Your cart is currently empty!
Tag: Crise économique
-
Faut il sauver Brussels Airlines ? Nationaliser pour sauver l’emploi !

Le siège de l’entreprise. Photo : Wikipedia C’est la question qui est dans toute les têtes depuis l’annonce ce mardi du plan de la direction de BA de licencier 1000 personnes, c’est à dire 1/4 de son personnel. La dépression économique qui couvait et a été déclenchée par la pandémie de COVID 19 menace plusieurs pans de l’activité économique et des millions d’emplois à travers le monde. Comment notre camp, celui des travailleuses et des travailleurs, peut-il réagir dans le monde d’après ?
Par Alain (Namur)
Le personnel comme variable d’ajustement pour protéger les profits
Ces 20 dernières années, le secteur aérien a subi des mutations et des crises. Au début des années 2000, sur fond de crise économique et de période d’incertitudes liées aux attentats, la faillite de la Sabena était prononcé en 2001. Avant la faillite, le groupe Swissair avait vampirisé les finances de la société et les subsides de l’Etat. Le secteur a été confronté à la grande récession mais aussi aux sociétés low-cost qui ont rendu la compétition encore plus féroce pour maintenir les marges.
Cette situation a brisé l’image idyllique que l’on pouvait avoir du secteur aérien. Les profits du secteur ces 20 dernières années ont été restaurés et maintenus au prix d’une hausse de l’exploitation de la force de travail. Divers mouvement sociaux ont mis en lumière quelles sont les conditions de travail du secteur. La lutte des bagagistes, celle du personnel de vol ou de Skeyes ont illustré que le combat paie. Mais elles ont aussi souligné la brutalité des patrons du secteur, avec l’aide des Etats.
Le patron de Ryanair, Michael O’Leary, a ainsi mis son bras en jeu pour interdire au personnel toute représentation collective (en savoir plus). Au-delà de l’exploitation de la force de travail, le secteur profite aussi des infrastructures publiques pour verser des dividendes aux actionnaires. En effet, les aéroports, mais aussi toute l’infrastructure industrielle liée au secteur est soutenue par des fond publics. Que ce soit via skywin, le pôle de compétitivité du secteur, ou via des investissements dans le capital des sociétés de finances publiques (SOGEPA, SOWALFIN, SFPI) et de société comme Safran aéro booster ou la Sonaca. Le secteur oriente l’argent public pour réaliser des profits privés. Avec la crise de société comme Thomas Cook et ou de BA c’est tout ce biotope qui est menacé. Cela illustre aussi à quel point la politique de « l’Etat-stratège » a des limites.
Nationaliser les pertes et privatiser les profits : le plan des capitalistes
Beaucoup de sociétés aériennes, sont d’anciennes sociétés nationales privatisées ou ouvertes au capital privé. Aujourd’hui, les capitalistes qui ont touché leurs dividendes des années durant jouent la carte du chantage à l’emploi puisque leurs profits sont menacés. Les Etats nationaux, qui veulent d’une part maintenir leur prestige en défendant leur champion national et d’autre part sauvegarder leurs infrastructures industrielles, passent donc à la caisse en nationalisant les pertes. C’est ce qui est en train de se jouer avec BA.
Le chantage de la Lufthansa est pragmatiquement cynique. Elle réclame 300 millions d’euros à l’Etat belges et plus d’1 milliard à l’Etat allemand sans que ces deux Etats aient leur mot à dire sur la gestion de l’entreprise ! Il faut préciser que, pourtant, les politiciens traditionnel ne sont pas dangereux pour le capital. Dexia a compté dans sa direction des politiciens belges de premiers plans comme Dehaene ou Di Rupo tout en poursuivant sa politique de casino. Les négociations sont menées en vase clos entre les capitalistes et leurs représentants politiques : pas la moindr trace représentation du personnel. Celui-ci en est juste réduit à attendre le passage du rouleau compresseur.
Ouverture des comptes et nationalisation pour sauver l’emploi : des revendications pour notre classe
On dit souvent qu’on n’achète pas un chat dans un sac. De la même manière, on ne peut pas donner plus de 300 millions d’euros à une société de capital privée qui à l’intention de ne rendre aucun compte et qui veut licencier 1000 personnes. De plus, la direction a déjà annoncé la couleur en voulant négocier au rabais les conditions de travail du personnel restant. On dit que le secteur aérien est en difficulté. La dépression annonce en effet une dévastation économique comparable à celle qui a suivi le crash de 1929. De fait, avec la crise, les avions sont cloués au sol. Les sociétés sont en manque de liquidité et la moitié d’entre elles est menacée de faillite. Mais où sont passés les profits des années précédentes ?
2019 a été une année difficile due au ralentissement de la croissance mondiale. Mais une année difficile pour le capital, c’est une année où les marges sont moindres que prévu. Au niveau international, pour 2019, le rendement sur capital investi était de 5,7%, la marge bénéficiaire était de 3,1% et les recettes totales pour ce secteur d’industrie étaient de 839 milliards de dollars. (1) Malgré ces chiffres le secteur s’apprête à sabrer dans l’emploi partout dans le monde. Ce sont 25 millions d’emplois qui sont menacés. (2)
La collectivité doit pouvoir ouvrir le sac et vérifier les comptes du secteur. Beaucoup d’argent a déjà été investi dans le secteur et dans son infrastructure industrielle. Il doit y avoir expropriation, sans rachat ni indemnité sauf sur base de besoins prouvés. La seule voie doit être de nationaliser pour sauver l’emploi et réorganiser le secteur sous le contrôle des travailleuses et des travailleurs !
Le secteur aérien et l’environnement
Le mouvement pour le climat de l’année passée a très justement mis en avant que le secteur aérien est un contributeur important au réchauffement climatique. Aujourd’hui, la réponse des capitalistes du secteur est cinglante : il faut choisir entre l’emploi ou l’environnement. À l’échelle mondiale, on parle de plus de 25 millions d’emplois menacés. Face à cela, les politiciens traditionnels n’ont aucune solution. Le parti ECOLO a parlé d’alliances emploi-environnement mais, depuis son entrée aux gouvernements wallon et bruxellois, on ne voit pas trop bien comment cela se matérialise. Aucun changement structurel n’a été amené dans ce secteur.
Face à cela, quelle est la réponse des marxistes ? Nous estimons que la première étape doit être de nationaliser l’ensemble du secteur pour garantir l’emploi et réorienter l’activité sous contrôle de la collectivité. C’est la seule manière d’assurer que le secteur respecte les normes environnementales.
Mais au-delà de ça, c’est la seule voie pour planifier une transition du secteur. La question de la mobilité doit être pensée de manière collective et globale. Il faut une gestion planifiée des vols intercontinentaux pour y affecter le personnel nécessaire. Une réduction du temps de travail et des cadences avec maintien du salaire et sauvegarde de l’emploi doit permettre de pouvoir partager le travail et le rendre soutenable. Il faut augmenter l’interconnexion des voies de chemin de fer et la qualité de ceux-ci pour diminuer la nécessité des vols aériens à l’échelle continentale. Une réorientation du personnel aérien pourrait être possible dans le cadre de sociétés de transport gérées collectivement à l’échelle nationale.
Une plongée brutale dans le monde d’après
Beaucoup de choses ont été dites ou écrites sur la possibilité d’émergence d’un monde post-covid où plus rien ne serait comme avant. Alors que l’heure est au déconfinement, on se rend compte que ce qui lui donnera sa forme sera la lutte des classes.
Le patronat considère la crise comme une opportunité pour défendre son programme. Toutes les difficultés économiques vont être instrumentalisées pour garantir le profit d’une minorité. On le voit déjà dans notre pays, la crise a été l’occasion d’écarter les représentants du personnel, d’attaquer les droits conquis et de réaliser des coupes budgétaires.
Dans cette situation, notre camp ne pourra vaincre qu’uni et organisé. Certains commentateurs comparent les 8 millions alloués à la culture aux 290 millions qui sont demandés par BA. Nous devons repousser cette approche. Il est important de mettre en avant ce qui nous unis. Il n’y a pas d’opposition entre la auvegarde de l’emploi et la défense de la culture. La classe ouvrière a synthétisé cela dans la chanson et le slogan « Bread and Roses » : nous voulons du pain, mais aussi des roses. Nous voulons construire une société qui assure les besoins de toutes et tous et qui permettent à toute la société de s’épanouir et de s’émanciper. Cela exige que l’économie ne produise pas pour l’échange mais pour l’usage, en fonction des besoins et de manière rationnelle. Il y a énormément de richesse qui ont été générées ces dernières années et la crise actuelle ne doit pas nous le faire oublier !
Aujourd’hui, plus de 900.000 personnes sont au chômage temporaire. 180.000 personnes sont menacées de perdre leur emploi. À cela s’ajoutent les procédures Renault qui étaient déjà en cours, comme chez GSK. Une campagne de solidarité pourrait être mise sur pied en défense de l’emploi et pour la nationalisation sous contrôle de la collectivité. Pour faire vivre cette campagne, le personnel menacé par les licenciements pourraient faire des affiches à mettre au fenêtre ou des message à poster sur les réseaux pour poser les premiers pas de la construction d’une relation de force en faveur du monde du travail.
Notes :
1) https://www.iata.org/contentassets/36695cd211574052b3820044111b56de/2019-12-11-01-fr.pdf
2) https://www.rtbf.be/info/monde/detail_le-secteur-aerien-pourra-t-il-eviter-la-catastrophe-industrielle?id=10483629 -
Une réponse socialiste à la nouvelle “Grande Dépression” – Le capitalisme menace notre santé et nos conditions de vie

“Le cliché le plus trompeur sur le coronavirus est qu’il nous affecte tous de la même manière. Ce n’est pas le cas, ni médicalement, ni économiquement, ni socialement, ni psychologiquement. Le Covid-19 renforce partout les inégalités préexistantes. Cela provoquera bientôt des troubles sociaux, allant jusqu’à des soulèvements et des révolutions”.
Non, cette citation ne provient pas de la rédaction de Lutte Socialiste et de socialisme.be. Elle provient d’un article rédigé par un rédacteur du site d’information financière Bloomberg. Son auteur, Andreas Kluth, affirme que l’effet immédiat de la crise sanitaire est que la plupart des formes de troubles sociaux disparaissent sous la surface, mais que la colère demeure bel et bien et qu’elle va éclater, prévient-il à destination des capitalistes.
La crise sanitaire s’accompagne d’un effondrement économique. La Banque nationale et le Bureau du Plan estiment que le PIB belge diminuera de 8% en 2020. La banque KBC avait précédemment prédit une baisse de 9,8 % et dans un scénario plus pessimiste, où le virus n’est pas sous contrôle, il était même question d’une baisse de 13,2 %. En comparaison, la récession mondiale de 2008 n’avait entraîné qu’une baisse de 2 % du PIB en 2009.
Un recul de 8% ne peut être comparé qu’à la Grande Dépression. En Belgique, l’activité économique a chuté de 9,5 % entre 1931 et 1934. Les conséquences ont été immenses : chômage, faim, mais aussi révolte des travailleurs, notamment des mineurs, pour ne pas subir les conséquences de la crise. Si les conséquences sociales ne sont pas pour l’instant pires en Belgique, c’est uniquement grâce à la sécurité sociale. Le mouvement ouvrier s’est battu avec acharnement pour l’obtenir, notamment suite à l’expérience de la Grande Dépression. De là sont nées les allocations de chômage, l’assurance maladie et les mesures de sécurité sur le lieu de travail.
Avec une protection sociale plus limitée, les conséquences sont carrément dramatiques. Au cours des trois premières semaines de la crise, 17 millions de personnes supplémentaires se sont retrouvées au chômage aux États-Unis. Ce nombre pourrait atteindre 50 millions. Aux États-Unis, perdre son emploi signifie aussi de perdre son assurance maladie. L’inaccessibilité des soins et les problèmes financiers menacent de provoquer non seulement une catastrophe médicale, mais aussi une catastrophe sociale. Dans le monde néocolonial, la situation est encore pire. La “distanciation sociale” est généralement le privilège des plus riches. Les masses ne sont pas seulement à la merci du virus, mais se retrouvent aussi dans une misère encore plus profonde. A travers le monde, 2,7 milliards de travailleurs ont été touchés par les mesures de confinement.
Les économistes osent parler d’une nouvelle croissance rapide après une forte récession. La Banque nationale et le Bureau du plan espèrent une croissance de 8,6% en 2021. Les économistes avertissent toutefois qu’il s’agit d’un scénario optimiste et que le problème de la dette publique va s’aggraver. De plus, la banque JP Morgan part du principe que même avec une reprise de la croissance, les chiffres du chômage à la fin de 2021 seront beaucoup plus élevés qu’avant le début de la récession. L’Organisation internationale du travail a averti que jusqu’à 195 millions d’emplois pourraient disparaître dans le monde et que le revenu de 1,25 milliard de personnes pourrait chuter de manière dramatique en raison de cette crise.
Le capitalisme mène non seulement à la crise sanitaire, mais aussi à une crise économique douloureuse. Et les patrons voudront nous en faire payer le prix. Nous n’aurons pas d’autre choix que de nous organiser et de lutter pour une alternative socialiste au capitalisme.
‘‘La crise du coronavirus renforce toutes les contradictions et les faiblesses du capitalisme.’’
Le 12 avril, Alternative Socialiste Internationale (ASI) a organisé une réunion en ligne intitulée : ‘‘Une nouvelle grande dépression ? A cette occasion, Eric Byl, Per-Ake Westerlund et Claire Laker-Mansfield ont répondu à diverses questions sur la crise. Voici un résumé de ce débat.
Le ralentissement économique est lié au fait que de nombreuses personnes ne peuvent pas travailler en raison du confinement, mais leur emploi est maintenu. Cela signifie-t-il qu’une fois le virus sous contrôle, l’économie se redressera ?
Eric : ‘‘Le lourd tribut de cette crise sur de nombreuses vies signifie que la question de la reprise économique n’est malheureusement plus pertinente pour beaucoup. La crise du coronavirus est causée par le capitalisme, qui est incapable d’organiser la société d’une manière socialement et écologiquement harmonieuse. Sous le capitalisme, les préoccupations relatives aux exigences sociales, à l’environnement ou à la protection au travail sont balayées au bénéfice de la cupidité. Les conséquences de la crise du coronavirus n’auraient pas été aussi dévastatrices si le budget du secteur des soins n’avait pas été réduit, si des stocks avaient été prévus et si les avertissements n’avaient pas été ignorés.
‘‘Le rapide ralentissement économique que nous connaissons aujourd’hui portera à jamais le nom du Covid-19. Pour la classe dirigeante, le virus sera le méchant : l’imprévisible catastrophe naturelle. En réalité, tous les éléments d’une nouvelle récession étaient en place depuis la précédente récession de 2008. Le tournant décisif avait alors été la faillite de Lehman Brothers, provoquée par les subprimes. Le coronavirus d’aujourd’hui représente ce qu’était Lehman Brothers pour la précédente récession.
‘‘Après 2008, la croissance a été systématiquement plus faible qu’auparavant. La croissance de la productivité a continué de diminuer. Des bulles spéculatives ont remplacé les bulles qui avaient éclaté. Malgré les faibles taux d’intérêt et l’injection massive de capitaux ans l’économie, il n’y a pas eu de véritable croissance des investissements productifs. Les salaires sont restés bas, les prix des logements élevés et ce que payent les travailleurs pour l’enseignement ou la santé a continué d’augmenter. Les bénéfices de la reprise limitée sont massivement allés dans les poches de l’élite capitaliste. L’injection massive de capitaux dans l’économie est allée en grande partie vers la spéculation plutôt que vers l’investissement productif.
‘‘En fait, la politique des pays capitalistes développés a été de retarder la crise en injectant de plus en plus d’argent dans l’économie. Cela a conduit à un niveau record de dette publique. Cela aurait pu en soi déclencher une nouvelle récession, plus importante. La lutte pour les profits a accru les tensions au sein des blocs commerciaux et entre ceux-ci. Cela a entraîné des mesures protectionnistes, un nationalisme politique croissant et un renversement partiel de la mondialisation. Tout cela constitue la base de la crise actuelle. Le coronavirus et le confinement ont joué un rôle important en tant que déclencheur, mais même sans cette pandémie, d’autres causes auraient conduit à la crise.’’
Claire : ‘‘Le coronavirus a exposé et renforcé toutes les contradictions et les faiblesses existantes du capitalisme. C’est important de garder en tête dans le débat sur la nature de la récession. Certains économistes espèrent qu’après un effondrement brutal et rapide, il y aura une croissance solide une fois levées les mesures de confinement. Cependant, la plupart des économistes capitalistes sérieux commencent à remettre en question ce scénario optimiste d’une crise en forme de ‘‘V’’. Ils se rendent compte qu’il s’agit de la crise bien la plus grave de leur système. Des processus économiques déjà à l’œuvre, comme la démondialisation, sont accélérés par cette crise.
‘‘Peu à peu, les optimistes parmi les économistes se dirigent vers un modèle en ‘‘U’’ : une crise qui exigera un certain temps pour que les effets de la récession soient conjurés. L’économiste Nouriel Roubini, en revanche, qui avait prédit la récession de 2008, parle d’une crise en forme de ‘‘I’’ : un déclin sans fin, une ligne verticale qui représente l’effondrement abyssal des marchés financiers et de l’économie réelle. De plus en plus, la seule comparaison historique possible est celle de la Grande Dépression au début des années 1930.’’
Per-Ake : ‘‘Bien entendu, nous ne savons pas combien de temps durera le confinement. Les tentatives désespérées pour relancer l’économie portent le risque d’une nouvelle vague rapide d’infections. Même avec une relance rapide de l’activité, tout commencera à un niveau inférieur. Les exportations chinoises ont chuté de 20 % en janvier et février et elles continuent à baisser. La diminution des importations est encore plus importante. Il n’est pas surprenant que le magazine The Economist écrive que la sortie du confinement sera très difficile avec des consommateurs incertains, de nouvelles réglementations sanitaires et peut-être une vague de fusions et d’acquisitions après les faillites.
‘‘Même avant la pandémie, le nationalisme connaissait un essor. Trump, Bolsonaro, Orban,… Cette tendance s’est maintenant intensifiée : en Europe, presque tous les États membres disent que leur pays passe en premier et qu’il n’est pas question de solidarité entre eux. Des frontières ouvertes depuis des décennies se ferment. Une des grandes contradictions du capitalisme est que les capitalistes eux-mêmes sont attachés à leurs pays, alors que la production est devenue de plus en plus internationale. Cependant, les mesures protectionnistes et nationalistes n’offriront pas d’issue : lors de la grande dépression des années 1930, elles n’ont fait qu’aggraver la crise.
‘‘Les tensions géopolitiques mondiales, en particulier entre la Chine et les États-Unis, représentent un facteur de complication pour l’économie mondiale et rendent le cours de la crise imprévisible. Une nouvelle croissance rapide est très peu probable en raison de tous ces éléments.’’
Cette crise peut-elle être comparée à celle de 2008 ? La crise est-elle due à une demande insuffisante?
Claire : ‘‘Il y a autant des problèmes d’offre, en raison de la fermeture d’usines et d’ateliers, que des problèmes de demande, en raison du confinement et des conséquences directes de l’augmentation du chômage ou des réductions de salaires. Toutefois, les facteurs sous-jacents sont les mêmes qu’en 2008. Les contradictions qui ont conduit à la récession de 2008 n’ont jamais été résolues et n’en ressortent aujourd’hui que plus fortes. La reprise économique après 2008 reposait sur des taux d’intérêt historiquement bas et l’accès à l’argent bon marché. Cependant, les investissements productifs ne se sont pas matérialisés et la croissance de la productivité a continué à stagner. Cela a conduit à de nouvelles bulles spéculatives, y compris sur la dette. La nouvelle récession frappe une économie déjà affaiblie. En outre, une réponse plus globalement coordonnée, comme ce fut le cas après 2008, est beaucoup plus difficile.
‘‘Aujourd’hui, les familles des travailleurs subissent déjà la crise avec des salaires plus bas, des pertes d’emplois et une vie confinée dans cette crise sanitaire. Après 2008, nous avons connu une vague d’austérité. Mais les capitalistes vont maintenant réfléchir à deux fois avant de faire la même chose. En 2019, une vague de soulèvements de masse a déjà eu lieu. De nouvelles économies, en particulier sur les soins et la protection sociale, pourraient conduire à des troubles sociaux et même à une insurrection.’’
Per-Ake : ‘‘Une des causes de la crise capitaliste est la surproduction : les capitalistes ne peuvent pas vendre tout ce qui est produit. Les travailleurs et les pauvres n’ont souvent pas les moyens de s’offrir les biens les plus élémentaires, même dans les pays capitalistes développés. Dans sa brochure de 1939 intitulée ‘‘Le marxisme et notre époque’’, Trotsky fait référence à Marx: ‘‘Accumulation de la richesse à un pôle, signifie donc en même temps accumulation de misère, de souffrance, d’esclavage, d’ignorance, de brutalité, de dégradation mentale au pôle opposé, c’est-à-dire du côté de la classe dont le produit prend la forme de capital.’’ Pour les capitalistes, peu importe ce qu’ils produisent : ils veulent de la valeur ajoutée, ils veulent du profit.
‘‘Les salaires n’ont pas vraiment augmenté ces dernières années, ils ont plutôt stagné. La part des salaires dans l’économie a diminué. Cette situation a été compensée par le crédit et la dette. La consommation joue un rôle important dans le PIB. Aux États-Unis, elle représente 68 % du PIB. Actuellement, 1,25 milliard de travailleurs dans le monde perdent leur salaire ou une partie importante de celui-ci, et nous ne savons pas pour combien de temps cela va durer. Ils auront un accès plus difficile au crédit. Même si les gouvernements adoptent l’argent dit ‘‘hélicoptère’’ (de l’argent donné directement aux consommateurs), cela ne compensera pas les pertes. La demande va diminuer et, par conséquent, les investissements aussi. The Economist prédit qu’il y aura jusqu’à 50 % de demande en moins dans certains secteurs, le seul moteur pour stimuler la demande dans les deux prochaines années étant le gouvernement.
‘‘En ce qui concerne l’approvisionnement, il y a aussi un problème. Par exemple, la production de voitures est en grande partie paralysée. De nombreuses entreprises voient des problèmes dans la chaîne d’approvisionnement et n’ont pas de plan B. Les prix des denrées alimentaires peuvent augmenter fortement. Le cynisme du capitalisme est que des entreprises qui fabriquent des armes et des produits de luxe qui ne sont pas fermées alors qu’en même temps il y a une grande pénurie de matériel médical. Le capitalisme montre ainsi sa véritable nature et cela aura un effet sur la conscience des masses.
‘‘Les socialistes y répondent par leur programme pour axer l’économie sur les besoins de la majorité de la population, y compris le respect de l’environnement. Au lieu de simplement rouvrir des usines polluantes, il faut un contrôle démocratique pour réorganiser la production de façon planifiée au niveau national et international.’’
Éric : ‘‘Les marxistes ne se sont jamais fait d’illusions sur un ‘‘capitalisme malin’’ qui trouve un moyen de surmonter les crises récurrentes. Après tout, le capitalisme comporte des contradictions : la production est socialisée, mais l’appropriation des profits reste individuelle. Les travailleurs font partie d’une chaîne de production collective avec une division du travail, mais sans avoir leur mot à dire sur ce qui est produit et comment on le produit, et encore moins sur ce qu’il advient des bénéfices. De plus, la division du travail est internationale, alors que les capitalistes sont dépendants des États nationaux. Cela crée des tensions non seulement avec la classe ouvrière, mais aussi avec les classes capitalistes des pays concurrents.
‘‘Les capitalistes tirent profit du travail non rémunéré des travailleurs. Cela conduit à une lutte des classes pour les salaires contre les profits et crée une tendance à la surproduction. Le plus grand problème du capitalisme aujourd’hui est le développement de la science et de la technologie. Une concurrence féroce exige que la recherche et le développement donnent des résultats de plus en plus rapides. Cela nuit à la productivité et limite l’accès aux connaissances sous forme de brevets. Aujourd’hui, les entreprises versent en moyenne 70% de leurs bénéfices en dividendes au lieu de les investir dans la production. Heureusement, les progrès scientifiques et technologiques existent, mais ils ne contribuent guère à l’augmentation de la productivité, car ils sont entravés par la propriété privée des moyens de production. Marx a déclaré un jour que tout système de production peut continuer à exister tant qu’il est capable de développer les forces productives, mais que sinon le moteur de l’histoire, en particulier la lutte des classes, fera son travail.’’
Divers gouvernements interviennent dans cette crise avec des mesures qui étaient auparavant impensables. Par exemple, on envisage d’augmenter les allocations de maladie, d’augmenter les allocations de chômage et même de nationaliser un certain nombre d’entreprises. Cette crise signifie-t-elle la fin du néolibéralisme, qui signifie la course aux privatisations et à l’abolition des mesures de protection collective ?
Claire : ‘‘Bien que pendant des années, on nous a dit que seul la libre concurrence fonctionnait et que les services publics devaient répondre la logique du marché pour être efficaces, même les grands partisans de la loi du marché doivent maintenant reconnaître que le secteur privé n’est pas capable de répondre aux besoins de la population. Partout, on se tourne vers les gouvernements pour qu’ils interviennent activement. L’objectif est d’éviter un effondrement économique et des troubles sociaux plus graves. Ces mesures ne sont pas prises dans l’intérêt des travailleurs et de leur famille, mais pour sauver les meubles capitalistes. Si la priorité devait vraiment être les besoins de la population, les entreprises pharmaceutiques, par exemple, seraient nationalisées. Cela permettrait une coopération dans le développement et la production de vaccins. Toutefois, ces entreprises ne seront pas nationalisées, car elles réalisent d’importants bénéfices avec cette crise.’’
Per-Ake : ‘‘Un certain nombre de mesures ou de discussions rappellent la façon dont Roosevelt a réagi à la Grande Dépression aux États-Unis avec son New Deal d’investissements dans les infrastructures et l’emploi. Ce programme a été rejeté comme ‘‘socialiste’’ à l’époque, mais Roosevelt lui-même a fait remarquer qu’il proposait ces mesures pour sauver le capitalisme. Le New Deal a provoqué une forte augmentation de la dette publique américaine et n’a pas mis fin aux contradictions qui avaient conduit à la Grande Dépression.
‘‘Avec cette crise, les citoyens doivent passer à des mesures qui étaient auparavant impossibles ou impensables : payer plus cher les personnes malades ou au chômage, augmenter le budget des soins de santé, nationaliser les entreprises. Lors de la crise de 2008-2009, des mesures similaires avaient déjà été adoptées, entre autres pour sauver les banques. De nouvelles privatisations et une sévère politique d’austérité ont suivi. Si certaines parties du néolibéralisme sont abandonnées, nous devons bien sûr en prendre note. Elle montre clairement que le changement est possible. Les luttes de masse menées à partir de la base peuvent faire hésiter la classe capitaliste à imposer de nouvelles mesures d’austérité.
‘‘Dans ce contexte, des revendications telles que la nationalisation ou l’augmentation des allocations sociales ne sont pas suffisantes. Nous ne voulons pas que les entreprises déficitaires soient nationalisées et pour ensuite en rendre les parties rentables au secteur privé. Le mouvement ouvrier et les jeunes doivent se mobiliser et se battre pour le contrôle démocratique, la planification démocratique et l’abolition de tout le système capitaliste.’’
Éric : ‘‘Les mesures d’incitation sont proposées pour aider les familles et les petites entreprises. Mais seuls 11 % de l’énorme plan de relance américain vont directement aux familles. Dans le même temps, une bombe à retardement fiscale fait tic-tac aux États-Unis : les collectivités locales vont chercher des économies ailleurs en raison de la perte de recettes fiscales et de dépenses résultant du plan de relance, et éventuellement procéder à des licenciements. Il y a encore des bombes à retardement dans la situation actuelle : on estime que le marché du logement aux États-Unis va chuter de 35 % cette année. Il y a un risque d’une série de faillites et d’un effondrement financier.’’
‘‘Les néo-keynésiens prônent aujourd’hui la ‘‘théorie monétaire moderne’’ : encore plus d’argent créé par les banques centrales. Ils pensent qu’ils sont en train de gagner la bataille. L’offre mondiale dépasse actuellement la demande, ce qui maintiendra l’inflation et les taux d’intérêt à un faible niveau pendant un certain temps. Mais le manque de productivité fait que les capitalistes n’investissent pas. Même si cette politique est maintenue pendant un certain temps, l’inflation des capitaux menace de se propager à l’économie réelle avec un risque d’hyperinflation. Les illusions peuvent ouvrir la voie à des régimes plus réactionnaires qui font appel au nationalisme et à la xénophobie. Le réformisme et le néo-keynésianisme ne répondent pas aux défis auxquels est confronté le mouvement syndical.
‘‘Il faut un programme socialiste audacieux en commençant par la nationalisation de secteurs clés de l’économie sous contrôle et appropriation démocratiques, afin que la planification devienne possible.’’
-
‘‘Sauver des vies ou l’économie ?’’ Le capitalisme révélé pour ce qu’il est
Les travailleurs font tourner le monde, il est temps qu’ils le prennent en main !
La crise du coronavirus a fait éclater la montagne de problèmes économiques qui n’avaient été que repoussés depuis 2008. Nous entrons dans la pire crise économique depuis 1929. Des millions de travailleurs rejoignent aujourd’hui les rangs des chômeurs. D’après le FMI, la Belgique peut s’attendre à une récession de 6,9% en 2020 et à au moins 100.000 chômeurs en plus. Elio Di Rupo a déjà prévenu ‘‘Il faut être honnête, tout le monde va perdre une partie de ses revenus.’’L’expérience de la crise de 2008 nous a douloureusement appris que chacun ne fait pas partie de ce ‘‘tout le monde’’. Pour sauver la classe capitaliste, ceux qui ont envoyé 172 milliards d’euros de Belgique vers les paradis fiscaux en 2019, l’argent n’a pas manqué. La facture, ‘‘tout le monde’’ l’a payée, c’est-à-dire les travailleurs et leur famille.
Il n’y a pas que pour la santé que l’on s’inquiète. “Entre la crainte de tomber malade et celle de perdre son emploi, il faut choisir”, résumait amèrement un travailleur de Colruyt sur 7sur7.be suite au décès d’un collègue, après avoir expliqué à quel point la direction de son magasin se moquait des mesures de distanciation sociale. En dépit des risques, nombreux sont celles et ceux dont la situation les pousse à espérer la fin du confinement et la fin du chômage technique, quitte à aller bosser la peur au ventre.
Passons à l’offensive !
Le mouvement des travailleurs doit se battre pour son propre plan de relance économique et sanitaire. Face aux menaces qui pèsent sur l’emploi, il faut assurer aux travailleurs que chaque entreprise qui procèdera à des licenciements collectifs sera expropriée et placée sous contrôle et gestion des travailleurs. Nous devons répartir le travail disponible par une réduction de la semaine de travail à 30 heures sans perte de salaire pour fournir à chacun un emploi aux conditions de travail équitables. Nous devons nous donner les armes pour faire face à la crise sanitaire, économique et écologique.
De tels mots d’ordres socialistes peuvent rapidement saisir l’imagination des masses. Des associations françaises de soignants ont récemment exigé la ‘‘réquisition des moyens de production’’ de médicaments et matériel. Hier, ce terme pouvait sembler d’une radicalité abstraite. Aujourd’hui, c’est une évidence.
Imaginons ce qui serait possible si un plan d’investissements publics massifs s’attaquait à la pénurie de logements sociaux, aux infrastructures sanitaires défaillantes, à l’isolation énergétique,… en créant des emplois socialement utiles avec un vrai salaire. Imaginons ce qui serait possible si un large et puissant secteur public de la recherche scientifique était à l’œuvre pour trouver un vaccin sur base de la coopération. C’est ainsi qu’on pourrait en finir avec le gaspillage d’énergie et de moyens engendré par la concurrence féroce entre multinationales pharmaceutiques. Imaginons ce qui serait possible si une approche planifiée était à l’œuvre pour que l’économie soit pensée et organisée pour répondre aux besoins de la population et non à la cupidité frénétique des actionnaires. Personne n’aurait à poser la question ‘‘sauver des vies ou l’économie’’.
Cela signifie le non-paiement de la dette publique, sauf sur base de besoins prouvés, l’expropriation et la nationalisation du secteur financier et de secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion des travailleurs. De cette manière, l’argent ne manquera pas pour assurer le bien-être collectif.
Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures
La crise du Covid-19 montre l’étendue de la faillite du capitalisme, mais aussi que les ‘‘héros’’ qui tiennent la société sur leur dos, ce sont les éboueurs, les infirmières, les conducteurs de train et de bus, le personnel d’entretien, celui de la distribution,… Personne n’a parlé des actionnaires comme d’une activité essentielle.
La situation actuelle est propice à la remise en question globale du système capitaliste. Nous devons nous enfoncer dans cette brèche avec audace. Sur le terrain syndical avec une riposte partant de la base pour défendre chaque emploi menacé, y compris par l’occupation des entreprises. Mais aussi sur le terrain politique en attaquant ouvertement la propriété privée des grands moyens de production et d’échange et en s’appuyant sur l’entrée en action des travailleurs et pas seulement sur leurs votes.
La perspective d’une transformation socialiste de la société renforcerait ce combat et pourrait en même temps être davantage popularisée. La faillite du capitalisme exige de défendre une alternative.
1) Le Soir, 13 avril 2020
-
Payer pour vendre du pétrole. Le capitalisme et ses contradictions exposés par la crise
Le 20 avril 2020, les sites d’actualités étaient pleins de graphiques montrant le prix du pétrole américain crever le plancher des 0 $/baril et finalement atteindre -37 $/baril. C’est historique, ça ne s’était encore jamais produit. Cet évènement est révélateur de tout un tas de mécanismes qui sous-tendent le mode de production capitaliste d’ordinaire moins visibles. Il est nécessaire de faire le point sur quelques détails avant d’en donner l’interprétation qui convient et d’en tirer les conclusions nécessaires.Par Jeremy (Namur)
Quand on évoque le «?prix du pétrole?», on se base le plus souvent sur un indicateur représentatif du prix moyen de vente d’un baril de pétrole brut (non raffiné). Il existe plusieurs indicateurs qui regroupent les prix de vente de différentes compagnies productrices. Les indicateurs les plus connus sont le Brent et WTI. Comme le marché du pétrole est très mondialisé, les fluctuations dans un de ces indicateurs ont tendance à se répercuter naturellement sur tous les autres.
En effet, si le prix de vente d’une partie des producteurs mondiaux est plus faible que celui de leurs concurrents, la demande et donc le prix de vente auprès de ces derniers diminue au profit des producteurs les moins chers. Il peut arriver que des écarts significatifs entre ces indicateurs persistent dans le temps en raison des limites pratiques dans les conditions réelles de production et d’échanges entre les producteurs et les consommateurs. Ça peut-être, par exemple, à cause d’une difficulté temporaire de transport ou de stockage comme ce fut le cas ici comme nous y reviendrons. La Fig.1 ci-dessus représente l’évolution du prix en dollars par baril pour les indicateurs WTI et Brent au cours de l’année écoulée et jusqu’au 20 avril 2020. On peut clairement voir la courbe du WTI passer sous la barre des 0 $/baril.
Mais quel sens donner à un prix négatif?? En réalité, au moment de la vente de pétrole, le producteur et le consommateur s’accordent pour échanger une certaine quantité à une échéance fixée à l’avance. Entre cet accord et la livraison, l’acheteur peut aller vendre son contrat sur le marché financier de l’énergie. Le prix de cette nouvelle transaction est fixé par l’équilibre entre l’offre et la demande de ce marché secondaire.
Cela ouvre la possibilité de spéculer sur les prix : si vous pensez que la demande va croître, vous achetez des titres de vente à moindre prix maintenant pour les revendre dans le futur quand le prix sera plus haut. Si, au contraire, vous envisagez une diminution des prix, vous essayez de vous débarrasser de votre titre avant qu’il ne perde sa valeur. De tels titres de propriété sur des barils de pétrole futurs sont échangés des milliers de fois sur le marché secondaire, bien souvent avant même que le pétrole ne soit extrait du sol, jusqu’à l’échéance fixée au moment de l’émission du contrat.
Le 20 avril 2020 était le dernier jour pour échanger les bons de commande pour du pétrole livré au mois de mai par les entreprises d’extraction. Il s’est alors produit un phénomène d’emballement qui illustre à merveille la volatilité du marché et les conséquences de l’attitude parasitaire des spéculateurs.
Avec la crise du covid-19, des acheteurs ont anticipé qu’une grande partie des stocks de pétrole brut qu’ils s’étaient engagés à recevoir contre les titres de propriété achetés sur le marché secondaire ne pourrait être écoulée rapidement du fait de la diminution de la demande en énergie consécutive à la réduction de l’activité économique globale. Ils risquaient donc de se retrouver avec un grand nombre de barils sur les bras qu’il allait falloir trouver à stocker. Or, la location d’une telle capacité de stockage peut coûter très cher, en particulier dans un contexte de demande très faible où les entrepôts sont déjà quasiment saturés, ce qui fait s’envoler le prix des places restantes.
Pour ajouter à l’ironie de la situation, il faut remarquer la présence au rang des acheteurs de fonds indiciels cotés (1) qui n’ont aucune capacité logistique pratique pour le stockage ou la distribution de matières premières d’aucune sorte et dont l’activité consiste simplement à spéculer sur les prix pour en tirer le meilleur bénéfice (2). Alors que la cote du baril s’effondrait, ces propriétaires ont préféré vendre leurs titres à perte plutôt que devoir payer pour le stockage du pétrole qui leur serait livré au mois de mai. Le cours est finalement reparti à la hausse dans la journée du mardi 21 avril pour les ventes à terme au premier juin, après que de nouveaux spéculateurs, parmi lesquels l’ETF US Oil (USO) ont profité des prix historiquement bas pour acheter (3).
Mais une telle manœuvre ne changera rien à la saturation des stocks et il y a tout lieu de penser qu’en l’absence d’une reprise de la demande globale, la panique du 20 avril se répète les mois prochains. Cette situation est intéressante à plus d’un titre, car elle met en lumière certaines particularités des processus de production et d’échange dans une économie capitaliste. Elle permet également une critique de certains dogmes de l’économie néo-classique qui règlent la boussole des politiques libérales contemporaines.
Tout d’abord, il y a l’idée que le marché fixe la valeur des marchandises en ajustant l’offre à la demande en fonction de son utilité marginale au moment de l’échange (4). C’est-à-dire que la marchandise a une valeur égale à la fois à l’utilité qu’en tire l’acheteur qui la consomme et le vendeur qui s’en sépare.
Dans notre exemple, cela impliquerait que la valeur (et donc l’utilité) d’un baril de pétrole pourrait devenir négative, ce qui est absurde, car un baril de pétrole reste un baril de pétrole avec un usage qui lui est propre : celui d’être employable pour la production de produits dérivés comme du plastique, de l’essence ou de la chaleur. Le point de vue marxiste apporte une solution à ce paradoxe en identifiant la valeur d’une marchandise à la quantité de travail socialement nécessaire pour la produire. Dans cette vision, le marché ne fait que fixer le prix du marché. Ce dernier peut osciller autour de la valeur réelle au gré des échanges entre agents économiques?; il peut arriver qu’une marchandise achetée par un individu à un prix inférieur à sa valeur soit revendue à une deuxième personne pour un prix supérieur donnant lieu à un bénéfice pour l’un et à une perte pour l’autre.
Mais si l’on cesse de considérer les individus pour s’intéresser à l’ensemble de l’économie, on voit alors que les bénéfices réalisés par les uns lors de l’échange ne font que compenser les pertes des autres. Ce qui démontre que la valeur n’est pas créée au moment de l’échange.
Pourtant nous aurions naturellement tendance à attribuer plus d’importance aux choses utiles qu’aux choses inutiles. L’utilité n’aurait-elle vraiment aucun rôle à jouer dans la valeur d’un bien?? En réalité, l’économie marxiste identifie une double nature à la valeur d’une marchandise à savoir la valeur d’usage et la valeur d’échange. En reprenant notre exemple des barils de pétrole évoqués plus haut, on identifie naturellement la valeur d’usage d’un baril à son utilité comme bien de consommation ou comme moyen de production. Mais un baril a également une valeur d’échange qui le rend échangeable contre une autre marchandise. Ayant compris cela, on voit que le seul aspect de la valeur qui motive des spéculateurs comme US Oil lors des transactions semblables à celles qui ont mené au krach du 20 avril était la valeur d’échange. En achetant des stocks de pétrole qu’ils n’étaient de toute façon pas en mesure d’entreposer, leur seul but était de tirer parti des fluctuations de marché et en aucune façon de faire l’acquisition de la moindre goutte de pétrole.
L’évènement donne également à voir l’instabilité inhérente du mode de production capitaliste et la dynamique des crises qu’il génère. Les capitalistes (ceux qui détiennent les moyens de production) ne s’intéressent à la valeur d’usage d’une marchandise qu’en tant qu’elle leur permet de tirer profit de sa valeur d’échange au moment de la vente.
Autrement dit, les marchandises pour la production desquelles ils mobilisent leur capital ne sont pas produites pour être utiles, mais pour être vendues. L’exemple du court du prix du pétrole est criant à cet égard. Alors que près de la moitié de la population mondiale est confinée chez elle, nous prenons tous beaucoup moins la voiture et l’avion et à cause de la diminution de la demande globale, les usines qui tirent leur énergie de la combustion de pétrole tournent au ralenti. Tout ça a pour conséquence que l’offre globale de pétrole surpasse de beaucoup la demande. On se retrouve donc dans une situation absurde où l’ont produit plus de marchandises que ce que la demande globale peut absorber. Marx a été l’un des premiers à identifier le caractère cyclique du capitalisme et sa tendance à générer de pareilles crises de surproduction.
Malheureusement, les conséquences de ce genre de crise n’affecte pas seulement les spéculateurs qui jouent sur les marchés boursiers comme certains jouent au casino. Les contradictions du mode de production capitaliste, ont une influence concrète sur la vie des travailleurs qui se traduit par la pertes d’emploi et la misère, sans parler des dégâts environnementaux générés par la surexploitation et le gaspillage des ressources pétrolière. C’est pour sortir de cette logique absurde que nous avons besoin d’une économie démocratiquement planifiée et ajustée aux besoins de la population plutôt qu’à la soif de profit des capitalistes.
- ETF : https://www.investopedia.com/terms/e/etf.asp
- https://www.boursorama.com/bourse/actualites/petrole-les-mecanismes-de-marche-expliquent-l-effondrement-des-cours-e28810bcb4b2ae85ecfb5d8dadd9f8e4
- https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/les-etf-ou-la-folle-speculation-sur-un-rebond-du-petrole-1196807
- https://en.wikipedia.org/wiki/Marginal_utility
-
Leçons des années ’30 pour les luttes des travailleurs

“Le choc du COVID-19 sur l’économie mondiale a été à la fois plus rapide et plus grave que… même la Grande Dépression” Ce commentaire de l’économiste Nouriel Roubini du 24 mars indique la possibilité croissante que les événements mondiaux nous fassent entrer dans une période entièrement nouvelle. L’une des manières de s’y préparer est d’étudier les années ’30 pour en tirer les leçons.Par Per-Åke Westerlund, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise d’Alternative Socialiste Internationale)
Les années 1930 constituent une décennie où le sort du système capitaliste était en jeu. Avec une internationale socialiste révolutionnaire forte et des partis de masse, la colère et la volonté de lutter auraient pu mettre fin à ce système. L’un des meilleurs romans de cette décennie, Les raisins de la colère de John Steinbeck, illustre les difficultés d’une famille pendant la Dépression, en route vers une société meilleure.
Les années 1920 et les bulles spéculatives
La période précédant la Grande Dépression présente de nombreuses similitudes avec celle ayant précédé la crise de 2008-09, des caractéristiques qui se sont répétées à une échelle encore plus grande dans la décennie suivante. Les années 1920 ont posé les bases de la dépression déclenchée par le crash de Wall Street en octobre-novembre 1929. Cependant, en étudiant ces processus, il est important de comprendre que la raison fondamentale de ces crises est le système capitaliste lui-même.
L’une des principales contradictions du système est la recherche de marchés et la production mondiale, alors que la classe capitaliste, la bourgeoisie, est nationaliste. La classe capitaliste dépend de l’État national et de ses forces pour être compétitive au niveau international et pour régner sur les travailleurs et les opprimés dans son propre pays.
La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle ont été marqués par un processus simultané de mondialisation et de renforcement des États nationaux. De même, la mondialisation rapide des années 1990 et du début des années 2000 s’est accompagnée d’une augmentation continue des dépenses militaires, bien que celle-ci ait été un peu plus lente immédiatement après l’effondrement du stalinisme.
La mondialisation capitaliste n’est pas un processus harmonieux, elle donne naissance à de nouvelles contradictions plus aiguës. La mondialisation d’il y a un siècle s’est terminée par la première guerre mondiale, le conflit le plus sanglant que le monde ait connu à l’époque. Les révolutions russe et allemande ont mis fin à la guerre, mais il restait de vifs conflits inter-impérialistes. L’Internationale communiste fondée en 1919 prédisait qu’une nouvelle guerre impérialiste aurait lieu si la classe ouvrière ne prenait pas le pouvoir.
L’impérialisme américain est sorti de la guerre économiquement renforcé, contrairement à toutes les autres puissances impérialistes. Au cours des années 1920, 60 % des flux de capitaux mondiaux provenaient des États-Unis. Leur économie était considérée comme un modèle, Wall Street étant le centre financier mondial et les grands monopoles y étaient dominants. La propagande capitaliste disait que chaque ménage aurait bientôt une voiture. Herbert Hoover a remporté une victoire écrasante aux élections présidentielles de 1928 en prédisant la “victoire finale sur la pauvreté”.
En Europe, les classes capitalistes craignent les révolutions qui ont secoué la plupart des pays après la guerre. Puis a suivi un fort ralentissement économique, qui a alourdi le fardeau de la dette déjà élevé à cause de la guerre. La façon de mettre en œuvre l’austérité que les capitalistes souhaitaient était de passer par des accords internationaux, prédécesseurs de l’Union européenne. Une conférence monétaire internationale tenue à Gênes en 1922 a préconisé la convertibilité de l’or, la discipline budgétaire et l’indépendance des banques centrales. En outre, à commencer par la Grande-Bretagne, de nombreux pays sont revenus à l’étalon-or comme moyen d’imposer l’austérité, les dévaluations et les stimuli financiers étant devenus impossibles.
La propagande disait que les marchés feraient la paix. Les marchés financiers volatils étaient censés être contrôlés par la Banque des règlements internationaux, créée en 1928.
Comme au cours des dernières décennies, les inégalités ont fortement augmenté dans les années 1920. Aux États-Unis, les salaires ont augmenté de 1,4 % par an tandis que les revenus des actionnaires augmentaient de 16,4 % par an. Un moyen de maintenir la consommation était d’introduire le paiement à tempérament, ce qui augmentait l’endettement des ménages. Les 200 plus grandes entreprises possédaient 69 % de la richesse et 56 % des bénéfices
1929 : la bulle éclate
Le crédit et les prêts étrangers ont explosé dans les années ayant précédé 1929. De nouveaux instruments financiers ont été inventés. Des banques d’investissement furent fondées pour la première fois. Les entreprises manufacturières devenaient des spéculateurs financiers. Les grandes banques américaines se sont impliquées dans les affaires financières mondiales.
Les politiciens et les capitalistes s’inquiétaient des bulles spéculatives, sans oser agir de peur de déclencher une crise. Encore une fois, comme l’ont fait les gouvernements à travers le monde dans les années 2000. Les sociétés défendaient la valeur élevée de leurs actions en faisant référence à la connaissance et à la bonne volonté. Une société détenue par Goldman Sachs, GS Trading, a plus que doublé sa valeur boursière entre ses débuts en décembre 1928 et février 1929. Au cours de l’été 1929, la valeur des actions aux États-Unis a augmenté de 25 %.
Quelle était la taille du “marché” ? Aujourd’hui, les médias capitalistes considèrent le marché comme une sorte de phénomène naturel, qui doit être bien traité. En 1929, 600.000 des 120 millions d’habitants des États-Unis possédaient des actions. C’était moins d’un pour cent, bien que les négociants vraiment importants étaient bien sûr beaucoup moins nombreux.
La crise est survenue plus tôt en Europe, et déjà en 1927 en Allemagne. Les puissances auxquelles l’Allemagne payait ses dettes de guerre – les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne – ont refusé de revoir leurs exigences à la baisse, ce qui a aggravé la crise.
Le crash ne fut pas un événement isolé, mais un processus qui a fait suite au Jeudi noir du 24 octobre 1929. La Réserve fédérale, les grandes banques de Wall Street et le gouvernement ont fait tout ce qu’ils ont pu, en utilisant toutes les mesures possibles à leur disposition. À plusieurs reprises, la crise a été déclarée terminée, par exemple par le président Hoover le 1er mai 1930. Cependant, un nouvel effondrement majeur de Wall Street a eu lieu en novembre 1930 et a déclenché une spirale descendante de trois ans.
La crise s’éparpille
La Grande Dépression fut une réaction en chaîne. Le crash boursier a déclenché une spirale déflationniste, qui s’est étendue à la production, aux matières premières et au commerce mondial. Les importations américaines ont diminué de 20 % entre septembre et décembre 1929.
La déflation signifie un fardeau accru pour tous ceux qui sont endettés, avec un gel plus ou moins important des nouveaux prêts. La production industrielle a connu une baisse record. Ford a licencié les trois quarts de ses effectifs, passant de 128.000 à 37.000 personnes, sur une période de 18 mois. Cela a eu des effets dévastateurs, mais dans la crise actuelle du coronavirus, le rythme des pertes d’emplois est beaucoup plus élevé.
Le PIB américain a été divisé par deux entre 1929 et 1931, passant de 81 milliards de dollars à 40 milliards. Les coûts salariaux sont passés de 51 milliards en 1929 à 31 milliards en 1931. Les investissements sont tombés à un niveau proche de zéro. Même si les chiffres indiquent que les salaires ont augmenté en proportion du PIB, les conséquences sociales furent catastrophiques. Il y avait de la nourriture, mais pas d’argent pour l’acheter.
Dans le monde entier, des États ont fait défaut, à commencer par l’Amérique latine en 1931 avec la Bolivie, suivie du Pérou, du Chili, du Brésil et de la Colombie. En Europe, la Hongrie fut la première à faire défaut, également en 1931, suivie par la Yougoslavie, la Grèce en 1932, l’Autriche et l’Allemagne après l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933. Ces défauts de paiement souverains représentaient un soulagement pour les capitalistes nationaux puisque cela ouvrait la porte à la dévaluation et la réduction de la dette, mais pour les travailleurs et les pauvres, cela signifiait une austérité dramatique.
Nationalisme et protectionnisme
Dans toute crise majeure, la bourgeoisie devient de plus en plus nationaliste, ce qui aggrave encore la crise. Dans un processus parallèle, les partis bourgeois d’opposition, la social-démocratie et même certains partis de “gauche” ont tendance à soutenir “leurs” gouvernements.
Pendant la Grande Dépression, le nationalisme et le protectionnisme ont aggravé la crise. Comme pour Trump aujourd’hui, les plus grandes économies ont ouvert la voie, puisqu’elles avaient une marge de manœuvre bien plus grande pour suivre leur propre chemin, tout en restant dépendantes du marché mondial. En 1933, le nouveau président américain Franklin D. Roosevelt, est arrivé à une conférence internationale à Londres pour déclarer que chaque pays devait se débrouiller avec sa propre économie – monnaie, dettes et déficits. Le gouvernement britannique a accepté, en déclarant que l’exposition aux marchés étrangers était leur talon d’Achille. Pour reprendre les mots de Charles Kindleberger dans son histoire de la Grande Dépression, cela signifiait que personne n’était responsable dans la pire crise mondiale.
La désormais célèbre loi Smoot-Hawley aux États-Unis comportait 21.000 mesures douanières. Le nationalisme et le protectionnisme se sont alors rapidement répandus. “Le Canada d’abord” (canada first) était le slogan gagnant des élections du pays. La Grande-Bretagne et la France ont renforcé leurs échanges commerciaux avec leurs empires coloniaux. L’Allemagne a formé un bloc autour du Reichsmark avec la Hongrie et les pays des Balkans. Le commerce mondial est passé de 2.998 millions de dollars en janvier 1931 à 944 millions de dollars deux ans plus tard. Le chômage a augmenté pour atteindre 24 % aux États-Unis et plus de 30 % en Allemagne.
Roosevelt
La présidence de Roosevelt s’est vue attribuer à tort le mérite d’avoir résolu la crise. En fait, Roosevelt a adopté certaines mesures que les capitalistes n’apprécient pas pour en atténuer les effets. Il a également vivement critiqué la spéculation et les dettes de la période précédente. Cependant, il n’a jamais cherché à changer le système, mais à “sauver le système de profit privé”, comme il l’a dit à ceux qui le critiquaient.
Cependant, il existe de nombreuses similitudes avec la situation actuelle. Les partisans de la privatisation, de la réduction du secteur public et de l’allègement des dettes ont supplié l’État de les sauver en 2008. Les entreprises ont applaudi l’intervention et le soutien de l’État, les décisions prises en faveur de la construction de ponts et de routes, etc.
L’intérêt du capitalisme privé est devenu une priorité pour l’État dans chaque pays. Des mesures “fortes et décisives” ont été prises pour prévenir toute action des travailleurs. Roosevelt était d’ailleurs lui-même particulièrement intéressé par l’arrêt de la vague de grèves de 1934 aux Etats-Unis. Avec le New Deal de Roosevelt, le nombre de chômeurs est passé de 15 à 9 millions, la plupart des nouveaux emplois étant au salaire minimum. Aucun filet de sécurité sociale n’existait, sauf bien entendu pour les grandes entreprises.
Au milieu de l’année 1937, la production aux États-Unis est revenue au niveau de 1929. Les luttes des travailleurs avaient fait augmenter les salaires et donc la consommation. Mais un nouveau ralentissement brutal s’est produit, le mardi noir du 19 octobre 1937. Une crise s’ensuivit, avec une chute brutale de la production et des prix des matières premières. Par exemple, le prix du coton a chuté de 35 % et celui du caoutchouc de 40 %, frappant durement les pays qui dépendaient entièrement des matières premières.
La crise de 1937-38 a prouvé que le New Deal était loin de résoudre la crise. Les faiblesses sous-jacentes du système ont continué à déclencher de nouvelles crises. Et pourtant, seule une économie de la taille des États-Unis avait les moyens de tenter une politique telle que celle-ci. Dans la plupart des pays, la bourgeoisie a remis le pouvoir d’État aux dictatures et même au fascisme, afin d’empêcher la révolution.
Ce qui semblait être un gain dans un seul pays était toujours une perte pour le système mondial. Il n’y avait pas de “puissance mondiale” ou de coopération, pas de “prêteur de dernier recours”, comme l’expliquent Kindleberger et d’autres. Ce n’est qu’avec l’armement et la Seconde Guerre mondiale que la production a repris.
La lutte des classes et la revolution
Les années 20 et 30 furent une période de révolution et de contre-révolution, une ère de rebondissements extrêmes. Personne n’a analysé cette période de manière plus pointue que Léon Trotsky, un révolutionnaire russe qui a dirigé la révolution russe et avait été déporté par la dictature stalinienne. Trotsky a émis toute une série de conseils concrets au mouvement ouvrier et à ses partis.
Dans la lignée de Marx, Trotsky a expliqué que la cause fondamentale de la crise était l’incapacité du système à développer les forces productives, et la collision entre les forces productives et l’État-nation. De plus, la seule façon d’avancer était de résoudre la lutte de classe entre la classe capitaliste et la majorité sociale, la classe ouvrière, pour aboutir au socialisme international.
Malgré la dégénérescence stalinienne de l’URSS, le souvenir de la victoire sur le tsar et le capitalisme était encore frais. Les partis établis ont été minés par la crise, aux côtés des banques et des autres institutions du capitalisme. La société était aux prises avec une radicalisation de masse et une explosion de luttes.
Aux États-Unis, la lutte des classes s’est rapidement intensifiée en 1934, après une première période où la crise avait frappé les travailleurs de léthargie. Un million et demi d’ouvriers étaient en grève en 1934, le Los Angeles Times qualifiant une grève à San Francisco de “révolte communiste”. La grève et le soulèvement des Teamsters à Minneapolis, menés par les trotskystes, ont représenté un modèle d’organisation des travailleurs. Les comités contre les expulsions et les chômeurs se multipliaient. La répression policière contre les travailleurs était massive et brutale. Des grèves avec occupation d’entreprise ont commencé en 1936 et se sont multipliées pour atteindre 477 l’année suivante. La nouvelle fédération syndicale industrielle, la CIO, a été créée en 1935 et a atteint cinq millions de membres en 1936.
Sur le plan international, il y a eu des révolutions et des luttes de masse dans de nombreux pays, avec la France et l’Espagne au premier plan en 1935-36. La “direction” donnée par les partis communistes staliniens et les partis sociaux-démocrates de l’époque a conduit à des défaites dévastatrices, tout comme leur incapacité à bloquer l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933, malgré l’existence de partis de masse et d’une classe ouvrière organisée, voire armée. Ceci souligne la tâche sérieuse et décisive de construire des organisations et des partis de travailleurs qui peuvent obtenir la victoire et abolir le capitalisme.
Après la Grande Dépression et aujourd’hui
Suite à l’expérience de la Grande Dépression – l’échec économique, l’expérience du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le renforcement du stalinisme après la guerre – les capitalistes ont dû revêtir un visage démocratique. Ils ont été contraints de faire des concessions, par exemple le National Health Service en Grande-Bretagne, les systèmes de protection sociale dans certains pays européens, et même de renoncer à des colonies (tout en conservant leur mainmise économique). Un certain nombre d’institutions sont restées plus discrètes, comme les marchés boursiers, les banques, les entreprises financières. À l’époque de l’après-guerre, c’était un prix qu’elles étaient prêtes à payer.
Cependant, la radicalisation politique des années 60 et 70, la lutte des classes et les révolutions coloniales, la crise économique du milieu des années 70 et la mollesse des partis politiques bourgeois ont conduit les capitalistes à se tourner vers le néolibéralisme et les attaques contre les travailleurs et le bien-être partout. Ils ont apparemment réussi, surtout après la chute du stalinisme et la bourgeoisification de la social-démocratie.
Aujourd’hui, cette période est terminée. Nous allons voir une combinaison de concessions et d’attaques, de politique de stimulation économique et d’austérité, de la part des capitalistes. Avec la nouvelle crise, ces derniers se sont encore plus tournés vers le nationalisme dans la lignée de la tendance initiée en 2018-19. Cette crise va faire comprendre aux masses populaires que le système est fondamentalement mauvais, même à partir d’un faible niveau de lutte et de conscience dans de nombreux pays. La classe ouvrière est loin d’être vaincue, mais elle n’est pas par contre pas organisée.
Les années 1930 nous montrent que le capitalisme survivra à tout prix s’il n’y a pas de mouvement conscient de la classe ouvrière pour l’abolir. La tâche dans cette nouvelle crise est de construire de tels partis et mouvements ainsi qu’une internationale.
-
Coronavirus : marchés boursiers en chute libre et craintes d’une nouvelle récession

Le plus grand effondrement du marché depuis la crise de 2008
Per Olsson, Rättvisepartiet Socialisterna, section suédoise d’Alternative Socialiste Internationale. Article initialement publié le 10 mars.
L’effondrement des bourses qui s’est produit lundi 9 mars a été le plus important depuis le début de la crise du capitalisme mondial en 2008. La chute de la bourse des États-Unis à l’heure d’ouverture a été si sévère qu’elle a entrainé un arrêt technique des échanges après seulement cinq minutes.
Cet effondrement des marchés boursiers mondiaux a été provoqué non seulement par la perte de production et la stagnation de la croissance causées par l’épidémie de coronavirus, mais aussi par une nouvelle menace : un nouveau conflit portant sur le cours du pétrole.
Ce conflit s’est déclaré après que l’Arabie saoudite a baissé le prix de son pétrole en guise de réponse au refus de la Russie de convenir d’une réduction de la production. Lundi, le cours du pétrole a atteint son niveau le plus bas depuis la première guerre du Golfe, en 1991.
Tout semble indiquer que les effets du krach boursier de lundi et de ceux qui se sont produits dans les jours et les semaines qui ont précédé ne sont pas des phénomènes temporaires. Il s’agit de la tempête parfaite, qui présage de nouvelles tempêtes dans le futur proche.
« L’effondrement du cours du pétrole et la réduction de la demande suscitée par l’épidémie de coronavirus créent un cocktail toxique ; si le marché chute de façon si brutale à présent, c’est en raison de la crainte d’une récession mondiale », a déclaré ce lundi Mme Johanna Kull, économiste chez Avanza.
L’économie mondiale est aujourd’hui plus faible qu’au début de la crise de 2007-2009, laquelle a eu pour conséquence la guerre commerciale, une hausse massive des montagnes de dettes, et des déséquilibres.
Même avant la propagation mortelle du virus, la croissance économique en Chine avait déjà ralenti (l’année dernière, l’économie chinoise a connu une croissance de 6,1 %, soit le taux de croissance le plus faible depuis 29 ans) et plusieurs pays étaient au bord de la récession. Le commerce mondial avait également déjà cessé de croitre à la fin de l’année dernière.
Craignant de voir la baisse de l’activité économique (particulièrement prononcée dans l’industrie) se propager aux marchés financiers, les gouvernements et les banques centrales ont ressuscité leurs mesures de « relance ciblée », qui se sont traduites par un retour de la politique monétaire d’« assouplissement quantitatif » : une baisse des taux d’intérêt et d’autres mesures destinées à garantir l’accès des marchés financiers à des prêts bon marché. Cette politique a temporairement joué le rôle de « lubrifiant » pour les cours des actions et pour les profits, même si l’effet sur l’économie réelle en a été extrêmement limité.
Mais lorsque le coronavirus a commencé à se propager et que l’économie chinoise, la deuxième au monde (et bientôt la première), a été mise à l’arrêt, toutes les tendances à la crise déjà présentes se sont renforcées. Depuis le début de l’année, l’économie chinoise est au point mort. Pris de panique, le régime chinois et les capitalistes de ce pays ont maintenant commencé à prendre des mesures visant à lever l’état d’urgence pour forcer les travailleurs à retourner sur leur lieu de travail, malgré le risque de contagion persistant. Ce retour au travail forcé pourrait rapidement engendrer une catastrophe humaine et une crise économique encore plus graves.
Dans son pronostic du 2 mars, l’OCDE écrivait : « La contraction de la production en Chine se ressent dans le monde entier, mettant en évidence le rôle de plus en plus crucial que joue la Chine dans les chaines d’approvisionnement, les voyages et les marchés de denrées de base mondiaux ». L’institution met également en garde contre ce phénomène : « Une épidémie de coronavirus plus durable et plus intense, qui se propagerait à une grande échelle dans la région Asie-Pacifique, en Europe et en Amérique du Nord, affaiblirait considérablement les perspectives économiques. Dans ce cas, la croissance mondiale pourrait tomber à 1,5 % en 2020, soit la moitié du taux prévu avant l’apparition de ce virus ».
Les exportations de la Chine ont chuté de façon spectaculaire au cours des deux premiers mois de l’année, ce qui, au vu de son important déficit commercial, envoie au régime le signal que « la situation va s’aggraver », comme l’a écrit le South China Morning Post le 9 mars.
Le fait que la bourse de Wall Street n’ait pas connu la moindre hausse la semaine dernière malgré la réduction de 50 points de son taux directeur par la Réserve fédérale américaine reflète à la fois le pessimisme et les inquiétudes de l’élite capitaliste qui estime que même le « marché » ne fait pas très confiance à la diminution des taux d’intérêt.
Comme l’écrivait M. Andreas C?ervenka dans Dagens Industri le 3 mars, « L’inquiétude des marchés concernant le coronavirus rappelle les semaines qui ont suivi le crash de la banque Lehman : la seule chose qui est certaine, c’est que rien ne l’est. Partout règnent les suppositions et les rumeurs. La différence par rapport à 2008 est que l’économie mondiale affronte aujourd’hui cette nouvelle crise en partant déjà d’une position de faiblesse. Et les mesures de relance ne semblent guère gêner le virus ».
Cependant, les autres banques centrales vont suivre la tendance ; tandis qu’au même moment, les gouvernements sont prêts à dépenser des sommes vertigineuses pour mettre le capitalisme et les capitalistes à l’abri du danger. Cela pourrait éventuellement ralentir le cours de la crise, surtout si ces mesures de relance sont accompagnées d’autres plus globales, sous la forme d’investissements dans les infrastructures, de programmes pour l’emploi et autres. Mais même ces efforts ne pourront éviter la persistance de la stagnation ou donner au capitalisme la stabilité nécessaire pour éviter de nouvelles crises économiques et politiques.
Sur un large front, tous les pronostics économiques sont maintenant revus à la baisse. D’après Bloomberg Economics, l’économie chinoise ne devrait croitre que de 1,2 % au premier trimestre 2020 par rapport à l’année précédente, soit la plus faible croissance jamais enregistrée. Mais sans reprise rapide en mars, même cette prévision pourrait s’avérer optimiste.
Le capitalisme chinois est le principal moteur de croissance du capitalisme mondial depuis la crise de 2008-2009 et personne ne peut le remplacer, surtout maintenant que le capitalisme états-unien se développe également plus faiblement que prévu, que le Japon et la Corée du Sud sont déjà en récession, et que la croissance dans la zone euro risque d’être négative pour le premier semestre de cette année.
Pour les travailleurs et les jeunes, il est nécessaire de se préparer politiquement et rapidement aux périodes de turbulences qui nous attendent. D’abord et avant tout, en reprenant la lutte contre le mélange toxique formé par le capitalisme, la politique droitière et l’épidémie. Nous devons exiger une protection et des mesures préventives contre le coronavirus, une indemnisation complète pour tous ceux qui ne peuvent se rendre au travail totalement ou partiellement, des soins médicaux gratuits, une assurance maladie générale et une expansion rapide des soins de santé publique, des fonds pour le développement de vaccins ainsi que l’amélioration des conditions des travailleurs de la santé, le droit de travailler à domicile et la fermeture immédiate de tous les environnements à risque.
Une nouvelle récession mondiale, venant s’ajouter à une décennie perdue d’austérité et de stagnation, soulignera encore davantage, aux yeux de millions de personnes, la faillite du système capitaliste et la nécessité d’une alternative socialiste permettant d’assurer la solidarité internationale et la planification démocratique de l’économie pour répondre aux besoins de la population et de la planète.
-
Réunion du Comité exécutif international du CIO : Résolution sur la crise économique mondiale

Nous approchons rapidement d’un tournant décisif dans les relations mondiales, avec un ralentissement de l’économie mondiale qui laisse de plus en plus présager une récession plus profonde, y compris la possibilité d’un krach financier de type 2008-09. Un tel développement trouverait le capitalisme beaucoup moins prêt à réagir qu’il ne l’était il y a dix ans. Elle pourrait temporairement couper court aux luttes de la classe ouvrière dans certains pays tout en conduisant à des crises aiguës et même à des situations pré-révolutionnaires dans d’autres.
Dans la plupart des pays, la classe ouvrière n’était pas préparée à la crise de 2008. C’est moins vrai cette fois-ci, bien que la classe ouvrière reste globalement faible et que les effets de l’effondrement du stalinisme persistent sur la conscience. Cette brève déclaration décrira le développement de la crise économique et les effets probables qu’elle aura sur la conscience de la classe ouvrière.
La principale cause immédiate du ralentissement actuel est probablement l’effet du conflit commercial croissant sur une économie mondiale déjà fragile, avec une accumulation massive de dettes. Le commerce mondial ralentit rapidement. La croissance annuelle du commerce mondial est tombée de 5,5% en 2017 à 2,1% cette année selon l’OCDE. Ceci peut être comparé à une croissance moyenne du commerce mondial de 7% entre 1987 et 2007. Un facteur important de cette décélération est l’incertitude créée par Trump, qui utilise la menace des tarifs douaniers comme une arme et en fait un outil clé de sa politique étrangère nationaliste. Le conflit entre Trump et la Chine a déjà de graves répercussions, les dernières données montrant que les exportations américaines vers la Chine ont chuté de 31,4 % par rapport à l’année précédente, tandis que les exportations chinoises vers les États-Unis ont diminué de 7,8 %.
Il est également frappant de constater que les Investissements Directs Etrangers (IDE) ont chuté de 3% au niveau mondial l’année dernière, à leur plus bas niveau depuis la crise financière. Le déclin de l’IDE, marque de fabrique de la mondialisation, est en soi une indication du renversement partiel de la mondialisation que nous avons décrit, et que the Economist a qualifié de “slowbalization”.
Dans de précédents documents, nous avons énuméré certains des indicateurs montrant un ralentissement de l’économie mondiale et nous avons également expliqué comment les conflits commerciaux en cours, en particulier entre les États-Unis et la Chine, contribuent directement à accélérer ce processus. En avril, le Fonds Monétaire International prévoyait un ralentissement de la croissance pour 70 % de l’économie mondiale en 2019. De nombreux commentateurs parlent maintenant d’une récession mondiale qui commencera avant la fin de cette année. Cela se caractérise par une croissance mondiale inférieure à 2,5 % par an, la “vitesse de décrochage” de l’économie mondiale. En juin, la Banque Mondiale a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2019, la faisant passer de 2,9 % à 2,6 %.
Un autre indicateur clé est l’Indice des Directeurs d’Achat (Purchasing Manager Index, PMI) qui mesure l’activité du secteur manufacturier et des services. Toute mesure PMI inférieure à 50 indique une contraction. L’industrie manufacturière mondiale se rapproche déjà de la cinquantaine, mais les services, qui représentent les deux tiers de l’activité économique mondiale, redescendent également vers les niveaux observés pour la dernière fois lors de la mini récession en 2015-6.
Comment la crise se développe-t-elle ?
Pour avoir une vision plus claire de la situation, il vaut la peine d’examiner comment ce processus se déroule dans les régions et les pays clés.
L’économie chinoise a connu un ralentissement rapide en 2018, sa plus faible croissance en 28 ans. La production industrielle est en baisse et le chômage augmente, y compris dans le secteur de la technologie. Selon la Banque Mondiale, la croissance du PIB pour 2019 devrait être de 6,2 %, contre 6,6 % en 2018, mais le niveau réel est probablement inférieur ou égal à 3-4 %. Les entreprises internationales se retirent de l’investissement en Chine à cause de l’incertitude liée à la guerre commerciale avec les États-Unis, mais les entreprises manufacturières ont également transféré leurs activités en Asie du Sud-Est au cours de la dernière période en raison de la hausse des coûts de main-d’œuvre en Chine.
La reprise de l’économie étasunienne sera bientôt la plus longue jamais enregistrée, bien que les avantages de la reprise aient profité en très grande majorité aux riches. Les États-Unis sont donc déjà plus que murs pour une récession, et il y a en effet de plus en plus de signes de ralentissement. L’indice PMI manufacturier américain est tombé à 50,6 en mai, son plus bas niveau depuis août 2009. Après une croissance globale de 3,1 % au premier trimestre de 2019, due à des facteurs temporaires, un modèle prévisionnel (GDPNow de Atlanta Fed) estime la croissance au deuxième trimestre à 1,3 %. En réalité, il y a des faiblesses dans de nombreux secteurs clés de l’économie, y compris le secteur manufacturier, le marché de l’habitation et les dépenses de consommation.
En un sens, la capacité de Trump à utiliser le commerce comme une arme – en menaçant les chaînes d’approvisionnement mondiales – montre l’influence que l’impérialisme américain a toujours. La guerre commerciale avec la Chine a clairement créé de sérieuses difficultés pour le régime de Xi Jingping, de même que le ralentissement général de l’économie et les développements à Hong Kong. Les États-Unis ont également profité de la force relative du dollar comme “monnaie de réserve” mondiale pour menacer les entreprises et les banques – par exemple celles qui font affaire avec l’Iran – d’être exclues du système de paiement en dollars. Il s’agit là d’une menace sérieuse étant donné que, comme le souligne the Economist, “environ 88 % des échanges de devises utilisent des billets verts”. Nous voyons aussi des tentatives pour contrer cette domination du dollar avec, par exemple, la Russie qui fait de plus en plus de commerce en euros ou même en roubles et – à une échelle beaucoup plus faible et aussi avec un fort élément spéculatif – l’augmentation des cryptomonnaies et des projets comme Libra, cryptomonnaie initiée par Facebook, qui peuvent contourner les restrictions des Etats.
Mais si les États-Unis sont capables de faire mal, ils se heurtent aussi à une résistance plus forte qu’auparavant de la part de leurs concurrents. Par exemple, en réponse à la menace qui pèse sur les banques européennes faisant affaire avec l’Iran, l’UE a conçu un système de troc pour le commerce avec Téhéran. Et il est clair que les guerres commerciales auront des répercussions économiques aux États-Unis et qu’elles entraîneront une baisse des profits de nombreuses entreprises qui dépendent des importations chinoises, une hausse des coûts de consommation, et peut-être un nombre important de suppressions d’emplois.
Reflétant la détérioration de la situation aux États-Unis, la Réserve Fédérale indique qu’elle est susceptible de baisser les taux d’intérêt cette année après les avoir lentement augmentés pendant plusieurs années et avoir d’abord résisté aux demandes de Trump de les réduire. Trump avait jeté de l’essence sur une l’économie en surchauffe avec ses réductions d’impôt de 2017, mais les effets de stimulation de la croissance sont maintenant presque disparus. Il a été affirmé que les réductions d’impôt donneraient aux entreprises plus d’argent pour investir dans l’expansion de leurs activités, mais il n’est pas surprenant que la majeure partie de cet argent ait été utilisée pour le rachat d’actions.
Pendant ce temps, la zone euro a évité de justesse d’entrer en récession pour la troisième fois en dix ans, mais il est clair que des chocs externes aussi bien qu’internes pourraient la faire basculer. La Banque mondiale a abaissé sa projection de croissance de la zone euro pour 2019 de 1,4 % à 1,2 %. Dans son récent rapport semestriel, la Banque a déclaré que ” la situation économique dans la zone euro s’est rapidement détériorée depuis la mi-2018, en particulier dans le secteur manufacturier “. Le secteur manufacturier dans l’ensemble de la zone euro s’est contracté pour le quatrième mois consécutif en mai de cette année. Le PMI manufacturier en mai était à 47,7. Les investissements sont faibles et les commentateurs bourgeois soulignent que le “vieux continent” est à la traîne en matière d’innovations et de nouvelles technologies. Une crise imminente menace à la fois l’euro et l’UE sous sa forme actuelle alors que les intérêts nationaux entrent de plus en plus en conflit et que les politiciens nationalistes désignent l’UE comme une cause de la crise.
L’Allemagne, première économie industrielle et premier exportateur de la zone euro, a connu une contraction de 1,9% de la production industrielle en avril. Les perspectives de croissance sont inférieures à 1% pour 2019. Les commandes de produits manufacturés ont diminué de 2,2 % en mai sur une base mensuelle et de 8,6 % sur une base annuelle. Cette baisse a été beaucoup plus importante que celle de 0,3 % prévue par des économistes qui ont participé à une enquête du Wall Street Journal. Le secteur crucial de l’automobile a été particulièrement touché. Les ventes de Volkswagon en Chine ont baissé de 7 % de janvier à mai. Un rapport du Center for Automotive Research d’Allemagne prévoit une baisse des ventes mondiales d’automobiles de quatre millions en 2019. Le rapport de l’auteur, Ferdinand Dudenhoffer, souligne que “Globalement, c’est deux fois plus qu’en pleine crise financière mondiale”. (Forbes, 12/6/19) Son analyse ne tient pas compte des effets possibles du Brexit ou des tarifs américains sur l’industrie automobile européenne.
Draghi, le président sortant de la BCE, envisage déjà de prendre des mesures sérieuses dans les mois à venir. Par exemple, la banque pourrait augmenter le taux d’intérêt dit négatif sur les dépôts des banques commerciales à la banque centrale. Il s’agit en fait d’une “pénalité sur les dépôts et d’un moyen de pousser les banques à mettre l’argent au service de l’économie” (New York Times, 19/6/19). La BCE se prépare également à développer à nouveau l’assouplissement quantitatif, imprimant de fait de la monnaie à très grande échelle, pour stimuler l’économie. Cette politique d’argent facile devrait être poursuivie par la prochaine directrice de la BCE, Christine Lagarde, et augmentera encore l’encours déjà important des dettes en Europe.
Même si on en discute moins, le Japon reste la troisième plus grande économie nationale au monde. Malgré des mesures de relance agressives, dont des déficits publics massifs (le ratio dette/PIB est le plus élevé du monde), l’économie “se détériore” selon le gouvernement, pour la première fois en six ans. En fait, la Banque Mondiale prévoyant une croissance de 0,8 %, la position du Japon est encore plus faible qu’en UE.
Même l’Australie, avec un record de 28 ans d’expansion économique, est maintenant confrontée à la possibilité réelle d’une récession.
La situation dans les économies “en développement” est encore plus grave. Les derniers chiffres indiquent que la Russie est en récession depuis deux trimestres. Les revenus réels sont en baisse depuis six ans. La Turquie, l’Argentine et le Pakistan sont déjà en récession, tandis que le Brésil et l’Afrique du Sud sont sur le point de le devenir. Dans le cas du Brésil, cela fait suite à une courte reprise après la récession la plus dévastatrice de l’histoire du pays. L’Inde fait exception, la Banque mondiale prévoyant une accélération de la croissance à 7,5 % en 2019/20.
La situation en Turquie est un exemple de la manière dont une crise très aiguë peut se développer rapidement. La croissance alimentée par l’endettement s’est effondrée lorsque les investisseurs internationaux ont commencé à se retirer. Cela a conduit à la dévaluation rapide de la lire, en baisse de plus de 40% par rapport au dollar depuis le début de 2018. L’inflation est maintenant de 19%, les salaires réels chutent rapidement et le chômage est de 14%. Le gouvernement turc et les entreprises privées ont accumulé 328 milliards de dollars de dettes à moyen et long terme, la plupart en dollars. Avec la dépréciation rapide de la lire, la situation pourrait devenir très instable et même explosive. Moody’s a déjà déclassé un certain nombre de banques turques clés. Les effets politiques de la crise, illustrés par l’énorme défaite d’Erdogan et de l’AKP aux élections municipales d’Istanbul, vont se poursuivre.
Ces données des pays capitalistes avancés et des économies en développement donnent une image claire d’un ralentissement simultané dans une grande partie de l’économie mondiale, certains pays étant déjà entrés dans une crise aiguë.
Les causes du ralentissement économique
Nous devons faire la distinction entre les déclencheurs immédiats de la récession à venir et les causes à long terme de la crise structurelle du capitalisme. La cause immédiate de la Grande Récession de 2008-9 a été l’éclatement de la bulle sur le marché des produits dérivés à cause des emprunts “subprime” encouragés par les grandes banques sur le marché immobilier américain. Cela a conduit à l’éclatement d’autres bulles d’actifs.
La principale cause immédiate de la récession actuelle, comme nous l’avons déjà dit, est très probablement l’effet du ralentissement du commerce mondial et du conflit commercial grandissant, qui n’a pas commencé avec Trump mais qui s’est accéléré sous sa direction.
Les problèmes structurels plus profonds auxquels l’économie capitaliste est confrontée remontent à la fin du boom de l’après-guerre, dans les années 70. La principale contradiction de l’économie capitaliste à notre époque peut être caractérisée comme une suraccumulation de capital, une tendance croissante à produire plus de plus-values qu’il n’est rentable d’investir. Cette crise de rentabilité a conduit à la recherche de nouveaux domaines d’investissement, notamment par le biais de la privatisation d’une grande partie du secteur public dans de nombreux pays, y compris les systèmes de retraite, de santé et d’éducation. La crise de la rentabilité a également conduit à une “financiarisation” croissante du système à partir des années 80, avec notamment un rôle toujours plus important des banques et une expansion massive du crédit. Cette situation a entraîné le phénomène d’une croissance alimentée par l’endettement, la dette mondiale représentant désormais trois fois le niveau du PIB mondial.
Et bien sûr, la financiarisation a créé un casino mondial de plus en plus grand. Il y a dix ans, on parlait beaucoup du rôle des “bulles” pleines de capitaux fictifs sur les marchés financiers, dont l’implosion a eu un effet dévastateur sur l’économie réelle. Mais le capitalisme n’a montré aucune capacité à changer son comportement. Littéralement, la solution à la crise financière de 2008-2009 a été de “commencer à gonfler de nouvelles bulles”. Le casino financier mondial est maintenant encore plus grand qu’en 2009. 1,2 quadrillion de dollars sont investis sur les marchés des produits dérivés tandis que la spéculation sur les devises représente 5,3 billions de dollars chaque jour !
Le Capital est toujours à la recherche de nouveaux domaines d’investissement. Actuellement, l’un d’entre eux est le secteur de la technologie, qui semble être une exception à l’échec général des capitalistes à développer les forces de production dans la période passée. Cependant, l’afflux de capitaux dans la technologie n’est pas seulement une tentative de gagner la course internationale à la concurrence, mais a aussi, dans un environnement où tant de capitaux sont à la recherche de débouchés rentables, un caractère spéculatif. Cela peut entraîner la formation de bulles. Le secteur de la technologie sera également affecté par le conflit commercial avec la Chine. D’autres bulles se développent dans de nombreux pays, le capital financier investissant dans le logement (avec des effets sociaux désastreux). Mais dans une période de baisse de la rentabilité, divers secteurs peuvent devenir de nouveaux domaines d’investissement et même des bulles, comme les cryptomonnaies ou encore “l’économie verte”.
Perspectives
Nous ne pouvons pas dire à l’avance quelle sera l’ampleur de la récession à venir et si elle sera comparable à celle de la crise de 2008-09. Si un accord commercial partiel était conclu entre Trump et Xi Jinping, cela pourrait donner un stimulant très temporaire à l’économie mondiale, mais cela ne changerait pas l’orientation générale. Cependant, the Economist avertit explicitement et correctement que “le risque qu’une erreur maladroite [dans le conflit commercial] déclenche une crise financière est élevé”. Il s’agit d’une référence aux mesures de répression prises par les États-Unis contre des entreprises chinoises d’une valeur d’un billion de dollars sur les marchés financiers américains et à d’autres mesures de rétorsion menacées par les deux parties.
Plusieurs facteurs indiquent le danger d’une crise encore plus grave qu’il y a dix ans. Comme nous l’avons souligné, la “boîte à outils” du capitalisme est épuisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle est vide. Les mesures drastiques utilisées pour répondre à la crise de 2008-9, dont l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs, ont aidé à sauver le système d’une crise encore plus profonde, mais ont créé de nouvelles contradictions. Néanmoins, il semble y avoir peu ou pas de perspective de réponse coordonnée, comme celle qu’Obama a organisée avec l’UE et la Chine pour empêcher un effondrement mondial encore plus profond. Un élément clé de cette réponse a été le programme de relance massif en Chine, qui a entraîné une énorme demande de matières premières en provenance du monde entier. Le programme de relance a à son tour créé une bombe à retardement en Chine, ce qui entrave maintenant la mise en œuvre d’un autre programme de relance de cette envergure.
Cela indique aussi un point plus large : après le krach de 2008-2009, les économies du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), en particulier la Chine, ont agi comme un moteur qui a sorti l’économie capitaliste du trou. Cela n’arrivera certainement pas cette fois-ci.
Encore une fois, il convient de souligner qu’il n’est pas possible de dire de manière concluante quelle sera l’ampleur de la récession à venir, mais la situation générale indique une crise très profonde et non une “mini-récession” comme en 2015-16.
Les effets sur la conscience
L’impact énorme sur la conscience de la crise de 2008-09 se poursuit encore aujourd’hui, avec des politiques d’austérité vicieuses toujours en place dans de nombreux pays capitalistes avancés. Dans la plupart des pays, la “reprise” des dernières années n’a pas entraîné d’augmentation du niveau de vie et les nouveaux emplois sont souvent précaires. Les travailleurs et les jeunes qui ont perdu confiance dans le système et ses institutions ne seront pas surpris par la nouvelle phase de la crise du capitalisme.
Il est certain que dans de nombreux pays, il peut y avoir un “effet d’étourdissement” partiel sur la lutte de classe. Par exemple, si l’économie américaine entre en récession au cours de la prochaine année, elle mettra probablement fin à la vague de grèves autour de la révolte des enseignants aux États-Unis. Mais aux Etats-Unis, nous voyons aussi un soutien massif aux réformes radicales proposées par les “socialistes démocratiques” comme Ocasio Cortez et Bernie Sanders. Il s’agit d’un facteur qui n’existait pas en 2008-2009 et qui résulte de la radicalisation de millions de travailleurs et de jeunes depuis le mouvement Occupy. Ce facteur indique clairement que l’effet étourdissant sera d’une durée plus courte et plus limitée que pendant la Grande Récession et que la colère des masses contre le système se transformera plus rapidement en lutte de masse, y compris de nouvelles étapes vers la reconstruction d’un mouvement ouvrier de lutte. Alors qu’une montée générale de la lutte industrielle pourrait être interrompue pendant un certain temps, la lutte pourrait être canalisée sur le plan politique en termes d’élections, d’organisation politique et de lutte de masse sur les questions politiques et sociales. Tôt ou tard, il y aura une reprise de nouvelles étapes vers la reconstruction d’un mouvement ouvrier de lutte et une croissance de l’action syndicale.
Dans une telle situation, des revendications beaucoup plus audacieuses, y compris en matière d’appropriation publique des secteurs clés de l’économie, peuvent commencer à se faire entendre beaucoup plus largement. Cela se voit déjà dans les discussions autour du Green New Deal aux Etats-Unis. Malgré les limites des propositions, nous pouvons pointer l’objectif de la transition de l’économie vers les énergies renouvelables pour gagner en audience sur la question de faire passer l’ensemble du secteur énergétique dans le domaine public. Au fur et à mesure que la crise climatique s’aggrave, des revendications socialistes plus audacieuses pourraient bénéficier d’un soutien massif dans de nombreux pays. Un autre exemple est celui de Berlin, où la crise désespérée du logement a provoqué un mouvement en faveur d’un référendum pour exproprier les propriétaires d’entreprises qui possèdent maintenant une grande partie du parc immobilier de la ville. Cette lutte pourrait avoir des implications internationales.
Il est également très frappant de constater que la crise économique en Turquie et au Brésil joue déjà un rôle important dans l’affaiblissement de la position des personnalités autoritaires et populistes de droite qui se trouvent au pouvoir lorsque la tempête éclate. En Turquie, la dégradation rapide de la situation économique décrite ci-dessus a joué un rôle direct dans la plus grande défaite politique d’Erdogan et de l’AKP en 16 ans au pouvoir. Lors de la répétition des élections municipales d’Istanbul, fin juin, Erdogan a subi une défaite beaucoup plus grave que lors du premier tour à la fin mars.
Au Brésil, Bolsonaro a chuté drastiquement dans les sondages, et la récente grève générale contre sa réforme des retraites néo-libérale l’a mis fermement sur la défensive. N’oublions pas que la profonde crise économique qui a secoué l’Argentine au début de ce siècle a rapidement conduit ce pays vers une situation pré-révolutionnaire. Cela pourrait certainement se produire dans un certain nombre de pays au cours de la prochaine période en raison de crises économiques catastrophiques.
Si la récession frappe les États-Unis l’année prochaine, elle pourrait avoir un effet important sur l’élection présidentielle. Si les sections de la classe ouvrière qui ont soutenu Trump commencent à conclure qu’il n’a pas tenu sa promesse de ramener des emplois décents dans les zones industrielles durement touchées, les chances de réélection de Trump pourraient s’envoler. Il y a des indications que cela commence dans certains États clés du Midwest.
Mais ces tendances ne doivent pas nous faire oublier les dangers de la situation. Toutes les faiblesses de la “nouvelle gauche” seront pleinement mises en évidence dans la crise à venir. Si la gauche et le mouvement ouvrier échouent à nouveau à donner une véritable piste aux travailleurs qui veulent lutter contre les patrons et la classe politique corrompue, la voie sera encore plus ouverte aux populistes de droite et de l’extrême droite. Comme la guerre commerciale l’a montré, les politiques de plus en plus nationalistes et protectionnistes aggraveront la récession. Une caractéristique importante de cette crise, qui diffère de celle de 2008-2009, est la façon dont le populisme de droite et le ralentissement économique peuvent s’alimenter mutuellement. La dangereuse croissance du sentiment anti-immigrés dans de nombreux pays, encouragée et stimulée par les gouvernements et les partis de l’establishment au cours de la période passée, est un avertissement de ce qui peut se développer dans la période suivante, si la gauche et la classe ouvrière ne mènent pas une lutte pour une alternative socialiste.
Un autre exemple de l’effet de la récession à venir peut être de raviver celle de la zone euro si la gauche et la classe ouvrière n’offrent pas de réponses et de solutions aux questions liées aux crises économiques et à la crise de la dette migratoire. La situation en Italie est déjà très grave, le gouvernement envisageant de prendre des mesures en vue d’une monnaie parallèle à l’euro. La partie de la classe dirigeante italienne qui prône une rupture avec l’euro, ou veut la préparer, craint le coût extrême des dettes libellées en euros, à l’image de la crise dans les pays “émergents” avec des dettes énormes en devises. Pendant ce temps, la crise Brexit gronde. Les classes dirigeantes allemande et française ont à peine réussi à maintenir la zone euro après 2008. Ils ont dû recourir à toutes sortes de mesures extrêmes. Cet exercice d’équilibrisme pourrait ne pas être viable avec un autre ralentissement marqué. L’éclatement de la zone euro, avec le départ d’un certain nombre de pays et la réduction de l’euro à un noyau de pays, est une possibilité que nous devons garder à l’esprit dans la prochaine phase. Une telle évolution s’accompagnerait presque inévitablement d’une lutte politique et sociale explosive, avec de larges couches de la population tirant des conclusions radicales de gauche, en particulier les jeunes, mais aussi avec le renforcement des forces nationalistes et d’extrême droite.
Alors que les économistes keynésiens affirment que les gouvernements peuvent accroître leur dette tant qu’elle est libellée dans leur propre monnaie, la situation dans la zone euro indique la limite de cet argument. Une autre crise de la dette s’ouvre déjà, les pays du programme chinois Belt and Road devant faire face à des remboursements onéreux à la Chine pour des investissements dans les infrastructures. Cela pourrait être un facteur important au cours de la prochaine période.
Une nouvelle crise économique mondiale combinée à l’escalade de la catastrophe climatique ouvre la perspective d’une période encore plus explosive que la précédente. Dans la période qui a suivi la Grande Récession de 2008-9, la classe ouvrière n’a pas été capable d’avoir un effet décisif sur les événements, en repoussant l’assaut de la classe dirigeante et en poursuivant la contre-offensive. La raison principale en est le rôle joué par les dirigeants des syndicats, des partis et des formations de gauche, anciens et nouveaux. Malgré cela, cependant, la conscience de grandes couches a progressé. Ce climat de lutte et de défiance s’est également reflété dans la montée de puissants mouvements sociaux contre l’oppression, en particulier des femmes dans de nombreux pays et des jeunes pour la défense de l’environnement au cours des dernières années. Il s’est aussi dirigé vers les mouvements de défense de l’éducation ou des retraites contre les attaques néolibérales, ou contre l’oppression nationale, comme en Catalogne. Nous pouvons nous attendre à ce que des processus similaires se poursuivent et s’approfondissent.
Quelle que soit la forme et l’intensité des luttes de classe et des luttes sociales, ce qui ne peut être prédit à l’avance, la conscience de millions de personnes va sans aucun doute se développer dans une direction anticapitaliste et socialiste. Cela fournira un terrain fertile sur lequel les forces de la révolution socialiste devront intervenir et s’appuyer. Le principal obstacle dans cette direction sera à nouveau la direction des syndicats et des partis de ” gauche “, et en particulier des nouvelles formations de gauche. Leur incapacité à diriger crée un espace pour le populisme de droite et d’extrême droite, ce qui sera un facteur de complication, bien qu’il ne puisse arrêter le processus de radicalisation de gauche dans de grandes sections de la classe ouvrière, en particulier chez les jeunes. Cette radicalisation peut conduire à de nouvelles initiatives politiques et à des défis pour les dirigeants syndicaux existants, y compris dans certains cas la formation de nouveaux syndicats et de nouvelles organisations et partis de gauche, socialistes et ouvriers… Il est donc d’une importance cruciale que toutes les occasions soient utilisées pour intervenir dans le processus de radicalisation afin de gagner les meilleurs militants et de les transformer en cadres pour s’assurer qu’une alternative révolutionnaire claire se présente à mesure que le processus se déroule.
Bien sûr, il n’y a pas de “crise finale” pour le capitalisme. Même un effondrement économique complet finira par créer les conditions d’une reprise de l’accumulation de capital. Les capitalistes peuvent être contraints par l’ampleur de la crise et la menace de bouleversements sociaux de prendre des mesures plus drastiques. Il peut s’agir de prendre des mesures en vue d’une intervention accrue de l’État, avec une “politique industrielle” nationale ou régionale plus agressive de l’investissement public dans des secteurs clés. Cela représenterait une rupture plus décisive avec le néolibéralisme mondialisé et pourrait renforcer les illusions réformistes dans certains secteurs de la classe ouvrière pendant un certain temps. Mais cela ne mettra pas fin à l’anarchie du capitalisme mondial et à son incapacité à offrir une issue à la crise que traverse l’humanité.
Le CIO, ses partis, ses membres et ses sympathisants prendront part aux luttes à venir, les initieront si possible et lutteront au sein des mouvements, des syndicats et des partis pour un programme socialiste qui lie la voie nécessaire pour gagner les différentes luttes avec la stratégie nécessaire pour supprimer les racines des problèmes – le capitalisme. Cela demande un processus révolutionnaire mondial, seule issue possible, et la classe ouvrière mondiale, objectivement plus forte qu’elle ne l’a jamais été, est la seule force qui peut la conduire à gagner un monde libéré de l’exploitation et de l’oppression, fondé sur les besoins de l’humanité, et qui commencerait la véritable Histoire de celle-ci.
-
Leur système est en faillite : faisons leur payer la casse !
Crise politique. Menace climatique. Et une nouvelle récession ?
Les signes inquiétants d’un ralentissement de la croissance et d’une crise se multiplient à travers le monde. On s’attend à une contraction économique pour le troisième trimestre en Allemagne, le pionnier économique de longue date de la zone euro qui constitue par ailleurs un important marché d’exportation pour la Belgique. En Italie, la troisième économie d’Europe, le capitalisme se dirige également vers une année de croissance nulle, voire de récession. Le gouvernement populiste s’est effondré. Le pays gémit sous une dette publique de 132% du Produit intérieur brut (PIB).Par Peter (Louvain)
Le capitalisme mondial est embourbé dans un marécage de problèmes. Il y a le Brexit fin octobre et la guerre commerciale prolongée entre les Etats-Unis et la Chine dans un contexte de ralentissement de la croissance dans tous les secteurs de l’économie mondiale. La question fondamentale est celle-ci : les patrons parviendront-ils à nouveau à nous faire payer la crise, comme ce fut le cas après celle de 2008 ?
La classe dirigeante tentera de transformer le ralentissement économique ou la récession en pertes d’emplois, réductions de salaire, rabotage des pensions, restriction des avantages sociaux et destruction de nos services publics pourtant essentiels. Face à elle se trouve la puissance potentielle de la classe ouvrière et des jeunes, dans la lutte pour un salaire minimum de 14 euros de l’heure, pour une pension de 1.500 euros minimum, pour la réduction du temps de travail avec maintien du salaire et embauches compensatoires, pour des investissements publics dans la mobilité et le logement social, etc. Une lutte historique pour une autre société nous attend afin que ces revendications deviennent des réalisations.
C’est dans cette conjoncture économique morose que, selon le Bureau du Plan, le gouvernement fédéral belge devra faire face à un déficit budgétaire de 9,6 milliards d’euros l’an prochain. Dans ce contexte s’inscrit également la difficile formation de gouvernements bourgeois affaiblis au niveau régional et national, des coalitions composées de perdants.
Une élite capitaliste déconnectée du monde et insatiable
On manque d’argent ? Le CEO de BPost, Koen Van Gerven reçoit un ‘‘parachute doré’’ de 500.000 euros ! En plus de son salaire de 600.000 euros par an… Pour les sociétés du BEL20 (les principales entreprises belges cotées en Bourse), le salaire annuel d’un CEO est encore plus élevé : en moyenne près de 2 millions d’euros. Comparez cela à l’augmentation salariale maximale de 1,1 % pour les travailleurs comprise dans l’Accord Interprofessionnel (AIP) de cette année ! ‘‘Je n’ai aucun problème avec le fait que les personnes qui occupent des postes de direction gagnent 3 ou 4 fois plus, mais pas 50 fois plus’’, a fait remarquer à juste titre Raoul Hedebouw (PTB). Pour le PSL, un tel plafond de rémunération doit être considéré comme une étape intermédiaire dans l’objectif d’un contrôle et d’une gestion démocratiques de l’économie par les travailleurs. Nous ne pourrons en faire l’économie si l’on veut efficacement mettre un terme à la crise néolibérale.
Au deuxième trimestre, les 1.200 sociétés les plus capitalisées au monde ont distribué un montant record de 513,8 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires. (La Libre, 21/8/19). En 2018, les entreprises belges ont expédié pas moins de 206 milliards d’euros vers les paradis fiscaux. L’année précédente, c’était 129 milliards d’euros… Si quelqu’un cherche à combler le trou dans le budget et à améliorer notre pouvoir d’achat et le financement des services publics, c’est là qu’il faut aller ! Selon le Professeur Denis-Emmanuel Philippe (Université de Liège), la cellule ‘‘paradis fiscaux’’ du SPF Finances étudie cette fuite de capitaux avec…. 4 employés à peine ! (LL, 21/8/19)
Cela n’a pas empêché 50 chefs d’entreprise flamands d’exiger une réduction supplémentaire de l’impôt sur les sociétés à 20% en plus d’un service communautaire pour les chômeurs. Une richesse inouïe d’un côté et une pauvreté croissante de l’autre : une telle société est malade.
Maintenant, nous savons aussi pourquoi la N-VA et le Vlaams Belang font tout leur possible pour détourner l’attention vers les migrants. Cela leur fait office de paratonnerre pour dévier l’attention du braquage organisé par les plus riches du pays, de la pénurie d’emplois bien payés ou de logements abordables et de l’absence de perspectives d’avenir. Le Vlaams Belang a jeté tous ses slogans prétendument sociaux par la fenêtre une fois les élections passées. Aujourd’hui, le parti considère que le cadeau de départ de 500.000 euros pour le CEO de Bpost est parfaitement normal.
En Wallonie, le MR, le partenaire choisi par le PS, propose que les mesures vertes ne ‘‘sanctionnent’’ pas les entreprises. En Flandre, à Bruxelles et en Wallonie, les listes d’attente pour les logements sociaux continueront de s’allonger. A Bruxelles, il faut attendre entre 8 et 10 ans !
Les syndicats doivent lutter en masse contre les nouvelles autorités publiques austéritaires. Pas en ordre dispersé, mais tous ensemble. Si le capitalisme ne peut pas distribuer la richesse d’une manière équitable – une utopie dans ce système basé sur les profits et la crise – alors nous devons lutter pour une planification socialiste démocratique des immenses richesses actuelles.
-
Économie mondiale : la crainte d’une nouvelle récession

2018 a marqué les dix ans de l’effondrement de la banque Lehman Brothers qui a plongé l’économie mondiale dans la récession la plus profonde depuis les années 1930. Le virus financier s’est ensuite très rapidement propagé, paralysant la production et le commerce. Seule la prompte action coordonnée de la part des capitalistes et politiciens du monde entier a permis d’éviter une dépression similaire à celle des années 1930.
Par Robin Clapp, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)
Les éléments déclencheurs de cette crise étaient l’endettement excessif des États, des entreprises et des ménages, la spéculation déraissonnée sur le marché des hypothèques immobilières ‘‘subprimes’’ aux États-Unis et l’effondrement du marché international des dérivés, largement dérégulé, décrit par les économistes comme une ‘‘arme financière de destruction massive’’.
La panique s’est répandue à travers les frontières, à mesure que les banques européennes se trouvaient tout à coup à cours de dollars pour rembourser leurs emprunts souscrits en dollars, ce qui a forcé la Banque fédérale des États-Unis à injecter 11.000 milliards de dollars de liquidités pour maintenir le système à flot. Toutefois, même cette somme était minuscule en comparaison du plan de relance mis en place par la Chine.
Le retour de la crise
La rencontre annuelle des milliardaires du monde entier s’est tenue à Davos en janvier dernier. Il y avait là très peu d’optimisme, tant s’accumulent les problèmes géopolitiques, économiques et sociaux, qui s’élèvent comme des spectres qui viennent les hanter.
Les failles grandissantes du monde capitaliste étaient on ne peut mieux illustrées par l’absence flagrante de Donald Trump, d’Emmanuel Macron et de Theresa May, tous bloqués chez eux du fait de la situation explosive dans leurs pays respectifs (paralysie de l’administration, mouvement des Gilets jaunes, négociation du Brexit).
Davos a révélé les inquiétudes des dirigeants du monde. Ils sont à présent forcés de reconnaitre les signes évidents d’un ralentissement de la croissance économique mondiale. Le danger que représente la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, la baisse de la croissance chinoise (qui a atteint son point le plus bas en 30 ans), le bouillonnement d’une nouvelle crise de la dette, la récession en Italie et la possibilité d’un Brexit sans accord auront tous des conséquences extrêmement graves et incertaines pour le système au niveau mondial.
En Occident, le coût total de la recapitalisation des banques en faillite et de l’effacement des dettes a dépassé les 14.000 milliards de dollars. En ramenant les taux d’intérêt à un niveau historiquement bas et en appliquant un ‘‘assouplissement quantitatif’’ qui a permis aux banques centrales d’acheter des titres sur le marché afin d’accroitre la quantité d’argent en circulation. C’est ainsi qu’ils ont évité, de justesse, l’effondrement complet du système économique.
Ces mesures d’urgence n’ont cependant pas permis une reprise durable. Au lieu de ça, elles ont contribué à un gonflement des prix des actifs ; dans de nombreux pays, la dette des consommateurs a de nouveau très vite atteint son niveau d’avant 2008. Les causes réelles du dernier crash ont été ignorées. La valeur totale de la dette mondiale (tant pour le public que pour le privé) a maintenant atteint le record historique de 182.000 milliards de dollars.
En 2018, on a vu à deux reprises des mouvements de panique à Wall Street (la bourse de New York), suscités par l’instabilité de la croissance et l’impact qu’aura le durcissement de la politique monétaire des États-Unis. En février 2018, 4.000 millions de dollars ont été effacés des marchés boursiers mondiaux en à peine deux jours. La reprise boursière qui s’est ensuivie aux États-Unis a été spectaculaire ; mais entre octobre 2018 et janvier 2019, on a assisté à une nouvelle série de baisses qui ont fait s’évaporer 20 % de la ‘‘valeur’’ du marché des actions.
Malgré les messages réconfortants de la part des grandes banques, qui affirment avoir nettoyé leurs comptes, de troublants parallèles refont surface. Les plus grandes banques du monde sont devenues encore plus grandes : le pourcentage d’actifs détenus par les cinq plus grandes banques n’a fait qu’augmenter, ce qui suscite des craintes du fait que ces banques restent trop importantes pour pouvoir tomber en cas de nouvelle crise.
En février de l’an passé, Chris Cole, directeur d’un fonds spéculatif états-unien, a décidé de quitter son travail qui consiste à brasser des millions issus de couvertures financières, en faisant ce commentaire cynique : « Le système tout entier est comme un serpent qui mange sa propre queue. Nous sommes sur le point de connaitre une crise financière à grande échelle, de même ampleur que la dernière, si pas pire. »
Un autre signe de l’épuisement de la qualité du crédit sur les marchés internationaux est la détérioration des émissions obligataires médianes. Depuis 1980, celles-ci sont passées de ‘‘A’’ à ‘‘BBB’’, soit un cran au-dessus du statut ‘‘à risque’’.
Le déclenchement de guerres commerciales
La présidence Trump a ajouté un nouvel élément d’imprévisibilité dans une situation par ailleurs déjà explosive. Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine restent non résolues, et pourraient encore empirer en mars. Trump vitupère contre la Chine en l’accusant de cyber-espionnage et de vol de propriétés intellectuelles états-uniennes.
Bien que les divergences entre les États-Unis, le Mexique et le Canada quant à l’Accord de libre-échange nord-américain se soient un peu calmées, l’Union européenne a été frappée en mars dernier par une hausse de 25 % des taxes douanières sur les importations d’acier et de 10 % sur les importations d’aluminium. Elle a répliqué en juin par une hausse de ses propres taxes sur les produits états-uniens.
Ces mesures ouvertement protectionnistes compliquent une situation déjà très tendue du point de vue des relations inter-impérialistes. Ces taxes augmentent le coût des importations, et donc les frais pour les entreprises, ce qui nuit aux profits. De plus, la réduction de la croissance mondiale a un effet contraire sur les exportations des États-Unis.
Trump tonne contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qu’il soupçonne d’être hostile aux intérêts des États-Unis. Cette organisation a été créée il y a 20 ans par les capitalistes qui, alors, croyaient étaient convaincus que le processus de mondialisation était irréversible. Dans un entretien avec Bloomberg en septembre, il menaçait : ‘‘S’ils ne se ravisent pas, je me retire de leur organisation’’.
Les tensions commerciales internationales actuelles soulignent un revirement de politique qui a commencé en 2008, entretenu par les politiciens de droite populiste qui s’en prennent, de façon démagogique, à la ‘‘mondialisation’’ et ses institutions, comme l’Union européenne, en exigeant un retour à la protection de leurs ‘‘intérêts nationaux’’.
Dans son édition du 24 janvier, la revue The Economist décrit cette période de repli partiel vers le protectionnisme comme celle de la ‘‘mondialisation ralentie’’, faisant remarquer que la valeur mondiale des investissements transfrontaliers par les entreprises multinationales est tombée de 20 % rien qu’en 2018.
Le commerce mondial connait un ralentissement qui, avec la remise en cause des accords internationaux par les États-Unis, réduit d’autant les chances d’une réaction coordonnée à la future crise économique.
L’économie des États-Unis
La hausse des incertitudes est également illustrée par la rupture à peine camouflée entre Trump et la Banque centrale des États-Unis sur la question des taux d’intérêt et de la durabilité de la reprise.
L’économie états-unienne semble robuste, avec une croissance de 4,1 % au dernier trimestre de 2018. Pourtant, le taux de croissance moyen dans la phase actuelle de ‘reprise’’ n’a été que de 2,2 %. On est très loin des 4,9 % par an en moyenne pendant les années 1960, ou même des 3,6 % par an pendant les années 1990. Cette ‘‘reprise’’ est le premier cycle de croissance depuis 1945 pendant lequel il n’y a pas eu au moins une année à plus de 3 %.
Depuis 2014, le dollar a connu une hausse de sa valeur de près de 25 %, du fait de la bonne performance de l’économie états-unienne et de la hausse des taux d’intérêt. Cette revalorisation du dollar a fortement endommagé les économies des pays en développement, qui ont vu les dollars abandonner leur territoire pour partir profiter des taux d’intérêt supérieurs aux États-Unis. La Turquie et l’Argentine ont particulièrement souffert de ce processus.
Trump a diminué les taxes sur les grandes entreprises de 35 % à 21 %. Mais de nombreuses entreprises états-uniennes ont utilisé cette hausse de leurs profits non pour investir, mais pour racheter leurs propres actions et mettre à l’abri d’immenses piles d’argent. Ceci indique un manque de confiance dans la profitabilité sur le long terme des investissements dans l’industrie.
Maintenant que la Banque fédérale des États-Unis revient sur sa politique d’assouplissement quantitatif par le rachat des bons d’État, le pays est maintenant confronté à une politique de resserrement quantitatif. L’assouplissement quantitatif avait pour but de soutenir la croissance des valeurs des actifs, des actions et de l’immobilier. Le resserrement quantitatif a l’objectif contraire.
Certains indicateurs financiers des États-Unis commencent à clignoter en rouge. De nombreux économistes sont à présent convaincus qu’une correction du marché en profondeur pointe à l’horizon. Cette correction pourrait provenir du secteur financier, déclenchée peut-être cette fois par le désarroi sur le marché des fonds négociés en bourse, des produits financiers qui offrent une diversification des risques.
Dans les maisons de commerce dirigées par des algorithmes capables de faire monter de 10 % la valeur des bons du Trésor états-unien en quelques minutes, ces instruments demeurent non testés et susceptibles aux effets des vagues de ventes à grande échelle causées par les vents de panique.
Trump pense pouvoir remporter un second mandat du fait de la vigueur de l’économie. Mais si la récession devait à nouveau frapper, il aura certainement à lutter pour pouvoir être réélu.
Le mois passé, le géant Apple a connu des pertes – ce pourrait être là aussi un signe avant-coureur de la crise à venir. Et lorsque le secrétaire au Trésor des États-Unis, Steve Mnuchin, a déclaré sans prévenir en décembre que ‘‘Les banques sont suffisamment pourvues en liquidités’’, cela a causé une nouvelle panique sur les marchés.
Le syndrome chinois
Le ralentissement de la Chine aussi suscite de nouvelles tensions. La Chine produit 16 % du PIB mondial aujourd’hui, contre 6 % en 2018. Mais dans la même période, elle a vu son taux d’endettement passer de 150 % de son PIB à 300 %.
La hausse des taxes douanières aux États-Unis ont infligé un rude coup à l’économie chinoise. Et les États-Unis menacent de nouvelles hausses de taxe pour un montant total de 300 milliards de dollars ce mois-ci au cas où Beijing refuserait de signer certains accords. La Chine est extrêmement vulnérable à une guerre commerciale ouverte.
Les tensions sociales augmentent aussi : l’année 2018 a connu plus de 1700 mouvements de grèves dans le pays, dont la majorité était liés aux vagues de licenciements dans les entreprises poussées à la faillite par la dette.
Bien qu’il soit impossible de pointer du doigt la cause immédiate ou le moment précis de la prochaine récession, tout comme il est impossible de définir à l’avance sa gravité, il semble bien que cette fois-ci, il sera bien plus difficile cette fois pour les gouvernements capitalistes du monde de parvenir à un plan coordonné et rapide pour y faire face, vu la division croissante entre eux.
Perspectives
On pourrait voir un effondrement boursier, une crise de la dette déclenchée par la hausse des taux d’intérêt (surtout dans les pays en développement), des faillites de banques qui entraineraient une crise financière, ou un choc pétrolier découlant des ingérences des États-Unis dans la politique iranienne.
Après 2008, les ministères des Finances et les banques centrales avaient réduit leurs taux directeurs à des niveaux historiquement bas et surchargé l’économie mondiale par l’assouplissement quantitatif. Mais de ce fait, aujourd’hui, leur capacité d’intervention financière est complètement épuisée. Cela signifie que la prochaine récession ou le prochain crash sera bien plus lourd de conséquences que ce que l’on a connu.
À toutes ces failles structurelles du capitalisme, s’ajoute le rapport bouleversant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui avertit que le monde n’a plus que 12 ans pour prendre les mesures nécessaires afin d’éviter une catastrophe à l’échelle planétaire.
Lorsque la crise a frappé en 2008, la classe prolétaire était trop abasourdie et mal préparée pour pouvoir riposter. Elle a été dupée, trahie et abandonnée par les partis sociaux-démocrates qui adhéraient à l’idée de l’infaillibilité du marché. Les trahisons comme en Grèce et ailleurs ont eu pour conséquence que le capitalisme a fini par être renfloué, à nos dépens.
La prochaine crise sera différente. Partout dans le monde, les prolétaires, les travailleurs et les jeunes sont en train de se radicaliser. Ils seront plus à même de riposter et de construire de nouveaux partis prolétariens de masse capables de mettre un terme au règne du capital, plutôt que de s’y soumettre.
Le programme du marxisme sera repris à l’échelle internationale afin d’armer la nouvelle génération des armes politiques dont elle a besoin pour anéantir la dictature du marché et la reléguer à jamais aux poubelles de l’histoire.
Les Étudiants de Gauche Actifs et les sections de Liège du PSL vous invitent à participer à leur meeting : Capitalisme = pauvreté, pollution, guerre, des gens qui fuient, discrimination et crise. Pourquoi le socialisme est-il nécessaire ?