nous exprimons sur l’effet de la crise sur les soi-disant accords de paix et l’éparpillement des Etats nations. Nous ne le faisons que dans la mesure où cela affecte la Belgique où la prochaine reforme d’Etat a pour principal but la création d’un cadre dans lequel la bourgeoisie peut appliquer sa politique d’assainissement via la responsabilisation des régions.

    Cinquième partie de notre texte de perspectives pour notre dernier Congrès National

    142. L’Etat-Nation est et reste fondamental pour le capitalisme. Dans la période de mondialisation, qui pour l’instant est en train de se transformer en son contraire, l’illusion que la bourgeoisie avait dépassé cette question a été entretenue. Dans les années ‘90, période de la pensée unique néolibérale, l’idée se développait selon laquelle les Etats nationaux perdaient de leur importance au profit des entreprises multinationales, qu’une réelle unification des peuples était possible avec la création de blocs régionaux (en particulier autour de l’Union Européenne qui a suscité une réelle euphorie avec une monnaie unique, l’idée d’une véritable constitution, la création d’une armée européenne,…), que la question nationale pouvait être résolue de façon pacifique et en concertation au travers de concessions mutuelles et toutes formes de partages de pouvoir,… Il est de plus en plus évident aujourd’hui que, bien que le capitalisme ait pu repousser temporairement ses limites, il est à nouveau repoussé dans celles-ci – un processus qui va se poursuivre par secousses dans la période à venir. La montée du protectionnisme sera un élément de ce processus, ainsi que celle des tensions entre et à l’intérieur des différents Etats-Nations.

    Le super Etat européen et l’Europe des régions

    143. L’illusion de la création d’un véritable Etat européen, dans lequel les Etats nationaux s’évaporeraient entre l’Europe d’un coté et les « régions » de l’autre, n’est plus défendue aujourd’hui par aucun commentateur sérieux, bien que divers mouvements nationaux (entre autre la NVA) la chérissent tant qu’ils le peuvent. Les diverses tentatives d’arriver à une Constitution Européenne se sont heurtées à la résistance du mouvement ouvrier, ce qui s’est exprimé par le refus en France et aux Pays-Bas lors du référendum autour de la Constitution et plus récemment dans le rejet irlandais du traité de Lisbonne, qu’on ne pouvait déjà plus appeler une Constitution. Dans les trois victoires du ‘NON’, l’analyse du résultat démontrait clairement que l’opposition l’avait surtout emporté dans les villes et les quartiers ouvriers. Le mouvement ouvrier en Europe est aujourd’hui de plus en plus libéré de ses illusions en une ‘Europe sociale’ et de plus en plus conscient du fait que l’Europe est avant tout un agenda néolibéral des classes dirigeantes. Les normes de Maastricht ont été utilisées par Dehaene comme un argument pour faire avaler l’austérité au mouvement ouvrier. L’orthodoxie budgétaire est maintenant défendue avec le «vieil» argument de «ne pas laisser de dettes pour les prochaines générations»

    144. Les normes de Maastricht, le Pacte de Stabilité, les directives européennes sur la concurrence, les tentatives d’appliquer une Constitution Européenne, puis ensuite un ‘Traité’,… Le ver est dans le fruit. Différents Etats européens – et pas les plus petits – ont creusé ces dernières années des déficits budgétaires alors qu’ils menaient l’offensive contre leur mouvement ouvrier. Malgré la possibilité d’amendes européennes, « l’Europe » n’a rien su faire d’autre que de laisser faire. L’unification européenne est allée plus loin que ce que nous avions originellement pensé, surtout sur base d’une postposition de la crise (décrite ailleurs dans ce texte de perspective) par la création de nouvelles bulles de savon et surtout par l’augmentation de l’exploitation de la classe ouvrière à l’échelle mondiale et dans chaque pays pris séparément. A présent, chaque tentative pour approfondir l’unification européenne se heurte à des contradictions croissantes. Bien que l’Union Européenne ne va pas de suite se désintégrer sous pression de la concurrence internationale, la création d’un super Etat européen avec sa Constitution et sa propre armée n’a jamais été aussi illusoire qu’aujourd’hui. Des directives déjà acceptées ne sont plus suivies à mesure que les différentes bourgeoisies nationales sont mises sous pression de leur propre mouvement ouvrier (avec des déficits budgétaires mais aussi par l’intervention de l’Etat dans l’économie). Le carcan de l’euro va de plus en plus faire mal à mesure que la crise va s’approfondir et que les différences entre les divers pays européens vont s’affirmer. L’unification de la politique étrangère est apparue une fois de plus impossible pendant la guerre de cinq jours entre la Géorgie et la Russie. Le mieux qu’ils arrivent encore à faire sont des ‘accords’ qui ressemblent de plus en plus clairement à des ‘compromis à la belge’ où le flou l’emporte et où différentes interprétations ne sont pas seulement possibles, mais consciemment voulues.

    Processus de paix et dividende de paix

    145. De la période d’euphorie et d’illusions à propos d’un ‘nouvel ordre mondial’ – où l’unique superpuissance était sensée mettre de l’ordre dans le reste du monde – est apparue l’idée du ‘processus de paix’ où des accords de partage de pouvoir devaient mener à la stabilité et à un ‘dividende de paix’. En Israël, cela a conduit aux accords d’Oslo en 1993, rapidement enterrés par l’escalade de conflits sanglants. Le partage limité de pouvoir qui a trouvé son expression par la mise en place de l’Autorité Palestinienne sous le régime corrompu d’Arafat n’a rien résolu, bien au contraire. Une solution est plus éloignée que jamais avec à la fois l’éclatement d’une guerre civile en Palestine même entre le Fatah et le Hamas et la crise économique qui ne laisse à la bourgeoisie israélienne que le nationalisme pour se présenter comme dirigeante de la nation.

    146. En Irlande du Nord, en 1998, l’Accord du Vendredi Saint a été conclu, avec pour la première fois l’implication au pouvoir de l’aile politique de l’IRA, le Sinn Fein. Tout comme avec les accords d’Oslo, les problèmes dont ne parlaient pas les accords (ceux qui étaient nécessaires pour parvenir à un « accord ») sont sans arrêt remontés à la surface. L’Accord du Vendredi Saint n’a conduit à la formation d’un gouvernement plus ou moins stable que neuf ans plus tard (en mai 2007), néanmoins régulièrement paralysé par un total désaccord. Tout comme en Israël, aucun des problèmes économiques n’ont été résolu – la situation de la majorité de la population est même devenue pire encore à cause de la politique néolibérale – et il n’y a rien eu en termes de « dividendes de paix ». Le chômage est toujours plus élevé en Irlande du Nord que dans n’importe quelle autre région de Grande-Bretagne. Les emplois créés n’ont été que des emplois à bas salaire, temporaires et à temps partiel. Bien que la violence a fortement baissé, cela ne signifie pas pour autant que les divisions ont disparu. La division sectaire parmi la population n’a fait que monter et a été institutionnalisée, conséquence logique du partage de pouvoir, la seule « solution » capitaliste à la question nationale. Si aujourd’hui il y a une paix relative, cela n’a rien à voir avec l’Accord, mais tout avec le fait que la grande majorité de la population ne veut pas d’un retour aux troubles et l’a fait massivement savoir à maintes occasions.

    147. Ces “accords” ont mené mondialement à des illusions comme de quoi la bourgeoisie était capable de résoudre la question nationale de façon pacifique. Ceux qui ont conclu ces accords ont reçu le Prix Nobel de la Paix ou d’autres récompenses prestigieuses. Aujourd’hui, il est clair qu’ils n’ont nulle part conduit à une réelle solution, nulle part il n’y a eu sur base de ces « processus de paix » une amélioration du standard de vie de la majorité de la population. Aujourd’hui, la crise est entrain de se répandre et de s’approfondir mondialement, ce qui va faire exacerber les contradictions. Ce type d’accords-bidons tels qu’ils sont apparus va être encore plus difficile à conclure maintenant qu’il y a dix ans.

    Des Etats-nations tombent en pièces : régionalisation des compétences, “scission de velours” et guerre civile.

    148. Depuis 1973-74, l’économie mondiale connaît une période de dépression, une période de régression économique dans laquelle les périodes de croissance ne suffisent plus à récupérer ce qui a été perdu en période de crise. Le chômage structurel surgit, la pauvreté augmente. Cette armée de réserve de forces de travail permet à la bourgeoisie de démanteler les salaires et les conditions de travail. Dans une telle situation les déficits augmentent et toutes sortes de luttes naissent pour mettre la main sur la richesse produite : premièrement entre les classes, mais aussi entre les pays et dans les pays entre différentes régions/communautés. La question nationale revit de nouveau à grande échelle.

    149. Cela s’est opéré de différentes manières dans les diverses parties du monde, en fonction des rapports de forces réels, entre autres en fonction du contrôle sur la situation dont dispose encore la bourgeoisie et de la conscience de la classe ouvrière. En ce qui concerne ce dernier point, la question nationale et la lutte de classes sont des vases communicants : quand l’un monte, l’autre descend, et vice versa. En fonction de la situation concrète, les marxistes vont adopter différents programmes, mais toujours basés sur la réponse à la question suivante: qu’est-ce qui est à l’avantage du mouvement ouvrier ?

    150. Dans la période précédente, on a vu l’éclatement de l’ex-URSS et entre autres de la Yougoslavie. Ce processus souvent sanglant a pris place avec en arrière-fond la catastrophe économique et sociale que l’introduction du capitalisme a représenté pour la majorité de la population dans ces régions. Ce qu’on a pu également voir de manière assez claire, c’est que le stalinisme n’a jamais réussi à résoudre la question nationale, bien que ce système a pu dans la plupart des cas éviter des escalades (par la méthode de la carotte et du bâton). Dans le cadre de meilleures circonstances économiques, en Tchécoslovaquie, la désintégration (entre la Tchéquie orientée vers l’Occident et la Slovaquie orientée vers l’Europe de l’Est et la Russie) a pu se faire de façon plus contrôlée (ce qui a été appelé la scission de «velours»).

    151. Comparer la question nationale dans ces pays, où une bourgeoisie était seulement en train de se développer et devait encore établir son pouvoir – avec de grosses différences d’opinion au sein des différentes élites sur la manière d’y arriver – avec la question nationale dans des Etats-nations établis comme la Grande-Bretagne, l’Espagne ou la Belgique n’a pas beaucoup de sens. En général, on peut dire que la réaction par rapport aux tensions nationales croissantes dans les pays capitalistes développés va dans la direction de la création d’un système « belge » de partage de pouvoir, de création et de renforcement des autorités régionales,… Plutôt tôt que tard, ces structures vont faire naître les mêmes situations « belges » d’impasse et de paralysie parce qu’elles institutionnalisent et approfondissent la division. Les bourgeoisies de ces Etats vont essayer de faire tout ce que la bourgeoisie belge a déjà fait et fait encore : des concessions aux élites régionales afin d’enlever le radicalisme de ces élites et les envelopper dans la structure du pouvoir. En même temps, elles vont essayer d’utiliser la division existante pour imposer leur programme.

    152. Afin de mettre en avant un programme correct, chaque situation doit être regardée de manière spécifique. La question nationale peut mener à une certaine amertume en Belgique, mais jamais la violence n’a été utilisée : les familles ouvrières en Flandre ou en Wallonie ne déplorent pas de membre de leur famille qui ont étés assassinés par ‘ceux d’en face’. Mais même là où cela s’est produit, comme par exemple en Irlande du Nord, l’organisation va défendre un programme qui peut mener à l’unité des travailleurs des différentes communautés. Dans beaucoup de pays, le droit à l’autodétermination ne peut pas être défendu sans porter en même temps une attention aux droits des minorités. Dans la plupart des cas, la question nationale dans ces pays est très complexe, et il faut l’étudier profondément avant d’en arriver aux perspectives et à un programme. Il serait néanmoins incorrect de s’imaginer qu’un de ces pays puisse se décomposer de façon « facile ». C’est une illusion.

    Perspectives pour la question nationale en Belgique

    153. Il est clair pour tout le monde que la Belgique se trouve dans une crise politique profonde. La base pour cela n’est pas en soi la remontée des sentiments nationalistes parmi la majorité de la population, mais la crise dans laquelle se trouvent tous les instruments politiques de la bourgeoisie (y compris les vieux partis sociaux-démocrates) après trente années de politique d’austérité qui ont fait du « meilleur système social d’Europe » le pays avec les pensions les plus basses et la contribution individuelle pour les coûts des soins de santé la plus haute d’Europe ! La disparition de la question de classes entre les différents partis (au travers de la bourgeoisification de la social-démocratie) a poussé tous les partis dans une position de défense des intérêts régionaux et des intérêts de «leur propre communauté» avec laquelle ils doivent aussi être élus.

    154. “La Belgique n’a plus de valeur ajoutée”, “Le surréalisme, le chocolat, la bière et le roi – la Belgique n’est pas plus que ça”,… Ce sont des propos qui ont étés répétés plusieurs fois dans la dernière année et demie. Une étude réelle de l’économie montre pourtant une toute autre chose, une vie économique bien intégrée, où chaque partie en présence aurait à perdre en cas de déchirure de ce tissu économique. Il n’est donc pas surprenant que les ‘partenaires sociaux’ s’opposent quasi unanimement à une scission du pays. Même si Unizo et le VEV ont poussé avant les élections le CD&V à l’autonomie la plus grande possible, surtout sur le plan du marché de l’emploi et de la sécurité sociale, ils ont été rapidement été convaincus par la réalité de la crise politique et par le fait que la proposition de Béa Cantillon («pas de régionalisation, mais la responsabilisation des régions») avait plus de mérites. Pour les grandes entreprises avec des filiales dans différentes parties du pays, il ne serait pas du tout évident de fonctionner avec différentes législations du travail dans les régions.

    155. Plusieurs études de cette dernière année montrent également que les histoires de deux réalités et aspirations de la population ‘totalement différentes’ doivent être nuancées, même si ces différences sont parfois grandes. Des études sur les raisons des votes en Flandre et en Wallonie montrent de façon remarquable que les inquiétudes sociales et économiques, et certainement pas les thèmes communautaires, étaient au centre des préoccupations. Il y a un fossé très clair entre le revenu moyen en Flandre et en Wallonie, (un Flamand gagne en moyenne un quart de plus qu’un Wallon), mais en même temps la commune la plus riche (Lasne), l’arrondissement le plus riche (Arlon) et la province la plus riche (le Brabant Wallon) se trouvent tous en Wallonie. Les chiffres wallons sont surtout aspirés vers le bas par la province belge la plus pauvre, le Hainaut : 7 des 10 communes belges les plus pauvres se trouvent dans cette province. Trois communes bruxelloises sont plus riches que la commune flamande la plus riche (Sint-Maartens-Latem). Les revenus à Namur et au Luxembourg sont plus hauts que ceux du Limbourg et de Flandre Occidentale, qui arrive juste avant Liège (1).

    156. En ce qui concerne la bourgeoisie belge, nous voyons que la division ‘Wallonie= pauvreté / Flandre=richesse’ ne tient pas debout. Dans le Top 10 des familles d’entrepreneurs belges (Trends/Tendances) se retrouvent trois familles flamandes (au n°4 Colruyt, au n°9 Savereys et au n°10 De Clerck) et une famille flamando-wallonne (au n°1 de Spoelbergh, de Mevius et Van Damme d’Inbev), le reste sont des familles wallonnes (au n°2 Solvay, au n° 3 Frère, au n° 5 Lhoist, au n° 6 Emsens de l’entreprise Cuvelier, au n° 7 Emsens de l’entreprise Sibelco et au n° 8 Cigrang). Le belge le plus riche à titre individuel est un wallon, à savoir Albert Frère.

    157. Depuis la démission de Leterme en été (laquelle n’a pas été acceptée par le Roi) la rhétorique est que ‘le modèle fédéral a atteint ses limites’. La structure de l’Etat belge n’est pas construite avec une vision et des objectifs clairs, mais sur base de compromis et de concessions consécutives. La première phase s’appelait la ‘fédéralisation’ en opposition à l’Etat unitaire en vigueur précédemment ; la phase qui vient maintenant doit mener à une sorte de ‘confédéralisme’, un mot maintenant utilisé par toute une série de politiciens francophones. Toutefois, personne, pas même en Flandre, n’a une définition de ce qu’est exactement le confédéralisme. Un vrai confédéralisme (une confédération conclue par des Etats indépendants) ne pourra se faire que si on crée premièrement une Flandre indépendante, une Wallonie indépendante et une Bruxelles (ou une Wallonie/Bruxelles) indépendante, entre lesquelles peut alors s’établir une confédération. Mais si de tels Etats sont issus d’une décomposition de la Belgique, il est selon nous peu probable qu’ils puissent après coup en arriver à une confédération.

    158. Cela n’exclut pas qu’un compromis final puisse s’appeler “confédération”, mais ce qu’ils veulent en réalité ce sont des paquets de compétences plus homogènes pour éviter ce qu’on a vu depuis l’existence des gouvernements asymétriques (des gouvernements différents au niveau des régions qu’au fédéral): un blocage toujours plus important de toute une série de dossiers. Un exemple éloquent est la question de Zaventem : la compétence régionale pour les normes sonores fait que les normes bruxelloises ne permettent pas un espacement proportionnel du bruit. Ce qu’ils veulent est donc un rafistolage des vieux accords et un compromis pour pouvoir imposer de façon plus aisée le programme de la bourgeoisie. Ce que la bourgeoisie veut également sont des élections fédérales et régionales qui se déroulent au même moment afin d’éviter une asymétrie trop grande. Cela serait une pilule amère tant pour les régionalistes flamands que wallons et il est possible qu’ils n’arrivent pas à conclure un accord là-dessus.

    159. Il reste néanmoins très probable que ce gouvernement instable, avec maintenant la perte du soutien extérieur de la NVA, jette l’éponge avant les élections régionales de 2009, pour de cette façon avoir de facto des élections au même moment, ce qui donneraient lieu à une longue période de gouvernement sans élections. Si ce scénario devient réel, il est très probable que l’on ira vers un (des) gouvernement(s) d’union nationale, avec tous les partis traditionnels (chrétiens- et sociaux-démocrates et libéraux).

    160. Ce scénario peut se réaliser de différentes manières : si le gouvernement n’arrive pas à conclure des accords (sociaux-économiques, mais aussi communautaires, bien qu’“une grande Réforme de l’Etat” soit impossible avant les élections), il pourrait tomber une fois que les élections régionales sont en vue. Si cela se passe de cette manière, il est probable qu’un dossier communautaire symbolique va être utilisé comme excuse (BHV ayant le plus de chances de l’emporter). Le CD&V pourrait alors aller aux élections même avec la « jambe raide ». Si le gouvernement réussit à conclure des accords, il pourrait « démissionner » pour entamer une réforme d’état, changement de Constitution inclu, avec un nouveau gouvernement. En tout cas, l’absence d’une majorité du côté flamand fait que le scénario d’un gouvernement Leterme qui perdure jusque 2011 devient encore plus improbable qu’avant.

    161. Quel sera le contenu d’une nouvelle réforme d’Etat? Il est difficile d’être très concret sur ce point. Un certain nombre d’éléments se profilent néanmoins déjà et vont sûrement en faire partie. Premièrement, il va falloir trouver une solution pour l’Etat fédéral en difficulté financière et donc chercher une nouvelle balance dans les transferts d’argent. En Flandre, la majorité des partis sont gagnés à l’idée – publiquement défendue pour la première fois par Frank Vandenbroucke – d’un glissement ultérieur de compétences aux régions et communautés sans les budgets complémentaires ; en Wallonie et à Bruxelles, qui n’ont pas le genre de surplus dont dispose la Flandre, il y a toutefois beaucoup d’opposition à cette idée. Si un glissement de moyens du niveau fédéral vers les régions devait s’effectuer, cela se ferait de manière plus cachée. Un autre moyen de décharger l’Etat fédéral est le démantèlement des dépenses de sécurité sociale ou une augmentation des revenus alloués à la sécurité sociale. Un glissement des charges sur le travail vers la TVA et d’autres revenus pourrait aussi servir à cela – le PS, ainsi que la CSC, sont gagnés à cette idée.

    162. Deuxièmement, la bourgeoisie en Belgique s’est toujours servie de la question nationale pour pouvoir imposer son programme à la classe ouvrière. Malgré les éructations ponctuelles d’un certain belgicisme parmi les patrons et une certaine réticence à présent que la surenchère communautaire de ces partis a mené à une impasse totale, il est peu probable qu’elle laisse tomber cette tactique, certainement en face de syndicats toujours puissants. Il est très probable qu’une ou l’autre responsabilisation des régions va se faire pour ce qui concerne le contrôle des chômeurs (traduire : la chasse aux chômeurs) – des deux côtés de la frontière linguistique, la plupart des forces politiques sont d’accord avec cela. Les organisations patronales le défendent aussi; les seules obstructionnistes en ce domaine sont les syndicats qui jusqu’à maintenant veulent conserver toute la politique du marché d’emploi sur un plan fédéral. En Belgique, la régionalisation des compétences signifie presque toujours la ‘régionalisation des assainissements’ au travers de laquelle la résistance unifiée des travailleurs peut être évitée.

    163. Il va falloir finalement trouver une solution pour BHV. Comme Thomas Leysen, le président de la FEB, l’a déclaré dans Le Soir le 12 juillet : «Ce n’est d’ailleurs plus possible d’adopter une approche gagnant-gagnant dans ce dossier. Il conviendra davantage de veiller à ce que chaque partie perde la face de manière équilibrée». Le plus probable est que la scission se produise, mais en maintenant une série de droits électoraux pour les francophones de la périphérie. Le MR ne va jamais signer un accord qui lui ferait perdre des votes à un moment où il veut confirmer sa position de dirigeant en Belgique francophone (ce qui, selon les derniers sondages, est de toute façon peu probable – mais cela peut encore changer fortement dans les mois à venir). Maintenant que la NVA est mise de côté – concession que le CD&V a été obligé de faire pour maintenir le soutien de la bourgeoisie – le MR va devoir faire bien attention à ne pas paraître comme celui qui fait durer le chaos. Bien que la famille libérale est maintenant la plus grande dans le gouvernement, le fait qu’il faille en Flandre acheter le soutien du SP.a pour des décisions importantes la rend quand même vulnérable. Certainement dans le cadre d’une période de crise économique et de montée de la lutte de classes, elle peut être mise sous pression entre les sociaux- et les chrétiens-démocrates qui vont probablement en appeler à ‘l’intérêt général’ et développer davantage dans la période devant nous une rhétorique de collaboration de classes contre le néolibéralisme pur et dur de la période précédente. Sans le soutien de la direction syndicale, n’importe quel gouvernement se retrouverait toutefois vite par terre s’il lançait une attaque conséquente contre la classe ouvrière.

    164. La période qui vient ne va à aucun moment être totalement libérée de la surenchère communautaire – en fait, jusqu’à une nouvelle réforme d’état, cela fera partie de la réalité de tous les jours. Ceci dit, la discussion sur ‘le pays qui va tomber en pièce’ est passée de plus en plus à l’arrière-plan. Aucun commentateur sérieux ne voit cela comme une possibilité, du fait que personne n’a un plan ou une véritable stratégie pour y arriver, ni une vision sur qu’est-ce que serait cette Flandre indépendante. Dans la presse francophone, l’idée du rattachement à la France a été évoquée, mais juste comme l’idée de l’indépendance de la Flandre, c’est-à-dire sans une réelle étude ou même sans vraiment réfléchir sur comment cela devrait se faire. C’est une raison importante expliquant pourquoi la scission n’est pas à l’agenda aujourd’hui ou même demain : économiquement, aucun groupe dans la société n’y a à gagner quelque chose (bien que cette illusion soit vivante, surtout parmi la petite bourgeoisie flamande – la FEB a quant à elle réussi à convaincre Unizo que c’était une illusion). De plus, il n’y a aucune élite présente capable de convaincre les masses de la nécessité d’un tel scénario, ni à même de se mettre à la tête d’un tel mouvement. Comme décrit ci-dessus, l’Etat-nation belge est sujet à des forces centrifuges, comme c’est le cas aussi par exemple en Grande-Bretagne ou en Espagne. Mais une scission totale ne pourrait se faire que si la majorité de la population est convaincue que c’est la seule manière d’assurer son niveau de vie – en d’autres termes si le mouvement ouvrier de ces pays est démoralisé par une longue période de faillite totale de la lutte collective pour la défense de ses standards de vie.


    (1) De Standaard 19/04/2007, part du dossier Nord-Sud entrepris avec Le Soir

  • La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Troisième partie)

    Dans cette partie, nous regardons dans quelles mesure les caractéristiques de la crise économique internationale se manifestent aussi en Belgique. Nous parcourons le marché immobilier, l’inflation, les cadeaux fiscaux aux entreprises et les salaires des managers. Nous expliquons comment cela conduit aux grèves spontanées que la bourgeoisie et les politiciens aimeraient brider. La combativité à la base s’est reflétée dans des discours plus radicaux le premier mai, dans un bon résultat pour les délégations syndicales combatives dans les élections sociales, et enfin dans la semaine d’actions de juin 2008.

    Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.

    La folie des bourses laisse des traces aussi en Belgique

    75. En termes de distribution inégale de richesse, la Belgique n’est pas mieux placée que les autres pays de l’OCDE. En juillet 2008, les fortunes nets des familles belges étaient de 1.610 milliards d’euros, à peu près 352.000 euros par foyer ou 151.000 euros par Belge. (1) Cela fait entretemps 14 ans qu’il n’y a plus eu de recherche sur la répartition de cette fortune. En 1994, Jef Vuchelen et Koen Rademaeckers sont arrivés à la conclusion que les 50% des fortunes appartenaient à 10% des familles les plus riches, contre seulement 1,1% des fortunes pour les 10% des familles les plus pauvres. Nous supposons que cette différence s’est plutôt creusée que diminuée. (2) Selon Merill Lynch, à la fin 2006, il y avait 68.000 millionnaires en dollars en Belgique, fin 2007 ils étaient déjà 72.000. (3) En 2007, les entreprises belges cotées en bourse ont vu pour la première fois en 5 ans diminuer leurs profits suite à la crise du crédit. En 2005 et en 2006, ces profits avaient encore monté à chaque fois de 30% contre une baisse de 11% en 2007 jusque 19,14 milliards d’euros. Pourtant, ces mêmes entreprises ont distribué 10,2 milliards d’euros aux actionnaires, une augmentation de 42% comparée à l’année précédente. Cela fait qu’en 2007, malgré la crise du crédit ou peut-être justement à cause d’elle, la moitié du profit net a été versée aux actionnaires contre un tiers en 2006.(4)

    76. Ainsi, la fine fleur du capital belge s’est protégée contre les conséquences de la crise du crédit. Celle-ci n’a pas épargné la Belgique. Il est difficile de prévoir où le BEL-20 se trouvera fin 2008, mais avec une perte d’en moyenne 23%, le premier semestre de 2008 était la pire chute en 21 ans, depuis le crash boursier de 87.(5) Surtout les banques, qui représentaient en 2006 encore 42% du BEL-20, ont fortement chuté. Cela s’explique par le fait que toutes les grandes banques belges, y compris la KBC qui a perdu 32,4% de sa valeur boursière lors du premier semestre de 2008, se sont laissées séduire par des instruments financiers souvent couverts par des hypothèques à grand risque américaines. Pour Dexia (-44,4% de la valeur boursière), s’y ajoutent les difficultés de sa filiale américaine, le rehausseur de crédit FSA. Pour Fortis, -46,48% de sa valeur boursière, s’y ajoute sa reprise annoncée en grandes pompes mais mal planifiée, d’ABN Amro. Cela fait que l’action Fortis vaut aujourd’hui (juillet 2008) à peu près la moitié d’une action de la Société Générale en 1998. Au printemps précédent, l’action Fortis valait encore 35€, à la fin du premier semestre 2008 moins de 10€. (6)

    77. La Banque nationale a calculé la perte totale des Belges en conséquence de la crise boursière en juillet 2008 à 50 milliards d’euros, dont la moitié en conséquence de la baisse des valeurs des actions, et l’autre moitié en perte sur des fonds de pension et des fonds d’investissement (les sicav). Les dettes des familles ont aussi augmenté. Mais c’est surtout le personnel qui paiera la facture. « Des changements des banques belges qui prendraient normalement 15 ans, tels que la rationalisation du réseau couteux des agences, seront grâce à la crise du crédit réalisés en quelques années », dit Dick-Jan Abbringh, auteur de « Trendbreuk.be ? Nieuwe spelregels in een digitale wereld » (« Inversion de la tendance.be ? Nouvelles règles du jeu dans un monde digital »), son livre pour lequel il a interviewé 15 managers du monde financier en Belgique. « Il est certain qu’il y aura des licenciements massifs. Il y a un bel avenir pour des gens qui donnent des conseils financiers de haute qualité, mais non pas pour les employés de banques qui aident les clients à remplir les formulaires de virement. » (7) En bref, celui qui amène beaucoup d’argent obtiendra un siège confortable, mais celui qui a des difficultés à s’en sortir selon laissé à son propre sort.

    Les fondements minés

    78. Jusqu’ici, l’économie belge n’a pourtant pas presté de façon faible. Avec un chiffre de croissance de 2,8% en 2006 et en 2007, elle a même fait un peu mieux que la zone euro. Après une augmentation du chômage en 2005, il y a eu une légère baisse en 2006, suivie d’une baisse plus forte en 2007. Le déficit budgétaire était légèrement négatif en 2007 (-0,2%), mais quand même moins que la moyenne de la zone euro (-0,6%).(8) Après quelques années de diminution (2000-2005) ou de croissance faible (2006) (9), les investissements en 2007 ont connu une vraie accélération de 8%. Notre pays s’avère d’ailleurs être une des localités les plus attirantes de l’Europe pour les investissements étrangers. En Europe (27), seulement 4 grands pays, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne, ont accueilli plus d’investissements. Entre 2003 et 2007, les investissements étrangers directs représentaient 12,3% du PIB ! Ceci n’est que de 1,2% pour l’Allemagne, 3,4% pour la France, 5,3% pour les Pays-Bas et 3% pour la chine.(10) Nous devons évidemment considérer les proportions et aussi le caractère de ces investissements, mais prétendre que la Belgique ne serait pas attractive pour des investisseurs étrangers n’est pas possible. Grâce à la prestation durant le premier semestre, la croissance des investissements en 2008 sera de 6,6%, mais retombera ensuite jusqu’à seulement 1,7% en 2009.(11)

    79. Ici s’arrêtent les bonnes nouvelles. Depuis, les 6 marchés d’exportations les plus importants de l’économie belge sont au bord de la récession. Il s’agit de l’Allemagne, de la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie. Ensemble, ils représentent deux tiers de notre exportation. Pour un pays dont l’exportation des marchandises représente 71% du PIB, c’est d’une importance vitale. De plus, l’industrie belge livre beaucoup de produits semi-finis. Elle est une sorte de sous-traitant pour l’industrie des partenaires commerciaux.(12) Sur cette base, la KBC estime réaliste que l’économie belge parte en récession technique à partir du deuxième semestre 2008.(13) Qu’importe, pour la première fois en 16 ans, la balance commerciale risque en 2008 d’être déficitaire. Pendant les 5 premiers mois, la Belgique a connu un déficit de 7 milliards d’euros contre un surplus de 2,5 milliards d’euros l’année dernière. Le refroidissement de l’exportation est une des raisons principales pour lesquelles le Bureau du Plan a dû réajuster ses perspectives de croissance vers 1,6% en 2008 et seulement 1,2% en 2009.(14)

    Marché immobilier : illusions statistiques ?

    80. L’autre raison est le ralentissement de la demande intérieure, principalement la consommation particulière. Sa croissance en 2007 encore de 2,6% retombe en 2008 à 1,4% et en 2009 même à 0,8%.Les augmentations de prix de ces derniers mois et années y sont pour quelque chose. Entre 97 et 2007, les prix des maisons dans notre pays ont augmenté en moyenne de 142% ou 9,2% par an. Même le FMI trouve, compte tenu de la croissance des revenus nets, de la population à l’âge du travail, de la croissance du crédit et des cours des actions, que c’est 17% de trop. Moins qu’en Irlande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, mais autant qu’en Espagne et même 5% de plus qu’aux Etats-Unis. Ne devons-nous pas alors craindre une chute du marché immobilier ? Oui, selon certains économistes et le secteur immobilier. L’économiste Van de Cloot, de ING, estime que les augmentations de prix sont derrière nous et que nous allons vivre pour la première fois depuis le crash de 79-82 une stabilisation, il n’exclu même pas la première baisse des prix depuis cette époque. (15)

    81. Les prix des maisons et des terrains à construire ont bien augmenté lors de la première partie de 2008 comparé au premier semestre de 2007 – de 8,1% pour des maisons d’habitation, de 5,5% pour des appartements et même de 9,7% pour des terrains à construire – mais des promoteurs parlent d’une « illusion statistique ». Ils prétendent avoir constaté un point tournant en octobre et sont d’avis qu’une correction est en train de se faire. « Ce ne sera pas de la même force qu’au RU, en Irlande ou en Espagne, disent-ils, mais elle peut durer pendant quelques années. » (16) Pourquoi pas de la même force ? Selon Dick-Jan Abbringh, parce qu’en Belgique, le marché des prêts hypothécaires ne correspond qu’à 34% du PIB contre plus de 100% aux Pays-Bas. (17) Pourquoi pendant quelques années ? Selon Van de Cloot, parce que « on croit de plus en plus au caractère élevé structurel de l’inflation. Si cela se traduit en un taux d’intérêt à long terme fondamentalement plus élevé, nous pouvons oublier un retour à l’époque des prix hypothécaires bons marché. Justement ces prêts là étaient la force conductrice derrière la croissance immobilière de ces dernières années. » (18) N’avons-nous donc rien à craindre ? La KBC ne s’attend pas seulement à une stabilisation des prix des maisons, mais aussi à une chute de la construction. (19) Ce que cela va signifier pour l’emploi dans le secteur de la construction n’a pas encore été chiffré.

    82. Nous saisissons l’occasion de démontrer une autre illusion statistique beaucoup plus grande. Selon le Bureau du Plan, le revenu réel disponible des foyers, donc de salaires, y compris des managers, et d’allocations, mais aussi de fortunes financières et immobilières, connaitrait en 2008 encore une croissance de 0,1% et en 2009 même de 1,8%.(20) Avec « réel », on veut dire en tenant compte de l’inflation. Il faut se poser la question : quelle inflation ? Pour le Financial Times, l’inflation aux USA, qui serait de 2,5%, serait de 8,9% si l’on appliquait la manière de calcul d’avant 1992, qui a changé radicalement depuis !(21) Le chiffre national de l’indexation des prix de consommation, qui serait de 4,7% cette année-ci, contre 4,2% de l’index-santé, et qui serait de 2,7% l’an prochain, contre 2,6% pour l’index-santé, n’est pas du tout une réflexion correcte des véritables augmentations de prix. Ceux-ci sont beaucoup plus importants parce que des postes de dépense importants tels que le loyer y ont un poids inférieur au poids qu’ils représentent dans la réalité. Le loyer compte pour 6,2% (22) Plus de 23% de la population sont des locataires. La consommation d’habitation totale dans notre pays représente d’ailleurs 20% de toutes les dépenses des foyers. (23)

    83. Ceci nous aide immédiatement à comprendre pourquoi le loyer commence à être impayable pour les familles. Une étude commandée par le gouvernement flamand démontre qu’après retrait des dépenses d’habitation, les locataires disposaient en 2005 encore de 881 euros contre, corrigé après inflation, 1041 euros en 1992 ! Le pouvoir d’achat des locataires est fortement réduit depuis 1992, de 86 euros dans la période 1992-1997 et de 161 euros dans la période 1997-2005. En 2005, les locataires détiennent depuis 1992 en moyenne 16% de moins après avoir payé leur loyer qu’en 1992.(24) Ceci a évidemment à faire avec la faiblesse du secteur des logements sociaux qui en Belgique (10%) a un grand retard sur des pays tels que les Pays-Bas (largement 40%), le RU et la Suède

    Hystérie de l’inflation

    84. Les CPAS de Wallonie ont construit un « index de précarité » sur base des dépenses des foyers pauvres. Il apparait qu’un foyer qui vit du revenu d’insertion social de 997€, dépense en moyenne 27% à l’alimentation, et pas moins de 42,5% à l’habitation contre une moyenne de 26% pour toute la Wallonie. L’index de précarité a connu entre janvier 2006 et janvier 2008, donc avant la forte augmentation de l’inflation, une croissance deux fois plus élevée que le chiffre officiel d’indexation. La fédération wallonne des CPAS demande une adaptation urgente du revenu d’insertion sociale, pour une personne isolé de 698 à 860€ et pour une famille avec enfant, de 930 à 1548€. Ceci signifierait selon la Cour des Comptes, une dépense additionnelle de 1,25 milliards d’euros par an si c’est appliqué sur le plan national.(25)

    85. Le Bureau du Plan admet lui-même que le revenu réel des foyers a été « négativement influencé » parce que l’augmentation des prix de l’énergie n’est pas tenu en compte dans l’index-santé qui règle l’adaptation des salaires et des allocations aux augmentations des prix.(26) Cette augmentation n’est pas des moindres. Beaucoup de familles de travailleurs ont toujours été méfiants à propos de la fable selon laquelle la libéralisation du marché de l’énergie réduirait les frais du consommateur. Cette méfiance a été confirmée en octobre 2007. Après Electrabel, c’était aux distributeurs d’augmenter leurs tarifs. (27) En février, la Banque Nationale a demandé des compétences supplémentaires pour le Creg, le régulateur fédéral du marché de l’énergie, afin d’annuler au moins une partie des augmentations de prix.(28) Le Creg lui-même demande de réduire le tarif de la TVA sur l’énergie de 21 à 6%, et une approche plus dure tant vers les producteurs que vers les distributeurs (29). En avril, il est apparu que les dépenses pour se chauffer et se nourrir pour une famille moyenne avec deux enfants vont monter de 676€ en 2008, et pour une personne isolée de 330 €. (30) Vers septembre, le prix du gaz avait déjà augmenté de 48,7% sur base annuelle, celui de l’électricité de 20,7% et on y ajoute que les prix vont encore monter. (31)

    86. À partir de février, les arguments du patronat sur l’hystérie de l’inflation ont définitivement été balayés. (32) Il apparait que les prix des produits alimentaires transformés montent en force depuis la deuxième partie de 2007. Ces augmentations sont d’ailleurs en moyenne de 6% plus élevées qu’ailleurs dans la zone euro. L’abolition du prix du pain réglementé en 2004 a fait monter les prix hors proportion. Sur base annuelle, les prix des produits alimentaires transformés ont monté de près de 9%. (33) Mais lorsqu’il s’agit de son propre commerce, Unizo n’est plus unilatéralement en faveur du marché libre. Au contraire, Unizo n’est pas d’accord avec la Banque Nationale que plus de concurrence et moins de règlementations contribueraient à un niveau de prix plus bas. Dans sa réaction, l’économiste en chef Van de Cloot avertit de surtout ne pas répéter les fautes des années ‘70, lorsque les augmentations de prix ont été compensées par des augmentations générales de salaires. (34)

    Cadeaux fiscaux aux entreprises

    87. « Le mazout : +61%. Le gaz naturel : +52%. Le spaghetti : +42%. Le diesel : +32%. L’essence : +32%. L’électricité : +20%. » C’est ainsi que De Tijd a commencé son éditorial du 31 juillet, comme s’il fallait compenser ses précédents écrits sur l’hystérie du pouvoir d’achat. Même le chiffre officiel de l’indexation, cette illusion statistique, a dû, même si ce n’est que partiellement, refléter de telles augmentations de prix. En juillet, il a atteint 5,91%, le deuxième niveau les plus élevé en Europe, le plus élevé en 24 ans. (35) « Il est plus facile de rejoindre des manifestations pour plus de pouvoir d’achat », écrivait l’éditorialiste du Tijd, comme s’il ne faisait rien d’autre de ses journées, « que de remettre en question des systèmes que nous utilisons depuis des années. Mais nous devons aussi reconnaitre qu’il n’est pas raisonnable de faire payer l’inflation par les entreprises ou les autorités, les employeurs les plus importants, qui n’ont pas cette inflation en main. » Quoi ?

    88. Entre-temps, un sondage de City Bank Belgique a montré que 9 belges sur 10 réduisent leurs dépenses en réaction à la baisse du pouvoir d’achat. C’est surtout sur les loisirs, le chauffage, les vêtements et les appareils ménagers que nous faisons des économies.(36) Les 10% restants n’en ont pas besoin, ils se sont construit une bonne réserve depuis longtemps. Malgré la crise du crédit, les entreprises ont réalisé en 2007 en Belgique un profit record de 79 milliards d’euros, 4 milliards de plus que l’année record précédente, en 2006.(37) Ils ont eu beaucoup d’aide de la part des autorités. Selon le rapport annuel de la Banque Nationale, les entreprises ont reçu, en 5 ans, de 2003 à 2007 compris, 21,85 milliards d’euros en diminutions des contributions patronales à la sécurité sociale. En 2007 uniquement, c’était déjà largement 5 milliards d’euros. De plus, pendant cette même période, ils ont reçu pour 1,28 milliards d’euros de diminution du précompte professionnel, surtout sur le travail en équipe et de nuit (38), dont 730 millions rien que pour 2007.

    89. Mais le vol du siècle a sans aucun doute été la déduction des intérêts notionnels, introduite à partir du 1er janvier 2006 sous le gouvernement violet, un argument que Reynders lance régulièrement à ceux qui le critiquent au sein du PS et du SP.a. Le fait est que la violette avait initialement estimé le coût des intérêts notionnels à 500 millions d’euros, alors que cela coutera 2,4 milliards d’euros annuellement. Selon ce système, des entreprises peuvent déduire fiscalement non seulement l’intérêt qu’elles paient sur des prêts, mais dorénavant aussi un intérêt fictif sur leur propre actif. Cette mesure doit stimuler les entreprises à renforcer leur propre actif et même à encrer l’industrie en Belgique. On veut de cette manière compenser l’abolition des centres de coordination.(39) L’Europe considère ceux-ci comme une aide publique illégale et doivent être dissous au plus tard fin 2010.(40)

    90. Pour les entreprises, qui doivent officiellement payer 33,99% d’impôts, il s’agissait d’un jackpot. Cela réduit le taux d’imposition moyen des entreprises à seulement 25%.(41) Ce n’est donc pas étonnant que, déjà en 2006, 41% des 381.288 entreprises en ont fait usage. Le tout mis ensemble, cette année là a connu 6 milliards d’euros de déduction d’intérêt, dont 37% qui ont été accordé à seulement 25 entreprises. (42) Selon De Tijd, l’intérêt notionnel explique le fait que l’influx de capitaux en Belgique a doublé jusqu’à 72 milliards d’euros en 2006, soit plus que vers la Chine. De Tijd reconnait bien qu’une partie importante de ces capitaux sont des capitaux endormis qui créent à peine des emplois.(43)

    91. Mais la déduction des intérêts notionnels est controversée. En février 2008 déjà, Di Rupo brandissait une liste sur laquelle apparaissait le fait que les entreprises du BEL-20 payaient à peine encore des impôts. (44) Les entreprises publiques sont également passées à la caisse. La Banque nationale a ainsi épargné 17 millions d’euros en taxes ; la SNCB 1,4 millions d’euros et La Poste 8,6 millions d’euros. (45) De plus, le calcul des intérêts notionnels incite à la fraude, pleins d’entreprises cumulant toutes sortes de déductions, d’une telle ampleur que l’administration fiscale a du mettre sur pied un groupe spécial d’intervention pour les combattre. (46) Mais les patrons ne vont pas facilement abandonner leur fleuron. Ils ont même fait appel à la Banque nationale pour relativiser le coût de la mesure. L’avantage fiscal de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises est un coût brut, argumente la Banque Nationale. Sur base de « données provisoires » pour 2006, elle conclut, une année et demi plus tard, que le coût net en 2006 se situerait « quelque part entre 140 et 430 millions d’euros ». (47) La Banque admet d’ailleurs qu’une fois que la mesure arrivera à sa vitesse de croisière, le revenu des impôts des entreprises sera fortement réduit. L’administration fiscale donne des chiffres plus précis, elle a calculé le coût net de la mesure à 1,2 milliards d’euros ! (48)

    92. En terme d’effets sur l’emploi, la Banque Nationale estime « possible » que la mesure aie créé 3.000 emplois. Cela fait entre 46.500 et 144.000 euros par emploi. Si nous prenons les chiffres de l’administration fiscale, cela fait même 400.000 euros par emploi. Si on avait dépensé tout cela pour élever le pouvoir d’achat, l’effet sur l’emploi aurait probablement rapporté des dizaines de fois plus, et qui sait si cela n’aurait pas amené plus d’investissement. Le PS et le SP.a devaient bien essayer de corriger le tir quelque part. Le SP.a avec sa proposition d’une mesure anti-abus, par laquelle l’administration fiscale peut refuser la déduction des intérêts notionnels si la seule intention n’est que fiscale sans création d’emploi. Le PS avec sa proposition de taxe sur la valeur ajoutée sur la vente des actions, tel que cela existe en Italie et en France. (49) Les deux propositions sont restées au frigo.

    93. Depuis 1988, le SP.a et le PS se trouvent au gouvernement, pour le SP.a jusqu’en 2007, pour le PS jusqu’à aujourd’hui. Suffisamment de temps donc, si ce n’est que pendant cette même période, de nombreux dossiers de fraude ont dépassé la prescription. Paul Dhaeyer, chef de la section financière du parquet de Bruxelles, ne le cache pas. « Beaucoup d’étrangers considèrent la Belgique comme un paradis fiscal, depuis des années nous sommes en sous-effectif. Il y avait un manque chronique de moyens. C’était un choix politique. » (50) Aussi, dans le scandale récent à « Liechtenstein Global Trust », au moins une cinquantaine de personnes résidant en Belgique seraient impliqué.

    94. Malgré cela, les patrons et leurs représentants politiques trouvent qu’ils paient encore trop. Et donc, Unizo et Voka plaident pour laisser les entités fédérées déterminer le taux d’imposition des entreprises. Ils pensent pouvoir ainsi réduire les impôts des sociétés jusqu’à 20%. Mais ce n’est pas seulement l’impôt des sociétés qui doit être réduit, les impôts sur les personnes physiques, qui doivent entre autres financer les services publics collectifs, sont selon eux trop élevé. Pour le CD&V Hendrik Boogaert, la pression fiscale aux Pays-Bas serait de 40% du PIB contre 44% en Belgique. « Les impôts doivent donc être réduits de 14 milliard d’euros. », conclut-il, ce qui correspond à 4% du PIB (51).

    95. Ceux qui prônent les réductions de charge argumentent toujours les ‘effets de retour’. Ce que cela vaut, nous le savions déjà, mais cela a été récemment confirmé scientifiquement par deux recherches. Ive Marx, sociologue du CSB à Anvers et Kristian Orsini, doctorant à la KUL, ont constaté tous deux que l’effet des baisses des charges est surestimé. Orsini est d’ailleurs tout sauf quelqu’un de gauche. Il plaide pour une limitation des allocations de chômage dans le temps pour remplacer la baisse des charges. (52)

    Des rémunérations généreuses pour les patrons

    96. Ce qui n’échappe pas non plus à l’attention de beaucoup de familles de travailleurs, ce sont les salaires exagérés des managers des entreprises. Ce n’est pas pour rien que les économistes bourgeois parlent d’avidité, surtout lorsque l’on considère la modération salariale qui a été imposée aux travailleurs depuis des années. L’appel pour plus de contrôles devient de plus en plus pressant. Certainement aux Etats-Unis, où un mouvement, soutenu par les démocrates, s’est créé sous le nom « Say on pay », mais également un peu partout dans le monde, y compris en Belgique. Le patron d’Inbev, Brito, a reçu en 2007 une augmentation salariale de 9%, jusqu’à 4,25 millions d’euros, plus ou moins 375.000 euros par mois ou 12.500 euros par jour. Le patron de Fortis, Votron, a reçu une augmentation de 15% à 3,9 millions d’euros. (53) De nouveau, les patrons des entreprises publiques suivent leurs collègues du secteur privé. Didier Bellens de Belgacom a reçu en 2007 une augmentation de 42%, à 2,7 millions d’euros, à peu près 225.000 euros par mois, même si, depuis, il a dû assainir. Cette même année, Johnny Thijs a allégé la Poste de 900.000 euros, soit 75.000 euros par mois, autant que le salaire combiné d’un bon bureau de Poste de distribution. (54)

    97. Pour Vincent Van Quickenborne (VLD), ce sont les affaires des actionnaires, dans lesquelles les autorités ne doivent pas intervenir. C’est ce même Van Quick qui trouve qu’il y a trop de fonctionnaires. Son camarade De Gucht est plus réaliste. « Pendant que les salaires les plus élevés connaissent un pic, il y a une classe moyenne croissante qui est de plus en plus en difficulté. Ceci fait obstacle au ‘plaidoyer de modération’ dans la sécurité sociale. (…) Le sommet des entreprises doit bien se réaliser qu’il ferait mieux lui aussi de modérer afin de ne pas stimuler des tendances populistes ; les gouvernements de l’occident doivent mieux répartir les fruits de la mondialisation, sans détruire ces fruits. » (55) De Gucht est plus ou moins le prototype du libéral, l’homme de la raison, sans dogme, et évidemment franc-maçon. Ce n’est pas un libéral vulgaire comme Van Quick, qui n’a retenu du libéralisme que le droit de se remplir les poches de façon illimitée. Pour De Gucht, le libéralisme n’est pas une carte blanche pour l’avidité. Il estime évidemment la liberté de l’individu et la propriété privée comme étant supérieure à Dieu, à la Nation, ou à la communauté collective, même si cette liberté mine celle des autres. Ce qui est inacceptable selon lui, c’est que le système même qui permet à l’individu de jouir de cette liberté soit miné.

    98. Le problème de De Gucht, c’est que son système libéral est en contradiction avec les lois de fonctionnement du capitalisme. Il a dû lui-même subir cela lorsqu’il a voulu donner des leçons à Kabila et aux autorités congolaises sur la corruption et l’incompétence. Non seulement Leterme a dû intervenir pour sauver les meubles, en fait surtout les contrats lucratifs, mais en plus, son camarade Pierre Chevalier, nommé représentant belge des Nations Unies au Congo, à condition qu’il délaisse son mandat à Forrest International, avait été en cachette renommé administrateur délégué de Forrest Int. Rik Daems, le tueur de la Sabena, un autre camarade de De Gucht et ancien ministre des télécoms (de 1999 à 2003), aurait agit comme consultant en 2007 pour Belgacom au Qatar. Coïncidence ? Nous ne le pensons pas. Un système basé sur la chasse aux profits a comme conséquence inévitable que certains dépassent les lignes quand ils colorient.

    Actions pour plus de salaire

    99. Il n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs soient insensibles aux arguments de De Tijd et soient bien d’avis qu’il est temps que les patrons et les autorités y mettent de leur poche. Après une année record en 2005, l’année du Pacte de solidarité entre les générations, avec 669.982 journées de grèves enregistrées, il y a eu une pause de deux ans. (56) Il n’y a pas encore de statistique pour 2008, mais il est pratiquement sûr que la courbe de grève cette année fera un saut. On aurait pu le savoir. En avril 2007, quelques grèves spontanées avaient déjà éclaté à Zaventem et chez les fournisseurs de Ford Genk. Le système de sous-traitance, de fournisseur, de travail intérimaire, de travail à temps partiel ou temporaire, avait été mis sur pied afin de diminuer la force des travailleurs. Mais, comme tout système, celui-ci connait aussi ses limites. Dans une carte blanche dans De Tijd, on souligne le fait que « les travailleurs de la ‘périphérie’ (de la production) savent à peine qui est leur vrai employeur, les syndicats les considèrent comme des forces étrangères, et notre modèle de concertation n’a pas prévu de donner à ces travailleurs le sentiment qu’ils font partie du système. » (57)

    100. Chez les fournisseurs de Ford Genk, on savait très bien qui étaient les vrais employeurs. Le fait que Ford Genk pouvait à peine suivre la demande n’avait pas échappé à sa ‘périphérie’. C’était le bon moment de se mettre en action. A commencer par le 14 janvier 2008, à Syncreon, fournisseur de panneaux de portière et de pots d’échappement. Ils ont obtenu 0,47 centimes d’euros et deux boni de 500 euros. Après cela, la vague de grèves spontanées ne pouvait plus être arrêtée. Fin janvier, la vague avait déjà touché 32 entreprises, dont 14 au Limbourg, mais aussi 6 à Liège et 5 à Anvers. C’était surtout le secteur automobile, avec 12 entreprises, et d’autres entreprises métallurgiques (9) qui ont été touchées. (58) Nous n’avions plus vécu une telle vague de grèves spontanées depuis la fin des années ‘60 et surtout le début des années ‘70. Là aussi, les travailleurs avaient le sentiment qu’ils avaient insuffisamment reçu les fruits de la bonne conjoncture.

    101. Agoria, l’organisation patronale du métal, qualifiait ces grèves « d’illégales ». La FEB et le sommet de la CSC ont tempéré et insistaient surtout sur le fait qu’il fallait sauvegarder le modèle de concertation. (59) Finalement, selon Agoria, 42 entreprises du secteur auraient été confrontées à des revendications salariales supplémentaires. Ce n’est pas une coïncidence. Dans le secteur du métal s’applique ce qu’on appelle les « accords all-in » ou leur version adoucie, les « accords saldo ». (60) Le sommet syndical a réussi à faire dévier les revendications pour plus de salaires vers une vague de bonus. Ce système n’était entré en application qu’un mois auparavant. Il détermine que des entreprises peuvent, à un tarif fiscalement intéressant, payer un bonus jusqu’à 2.200€ nets par an au travailleur. (61) C’est attractif, mais nous devons tenir compte du fait qu’on ne paie pas des cotisations sociales et que c’est une mesure unique. Les syndicalistes les plus combatifs ont donc insistés sur des augmentations salariales réelles, ce qui explique la popularité de la revendication « 1€ en plus par heure ».

    102. En mars, les actions pour l’augmentation du pouvoir d’achat ont commencé à toucher le secteur public. Les 24.000 fonctionnaires de l’administration flamande ont exigé une augmentation du pouvoir d’achat de 5% dans la période 2008-2009 avec des augmentations des primes de fin d’année et une cotisation plus élevées de l’employeur en chèques repas. Par voie du futur ex-ministre Bourgeois, le gouvernement a répondu ne pas avoir les moyens et Kris Peeters a menacé de réquisitions si les blocages des écluses n’étaient pas arrêtés. Parallèlement, ils ont avancé des propositions provocatrices pour rendre possible le travail intérimaire et niveler le statut des travailleurs statutaires au niveau de celui des travailleurs contractuels. Finalement, une augmentation salariale minimale de 2% a été imposée. Plus tard, des actions du personnel des CPAS et des communes ont suivi dans tout le pays.

    Premier mai – élections sociales et semaine d’actions

    103. Il fallait que les dirigeants syndicaux expriment tout cela le premier mai. Dans ses discours, la FGTB a revendiqué une augmentation salariale de 10%… pour les prochaines années. En utilisant pour cela l’argent qui va aujourd’hui à l’intérêt notionnel. Jan Renders du MOC : « certains veulent un gros poisson communautaire, d’autres veulent un gros poisson fiscal. Mais nous voulons un gros poisson social. » Luc Cortebeek : « Avec les employeurs, cet automne, il faut arriver à un accord interprofessionnel qui rende possibles des augmentations salariales. Les profits et les salaires des managers ont aussi augmenté. Celui qui ne veut pas y collaborer peut s’attendre à un hiver chaud. »

    104. A nouveau dans la première partie de ce même mois de mai 2008, 1,4 millions de salariés dans à peu près 6.300 entreprises pouvaient voter pour 142.000 candidats pour les comités de prévention et les conseils d’entreprise. C’est le double des candidats que les partis politiques ont présenté lors des élections communales en 2006, 13% de plus qu’en 2004. (62) Pour la CSC, il y avait 68.000, pour la FGTB, 55.000. Contrairement à la majorité des pays de l’OCDE, le degré de syndicalisation net en Belgique a continué à croitre pendant les années 90. Avec degré de syndicalisation net, nous voulons dire seulement ceux qui sont effectivement au boulot, donc pas les pensionnés ni les chômeurs ni d’autres catégories considéré comme membres mais qui ne paient pas de contribution. (63) Pour 2003, les syndicats donnent les chiffres de 1,6 millions de membres pour la CSC, 1,2 million pour la FGTB, et 223.000 pour la CGSLB.(64)

    105. Bien que 1,4 million d’électeurs soit un record, le degré de couverture des élections sociales diminuerait petit à petit. Selon une étude de Hiva, il y a divers raisons : dans les services publics, des élections sociales ne sont organisées presque nulle part, il y a la PME-tisation de l’économie, qui fait qu’il y a plus d’entreprises qui n’atteignent pas le seuil électoral, et il y a la croissance du travail intérimaire et de la construction où des élections sociales ne sont pas organisées. (65) Le degré de participation serait bien retombé un peu, mais il reste, sans obligation de vote, très élevé : 72,4% pour les comités de prévention et 70,6% pour les Conseils d’entreprises. Des jeunes qui peuvent voter, 42,5% ont participé, contre 52,4% en 2004. Probablement, le degré de participation était plus bas dans ces entreprises où des élections sociales n’étaient pas tenues par le passé. (66)

    106. Comme nous l’avions pensé, les élections sociales n’ont pas amené de très grands glissements. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, la CGSLB n’a de nouveau finalement pas obtenu les 10%. La FGTB a avancé légèrement, tant en Flandre qu’en Wallonie. La CSC a reculé légèrement, mais gagne à Bruxelles. Les listes séparées de cadre, de la Confédération Nationale des Cadres, et les listes individuelles d’entreprises ont fortement perdu. Un phénomène classique lors de l’augmentation de la lutte des classes, c’est que le mouvement entraine différentes couches à différents moments. Pendant qu’une avant-garde tire déjà ses premières conclusions politiques, il y a des couches qui viennent seulement de rejoindre le mouvement et qui reflètent encore la phase précédente du développement. (67) Nous ne pouvons donc pas concentrer notre attention sur la stabilité apparente des résultats généraux. Au contraire, lorsque l’on regarde de plus prêt, la FGTB a gagné dans les entreprises, surtout dans le secteur automobile, où des actions sur le pouvoir d’achat ont été menées plus tôt dans l’année. En général, les délégations syndicales qui sont connues comme étant combatives ont gagné, indépendamment du syndicat auquel elles adhèrent.

    107. En juin, les délégations nouvellement élues étaient déjà confrontées à un test important, lorsque les directions syndicales ont annoncé une semaine nationale d’action pour le pouvoir d’achat. A peu près partout, la mobilisation était très forte, 80.000 travailleurs au total ont répondu à l’appel. Celui qui prétendait que le débat sur le pouvoir d’achat ne vivait pas en Wallonie a eu sa réponse. Les manifestations à Liège, Mons, Namur et même Arlon, étaient systématiquement plus grandes qu’en Flandre. A Anvers et à Hasselt, tout comme en Wallonie, différentes entreprises ont spontanément fait grève. La présence de beaucoup de femmes, mais surtout de jeunes, souvent élus pour la première fois, démontre qu’une nouvelle couche combative a pris sa place. Rarement nous avons reçu une telle ouverture, tant pour notre programme que pour notre appel aux syndicats de casser les liens avec leurs partenaires politiques traditionnels. Là où les syndicats ont optés pour des actions « nouvelles », telles que « Foodstock » à Gand ou des ballades en vélo ou d’autres inventions de ce type à Bruges et à Courtrai, la mobilisation était faible. La méthode d’action ne correspondait pas à la demande de la base.

    Le droit de grève restreint ?

    108. « Les actions d’une minorité pour plus de salaire sont absurdes » déclare Caroline Ven, anciennement active dans le service d’étude de l’organisation patronale flamande VKW, et désormais économiste en chef du Cabinet du Premier Ministre Leterme, qui est pourtant officiellement de tendance ACW (MOC en Flandre). (68) « Ils n’ont jamais été aussi forts et pourtant ils n’ont jamais eu aussi peu à dire », déclare un élu de la chambre du CD&V- qui n’a pas de cachet ACW. (69) Caroline Ven et les patrons essayent, en fait, de toujours présenter les actions comme de l’aventurisme d’une minorité bruyante, contre laquelle la majorité silencieuse n’ose pas se rebeller. De cette manière, on prépare l’opinion publique aux restrictions sur le droit de grève.

    109. En avril 2007, le personnel de sécurité et les pompiers de l’aéroport de Zaventem ont commencé une grève spontanée. 26.000 passagers ont été bloqués. L’avocat de droite Peter Cafmeyer qui, pendant le Pacte des Générations, était déjà le conseiller juridique des patrons ayant subis des pertes à cause de la grève, s’est attaqué à cette grève. Cafmeyer a réussi à laisser payer 500 passagers pour plaider une affaire contre 46 employés et CSC-Transcom. Pour retrouver l’identité de ces 46 employés, il a fait appel à des détectives privés. Cafmeyer a agi de sa propre initiative et il est peu probable qu’il gagnera cette affaire qui a été reportée à la fin de l’année 2009. Cela n’empêche pas Rudi Thomaes de la FEB d’espérer un procès, selon ses propres dires. « Une condamnation ferait réfléchir les autres avant qu’ils ne passent à des actions inacceptables ».

    110. Selon Thomaes, ce n’est pas une atteinte au droit de grève. (70) Pour lui, le droit de grève doit exister, mais doit être réglementé à un tel point que dans la pratique il ne reste presque plus rien. Mais cela aussi à ses limites. Ainsi Guy Cox, directeur général du service de médiation collective du travail, estime que les procédures de concertation moyennes prennent tellement de temps que la pression de la base devient trop forte. (71) D’une manière ou d’une autre, les grèves spontanées sont attaquées. En août 2007, Ryanair a menacé de partir de Charleroi si les syndicats n’acceptaient pas un service minimum, et ils ont également exigé une indemnisation immédiate d’un million d’euros pour la grève spontanée du 15 juin. En mai 2008, le Ministre wallon du transport, André Antoine, a jugé une grève de la TEC comme étant une habitude « inadmissible ». Presque au même moment, l’Open VLD a plaidé pour la prestation d’un service minimum à la SNCB. Pour Vervotte, Ministre responsable des Services Publics, c’est une mesure “inapplicable”, mais elle a affirmé en même temps vouloir discuter sur des procédures plus strictes, plus claires et plus responsables des mouvements spontanés. (72)

    111. En août 2008, la discussion est revenue sur table à la suite d’une grève spontanée des bagagistes. Dans un premier temps, toutes les responsabilités étaient mises sur le dos des grévistes mais, pour une fois, l’attention de la presse a commencé à se déplacer également sur les conditions de travail intenables. (73) Même De Tijd qui, dans son édito du 12 août avait plaidé pour dresser une liste des services stratégiques, a dû remettre une balance dans le journal du samedi. « Ce qui est arrivé cette semaine à Zaventem est la conséquence du rachat de l’activité de l’aéroport… La sous-traitance a aussi des inconvénients. Que devons-nous proposer par un service minimum dans ce cas ? Que seuls les bagages des passagers de la classe Business soient emmenés ? D’ailleurs, le traitement des bagages est-il un service essentiel ? Non. Le trafic aérien n’est plus une affaire du gouvernement, il a été privatisé il y a déjà longtemps. » (74) Compare cette attitude à l’accord que les syndicats ont signé avec la direction de la SNCB, accord qui dit notamment qu’une grève spontanée peut être une raison acceptable pour un licenciement.


    (1) De Tijd, 25 juillet 2008, Financieële crisis kost Belgiëen 50 miljard euro

    (2) De Tijd, 28 juillet 2007, Belgiëen samen 71 miljard rijker dan verwacht.

    (3) Le Soir, 25 juin 2008, La Belgique abrite 72.000 millionaires.

    (4) De Tijd, 5 avril 2008, Belgische bedrijven geven aandeelhouders 10 miljard

    (5) Le Soir, 2 juillet 2008, La pire chute depuis 21 ans.

    (6) Le Soir, 29 juillet 2008, L’action Fortis vaut une demi G-Banque.

    (7) De Tijd, 20 septembre 2008, “Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar”.

    (8) BNB, indicateur économique pour la Belgique, 19 septembre 2008.

    (9) De Tijd, 8 janvier 2008, Ondernemingen trekken investeringen dit jaar op

    (10) The Economist, country briefings, fact sheet par pays

    (11) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (12) De Tijd, 10 septembre 2008, Belgische afzetmarkten op rand van recessie

    (13) KBC épargner et investir, 5 septembre 2008, Wanneer de zon schijnt in New York …

    (14) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008.

    (15) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (16) De Tijd, 26 août 2008, Hogere vastgoedprijzen zijn statistische illusie et Le Soir, 26 augustus 2008, Prix en hausse, baisse en cours

    (17) De Tijd, 20 septembre 2008, ‘Grote ontslagronde bij Belgische banken onvermijdbaar’

    (18) De Tijd, 26 août 2008, De onvermijdelijke correctie op de vastgoedmarkt is begonnen.

    (19) De Tijd, 4 avril 2008, Economen verwachten afvlakking huizenprijzen

    (20) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (21) Financial Times, 7 septembre 2008, Government lies and squishy ethics

    (22) La liste complète des produits et de leur poids dans le panier de l’index peut être trouvé sur le site du Service Public fédéral sous index des prix à la consommation ou ici : http://www.statbel.fgov.be/indicators/cpi/cpi1_fr.pdf

    (23) BBSH Bouwen aan Vertrouwen in de Woningmarkt, Ruimte geven, bescherming bieden Een visie op de woningmarkt

    (24) De Morgen, 30 juillet 2008, Woning huren wordt voor gezinnen onbetaalbaar

    (25) Le Soir, 30 août 2008, La crise cogne d’abord les précaires.

    (26) Bureau fédéral du Plan, communiqué 12 septembre 2008

    (27) Le Soir, 13 octobre 2007, Le gaz en hausse (épisode II)

    (28) De Morgen, 23 février 2008, Gas en electriciteit toch fors duurder

    (29) De tijd, 19 janvier 2008, Creg vraagt lager btw-tarief voor energie

    (30) La Libre, 12 avril 2008, Selon Olivier Derruine van de studiedienst van het CSC

    (31) Le Soir, 19 septembre 2008, Le prix du gaz enflera encore

    (32) L’édito de De Tijd du 30 janvier 2008 a pour titre: “inflatiehysterie » et l’éditorialiste conclu : « il est important de ne pas prendre des mesures hâtives. Puisque jusqu’ici, il n’y a vraiment pas de raison de créer de l’hystérie sur l’inflation. »

    (33) BNB, Indicateurs économiques pour la Belgique, 19 septembre 2008

    (34) De Tijd, 23 fevrier 2008, Belg betaalt levensmiddelen te duur

    (35) Le Soir, 31 juillet 2008, Pas d vacances pour l’inflation

    (36) De Tijd, 22 mai 2008, Negen op de tien Belgen schroeven uitgaven terug

    (37) De Tijd, 14 fevrier 2008, Bedrijfswinsten stijgen tot record van 79 miljard euro, sur base du rapport de la Banque Nationale

    (38) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 98 tableau 25

    (39) Les centres de coordination ont été introduits à la fin de l’année 1982 comme un régime fiscal favorable aux entreprises belges ou aux multinationales avec des filiales belges. Pour en illustrer l’importance : le 31 décembre 1997, 236 centres de coordination ont assuré 11,4% des profits avant impôt et 13,5% après impôt pour l’ensemble des entreprises belges. Ces mêmes centres de coordination n’ont pourtant payé que 0,82% des impôts de sociétés. Voir : taxincentives : analyse van de impact van notionele interestaftrek – Riet Janssens – http://statbel.fgov.be/studies/ac735_nl.pdf

    (40) Rapport annuel de la Banque Nationale, 2007, p. 159

    (41) De Tijd, 27 octobre 2007, Didier Reynders, vader van de notionele intrestaftrek

    (42) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (43) De Tijd, 27 octobre 2007, Heldere belastingen

    (44) De Tijd, 12 février 2008, Bel 20’ers betalen amper belastingen

    (45) Le Soir, 5 mars 2008, Les entreprises publiques profitent des notionnels

    (46) De Tijd, 27 octobre 2007, Van ‘double dip’ tot misbruik

    (47) Le Soir, 24 juillet 2008, La BNB clémente avec les intérêts notionnels

    (48) De Tijd, 20 août 2008, Bijna helft firma’s pas notionele rente toe

    (49) De Tijd, 25 janvier 2008, ‘U vernietigt de notionele intrestaftrek’

    (50) De Tijd, 31 mai 2008, ‘Achterstand was politiek keuze’

    (51) De Tijd, 5 avril 2008, ‘Belastingen moeten met 14 miljard euro omlaag’

    (52) DeTijd, 7 mai 2008, Effect lastenverlaging wordt overschat

    (53) Le Soir, 3 avril 2008, Salaire des patrons: “une affaire des actionnaires.”

    (54) L’Echo, 15 mars 2008, Les salaires fous du secteur public

    (55) De Morgen, 24 mars 2007, Karel De Gucht bindt de strijd aan met de toplonen.

    (56) Site des autorités Fédérales, grèves

    (57) De Tijd, 19 avril 2007, De opstand van de periferie

    (58) De Tijd, 31 janvier 2008, Stakingsgolf januari trof 32 privebedrijven

    (59) De Tijd, 31 janvier 2008, ACV en VBO willen vermijden dat stakingsgolf escaleert

    (60) Dans les accords all-in, la norme salariale est un plafond absolu qui ne peut pas être dépassé, même pas si l’index-santé dépasse la norme salariale. Dans des accords saldo, le même principe s’applique, mais sans pouvoir toucher à l’indexation. Dans De Standaard du 13 avril 2008, un exemple concret est calculé. (61) De Standaard, 28 septembre 2007, Akkoord over loonbonus

    (62) De Tijd, 30 avril 2008, 13 procent meer kandidaten voor sociale verkiezingen

    (63) Monthly Labour Review, janvier 2006, Union membership statistics in 24 countries

    (64) Le Soir, 5 mei 2008, Les Belges et le syndicat: l’amour-haine

    (65) De Tijd, 4 april 2008, Amper een op drie kan stemmen

    (66) De Tijd, 11 september 2008, Liberale vakbond haalt 10 procent toch niet

    (67) Trotsky explique ce phénomène dans son livre sur la révolution russe lorsqu’il décrit la situation en juin 1917. C’était au moment où les partis du gouvernement provisoire, qui avaient été portés au pouvoir lors de la révolution de février, perdaient le soutien des travailleurs et des soldats les plus actifs et conscients à l’avantage des bolcheviks, du moins dans les grandes villes. La surprise était donc grande, surtout chez elle-même, lorsque le plus grand parti gouvernementale, les SRs, gagnaient les élections avec plus de 60%. Trotsky dit là-dessus que la révolution de février avait provoqué beaucoup de poussière et avait fait un impact sur, avec quelques mois de retards, beaucoup de valets de maisons et d’écuries. Ceux-ci adhéraient logiquement chez ceux que la révolution de février aveint mis au pouvoir, c’est-à-dire les sociaux-révolutionnaires. Ils n’étaient pas encore conscients du frein que ce parti représentait, ceci ne serait compris généralement qu’après le coup échoué du général Kornilov en août 1917. Trotsky remarquait que les révolutionnaires doivent baser leur politique sur les couches les plus actives et conscientes parce que celles-ci reflètent le mieux les conditions réelles et ne doivent donc pas se baser sur les couches qui ne commencent à s’intéresser au changement qu’avec un certain retard.

    (68) De Tijd, 10 mai 2008, ‘Acties van een minderheid voor meer loon zijn absurd’

    (69) De Standaard, 27 avril 2008, Wij zijn allen ACW’er

    (70) Le Soir, 28 avril 2008, Raid surprise sur grève sauvage

    (71) De Tijd, 21 avril 2007, Hoe wild is wilde stakingsactie

    (72) Le Soir, 21 mai 2008, Grève: les priorités de la ministre.

    (73) Le Soir, 12 août 2008, Pourquoi les bagagistes débrayent en plein coup de feu.

    (74) De Tijd, 16 août 2008, De cruciale rol van bagagesjouwers

  • Le MAS évalue le CAP et son rôle dans la création d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique

    Le CAP était un essai louable pour la création d’un nouveau parti des travailleurs mais il s’est heurté aux obstacles sur son chemin

    Comité National du MAS, 3-4 Mai

    1. Que la création d’un nouveau parti des travailleurs ne serait pas un processus linéaire, nous le savions au travers des expériences internationales de plusieurs sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et nous l’avions déjà écrit à de nombreuses reprises. L’expérience du CAP illustre que diverses étapes devront être parcourues avant de pouvoir réussir vraiment un nouveau parti.

    2. Le processus de formation d’un organe politique de lutte pour la classe des travailleurs est déterminé dans chaque pays par la situation objective spécifique, l’organisation de la classe des travailleurs, les groupes de gauche existants,… En Belgique, comme nous le disions déjà dans le passé, le processus devrait inévitablement passer par l’étape de cassure massive de la part de la base syndicale avec sa direction social-démocrate et ses partis: le SP.a et le PS. La lutte contre le Pacte de Solidarité entre les Générations portait en soi, selon nous, des éléments d’une telle cassure. C’est sur base de cette lutte qu’un socialiste “classique” tel que Sleeckx et l’ancien président de la FGTB Debunne sont arrivés à la conclusion qu’à côté du SP.a, il fallait un nouveau parti pour la classe des travailleurs. Ce constat a été porté par un groupe important de syndicalistes en Flandre. Faire un constat correct est une chose, prendre une initiative politique adaptée, avec l’approche et le programme nécessaire pour faire aboutir un tel parti en est une autre. C’est ce que nous avons pu vivre dans la pratique ces deux dernières années.

    3. Le Comité pour une Autre Politique avait un potentiel important et il était donc à 100% nécessaire que le MAS/LSP avec quelques centaines de syndicalistes, de militants et de gens de gauche saisissent ces possibilités afin de réunir les forces et de lancer un nouveau parti large des travailleurs.

    4. La lutte des classes n’est pas un jeu de société, mais une lutte qui exige du sérieux et de l’acharnement, vu le caractère impitoyable de notre adversaire, la classe des capitalistes. Celle-ci a déjà suffisamment prouvé qu’elle ne se gênait pas pour museler la classe des travailleurs. La violence brutale est une méthode qu’elle utilise, mais la ruse, la tromperie, la corruption, la trahison,… sont souvent des méthodes plus subtiles. Face à cela, la classe des travailleurs à besoin d’un organe politique résolu, inflexible qui s’attaque avec un programme clair aux forces qui défendent les intérêts de la classe dominante et qui sont donc irréconciliables avec les intérêts des la classe laborieuse. La détermination, la clarté, l’ouverture (vers l’intérieur et vers l’extérieur) et un programme pour la classe des travailleurs sont indispensables si l’initiative veut avancer dans la direction d’un nouveau parti. Malgré la bonne volonté de bon nombre de ses membres, le CAP s’est heurté à plusieurs reprises à des obstacles sur la voie vers un tel parti.

    5. Ce texte a comme objectif de faire une évaluation solide des deux années où le CAP a été un pôle d’attraction pour certains parmi les couches les plus conscientes de la classe des travailleurs. Cette évaluation ne sera pas seulement utilisée en interne au MAS/LSP afin de décider notre attitude face au CAP actuel. Mais elle sera aussi publiée afin de s’intégrer dans l’analyse et le débat qui découle de cette première étape dans le processus de la création d’un parti pour la classe des travailleurs.

    6. Le contexte politique dans lequel les développements dans et autour du CAP se sont déroulés est essentiel. Dans un article approfondi paru dans le magazine Marxisme.Org, nous avions expliqué les développements politiques et sociaux qui ont menés à la création du CAP. Le lecteur pourra trouver des analyses et des commentaires sur les activités et les développements du CAP dans les dizaines d’articles publiés dans notre mensuel Alternative Socialiste et sur notre site www.socialisme.be, Ceux-ci sont déjà une source riche sur l’histoire du CAP. Ce texte a comme objectif de lier les divers points, de remplir les trous, d’offrir une vue d’ensemble des discussions les plus importantes et d’offrir une évaluation après les faits. Nous espérons qu’il sera une contribution pour tous ceux qui ont été impliqués dans une année et demi de fonctionnement du CAP et pour ceux qui s’impliqueront dans les futures initiatives de la classe des travailleurs pour se créer un organe politiquement indépendant.

    L’appel de Sleeckx reçoit du répondant

    7. C’est au début août 2006, période creuse dans les médias. Depuis novembre 2005, des articles étaient paru sporadiquement, notamment dans Knack, dans lesquels Jef Sleeckx exprimait son désaccord avec la politique du SP.a et suggérait la nécessité d’un nouveau parti. Le 2 août 2006, De Morgen publie un article sur les plans de Sleeckx. Très vite les événements s’enchaînent et des articles suivent dans tous les journeaux et magazines – Knack, Menzo, P-magazine, … Les titres parlent d’eux-mêmes : « Nouveau parti des travailleurs sur le chantier » (De Morgen, 02/08/06) et « Nouveau parti des travailleurs en automne » (De Standaard, 02/08/06). Ces titres et le contenu des articles ont créé un enthousiasme énorme dans un public large, en quelques jours des centaines de personnes intéressées s’inscrivent pour recevoir le bulletin d’information électronique du CAP ou envoient des mails et des lettres pour communiquer leur soutien. En même temps que l’enthousiasme, l’attention des médias a aussi fait naître des attentes : à l’automne un nouveau parti va se créer – c’est exactement ainsi que le CAP à été annoncé au grand public. Hélas, à ce moment, le CAP était déjà entré dans l’impasse de la recherche de compromis avec Une Autre Gauche (UAG). Et au lieu d’arriver à un compromis permettant d’aller de l’avant, le CAP a été pendant plus qu’un demi-an mené en bateau et finalement aussi largué.

    8. En politique, le sens du moment est une arme importante. Lors de la création d’un nouveau mouvement politique, il faut utiliser la période limitée d’attention et d’enthousiasme. La stratégie qui consistait à essayer d’arriver à des compromis avec tout le monde, y compris un chien avec un chapeau, a conduit le CAP dans impasse qui a fait que les centaines de personnes vraiment intéressées qui ont pris contact pendant l’été ont dû prendre place dans la salle d’attente sans savoir si un jour ils seraient reçus. Ainsi, il a encore fallu 4 mois, soit jusqu’au 15 décembre, avant qu’une carte de membre puisse être proposée aux gens intéressés. En ce qui concerne la clarté sur une participation indépendante aux élections, il a fallu attendre encore plus longtemps.

    9. Depuis quelques mois, avant que se déclenche l’orage médiatique, diverses réunions locales se sont déroulées de “l’initiative Sleeckx” qui deviendra plus tard le Comité pour une Autre Politique. En janvier 2006, Sleeckx avait accepté notre invitation à une rencontre avec le Bureau exécutif du MAS/LSP. La base pour la discussion était entre autre le rencontre intéressante que Jef a eu avec un petit vingtaine de délégués syndicaux du secteur de chimie en Anvers. De cette rencontre il apparait clairement que non pas seulement Jef était préparé de lancer un appel, mais aussi qu’une initiative de Jef pouvait compter d’un large soutien parmi les syndicalistes. Cette rencontre était une première expérience importante qui nous mettait à inviter Jef pour une discussion. Pendant cette conversation, il est apparu clairement que Sleeckx et un certain nombre de ses partisans (Lode Van Outrive, Raf Verbeke, Theo Mewis) avaient l’intention de lancer une campagne pour un nouveau parti large et qu’ils tendaient la main aux organisations existantes pour qu’elles participent à l’initiative tout en gardant leurs spécificités. Selon l’explication de Jef, il était clair que, sur un nombre important de questions, ils avaient des positions proches de celles du MAS/LSP. Tout d’abord, que l’initiative ne devait pas s’orienter principalement vers la gauche radicale, mais vers le nombre important de travailleurs et de jeunes qui n’ont plus de toit politique et sont à la recherche d’une alternative de gauche claire. Ensuite que nous avions besoin d’un parti national au delà des frontières linguistiques afin de pouvoir surmonter les discussions communautaires. Et finalement qu’un nouveau parti des travailleurs serait capable, à travers la lutte et un programme pour la classe de travailleurs, de reprendre des voix au Vlaams Belang et donc qu’un profil anti-raciste serait très important. Sur base de ces conditions, le MAS/LSP s’est directement rangé derrière l’initiative de Jef et a proposé d’organiser ensemble un certain nombre de meetings locaux afin de tâter le terrain.

    10. Après la discussion nous avons proposé de lancer un appel pour un grand rassemblement en automne avec l’objectif de rassembler 5 à 600 personnes. Ce n’est que de cette manière que la campagne pouvait être concrétisée et qu’une mobilisation pouvait être faite afin de pouvoir à un certain moment évaluer les forces participantes. Ainsi l’idée d’organiser “une journée pour une autre politique” le 28 octobre 2006, soit un an après la manifestation de 100.000 syndicalistes contre le Pacte de Solidarité entre les Générations, a pris forme. La journée s’est finalement déroulée avec 650 présents.

    UAG entre en scène

    11. Le 22 février 2006 est paru dans La Libre Belgique un appel pour “Une Autre Gauche” signé par Carine Russo (qui se présentera finalement sur la liste d’Ecolo en 2007 et y obtiendra presque 58.000 voix de préférences), Jef Sleeckx, Nadine Rosa-Rosso (l’ancienne secrétaire générale du PTB) quelques professeurs d’université, des syndicalistes et les initiateurs, Freddy Dewille (POS), Alain Van Praet (ex-POS et délégué CSC) et Corine Gobin (prof à ULB). Ce texte commençait en force « Il est urgent de repenser la gauche. » Et finissait ainsi : « Nous invitons tous ceux et toutes celles qui ne veulent pas se résigner au désordre établi actuel, qui refusent de s’incliner devant la prétendue fatalité de la crise, qui excluent d’observer sans réagir la montée de la « peste brune », à se regrouper pour commencer à construire une alternative transformatrice de la société. » Pas mal en terme de phraséologie. Mais, après coup, beaucoup de bruit pour pas grand chose.

    12. UAG s’est réunie pour la première fois le samedi 11 mars 2006. Parmi les 35 présents, il y avait quelques membres du MAS/LSP et quelques membres du CAP. La discussion s’est relativement bien passée, bien que beaucoup de questions subsistaient sur quel type d’initiative était nécessaire. Il a été décidé de se réunir à nouveau le 1er avril après concertation avec Sleeckx.

    13. Le 1er avril s’est donc tenue la réunion suivante d’UAG, avec 45 présents, dont une dizaine de membres du MAS/LSP et Jef Sleeckx. On s’y est accordé après un long débat sur le fait de distribuer un tract commun le 1er mai. Des projets et des propositions pouvaient être envoyés à Nadine Rosa-Rosso et des volontaires devaient se réunir le lundi de Pâques (12 avril) afin de discuter et de décider du tract.

    14. Le processus pour en arriver à un tract du 1er mai a tout de suite illustré le problème de méthode de fonctionnement au sein d’UAG, qui deviendra plus tard insurmontable. Les initiateurs considéraient UAG comme leur propriété personnelle et exigeaient par conséquent un droit de veto sur toute discussion et décision. Dans la discussion sur le tract du 1er mai beaucoup – énormément – de divergences politiques sont apparues. Mais il y avait néanmoins parmi les 30 individus à cette réunion la volonté politique d’aboutir à un tract commun. Après 2 heures de discussion, un petit groupe de travail a été formé pour écrire mot par mot un tract acceptable pour chacun. Ce groupe a réuni Bart Vandersteene et Griet VM du côté néerlandophone, Nadine Rosa-Rosso, Ataulfo Riera (POS) et quelques autres du côté francophone. Puis le projet de tract a été lu à haute voie aux présents et a été accepté avec enthousiasme sous les applaudissements. En réponse à tous les préjugés, il était démontré que la collaboration était possible. Mais les 30 braves qui se sont réunis ce lundi de Pâques afin d’écrire le tract n’avaient, dans leur enthousiasme, pas tenu compte des initiateurs d’UAG. Ceux-ci, qui ne savaient pas être présents ce lundi, n’ont pas été non plus d’accord après coup avec le contenu, ont changé le tract à leur gré et ont imposé leur version comme celle qu’UAG allait distribuer le 1er mai.

    15. Le MAS/LSP à condamné cette méthode et refusé de distribuer le tract UAG : il a donc distribué le tract CAP dans les deux langues partout dans le pays. L’attitude des initiateurs d’UAG et encore plus l’acceptation de cette méthode par un nombre important d’UAG a illustré non seulement le caractère des initiateurs, mais surtout le caractère que toute l’initiative prenait. Chaque discussion portant sur le contenu se terminait en injures où les procès d’intentions et la méfiance étaient injectés comme un poison. Le POS/SAP (maintenant LCR/SAP) porte la responsabilité de cette méthode. Le contenu des discussions n’était pas négligeable et il était urgent de l’approfondir, mais cela ne s’est jamais fait de façon sérieuse.

    Quelles étaient les divergences politiques les plus importantes?

    Dans les paragraphes qui suivent nous voulons profondément entrer sur les différences d’opinion importantes qui parcouraient le CAP et UAG et qui sont apparu insurmontable pour arriver à une coopération. L’attention large qu’on donne à cet élément dans ce texte a tout à faire avec les arguments de contenu, qui vont selon nous revenir toujours de nouveau dans l’avenir s’il y a des initiatives envers un nouveau parti des travailleurs. La place qu’on donne ici n’est d’aucune manière une expression du poids dans la société qu’on donne à des organisations comme UAG et d’autres qui ont défendus leurs méthodes et programme.

    Avons-nous besoin d’un nouveau parti des travailleurs ou plutôt d’une recomposition de la gauche radicale?

    16. Un nouveau parti des travailleurs se crée selon nous après que la classe des travailleurs ait constaté à travers la lutte qu’elle ne dispose plus d’un instrument politique. La social-démocratie, qui depuis longtemps a à sa tête une direction pro-capitaliste, a été pendant longtemps le lieu de rassemblement des travailleurs les plus politisés. Dans les années de croissance économique inédite d’après la 2e Guerre mondiale, elle a pu, malgré son rôle traître, se créer une aura de lutte pour la justice sociale et pour les intérêts de la classe des travailleurs. Elle s’est accaparé les progrès obtenus. Pourtant c’est souvent malgré la direction social-démocrate que les travailleurs ont arraché des concessions. La phase de néolibéralisme, commencée dès le début des années ’80 avec la politique de Thatcher, Reagan,… a été renforcée par la chute du stalinisme. La social-démocratie qui avait jusque là exprimé de façon déformée la politique de la classe des travailleurs, a rejeté toute référence au socialisme et à la lutte des travailleurs et est devenue le meilleur exécuteur des plans et des intérêts de la bourgeoisie, justement à cause de son lien historique avec les sections les plus combatives du mouvement ouvrier.

    17. Une classe de travailleurs dépourvue de voix politique et donc de cadre idéologique fait parfois des sauts étranges dans sa conscience et son comportement électoral. La baisse de conscience de la classe explique pourquoi toute une série de populistes, de tendance droitière et néo-fasciste, ont pu récolter des votes parmi ceux qui avaient quitté la social-démocratie par dégoût. Il faudra une lutte profonde avant qu’une masse critique se rassemble pour la création d’une nouvelle expression politique de la classe des travailleurs. Une telle formation aura comme tâche importante de remettre à l’ordre du débat politique une approche de classe.

    18. L’appel à une “recomposition” de la gauche radicale, par contre, est de fait le cri désespéré et pessimiste des perdants de la gauche radicale. C’est l’expression du moral de ceux qui ont essayé en vain au cours de ces 25 dernières années de construire un mouvement de la gauche radicale et qui cherchent, après leur défaite, la chaleur d’un foyer afin de digérer « ensemble » leurs défaites. Car soyons honnêtes, l’existence séparée de quelques groupes de la gauche radicale n’est pas le problème fondamental. Additionnons-les et nous n’arrivons toujours qu’à une petite organisation. Le problème avec lequel la classe des travailleurs est confrontée, c’est qu’il n’existe pas un parti de quelques dizaines de milliers de membres, où des opinions et des courants idéologiques divergents coexistent dans un débat ouvert. Un parti qui par sa présence incite à l’action et au débat.

    19. Qu’il existe aujourd’hui divers groupes de la gauche radicale avec divers programmes, diverses méthodes,… est le produit du 20e siècle qui a été un siècle de tentatives manquées de construire une société socialiste. A travers des dizaines de révolutions, en Russie, en Chine, en Allemagne, en Espagne, au Chili, au Portugal, au Nicaragua, à Cuba, … la classe des travailleurs a essayé de renverser la société capitaliste et de construire une société sans classes. Partout des erreurs terribles ont été commises, ou alors, comme cela a été le cas en Russie, une révolution réussie s’est bureaucratisée à cause de son isolement. Toute ces défaites et erreurs ont conduit à des analyses et des conclusions différentes et donc des organisations différentes. De cette manière, nous portons l’histoire du mouvement ouvrier avec nous.

    20. Le problème avec la “recomposition de la gauche”, c’est que ce concept ne considère pas les tâches politiques d’aujourd’hui comme les conclusions de la lutte des classes, avec ses phases de montée et ses phases de recul, mais comme une affaire interne à la gauche radicale.

    21. C’est un concept qui en même temps exprime aussi un manque de confiance en la capacité de la classe des travailleurs de reconstruire, même après une défaite comme celle de la chute du stalinisme, leur propre parti. Ces concepts différents mènent à des méthodes et des programmes totalement différents. Qui est l’acteur principal dans ce processus? La nouvelle génération de la classe des travailleurs qui veut lutter pour une nouvelle voix politique où plutôt les protagonistes de la gauche radicale qui veulent en arriver à un accord entre eux et qui, pour cela, doivent donc nier le 20e siècle?

    Avons-nous besoin d’une initiative qui part de la lutte contre le néolibéralisme où d’un projet anticapitaliste?

    22. La lutte contre le néolibéralisme et la défense des intérêts des victimes du néolibéralisme : c’était selon nous la base sur laquelle une nouvelle initiative pouvait être lancée. Cette ligne de rupture est un remplissage populaire et actuel des contradictions de classe dans la société. C’est une ligne claire. Selon UAG l’initiative devait avoir dès le début un caractère anticapitaliste. Cela exprimait de manière populaire les contradictions de classes dans la société. Pour UAG par contre, l’initiative devait avoir une étiquette clairement anticapitaliste.

    23. Pour nous la proclamation d’une initiative comme anticapitaliste ou de gauche n’est pas en soi le principal. Il y a des partis en Europe qui se disent de gauche et même anticapitalistes et qui participent en même temps à la politique néolibérale. En Allemagne, Die Linke participe aux gouvernements locaux dans les Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et de Berlin, où elle applique une politique néolibérale désastreuse. C’est pourquoi le WASG Berlin a de justesse opté pour ne pas se présenter avec Die Linke aux élections régionales de septembre 2006, mais pour se présenter indépendamment. Comme Lucy Redler, porte-parole du WASG-Berlin, le disait: « Quelle est la crédibilité d’un parti qui parle du socialisme le dimanche et applique des assainissements le lundi ». Un autre exemple est le Parti de la refondation Communiste (PRC) en Italie, qui se dit de gauche et anticapitaliste tout en participant au gouvernement Prodi, en y ayant des postes de ministre et en étant ainsi coresponsable de la politique et de l’échec de ce gouvernement. On n’est pas nécessairement plus à gauche ou plus clairement anticapitaliste en se donnant ce titre, mais par ce qu’on fait en pratique. Le PRC, un parti qui n’a pas seulement un profil anticapitaliste, mais qui porte même le communisme dans son nom, vient de perdre tous ses parlementaires dans les élections récentes. Un parti avec plus de 100.000 membres a été démoli en une participation gouvernementale. Le sommet recherche déjà des postes dans la formation social-démocrate nouvellement construite et la base est délaissée, étonnée et indignée. Le PRC avait parlé à l’imagination partout en Europe et était devenu le point de référence pour beaucoup. Dans ce sens, sa défaite est une tragédie pour la gauche au niveau international. La thèse de base d’une nouvelle initiative doit selon nous contenir un rejet de la politique néolibérale et un rejet très clair de participation à cette politique. Après lequel suit évidemment la discussion sur le programme avec lequel cela est le mieux possible. MAS va dans ces discussions toujours défendre un programme anticapitaliste, même plus : un programma révolutionnaire. Mais cela n’est pas pour nous une condition pour notre participation dans un nouveau parti. Nous pouvons accepter si la tendance dominante dans le mouvement ouvrier part encore plus de tentatives de changements réformistes au capitalisme.

    La défaite du Partito della Rifondazione Comunista est une confirmation de notre position qu’il ne suffit pas tout simplement de créer un nouveau parti. Mais nous avons besoin d’un parti enraciné dans la classe ouvrière, où toute la pourriture de la politique traditionnelle – la chasse aux postes, le carriérisme, la bureaucratie – est bannie. Ceci n’est possible qu’avec un vrai programme socialiste. Ce n’est pas le titre, le nom, ni l’étiquette qui déterminent la voie qu’un parti de gauche suivra, mais bien sa composition, son programme, sa direction et son activité.

    24. Le POS/SAP va après présenter de nouveau l’attitude du MAS dans cette discussion comme un manœuvre. Dans ce sens qu’ils partent de l’idée que nous ne racontent dans notre argumentation jamais la vérité totale. Dans ces discussions nous avons eu selon eux surtout l’objective de lancer un parti large pou pouvoir nous identifier le plus clairement que possible comme l’aile révolutionnaire. Pour cette organisation la politique révolutionnaire n’est pas une question de discussion et de convaincre envers le débat et la pratique, mais un enchainement de manœuvres pour obtenir des choses, occuper des poste, influencer des décisions. Cette organisation, comme on l’a pu expérimenter plusieurs fois, et aussi un nombre important de leurs ex-membres qui ont été éduqué politiquement avec ces méthodes, ne peuvent apparemment ne pas s’imaginer que nous entrons la lutte de classe et le débat nécessaire dans cette lutte, à visage découvert, avec une argumentation et des idées ouverts. En vue qu’ils ont pris comme méthode le manoeuvrisme, qu’ils ont vue au travail les staliniens qui sont maître de cette méthode, ils partent sans doute de la constatation que c’est ce que tout le monde fait ;

    25. Le point avancé dans cette discussion était selon nous aussi une discussion sur l’orientation du CAP et d’UAG. La question à laquelle il faut répondre est: comment atteindre les centaines et les milliers de travailleurs et de jeunes qui se sentent délaissés par ces partis qui ont dans le passé prétendu défendre leurs intérêts. Et quel est le langage que nous utiliserons? Est-ce un langage et un style compréhensibles, qui partent en premier lieu des expériences et des considérations de ces travailleurs et ces jeunes que nous voulons atteindre ? Où partons-nous au contraire de l’idée que la gauche est en crise et qu’elle doit se regrouper afin de construire la vraie gauche ? Ce sont deux visions différentes qui mènent à des pratiques différentes.

    26. UAG et avec beaucoup d’ardeur aussi le POS/SAP expliquaient cette attitude du CAP de façon magique par l’impact de l’extrême- droite en Flandre. Ils prétendaient que le Vlaams Belang et la propagande de droite et raciste avaient frappé si fortement que même la gauche radicale n’osait plus se présenter comme anticapitaliste. De cette manière, une discussion sur le programme, l’orientation et les objectifs était facilement esquivée et ridiculisée.

    Allons-nous lutter contre la surenchère communautaire et la politique de « diviser pour régner » ou sommes-nous d’accord que deux mondes différents ne peuvent collaborer dans un modèle confédéral ?

    27. UAG a répandu l’idée que la situation en Flandre et en Wallonie était si différente que cela demandait des approches séparées. L’argument était surtout utilisé pour interdire aux Flamands de se mêler des discussions en Wallonie et cela a servi aussi comme explication magique face à chaque divergence d’opinion : « la situation chez nous est différente ».

    28. Nier les différences réelles entre la Wallonie et la Flandre serait difficile vu les différences de langue et de culture, les différences économiques et de niveau de chômage, les rapports différents entre les syndicats rouge et vert, … Mais ces différences sont-elles tellement plus grandes que celles entre la ville d’Anvers et certaines régions de Flandre Occidentale ou du Limbourg, ou que celles entre Namur et le Borinage? Chaque parti traditionnel est aujourd’hui organisé sur base communautaire. C’est pourquoi ils approchent chaque problème à partir de cette logique. Cela est même apparu comme une bonne façon de détourner l’attention des réelles contradictions dans la société. Le mouvement ouvrier a au contraire besoin d’une unité la plus grande possible, au delà des frontières, qu’elles soient linguistiques, religieuses, de couleur de peau, de sexe, d’origine, de nationalité,…

    29. UAG est arrivée avec cette proposition d’une coopération confédérale juste au moment où la surenchère communautaire commençait à se développer. Des sondages ont montré plus tard que, malgré l’énorme propagande communautaire, des deux côtés de la frontière linguistique, il y avait peu de monde qui était chaud pour une guerre communautaire. La plupart des gens se rendent compte que les mécanismes de solidarité vont être démantelés si le pays scissionne et que les gens normaux n’ont qu’à y perdre. Imaginez quel écho aurait trouvé un nouveau parti lorsqu’il aurait pris une position de classe conséquente dans la plus longue crise politique de l’histoire belge.

    30. Dans l’Alternative Socialiste de juin 2006, nous avons répondu aux propositions d’UAG d’adopter une structure confédérale, dans laquelle un groupe néerlandophone et un groupe francophone se consultent : « Dans le contexte politique et social actuel, le mouvement ouvrier est menacé par un dangereux virus : l’idée qu’un travailleur wallon lutte dans un contexte fondamentalement différent du travailleur flamand, qu’il y a deux réalités distinctes qui demandent des réponses distinctes. Cette logique a mené à la scission de la Centrale des Métallurgistes de la FGTB et est utilisée pour agrandir encore la fissure entre travailleurs flamands, wallons et bruxellois. Les seuls à avoir un intérêt à diviser la classe ouvrière sont ceux qui le font consciemment pour pouvoir mieux régner. Le mouvement ouvrier a besoin d’une sécurité sociale nationale, d’un mouvement syndical national et d’un instrument politique national. Une telle initiative nationale doit être prête à l’automne. Chaque jour offre son lot de tentatives des partis traditionnels et des médias bourgeois pour dresser les différents groupes de la population les uns contre les autres. Mais une fois entré en action, comme contre le Pacte des Générations, le mouvement ouvrier peut comprendre rapidement que son atout le plus important est la solidarité. Cette solidarité doit être centrale à tout niveau dans une nouvelle formation politique. »

    31. Un modèle confédéral ne crée pas seulement la désunion et des complications pratiques, par exemple autour de la question : "quid de Bruxelles"? Selon UAG, Bruxelles était une ville francophone et dès lors "territoire UAG" et elle a donc refusé d’organiser des réunions communes CAP/UAG à Bruxelles. C’était également en même temps une prise de position politique qui se serait faite à la longue sentir dans le programme qu’une telle formation politique défend, dans le sens où elle deviendrait la proie des réflexes régionaux, de la défense des intérêts d’un groupe linguistique contre l’autre.

    Commençons-nous un processus avec des étapes successives ou délivrons-nous un projet tout prêt ?

    32. UAG a voulu livrer d’abord un programme tout prêt et des statuts avant d’aller chercher des partisans. De cette manière, ils se préparaient à élaborer leur réflexion en tant qu’élite éclairée à la place des masses. Notre position était toujours de permettre à l’initiative d’avancer, avec par exemple un programme électoral, sans pour autant déjà graver dans la pierre le programme du nouveau parti. Dans une première phase CAP/UAG avait selon nous besoin d’un programme de dix points autour duquel tout le monde peut se mettre et qui montrait en grandes lignes notre résistance contre le néolibéralisme et des effets. Selon nous, le programme de celui-ci doit être le résultat d’un processus de discussion approfondi dans lequel les masses qui forment le parti sont impliquées et où la discussion est basée sur les premières expériences collectives de la lutte et des campagnes.

    33. Nous aurions tout à fait pu décider le 28 octobre que le CAP/UAG défendrait un programme socialiste révolutionnaire. Malheureusement cela aurait été au même moment la fin de l’initiative large. La tendance dominante dans le mouvement des travailleurs n’en est pas à tirer des conclusions révolutionnaires – sinon nous pourrions construire le MAS/LSP en tant que parti de masse ! Ce qui existe principalement, c’est une recherche de réponses. Et nous sommes persuadés que si les travailleurs peuvent tirer des conclusions sur base des expériences concrètes dans la lutte et du débat qui vient avec, une grande partie d’entre eux en tirera des conclusions révolutionnaires. Mais cela ne pourra arriver que sur base des luttes et de l’expérience.. Comme nous l’avons déjà souvent expliqué, nous défendrons toujours un projet socialiste révolutionnaire au sein d’une nouvelle formation, mais comme contribution au débat et pas comme une condition pour notre engagement. UAG a voulu coller un billet anticapitaliste sur l’initiative avant que ceux à qui elle est destinée aient eu l’occasion de se prononcer au sujet du contenu d’un programme!

    Une nouvelle initiative a-t-elle besoin d’un fonctionnement par lequel la liberté de débat est stimulée ou doit-elle surtout servir à clouer le bec aux organisations existantes?

    34. Si une « recomposition » de la gauche est à l’ordre du jour, alors la conclusion est évidente : la première tâche est de finir avec la vieille composition. De cette logique l’existence des organisations de la gauche radicale est le problème fondamental et les organisations existantes doivent donc jeter par-dessus bord leurs structures, leur spécificité propre et le programme qu’elles ont mis un long travail à construire. Ce point de départ ne peut que mener qu’à des problèmes lorsqu’il s’agit de construire un parti où existe la liberté de défendre un certain programme. En fin de compte, au lieu d’organiser un endroit pour le débat, cette nouvelle initiative devient une prison pour tous ceux qui ont des idées et veulent les défendre.

    35. Pour qui le MAS/LSP a-t-il été un problème au sein du CAP ? Pour les nombreux travailleurs ordinaires qui estiment chaque contribution honnête à sa valeur et pour ceux qui non seulement parlent mais en plus passent aux actes ? Non. Pour eux, il a été facile de voir qui étaient les beaux parleurs et qui a combiné les arguments et la pratique. Cependant, pour ceux qui ont essentiellement considéré le MAS comme une menace et ne le voyaient pas comme une contribution précieuse, notre organisation représentait l’ennemi public n°1 dont tout le monde devait se méfier et contre qui il fallait s’opposer et former un bloc. Cette politique de calomnie et manipulation n’a pas pris pendant la première phase de formation du CAP. Une fois le recul commencé plusieurs raisons étaient cherchées et trouvées pour l’échec, où le plus grand component était facilement montré du doigt par quelques uns. Même s’il n’y avait pas d’occasion directe et d’arguments concrets.

    36. Chez quelques participants d’UAG, une peur presque phobique – et c’est encore un euphémisme – s’est développée face à notre organisation. Chaque proposition, idée ou argument était repris avec la méfiance nécessaire et ensuite analysé pour y chercher la petite bête et y trouver la manœuvre. Cette attitude a atteint des proportions hilarantes quand un membre juif de UAG a accusé les membres du MAS/LSP d’attitude antisémite en affirmant leur responsabilité dans le fait qu’une réunion avait continué le vendredi soir jusqu’après le coucher de soleil afin de le museler (il avait dû rentrer chez lui avant le coucher du soleil du fait de sa religion). Cette personne est allée tellement loin dans ses accusations que naturellement plus personne ne pouvait encore prendre ce genre de choses au sérieux. Mais cette accusation n’a toutefois pu arriver que par la création consciente d’une certaine ambiance par les protagonistes d’UAG.

    Pourquoi avons-nous quitté UAG?

    37. Vu a posteriori le MAS/LSP a décidé trop tard de se retirer de UAG. Dans une déclaration publique sur notre site Web, nous avions décrit notre décision (voir http://www.socialisme.be/mas/archives/2006/06/30/uag.html – Date de publication 30 juin 2006) : « Quelques uns, au sein du secrétariat et du Parti Humaniste entre autres, nous disent : « Mobilisons systématiquement pour les mettre en minorité ». Numériquement, pour le MAS/LSP, cela n’est aucunement un problème, mais nous faut-il descendre à ce niveau pour pouvoir faire de la politique au sein d’UAG ? Cela, nous le refusons. Les jeux de pouvoir bureaucratiques ne sont pas le terrain favori du MAS/LSP. Notre force est dans le mouvement réel et c’est sur cela que nous voulons nous concentrer. Certes, il faut parfois accepter des manœuvres bureaucratiques parce que c’est la seule façon d’entrer en contact avec la base. C’est par exemple le cas dans pas mal de centrales syndicales, c’était aussi le cas dans les années ’80 quand nous travaillions encore dans le SP. C’est avec cette idée en tête que nous n’avons pas déjà quitté UAG le 1er mai. Maintenant, après les faits, nous pensons que c’était une erreur : dès la première manœuvre, nous aurions pu déceler qu’UAG allait rester une initiative mort-née.

    Nous sommes partis de l’idée que nous pouvions accepter les manœuvres bureaucratiques parce qu’un parti national plus large allait être créé le 21 octobre. Cela aussi était une erreur. UAG essaie de se présenter comme le seul partenaire francophone d’UAP (qui par après a changé de nom vers CAP) et, de cette façon, former une minorité de blocage pour imposer à UAP sa propre approche politique et probablement boycotter une formation nationale. Le MAS/LSP est numériquement plus fort que le reste d’UAG mis ensemble. A notre propre initiative, nous pouvons mobiliser un bon nombre de francophones pour la conférence du 21 octobre (qui est devenu le 28 octobre) et nous pouvons y assurer qu’UAP ne se fasse pas prendre en otage par UAG. Si, au contraire, nous restons dans UAG, nous risquons d’être englués dans d’incessants combats qui n’ont ni intérêt ni lien réel avec les questions qui se posent vraiment aux travailleurs et qui ne sont utiles ni pour nous, ni pour UAP. La seule réponse correcte à des jeux de pouvoir au sein d’UAG est une mobilisation francophone forte pour la conférence du 21 octobre. »

    La longue marche vers le 28 octobre 2006

    38. Entre mai 2006 et septembre 2006, de nombreuses réunions, négociations et conversations ont été organisées pour essayer d’arriver à un compromis avec UAG concernant l’ordre du jour de la journée pour une autre politique le 28 octobre. La position de la majorité écrasante de CAP était de vouloir lancer une nouvelle organisation le 28 octobre, de présenter à cette occasion des cartes de membre et d’élire une direction provisoire. Pour UAG, le 28/10 était un test intéressant qu’ils voulaient ensuite évaluer dans leur propre petit cercle. Le CAP a été obligé par cette attitude d’UAG d’attendre jusqu’après le 28/10 pour s’organiser, en vue que les négociations avec UAG continuaient jusqu’à la semaine avant 28/10. UAG a imposé au nouveau mouvement et au CAP de facto un modèle confédéral en décidant déjà avant le 28 octobre d’établir ses propres structures, programme et méthodes de fonctionnement et en revendiquant qu’ils seraient le seule partenaire francophone dans le mouvement. . De cette manière, le 28/10, malgré la mobilisation forte de notre côté, est devenu un coup dans l’eau pour la construction d’une nouvelle force politique.

    Toute dernière tentative de recherche de compromis entre CAP et UAG

    39. Au début du mois d’octobre, les représentants du CAP et d’UAG se sont réunis pour discuter d’une dernière proposition de compromis. L’inquiétude majeure du CAP et du MAS/LSP était qu’UAG prenne en otage tous les participants au 28 octobre pour son propre agenda. Si le 28 octobre un nouveau mouvement n’était pas lancé, avec des cartes de membre, une structure, une direction élue,… tous les efforts seraient quasiment vains. Une ultime proposition pour la formation d’une direction nationale a été faite à UAG : une structure de 16 personnes, composée de 8 néerlandophones (5 du CAP et 3 parmi les présents au 28/10) et 8 francophones (5 d’UAG et 3 non UAG). Cette tentative de compromis a été poussée très loin. Nous étions prêts à laisser la majorité de la composante francophone de la direction dans les mains d’UAG, malgré le fait qu’elle ne mobiliserait pas la majorité des francophones pour le 28 octobre. Les négociateurs d’UAG pouvaient difficilement balayer une telle proposition; même les membres du POS/SAP semblaient prêts à la défendre auprès d’UAG. Grande fut la surprise de tout le monde quand cette proposition a été rejetée en assemblée générale d’UAG. Celle-ci exigeait d’être la seule représentante du monde francophone et d’avoir le monopole des accords de coopération avec le CAP. Elle voulait seulement constituer un secrétariat commun paritaire entre le CAP et UAG, sans tenir compte de la langue, ce qui en fait empêchait le CAP de travailler en territoire francophone. Même le POS/SAP s’est senti obligé de diffuser le 16 octobre une lettre ouverte qui refaisait la proposition de compromis comme seule possibilité d’arriver à un accord. Hélas, dans la pratique, il y avait manifestement peu de la bonne volonté exprimé dans la lettre ouverte et il n’y a pas eu d’arrangement avant ou après le 28 octobre.

    Et pourtant, encore une tentative ?

    40. Après le 28 octobre, alors qu’UAG a été fortement surprise par la grande affluence, une nouvelle ouverture pour aller de l’avant ensemble dans le cadre d’une campagne électorale semblait se profiler. Dans cette optique, lors d’une réunion d’évaluation commun de CAP/UAG le 6 novembre, une proposition concrète fut faite pour entre autre former une équipe de campagne commun pour coordonner la campagne électorale (voir ajout 3). Une fois de plus, cette offre de coopération a été rejetée par UAG, ce qui a définitivement séparé nos routes. Le CAP a exécuté toutes les résolutions des 28/10 et 06/11, avec pour résultat que les groupes provinciaux flamands, ainsi que ceux qui se sont mis en place du côté francophone à partir du 15 décembre, ont décidé au cours d’une conférence le 3 février 2007, de participer à la campagne électorale.

    La conférence du 3 février

    41. Le PTB a été aussi mis sous pression par le développement du CAP. Pendant les vacances de Noël 2007, deux discussions ont eu lieu entre le PTB et le CAP. Par la suite le PTB a laissé entendre que le CAP aurait refusé de reprendre le nom du PTB dans le nom de la liste et aurait donc ainsi refusé d’aller aux élections en cartel. L’article paru dans son propre journal Solidaire du 9 janvier contredit cela. La principale préoccupation du PTB était de savoir si Sleeckx serait sur la liste ou pas. S’il était sur la liste du CAP, cela aurait signifié une menace sérieuse pour la position électorale du PTB. Il fallait dès lors rendre Sleeckx inoffensif du point de vue électoral. En conséquence, la proposition du PTB était qu’il pouvait être discuté d’une collaboration, donc d’un cartel, à Anvers où Van Duppen tirerait la liste alors que Sleeckx la pousserait. De cette manière, la tête de liste Van Duppen aurait eu l’attention et, avec la contribution des voix de Sleeckx, Van Duppen aurait fait son entrée au parlement. Parallèlement, Sleeckx ne pourrait ainsi être utilisé pour attirer pour le CAP des voix dans toute la Flandre, par exemple en figurant sur la liste du Sénat. Le PTB savait d’ailleurs déjà à ce moment que Sleeckx était tout sauf prêt à faire un come-back sur une liste électorale après sa retraite politique à 74 ans. La proposition déloyale du PTB n’a pas été bien perçue au CAP et avant même que le CAP puisse élaborer une contre- proposition et la présenter (par exemple dans la forme de listes de cartel dans tout le pays, sans conditions), Peter Mertens a appelé Sleeckx pour lui demander s’il avait déjà décidé d’être candidat ou pas. Quand Sleeckx lui a répondu qu’il restait sur sa position de ne pas se présenter, le PTB en savait assez. L’opération « rendre Sleeckx inoffensif » avait réussie et le PTB pouvait, d’un pas tranquille, expliquer à ses membres qu’il ne collaborerait pas avec le CAP.

    42. Cela a été expliqué de la façon suivante dans Solidaire le 9 janvier 2007. Là on ne parle pas d’un refus du CAP de prendre le nom PTB dans le nom de la liste. Au contraire, avec beaucoup de sens dramatique le PTB insinue qu’elle a attendu le CAP, deux mois au moins, et que, malheureusement, Jef ne voulait pas participer: « Le PTB+ a tendu la main pour rendre possible une liste de cartel entre Van Duppen et Sleeckx. Cela a duré deux mois de plus que prévu, malgré le fait que les élections seront peut-être anticipées. Au début, on espérait que la conférence du CAP, le 28 octobre, allait donner un signal en ce sens. Deux mois seulement plus tard, le sort en était jeté : Jef Sleeckx ne se présenterait pas. Si les inspirateurs et les porte-parole d’un mouvement se retirent, il ne peut en émaner ni le rayonnement ni la dynamique qui sont pourtant tellement nécessaires pour donner sa chance à un cartel progressiste. Cela signifie finalement que pas un seul des fondateurs du CAP, à savoir Lode Van Outrive, Georges Debunne et Jef Sleeckx, ne participera à une campagne électorale. Quant à savoir si, dans de telles circonstances, le CAP se rendrait tout seul aux urnes, la chose n’est pas claire. Le PTB laisse la porte ouverte à tous les membres du CAP pour qu’ils soutiennent, en tant que candidats indépendants, la campagne électorale du Dr Dirk « Kiwi » Van Duppen sur une liste PTB. »

    43. Sleeckx ne sera pas avec le PTB, mais peut-être bien avec Groen!, titrait De Morgen le… mardi 9 janvier, le même jour que l’article de Solidaire, un jour après que le PTB ait envoyé, par une tactique magistrale, une déclaration de presse annonçant que le cartel d’Anvers n’aurait pas lieu. Ainsi les médias ont pu tout de suite intervenir pour débarrasser le PTB de toute responsabilité. Une petite leçon de manipulation par laquelle le PTB constate un danger, le rend inoffensif et s’érige en victime. Un vieux renard change de poils non d’esprit. C’est une leçon importante pour qui veut à l’avenir se mettre autour d’une table avec le PTB.

    44. Entre temps l’immaturité du CAP a continué à peser douloureusement. Sleeckx a avancé lors d’une conversation téléphonique avec un journaliste du Morgen que les Verts étaient aussi intéressés par son projet. Le lendemain, on pouvait lire dans ce journal que Sleeckx serait peut-être sur la liste de Groen ! Cette proposition totalement fausse a ajouté à la confusion. Après quoi, Vera Dua (dirigeante de Groen !) a alors donné Sleeckx un coup de téléphone surprise et lui a, à ce moment seulement, proposé d’entamer une discussion.

    45. Le 3 février plus de 300 personnes sont encore venues à la conférence du CAP, sans grande mobilisation (pas d’affiches ni tracts) et sans UAG, pour décider de la participation aux élections. Le manque de clarté sur l’avenir du CAP, que les membres n’ont pu suivre que via les médias, avait déjà eu un effet sur l’enthousiasme. Mais, malgré cela, la grande majorité restait gagnée à l’idée d’une participation indépendante aux élections. La meilleure preuve en est que, lors du vote, seul un groupe de maximum 10 personnes (soit 3% des présents) a voté pour la proposition de Groen – une « bande rouge » sur les listes vertes de Groen où les candidats du CAP occuperaient les places 5, 6, 7 et 8 sur toutes les listes – ou s’est abstenu.

    46. A ce moment, la participation indépendante aux élections était la seule option qui s’offrait au CAP dans la perspective de poursuivre la construction d’un nouveau mouvement politique de la classe ouvrière. Accrocher notre locomotive au train de Groen aurait complètement coulé la crédibilité du CAP. Nous n’en voulons pour preuve que la campagne électorale de Groen totalement tournée vers une participation au gouvernement avec l’exigence principale d’obtenir le poste du ministre du climat dans le gouvernement à venir. Quelques membres du CAP, regroupés autour de la liste LEEF à Herzele, sont entrés dans le projet « rouge sur vert » et se sont retrouvés coincés dans la logique d’une possible construction d’une aile rouge chez Groen. Certains au sein du CAP doutaient du fait que nous puissions être prêts pour cette campagne électorale, ce qui était parfaitement justifié. Il nous était difficile de nier que les circonstances étaient tout sauf idéales. Une non-participation aurait, selon nous, mit un frein définitif au développement du potentiel encore présent dans le CAP à ce moment-là. Cela n’aurait pas été sérieux aux yeux de ceux qui espéraient encore dans le CAP.

    47. L’un des résultats importants du CAP entre le 28 octobre 2006 et le 3 février 2007 a été son intervention dans la grève de VW. Quelle différence avec UAG qui, dans l’enceinte d’une salle de conférence, claironnait d’une manière plus radicale que radicale que l’industrie la plus importante qui restait à Bruxelles menaçait de fermer… mais qui, sur place, était invisible. Dès le début, le CAP a été massivement présent pour participer à la lutte, fournir du soutien, mobiliser pour les manifestations et entrer dans le débat politique. L’intervention à la manifestation de VW du 2 décembre a clairement placé le CAP sur l’échiquier de la lutte des travailleurs. Entretemps la victoire électorale du SP aux Pays-Bas avait ouvert le débat sur la question évidente si une telle percée serait possible pour un parti de gauche en Belgique. Bien plus tôt, dans le Standaard du 2 août, Noël Slangen (l’ancien porte-parole de Verhofstadt) avait déjà soutenu « qu’un tel parti peut obtenir 10%. A la seule condition que le nouveau parti ne se laisse absolument pas séduire par une participation au gouvernement ». Bart De Wever avait abordé dans une colonne la question d’un nouveau parti des travailleurs tandis que le président de Spirit Geert Lambert jetait l’initiative à la poubelle. « Sleeckx vient avec une vieille histoire. Il se repose spécifiquement sur ‘la classe ouvrière’, mais il y a aussi de petits épiciers qui ont des difficultés. La société de classes que Sleeckx a connu n’existe plus depuis longtemps ».

    48. Un an plus tard, nous sommes au milieu de la crise financière la plus importante depuis la grande dépression des années ’30 et la société de classe n’est plus niée par les commentateurs sérieux. “Class is back”, écrit Naomi Klein dans son dernier livre. Les dernières années une expression a de nouveau été donné à la société de classes en termes de fossé entre les riches et les pauvres, les salaires des top managers par rapport à la baisse du pouvoir d’achat, d’élitisation de l’enseignement, de durcissement et d’américanisation de la société. La période qui se trouve devant nous sera celle de changements très rapides et de chocs dans les consciences. Un parti des travailleurs clairement profilé avec un programme correct pourrait obtenir des scores formidables dans un tel contexte.

    49. Finalement nous avons pu réunir quelques 250 candidats (parmi lesquels 6 travailleurs de VW) dont 90 étaient membres du MAS/LSP. Une seule liste des dix, celle de la Chambre en Flandre Orientale, avait une tête de liste MAS/LSP. Ce choix conscient était un signe manifeste de notre part que nous ne voulions pas dominer le CAP ni obtenir les meilleures places sur les listes électorales. Nous avons rassemblé un peu plus de 20.000 euros pour la campagne et avons obtenu 21.252 voix pour le Sénat (0,32%) – 8.277 voix soit 0,33% pour le collège électoral francophone et 12.938 soit 0,32% pour le collège électoral néerlandophone. Aux élections européennes de 2004, le MAS/LSP avait obtenu 5.675 voix soit 0,23% en Wallonie et 14.166 voix soit 0,35% en Flandre. Ainsi le CAP a obtenu en Flandre moins de voix que nous sous le nom de LSP et en Wallonie plus de voix que nous sous le nom de MAS.

    50. La campagne électorale a connu à divers moments un enthousiasme et une dynamique remarquables. Pendant la campagne plus que 250.000 tracts et 20.000 affiches ont été distribués et une centaine de nouveaux gens rejoignait le CAP. Sans secrétariat ou équipe rémunérée, entièrement basé sur le travail volontaire de quelques centaines de militants, le CAP a pu gagner de l’audience ici et là. Comme lors d’un débat dans une Haute Ecole de Gand où les étudiants pouvaient voter avant et après le débat. Le CAP qui avant le débat était inconnu auprès des quelque 200 étudiants n’obtenait que 1,14% des voix. Après un débat éblouissant avec quelques ténors de la politique nationale, le CAP a obtenu 23,81% des voix des étudiants présents. C’est un petit avant-goût de ce qui serait possible avec un programme fort et de bons porte-paroles qui parlent une langue claire.

    Après le 10 juin 2007, le CAP reste-t-il sur les rails?

    51. Beaucoup de gens ont prédit la punition du SP.a et du PS dans les élections. Comment aurait-il pu en être autrement après 20 années de participation à la politique néolibérale. C’était donc les élections idéales pour lancer une nouvelle formation. Malheureusement toute l’attention dans la campagne électorale est allée vers la droite. La nouveauté des élections, ce n’était pas Sleeckx, mais Dedecker. La question était de savoir qui du CD&V ou du VLD allait arriver premier et qui de la LDD ou du Vlaams Belang allait capter le vote de protestation. Un Sleeckx sur le liste du CAP n’aurait pas pu à lui seul retourner cette situation mais il avait pu montrer une autre voie dans le débat et obtenir plus d’attention pour le CAP.

    52. Beaucoup d’encre a déjà coulé à propos de cette participation aux élections et beaucoup de membres du MAS/LSP se sont déjà creusé la cervelle pour analyser et aider à expliquer le mauvais résultat électoral du CAP. Dans notre journal Alternative Socialiste, nous avons pointé du doigt à plusieurs reprises quelles avaient été selon nous les erreurs de la campagne électorale. A coté des tergiversations, des discussions interminables, du manque de clarté pour le publique large et le fait qu’aucun des initiateurs n’était candidat, le slogan électoral vague a donné au CAP le coup de grâce. Malheureusement ce slogan n’était pas un accident de parcours mais l’expression de ce que quelques-uns dans CAP avaient prévu comme projet politique pour le CAP.

    53. Après les élections l’objectif du CAP a été infléchi, sous insistance de nos membres dans le Comité National. La campagne électorale n’a pas apporté la dynamique, l’enthousiasme et les nouveaux membres nécessaires pour préparer un nouveau pas en avant, celui d’une campagne électorale vers un parti. Au contraire, la démoralisation après le mauvais résultat a conduit une partie de la base de CAP à l’inactivité. En préparant la conférence nationale suivante du 20 octobre, nous avons martelé le fait que le rôle du CAP n’était pas fini, mais devait être ajusté.

    54. Dans notre texte interne pour notre conférence de novembre 2007, nous avons mis en avant notre perspective dans ces termes : « La campagne électorale a placé le CAP sur la carte politique, mais avec un résultat insuffisant pour pouvoir déjà maintenant se mettre en avant comme la structure d’organisation unique, à partir de laquelle un nouveau parti des travailleurs va naître. Pour cela, le CAP va devoir avoir un œil pour les développements dans la lutte de classes et être préparé à collaborer avec les nouvelles initiatives qui peuvent naître dans cette lutte. » Le fait que, lors de la conférence du 20 octobre, le CAP s’est donné comme objectif à une large majorité d’être « un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c’est-à-dire un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille)», était selon nous un pas dans la bonne direction.

    55. Hélas cette décision est restée lettre morte. Une petite minorité dans le CAP, mais dominant dans le secrétariat national, a refusé de mettre cette décision en pratique. N’était-il pas possible de réunir une conférence nationale pour reconfirmer cette décision et pour revendiquer son application ? Cela pouvait être une option. Malheureusement dans les derniers six mois d’amateurisme sans même une initiative nationale réussite, à part l’intervention dans la manifestation sur le pouvoir d’achat que nous avons imposée avec le MAS/LSP, le CAP s’est vidé encore un peu plus. Une conférence nationale aujourd’hui pour refaire la même discussion ne mènerait à rien qu’une cassure. Rien ne donne l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui sont chauds pour ça, y compris parmi ceux qui en fait sont d’accord avec nos critiques. Les opportunités que le CAP a reçues n’étaient pas minces. Malheureusement nous devons constater qu’elles ont été systématiquement gâchées et que le CAP, dans sa composition actuelle, ne va pas être capable de jouer un rôle réel dans la construction d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique.

    56. En octobre déjà, nous écrivions dans une résolution d’actualité pour la Conférence Nationale du MAS/LSP de 2007 que l’avenir du CAP était incertain. « Si le CAP ne s’avère pas capable dans l’année qui vient de faire en avant des pas importants sur ce plan, il va probablement sombrer dans des discussions internes. Le seul groupe organisé, le MAS/LSP, va alors être pointé du doigt par les couches les moins conscientes et chargé de tous les fautes d’Israël par nos adversaires politiques. Les éléments nouveaux et les plus conscients vont avoir expérimenté notre approche comme principielle, politique et ouverte et vont être intéressés de continuer avec nous vers la création d’un nouveau parti des travailleurs. »

    Conclusion

    57. Le dernière année et demi du CAP s’est avérée un énorme apprentissage pour tous nos membres et aussi pour beaucoup de militants du CAP. Avons-nous commis des erreurs avec le MAS/LSP ? Certainement. Nous avons été probablement trop inconditionnels dans notre soutien au projet du CAP et nous aurions pu voir plus tôt que la faiblesse inhérente allait se retourner contre lui à un certain moment. Avec notre volonté énergique de construire le CAP, nous avons même pendant un certain temps bordé les faiblesses du CAP, espérant qu’une bonne campagne électorale pouvait remettre le CAP de nouveau sur le bon chemin. Nous n’avions pas du faire cela. Notre présence dominante était aussi pour quelques uns l’excuse parfaite de se mettre à coté. Il est compréhensible que, dans le contexte du moment, nous avons cédé dans la discussion sur le slogan électoral. Rétrospectivement ceci était un mauvais compromis qu’on a fait. Mais nous sommes convaincus que, sur les grandes lignes, nous avons à chaque fois défendue les positions correctes et pris une attitude correcte.

    58. Nous pensons que, dans la situation actuelle, le CAP n’est pas capable de grandir vers un nouveau parti des travailleurs et que, s’il continue à suivre le chemin qu’il suit depuis le 20 octobre, il n’apportera plus une contribution constructive dans ce sens. Il va par contre devenir le joueur le plus petit et le moins radical sur le terrain des organisations de la gauche radicale.

    59. Au vu de l’échec du CAP et du tournant du PTB, qui va probablement lui rapporter électoralement, même un début d’un processus dans la direction d’un nouveau parti des travailleurs semble être temporairement postposé. On ne doit probablement pas s’attendre à un développement fondamental dans cette direction avant les élections de 2009. Nous sommes ouverts à la discussion si cela se passait quand même.

    60. Nous ne voulons pas laisser tomber tout simplement ceux qui aujourd’hui sont encore présents dans le CAP et qui étaient d’accord avec nous sur le potentiel du CAP. Partout où le CAP réunit des gens autour de la table avec l’idée de construire un nouveau parti des travailleurs, nous nous assiérons aussi à cette table. Dans ce sens, nous ne laissons pas purement et simplement tomber le CAP et les membres de MAS/LSP vont collaborer à l’organisation des activités avec lesquelles nous sommes d’accord. Cela se fera néanmoins avec un refus clair du chemin politique que le CAP a suivi les derniers mois.

    61. Nous sommes au seuil d’une période de turbulences sur le plan économique, social et politique. La crise économique qui aujourd’hui déjà se traduit par deux trimestres de récession aux Etats-Unis, va aussi peu à peu saisir l’Europe à la gorge. La bourgeoisie belge qui a longtemps postposé une confrontation avec la classe des travailleurs, ne va plus avoir un autre choix que de lâcher à nouveau le monstre néolibéral. Une situation de crise peut mener à la paralysie de parties de la classe des travailleurs, mais elle peut mener aussi à la résistance quand seule la lutte offre encore une issue possible. A partir des mouvements contre la politique du gouvernement, contre les mesures néolibérales et la fermeture des entreprises, la nécessité d’un véritable instrument politique va devenir toujours à nouveau claire. Par le rôle qu’elles jouent au service de la politique traditionnelle, les directions syndicales vont essayer de toutes leurs forces d’arrêter un mouvement combatif généralisé. Au vu de l’attitude du PTB qui va chercher à chaque nouvelle occasion le plus grand diviseur commun dans les mouvements – ce qu’ils appellent eux-mêmes la stratégie de la « majorité syndicale » – pendant qu’il essaie d’être bon copain avec les directions syndicales, les groupes les plus combatifs ne vont pas se reconnaître vraiment dans le langage mou et la plateforme de revendications réformiste du PTB.

    62. Il y aura à nouveau des moments où, après une lutte importante, des groupes de travailleurs arriveront à la conclusion qu’ils doivent construire un parti des travailleurs combatif, ouvert et démocratique afin de pouvoir traduire politiquement leurs intérêts. Mais cela va prendre du temps à cause des défaites dans le passée. Une nouvelle initiative risque d’être vue avec le scepticisme nécessaire, surtout en Flandre où nous avons maintenant l’expérience du CAP derrière nous. En Wallonie, il y a eu une expérience similaire avec la liste Debout, qui a obtenu de meilleurs résultats sur le plan électoral grâce au fait que les dirigeants de la lutte chez Clabecq ont pris leurs responsabilités et se sont mis à la tête de l’initiative, mais ils n’étaient malheureusement pas préparés à construire ensuite une nouvelle formation politique sur une base conséquente.

    63. Pour 2009 les cartes semblent très vite jouées. Le CAP a refusé de jouer l’atout qu’il avait encore en main. Elle avait pu, comme nous l’avons formulé dans notre proposition début 2008, lancer une grande campagne pour des listes antilibérales en 2009. Mais cette opportunité aussi a été perdue. Chaque tentative qui va encore être lancée pour arriver à des listes unitaires à gauche va être écartée par les manœuvres politiques dans lesquels tout le monde va essayer de faire porter le chapeau à l’autre. Seuls un appel et une pétition pour des listes anti-néolibérales, autour desquels une campagne aurait pu être menée pendant des mois et autour desquels des syndicalistes et des militants auraient pu être réunis, aurait pu développer la force nécessaire pour mettre autour du table tous les partenaires de discussion qui sont nécessaires pour une lutte unitaire. Cette proposition du MAS/LSP au CAP en janvier 2008 a été refusée. Aujourd’hui le CAP tente bien de réunir la gauche radicale sur une liste unitaire, mais cela ressemble selon nous plutôt à une dernière tentative pour garder le CAP en vie au lieu d’être une initiative basée sur une campagne profonde dans le contexte politique et sociale actuelle.

    64. Le MAS/LSP ne va pas participer à ce jeu d’échecs politique, où la seule question est qui va faire échec et mat à qui. Mais s’il existe une chance réelle d’aboutir à une liste large anti-néolibérale pour 2009, nous nous y insérerons constructivement. D’ici là, nous préparons notre parti, nos militants et nos sympathisants à une participation aux élections avec des listes MAS/LSP, des listes ouvertes à chaque individu ou chaque groupe qui veut propager la nécessité d’un nouveau parti de travailleurs.

    65. Entretemps nous avons fait la proposition suivante au PTB dans notre déclaration à l’occasion du « renouveau » de leur parti. « Au lieu d’un tournant à droite, nous voulons proposer au PTB un tournant à gauche, vers le socialisme international et vers un front unique. Sur cette base, nous invitons le PTB à lancer avec le MAS un appel pour un parti large de lutte de tous les courants qui veulent s’opposer au néolibéralisme et à y représenter la tendance révolutionnaire avec le MAS. Le premier défi serait en ce sens les élections régionales, européennes et peut-être fédérales de 2009 avec une initiative commune pour une liste anti-néolibérale. »


    Annexe 1:

    Liste chronologique des évènements

    • 7 octobre 2005 Grève générale de la FGTB contre le Pacte des Generations.

      Le MAS/LSP intervient avec un appel pour un réseau des syndicalistes combatifs

    • 16 octobre 2005 Congrès du SP.a où plus de 200 militants FGTB accompagnés de Sleeckx tournent le dos au SP.a
    • 28 octobre 2005 2e grève générale avec manifestation de 100.000 travailleurs à Bruxelles. Le MAS/LSP lance une pétition pour un nouveau parti des travailleurs
    • 2 novembre 2005 Dans une lettre ouverte la délégation FGTB d’Agfa-Gevaert demande de casser les liens entre la FGTB et le SP.a
    • 26 novembre 2005 Premier meeting avec Sleeckx dans le Limbourg, 20 présents
    • 17 janvier 2006 Rencontre entre Jef Sleeckx et Theo Mewis d’une part et le Bureau exécutif du MAS/LSP d’autre part
    • 22 février 2006 Pièce d’opinion d’Une Autre Gauche dans La Libre Belgique
    • 30 avril 2006 Fête du CAP de veille du 1er Mai à Gand avec plus de 100 personnes présentes
    • 28 octobre 2006 Journée pour une Autre Politique à l’ULB avec 650 présents. Le MAS/LSP est responsable à lui seul de la moitié de la mobilisation
    • 15 décembre 2006 Réunions provinciales du CAP en 8 provinces
    • 3 février 2007 Conférence nationale du CAP qui décide de la participation indépendante aux élections
    • 14 avril 2007 Conférence national du CAP ou le matériel électoral et listes des candidats sont approuvées
    • 20 octobre 2007 Conférence national du CAP ou l’évaluation des élections est faite et où de nouveaux objectifs sont mis en avant


    Annexe 2:

    MOTION CAP-UAG – 28 OCTOBRE 2006

    1.Il est avant tout et surtout nécessaire de poursuivre la construction du mouvement sous la forme d’un programme politique combatif, basé sur des propositions concrètes et radicalement opposé à la politique actuelle néolibérale et pro capitaliste, à la fois sur le plan du social, de l’économie et de l’environnement. Nous nous y attelons dès aujourd’hui avec les propositions qui sortent des 12 groupes de travail.

    2.Nous devons aller plus loin et participer aux prochaines élections fédérales, sans par ailleurs rompre avec la dynamique propre au mouvement. Là où les conditions nécessaires seront réunies pour une participation crédible, des listes seront déposées pour les élections fédérales.

    Nous nous engageons sur base des propositions de cette réunion et de toutes nos expériences, à soumettre un programme électoral à l’approbation de notre mouvement.

    3.Tous les habitants de Belgique peu importe la langue qu’ils parlent seront invités à collaborer de manière aussi intensive que possible. UAG et CAP doivent poursuivre leur collaboration et l’intensifier, tendre à former une solide coordination, et à s’élargir selon les besoins. Une période d’expériences communes sera nécessaire avant de décider si notre organisation politique doit devenir un parti ou rester un mouvement. Cette question sera posée lors d’un futur congrès.

    Bruxelles, le 28 octobre 2006


    Annexe 3:

    Proposition pour la réunion du 6/11 d’évaluation du 28/10

    1. Les éléments positifs du 28/10, la présence et la décision pour les élections, doivent être transformés d’un coté en un bon fonctionnement des groupes locaux existants et la création de nouveaux groupes locaux, et d’un autre coté en une structure politique concrète, tenant compte des différentes initiatives politiques qui s’inscrivent dans le projet du 28/10. La construction du nouveau mouvement après le 28/10 continue ou tombe avec la construction des groupes locaux qui appliquent avec leurs forces les décisions du 28/10, et les groupes locaux qui cherchent une alternative.
    2. Nous proposons que tous les groupes locaux se rassemblent, en décembre, au sein d’une réunion par province, qui correspond aux circonscriptions électorales pour la Chambre en Flandre et à un rassemblement des quelques circonscriptions électorales en Wallonie. Ces réunions se font par invitation de tous “les présents du 28/10 CAP/UAG”. Elles préparent la campagne électorale, font les contacts politiques nécessaires, discutent sur la construction des groupes locaux et mettent en avant un calendrier provincial.
    3. La décision du 28/10 de participer ensemble (nord et sud, CAP et UAG) aux élections parlementaires de 2007 fait partie du processus dans lequel on considère la possibilité de transformer la formation de ce mouvement en un parti.
    4. La seule structure qui peut suivre de cette décision est une structure temporaire de campagne avec un mandat clair. Nous créons une équipe nationale de campagne qui doit créer les conditions pour pouvoir participer aux élections et coordonner cette campagne. Elle organisera une réunion nationale le 03/02/2007 où un programme sera décidé, une campagne élaborée, un budget déterminé et un nouveau nom proposé. Cette équipe est composée sur base d’une parité linguistique parmi ceux qui ont rendu le 28/10 possible. La composition de cette équipe est organisée sur base de mandats concrets qu’elle doit remplir. Cette équipe est confirmée le 03/02/2007 et y est éventuellement élargie.
    5. Dès le 03/02/07, on peut travailler sous le nouveau nom des listes électorales. La base de l’affiliation à ce nouveau mouvement est une contribution au fonds électoral et un engagement dans la campagne électorale.
    6. A côté de cela, un groupe est formé autour de Lode, Jef et Georges qui, sur base du succès du 28/10, va commencer des discussions avec d’autres forces et individus politiques qui s’opposent au Pacte des Génération et à la Constitution européenne et qui veulent aussi participer aux élections.
    7. Une commission (limitée en nombre, à peu près 6) sera composée pour faire la rédaction d’une proposition de programme électoral, proposé le 03/02/2007 à la réunion nationale. Les commissions thématiques vont jouer un rôle important en donnant des éléments à cette commission sur base de propositions concrètes de programme et d’initiatives d’actions. Nous demandons à ces commissions de faire passer leurs premières conclusions avant la fin de cette année.
    8. Cette méthode de fonctionnement est utilisée pour les 7 prochains mois. Après les élections, une nouvelle réunion d’évaluation va déterminer une méthode de fonctionnement pour commencer à préparer le congrès de fondation pour la fin 2007.


    Annexe 4:

    Principes de fonctionnement du Comité pour une Autre Politique, proposition de discussion dans la préparation du congrès de 20 octobre 2007.

    Le Comité pour une Autre Politique s’est posé sur la carte politique par son travail et sa participation aux élections. CAP veut donner une voix aux travailleurs ou allocataires sociaux et à leurs familles. L’énoncé des principes de fonctionnement esquissés ci-dessous est une méthode de travail temporaire afin d’atteindre notre but, la création d’une alternative politique.

    Le CAP est né de la critique contre la Constitution Européenne néolibérale et du soutien politique de Georges Debunne, Lode Van Outrive et Jef Sleeckx aux syndicats et à la population contre le Pacte entre Générations. Le CAP s’est développé par une participation aux luttes sociales et politiques et sur base de sa campagne électorale du 10 juin 2007.

    Le CAP est un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c.-à-d. un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille). Le CAP se pose pour la réalisation des besoins de chacun par le biais de la défense et l’accroissement de services publics et collectifs, et s’oppose à une société qui se base l’appât du gain. La politique de privatisation et de libéralisation mine notre tissu social, notre environnement ainsi que nos conditions de vie et de travail. La première base provisoire du CAP est la ligne générale du programme défendu pendant les élections fédérales.

    CAP est un mouvement de membres. Les membres paient une cotisation annuelle de 25 euros ou de 12 euros pour les bas revenus. Dans la mesure du possible le CAP insiste auprès de ses membres pour qu’ils versent une cotisation mensuelle d’au moins 1 euro par mois.

    La plus haute instance de décision du CAP est le Congrès annuel qui réunit ses membres au moins une fois par an. Le Congrès continue l’élaboration du programme, définit la ligne politique générale du mouvement et les actions globales de l’année à venir. Le Congrès élit annuellement un Comité national. Tous les membres ont un droit de vote au Congrès. Tous les membres peuvent se présenter comme candidat au Comité national.

    L’organe de base est le groupe local du CAP. Le Comité national reconnaît un groupe local s’il y a au moins 5 membres dans un quartier, une commune, une école ou sur un lieu de travail, qui y en prennent l’initiative. Tous les membres du CAP sont appelés à être actifs dans les groupes locaux existants ou à former. Le groupe local règle ses propres activités dans le cadre des décisions du Congrès et du Comité national. Différents groupes locaux peuvent élire, en assemblé générale de leurs membres, un Comité exécutif par ville, commune ou région.

    Les groupes locaux peuvent élire, en assemblée générale de leurs membres, un Comité exécutif provincial. Si l’initiative d’un Comité provincial n’est pas prise, les groupes locaux proposent au Congrès 2 membres comme coordinateurs provinciaux au Comité national. Leur tâche de coordonner les groupes locaux de la province là où il n’y a pas de Comité provincial. Il est laissé aux membres de Bruxelles-Halle-Vilvoorde la liberté de se grouper comme " province" et d’adhérer soit à un Comité exécutif du Brabant flamand, soit à un Comité exécutif bruxellois. Cette décision est prise par une assemblée générale des membres de BHV.

    Les membres du CAP peuvent s’organiser en groupes de travail par thèmes ou secteurs pour autant que ces groupes de travail soient reconnus par le Comité national, le point de départ étant les 10 groupes de travail réunis le 28 octobre 2006.

    Toutes les autres règles concernant la gestion des finances, l’administration des membres, le fonctionnement des organes du CAP et l’installation des organes de travail (rédaction, secrétariat national, etc.) ou l’installation de structures locales, provinciales ou nationales avec personnalité juridique (asbl p.e.) sont élaborées par le Comité national élu le 20 octobre 2007. A toutes les réunions nationales du CAP tout le monde peut parler sa langue maternelle. Cela implique qu’une traduction appropriée est prévue.

    Le congrès de 20 octobre 2007 décide de la situation initiale concernant la reconnaissance des groupes locaux, groupes de travail et comités provinciaux déjà existants. Tous les membres reconnaissent ce statut comme base du fonctionnement interne et externe du CAP.

  • Victoire du NON

    Victoire du NON!

    53% des Irlandais qui ont participé au référendum au sujet du traité de Lisbonne l’ont rejeté. Après que le traité sur la Constitution Européenne ait été rejeté après le résultat des référendums en France et aux Pays-Bas, certains espéraient qu’une version légèrement retravaillée de cette Constitution passerait plus facilement si aucune référendum n’était tenu. Seule l’Irlande a organisé en a organisé un (obligatoire selon la Constitution irlandaise). Le résultat est maintenant connu : le traité de Lisbonne a été rejeté et le projet néolibéral de l’UE est de nouveau en crise. L’establishment politique complet a reçu un camouflet.

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Joe Higgins au sujet de la victoire du Non

    Dans le journal Irish Times, Joe Higgins a parlé de la victoire du camp du Non en déclarant que ce vote est une expression de la résistance des travailleurs et de leurs familles en Europe. Ceci est une défaite pour l’establishment politique.

    « De l’avis du Socialist Party, il est clair que les points centraux que nous avons cité, notre préoccupation au sujet des services publics, de la militarisation et des droits des travailleurs a trouvé un écho parmi les travailleurs et dans les quartiers ouvriers. Cela ressort clairement du résultat.

    « Ce n’est pas la catastrophe qu’on essaye de nous faire croire. Cela peut au contraire faire avancer la position des travailleurs à travers l’Europe qui en ont assez de la politique néolibérale de l’Union Européenne sur le plan de la privatisation des services, des attaques contre les retraites et contre le droit d’un véritable emploi avec un bon salaire.

    « Les travailleurs doivent se lever et engager le combat pour leurs services, contre le projet de militarisation et contre la spirale à la baisse sur le plan des salaires et des conditions de travail, entre autres par l’abus de travailleurs immigrés qui est soutenu par l’UE, ce qui est apparu avec l’arrêté-Laval et d’autres discours. »

    [/box]

    Il y a en Irlande une tradition de résistance contre le projet néolibéral de l’Union Européenne. Là aussi on peut voir que l’UE soutient les intérêts des grandes multinationales et impose des mesures comme la libéralisation des services publics. De plus, l’idée d’une armée européenne est un sujet très sensible en Irlande. Le traité de Nice avait été rejeté par référendum également il y a quelques années. L’establishment politique a trouvé une solution originale pour revenir sur la victoire du Non : un nouveau référendum, dans l’espoir que le résultat serait différent, en combinaison avec une campagne d’ampleur avec le soutien de tous les partis établis pour le Oui. Cette méthode a bien entendu suscité des critiques : pourquoi organiser un référendum si ce n’est que pour arriver au résultat souhaité par l’establishment ?

    La pression durant de ce référendum a été intense. Tous les partis établis ont appelé à voter Oui, de même que tous les médias traditionnels. Même les verts, jadis opposants à la Constitution Européenne – mais depuis lors présent au gouvernement – ont soutenu le Oui. Les partis traditionnels n’ont craint ni l’argent, ni les efforts pour tenter de persuader la population. Ils ont même reçu le soutien de la direction syndicale qui a aussi appelé à voter Oui. Mais tout cela n’a pas suffit. Le taux de participation a été faible et les opposants au Traité étaient majoritaires. C’est surtout dans les campagnes et dans les quartiers ouvriers que l’atmosphère penchait vers le Non, ce sont les quartiers riches qui ont voté en faveur du Traité. L’establishment a clarifié que parmi la minorité de la population politiquement plus consciente (le taux de participation était seulement de 40%), il ne dispose plus d’une majorité.

    Les opposants au Traité l’ont emporté, mais cela est présenté à tort comme la manifestation d’une réaction conservatrice. Certains ont été jusqu’à parler d’ingratitude! Un éditorial du quotidien flamand De Standaard a utilisé ce terme, et les autres journaux (francophones aussi) allaient dans le même sens. L’Irlande aurait dû être reconnaissante vis-à-vis des subsides de l’Union et se comporterait maintenant comme un enfant gâté. Cette vision des choses passe évidemment sous silence le caractère de l’UE aujourd’hui. Ces dernières années, l’Europe a systématiquement été évoquée pour les libéralisations ainsi que pour les attaques contre les travailleurs et leurs familles. La politique néolibérale de l’UE reçoit de moins en moins de soutien, ce qui était déjà apparu au moment du Traité constitutionnel européen. Les 53% de Non face au Traité de Lisbonne sont dans la lignée de la résistance qui avait pris place en France et aux Pays Bas contre la politique néolibérale de l’UE.

    Mais le camp du Non était hétéroclite. Il y a même eu un riche populiste de droite qui s’est cru dans le droit de se nommer porte-parole du camp du Non. De même, des nationalistes conservateurs et des nationalistes moins conservateurs ont appelé à voter contre. Ainsi, le Sinn Fein (l’aile politique de l’IRA, qui n’est pas très forte dans le sud de l’Irlande) a aussi a aussi pris position contre la militarisation de l’UE. Mais l’opposition la plus importante contre le Traité est toutefois venue des travailleurs et de la campagne. Les travailleurs ont voté essentiellement contre le Traité parce qu’ils savent pour quoi l’UE se positionne. La question est naturellement de savoir vers quelle représentation politique ils doivent se tourner pour pousser leur avis. Le Socialist Party, notre parti-frère en Irlande, a joué un rôle très actif dans la campagne contre le Traité de Lisbonne et notre ancien parlementaire Joe Higgins (qui a perdu son siège l’an dernier) a fait plusieurs apparitions dans les médias. Le défi pour le Socialist Party est maintenant de construire sur base de ce référendum une traduction politique pour le large mécontentement qui règne en Irlande. L’illusion du Tigre Celtique entretenue par la croissance économique de ces dernières années se dissipe sous le souffle du vent qui arrive de la crise immobilière américaine vers l’Irlande, avec des prix qui chutent et une crise dans le secteur de la construction. Le rêve du Tigre Celtique arrive à sa fin, les travailleurs Irlandais et leurs familles sortent du cauchemar de l’Union Européenne néolibérale.

    Vidéo avec une argumentation contre le traité de Lisbonne

    Vous pouvez accéder ici à un discours de Joe Higgins lors d’un meeting de mobilisation contre le Traité de Lisbonne et en dessous, quelques liens intéressants.


    Liens:

  • A quand une voix pour les travailleurs au Parlement ?

    Il y a deux ans, les grévistes et leurs sympathisants se sont retrouvés bien seuls face au Pacte des Générations. Aucun grand parti n’a jeté ses forces dans la bataille pour défendre les revendications syndicales. Seuls 4 députés Ecolo ont voté contre ce pacte, tous les autres élus l’ont approuvé ou se sont abstenus parce qu’ils trouvaient qu’il n’allait pas assez loin. Et les 100.000 manifestants de la 2e journée de grève générale le 28 octobre 2005 se sont retrouvés sans véritable alternative aux élections l’année suivante.

    Bart Vandersteene

    Aujourd’hui encore, une seule voix se fait entendre sur la question nationale. Les politiciens du nord et du sud clament qu’il y a une fracture dans le pays sur base communautaire. Il y a bien une fracture, mais pas là où la placent les politiciens établis… Selon un sondage du quotidien flamand De Standaard, 44% des Flamands interrogés à propos de la structure de l’Etat belge veulent la conserver telle qu’elle est ou même aller vers une Belgique fédérale plus forte. Après (au bas mot) une année de propagande communautaire intense, beaucoup s’attendaient à un chiffre bien inférieur. De plus, les sondés restants, quand ils se disent favorables à plus de régionalisation, sont loin de s’affirmer séparatistes pour autant.

    Le Soir Magazine a lui aussi publié un sondage fort intéressant réalisé durant les deux jours qui ont suivi le vote sur la scission de BHV. Cette enquête dévoile un ras-le-bol généralisé. A la question « Estimez-vous que le monde politique belge est encore en phase avec la population ? », 67% des Flamands, 72% des Bruxellois et 78% des Wallons (soit 71% au total) ont répondu « non ». Seuls 10% des Belges estiment encore que les politiciens sont proches de leurs préoccupations !

    Interrogés sur la scission de BHV, 60% des Flamands, 66% des Bruxellois et 71% des Wallons sondés estiment que cela ne méritait pas une crise institutionnelle majeure. Et, contrairement à certaines idées largement diffusées ces derniers temps, on remarque qu’il n’y a que peu de différence entre les réponses des différentes régions. La bataille communautaire dispose de bien plus d’officiers que de troupes…

    A force d’utiliser le communautaire pour masquer les problèmes socio-économiques – le manque de logements sociaux, la hausse générale des prix, les emplois sans cesse plus précaires et plus mal payés, les conditions de travail et de vie qui se dégradent,… – les politiciens ont favorisé la création d’un monstre qu’ils contrôlent de moins en moins. Alors, que faire ? Dans le même numéro du Soir Magazine, François De Brigode – le journaliste de la RTBF bien connu pour sa participation à la célèbre fiction « Bye Bye Belgium » – déclare que « même si les Belges émettent un désaveu face aux politiciens, il faut écouter ceux-ci ». Comme s’il suffisait de mieux écouter de mauvais acteurs réciter de mauvais dialogues pour transformer un mauvais film en chef d’oeuvre…

    Seuls les travailleurs peuvent arrêter ce cinéma et changer le scénario de fond en comble. Pour cela, il faut qu’ils se mobilisent et résistent aux attaques. Mais il faut surtout qu’ils puissent exprimer clairement leurs aspirations au changement. Et, pour cela, il faut que puisse se faire entendre une nouvelle voix politique.

    Que nous soyons jeunes ou âgés, avec ou sans emploi, wallons, bruxellois, flamands ou immigrés, nous devons forger ensemble un nouveau parti politique qui soit vraiment le nôtre. Car la seule communauté contre laquelle nous devons nous battre, c’est celle des patrons et des actionnaires, c’est celle des riches.

  • Leterme suscite de nouveaux remous communautaires

    Question nationale

    Yves Leterme voulait se faire remarquer et il a réussi. Ses propos dans Libération ont fait couler des litres d’encre dans tous les journaux. Les préparatifs de la réforme de l’Etat ont bel et bien commencé.

    Anja Deschoemacker

    Selon Leterme (président du CD&V et de la région flamande), les francophones n’ont pas les capacités intellectuelles pour apprendre le néerlandais, mais aussi que ne subsistent de la Belgique que le roi, la bière et le football. De plus, il a menacé les francophones d’abolir les mécanismes qui les protègent comme la parité linguistique au sein du gouvernement fédéral et la procédure de la sonnette d’alarme s’ils remettaient en cause la frontière linguistique. Di Rupo a surenchéri en mettant sur la table les mécanismes de protection des Flamands de Bruxelles et en revendiquant l’alternance linguistique du poste de Premier Ministre.

    Chacun sait ainsi à qui il doit s’en prendre: à l’autre communauté. Est-ce le cas? Mais avant d’aller plus loin: les francophones refusent-ils d’apprendre le néerlandais?

    Les faits sont les suivants. A Bruxelles, les enfants néerlandophones sont une minorité dans l’enseignement maternel et secondaire. Un quart des jeunes scolarisés vont dans une école néerlandophone. Du côté francophone, quelque 150 écoles primaires et secondaires donnent une partie des cours dans une autre langue que le français. 4 le font en allemand, 29 en anglais et… 115 en néerlandais ! En dépit de sondages qui révèlent qu’une majorité de Bruxellois souhaitent un enseignement bilingue, les politiciens bruxellois flamands s’y opposent. En Flandre, l’enseignement en immersion est interdit et la connaissance du français recule dans la jeunesse. La réduction des moyens pour l’enseignement n’y est pas étrangère.

    L’attitude des travailleurs et de leurs familles envers les langues dépend étroitement des exigences du marché du travail. D’après le président de la FEB Jean-Claude Daoust: "L’unilinguisme se paye cash sur le marché du travail. On ne lit même pas les CV des candidats unilingues". C’est ainsi que la grande majorité des Bruxellois flamands se sont francisés dans le passé.

    De même aujourd’hui, le taux élevé du chômage en Wallonie et à Bruxelles (avec une grande majorité de chômeurs francophones unilingues) donne lieu à un redoublement d’efforts pour devenir bilingue. Le succès des chèques-langues en témoigne.

    Questions/réponses

    Les écarts économiques entre la Flandre et la Wallonie doivent-ils mener à la scission de la Belgique?

    La Belgique existe depuis près de 200 ans. Pourtant, elle a toujours connu de grandes disparités régionales. Depuis le début du 20e siècle, des voix pour plus d’autonomie régionale se sont exprimées des deux côtés. Seules les deux guerres ont donné lieu à l’expression d’un fort nationalisme belge. Mais il n’y a eu à aucun moment dans l’histoire, ni en Flandre ni en Wallonie, une situation où une majorité de la population s’est prononcée pour la séparation. La plupart des mouvements nationalistes s’en sont toujours tenus à un programme de réformes dans le cadre belge. La bourgeoisie préfèrerait certes un espace linguistique homogène qui est plus propice au développement économique, mais elle préfère encore davantage les grands ensembles cohérents à l’émiettement territorial.

    De plus, une scission de la Belgique pourrait donner lieu à un effet domino que les bourgeoisies européennes, c’est le moins qu’on puisse dire, ne souhaitent pas. Et que faire de Bruxelles qui sera revendiquée par la Flandre comme par la Wallonie?

    L’unanimité politique flamande reflète-t-elle un fort nationalisme flamand et une volonté de régionalisation accrue parmi la population flamande?

    C’est l’impression que l’on a lorsqu’on écoute n’importe quel politicien flamand. Mais alors, comment expliquer que les "sans opinion" l’emportent dans les sondages sur la scission de BHV réalisés en Flandre? Tout comme en Wallonie d’ailleurs. La Flandre et la Wallonie convergent en effet dans le peu d’intérêt que semblent porter leurs populations à la politique communautaire. Dans les sondages sur les dossiers prioritaires à l’approche des élections, ce sont des thèmes comme l’emploi, les soins de santé, la sécurité,… qui sont cités. On ne trouve jamais dans le top 10 " plus de compétences pour les régions et/ou les communautés ", pas plus en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles. Dans un sondage réalisé au plus fort de la crise autour de BHV, 84% des Flamands et 92% des Wallons prônaient le maintien de la Belgique.

    Qui dit quoi?

    • En mars 1999, tous les députés du Parlement flamand (sauf ceux du Vlaams Blok) ont voté les résolutions suivantes: maîtrise totale par la Flandre des soins de santé, de la politique des familles, de la coopération au développement, des télécommunications, de la recherche scientifique et technologique ; autonomie fiscale et financière accrue ; autonomie constitutive illimitée; transfert de l’exploitation et de l’infrastructure ferroviaires; solidarité objective et transparente avec les autres entités fédérées ; homogénéité des paquets de compétences en matière de police et de justice. Leterme fait d’une percée dans ce qui précède, avec la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, un préalable à l’entrée du CD&V dans un gouvernement fédéral; Vande Lanotte fait de la régionalisation du marché du travail un préalable à la participation du SP.a.
    • Le front francophone est jusqu’ici un front défensif. La plupart des politiciens francophones opposent à la revendication de scission de BHV celle du maintien et de l’ancrage des facilités, voire l’extension des limites de la Région de Bruxelles-Capitale.
    • Les politiciens bruxellois refusent d’être le dindon de la farce. Ils revendiquent surtout plus d’argent pour Bruxelles.
    • Il ressort de plusieurs enquêtes que les petits patrons flamands, regroupés au sein du Voka et d’Unizo, se prononcent en grande majorité pour la régionalisation du marché du travail.
    • La FEB en revanche, qui représente les grandes entreprises, se prononce contre la régionalisation du marché du travail. Pour Jean-Claude Daoust (De Standaard 1/9): "Chez Unizo, il s’agit surtout de petites entreprises dont le terrain d’action est souvent très local, circonscrit à la Flandre (…). Elles ignorent les entraves à la libre entreprise que pose une double ou une triple législation".
    • La FGTB et la CSC se sont prononcées contre une extension de la régionalisation. Le président de la CSC, Luc Cortebeeck, a dit dans Le Soir (11/9) que la régionalisation du marché du travail n’apporterait rien aux travailleurs flamands et causerait des dégâts au tissu socio-économique.
  • Blood & Honour. Chez nous aussi, les néonazis violents sont une menace!

    Ces dernières années, le MAS/LSP et Blokbuster ont plusieurs fois dénoncé le danger que représente des groupuscules néonazis comme Blood & Honour. Un des groupes qui se réfère à Blood & Honour, connu sous le nom de Sang-Terre-Honneur-Fidélité – BBET selon les initiales de ces mots en néerlandais- a été démantelé pour possession illégale d’armes et pour avoir envisagé des attentats. La quantité d’armes qui a été retrouvée est impressionnante: quelque 400 fusils et pistolets, des détonateurs pour mines, des masques à gaz, une bombe artisanale et des lettres prévues pour revendiquer la responsabilité de futures actions.

    Geert Cool

    2003. Ancien dirigeant du VMO, Bert Eriksson, parlait sur une réunion de Blood&Honour pour fêter l’anniversaire de Adolf Hitler

    Les faits ne sont pas récents

    Ce n’est pas un hasard si la répression contre BBET est arrivée à ce moment. En période électorale, les politiciens traditionnels et la police ont pu utiliser cette action dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et pour se profiler en même temps contre l’extrême-droite. Tout a été soigneusement préparé pour attirer une attention maximale sur les perquisitions aux domiciles des partisans du BBET. Le jeudi 7 septembre, des fouilles ont été faites, notamment dans quelques casernes. Mais les deux jours précédents, des journalistes interviewaient déjà Blokbuster sur le BBET…

    Nous ne sommes en rien surpris par la découverte d’armes. En 2004 déjà, nous avions publié une photo du suspect principal, Thomas Boutens, qui, dans la caserne de Leopoldsburg, s’était fait photographier avec des pistolets en visant l’objectif. Nous savions que les cercles du BBET disposaient d’armes et que ceux-ci, avec d’autres groupes néonazis, représentaient une menace. Cela était donc déjà connu en 2004!

    Récemment par contre, une augmentation des transactions d’armes au BBET a été signalée, motif officiel de l’intervention de la police. Après l’interdiction du BBET en Allemagne, beaucoup d’armes ont probablement été transférées en Belgique.

    D’après la tradition du VMO

    La présence d’armes chez des figures d’extrême-droite n’est ni étonnante, ni nouvelle. Fin des années ’70, début ’80, le VMO (Vlaamse Militanten Orde- Ordre Flamand Militant) allait encore plus loin. Le VMO ne se limitait pas à la possession d’un arsenal et à l’organisation de camps d’entraînement militaires, mais se servait de ces armes. L’interdiction du VMO est survenue après une série d’attaques et d’actions violentes: destruction d’un bistrot pour immigrés à St Nicolas, attaque à main armée contre un café de gauche à Bruges, tentative d’occupation violente du Halletoren à Bruges et bien d’autres encore.

    En 1983, l’interdiction du VMO était devenue inévitable. Plusieurs personnes condamnées à l’époque siègent aujourd’hui au parlement pour le Vlaams Blok/Belang. Philip Dewinter et Frank Vanhecke ont été formés politiquement dans les camps du VMO par le leader brugeois du VMO Roger Spinnewyn. Ce dernier a été condamné plusieurs fois pour port d’armes mais s’est présenté le 8 octobre sur la liste du VB à Zedelgem. Le leader national du VMO, Bert Eriksson a systématiquement déclaré qu’il était fidèle au ‘führer’ et au nazisme. Lors de son enterrement, le parlementaire et ancien militant du VMO Pieter Huybrechts était présent. Quand Eriksson a été incarcéré au début des années ’80 pour son engagement au sein du VMO, il s’était fait représenter par Filip Dewinter à la commémoration du collaborateur nazi Cyriel Verschaeve.

    Le VB contraint de se distancer

    Le VB a peu de choix et doit se distancer de Blood & Honour. Ce parti se rend bien compte que la majorité de ses électeurs n’adhère pas aux methodes et aux opinions de tels groupes. Mais ce n’est que quand les faits deviennent publics que la distance est prise. En 2004, Frida Foubert du VB à Waasmunster a été éjectée de son parti après avoir révélé que Blood&Honour avait organisé un meeting dans une salle qu’elle gérait. Dès que l’attention médiatique s’est affaiblie, Francis Van den Eynde l’a réintégrée…

    Selon l’ancien vice-président du VB, Roeland Raes, le parti ne se distance pas de tous les groupes radicaux mais seulement de ceux sur lesquels le VB n’exerce aucune influence. Dans le quotidien De Standaard il avait déclaré: "Dans les années ’70, il existait moins de tabous pour tenir des propos plus radicaux ou pour faire référence aux années ‘30 et ‘40. Les mesures contre nous à l’époque étaient moins prononcées et moins déterminées."

    La raison pour laquelle le VB est devenu prudent n’a rien à voir avec un changement de cap. Selon Raes, "le VB a dû traverser un tas de processus. L’objectif était de nous museler. Voilà pourquoi nous sommes devenus plus prudents et pourquoi nous ne nous engageons pas dans l’aventurisme aveugle de ces gens-là." Lors de son procès sur ses propos négationistes, Raes a été, et sera à l’avenir, défendu par l’avocat qui représente actuellement quelques membres du BBET.

    Il faut une réponse politique!

    Blood&Honour est évidemment un groupe dangereux. Suite à l’interdiction de cette organisation en Allemagne, des armes y ont aussi été retrouvées. En Europe de l’Est, les néonazis connaissent une ascension sans précédent.

    Face à la violence de groupes tels que le BBET, c’est d’une réponse politique dont nous avons besoin. Condamner la violence ne suffit pas en soi, nous devons aussi nous opposer au climat politique qui renforce le racisme.

    Les partis traditionnels défendent une politique néolibérale qui reproche aux victimes de la politique d’être eux-mêmes responsables de leur situation: les chômeurs seraient responsables du chômage, les pauvres de la pauvreté, les immigrés de l’immigration,… Cela crée un terreau pour une rhétorique ouvertement raciste, comme celle du VB. Qui plus est, en l’absence d’une alternative politique sérieuse pour les travailleurs et leurs familles, le VB peut croître sur base de l’opposition à la politique des partis traditionnels.

    Pour assurer qu’il n’y ait pas de climat où l’on accentue ce qui nous divise au lieu de favoriser ce qui rassemble les salariés et leurs familles, il faut une alternative politique. Une autre politique.

  • L'asile scolaire reçoit de plus en plus de soutien

    L’Union pour la Défense des sans papiers (UDEP), qui lutte pour des critères de régularisation clairs et permanents, a annoncé fin juillet qu’elle interpellerait les directions d’écoles et les comités de parents sur la possibilité de l’asile scolaire. L’enseignement catholique a déjà apporté son soutien. Cette prise de position intervient après qu’une école d’Eeklo a donné asile à une famille qui était menacée d’expulsion vers plusieurs pays. L’enseignement officiel a décliné la proposition.

    Emiel Nachtegael

    L’asile scolaire est une expression de la solidarité croissante de la population envers les sans-papiers. Il y a eu ces derniers mois des manifestations d’ampleur qui ont reçu notamment le soutien d’évêques, des syndicats et maintenant aussi de directions d’écoles et de comités de parents.

    Le ministre Dewael a déjà fait part de son mécontentement en rappelant qu’une institution scolaire doit s’en tenir aux lois. Il a malheureusement été suivi par la direction de l’enseignement officiel. Le soutien explicite de l’enseignement catholique a déjà suscité une vague de protestations parmi les politiciens et les éditorialistes.

    La pression qui s’exerce actuellement sur certaines écoles n’est cependant pas due au hasard. Le cas d’Eeklo était très poignant. Un couple avec enfants où l’homme vient du Yémen et la femme d’Azerbaïdjan ; la femme et les enfants devraient être expulsés vers l’Azerbaïdjan et l’homme vers le Yémen… Les enfants qui sont scolarisés peuvent souvent compter sur le soutien de leurs camarades de classe et d’autres connaissances dans la résistance aux expulsions. C’est important que les écoles fassent savoir qu’elles veulent soutenir cette solidarité et non la briser.

    Il y a un mouvement analogue en France où la solidarité avec les enfants scolarisés et leurs familles devient très concrète avec " l’adoption " par des familles françaises. Les syndicats devraient aussi mettre la pression sur le gouvernement. Des milliers d’illégaux, qui ont fui leur pays pour échapper à l’oppression politique ou au désespoir économique, travaillent dans notre pays dans des conditions indignes et, sans permis de séjour, ils sont livrés à l’arbitraire des patrons.

    Nous soutenons les actions dans les écoles et nous appelons à une large solidarité. A côté de cela, nous menons la lutte pour une société socialiste débarrassée de la pauvreté, du chômage, de l’exploitation ou de la guerre, une société où les raisons de fuir, que ce soit pour des raisons politiques ou économiques, n’auront plus lieu d’être. Ce sont notamment les conditions de vie et de travail épouvantables dans le monde néo-colonial qui poussent ces gens à chercher une issue dans la fuite.

    Mais le gouvernement belge est muet là-dessus. Comme le disait Walter Roggeman, le directeur du Sint-Jozef-Klein-Seminarie à Sint-Niklaas, dans les colonnes du journal De Standaard: "Qu’ont donc fait ceux qui se retranchent maintenant derrière la législation pour mettre un terme à cette répartition foncièrement injuste des moyens et des biens dans ce monde ? Quand des soins de santé dignes de ce nom et un enseignement de qualité seront-ils un droit pour chaque enfant dans ce monde?"

0
    0
    Your Cart
    Your cart is emptyReturn to Shop