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Tag: Crise économique
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“La pire crise du capitalisme depuis les années 30”
Des représentants des sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) de toute l’Europe, d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique se sont rencontrés cette semaine pour discuter de la situation mondiale en cette période de crise capitaliste profonde, où les travailleurs sont maintenant confrontés à d’intenses attaques sur leur niveau de vie.
Rapport de la réunion du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Belgique
“La pire crise du capitalisme depuis les années 30”
Les travailleurs commencent à riposter
Ouvrant la réunion du Comité Excéutif International (International Executive Committee – IEC) du Comité pour Internationale Ouvrière (CIO), Tony Saunois a déclaré que l’année passée a été « extrêmement explosive et importante pour le capitalisme mondial comme pour le CIO ». Ce thème a été développé lors de la première session sur l’économie et les relations mondiales, introduite par Peter Taaffe du Secrétariat International (SI). On aurait peine maintenant à trouver un pays ou une région que l’on pourrait considérer comme stablee, a dit Peter. Par exemple, le PIB africain a été divisé par deux au cours de la dernière décennie. Les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) sont devenus les pays BIC, depuis l’implosion de l’économie russe !
C’est avec une « délicieuse ironie » que le vingtième anniversaire de l’effondrement du stalinisme en Europe de l’Est, que les dirigeants mondiaux avaient espéré pouvoir célébrer en tant que « victoire du marché libre », ait coïncidé avec la pire crise capitaliste depuis les années 30. Un Allemand de l’Est interviewé par le Guardian de Londres leur a par exemple dit que « le communisme athée a été remplacé par le capitalisme athée » !
Lors du dernier meeting de l’IEC, le CIO avait analysé le fait que les capitalistes préféreraient hypothéquer leur avenir afin d’empêcher la récession de se muer en une dépression mondiale. Il semble que cela ait maintenant été accompli, mais la différence entre récession et dépression n’est que d’ordre académique pour les nombreux pauvres du monde entier. Même aux Etats-Unis, des cités telles que Detroit ou des états tout entiers comme la Californie ont été dévastés pour la crise économique. Celà, malgré les 14 trillions de dollars (14 mille milliards, soit 30% du PIB mondial), que les capitalistes ont jeté dans l’économie mondiale. La récente faillite de Dubaï World est un symptôe du type de perspectives auxquelles est confronté le capitalisme mondial : des caractéristiques dépressionaires prolongées, avec des ondes de choc parcourant l’ensemble du système. A la suite de Dubaï World, ce sont des pays entiers qui pourrraient s’effondrer, comme cela a été le cas de l’Islande un peu plus tôt : l’Irlande, la Grèce, la Hongrie et l’Ukraine (qui aurait une probabilité de 56% d’entrer en faillite), sont toutes candidates. Toutefois, les travailleurs commencent à riposter. Les travailleurs de la fonction publique en Irlande ont montré leur fureur face aux tentatives de leur faire payer la crise des capitalistes, via toute une série de manifestations et de grèves de masse qui ont ébranlé leur île.
Pas de retour à la croissance
Il est clair, a poursuivi Peter, qu’il n’y aura pas de retour à la même position économique que celle qui existait avant que le développement de la crise des hypothèques subprimes ne marque le début de la crise. Pendant toute une période, le capitalisme mondial s’est reposé sur la finance et sur le crédit pour tenter de maintenir la profitabilité et les marchés, mais cette voie est désormais fermée. Les « plans de relance » ont modéré les premiers effets de cette nouvellee crise, mais maintenant c’est à la classe ouvrière, ainsi qu’à de nombreuses couches de la classe moyenne, de payer la note. Le coût de la récession a été « équivalent à celui d’une guerre », selon un analyste. L’explosion des bulles qui avaient été créées par l’orgie financière d’avant 2007 pourrait signifier 10 ans de sauvage austérité pour la classe ouvrière – à moins qu’elle ne contre-attaque.
Pour le capitalisme, la seule soi-disant « lueur » au milieu des ténèbres a été la Chine. L’Etat y a réaffirmé son contrôle de l’économie, et on estime à 600 milliards de dollars la valeur qui a été pompée dans l’économie, et qui est maintenant en train de créer de nouvelles bulles, surtout sur les marchés boursiers et immobiliers. Les capitalistes internationaux essaient de forcer le gouvernement chinois à réévaluer sa monnaie, le renminbi, mais ceci ne serait qu’une répétition des accords du Plaza et du Louvre, qui dans les années 80 ont forcé la réévaluation du yen japonais, et ont été à la base des deux « décennies perdues » de croissance économique dans ce pays, avec un taux de croissance d’environ 0,1% par an depuis 1991 ! La croissance chinoise ne résoudra pas les problèmes du capitalisme. L’économie mondiale est confontée à une période prolongée de stagnation et même de de stagflation.
L’Afghanistan et le Moyen-Orient
Tournant son attention vers les relations mondiales, Peter a mentionné l’annonce de l’envoi de 30 000 renforts en Afghanistan faite la veille par le Président Obama, qui reflète la politique de « vitnamisation » du Président Johnson pendant la guerre du Vietnam. Cette politique avait été un échec, tout comme le sera celle d’Obama. Même Alexandre le Grand n’a pas été capable de soumettre l’Afghanistan. Cette crise a maintenant atteint une ampleur régionale, entraînant le Pakistan dans son sillage, où les talibans combattent l’armée pakistanaise. Obama va dépêcher un vice-roi en Afghanistan, et forcera le Président Karzaï à accepter son règne, mais la région toute entière est instable et la pauvreté des masses, terrible. Comme l’a dit un analyste, les Afghans « ne peuvent pas se nourrir de démocratie ».
Le Moyen-Orient lui aussi est en train de plonger dans un conflit de plus en plus profond. La détresse des Palestiniens reste sans réponse, et dans le cadre du capitalisme, le restera. La masse opprimée des Palestiniens devient maintenant de plus en plus sceptique, et c’est peu dire, quant à l’éventualité d’une solution « à deux Etats » sous le capitalisme. Ajouté à cela, se trouve la menace d’une attaque israélienne sur les centrales nucléaires iraniennes, et le danger d’un sanglant conflit régional.
Vide à gauche
En guise de conclusion, Peter a souligné le rôle que peuvent avoir d’audacieuses idées socialistes tout au long du processus en cours. L’extrême-droite est parvenue à occuper une partie du vide politique qui a suivi la récession économique, mais ceci n’est que la première phase de la crise, et leurs idées fausses et pernicieuses seront sapées au fur et à mesure de son avancement – à condition que les socialistes remplissent leur rôle. Malheureusement, certains des nouveaux partis de gauche qui ont été formés au cours des dernières années ont viré à droite, décevant par là même des sections entières de la classe ouvrière. Mais, étant donné l’ampleur du vide à gauche, l’idée de nouveaux partis des travailleurs est en train de gagner du terrain.
Le CIO s’est bien développé l’an dernier, par son rôle à la tête d’importantes luttes industrielles, et par l’élection du camarade Joe Higgins au Parlement Européen. La prochaine période sera favorable aux socialistes, avec un capitalisme en crise profonde, et le CIO peut énormément s’y renforcer.
Contributions au débat
Au cours de la discussion, plusieurs camarades ont exprimé des points de vue pertinents. Le camarade Yuvraj, d’Inde, a souligné le fait que certains politiciens capitalistes sérieux, tels que le Britannique Peter Mandelson, sont en train d’insister sur le fait que le capitalisme britannique doit se tourner vers l’industrie, mais ni lui ni les autres n’ont pris en compte le fait que les investissements ne vont que là où ils rapportent le plus de profits. Al Gore a beau appeler à un « capitalisme durable », les contradictions du capitalisme sont si profondes qu’elles ne peuvent être résolues qu’en abolissant le capitalisme dans son ensemble.
Plusieurs camarades sont intervenus sur les récents mouvements de la classe ouvrière et de la jeunesse. Sonja a décrit les occupations d’étudiants en Autriche, qui sont parvenues à se lier aux syndicalistes en lutte pour de meilleurs salaires. Aïnur du Kazakhstan a dit que la revendication de nationalisation a été mise en avant sur plus de 50 entreprises au cours des derniers mois, y compris par 30 000 travailleurs du pétrole, soutenus par les mineurs de charbon et de minerais. De larges sections de la classe moyenne du Kazakhstan sont tombées dans la misère durant la crise, et forment maintenant ce qu’on appelle des « nouveaux pauvres ». Ces luttes et mouvements de protestation posent maintenant la base pour de nouveaux syndicats indépendants et de nouvelles formations politiques.
La lune de miel d’Obama est terminée
Philip des Etats-Unis a expliqué que la lune de miel d’Obama est arrivée à son terme. Les espoirs engendrés par son élection se sont évaporés parmi toute une section des travailleurs et de la jeunesse, à cause de la crise économique, du débat autour de la réforme des soins de santé aux USA, et du fort sentiment anti-guerre. L’économiste Paul Krugman a expliqué qu’une des raisons derrière la chute du soutien pour Obama (lequel, dans un sondage récent, ne jouissait plus que d’un peu moins de 50% de popularité) a été sa trop grande « timidité » quant à sa politique économique. Il y a une immense colère face aux banques et aux « banksters » (contraction de « bank » et de « gangster »), comme ailleurs, et le capitalisme y est confronté à sa plus grande remise en question depuis des décennies, avec un intérêt croissant en faveur des idées socialistes. Dans un autre sondage, 35% de la jeunesse américaine déclaraient préférer le « socialisme » en tant que système économique.
Le potentiel de lutte aux Etats-Unis a été souligné par Bryan, qui a donné un compte-rendu de la scission sur une base militante au sein des syndicats. Le syndicat United Healthworkers (Travailleurs de la santé unis), qui représente 150 000 travailleurs, a quitté le SEIU (Service Employees International Union) à cause de la politique droitière de sa direction. Selon Bryan, des luttes de masse aux Etats-Unis vont poser la base pour une alternative ouvrière indépendante à gauche des Démocrates.
Ayesha du Liban a décrit la misère dans laquelle vivent les masses égyptiennes, et le manque de toute force politique qui puisse les représenter, malgré leur ardente colère. Les capitalistes égyptiens sont en train de préparer une explosion sociale pour le futur.
Hannah de la section Angleterre – Pays de Galles a donné un aperçu des statistiques concernant les dettes des Etats des principales économies mondiales : à cause de l’ampleur sans précédent des interventions qui ont été effectuées dans le but d’empêcher une récession, le Royaume-Uni est endetté à 87% de son PIB, les Etats-Unis 98%, le Japon 200% ! Même si une dépression peut être évitée, l’avenir sera terrifiant pour la classe ouvrière si aucune lutte ne se développe. Ceci veut dire des grèves générales qui durent un voire plusieurs jours. Le Royaume-Uni n’a connu qu’une seule grève générale au cours de son histoire, en 1926, et cela, à la suite d’une période d’austérité sauvage semblable à celle qui est aujourd’hui proposée par l’ensemble des partis capitalistes du pays.
Plusieurs camarades ont également commenté les effets désastreux que le capitalisme a sur l’environnement et le changement climatique.Le CIO participera de manière énergique aux manifestations entourant la conférence sur le changement climatique de Copenhague.
Les relations économiques du capitalisme s’effondrent
Dans sa conclusion de la discussion Lynn Walsh, du Secrétariat International du CIO, a dépeint un capitalisme dans sa pire crise depuis l’entre-deux-guerres. Les pertes des économies capitalistes s’élevent en moyenne à 5% du PIB mais certaines, comme celles des pays baltiques, ont perdu bien plus que cela. La dernière période a été dominée par le néolibéralisme, la mondialisation et la politique du marché ultra-libre, qui visaient à restaurer la profitabilité du capitalisme. Mais le coût en a été l’accumulation d’une immense montagne de dettes : en 1980, la dette mondiale s’élevait à hauteur d’un an de PIB mondial, mais en 2005, elle valait quatre fois le PIB mondial ! La crise a montré qu’un type de relations a disparu pour en laisser un autre. Les capitalistes sur le plan international travaillent à une réponse empirique au jour-le-jour en guise de réponse à la crise.
Les plans de relance devront être maintenus si l’on veut éviter une deuxième plongée dans la récession, mais cela se ferait aux dépens de la dette de l’Etat. C’est donc la manière de réduire le fardeau pour l’Etat qui a divisé les rangs des stratèges du capitalisme. Certains, tels que Ben Bernanke de la US Federal Reserve, ou Mervyn King de la Bank of England, se sont « convertis » au keynésianisme. Sans les effets de la « facilitation quantitative » (càd, le fait d’imprimer de l’argent), il y aurait déjà dès à présent une nouvelle crise sur les marchés, donc ce camp est peu disposé à supprimer la facilitation quantitative et les stimuli financiers. Mais une autre aile des capitalistes suit toujours la position idéologique du passé qui affirme que la dette de l’Etat crée de l’inflation. Ce serait effectivement le cas en période économique « normale », mais nous ne vivons pas une période normale, mais une période déflatoire. Malgré cela, la plupart de l’argent en provenance de la facilitation quantitative est empilé dans les banques et n’est pas utilisé.
Des perspectives moroses pour le capitalisme
Une chose sur laquelle tous les stratèges du capitalisme sont d’accord, est que ce sera à la classe ouvrière de payer la crise. On s’opposera aux taxes sur la richesse et les profits des grandes entreprises, mais on réalisera d’immenses coupes dans les services publics. Le fait est que ce sont des caractéristiques déflatoires qui vont dominer l’économie mondiale tout au long des prochaines années.
En conclusion, la discussion a montré que les perspectives pour l’économie mondiale sont extrêmement moroses. Ceci signifie une immense rehausse des attaques sur le mode de vie et les conditions de la classe ouvrière. Mais le débat a montré que le CIO est préparé à ces attaques et est prêt à armer la classe ouvrière avec le programme, la stratégie et lees tactiques nécessaires pour contrer les ravages du capitalisme, et se diriger vers un avenir socialiste.
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La crise économique mondiale et les perspectives politiques pour l’Europe
Commentaires et analyses du CIO
Le texte ci-dessous est une proposition de thèse qui a été présentée à la réunion du Bureau Européen du CIO (Committee for a Workers’ International – Comité pour une Internationale ouvrière, l’internationale dont fait partie le PSL) qui s’est tenu dans la semaine du 27 mars.
socialistworld.net
Cela fait trente ans, mais bien plus encore depuis la chute du stalinisme en 1989, que le capitalisme néolibéral – dont le crédo a été résumé dans le «Consensus de Washignton» – s’est imposé comme idéologie pour l’ensemble du capitalisme mondial. De fait, les capitalistes et leurs idéologues, de même que la majorité des dirigeants syndicaux et «socialistes», se sont rangés à l’idée que le capitalisme débirdé était le meilleur système, le plus efficace possible pour la distribution des biens et des services à tous les peuples du monde. Toutefois, la dévastation causée par la crise économique en cours a complètement mis en pièces cet édifice idéologique qui paraissait pourtant si puissant. Les économistes et politiciens capitalistes se disputent pour savoir si leur système est soit déjà, soit au bord d’une «dépression» ou, à tout le moins, d’une «grande récession» (selon Dominique Strauss-Kahn, dirigeant du Fonds Monétaire International).
Vitesse et ampleur de la crise
Cette crise n’a pas encore révélé toute son ampleur, mais a déjà amené une destruction sans précédent de richesses et de ressources partout dans le monde.Selon le commentateur capitaliste britannique Hamish McRae, qui est l’éditorialiste économique du journal «The Independent» de Londres, le montant de tout ce qui a été détruit depuis le début de cette crise équivaut à un tiers du Produit Intérieur Brut (PIB) mondial. Il prévoit aussi qu’il faudra dix ans pour rebâtir tout ce qui a déjà été ainsi démoli.
La Banque pour le Développement Asiatique (BDA) a été encore plus loin, faisant remarquer que «L’effondrement de la valeur des actifs mondiaux peut avoir atteint 50.000 milliards de dollars, ce qui équivaut à la valeur d’un an de production mondiale». Ceci est encore probablement une sous-estimation des dégâts infligés par la crise, puisqu’il semble que l’on n’y a pas pris en compte les dégâts infligés à l’économie «réelle». La Banque Mondiale a aussi déclaré que «avec le tarissement des sources de capitaux, les pays en développement sont confrontés à un trou financier de 270 à 700 milliards de dollars par an. Seul un quart des pays vulnérables ont été capables d’amortir l’impact de la récession mondiale.»
La BDA estime les pertes totales en capital pour l’Asie, hors Japon, à 9625 milliards de dollars, soit 109% du PIB de la zone, alors que sur le plan mondial la moyenne de ces pertes équivaut à 80-85% du PIB. Pour l’Amérique Latine, l’estimation des pertes pour 2008 est de 2.119 milliards de dollars, soit 57% du PIB du continent. Le célèbre gourou capitaliste Schumpeter a un jour caractérisé le capitalisme selon les termes de «destruction créative». Il y a effectivement eu beaucoup de «destruction», comme le montrent les chiffres précédents, mais jusqu’ici très peu de «créativité» à l’horizon en ce qui concerne les masses des travailleurs et des pauvres à travers toute la planète. Et en plus de tout ça, l’Organisation Internationale du Travail a estimé à entre 30 et 50 millions pour l’année qui vient le nombre de travailleurs qui vont perdre leur emploi ou être plongés dans le tourbillon morose du «sous-emploi». De plus, le chiffre avancé en ce qui concerne l’augmentation du nombre de pauvres due à la crise est de 90 millions. Il ne faut donc guère s’étonner lorsque Martin Wolf du Financial Times écrit que le coût de la crise jusqu’à aujourd’hui est équivalent à celui d’une «guerre».
Ces chiffres illustrent le caractère épique de la crise, qui a poussé la bourgeoisie et ses porte-paroles dans la panique la plus complète. Leur humeur est presque à la semi-démoralisation. C’est ce qu’on a vu dans une série d’articles du Financial Times, qui a de plus en plus pris sur lui un caractère de «bulletin international» pour le capitalisme mondial, plutôt que britannique.
Ces articles définissaient des perspectives, aussi loin qu’ils en étaient capables, pour la bourgeoisie mondiale dans la période à venir. Leurs conclusions ? «Non seulement le système financier est infesté par des pertes d’une ampleur que nul n’avait prévu, mais les piliers de la foi sur lesquels reposait le nouveau capitalisme financier se sont maintenant quasi effondrés. A cause de cela, tout le monde, des Ministres des Finances aux responsable des Banques Centrales aux petits investisseurs ou pensionnés se retrouve sans aucun repère intellectuel, abasourdis et confus.»
Le dirigeant de Meryll Lynch à Moscou a été encore plus loin : «Notre monde est brisé – et honnêtement, je ne sais pas ce qui va le remplacer. La boussole qui nous montrait la voie en tant qu’Américains a disparu… La dernière fois que j’ai vu quoi que ce soit qui ressemble à la situation actuelle, en terme de désorientation et de perte de repères, c’était parmi mes amis en Russie lorsque l’Union Soviétique s’est effondrée.» L’effondrement de la Russie, la contre-révolution sociale qui a suivi 1989, fut la plus grande contradiction des forces productives en un pays de toute l’Histoire, surpassant même la crise de 1929 à 1933 aux Etats-Unis.
Les stratèges du capital sont si désorientés qu’ils ont même été cherché un peu de consolation dans les oeuvres de Marx, et même parmi les écrits de «Lénine le maudit». La phrase de ce dernier, comme quoi le capitalisme pouvait toujours trouver une issue, fut citée d’un ton approbateur dans le Financial Times par un idéologue du capitalisme! Ce commentateur avait oublié d’ajouter que Lénine avait précisé que cette renaissance du capitalisme ne pouvait s’effectuer qu’au prix d’une souffrance immense pour la classe ouvrière, ne pouvait s’édifier que «sur les cadavres» de la classe ouvrière et de ses organisations, comme l’écrivit Trotsky.
Il ne fait aucun doute que si la classe ouvrière ne cherche pas une porte de sortie vers la révolution socialiste, le capitalisme pourra toujours se réétablir, bien que sur base d’un équilibre instable. Mais comme Trotsky l’a fait remarquer au début des années 30, la situation objective – en termes d’ampleur et de vitesse de la crise – à travers le monde entier peut déjà être qualifiée, «avec un certain degré de justification», de prérévolutionnaire. Ceci est correct à condition de la définir comme étant une période recouvrant plusieurs années de «flux et reflux partiels» qui peuvent se dérouler entre une situation prérévolutionnaire et une situation directement révolutionnaire.
En d’autres termes, comme le CIO l’a toujours défendu, cette crise va avoir un caractère étendu ; ce n’est pas juste une crise, mais une série de crises. Elle a déjà introduit une instabilité extrême des devises, un empilement massif de dettes d’Etat – un «vol générationnel», comme l’a décrit le candidat présidentiel républicain McCain – et d’énormes problèmes pour le capitalisme, qui ne pourront en dernier recours se résoudre que par une attaque directe sur le niveau de vie de la classe ouvrière.
Toutefois, la période précédente du capitalisme néolibéral, qui s’est développée pendant trois décennies, détermine encore en premier lieu les processus à l’oeuvre non seulement sur les plans économiques et politiques, mais également dans la conscience de la classe ouvrière. Tout ce qui garantissait le succès du capitalisme se transforme maintenant en son contraire. La mondialisation a inauguré une période de «démondialisation».
L’expansion massive du commerce mondial, avec la baisse des barrières douanières, et un certain degré de dépassement de l’Etat-nation lui-même a alimenté la croissance. Mais maintenant, avec une nouvelle donne économique, ceci s’est transformé en protectionnisme et en un effondrement incroyable du commerce mondial, sur base de la contraction de l’économie mondiale, estimée ou sous-estimé par le FMI à entre -0,5 er -2% cette année. Cet élément signifie à lui seul que cette crise est pire que tout ce que l’on a connu depuis les années 30. Ce n’est qu’après le contrecoup de la crise de 1973-75 que l’on a été capable de percevoir que cette crise-ci ne provenait pas d’une réelle chute de la production mondiale, mais d’un fort ralentissement du taux de croissance.
Malgré toutes les plaidoieries du FMI et les engagements qui ont été pris lors du dernier sommet du G20 ou qui le seront pieusement lors du sommet d’avril de cette année, le protectionnisme est inévitable. Les dirigeants capitalistes « parlent global, mais pensent national », selon le commentaire d’un « expert » économique à propos du sommet du G20 à venir. Cette montée du protectionnisme pourrait ne pas être de la même impotance que le Décret Smooth-Hawley qui augmenta les tarifs douaniers aux Etats-Unis pour 20.000 objets, mais elle est déjà considérable. La Grande-Bretagne ouvrant le bal, tous les gouvernements européens se sont battus pour savoir qui ferait le plus gros plan de renflouement de ses propres banques, le plus gros plan de subsides aux secteurs de l’industrie en difficulté, comme l’industrie automobile. Ceci a déjà eu un effet catastrophique sur les pays les plus dépendants du commerce mondial – tels que le Japon, l’Allemagne, la Chine et les pays industrialisés d’Asie.
Les plans de relance peuvent-ils fonctionner?
Combien de temps cette crise pourra-t-elle durer, et le régime Obama pourra-t-il voler à la rescousse du capitalisme mondial grâce à ses plans de relance? Le capitalisme mondial et les plus sérieux de ses représentants, lorsqu’on parle de perspectives, avouent leur confusion, leur incertitude et leur manque de vision quant à ce qui pourrait se produire sur le front économique. Par conséquent, les éléments les plus conscients du mouvement ouvrier, les marxistes, ne peuvent donner de réponses définitives. La valeur des plans de relance des divers gouvernements capitalistes dans le monde a été estimée à 2% du PIB mondial. En Europe, pour l’instant, la valeur de ces plans équivaut à 0,85% du PIB européen, avec une réserve de 2,1% du PIB encore disponible sous forme de crédits étendus et autres garanties. Aux Etats-Unis, le plan de relance voté par le Congrès est d’une valeur de 787 milliards de dollars (5,6% du PIB américain), et le renflouement des hypothèques et les garanties prises pour Fannie Mae et Freddie Mac totalisent un surplus de 275 milliards de dollars. Toutes ces mesures contribueront à un déficit budgétaire estimé à 1,75 trillions de dollars (1.750 milliards de dollars), soit 12,3% du PIB américain ! Au Royaume-Uni, qui a opéré un des plus grands plans de relance – à part celui de la Chine – en termes de pourcentage comparé au PIB du pays, pour une valeur de 5% de son PIB – le dernier «plan d’allègement» de la Bank of England – , s’élèvera à 150 milliards de dollars. Ceci est un signe du désespoir du capitalisme, de leurs idéologues et de leurs partis, qui tentent tant bien que mal d’éviter ou d’amortir les effets du crash.
Le système financier – et en premier lieu les banques – est ruiné partout sur tout le système capitaliste mondial. Il ne fait aucun doute que la première et plus visible expression de cet état a été de critiquer le «modèle anglo-saxon» du capitalisme, surtout aux USA et au Royaume-Uni. C’est dans ces pays que le processus de «financialisation» a été poussé à son paroxysme, et c’est dans ces pays que les conséquences les plus catastrophiques se font maintenant sentir. Les banques en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis – si pas dans le reste du monde – sont aujourd’hui techniquement insolvables. Elles ne sont en fait rien de plus que des «banques zombies». Ceci malgré le fait que, dans la plupart du secteur bancaire britannique, le contrôle majoritaire est exercé par l’Etat, tout comme c’est aussi en réalité le cas aux Etats-Unis. Et pourtant, Brown comme Obama résistent tous les deux à l’idée de mettre un terme à la «zombification» des banques, comme l’a appelé Paul Krugman, un économiste capitaliste keynésien. Et cela pour les raisons que nous avons esquissées ci-dessus. Une nationalisation complète représenterait une confession ouverte de la faillite de «l’entreprise privée». Mais pourtant, même les valets les plus droitiers du système, tels que James Baker, Secrétaire du Trésor sous George Bush père, et l’ex-gourou économique Alan Greenspan, se déclarent maintenant en faveur dune «nationalisation temporaire». Même les keynésiens considèrent la nationalisation comme une «mesure à court terme», c.-à-d. regrettable mais inévitable, nécessaire afin de renflouer le système, un peu comme le gouvernement suédois l’avait fait, à une bien plus petite échelle, au début des années ‘90. Ils sont tellement acharnés à convaincre le régime Obama adopter ces mesures, que des keynésiens comme Krugman ont décidé d’abandonner le terme de «nationalisation» pour employer celui de «préprivatisation», c’est-à-dire d’abord une prise en charge par l’Etat, avant de le remettre de nouveau entre les mains des mêmes criminels financiers qui avaient ruiné ces entreprises. Malgré toutes leurs hésitations, au fur et à mesure que la crise s’amplifie – avec 600.000 chômeurs par mois en plus pendant les trois derniers mois aux Etats-Unis, les pires chiffres depuis 1945 – la pression pour une prise en charge du système financier par l’Etat pourrait devenir irrésistible pour les capitalistes. En même temps, nous devons mettre l’accent sur la nécessité d’un contrôle et d’une gestion démocratiques et socialistes de ces étatisations, comme nous l’avons expliqué dans notre article sur le programme transitoire paru dans la revue Socialism Today et sur le site international du Comité pour une Internationale Ouvrière, le CIO (www.socialistworld.net).
Les mesures d’Obama – de Brown et des autres gouvernements capitalistes – parviendront-elles à atteindre leur but, c’est-à-dire avant toutes choses amortir la chute du capitalisme mondial, afin de recréer la base pour un renouveau économique? La mise en oeuvre de la pompe étatique a été conçue afin d’éviter un piège déflatoire, ce que Keynes décrivait comme étant le «paradoxe de l’économie». Les taux d’intérêt sont proches de ou valent zéro, ce qui fait que les banques sont peu enclines à prêter, que les emprunteurs ne peuvent plus emprunter, et que les déposants sont peu enclins à déposer. Le problème du capitalisme en crise n’est pas tellement la question du crédit – bien qu’il y ait effectivement une «grève du crédit» opérée par les banques – mais un manque de « demande », comme l’ont fait remarquer de nombreux économistes pro-capitalistes. Qu’est-ce donc que cela, sinon une manifestation du phénomène de «surproduction» – ce qui était, comme Marx l’a bien expliqué, une absurdité lors des ères précapitalistes. Les classes dirigeantes d’Europe, d’Allemagne et du Japon ont tout d’abord attaqué le «modèle anglo-saxon» de financialisation, qui était selon eux responsable de la crise – se croyant eux-mêmes à l’abri de la récession. Mais en réalité, la crise de surproduction que nous connaissons actuellement était inévitable, avec ou sans crise financière. La combinaison mortelle de crise financière et de crise de «l’économie réelle» n’a servi qu’à renforcer, prolonger et approfondir la crise organique du capitalisme. Il est improbable que les mesures des gouvernements capitalistes entreprises afin de «stimuler» l’économie parviendront à accomplir leur objectif. Il n’est pas exclu, et il est même probable, qu’Obama sera capable d’amortir quelque peu la chute de l’économie américaine ; de même que Brown au Royaume-Uni. Nous devons cependant ajouter l’avertissement que la situation actuelle est unique de part son échelle, son ampleur et sa vitesse. Les mesures employées ou proposées sont elles aussi sans précédent, même en comparaison à la situation des années ‘30. Jamais au cours de l’histoire – pas même dans les années 30 – les capitalistes n’ont cherché de manière aussi désespérée qu’aujourd’hui à faire dévier la crise.
Conséquences pour la Chine
Comme nous l’avions expliqué à l’avance, la Chine n’est pas capable d’agir en tant que système de survie pour le capitalisme mondial. La relation entre les Etats-Unis et la Chine sur le plan économique ont été une variante de la «Destruction Mutuelle Assurée» entre le capitalisme et le stalinisme. La recette du cocktail qui consiste à payer les exportations chinoises aux Etats-Unis au moyen d’actifs dollarisés – pour un montant équivalent à 1.600 dollars pour chaque citoyen chinois – a permis de boucher le trou dans la balance commerciale américaine, et de garantir un marché pour les produits chinois. Mais aujourd’hui toutefois, si l’on en croit le journal londonien The Independant, la Chine serait «confrontée à sa pire crise financière depuis un siècle». En même temps, le FMI annonce que la croissance de l’économie chinoise sera bien inférieure aux 8% projetés par les autorités chinoises. Des milliers d’entreprises ont fait faillite, et le taux d’investissement direct est en chute, malgré «les garanties gouvernementales quant à l’annulation des barrières limitant le flux de liquidités étrangères» (International Herald Tribune). La quantité de capital américain déployé en Chine est tombée de moitié en janvier et février. Au même moment, la Chine utilise cette crise pour investir à l’étranger, rachetant des industries, en particulier en Afrique et dans d’autres parties du monde néocolonial.
Confronté à la perte de débouché pour ses produits aux Etats-Unis comme ailleurs, le régime s’est tourné vers le développement du marché intérne. A cette fin a été proposé un plan de stimulation d’une valeur d’au moins 580 milliards de dollars, le «plus gros plan de stimulation fiscal que le monde ait jamais vu» (The Independant). Mais ceci ne vaut que sur papier ; personne n’est très clair sur la question de savoir en quelle proportion les mesures promises sont quelque chose de neuf, ou ne consistent qu’en un recyclage de «vieil argent». Néanmoins, il y a une certaine possibilité – peut-être plus de possibilité, à cause du rôle de l’Etat – de puiser dans les réserves financières et d’introduire un relativement gros programme d’investissement dans l’ifnrastructure. Même s’il ne «sauvera» pas le capitalisme mondial, ce plan pourrait effectivement parvenir à adoucir la récession en Chine. Cette éventualité est d’autant plus probable à cause du rôle que joue le secteur étatique, qui est toujours considérable. Sa place dans l’économie est bien plus importante que celle occupée par les secteurs d’Etat d’autres pays, même asiatiques, comparables par le fait que l’Etat y exerce toujours un certain contrôle économique, tels que la Corée du Sud, etc.
La question de la part de l’économie qui demeure entre les mains de l’Etat ou qui se trouve au contraire dans le « privé » est toujours un sujet de discussion et de débat, y compris parmi les commentateurs bourgeois. Par exemple, dans un livre incisif basé «sur des extraits de données financières récemment découvertes», Ya Shin Wang, un des premiers critiques du «miracle économique» chinois, décrit comment, lors des dix dernières années, le pays est en réalité devenu «moins capitaliste et moins libre sur le plan économique». Il explique en effet que : «Au début des années ‘80, le gouvernement étranglait dans les faits les entrepreneurs privés qui commençaient à apparaître, et qui subissaient la concurrence à la fois des entreprises macro-étatiques, et des multinationales géantes». Ce sujet est toujours sujet de controverses en nos propres rangs, mais nous sommes d’accord sur le fait que l’Etat a commencé à s’affirmer – sous la pression immédiate de la crise, à la fois interne et externe, tandis que le secteur privé reste dormant. Le gouvernement et les élites privilégiées sur lesquelles il repose tentent d’éviter une explosion de colère populaire face à la hausse du chômage, du fossé immense entre riches et pauvres, etc. avec un mélange de «cooptation», surtout parmi la classe moyenne urbaine, et de répression. De telles méthodes n’ont que peu de chances de porter leurs fruits, et surtout pas sur les long et moyen terme. Mais nous devons suivre l’évolution de l’économie chinoise ainsi que la situation sociale et politique qui s’y développe, comme l’ont fait nos camarades.
Colère de la classe salariée
Le plongeon de l’économie américaine est tel que même Obama est en train de perdre sa position stratopshérique de départ dans les sondages d’opinion. Quelques mois à peine après avoir obtenu le pouvoir, sa popularité est moindre que celle de George W. Bush à la même période par rapport au moment où celui-ci était arrivé au pouvoir!
Ceci est une illustration de l’extrême volatilité qui marque cette crise. Il est devenu difficile pour les capitalistes, et donc aussi pour nous, de prévoir avec précision le déroulement probable des événements et les effets sociaux et politiques de la crise. Dans de nombreux pays, malgré sa sévérité, la crise apparaît comme faisant partie d’une «fausse guerre». Lorsque les «bombardements» vont commencer, toutefois, à travers une hausse soudaine du chômage, alors ce sera une autre affaire. Les capitalistes ont consciemment cherché à émousser la résistance de la classe salariée en recourrant aux coupes salariales et au chômage économique, plutôt qu’à la fermeture brutale des usines, bureaux et industries. Il y a aussi le fait que la conscience des travailleurs est héritée de la période précédente : nombreux sont ceux qui croient que la crise actuelle et ses conséquences ne sont qu’un «mauvais moment», et que tout reprendra son cours normal bientôt. Toutefois, la crise a déjà provoqué des réactions «réflexes» de la part de la classe salariée, en particulier là où la classe capitaliste a cherché à attaquer des acquis passés, comme en Irlande, France et Italie et, à une plus petite échelle, dans d’autres pays européens comme la Belgique. C’est la tentative de saper les allocations de santé, surtout du côté des personnes âgées, qui a provoqué des manifestations de masse en Irlande à la fin de l’année passée, et qui a été suivie par une immense manifestation en février à Dublin, et la menace d’une grève générale en mars, bien que les dirigeants syndicaux fassent de leur mieux pour faire dérailler le mouvement. Nous avons été témoins du même phénomène en France, avec une grève colossale en janvier et le 19 mars, et plus de trois millions de manifestants. Sarkozy, qui fanfaronnait encore il y a peu sur le fait que la France semblait «immunisée» aux grèves, a recommencé à parler, dans les premiers mois de cette année, du danger d’un nouveau «1968». L’occupation par les étudiants de la Sorbonne pourrait constituer un avant-goût de ce qui va suivre, tout comme la grève générale en Guadeloupe et en Martinique et ses effets au Guyane française.
Il y a aussi une hostilité de classe amère et généralisée vis-à-vis de ceux qui sont perçus comme étant les principaux responsables de la crise actuelle : les banqueirs et les financiers. Ceci a été énormément agravé par l’incroyable arrogance des banques et de compagnies d’assurance telles que AIG, qui a été renflouée par le gouvernement américain d’un montant de 170 milliards de dollars, et a maintenu sa décision de rétribuer ses actionnaires de 175 millions de dollars ! La levée de boucliers contre AIG et les banques a poussé Obama à accepter l’idée d’une taxe de 90% sur les «bonus de rétention» pour les banques qui reçoivent une aide étatique. Ceci a à son tour poussé les banques à dénoncer une «chasse aux sorcières McCarthyte» et l’odeur des échafauds et de la révolution française ! Tout cela, est un reflet de la polarisation de classe qui a déjà commencé à se développer, et un avant-goût d’un sentiment général d’opposition au système capitaliste dans son ensemble, et non plus seulement à une partie de celui-ci, et qui va prendre corps au cours de la prochaine période. Toute une couche de jeunes et de travailleurs sont déjà en train de tirer des conclusions socialistes et révolutionnaires, et se dirigent vers le CIO. Une autre couche observe le CIO et ses sections nationales, certains attendant de voir si nos pronostics sont fondés ou pas! Beaucoup d’entre eux peuvent et vont nous rejoindre sur base des événements et de notre travail.
Effondrement des anciens pays staliniens
C’est également ce qui va se passer dans les anciens Etats staliniens de Russie et d’Europe de l’Est. Par une ironie de l’histoire, l’implosion économique y est plus importante que quasi nulle part ailleurs, mais la conscience de masse y est toujours à la traîne, plus que nul part ailleurs. Le «capitalisme mafieux» a échoué, mais le «véritable capitalisme démocratique» doit encore être tenté, se disent de nombreuses personnes, et même des travailleurs. Ces illusions rose-bonbon vont être détruites par les événements tumultueux qui pointent à l’horizon, pas seulement dans cette région mais ailleurs. L’apparition de partis ouvriers de masse et de forces marxistes particulièrement puissantes en Europe occidentale, aux Etats-Unis, au Japon et dans le monde néocolonial va exercer une influence décisive au niveau de la vision des travailleurs, et paver la voie pour la croissance de nos forces dans la région.
En même temps, il y a eu des explosions spontanées de colère dans les rues d’Europe de l’Est et de Russie. Nous avons vu des manifestations en Lettonie, à Vladivostok en Russie orientale et ailleurs, ce qui laisse présager un mouvement de masse encore plus grand étant donné l’aggravation catastrophique de la position des économies d’Europes de l’Est et de Russie elle-même. Plusieurs pays d’Europe de l’Est se trouvent « au bord du gouffre » : c’est le cas pour la Hongrie, la Roumanie, l’Ukraine et d’autres, ainsi que pour la Russie elle-même. Par exemple, on s’attend à ce que le chômage en Russie double cette année, passant de 6,3% à 12%. Ceci s’ajoute au fait qu’un demi-millions de Russes attendent des arriérés salariaux, et que l’économie connaît toujours une inflation à deux chiffres. L’effondrement du marché automobile en Europe et dans le monde va avoir un contrecoup extrêmement rude pour les pays d’Europe de l’Est et pour la Russie. La relocalisation dans la région d’usines par les multinationales de l’automobile suivait une logique de réduction des coûts salariaux, et donc d’augmentation des profits via l’exportation de voitures vers les pays d’Europe occidentale, le Japon et les Etats-Unis. Maintenant que le marché s’est effondré, il en sera de même pour des régions entières, qui dépendent de la production automobile. L’industrie domestique russe sera également affectée. Par exemple, 60% des habitants de la Volga sont impliqués dans la production de la Lada à l’usine Togliatti, alors que ses ventes se sont effondrées. La majorité de ces gens vont donc se retrouver au chômage. Selon un commentateur moscovite, la crise actuelle sera pire que celle de 1998, et « la situation est pire qu’au début des années 90 ». Et comme si ça ne suffisait pas, la liste des personnes les plus riches du magazine Forbes indique que le nombre de milliardaires russes est passé en un an de 87 à 32. Il ne faut donc guère s’étonner quand l’ancien président soviétique Gorbatchev – qui a lui-même servi de portier pour le retour du capitalisme en Russie – déclare que « le meilleur du socialisme et du capitalisme » est à venir. En fait, c’était là son slogan lorsqu’il est arrivé au pouvoir en 1985 et prônait un stalinisme « réformé ». L’Europe de l’Est et la Russie fourniront au cours de la prochaine période certains des pires exemples de l’absurdité capitaliste.
Les répercussions de l’effondrement de toute une série de régimes d’Europe de l’Est, tel qu’en Hongrie, sont sérieuses, de même que les effets qui pourraient s’en faire sentir sur les banques de pays majeurs d’Europe occidentale. Par exemple, l’Autriche est menacée d’un effondrement similaire à celui qu’elle a connu en 1931 au cas où, comme cela est possible, les pays baltiques et d’Europe de l’Est devaient « boire la tasse » à cause de la crise. Les banques autrichiennes et suédoises reposent fortement sur des dettes massives, prêtant de l’argent dont elles ne disposent pas encore. Les banques autrichiennes et italiennes sont les plus exposées. Les prêts des banques autrichiennes aux pays d’Europe de l’Est sont à peu près équivalents à 70% du PIB autrichien. Ceci signifie que ni l’Italie, ni l’Autriche ne peuvent se peremttre de renflouer leurs propres banques, et recherchent désespérément un « plan de relance » européen qui puisse les renflouer. En fait, l’Europe est plus exposée à la « crise des subprimes » que même les Etats-Unis. La situatio nen Russie est identique. Les treize pays qui autrefois formaient l’Union Soviétique avaient accumulé ensemble une dette auprès de banques étrangères, en devises étrangères, d’une valeur dépassant le trillion de dollars (mille milliards de dollars). Une partie – minuscule – de ces emprunts ont été investis, mais la plupart, comme aux Etats-Unis, a servi directement à alimenter la consommation et le secteur immobilier. Le International Herald Tribune a exprimé ainsi l’inquiétude de la classe dirigeante européenne : « La crise de la dette en Europe de l’Est est bien plus qu’un problème économique. Le déchirement et le déclin du mode de vie causé par la crise y provoque des troubles sociaux. Les emprunteurs de subprimes américains qui ont vu leur maisons se faire ressaisir ne sont pas – du moins pas encore – en train de lancer des émeutes dans les rues. Mais les travailleurs d’Europe de l’Est bien. Les racines de la démocratie dans la région ne sont que peu profondes, et le spectre du nationalisme de droite constitue toujours une menace. »
Ceci illustre comment l’intérgation du capitalisme – à un niveau jamais égalé, même en comparaison à la période d’avant la Première Guerre – signifie que la crise dans un secteur ou une région peut provoquer une réaction en chaîne qui se répercute dans les autres secteurs et régions. Nous avons vu cela dans les années 30, avec la faillite et la défaillance de la dette pour de nombreux pays en Europe et dans le monde néocolonial, surtout en Amérique latine, en conséquence de la dépression. Quelque chose de similaire se déroule de nos jours. Le PIB letton a dimuné de -4,6% l’an passé, et on estime qu’il chutera encore de -12% cette année ! Le chômage y dépasse maintenant 10%, ce qui laisse présager une période « d’instabilité » qui va « certainement créer une ouverture pour un dirigeant populiste » (Financial Times). Dans le langage codé de la bourgeoisie, ceci fait référence aux partis d’extrême-droite qui ont commencé à croître en Hongrie, en Lettonie et dans d’autres pays d’Europe de l’Est. Avec l’Irlande, l’Espagne, la Grèce et le Portugal, ce sont ces pays qui vont sans doute connaître le pire déclin dans la période à venir.
Le capitalisme européen en crise
On estime que l’économie irlandaise pourrait se contracter de -20% dans les prochaines années, ce qui produira des convulsions sociales et politiques d’une ampleur encore jamais vue même comparées au passé tumultueux de l’Irlande. De plus, l’euro, qui a agi au début de la crise comme un bouclier pour les pays économiquement exposés tels que l’Irlande, va maintenant jouer le rôle d’une grande camisole de force. Aucun plan de « réajustement » sur base d’une dévaluation de la monnaie n’est possible tant que l’Irlande demeure dans l’eurozone. Par exemple, on estime que le taux de change italien, lorsqu’on prend en compte l’inflation, est en réalité d’un tiers plus haut que ce qui serait requis au vu de la gravité de la situation à laquelle est confrontée son économie. Des données ahurissantes ont commencé à émerger, qui montrent l’implosion économique qui a traversé l’Italie dans la période récente. L’Italie est étouffée par une bureaucratie massive, avec des frais de « représentation politique » équivalent à ceux de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni et de l’Espagne réunis ! Sous ce poids, et à cause de son manque de compétitivité avec ses plus proches voisins, l’économie italienne plonge de plus en plus loin sous la surface. Les dépenses pour l’éducation, qui ont dimuné chaque année depuis 1990, ne s’élèvent plus qu’à hauteur de 4,6% du PIB (au Danmark, on est à 8,4%). Seule la moitié de la population poursuit ses études après l’enseignement obligatoire, 20% de moins que la moyenne européenne. Le nombre de lits d’hôpital par habitant a dimuné d’un tiers sous la « nouvelle république », et vaut la moitié de ce nombre en France ou en Allemagne. L’encrassement colossal du système légal a eu pour conséquence que deux retraités septuagénaires qui demandaient un procès contre l’institut de sécurité sociale se sont vu répondre qu’ils pourraient avoir une audience en 2020 ! Le chômage, qui s’élevait à 12% dans les années 90, est « officiellement » tombé à 6%. Mais la plupart – la moitié en 2006 – de ces nouveaux emplois sont basés sur des contrats à court terme et sont extrêmement « précaires ».
L’Italie, l’Espagne et les conséquences sur l’Eurozone
Sur base du capitalisme, l’Italie, tout comme le Japon, n’est qu’une entreprise agonisante. Il n’y a pas si longtemps, lors de la « seconde république », l’Italie bénéficiait du deuxième plus grand PIB par habitant de tous les grands pays européens, mesuré en termes de pouvoir d’achat, ce qui la plaçait à cet égard juste derrière l’Allemagne – un niveau de vie en termes réels qui était plus élevé que celui de la France ou du Royaume-Uni. Aujourd’hui, ce niveau de vie est bien inférieur à la moyenne européenne (UE), qui a pourtant fortement baissé après l’adhésion à l’UE des pays d’Europe de l’Est, et l’Italie est « en train de se faire rattraper par la Grèce ». Une part de la responsabilité de cet état de fait repose bien entendu sur les épaules de la « gauche », surtout des ex-dirigeants du PC qui se sont retrouvés dans les DS (Démocrates à Gauche) et ensuite dans le PRC (Parti de la Refondation Communiste). Cette situation, toutefois, est en train de préparer des explosion de masse en Italie, et un renouveau de la tradition radicale et révolutionnaire du passé. Nos petites forces, opérant dans des conditions difficiles, avec un immense afaiblissement de la gauche, sont aujourd’hui bien placées pour jouer un rôle dans la renaissance du socialisme et du marxisme authentique en Italie.
L’Espagne a vu une hausse colossale du chômage – 3,3 millions de travailleurs sans emploi. Le déficit budgétaire vaut au moins 6,5 du PIB, et l’économie va plonger de -3% cette année. La construction de logements – qui contribuait à 7,5% du PIB en 2006 – est presque à l’arrêt. Il ne faut donc pas s’étonner du commentaire d’un groupe de réflexion selon lequel « Ceci est le cadre parfait, en conjonction avec la crise financière, pour une dépression ». La réputation des principaux clubs de foot espagnols, renommés à travers l’Europe et le monde entier, a elle aussi été profondément affectée. Par exemple, David Villa, qui a marqué le premier goal espagnol lors d’une récente victoire contre l’Angleterre, est membre de l’équipe de Valencia. Son club croulant sous les dettes, son salaire a été postposé de manière « indéfinie » !
Des manifestations de travailleurs ont éclaté ; les dirigeants syndicaux ont organisé des parades, mais aucune action décisive n’a encore été entreprise afin de mettre un terme à la spirale descendante. Un commentateur procapitaliste a déclaré dans le Financial Times que « L’économie espagnole ne va pas commencer à croître à 3% avant environ sept années. Les Espagnols vont perdre la moitié de leur richesse. C’est horrible. »
A un moment, l’Espagne utilisait la moitié du ciment européen dans un boum de la construction massif et surprolongé. Ce boum s’est maintenant effondré au nez et à la barbe du capitalisme espagnol, laissant un million de maisons vides, et un chômage de 14%, qui menace de grimper à 20% dans la période à venir. Ces chiffres évoquent pour le futur proche le spectre d’une situation similaire, qui mena directement à la guerre civile espagnole. Marx décrivait l’effondrement de l’Espagne comme un « flétrissement long et sans gloire ». C’était lorsque l’Espagne faisait partie des nations les plus arriérées et reculées d’Europe. L’espagne « moderne » s’est développée à une vitesse pêle-mêle durant la phase de croissance, et menace d’un effondrement aussi rapide lors de la prochaine période. Le pays, comme c’est le cas pour certains autres pays d’Europe méridionale, est au bord de la catastrophe, et il est vital que le CWI cherche à aider le développement des forces révolutionnaires et marxistes authentiques qui vont émerger dans ce pays.
L’Eurozone pourrait s’effondrer, à cause du désengagement de ses membres les plus pauvres et les plus assiégés. Mais l’initiative de la destruction de l’Eurozone pourrait provenir des « plus riches », comme l’Allemagne, qui est peu encline à renflouer les pays plus pauvres, et pourrait refuser de payer la facture du maintien de l’Eurozone. Le « point chaud » du marché immobilier européen qu’était l’Irlande s’est écroulé en quelques mois. Les répercussion politiques dans chaque pays varieront en fonction de l’histoire récente. En Irlande du Sud, le gouvernement de coalition Fianna Fáil-Verts peut chuter à tout moment. La résurgence des partis d’opposition, en particulier du Labour, indique un tournant important au niveau des consciences. Les forces socialistes et marxistes authentiques en Irlande du Sud, telles que le Socialist Party (CIO Irlande du Sud), sortiront renforcées de la prochaine période.
L’extrême-droite et l’immigration
Comme nous l’avons dit plus tôt, la droite,et en particulier l’extrême-droite, est elle aussi en marche. C’est le cas dans les pays d’Europe de l’Est qui incluent d’importantes minorités tziganes. Par exemple, Jobbik, un parti d’extrême-droite hongrois qui prend pour cible cette minorité, a remporté 8,5% des voix lors des élections communales de l’an dernier. L’hostilité vis-à-vis des « immigrés » et des autres minorités monte à travers toute la région, et en Europe dans son ensemble. Le danger du racisme et de l’extrême-droite est évident dans les pays plus développés aussi. En Espagne, les résidents et colporteurs de rue africains ont manifesté deux fois en février, à Madrid, contre le racisme et les descentes de police. On apprit ensuite par une fuite que la police avait reçu un « quota » hebdomadaire d’immigrés « clandestins » à arrêter. Dans le sud de l’Espagne, qui est une des régions les plus pauvres, comme en Andalousie, des milliers d’immigrés sans nourriture ni abri se sont déversés sur les villages au début de l’hiver, « chassant en vain des boulots dans la cueillette des olives, qui avaient déjà été pris par des chômeurs espagnols ». En conséquence, nous voyons déjà au moins le début de la formation de « bidonvilles », jusqu’ici une caractéristique des pays néocoloniaux, et que les Etats-Unis ont connus dans une certaine mesure dans les années 30. Même au Royaume-Uni, les travailleurs immigrés originaires d’Europe de l’Est, surtout de Pologne, et qui ont perdu leur emploi, ont maintenant commencé à habiter en marge des villes, formant des sortes de nouveaux bidonvilles. Le même désespoir face à la détérioration des conditions sociales a commencé à se manifester en Espagne. La faillite des petites entreprises a par exemple conduit le patron d’une société de construction ruinée par la crise à organiser cinq hold-ups dans des banques ! Un autre patron de la construction a menacé de s’immoler à moins que le Conseil municipal ne rembourse les emprunts qu’il lui devait. Un désespoir similaire pouvait être perçu dans d’autres pays où des accidents « terroristes » impliquaient parfois des travailleurs individuels ou en petit groupe. Par exemple, début mars, un travailleur turc s’est tiré une balle dans la tête devant le bureau du Premier Ministre turc, en guise de protestation contre l’aggravation de la situation économique.
Les travailleurs français se mettent en action
Un mouvement plus conscient de travailleurs devient véritablement évident, menaçant ou effectuant des occupations, en France, en Ecosse et en Irlande, et pourrait devenir la norme dans d’autres pays au fur et à mesure que la situation économique se détériore. The Economist décrivait ainsi la situation en France dans son édition du 19 mars :
«Serge Foucher, chef de Sony en France, a été pris en otage le 12 mars par des ouvriers de son usine qui cherchait de meilleurs conditions de licenciement. Ils l’ont enfermé dans une salle de réunion et ont barricadé l’usine à l’aide d’énormes troncs d’arbres. Relâché le lendemain, M. Foucher semblait prendre les choses du bon côté : «Je suis heureux d’être libre et de voir à nouveau la lumière du jour», a-t-il confié.
Les hommes d’affaires en France ne sont pas amusés. Ils remarquent que les autorités n’ont pas demandé à la police de libérer M. Foucher. Au lieu de ça, le vice-préfet local l’a accompagné lors des négociations suivantes avec les salariés, qui ont obtenu ce qu’ils désiraient : un meilleur contrat de licenciement. Tout ceci confirme le manque général de sympathie pour les affaires qui vit en France, se plaint un cadre.
Prendre des cadres en otage est une tactique bien établie en France, un pays qui a toute une histoire de relations de travail conflictuelles. Mais cette tactique semble devenir de plus en plus courante. En janvier 2008, le dirigeant britannique d’une usine de crème glacée a été détenu toute une nuit après avoir annoncé un plan de licenciement de la moitié de ses salariés (à cette occasion, la police est intervenue). En février 2008, le directeur d’une usine de pièces détachées automobiles a été enfermé après que les salariés aient réalisé qu’il préparait une opération de délocalisation vers la Slovénie. Dix jours plus tard, les ouvriers d’une usine de pneus appartenant à Michelin ont enfermé deux cadres supérieurs pour protester contre le plan de fermeture de l’usine.»
Le même journal craint que ces actions ne créent un précédent :«Il arrive aux salariés des autres pays d’enfermer leurs patrons, mais la France est la seule nation où cela se produit souvent. Cette pratique pourrait-elle se répandre ? « A cause de l’état de l’économie mondiale, je ne serais pas surpris si les patrons se voyaient plus fréquemment détenus par leur personnel », dit David Partner, expert en kidnapping et rançons à Miller Insurance, une compagnie d’assurances affiliée à Lloyd’s de Londres.
Les occupations deviennent déjà plus courantes. En décembre, des ouvriers ont occupé une usine de vitres à Chicago pendant cinq jours afin de s’assurer de l’obtention de l’allocation de licenciement qui leur était due. En février, les ouvriers de Waterford Wedgwood, en Irlande, ont marché sur les bureaux de Deloitte, une firme de compatabilité, et ont refusé de partir jusqu’à ce qu’ils obtiennent une réunion avec le chef de cette entreprise. Selon Gary Chaison, professeur des relations industrielles à la Clark University du Massachusetts, les travailleurs aux Etats-Unis vont sans doute devenir plus militants, à cause du sentiment d’injustice par rapport au salaire. «Je verrais bien des captures de cadres se produire dans quelques mois», a-t-il dit.»
Le Premier Ministre « socialiste » espagnol, Zapatero, est parvenu à maintenirla plupart du soutien pour son parti lors des récentes élections régionales, malgré l’effarante situation économique. Ceci est en partie dû à la peur du Parti Populaire (PP), qui tire son origine de la période franquiste, et à l’espoir répandu parmi les masses que la crise ne sera que «temporaire». De plus, la structure familiale – tout comme dans d’autres pays d’Europe méridionale, comme en Grèce – agit plus en tant que filet de secours en période difficile que ce n’est le cas en Europe septentrionale. Ceci amortit dans une certaine mesure les pires effets de la crise économique, mais il y a une limite à cela. Une fois que le caractère durable de la crise aura été perçu par la majorité de la classe salariée, les traditions militantes de la classe salariée espagnole – qui semble en surface être restée dormante pendant toute la dernière période – seront ravivées. Dans la situation explosive qui s’ouvre devant nous, il est urgent que le marxisme authentique puisse trouver son chemin jusqu’aux meilleurs travailleurs et jeunes d’Espagne. On peut dire la même chose du Portugal.
La Grèce : le «maillon faible»
En ce moment, la Grèce est toujours le maillon faible du capitalisme européen. Le CIO en Grèce a clairement exprimé, dans des articles sur le site du CIO, quels sont les processus à l’oeuvre dans le pays, et qui inclut les grèves générales et l’humeur parmi les salariés et les jeunes. Malgré le creux dans le mouvement actuel – ce qui est invitable après une telle explosion d’énergie et sans aucun résultat immédiat et tangible tels que la chute forcée du gouvernement – la situation objective sous-jacente contient toujours d’importants éléments de situation prérévolutionnaire. Plus encore, le statu-quo actuel est hautement instable, et une explosion de convulsions sociales est entièrement possible. La Grèce, avec son déficit budgétaire de 14%, pourrait bien se voir mettre « hors-jeu » par les agences de cotation de la dette gouvernementale. Ceci pourrait à son tour provoquer une «faillite nationale», qui serait suivie par de nouvelles coupes brutales au niveau des acquis sociaux, des salaires et des conditions des salariés grecs. Ceci provoquera de nouveaux incendies sociaux.
La crise en Irlande
L’Irlande n’est pas très loin derrière la Grèce ; en effet, avec le temps, elle est confrontée à une situation potentiellement pire encore que la situation grecque, parce qu’elle est tombée de bien plus haut. Jouissant d’un des plus hauts niveaux de vie dans l’UE – le plus haut même, selon une estimation – la vitesse de la chute irlandaise est, d’une certaine manière, égale à celle de l’Islande, avec laquelle elle a déjà été comparée. Le taux de croissance annuelle de 9% du passé ne sera bientôt plus qu’un souvenir lointain, avec une contraction annoncée d el’économie à hauteur de -6,5% rien que pour cette année. Ceci a à son tour forcé le gouvernement du Fianna Fáil à lancer des attaques brutales sur le mode de vie, avec l’imposition récente par l’Etat d’une coupe salariale de -7,5% pour les employés du secteur public. Ceci a provoqué une manifestation massive en février, la plus grande en Irlande depuis trente ans. La pression est montée en faveur d’un appel à une nouvelle manifestation pour le 30 mars, mais la structure chapeautant les syndicats officiels, le Congrès Irlandais des Syndicats (Irish Congress of Trade Unions – ICTU), a décidé de n’y convier que les syndiqués qui n’avaient pas reçu leur paye conformément à la Convention salariale annuelle. Notre parti a demandé de manière correcte que tous les syndicalistes soient appelé à manifester le 30 mars, puisque c’est l’ensemble de la classe salariée qui est confrontée à la catastrophe, avec le chômage qui monte en flèche, jusqu’à probablement déjà un demi million. Une grève des travailleurs publics bassement payés, et l’occupation de la verrerie Waterford Glass, montrent le mécontentement croissant parmi la classe salariée irlandaise. Le socialisme authentique pourrait maintenant grandement se répandre, au milieu de cette situation potentiellement explosive, en particulier parmi la classe salariée.
Même le Labour Party irlandais, pourtant pro-marché, et qui s’est trouvé sur la paille depuis des décennies, connaît maintenant un renouveau, au fur et à mesure que les masses laborieuses partent en quête d’une alternative au Fianna Fáil et au Fine Gael, maintenant discrédités. Les anciens partis ouvriers – ce qui inclut le Labour Party irlandais – n’offrent que peu d’espace pour l’entrée et la radicalisation des salariés. Mais là où certains de ces partis n’ont pas été récemment associés avec les gouvernements au pouvoir, il n’est pas exclu qu’ils puissent de nouveau profiter d’une croissance électorale, mais aussi d’un certainflux de nouveaux travailleurs et de jeunes gens cherchant à lutter. Les marxistes n’ont pas de dogme bien arrêté sur quoi que ce soit, et encore moins concernant les perspectives pour des partis qui prétendent se tenir du côté du mouvement ouvrier. Il n’est pas exclu que le Labour Party irlandais puisse connaître une résurgence en termes de membres, ce que les marxistes chercheraient à influencer. Mais en même temps, la lutte industrielle est d’une importance cruciale sur le court terme, avec un scénario menaçant pour l’Irlande à l’horizon des quelques prochaines années, similaire à celles auxquelles à dû faire face la classe salariée irlandaise dans la période immédiatement avant la Première Guerre. Cette période a connu des batailles de classes caitales, qui ont culminé dans le Lockout de Dublin en 1913. Les grèves générales et partielles en Irlande en sont les annonciatrices. De la même manière, le plan électoral est vital, car le gouvernement irlandais du Fianna Fáil pourrait s’écrouler d’un coup sous le poids de ses propres contradictions et au milieu de la puanteur de corruption qui l’entoure. Au cours de la période dans laquelle nous entrons, un nouveauchapitre extrêmement important pourrait s’ouvrir pour le marxisme en Irlande.
La grève générale en France
De pareilles opportunités commencent à poindre au-dessus d’autres pays européens, parmi lesquels la France n’est pas des moindres. La grève générale de janvier 2009, suivie par la démonstration massive de puissance ouvrière en mars, avec jusqu’à trois millions de manifestants, a transformé la situation sociale et politique en France. Soixante-dix-huit pourcent des Français considèrent que la grève générale de mars était « justifiée ». Sur une affiche, on voyait «Les Français ont donné l’autorisation au mouvement syndical d’articuler leur opposition à Nicolas Sarkozy». Un grand homme d’affaires a averti que la France est confrontée à une «guerre de classes» qui pourrait saper les efforts de réformes de Sarkozy. Le chef de l’agence de sondages Publicis a déclaré : «Les gens sont vraiment fâchés». Il a aussi ajouté que le gouvernement «attisait le mécontentement». Au même moment, le Financial Times déclare que «Il est loin d’être clair si oui ou non, la tension sociale (manifestée dans les grèves et les occupations) va se cristalliser en un mouvement politique cohérent et capable de paralyser le gouvernement de M.Sarkozy». Le fait qu’ils aient une telle confiance en eux est entièrement dû à la corruption des dirigeants syndicaux qui sont prêts à laisser le mouvement se dissiper.
Les patrons demandent des «sacrifices»
A travers toute l’Europe, la politique que va suivre la bourgeoisie vis-à-vis de la classe salariée sera de « diviser pour mieux régner ». En Irlande, les médias bourgeois sont en train de mener une féroce campagne afin de tenter de liguer les travailleurs du privé contre les employés « privilégiés » du secteur public. Ces travailleurs « goulus » vivent aux dépens – d’autant qu’ils reçoivent apparemment de bien meilleurs pensions et salaires – des pauvres, des vieux et de tous ceux du secteur privé. Une campagne similaire a visé les employés communaux et les fonctionnaires en Grande-Bretagne, à un point tel qu’elle pourrait jouer un rôle particulièrement aigu lors de et après la prochaine campagne électorale. A l’avant-garde de cette campagne européenne, on retrouve la Banque Centrale Européenne : elle a appelé à « une reprise en main des salaires et des dépenses publiques ». Selon sa logique tortueuse, « les restrictions de payement aideront à prévenir le chômage qui affecte une grosse proportion de la population en âge de travailler… Les gouvernements devraient poursuivre une politique courageuse de restriction des dépenses, surtout dans le cas des salaires publics ». La réponse à cette politique distinctement « anti-keynésienne » a été donnée par les travailleurs allemands qui « sont partis en grève… cette semaine en réclamant une hausse de salaires – avec l’argument que de plus hauts salaires sont nécessaires pour renforcer l’économie européenne » (Financial Times). Les absurdités du capitalisme sont telles que ses représentants européens, alors que tout le monde est d’accord pour dire que nous sommes dans une situation de « chute de la demande », soutiennent des mesures « anti-demande ». Mais, bie nentendu, c’est la logique même du capitalisme, dont les points de départ et d’arrivée coïncident avec la nécessité de maximiser les profits et la part destinée à la classe dirigeante. Les profits se sont déjà contracté au cours de cette crise ; les dividendes – la quantité payée aux porteurs de coupons, qui vivent sur le dos des travailleurs – sont au plus bas depuis 1938. Il y a aussi une hausse de la « surcapacité » de l’industrie. Ceci est un autre indicateur de la crise généralisée du capitalisme.
Au même moment, les travailleurs du public ne sont pas les seuls à qui on demande de faire un « sacrifice » ; des couches entières de travailleurs du privé, surtout dans l’industrie automobile, ont subi des coupes salariales de -10, -15, parfois -20%. Pour les ouvriers de Toyota au Royaume-Uni, qui viennent d’accepter une coupe salriale de -10%, ceci signifie une perte de revenu annuel de 2000£ ! Par conséquent, la possibilité de combiner la lutte des travailleurs du secteur public comme du privé n’a jamais été aussi grande, puisque ce sont toutes les sections de la classe salariée qui sont maintenant confrontées à la baisse de leur niveau de vie, à une érosion des acquis du passé, à un allongement de la semaine de travail dans les industries qui sont toujours viables, à des attaques sur les soins de santé et les pensions, etc. Ce processus affecte les pays les plus pauvres d’Europe aussi bien que ceux qui jusqu’il y a peu se trouvaient dans la catégorie des pays « riches ».
L’Allemagne et l’Europe septentrionale
L’Allemagne, moteur de l’Europe, plutôt que de se diriger vers les perspectives économiques ensoleillées établies par le gouvernement Merkel, est, comme nous l’avons mentionné plus tôt, confrontée à une autre implosion économique soudaine. Forcé d’introduire son propre « plan de relance » – après des mois de résistance obstinée –, le gouvernement Merkel parle toujours de sa crainte de voir s’accroître la dette publique et de créer un excédent de liquidités. Un « expert » économique déclarait que « Les banques centrales aux Etats-Unis et au Royaume-Uni sont maintenant littéralement en train d’imprimer de l’argent. Ceci crée un potentiel inflatoire qui est difficile à arrêter ». Les capitalistes, dans leur ensemble, ont décidé qu’une petite pincée « d’inflation » est la seule manière de se sortir du piège de la déflation dans lequel se dirige le capitalisme mondial en ce moment. Avec le souvenir de l’hyperinflation sous la république de Weimar – surtout en 1923 – la classe dirigeante allemande craint de devoir avancer sur cette pente. Mais l’alternative à cela, sur base capitaliste, est une énorme hausse du chômage, comme ça commence à être le cas en Allemagne.
Les autres puissances en Europe sont elles aussi happées par le tourbillon économique. En Belgique, les salariés subissent le chômage économique et de grosses coupes salariales. Les Pays-Bas vont suivre la même voie, de même que la Scandinavie. La Suède est confrontée pour la prochaine période à son plus grand défi social et économique, sans doute plus grand que celui des années 90. Le pays est en ce moment « à la mode » dans les cercles économique capitalistes, à cause de l’expérience du début des années 90. Cette solution est maintenant considérée comme un modèle pour la politique qui pourrait être menée dans la crise actuelle par les plus gros pays. Nouriel Robini, le « M. Apocalypse » du capitalisme mondial, a déclaré, de même que beaucoup d’autres économistes, que « Nous sommes maintenant tous Suédois ». La nationalisation au moins des entreprises en faillite, telles que les banques : voilà la route à suivre, dit-il. Pourtant, le capitalisme suédois n’a nationalisé nque deux banques lors de cette période : Nordbanken, qui était déjà contrôlée par l’Etat, et Götabanken. Qui plus est, comme l’a fait remarquer Paul Krugman, la nationalisation n’est pas juste un phénomène suédois, mais est « Aussi américaine que la tarte aux pommes ». En effet, on nationalise en ce moment deux banques par semaine aux Etats-Unis – mais avec moins de tapage médiatique. Qu’est-ce donc qui paraît si attractif dans le « modèle suédois » aux yeux de la classe dirigeante ? La nationalisation était temporaire – bien qu’elle ait duré plus longtemps que quelques mois (plusieurs années, en fait) – et le lien entre les banques nationalisées et le gouvernement, comme c’est le cas au Royaume-Uni aujourd’hui, est resté plutôt lointain. Toutefois, la crise suédoise, bien que sérieuse, s’est déroulée juste avant le début de la reprise économique dans les années 90.
Effets de la crise pour l’Union Européenne
Un tel scénario de conte de fées n’est plus disponible pour le capitalisme mondial, pas plus pour le capitalisme européen. La crise, loin « d’approcher le fond », peut aller encore plus loin et durer encore plus longtemps que même les plus « pessismistes » des commentateurs capitalistes osent imaginer. Philip Stevens, l’éditorialiste politique du Financial Times (Londres), a récemment déclaré que le Royaume-Uni « n’a pas d’argent ». C’est une exagération puisque, comme le gouvernement l’a bien montré, il peut déjà recourir à la planche à billets – bien que cela se fasse de nos jours de manière électronique – afin d’amorcer la pompe. Mais cela montre l’incertitude et la confusion sous-jacentes des principaux commentateurs du capitalisme. Les Etats-Unis ont suivi les traces de Brown, avec une considérable injection d’argent. Ceci ne peut pas résoudre la crise, mais peut former un matelas qui, combiné avec d’autres mesures, pourrait amortir l’impact. Mais l’empilement colossal de dettes d’Etat signifie une collision inévitable entre les classes dans le futur. Le déficit budgétaire combiné des quatre plus grands pays de l’Eurozone – l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne – va atteindre les 6,4% du PIB en 2010 et vaut 5,8% cette année, alors qu’il ne s’élevait qu’à 2% du PIB l’an dernier ! On prévoit que cette dette publique grimpe à 83% du PIB l’an prochain, à partir de 79% cette année et de 71% en 2008. Les capitalistes vont tenter de faire repartir cette tendance en sens inverse, soit via des hausses de taxes – déjà prévues par le gouvernement Brown pour le futur – ou via des attaques directes sur l’emploi, les allocations sociales, etc. L’UE va à son tour se retrouver déchirée par ces développements. Déjà, la crise a vu la vengeance de l’Etat-nation, dont les commentateurs capitalistes et des groupes de gauche tels que la Quatrième Internationale (LCR en France et Belgique) avaient prophétisé l’enterrement par « l’intégration européenne ». Comme des criminels enchaînés à un chariot, les capitalistes ont été forcé de collaborer, mais les 27 membres de l’UE ne vont pas hésiter à se donner des coups les uns aux autres afin de protéger leurs intérêts « nationaux ». Les mesures protectionnistes extrêmes entreprises par Sarkozy pour promouvoir l’industrie automobile en France sont sagement acceptées par la Commission Européenne, avec le minimum de ronchonnements. Une chute de l’Euro – une possibilité distincte, qui dépend d’à quel point la crise sera sévère et profonde – renforcerait ces divisions.
Opportunités à gauche
Dans notre lutte contre capitalisme européen, nous ne tombons pas pour autant dans le nationalisme étroit, mais y opposons une alternative ouvrière et socialiste. A cette fin, la participation de tout un nombre de sections du CWI lors des prochaines élections européennes est très importante. En Suède, en Belgique, en Irlande, et surtout au Royaume-Uni, nous avons des opportunités de présenter notre programme, même si ce n’est pas pour obtenir un vote significatif. Au Royaume-Uni cependant, l’alliance électorale avec le syndicat du rail, le RMT, et avec le Parti Communiste de Grande-Bretagne (Communist Party of Britain – CPB), malgré les faiblesses exposées dans un article paru la semaine passée sur notre site international (www.socialistworld.net), constitue néanmoins un important pas en avant. Déjà, dans les conférences de presse et dans ses commentaires, Bob Crow, Secrétaire Général du RMT, a souligné l’idée d’une « Europe des travailleurs », en opposition à l’Europe capitaliste. Il ne fait aucun doute que cette avancée très importante en direction d’une voix indépendante de la classe salariée – malgré les objections stridentes de la plupart des groupes d’ultra-gauche – a la possibilité de faire passer une opposition ouvrière à l’UE. C’est aussi un point de ralliement important contre le BNP, parti d’extrême-droite, qui pourrait bien remporter des sièges au Parlement européen. L’article de la semaine passée explique avec grande clarté les raisons pour lesquelles nous pensons – malgré bien des hésitations – que ceci est une grande avancée. Il n’y a aucune garantie de succès, surtout si on parle de la lutte électorale, qui est le plus bas niveau de lutte de classe ; mais malgré d’immenses obstacles, cette alliance électorale a la possibilité de toucher les meilleurs parmi les travailleurs et les jeunes. Qui plus est, cette initiative pourrait être à la base d’un nouveau parti des travailleurs de masse en Grande-Bretagne, apportant par là une solution à un problème aigu de la situation actuelle.
Le développement de nouveaux partis des travailleurs de masse est toujours une question cruciale en Europe, comme elle l’est d’ailleurs sur le plan mondial. Il n’est pas nécessaire ici de nous étendre à nouveau en long et en large quant au pourquoi de cette analyse. L’apparition de Die Linke (La Gauche) en Allemagne, de Syriza en Grèce, et maintenant du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France, n’est pas du tout accidentelle. Le leader du NPA, Olivier Besancenot, est déjà considéré comme étant la figure politique la plus importante en France après Sarkozy. De plus, selon un sondage récent, Besancenot, décrit comme « le leader trotskyste d’extrême-gauche », est maintenant aussi « crédible » que le Président. Malgré les faiblesses du NPA, à la fois en termes de programme et en termes de structure, ce parti représente un important pas en avant, et est soutenu par le CWI en général, et par notre section française, en particulier. La question de savoir, toutefois, si oui ou non, le NPA pourra grandir en termes de nombre d’adhérents, attirer de nouvelles couches et s’implanter dans la classe salariée, n’est pas encore tranchée. Il doit encore passer le test des élections. Mais, étant donné la situation sociale explosive en France – même Ségolène Royal, l’ancienne candidate du Parti Socialiste, a déclaré récemment « N’oubliez pas la Révolution française » – et le manque d’une alternative électorale viable à gauche, le NPA pourrait remplir le vide à gauche et gagner un soutien significatif. Ceci, cependant, ne ganrantirait pas son succès. La question du programme, de l’intervention dans les luttes sociales et industrielles, est vitale si le NPA veut trouver un écho significatif et durable parmi les nouvelles couches qui cherchent certainement une alternative.
La question du programme du parti est cruciale pour le NPA, surtout la question d’une alternative gouvernementale à Sarkozy. Parce qu’il n’y a pas de parti des travailleurs de masse en France, et puisque le NPA doit encore être testé, nous ne pouvons pas désigner spécifiquement les partis qui devraient former cette alternative gouvernementale. Lorsque le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français étaient encore des partis ouvriers-bourgeois, nous pouvions mettre en avant le slogan d’un gouvernement « socialiste-communiste ». Ceci n’est d’ailleurs qu’une variante de l’approche suivie par les Bolchéviks en 1917. Contre la coalition bourgeoise, les Bolchéviks proposaient « Tout le pouvoir aux soviets », alors que c’étaient les Menchéviks et les Social-Révolutionnaires qui détenaient la majorité au sein des soviets (conseils ouvriers). C’était un appel à un gouvernement Menchévik – Social-Révolutionnaire, excluant les partis bourgeois, et basés sur les soviets, avec les Bolchéviks dans une position « d’opposition loyale ». Dans la pratique, le gouvernement de coalition de Kérensky fut renversé par la révolution socialiste d’octobre 1917, lorsque les Bolchéviks prirent le pouvoir.
La question d’une alternative gouvernementale prend un caractère différent aujourd’hui, avec une forme plus algébrique, à cause de l’absence de tels partis de travailleurs de masse. Mais la lutte contre le gouvernement Sarkozy, les salariés vont partir à la recherche d’un gouvernement à soutenir en opposition à Sarkozy. En plus de l’abolition de la présidence et du Sénat, et de demander une assemblée unicamérale, nous devons soulever la question d’un « gouvernement des travailleurs ». C’est la lutte qui déterminera quelles sont les forces qui occuperont une telle position. Ceci est une réponse que nous donnons aux travailleurs qui demanderont qui sera dans ce « gouvernement des travailleurs ».
La formulation de revendications transitoires, de l’agitation et de la propagande prend une grande importance en cette période. Les marxistes vont chercher à intervenir dans de nouvelles luttes et, là où nous disposons de forces suffisantes, à apporter une direction aux luttes qui commencent à se développer. Au Royaume-Uni, nous avons lancé la campagne « Les Jeunes se battent pour l’Emploi ». Mais, sur le plan européen, d’autres mouvements de jeunes peuvent se développer, y compris sur base des grèves de lycéens. La gravité de la crise, qui affecte plus particulièrement la jeunesse, combinée avec les attaques sur l’éducation, qui vont en réalité restreindre les ouvertures vers la sphère de l’éducation supérieure qui existaient pour les générations précédentes, pose la question d’une contre-attaque par les lycéens. Ceci pourrait mener au développement de grèves lycéennes sur le mode des récentes grèves en Allemagne, et de celles qui se sont produites sous notre direction en 1985 et en Espagne en 1986.
Les perspectives pour le CIO en Angleterre et Galles dans la prochaine période sont particulièrement pertinentes. Le capitalisme britannique est parmi les plus exposés à la crise, avec une situation quasi comparable à celle qui existe en Europe méridionale. Le gouvernement Brown ne tient plus qu’à un fil, et peut chuter d’un instant à l’autre. Les perspectives en ce qui concerne Brown sont sans nul doute qu’il tente de « bricoler » une « reprise » à court terme et qu’il espère que ceci pourra se lier aux mesures d’Obama afin de lui donner la possibilité de mener un quatrième gouvernement New Labour. Cependant, si jamais David Cameron et les Tories parvenaient au pouvoir, le scénario auquel serait confronté le Royaume-Uni serait similaire à celui qu’on voit maintenant se dérouler aujourd’hui en France sous le gouvernement Sarkozy. A cause de cela, l’idée d’un « gouvernement national », d’une coalition, s’est fait jour. Il ne peut être exclu que l’on aille vers un « parlement suspendu », sans aucun parti qui y remporte une claire majorité après les prochaines élections.
A travers tout ceci, l’inadéquation des partis capitalistes sera de plus en plus évidente, et la probabilité de voir émerger un nouveau parti, de plus en plus grande. La participation du CIO dans Die Linke en Allemagne – malgré ses efforts futiles pour maintenir les camarades du CIO en-dehors –, dans Syriza en Grèce, et maintenant dans le NPA en France, justifie à la fois les perspectives du CIO quant à l’émergence de nouveaux partis des travailleurs de masse, mais inaugure aussi une période cruciale durant laquelle les idées marxistes seront mises à l’épreuve de nouveaux publics de travailleurs et de jeunes.
Le capitalisme, y compris le capitalisme européen, est confronté à une crise de longue haleine, qui aura pour conséquence d’énormes explosions sociales, y compris la possibilité de grèves générales, de manifestations d emasse et d’occupations d’usines. Les événements vont développer encore plus loin la conscience de la classe salariée, surtout si celle-ci est combinée avec la croissance d’idées et d’organisations socialistes et marxistes, comme celles du CIO. Le CIO participera dans tous les mouvements authentiques de la classe salariée qui représentent une avancée, malgré des faiblesses de programme et d’organisation, y défendant notre programme et nos perspectives, en guise de préparation pour des forces marxistes de masse dans le futur.
Le CIO est sorti renforcé idéologiquement et numériquement de la dernière période, surtout de celle des années 90 et de la première partie de cette décennie, et bien préparé à intervenir dans la nouvelle situation explosive. Sur cette base, nous pouvons faire progresser de manière notable les forces du marxisme authentique, appeler les nouvelles couches de la classe salariée qui se mettent en action à nous rejoindre, attirer les meilleurs militants de gauche au CIO. Le CIO peut jouer un rôle clé en rassemblant dans l’action les forces authentiques du marxisme en Europe, afin de fournir une réelle alternative pour les couches les plus développées de la classe salariée et de la jeunesse, en tant que premier pas vers la mise sur pied de partis marxistes de masse en Europe, en tant que membres d’une Internationale de masse.
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Seconde partie)
Dans cette partie nous expliquons les racines de la crise économique actuelle. Pourquoi l’Etat Providence, qui a tout de même été un tel succès, n’a plus été tenable? Comment la bourgeoisie a-t-elle changé sa politique économique et a posé les bases des économies de ‘bulles’? Nous concluons cette partie en décrivant les mesures avec lesquelles la bourgeoisie espère pouvoir s’en sortir ainsi que le caractère maniacodépressif qui a également caractérisé la bourgeoisie à l’approche de la grande dépression de 1929. Finalement, nous parcourons la réaction du mouvement des travailleurs sur le plan mondial.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Les racines de la crise – la valeur du travail
30. Notre courant a caractérisé la période qui a suivi la crise de ‘73 – ‘75 comme une dépression. Tout le monde n’entend pas la même chose par « dépression » et la signification a en plus changé avec le temps. (1) Nous utilisons la description de Friedrich Engels dans son introduction au Capital: une longue période de stagnation ou de déclin économique caractérisée par un chômage structurellement élevé. Dans son livre Capitalism Unleashed, Andrew Glynn a publié un graphique comprenant les taux de chômage en Europe, au Japon et aux USA entre 1960 et 2004 (2). Aussi bien en Europe qu’au Japon, le taux de chômage entre 1960 et 1975 est resté stable autour de 2%. À partir de ’75, il a quadruplé en Europe pour atteindre 8% au milieu des années ’80 et 10% au milieu des années ’90. Il a diminué par la suite, mais pas au point de retourner au niveau d’avant la crise. En 2007, le chômage européen a atteint provisoirement le point le plus bas de 7,4%. Au Japon, le chômage a grandi constamment à partir de ‘75 pour atteindre 5% en 2000, après quoi il a diminué jusqu’au point le plus bas de 3,8% en 2007 mais en mai 2008, il avait de nouveau augmenté jusqu’à 4,1% (3). Aux USA, le chômage est passé entre ’62 et ’70 de 6% à moins de 4% et a alors augmenté vers presque 10% en 1982. Après une forte diminution jusqu’à moins de 4% début 2000, le taux de chômage s’élève aujourd’hui à 6,1%.(4)
31. C’est toutefois surtout la diminution du taux de profit et la tendance systématique à la surproduction qui a annoncé la dépression. Sous la pression d’une concurrence sans cesse plus forte, les capitalistes ont été obligés d’installer des machines toujours plus performantes devant être amorties toujours plus rapidement. Les machines, les bâtiments et les matières premières sont appelées capital fixe par Marx parce qu’ils transfèrent leur valeur au produit fini sans ajouter de valeur supplémentaire. Dans le cas des matières premières, ce transfert de valeur est parfois même physiquement perceptible, mais la valeur des bâtiments de l’entreprise et des machines passe de la même manière peu à peu vers le produit fini. Le capitaliste calcule la location qu’il paye pour les lieux d’exploitation et les bâtiments, tout comme il calcule l’amortissement des machines et l’achat des matières premières dans le prix du produit fini.
32. La valeur des machines et des bâtiments est déterminée, tout comme celle des matières premières, par la moyenne de la quantité de temps de travail socialement nécessaire exigé pour les produire. Si le producteur de matières premières, le propriétaire de l’entreprise et le fournisseur des machines donne un prix plus haut que la valeur moyenne de temps de travail socialement nécessaire pour produire ses marchandises, alors il ne trouve pas d’acquéreur, à moins qu’il ne dispose d’une position de monopole ou qu’il soit arrivé avec ses concurrents à établir un cartel. Mais si, volontairement ou sous la pression d’un grand client, il décide de donner un prix en dessous de la valeur, alors il pourra fermer ses livres de compte après quelque temps ou souffrir de pauvreté. Le prix peut aussi être troublé par un afflux spéculatif de moyens financiers grâce auxquels il dépasse temporairement la valeur réelle. Nous avons ici en fait à faire avec une perturbation, une quantité d’argent qui ne correspond pas à la quantité de marchandises existante et mène inévitablement à un saut inflationniste ou une diminution de la valeur de l’argent.
33. Dans sa théorie de la plus-value, Marx explique que le secret de l’exploitation capitaliste réside justement dans le fait que le travailleur ne vend pas le résultat de son travail, mais sa capacité à travailler, sa main d’œuvre. Le salaire, le prix payé pour cela par le capitaliste, a été déterminé socialement et concorde avec la valeur de la moyenne de la quantité de main d’œuvre exigée pour entretenir le travailleur et sa famille selon les normes sociales ainsi que pour se reproduire. Avec le terme de salaire, nous voulons bien entendu parler du prix total de la main d’œuvre, le salaire brut, en comptant aussi le salaire perçu sous la forme de contributions sociales et de charges patronales. Pour le capitaliste, il faut organiser les processus de production de telle manière que le travailleur mette à disposition sa force de travail plus longtemps que de besoin pour gagner son salaire. Durant le temps qui reste, le travailleur fournit un travail non-rémunéré ou plus-value. (5) La main d’œuvre est l’unique force de production qui produit plus de valeur que la sienne pour le produit final. C’est pour cela que Marx appelle la main d’œuvre le capital variable. La relation entre la quantité de travail non-rémunéré, ou plus-value, et la quantité de travail payé, ou capital variable, exprime le taux d’exploitation.
34. Le capitaliste n’est toutefois pas spécialement intéressé par le taux d’exploitation, mais bien par la relation entre son rendement, la plus-value, et son investissement total, capital fixe et variable ensemble. Il n’arrête pas de nous rappeler que nous ne pouvons pas nous imaginer combien il a dû investir avant qu’il n’ait pu lancer la production. Et effectivement, sous la pression de l’irrationnel et non planifié capitalisme de la libre concurrence, le pauvre capitaliste est obligé d’investir une partie toujours plus grande de son capital dans le capital fixe ce qui lui laisse moins pour le capital variable, le capital créateur de valeur. Selon les termes de Marx: la composition organique du capital, la relation entre le capital fixe et le capital variable, se modifie à l’avantage du capital fixe, qui ne crée pas de valeur. Résultat : la quantité de plus-value réalisée par unité de capital investi, ce que Marx appelle le taux de profit, à une tendance continuelle à la baisse (6). En outre, l’immense majorité de la population a, justement parce que le capitalisme est basé sur le travail non-rémunéré, des revenus insuffisants pour consommer toutes les marchandises produites. Les capitalistes sont insuffisamment nombreux pour absorber cette abondance, pour autant qu’ils soient eux-mêmes déjà disposés à consommer les déchets qu’ils produisent pour nous.
L’essor et la chute de l’Etat-providence
35. Cela semble paradoxal, mais justement à cause de la force du mouvement ouvrier, cela n’a pas produit de grands problèmes jusqu’au début des années ’70. Pendant l’âge d’or, de 1950 à 1975, les pays capitalistes développés ont connu une croissance annuelle de 4,9%, ce qui est au moins le double de chaque période précédente. On a produit pendant un quart de siècle plus que pendant les trois quarts de siècle précédents. Dans les pays capitalistes développés, entre ’65 et ’73, les salaires réels ont augmenté de 3,5% par an en moyenne, un taux plus élevé que celui de la productivité, qui augmentait annuellement de 3,2%.(7) En dix ans, les salaires en Belgique ont été multipliés par cinq, ce qui correspondait pour les salaires horaires réels à une croissance de 110% entre 1960 et 1970. (8) Pour les 19 pays de l’OCDE, l’allocation moyenne a augmenté de 28% du salaire moyen en 1960 à 35% en 1974 et à 43% en 1979. (9) La politique économique dominante, le keynésianisme qui a conduit à ce qu’on nomme l’Etat-providence, était axée sur la stimulation de la demande, ce qui devait éviter de futures récessions. (10) Les augmentations importantes de salaire, d’allocation et de dépenses publiques, tant pour des services que pour les infrastructures, ont constitué les forces vives pour l’application de nouvelles techniques de production visant à la production de masse.
36. Ces facteurs mêmes qui avaient tant stimulé la croissance et avaient permis que le capitalisme semblait se dépasser lui-même, tôt ou tard, devaient précisément entrer en conflit avec les limites du capitalisme, devaient se renverser en leur contraire dialectique et devaient freiner chaque développement suivant. (11) Or, la bourgeoisie ne pouvait pas se convertir à tort et à travers à une autre politique économique, partiellement par crainte de la réaction du mouvement ouvrier, partiellement parce qu’elle ne n’en était pas encore sortie elle-même. Pendant 6 ans elle a cherché une alternative adéquate mais entre-temps, la politique économique keynésienne a continué, ainsi que les problèmes que celle-là apportait, comme la stagflation, la combinaison d’un ralentissement de croissance économique et d’une inflation galopante et des dettes publiques en hausse.
La lutte pour le redressement du bénéfice – les monétaristes reprennent les affaires
37. Paul Volcker, le président de la Federal Reserve américaine entre août ’79 et août ’87, disait après coup que ‘l’acte individuel le plus important du gouvernement dans la lutte contre l’inflation, a été la défaite de la grève des aiguilleurs du ciel’.(12) Cela a permis au président des Etats-Unis de l’époque de créer les conditions pour la conversion d’une économie de la demande vers une économie de l’offre. Désormais, on ne lutterait plus contre les récessions en stimulant la demande, le pouvoir d’achat, mais en stimulant les producteurs à travers des réductions d’impôts. Reagan était disciple de la « courbe de Laffer » qui estime que la perte des rentrées suite à la réduction d’impôts est amplement compensée par les rentrées supplémentaires qui font suite à la stimulation économique. A la vérité, sous le règne de Reagan, la dette publique des Etats-Unis a augmenté de 700 à 3.000 milliards $. (13) Ce que la grève des aiguilleurs du ciel a été pour les Etats-Unis, la grève des mineurs de mars ’84 à mars ’85 l’a été pour la Grande-Bretagne et d’une certaine manière pour toute l’Europe; si Reagan était devenu champion de la bourgeoisie des Etats-Unis, la dame de fer Thatcher l’était pour la bourgeoisie européenne.
38. Reagan et Thatcher étaient tous les deux adeptes du monétarisme. Entre ’79 et ’82 le gouvernement Thatcher a augmenté le taux d’intérêt réel de -3% à +4%. (14) Ce ne sont pas seulement les emprunts qui sont devenus plus chers, mais en plus la livre britannique est devenue beaucoup plus coûteuse, ce qui constituait un désavantage pour l’exportation. Le chômage a sauté de 5% en ’79 à 11% en ’83. Le président de la Fed, Volcker, aujourd’hui considéré comme celui qui a refoulé la stagflation, a copié cette politique et a poussé l’intérêt réel entre ’79 et ’83 d’un intérêt légèrement négatif à +5%. Le chômage a grimpé de 5% en ’79 à 10% en ’82, mais en même temps l’inflation a diminué de 13% en ’80 à 3% en ’83. En bref : on avait enfin découvert la méthode et rassemblé la volonté politique pour répercuter la crise sur les travailleurs et leurs familles. Bientôt, la politique monétariste allait devenir la politique économique dominante dans tous les pays capitalistes développés.
39. Reagan, Thatcher, Volcker et d’autres personnages-clés de l’application et de la capacité à faire accepter des recettes monétaristes n’avaient sûrement eux-mêmes pas prévu jusqu’où leur politique mènerait. Ils avaient lancé une attaque contre les acquis des travailleurs. Le chômage massif avait créé une armée de travailleurs de réserve qui allait bientôt être utilisée pour faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La législation du travail devait être assouplie ou supprimée. C’est ce qu’on a appellé la libéralisation, officiellement ‘la libération du travail des limitations nuisibles’ nous dirions plutôt ‘la liberté d’exploiter la main-d’œuvre’. L’intervention de l’Etat était considéré comme indésirable et le “laissez-faire” économique devait finalement conduire à un effet trickle-down (effet de ruissellement) de sorte que, selon eux, les plus pauvres puisse en profiter également. Entre-temps, les services publics ont été assainis ou, dit plus joliment, « responsabilisés ». Ils sont devenus des entreprises autonomes au lieu de services. On les a ainsi préparé aux privatisation, autre caractéristique du néolibéralisme.
40. Par l’intermédiaire de l’introduction de la flexibilité, on a diminué le travail nécessaire, le travail nécessaire à payer l’achat de main d’œuvre (les charges salariales), et on a renforcé la plus-value ou la quantité de travail non payée. La flexibilisation des contrats de travail, l’introduction du travail à temps partiel, des contrats temporaires ainsi que du travail intérimaire et étudiant ont fait en sorte que les pics de production étaient fournis de façon flexible et que le capitaliste n’était plus obligé de maintenir un certain nombre de travailleurs excédentaires pendant les moments non productifs. L’introduction du travail en équipe et des systèmes continus ont offert la possibilité que les machines soient utilisées à 100% durant leur “cycle de vie”. La surélévation du rythme de travail, soit en accélérant les machines, soit en appliquant des “techniques de management” qui éliminent des moments perdus, comme les pauses pipi, ont fait partie du processus de production de même que l’organisation de la concurrence entre filiales d’une même entreprise pour s’emparer des commandes suivantes. Toutes ces mesures visaient au rétablissement du taux de profit, la quantité de profit par quantité de capital investi.
La lutte pour le rétablissement du taux de profit – le secteur financier se gonfle
41. La chute du stalinisme et l’arrivée soudaine et massive de main d’œuvre disponible pour l’exploitation a énormément renforcé le néolibéralisme. La menace de la délocalisation pour arracher des conditions plus favorables pour les patrons existait déjà auparavant, mais cela a largement été renforcé avec la proximité de l’Europe de l’Est d’abord, le développement des pays émergents ensuite, et la possibilité des transferts de données via l’internet. Le secteur financier, surtout, a profité de ces nouveaux développements. Les méthodes de production modernes exigent une recherche toujours plus spécialisée et plus chère, des investissements toujours plus importants qui doivent être amortis sur des durées toujours plus courtes. Cela nécessite la mobilisation d’importants capitaux qui ne rapportent pas toujours immédiatement. Avec la technologie de pointe en matières financières, on a réussi à mobiliser des quantités toujours plus grandes de capital, souvent aussi celui qui était auparavant « endormi ». Ainsi, on est de plus en plus passé, pour les régimes de pensions, à des systèmes de répartition, avec lesquels les employés actuels payent les retraites des retraités actuels, vers des systèmes de capitalisation, avec lequel un capital est constitué, duquel la retraite sera payée. (15) Morgan Stanley estime que les caisses de retraite, le deuxième pilier fiscalement favorisé chez nous, gèrent un actif d’environ 20.000 milliards $.
42. Le secteur financier a connu un élargissement phénoménal, surtout aux Etats-Unis. En 1982, les sociétés financières fournissaient moins de 5% du total des bénéfices des société après impôts ; en 2007, c’était déjà 41%. Leur part dans la valeur ajoutée a augmenté également, mais beaucoup moins vite, de 8% à 16%. Cela signifie que les marges de bénéfice dans le secteur financier étaient proportionnellement plus fortes que dans le reste de l’économie. (16) Comment est-ce possible? La cause fondamentale a été l’affaiblissement du taux de profit dans la production réelle. De plus en plus de détenteurs de capitaux ont préféré les investissements spéculatifs aux investissements coûteux dans la production réelle. La croissance des investissements est sans cesse retombée dans tous les pays capitalistes développés depuis la fin des ans ’60. Cette chute n’est que partiellement compensée, pour moins de la moitié, par ce qu’on nomme les économies émergentes. (17)
43. La rentabilité des sociétés non-financières s’est stabilisée ou a baissé dans tous les pays capitalistes développés. (18) A partir du milieu des années ’80, elle a toutefois connu un rétablissement progressif, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Cela n’était toutefois pas basé, comme dans les années ’60, sur une forte progression de la productivité. (19) Au contraire, c’était principalement une conséquence d’économies brutales, de fortes réductions d’impôt pour les sociétés et d’une plus grande contribution qu’ordinaire de la consommation des particuliers à la croissance, sur base de l’argent bon marché. Aux Etats-Unis, le taux de profit après impôts s’est rétabli jusqu’au niveau des années ’60, mais ce n’était presque uniquement que suite aux cadeaux fiscaux donnés aux entreprises. Cela ne s’est pas accompagné, à l’exception d’une relance éphémère à la fin des années ’90, d’une progression des investissements. (20) Au contraire, les énormes profits, conséquence de l’augmentation du taux d’exploitation et d’un transfert des moyens collectifs vers les entreprises, n’ont pas été utilisés de façon productive, mais surtout spéculative.
Economie de « bulles »
44. La globalisation a conduit à la suppression de toute restriction sur la liberté de circulation de l’argent. La vitesse de cette circulation a fortement augmenté avec la technologie. Le capitalisme n’a déjà depuis longtemps plus rien à voir avec le calvinisme. L’idée de reporter la consommation d’aujourd’hui pour investir les moyens économisés afin d’augmenter la production future, et donc de pouvoir ainsi consommer plus à l’avenir, était déjà à l’époque de Marx, considérée comme un pur produit de l’imagination. Marx a décrit comment au sein du capitalisme ce n’est plus la production de marchandises qui est le but du processus de production – pour pouvoir consommer plus – mais bien l’accumulation de capital. (21) Les marchandises n’ont plus constitué l’objectif final de la production mais seulement un moyen de rassembler du capital. La bourgeoisie, dans sa cupidité, a de temps en temps été tellement loin que l’accumulation future était mise en danger. Ainsi, Friedrich Engels a décrit comment la bourgeoisie anglaise a risqué d’épuiser les générations futures en envoyant des enfants de moins de 10 ans dans les usines et les mines.(22) L’excellent film sur Pieter Daens basé sur le livre de L.P. Boon nous montre que la bourgeoisie belge au début du siècle précédent vivait un délire semblable. La globalisation financière a un élément de déprédation similaire. La santé des sociétés, de secteurs entiers, de collectivités entières ainsi que de leur entourage doivent céder à la réalisation de profits à court terme.
45. Les fonds d’investissement, les caisses de retraite, les sociétés d’investissement, les sociétés d’assurance, les fonds d’Etat, les fortunes privées etc. sont continuellement à la recherche de rendements élevés. Ils se sont d’abord jetés sur les pays émergeants asiatiques, où des produits bon marché sont fabriqués à faibles salaires pour l’exportation vers l’occident. Les populations agricoles ont été expulsées de leur terre et des unités de production ultramodernes ont été implantées dans des villages guères développés. Cela s’est accompagné d’un boom immobilier, généralement financé avec des emprunts dont le remboursement ne poserait aucun problème compte tenu des bénéfices futurs. Au moment où la production s’est heurtée aux frontières du marché, les économies et leurs monnaies se sont écroulées comme des châteaux de cartes. Les autorités ont dû intervenir et la population a payé la facture. Beaucoup de pays ont vu chuter leur monnaie, dont la Malaisie, la Thaïlande, la Corée du Sud, le Mexique, le Brésil, la Russie et d’autres encore.
46. L’afflux de capitaux s’est alors redirigé vers les « valeurs sûres » d’Europe et des Etats-Unis. Cela a entraîné la « passion dotcom », la mode des actions dans les technologies de l’information et de la communication. Des entreprises qui n’avaient jamais réalisé de bénéfices ont vu leurs actions grimper à des valeurs qui n’avaient rien à voir avec la réalité. Le phénomène « asset-inflation », inflation de l’actif financier, s’est produit. Les comptabilités ont été embellies pour garder les actionnaires à bord, il suffit de penser aux scandales autour d’Enron, mais aussi de Lernout et Hauspie en Belgique. A ce moment-là déjà, l’exigence de plus de contrôle avait été stimulée. Mais la surveillance n’a toutefois pas pu empêcher l’éclatement de cette bulle en 2001. En accord avec la politique du gouvernement américain, la Federal Reserve a donc décidé de créer une nouvelle bulle en ouvrant plus franchement les vannes de manière à pousser la crise en avant. Le gouvernement a construit son « twin déficit » pour arriver à un déficit record sur la balance de paiement américaine de -805 milliards $ ou de 6,5% du PIB en 2005 et d’un déficit budgétaire qui a atteint en 2004, 4,7% du PIB. En même temps, la Fed a laissé diminuer les taux d’intérêt de 6,5% au début de 2001 jusqu’à 1,75% fin 2001 et 1% au milieu de 2003 jusqu’à la mi-2004. L’ex président de la Fed, Greenspan, avait reçu le surnom de « serial bubble blower » (faiseur de bulles en série) suite à cela.
47. Dans le texte de 2006, nous avons cité le FMI. Celui-ci citait comme raison de la croissance de l’époque «une coïncidence exceptionnelle… qui tenait en place l’économie mondiale ces dernières années.» Qu’était donc cette coïncidence ? «Principalement l’approvisionnement en argent bon marché. D’où ? Du gouvernement et de la Federal Reserve, mais cela n’aurait pas suffit. En outre, les budgets et les déficits commerciaux doivent être financés aussi quelque-part. La diminution des investissements a conduit à un surplus d’épargne auprès des entreprises qui a exercé une pression à la baisse sur le taux d’intérêt à long terme. En conséquence, et aussi avec l’effet que cela avait sur les prix des maisons et le patrimoine de famille, la consommation a augmenté.» Ecrivait-on en 2006. En bref : il s’agissait des énormes profits des entreprises qui n’étaient plus réinvestis dans la production, mais au contraire offerts comme emprunts bon marché. Les emprunts bon marché ont stimulé la demande des habitations et ont par conséquent fait monter les prix de maison.(23) Cela a à son tour eu l’effet d’augmenter énormément les secondes hypothèques ou hypothèques de crédit, des emprunts basés sur l’augmentation de la valeur des habitations, ce qui était une pratique courante, surtout aux USA.
48. C’était un moyen parmi d’innombrables autres d’inciter les travailleurs américains et leurs familles à dépenser non seulement leur salaire présent, mais aussi celui à venir. Et au plus les choses semblent aller bien, au plus une tendance à la prise de risque se développe. Ainsi des personnes « insolvables » ont commencé à obtenir des emprunts. Des emprunts de consommateur, mais aussi des hypothèques « NINJA », des hypothèques accordées aux personnes sans revenu, sans travail et sans actif (No Income, No Job, no Assets). Les emprunts « subprime » ont aussi souvent été utilisés, des emprunts avec un faible taux d’intérêt qui normalement augmente fortement après 2 ou 3 ans, dans l’hypothèse qu’entre-temps, grâce à l’augmentation de la valeur de la maison, il est possible de refinancer l’hypothèque originale avec un autre prêt aux conditions plus favorables. Le risque, pensait-on, peut être reparti en divisant l’emprunt en morceaux emballés dans des actifs, tellement qu’il ne reste presque aucun risque.
49. Quotidiennement ont été inventés des nouveaux instruments financiers toujours plus complexes, mais qui étaient en même temps une réflexion de la croyance naïve que la fête gratuite ne s’arrêterait jamais. Il n’y a pas que les consommateurs privés qui ont été stimulés pour acheter à crédit, cela a constitué une pratique généralisée des gouvernements pour financer les travaux publics avec les emprunts obligataires qui ont souvent été assurés par les « rehausseurs de crédit » ou des « monolines ». Les fonds de levier et d’autres ont fait des incorporations qui ont été financées avec de l’argent prêté pour plus de la moitié, le « Leveraged buyout » (rachat par levier) (24). Résultat : la consommation du gouvernement et des familles aux USA a été stimulée tout le temps, non pas sur base de revenus réels, mais sur base d’un niveau de dettes historiquement élevé. Les Etats-Unis importent un tiers de plus qu’ils ne produisent.
Le socialisme pour les riches
50. On ne peut pas continuer à faires des dettes, tôt ou tard quelqu’un doit payer la facture. Nous avons toujours été convaincus que si les Etats-Unis glissaient en récession, ils allaient entrainer le reste du monde. Des illusions telles que le “découplage”, l’idée que les divers blocs commerciaux seraient devenus des entités autonomes immunisées, ou du moins capables de résister, aux chocs dans les autres blocs commerciaux ont toujours été par nous considérés comme des fantasmes. Les Etats-Unis représentent 25% du produit mondial, trois fois celui du Japon qui est la deuxième économie sur le plan mondial, quatre fois celui de l’Allemagne, la troisième économie mondiale et la plus grande de l’UE-27. De plus, les Etats-Unis agissent depuis des années comme des “acheteurs de dernier recours” pour le reste du monde, le marché qui rachète tout ce que l’on ne peut pas vendre ailleurs. La consommation privée y représente pas moins de 72% du PIB et les autorités et les particuliers empilent les dettes. En 2007, les foyers aux Etats-Unis avaient en moyenne seulement 449$ d’épargne, un quart de celle de 2000 et une dette de 121.650$, presque le double de celle de 2000.
51. Cette situation ne pouvait pas durer. Les Etats-Unis devaient freiner les dépenses, mais de telle manière que la consommation ne retombe pas complètement. Dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif », écrit en janvier 2008 pour nos Congrès de Districts, nous avons déclaré « Un exercice difficile mais dangereux ».(25) Entre juillet 2004 et juillet 2006, la Federal Reserve (Fed) a augmenté les taux d’intérêt 17 fois consécutivement de 1% à 5,25%, ce tarif a été retenu alors pendant un an.(26) La Fed a ainsi voulu combattre l’inflation sous-jacente, une conséquence de la stimulation systématique de l’économie avec l’émission d’obligations en dollars. L’idée que les banques centrales étrangères allaient vendre leur réserve en dollar, provoquerait une fuite hors du dollar et qu’un scénario comparable à celui des économies émergeantes asiatiques pourrait se produire mais alors aux Etats-Unis était une menace insupportable. Si le dollar perdait toute sa valeur, cela n’entrainerait pas seulement les Etats-Unis, mais toute l’économie mondiale dans une grande dépression. Eliminer ce scénario était une priorité absolue.
52. La saturation du marché immobilier et l’augmentation des taux d’intérêt ont finalement mené à des problèmes de paiement pour les nouveaux propriétaires. Nous avons déjà largement expliqué dans le texte « Après un 2007 agité, vers un 2008 explosif » les aspects techniques de la crise des hypothèques à grands risques et de son extension vers d’autres secteurs. Il n’est pas nécessaire de répéter tout cela. Nous voulons juste accentuer que les problèmes de paiement dans le secteur d’hypothèques à grand risques a été l’étincelle dans la poudrière, mais que les problèmes auraient tout autant pu se produire ailleurs. Du moment que la croissance poussée par les crédits avait atteint ses limites, tous les facteurs qui avaient contribué à cette croissance se transformaient dans leur contrepartie dialectique et devenaient des facteurs qui aidaient à approfondir la crise. L’icône de l’investissement Warren Buffet a récemment commencé à appeler la série interminable de nouveaux instruments d’innovation financière des armes de destruction massives financières. L’emballage de risque de paiement via la titrisation s’appelle dorénavant des bombes financières à sous-munitions. Au lieu de garantir la fiabilité des obligations, les rehausseurs de crédit entrainent avec la perte de leur crédibilité des millions d’obligations. On a été témoin d’un credit-crunch, un manque de moyens liquides, parce que les banques n’osaient plus accorder des prêts.
53. Les autorités ne pouvaient faire autrement que de rouvrir les vannes à argent : en août 2007 en mettant à disposition des centaines de milliards de crédit bons marché, en septembre en baissant le taux auquel la Fed met à disposition des institutions privées des prêts journaliers, le taux d’escompte, et finalement à la mi septembre en réduisant contre son gré le tarif fédéral, c’est-à-dire celui que les banques privées se chargent entre-elles pour des prêts journaliers. Le 10 aout 2007, De Tijd écrivait encore dans son édito : «Les problèmes de divers banques illustrent qu’il ne faut pas sous-estimer les conséquences de la crise hypothécaire américaine (…) Mais les fondements économiques restent forts, tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le marché de l’emploi fort stimule le pouvoir d’achat des familles et la consommation. Beaucoup d’entreprises tournent à font et font des profits élevés. De plus, l’Europe est moins vulnérable pour les cabrioles de l’économie américaine.» Avec ceci, De Tijd était encore nuancé, d’autres journaux moins sérieux décrivaient la crise des hypothèques à grands risques comme une simple bagatelle. En bref, la majorité des commentateurs bourgeois n’avaient pas la moindre idée de ce qui était en train de se produire.
54. Depuis avril 2008, le taux d’intérêt de la Fed se retrouve de nouveau à seulement 2%, largement en dessous de l’inflation de 3% prévue pour cette année. (26) Nous avons donc de nouveau à faire avec un taux d’intérêt réel fortement négatif. De plus, le gouvernement américain a lancé un paquet de stimulation, de fait un remboursement des taxes, à valeur de 160 milliards de dollar pour stimuler la consommation. Les autorités japonaises ont du utiliser une mesure comparable fin aout 2008. Entretemps la Fed a du intervenir pour cofinancer la reprise de la banque d’affaire en difficulté Bear Stearns par JP Morgan. (27) Un mois plus tôt, le gouvernement du Labour britannique avait été obligé de nationaliser la banque Northern Rock parce qu’on ne trouvait pas de candidat de reprise. Northern Rock est un des plus grands émetteur d’hypothèques du RU, c’est en même temps une banque d’épargne, un assureur et une société de prêt. Le gouvernement avait repoussé systématiquement sa décision depuis septembre 2007 afin d’éviter de créer l’impression d’un retour au Old Labour.
55. La nationalisation a signifié que la dette totale de la Northern Rock, estimée en livres sterling, s’est ajoutée à la dette publique. Celle-ci a augmenté de 37,7% du PIB à 45% ! D’ici 2011, il est prévu de réduire d’un tiers les 6.000 emplois de la Northern Rock. En aout 2008, La Roskilde Bank a été nationalisée, la première nationalisation d’une banque au Danemark depuis 1993. Il ne s’agit évidemment pas de nationalisations de la manière dont nous les envisageons, au contraire, des banques sont assainies avec l’argent de la collectivité afin de revendre les parties rentables plus tard au secteur privé. Certains critiques appellent cela à juste titre le « socialisme pour les riches ».
Tentative d’exporter la crise
56. Nous sommes toujours partis de l’idée que si une récession se produisait aux Etats-Unis, ils essaieraient de l’exporter vers le reste du monde. C’est exactement ce qui s’est passé et ce qui semblait réussir initiallement. Cela s’est fait de diverses manières, parfois comme effet secondaire « innocent », parfois comme conséquence d’une politique consciente. Un de ces effets secondaires « innocents » a été le fait que les investisseurs fuiaient le marché immobilier vers des investissements plus sûrs, le marché des matières premières. Il y a donc eu en conséquence une forte augmentation du prix des matières premières ce qui a assuré à son tour un éparpillement de la crise à tous les coins du monde. Evidemment, les croissances de la Chine, de l’Inde et de quelques autres pays ont stimulés la demande, tant pour le pétrole et le gaz que pour la nourriture et d’autres matières premières. Il est vrai aussi que, surtout dans le secteur pétrolier et encore plus dans la production de nourriture, on a trop peu investit pendant des années. De plus en plus de produits alimentaires sont utilisés pour la production de biocarburants.
57. Mais ceci n’explique que partiellement pourquoi le prix du pétrole a doublé entre 2003 et 2006. Dans cette même période, la demande a connu une croissance de 7 millions de barils par jour. C’est encore moins une explication sur le fait que le prix du pétrole a de nouveau doublé, alors que la demande n’a cru « que » de 2,5 millions de barils par jour. L’élément qui a tellement fait accélérer l’augmentation des prix, qui a provoqué une forte inflection de la courbe, qui a transformé une croissance quantitative en une explosion qualitative du prix, a été le fait que de plus en plus de grandes institutions financières, de fonds de pensions, de fonds d’investissement, etc. se sont présentés sur le marché des contrats à termes pour les matières premières. Ils y ont « investi » des capitaux qui ont poussé les prix des matières premières à crever le plafond. Les matières premières semblent bien en route pour devenir la prochaine bulle, maintenant que celles de l’immobilier et du marché d’action se dégonflent. (28) La spéculation n’est certainement pas le seul facteur qui explique la montée des prix des matières premières. C’est plutôt le facteur qui manquait encore afin d’amener une série de données quantitatives au point où cela a conduit à un changement qualitatif et a fait pencher la balance. Un autre facteur « innocent » qui a fait que la crise a été exportée au reste du monde a été le fait que partout dans le monde des banques avaient investi dans des hypothèques à grand risque, ce qui fait qu’ils ont déjà perdu 500 milliards $ d’investissements.
58. La chute contrôlée, si pas mise en scène, du dollar était un essai conscient d’exporter la crise. C’était une bénédiction pour l’économie américaine et une malédiction pour le reste du monde. Le dollar faible, qui était lors du deuxième trimestre 2008, 11,6% meilleur marché que lors deuxième trimestre 2007 en comparaison avec les monnaies des six partenaires commerciaux les plus importants, a assuré une forte croissance de l’exportation américaine. Dans le deuxième trimestre, l’exportation était de 2,4% du PIB. Sans l’exportation, l’économie américaine n’aurait pas connu une croissance sur base annuelle de 1,9% mais un rétrécissement de -0,5%. Des 13 multinationales de la bourse du Dow Jones, le chiffre d’affaire sur le marché domestique au deuxième trimestre de 2008 a connu une baisse moyenne de -2,5%, alors que le chiffre d’affaire dans le reste du monde a connu une croissance moyenne de 15% Dans ce même trimestre, on est arrivé au constat effrayant que la zone euro (15 pays) a connu son premier rétrécissement, de -0,2%, depuis sa création. Les économies de l’Allemagne, de la France et de l’Italie ont toutes connues un recul. Les économies néerlandaise et espagnole y ont tout juste échappé. (29) La deuxième économie d’Europe, celle du RU, aurait connu une croissance de 0%, et reculerait selon l’OCDE tant au troisième qu’au quatrième trimestre de -0,3 et -0,4%. Le Japon a connu une forte baisse de -0,6%. Voilà pour le « découplage ».
59. Celui qui pensait pouvoir conclure que les Etats-Unis sortiraient du ravin économique et – illusion sous-entendue – sortiraient en même temps le reste du monde des sables-mouvants peut l’oublier. Il est vrai que les prix du pétrole et d’autres prix de matières premières ont reculé plus fortement qu’attendu. On dit que c’est à cause de la peur d’une récession et de la baisse de la demande qui l’accompagnerait. Le fait que les spéculateurs des matières premières ont vu la « bonne nouvelle » issue de l’économie américaine pour encaisser plus de gains est au moins aussi important. Ceci a encore été stimulé par le fait que le gouvernement américain avait laissé entendre qu’il n’allait pas délaisser les sociétés géantes en prêt hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae. S’il s’avère que l’économie américaine fonctionne quand même de manière plus mauvaise, la baisse des prix des matières premières peut être inversée dès que les investisseurs reprennent la fuite vers les contrats à termes des matières premières. Indépendamment de tout ça, l’ouverture des robinets financiers a assuré qu’à terme le dollar doit perdre encore beaucoup de valeur et que par conséquent l’inflation ne va pas s’évaporer tout de suite. Mais entretemps, le dollar a gagné en attractivité, non pas à cause de la force de l’économie américaine, mais à cause de la faiblesse du reste du monde et surtout les garanties de l’autorité la plus forte sur le plan mondial.
La bourgeoisie est maniacodépressive
60. En septembre, les autorités ont été obligées d’appliquer la plus grande nationalisation de l’histoire avec la prise en « conservatorship » (la mise en dépôt) de Freddie et Fannie. Les deux peuvent compter sur une ligne de crédit de chacun 100 milliards de dollar. Cela a mené à des réactions euphoriques sur les bourses : le gouvernement américain était prêt à se porter garant. Apparemment, on n’avait pas compris la gravité de la situation. L’autorité américaine ne peut se permettre ce type d’intervention de manière illimitée. Une chaine de faillite dans les secteurs financier serait même pour elle intenable. A peine quelques jours plus tard, on y était. La demande d’un accord juridique par Lehman Brothers afin de se protéger de ses créanciers a provoqué la panique. C’est une des plus anciennes entreprises de Wall Street, la troisième banque d’affaire du pays. L’action a chuté de 60$ en mai 2007 vers 3,45$ au moment de cette demande. Parallèlement, la plus grande banque d’affaire du monde, Merill Lynch, a été reprise par la Bank Of America afin d’éviter un scénario semblable à celui de Lehman Brothers. Par ailleurs, American International Group (AIG), le plus grand assureur américain en termes d’actifs, a demandé un crédit de 40 milliards de dollar à la Fed. AIG a été repris et recevait une ligne de crédit de 85 milliards de dollars.
61. La prétention que la Chine et plus particulièrement des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) allaient pouvoir reprendre le rôle moteur de l’économie mondiale, a été écartée. La Chine a un PIB de presque la taille de celui de l’Allemagne, mais la consommation privée n’y représente pas 60%, seulement 30% du PIB. Ensemble avec l’Inde, la consommation y est de plus ou moins 1.600 milliards de dollars, presque autant qu’en France. De plus, la croissance chinoise s’explique principalement par le fait que la Chine est un peu la salle des machines du reste du monde. La Chine sera donc touchée par le rétrécissement hors de proportion de ses marchés d’exportation. Depuis octobre 2007, les actions à la bourse de Shanghai ont perdu deux tiers de leurs valeurs, le marché immobilier est en rétrécissement et la croissance de l’importation a fortement diminué, un signe que l’économie s’affaiblit. De plus, la Chine est de plus en plus confrontée à la compétition des pays voisins où les salaires sont encore plus bas. Ainsi, Adidas a décidé de se retirer à cause des salaires trop élevés.
62. Trotsky explique dans son «Histoire de la Révolution russe» que le matérialisme ne nie pas l’existence de conscience, de sentiments, et d’état d’esprit, mais les expliquent justement. Les mois précédents, nous avons vu changer de plus en plus vite l’état d’esprit d’économistes bourgeois, de politiciens et de journalistes, passant de l’euphorie à des crises de paniques. En psychologie, on a un terme pour cela : la maniacodépression. Il y a des précédents historiques, comme la situation de 1926 jusqu’au grand Crash de 1929. Dans une interview pour la chaine télévisée américaine ABC, Greenspan a expliqué les causes de cet état d’esprit : «Nous devons admettre qu’il s’agit ici d’un évènement qui ne se produit que une fois toutes les 50 années ou probablement même qu’une fois par siècle, il n’y a pas de doute que je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Ce n’est pas encore fini et ça va durer encore quelques temps.»
63. Chaque intervention de la Fed ou d’autres banques nationales provoque un sursaut sur les marchés. Les interventions se suivent à un rythme de plus en plus élevé et deviennent de plus en plus audacieuses. A chaque fois que les autorités prennent l’initiative de mettre hors jeu des managers et des actionnaires, c’est la fête. La confiance des capitalistes dans leur propre système a complètement disparu. Ils vont mendier chez les autorités pour les sauver aux frais de la collectivité. C’est de cette manière que la nouvelle époque s’annonce. Mais nous ne sommes qu’au début de la crise, aux prémices d’un tremblement de terre annoncé. Au fur et à mesure que la crise financière s’étendra vers l’économie réelle, l’impact de la crise se fera sentir. Trotsky a fixé l’attention sur le fait que ce ne sont ni la croissance ni le recul de l’économie qui stimule la lutte des classes, mais plutôt le passage d’une situation à l’autre. Nous sortons d’une période où l’avidité des directeurs d’entreprises et des actionnaires a même dû être critiquée par des commentateurs bourgeois ; la bourgeoisie a perdu sa confiance dans sa capacité à gérer le système ; la petite-bourgeoisie et les groupes moyens sont ruinés par la crise ; et la classe ouvrière exigera sa part du gâteau.
L’accélération de la lutte des classes va encore s’intensifier
64. Nous constatons déjà une résistance croissante de la part de la classe ouvrière. Lorsque nous avons expliqué en 2001 que le mouvement antimondialiste n’était que le précurseur d’un mécontentement plus profond de la classe ouvrière, le frémissement du feuillage avant l’orage, nombreux étaient ceux qui étaient en désaccord. Selon certains, le mouvement antimondialisation était une affaire petite-bourgeoise à laquelle ils refusaient de participer. “Ce qui est nécessaire, c’est un mouvement communiste et pas un mouvement antimondialisation” expliquait Kris Merckx – une assertion qui a depuis lors été absurdement inversée. D’autres considéraient l’anti-mondialisme comme une alternative plus progressiste au mouvement ouvrier, ne voyants pas le lien entre les jeunes antimondialistes et les ouvriers “conservateurs”. Ils nous reprochaient une vue bornée, ne saisissants eux-mêmes la diversité de la classe ouvrière.
65. Depuis lors, il n’y a plus un continent qui n’a pas été marqué par la lutte des classes. Au premier rang, l’Amérique Latine, où les recettes néolibérales ont été appliquées de la manière la plus brutale. Dans l’histoire, la lutte des classes a été voilée plus d’une fois par des conflits religieux, nationalistes ou ethniques puisqu’en exploitant ces heurts, la classe dominante assurait sa domination. En Amérique Latine, l’émancipation de la population indigène a accompagné la lutte des classes. Sous la pression des masses, des dirigeants populistes ont été élus et poussés à gauche au Venezuela, en Bolivie, à l’Equateur, au Nicaragua et au Paraguay.
66. Mais l’énergie des masses n’est pas illimitée. Si les masses ne s’organisent pas à reprendre l’initiative au lieu de se limiter à faire pression et si les dirigeants populistes ne rompent pas avec le capitalisme, la réaction reconstituera ses forces. Nous avons déjà reçus les premiers avertissements, par exemple le rejet de la nouvelle constitution de Chavez, mais pour l’instant la réaction est trop faible pour reprendre l’initiative. Ailleurs, des personnalités ont étés élues avec une image de gauche puisque c’était la seule possibilité pour la bourgeoisie d’assurer ses intérêts, comme au Brésil, au Chili et en Argentine. Justement dans ces pays, nous avons vu comment des travailleurs ont construit et testé des nouvelles formations telles que le PSOL et Conlutas au Brésil. En Colombie, le gouvernement réactionnaire gagne du soutien populaire grâce à la tactique criminelle des FARC. Ainsi, le pays est la tête de pont de l’impérialisme américain.
67. Partout dans le monde, les travailleurs et leurs familles paient le prix des défaites de leur classe. Cela est le plus prononcé au Moyen-Orient, où la lutte des classes a souvent été écrasée sous les conflits armés de l’impérialisme et des diverses milices religieuses réactionnaires. Mais même là où les conflits ont été les plus sanglants, nous constatons que entre deux flambées de conflits militaires, la classe se relève à chaque fois du moment que les partis en lutte sont épuisés. Nous l’avons vu au Liban, à Gaza, et même en Irak. L’Egypte a connu ces dernières années une vague de grève après l’autre et même dans les postes avancés de l’impérialisme dans la région, en Israël et en Turquie, on a vu systématiquement des flambées de lutte des classes contre les élites dirigeantes affaiblies.
68. En Afrique, la classe paie les demi-défaites et les demi-victoires avec de la pauvreté extrême, la guerre civile, les conflits ethniques et les pogroms contre les immigrés, ceci en Afrique du sud qui fut dans le passé le théâtre d’un mouvement héroïque contre l’apartheid. L’Asie aussi a connu ses émeutes ethniques et ses pogroms, ses conflits religieux, sa corruption et ses conflits frontaliers. Mais en Asie également, la classe commence à s’organiser, dans beaucoup de cas dans une forme élémentaire, parfois seulement à travers des forums sur internet, parfois au niveau de l’entreprise, parfois dans des syndicats et de plus en plus aussi sur le plan politique.
69. Le mouvement antimondialisation avait déjà démontré que l’autorité du néolibéralisme était fortement minée chez une minorité importante principalement de jeunes. L’énorme fossé entre riches et pauvres, entre nations riches et pauvres et à l’intérieur de ces nations, en était à la base. C’était justement le recul de ce fossé dans la période d’après guerre qui était l’argument principal contre la possibilité de répétition de la dépression.(30). 1% des américains les plus riches avait, avant le crash de 1929, 15 à maximum 19% du revenu total, après le crash et surtout dans la période d’après-guerre, cela est descendu jusqu’au point le plus bas de 7,5% au début des années 70. Mais depuis, cela a remonté pour atteindre dans la deuxième partie des années ‘90 à nouveau 15% et 18% en 2006. (31) Même des économistes bourgeois renommés ont avertit pour le danger que ceci minerait la légitimité du marché libre. L’appel au « changement » est devenu de plus en plus fort.
70. C’est sur cela que le candidat présidentiel du parti démocrate Obama a basé sa campagne. Un capitalisme sans les exagérations qui étaient tellement frappantes pendant la période l’administration Bush. Mais Obama risque d’être rattrapé par les évènements. Des promesses vagues pouvaient stimuler les états d’esprit tant que l’appel au changement avait pour but d’éviter un danger menaçant. Du moment que la crise des hypothèques à grands risques a frappé, que 2,5 millions de propriétaires ont été dépossédés de leurs maisons et que 600.000 américains ont perdu leur emplois, la nécessité de changement vague s’est transformée en un besoin de mesures concrètes. En septembre 2008, la perte d’emploi s’est encore fortement accélérée, ce qui fait que dans les premiers 9 mois de 2008, 750.000 emplois ont déjà été perdus.
71. Cela peu sembler contradictoire, mais la politique de confrontation de Sarah Palin (32) y répond mieux que les promesses vagues d’Obama. En ironisant sur le soi-disant idéalisme d’Obama – «qu’est-ce qu’il fera après avoir arrêté les mers et avoir sauvé la terre ?» – et le fait qu’il regarde de haut les travailleurs – dont il ne comprend pas la volonté de porter des armes -, elle a de nouveau donné de l’espoir aux républicains. Mais si demain elle est confrontée aux 27.000 grévistes de Boeing, qui savent très bien que le carnet de commande est plein et que l’entreprise a fait un profit de 13 milliards de dollars l’an passé, il faudra plus qu’un peu de bon sens et de double morale venant d’une petit ville provinciale d’Alaska.
72. En Europe aussi, la radicalisation d’une avant-garde de syndicalistes, bloqués par le manque de volonté de leurs dirigeants syndicaux de généraliser leur lutte sur le plan national, s’exprime souvent par un détour politique. Le PRC en Italie, l’IU en Espagne, le Bloc de gauche au Portugal, depuis peu aussi Syriza en Grèce, et bientôt la LCR en France l’expriment. Cela ne manque pas de combativité aux travailleurs allemands, pensons à la grève des conducteurs de train pour une augmentation salariale, mais à une direction qui est prête à confronter le patronat. Ensemble avec les attaques brutales dans le cadre de l’Agenda 2010 sous le SPD qui est descendu dans les sondages à 28% et n’est mathématiquement plus capable de former une majorité rouge-verte, ceci explique le nouveau phénomène Die Linke qui obtient entretemps 10% dans les sondages. L’existence de Die Linke a stimulé la combativité, la confiance et la conscience politique des travailleurs allemands.
73. Aux Pays-Bas, les travailleurs font un détour comparable vers le Socialistische Partij. Pendant la manif européenne contre la directive Bolkestein au printemps 2005, nous avons vendus beaucoup de journaux à des néerlandais uniquement parce qu’il y avait « socialistisch » dans le titre. Hélas, le soutien pour le SP néerlandais reste principalement passif, surtout aussi parce que le parti fait tout pour que cela reste ainsi. Partout en Europe, la lutte des classes est enflammée. Parfois par des grèves radicales dans un secteur tel que les conducteurs de train en Allemagne ou les infirmiers en Finlande. Parfois par des grèves générales comme en Grèce, parfois par des manifestations massives. Dans ce processus, les travailleurs cherchent de manière alternée des solutions sur le plan syndical et, s’ils sont bloqués sur ce terrain là, sur le plan politique.
74. La distribution inégale des richesses était encore supportable tant qu’il y avait de la croissance dans l’économie et qu’une partie des travailleurs pouvait se consoler avec l’illusion, qu’un jour ce serait leur tour. Mais avec le début de la crise, sachant que les patrons se sont bien remplis les poches, et se sont envolés avec les profits des dernières années, beaucoup de travailleurs ne sont pas prêt à payer la crise annoncée. Cela explique la lutte sociale croissante et la croissance des formations de gauche. Cela s’exprimera à travers une révolte dans les syndicats existants et le remplacement de la bureaucratie pourrie par de nouveaux dirigeants qui seront très vite testés dans la pratique. Là où cette voie est coupée, de nouvelles formations seront formées, avec des hauts et des bas. La recherche du moindre mal, souvent caractéristique de ces dernières années, fera place à la recherche de réponses qui peuvent signifier des avancées réelles. La discussion sur les perspectives, le programme, la stratégie et la tactique, gagnera en importance.
(1) La définition standard d’une « récession » est aujourd’hui qu’il faut deux trimestres ou plus de croissance économique négative. Cette définition ne prend pas en considération un paquet de facteurs. Pour l’économie mondiale on prend aussi par exemple la croissance de la population et on parle alors d’une récession sous les 2% de croissance. En outre, il est difficile de déterminer le début d’une récession sur base des données trimestrielles. Le « National Bureau of Economic Research » (NBER) défini une récession comme « la période dans laquelle l’activité économique a atteint son pic et commence à diminuer jusqu’au moment où l’activité atteint son point le plus bas. Si l’activité augmente de nouveau, on parle d’une période d’expansion. ». Au sujet de la définition de la « dépression », il existe aussi d’innombrables interprétations. Avant la seconde guerre mondiale, chaque ralentissement économique était appelé une « dépression ». Le terme « récession » a été introduit pour distinguer les plus petits tassements économiques de « la grande dépression » des années ‘30. Avec le terme de dépression, on parle donc d’une période de tassement économique qui dure longtemps et est plus profonde qu’une récession. Techniquement, on parle aujourd’hui d’une dépression si la croissance est négative de 10% et d’une grande dépression si celle-ci s’élève à -25%. Entre novembre ‘73 et mars ’75, le PIB des USA avait chuté de 4,9%. Voir aussi: http://economics.about.com/cs/businesscycles/a/depressions_2.htm
(2) Capitalism Unleashed Fig. 2.1 page 26
(3) http://www.imf.org/external/datamapper/index.php
(4) Le Soir 6 septembre 2008
(5) Comme Marx l’a expliqué, la bourgeoisie améliore sans cesse sa façon de cacher l’exploitation, de lui donner un caractère anonyme. Essayez de trouver qui a combien de parts d’une société en mains… Pour calculer le taux d’exploitation, nous devons décompter du résultat net d’une entreprise les amortissements (du moins si les capitalistes n’accélèrent pas l’amortissement des machines), les subsides, le prix des matières premières, la location des bâtiments et des terrains ainsi que les coûts salariaux totaux, et partager le résultat par les coûts salariaux. Le taux d’exploitation est encore le mieux approché par le relation entre les frais de personnel et la valeur ajoutée (la valeur des marchandises et des services produits diminue avec la valeur des marchandises et des services utilisés dans le processus de production – donc non pas les salaires payés au « facteur de production » travail). Le site du gouvernement fédéral en donne un aperçu, malheureusement uniquement pour la période ’99- ’04. Pour calculer le taux d’exploitation, on doit retirer de la valeur ajoutée les frais de personnel (pour obtenir la plus-value ou le travail non-rémunéré) et diviser le résultat par le coût des salaires ou travail rémunéré. Pour l’industrie totale, pour 626.000 travailleurs, cela donne une moyenne de taux d’exploitation de 63,4% c.-à-d. que pour chaque centaine d’euros de travail rémunéré, il y a 63,4 euros de travail non-rémunéré. Dans le textile, il s’agit de 45% et dans le chimie, où se trouvent les meilleurs salaires, 105%. Dans l’Horeca, où la productivité est un peu plus basse, mais les salaires aussi, le taux d’exploitation s’élève à 72% des salaires. http://www.statbel.fgov.be/figures/d422_nl.asp
(6) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248 – 251 et Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 136 – 146
(7) Voir Philip Armstrong, Andrew Glyn, John Harrison, Capitalism since 1945, 1991, p. 248.
(8) Els Witte, Yan Craeybeckx & Alain Meynen, Politieke Geschiedenis van België, 2005, p. 335.
(9) Andrew Glyn, Capitalism Unleashed, 2006, p. 4
(10) Dans le Militant, n°7, de février 1996, nous avons publié un dossier sur l’Etat-Providence en Belgique sous le titre «Essors et chute de l’Etat-Providence ».
(11) A cette époque, certain pensaient que le capitalisme avait surmonté ses contradictions internes fondamentales, la propriété privée des moyens de production et l’existance d’Etats-Nations. Ernest Mandel parlait de capitalisme tardif et considérait le mouvement ouvrier comme étant « bourgeoisifié ». Dans l’internationale dont il était le principal dirigeant, une discussion enragée a duré 10 ans entre ceux qui s’orientaient vers la guerilla et ceux qui plaidaient pour la construction de partis révolutionnaires classiques. Ils ont même été jusqu’au point de plaider pour la guerilla urbaine en occident, ce qui a donné l’occasion au PCF en 1968 de les qualifier de « gauchistes » et de les isoler. Déjà au début des années ’60, lorsque Mandel commençait à peine à formuler sa théorie du capitalisme tardif, Ted Grant lui a répondu au nom de notre courant avec la brochure Will there be a slump?
(12) Le 3 août 1981, le syndicat des aiguilleurs du ciel des Etats-Unis a déclaré une grève pour de meilleures conditions de travail et pour la semaine de travail de 32 heures. Ainsi, le syndicat était en infraction vis-à-vis d’une loi de 1956 qui détermine que les syndicats dans les services publics n’ont pas de droit de grève. Cette loi n’avait généralement pas été appliquée. Le président nouvellement élu (4 novembre 1980) Ronald Reagan a déclaré que cette grève constituait une menace pour la sécurrité nationale et a ordonné la reprise du travail. Reagan savait que des remplaçants étaient formés en secret et a posé un ultimatum de reprise de travail de 48h. Le 5 août, 11.345 aiguilleurs du ciel ont été directement licenciés et exclus des emplois publics pour une période de trois ans (période par la suite raccourcie). Ils ont d’abord été remplacés par des non-grevistes, des contremaitres, des cadres des aéroports et dans certains cas par des aiguilleurs de petites localités et des militaires, en attendant la fin de la formation des remplaçants. Le 22 octobre, la reconnaissance du syndicat a touché à sa fin.
(13) Lou Cannon, Michael Beschloss, Ronald Reagan: The presidential portfolio: history illustrated from the collection of the Ronald Reagan library and museum, p.128.
(14) Le taux d’intérêt détermine le prix auquel l’argent est mis à disposition. Ici, le taux d’intérêt directeur, le tarif que les banques s’octroient entre elles pour des prêts quotidiens.
(15) Contrairement au système de pension basé sur la capitalisation, les systèmes de répartition sont insensibles aux fluctuations des marchés financiers. Ils sous-entendent également un plus grand degré de solidarité que les systèmes de capitalisation individuels. Après la grande dépression et la deuxième guerre mondiale, les systèmes de répartitions ont par conséquent connu un essor. Ils étaient considérés commes des acquis de la lutte des classes. En Belgique, après la guerre, un système de pension mixte a été introduit avec la loi du 28 décembre 1944. La partie du financement par la répartition est devenue de plus en plus importante. Dans le système de pesnsion des ouvriers, le système de pension par capitalisation a été aboli à partir du premier janvier 1954. Pour les employés, cela s’est fait graduellement à partir de 1957 et définitivement le premier janvier 1968. Voir : www.vrouwenraad.be/dossier/2006/genderwetswigzer/soc_zek_werkn.pdf; Dans des pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Islande, les provisions de pension sur base de capitalisation représentent plus de 130% du PIB de ces pays. La Grande-Bretagne et l’Irlande se trouvent dans une moyenne de 50 à 100% du PIB. En Allemagne, en France, en Belgique et dans la plupart des pays de l’Europe du sud et de l’est, ils représentent moins de 20% puisque les systèmes de répartitions jouenent encore un rôle plus important. The Nederlandse Bank, kwartaalbericht, juni 2008.
(16) Financial Times, 5 février 2008, Why is it so hard to keep the financial sector caged?
(17) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.86
(18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.136, 141, 146
(19) Voir p.19, mais pour une vue plus générale, Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.14
(20) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, p.134
(21) K. Marx, Salaire, Prix et profit.
(22) F.Engels, La situation de la classe laborieuse en Angleterre.
(23) Le 18 mars, le New York Times s’est demandé si les prix des maisons aux USA allaient suivre le même chemin qu’au Japon entre 1984 et 1999.
(24) Le Monde, 23 juin 2008, Les fonds d’investissement en quête de moralité. « Leveraged buyout » est la méthode de reprise d’une entreprise avec un minimum de capital propre. La reprise est basée principalement sur des emprunts. Les actifs ou les propriétés de l’entreprise concernée sont utilisés comme caution. Plus tard, l’emprunt devra être repayé par l’entreprise. Généralement, l’entreprise est fortement réorganisée et partitionnée, après quoi des parties sont revendues afin de repayer les emprunts et les obligations tout en gardant un profit après l’opération.
(25) Ce texte est publié intégralement sur marxisme.net dans “documents internes”, mais malheureusement uniquement en néerlandais pour le moment.
(26) La Libre a publié un graphique dans son édition du 23 janvier 2008
(27) Bear Stearns était l’une des plus grandes banques d’affaires sur le plan mondial. La banque avait été créée à New York en 1923. A la fin de 2006, elle employait 13.500 personnes.
(28) A travers des contrats à termes, des acheteurs s’engagent à acheter une quantité de matières première à un prix fixe à un moment déterminé, pendant que le producteur de matières premières accepte de livrer à ce prix au même moment. Ainsi, le producteur se protège-t-il contre de trop grands changements de prix, pendant que l’acheteur sur le marché des contrats à termes espère qu’au moment où l’achat s’applique le prix sera plus élevé. Les investissements par des spéculateurs dans les matières premières auraient connu une croissance de 13 milliards de dollar en 2003 à 260 milliards de dollars en 2008. MO*, septembre 2008, Over geldhonger en lege magen.
(29) De Tijd, 16 août 2008, Europa op het randje van recessië.
(30) JK Galbraith, 1954, The Great Crash 1929.
(31) The economist, 24 juillet 2008, Workingman’s blues
(32) Sarah Palin est la candidate vice-présidente républicaine, la colistière de McCain.
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La crise exige une modification de la politique économique – La lutte des classes en déterminera le caractère (Première partie)
Dans cette première partie du texte, nous expliquons l’effet de la chute du stalinisme et de quelle manière cela a permis au capitalisme international d’augmenter l’exploitation d’une manière considérée comme inimaginable jusque là. La mondialisation n’a pas rendu le monde plus sûr, mais a au contraire augmenté l’insécurité. La capitulation des dirigeants du mouvement ouvrier a été la raison fondamentale qui a permis au capitalisme d’avancer autant dans la mondialisation. Cela s’est accompagné d’innombrables illusions ; nombreux étaient ceux qui étaient incapables d’estimer correctement ces développements. En définitive, ce n’est pas la forme, mais le contenu concret qui est décisif.
Texte de perspectives du Congrès National DU PSL/LSP. Ce texte a été écrit durant l’été.
Ce qui précédait… une bénédiction pour le capital international
1. Le précédent texte de congrès du MAS-LSP intitulé «la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles» a été écrit à l’automne de 2006, lorsque l’économie mondiale connaissait encore une croissance de 5%, le chiffre le plus élevé depuis 1980 (1). Bien que ce fût principalement dû aux pays émergents (qui avaient une croissance de +7,8%), la croissance était de 3% dans les pays capitalistes(2) développés (3). Un chiffre qui ne sera plus atteignable d’ici 2011, selon le FMI. Le premier sous-titre de notre document de 2006 s’intitulait donc «Economie mondiale – une croissance dynamique grâce à l’augmentation du taux d’exploitation» (4).
2. Nous y expliquions quelle bénédiction la chute du stalinisme a signifié pour le capital international. Ce doublement de fait de la main-d’œuvre disponible a créé les conditions pour le rétablissement du taux de profit (5) et cela pour la première fois depuis le début de la crise des années ‘70. Nous avons toujours décrit la chute du stalinisme, une caricature monstrueuse du socialisme, comme une défaite pour les travailleurs et leurs familles. Cela a ouvert la voie à la mise en place du capitalisme-gangster dans l’ex-Union Soviétique, à des conflits nationaux, à la guerre et la guerre civile, à l’arrivée au pouvoir de régimes bonapartistes (6) et de régimes ouvertement dictatoriaux, à d’anciens bureaucrates qui se sont transformés en oligarques capitalistes, à l’anéantissement des services sociaux sur les plans de l’éducation, du logement, des transports en communs et de la médecine.
3. Entre 1989 et la crise du rouble en 1998, l’économie russe s’est rétrécie de pas moins de 40% ! En 1998, le prix moyen pour un baril de pétrole était encore de 12 dollars ; le 11 juillet 2008, le prix avait atteint un record – provisoire – de 148 dollars, et aujourd’hui ce prix fluctue autour de 100 dollars. C’est aussi le plus important pour expliquer la croissance moyenne de 6% depuis ‘98. Mais «ce n’est que dans les dernières années que l’output économique s’est rétabli à son niveau de 1989» écrit Stefan Wagstyl dans le Financial Times (7). «Des millions de gens vivent dans la pauvreté. En termes de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen est retombé à 14.700 dollars. À côté de la pauvreté, la Russie fait face à des grands déficits dans le domaine de l’enseignement et des services de santé. Malgré la politique de diversification, la Russie reste dépendante du pétrole et du gaz qui représentent 20% de l’output économique et 60% de l’exportation» (8)
4. La restauration du capitalisme en Europe de l’Est a lancé une «course vers le bas» en matière d’impôt des sociétés (9). La Slovaquie a initié le processus avec un taux de 19%, suivi de la Roumanie avec 16% et récemment de la Bulgarie avec 10%. Ainsi, la Bulgarie rattrape l’Irlande qui, depuis 2003, applique un taux de 12,5%. Pas moins de huit pays de l’UE ont diminué leurs taux d’impôt des sociétés l’année passée (en 2007) et sept pays cette année-ci. En moyenne, l’impôt des sociétés au sein des 27 pays de l’UE est de 23,2%, moins que la moyenne de l’OCDE (26,9%), de l’Amérique latine (26,2%) et de l’Asie-Océan Pacifique (28,4%). Il y a dix ans, la moyenne était encore de 35,3% ! Cela signifie moins de revenus pour les gouvernements et des ‘effets de retour’ incertains, car une fois qu’un autre pays diminue les taux plus encore vers le bas ; l’effet d’aspiration risque de disparaître. La France et l’Allemagne, surtout, reprochent aux nouveaux pays membres de se servir des subsides de la vieille Europe pour diminuer leurs impôts des sociétés afin d’attirer les entreprises venant justement des pays de la vieille Europe (10).
5. Pas de miracle donc quand le journaliste Chris Dusauchoit déclare lui-même ‘avoir été totalement bouleversé sur le plan émotionnel’ après sa visite dans un orphelinat à Mogilino en Bulgarie.(11) Afin de compenser la perte de revenus, de nombreux pays ont augmenté les impôts indirects, les taux de TVA, qui sont de 19,49% en moyenne dans les 27 pays membres de l’UE et déjà beaucoup plus élevés qu’en Amérique Latine (14,2%) et qu’en Asie-Océanie (11,14%). Des pays baltes, l’idée d’une taxe unique, un taux unique indépendant du revenu, est arrivée chez nous. Le premier pays à l’appliquer a été l’Estonie avec un taux de 24% en 1994. Entretemps, elle existe dans presque tous les pays de l’Europe de l’Est. La Lituanie et la Lettonie utilisent un taux de 15% et l’Estonie a dû réviser le sien vers 21% et veut aller vers 18% d’ici 2011.
6. Mais dans le texte de 2006, nous avons avant tout parlé des pays émergents d’Asie du Sud-est. Le danger que ces régimes ne marchent pas au pas, passent à des nationalisations ou encore passent dans le camp ‘communiste’, a largement disparu avec la chute du stalinisme. L’occasion était là de toucher à des réserves de main-d’œuvre bon marché, d’abord prudemment chez les ‘tigres asiatiques’, puis dans les pays émergents et enfin en Inde et en Chine. Pendant dix ans, entre ‘88 et ‘98, les investissements dans les «économies industrialisées asiatiques» ont crû sur base annuelle de 10,5% du PIB. Il semblait que nous en étions revenus au précédent changement de siècle, à la période d’or de l’impérialisme, de l’exportation du capital vers des pays à bas salaires, sans le développement d’un marché intérieur important.
7. Les données qui suivent sur le revenu annuel moyen nous disent peu sur la répartition des richesses, mais nous fournissent néanmoins une indication de l’effet décevant de cette croissance sur le développement du marché intérieur. Même en termes de parité de pouvoir d’achat, le revenu annuel moyen du Vietnam est à peine de 2.575 dollars, de 3.569 dollars pour l’Indonésie, de 7.809 dollars pour la Thaïlande, de 13.210 dollars pour la Malaisie, de 2.784 dollars pour l’Inde et de 5.478 dollars (12) pour la Chine. Malgré 25 ans de chiffres de croissance ininterrompus de 10% par an, la Chine est encore loin du revenu par habitant des USA, lequel est de 45.963 dollars en termes de parité de pouvoir d’achat ! Sans vouloir sous-estimer la croissance spectaculaire de l’économie chinoise, surnommée également la salle de machine de l’économie mondiale, le pays reste le 131e en termes de PIB par habitant sur le plan mondial. Liu Whingzi, directeur des statistiques de la Banque Centrale Chinoise, nuance – un peu trop, il est vrai – l’excédent des recettes commerciales. «C’est une donnée statistique… Nous produisons ici les produits, mais la part du lion des profits retourne en Europe ou aux USA.» (13)
La globalisation militaire rend le monde moins sûr
8. Après la chute du stalinisme, nous avons accentué que la «colle commune» avait disparu. Cette ‘colle’ tenait ensemble les puissances impérialistes depuis des décennies. Le monde bipolaire a cédé place à un monde unipolaire. L’impérialisme américain pouvait enfin surmonter le traumatisme datant de la débâcle au Viêt-Nam (1957-1975). Ce changement de cap avait eu lieu en 1991 déjà, avec la première guerre du Golfe sous Bush-père. La doctrine Monroe de non-ingérence – ou plutôt de non-intervention ouverte – a été échangée pour une politique de ‘containment’ dans un accord de coopération internationale, c’est-à-dire « l’isolement » de potentiels criminels, sous le drapeau de l’ONU. Le président démocrate Clinton y a contribué avec les bombardements de la Serbie par l’OTAN en 1999 et a utilisé pour la première fois le terme de ‘regime change’. Les attentats du 11 septembre ont aidé à préparer l’opinion publique pour une doctrine militaire néoconservatrice de guerres unilatérales et préventives sous Georges W Bush.
9. La boucle est bouclée : si la globalisation est entre autres un régime qui enlève chaque obstacle entravant la liberté de mouvement du capital, alors la doctrine militaire de guerres préventives et unilatérales n’est rien d’autre que la globalisation sur le plan militaire. C’est-à-dire ôter chaque restriction de la liberté de mouvement pour la machine militaire qui doit protéger ce capital… La réduction des factures d’énergie des entreprises américaines a été la raison principale, bien mal cachée, de l’intervention en Irak. Mais au lieu de fournir du nouvel oxygène pour les entreprises américaines sous la forme de pétrole bon marché, le prix d’un baril de pétrole a augmenté de 24,4 dollars en 2001 pour un nouveau record temporaire de 147,27 dollars le 11 juillet 2008. (14) Pour l’autre objectif de la guerre, notamment une vague de démocratisation dans le Moyen-Orient, où les dictatures cèderaient la place à des régimes élus mais avant tout pro-occidentaux, la réalité n’est pas non plus allée dans ce sens. Il existe l’effet inhibiteur du progrès, le phénomène dialectique où le fait d’avoir un avantage mène à trop de témérité et mine la stimulation pour s’améliorer avec en conséquence le fait d’être finalement rattrapé. L’impérialisme américain n’a pas été le premier dans l’histoire à surestimer ses propres forces.
10. Les marxistes appellent cette fameuse loi la loi du développement inégal et combiné. Cette approche est plus complète. Ici, le phénomène n’est pas seulement regardé du point de vue de celui qui a un avantage, mais aussi de ceux qui essayent de rattraper l’avantage. Les aventures impérialistes ont transformé le monde en une poudrière de conflits potentiels. Une série de nouveaux acteurs, en particulier la Chine et la Russie, mais aussi quelques superpuissances régionales, surtout là où l’impérialisme voulait rétablir l’ordre, à savoir l’axe Palestine-Irak-Iran-Afghanistan, revendiquent leur place. Nous pensons en particulier à l’intervention de la Turquie en Irak du Nord, d’Israël au Liban, de la Russie en Géorgie, mais aussi au renforcement de la position sur le plan régional ou continental de l’Iran et du Brésil, aux intérêts commerciaux croissants en Afrique et aux dépenses militaires croissantes de la Chine ou encore au conflit sous-jacent entre l’Inde et le Pakistan. Nous ne pouvons pas nous laisser piéger par la propagande occidentale ou par la ‘neutralité’. Nous ne pouvons pas non plus nous laisser piéger par ceux qui reconnaissent dans l’ennemi de leur ennemi un ami potentiel, indépendamment du caractère réactionnaire de cet ami. Notre position, en revanche, prend comme point de départ l’unité de la classe ouvrière comme condition dans la lutte contre l’impérialisme.
11. Bien que les USA demeurent la puissance impérialiste dominante, l’évolution d’un monde unipolaire vers un monde multipolaire est une tendance incontestable. Cela semble contradictoire avec l’évolution récente en Irak, où le nombre d’attentats semble diminuer. Cela n’est nullement dû au ‘surge’, à l’envoi des 25 mille soldats supplémentaires depuis le début de 2007, mais plutôt au succès de la milice ‘awakening’ sunnite, financée, armée et entraînée par les USA. Ces milices sont souvent constituées de révoltés qui avaient combattu les troupes américaines mais qui, à cause des brutalités d’Al Quaida, sont devenus des alliés temporaires des USA. Le gouvernement irakien et les observateurs internationaux ne sont pas du tout certains de ce que vont faire ces milices lorsqu’elles auront rétabli l’ordre dans leurs communautés. Il y a évidemment des énormes différences entre la milice awakening et d’autres en Irak, le Hezbollah au Liban et les Talibans en Afghanistan. En tout cas, ce développement, ainsi que l’offensive des Talibans en Afghanistan, sept ans après leur défaite ‘définitive’, confirment en premier lieu que le modèle du Hezbollah, basé sur le soutien parmi les masses ou d’au moins une partie d’entre elles, l’emporte de plus en plus sur le modèle Al Qaeda, basé sur le volontarisme de petits groupes issus de l’extérieur.
12. L’annonce qu’en février 2009, 8.000 soldats américains seront retirés d’Irak, devrait sans doute illustrer que la politique en Irak commence à porter ses fruits. Mais cette annonce n’advient sûrement pas de bon cœur car l’opération est planifiée après et non pendant de la présidence de Bush. Celui-ci considérerait un retrait comme une atteinte à son prestige. Malgré toutes les déclarations, l’Irak est en ruines. La puissance centrale est particulièrement affaiblie, les régions disposent chacune d’au minimum une armée et, sans les USA, le pays tomberait sans doute en pièces et déstabiliserait à son tour la région entière. Au sein de l’establishment, des voix s’élèvent pour laisser tomber l’aventure irakienne au plus vite, pour chercher une issue à tout prix et se concentrer sur un seul conflit. Pour le candidat présidentiel Obama, cela doit être l’Afghanistan, une opération visant en bref à limiter les dégâts. McCain, le candidat républicain, vit encore dans l’illusion qu’il pourra remporter des victoires dans les deux guerres en même temps.
13. Indépendamment de quel candidat présidentiel l’emporte, les conditions objectives mettront inévitablement des conflits militaires à l’agenda. L’effet de dissuasion des USA est ébranlé, sa domination militaire sera de plus en plus contestée. Il sera toujours plus difficile de se présenter comme le policier du monde, au contraire, l’opposition croîtra de jour en jour, y compris au sein des USA. Les conflits militaires se feront encore dans un premier temps par substitution, mais le danger de confrontations directes, également entre superpuissances, augmente tout de même. Avec d’abord la reconnaissance du Kosovo puis sa réaction face à l’invasion russe en Géorgie ainsi qu’à la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie, l’UE a montré sa difficulté à arriver à une position commune. Cela deviendra encore plus difficile avec la multiplication des conflits. La menace d’une guerre nucléaire à échelle régionale, bien qu’elle ne soit encore qu’une perspective lointaine, gonfle à vue d’œil. Les mouvements massifs dans le monde entier contre l’invasion de l’Irak en 2003 ont, d’autre part, fait apercevoir quelles réactions massives un tel scénario engendrerait.
Les dirigeants ouvriers capitulent – la droite populiste avance
14. La chute du stalinisme a conduit au désespoir idéologique parmi un tas de militants ouvriers et à la capitulation ouverte des dirigeants syndicaux et politiques du mouvement ouvrier face au marché « libre ». Cela a permis aux attaques systématiques de la bourgeoisie d’être réalisées sans réponse pendant tout une période. Cela explique pourquoi chaque débat politique, chaque prise de vue dans la presse était une attaque à sens unique contre les acquis des travailleurs et de leurs familles. Cela explique le phénomène de croissance électorale des formations d’extrême-droite ou de la droite populiste. L’emprise des dirigeants sur les appareils syndicaux explique pourquoi la confiance dans la lutte collective et la discussion démocratique a cédé la place à la recherche de dirigeants forts, de boucs-émissaires et de solutions illusoires passives. C’est pourquoi les campagnes antiraciste sous forme de manifestations pour la tolérance qui évitaient la problématique sociale afin de pas nuire à l’unité du mouvement n’ont eu aucun ou presque aucun effet.
15. Le danger de l’extrême-droite n’a certainement pas disparu. L’élection de Gianni Alemanno, dirigeant de l’Alleanza Nazionale (AN) et ancien dirigeant de l’organisation de jeunesse du parti néofasciste Movimento Sociale Italiano (MSI), en avril de cette année-ci comme bourgmestre de Rome, est un des nombreux exemples qui nous le rappellent. Le rétablissement du FPÖ renouvelé et les victoires électorales du BNP en sont d’autres. Les succès électoraux de l’extrême-droite ces vingt dernières années n’ont jamais été une expression de soutien actif à un programme fasciste. Le fascisme n’était pas devant nous, et la société n’était pas non plus en train de se ‘fasciser’, quoi que cela puisse bien vouloir dire. C’était bien l’expression de la perte d’autorité des instruments politiques bourgeois classiques comme la conséquence de l’embourgeoisification totale des anciens ‘partis ouvriers bourgeois’, le nom que Lénine donnait à la social-démocratie.
16. La base du succès de l’extrême-droite était le populisme. La crise économique et l’appauvrissement qui l’accompagne élargiront encore cette base. Le racisme et le nationalisme seront utilisés davantage encore par les populistes d’extrême-droite et de droite. Malgré cela, la situation n’est plus identique aux années ‘90. L’extrême-droite connaissait alors également des succès électoraux. Pensons au FN en France et, dans une nettement moindre mesure, en Belgique, aux Republikaner et au DVU en Allemagne, au MSI en Italie et puis à l’Alleanza Nazionale et la Lega Nord, au parti de Blocher en Suisse, au FPÖ en Autriche, au Parti populaire danois, au Parti du Progrès Norvégien, à la Liste Pim Fortuyn aux Pays-Bas et, bien-sûr, au Vlaams Blok, devenu Vlaams Belang. Aujourd’hui, tout cela n’a pas disparu, mais il y a depuis lors face à eux aussi une gauche beaucoup plus développée dans certains pays.
17. Au début des années ‘90, il y a eu la formation du PRC en Italie et de l’IU en Espagne, puis du Bloc de Gauche au Portugal. Le SP néerlandais était déjà en train de progresser et, au Danemark, l’Alliance Rouge-Verte initiait son redressement. En France, LO puis la LCR ont connu également leurs premiers succès tandis qu’en Ecosse, le SSP réalisait une percée. Mais l’ordre du jour d’alors, même en Italie, était dominé par la percée électorale de la droite populiste et de l’extrême-droite. Aujourd’hui, surtout en Allemagne, mais aussi aux Pays-Bas et en France, c’est avant tout les percées électorales de la gauche qui attirent l’attention. Cela est dû en partie à une certaine accoutumance en ce qui concerne les résultats de la droite populiste, mais cela reflète principalement une renaissance de la lutte des classes, un phénomène qui deviendra plus fort encore dans les années à venir.
Les dirigeants ouvriers capitulent – les illusions augmentent
18. La trahison des dirigeants ouvriers est la raison fondamentale qui explique pourquoi la bourgeoisie a réussi son processus de mondialisation dans une telle mesure. Il s’agit principalement d’un régime politique fait de libéralisations, de privatisations et de flexibilité pour rayer les limitations pour les mouvements de capitaux. Le monde a été changé en un gigantesque casino. Les progrès scientifiques et techniques, internet entre autres, ont sans nul doute contribué à ce processus de globalisation. Les progrès techniques et scientifiques exigent une division internationale du travail sans cesse plus forte. Pendant l’époque de globalisation, cela s’est concrétisé par la formation de blocs commerciaux et même par la création d’une monnaie européenne, ce que nous avons longtemps jugé impossible sur base capitaliste.
19. Il n’y a aucun doute que la chute du stalinisme a constitué une défaite pour le mouvement ouvrier et une occasion pour la bourgeoisie de pouvoir augmenter le taux d’exploitation. Pourtant, nous étions en désaccord avec ceux qui voulaient faire pencher la balance trop loin dans l’autre sens. Cela n’a certainement pas été la fin de l’histoire comme Fukuyama, un philosophe américain qui a eu son heure de gloire, le prétendait. Cela n’a pas davantage été un revers comparable à ceux encouru avant et pendant la seconde guerre mondiale. Cette position a conduit à une polémique avec le PTB stalinien (15). A cette défaite n’a pas non plus succédé une période de croissance comparable à celle des années dorées ’50 – ’73, comme certains l’ont prétendu. Dans la période ’60 – ’73, la croissance annuelle de la productivité en Europe était de plus de 5%, de plus de 6% au Japon et d’un peu plus de 2,5% aux USA (16). Entre 1995 et 2007, elle n’a été que de 1,4% dans la « vieille Europe » (des 15), de 1,8% au Japon et de 2,1% aux Etats-Unis (17). Ce ralentissement de la croissance de la productivité a été principalement à l’origine de la diminution des investissements. Dans la période ’73 – 90′, ils ont en Europe et au Japon chuté d’un tiers par rapport au niveau de ‘60-‘73. (18)
20. La chute du stalinisme a offert à la bourgeoisie la chance de transférer, au moyen de cadeaux fiscaux et de privatisations mais aussi par le biais de l’augmentation du taux d’exploitation, les ressources collectives vers les entreprises, ce qui avait déjà été utilisé lors du début de la politique néolibérale en 1980. Ainsi, la part des salaires dans la composition du PIB a été fortement rabotée : de 69,9% en 1975 jusqu’à 57,8% en 2006 dans la zone euro (19) et beaucoup plus fortement dans les nouveaux États membres. Aux USA, c’est moins spectaculaire mais c’est tout de même une diminution de 65,9% en 1970 à 60,9% en 2005. Au Japon, de 76% en 1975 à 60% en 2006.
21. Alors que les salaires réels en « unités efficientes » (20) – ce qui signifie le salaire par unité produite – dans la période ‘60 – ’80 ont encore augmenté dans les plupart des pays européens, ils ont diminués partout dans la période ’81 – ’06. Là où ils avaient déjà diminué dans la première période, ils ont diminué encore plus rapidement dans la seconde période. Pourtant, la partie des forces de travail hautement qualifiées, dont on s’attendrait à ce que les salaires soient plus élevés, a partout augmenté. En outre, dans tous pays capitalistes développés, la part des salaires des travailleurs peu qualifiés dans la part totale des salaires du PIB n’a cessé de diminuer et ce dès 1980. La part des salaires des travailleurs hautement qualifiés a augmenté partout. Le groupe situé entre les deux dans la zone euro et au Japon représente à chaque fois presque 60% de la part des salaires dans le PIB. Aux Etats-Unis, la part de ce groupe a diminué jusqu’à atteindre seulement 48% pendant que les travailleurs hautement qualifiés ont empoché une grande partie de la somme totale des salaires. Ceci explique pourquoi la part du salaire dans le PIB aux Etats Unis a diminué beaucoup moins qu’au Japon et dans la zone euro. (21)
Estimer les développements dans leurs relations exactes – la globalisation et l’Etat national
22. C’est toujours un exercice d’équilibre que d’estimer les nouveaux développements dans de justes proportions, de reconnaitre à temps une tendance et l’importance de celle-ci, sans se laisser endormir par un phénomène conjoncturel que l’on surestime systématiquement. Marx a un jour affirmé que l’esclavage a libéré l’homme. Cela ne fait pas de lui un défenseur de l’esclavage, et certainement pas au cours du 19e siècle, à ce moment-là l’esclavage avait déjà cessé de « libérer l’homme ». Avec cette déclaration, il voulait juste mettre en lumière le rôle historique de l’esclavage dans le développement de l’homme au niveau du savoir. Marx et Engels ont accordé – de manière très critique – leur « soutien » à Bismarck (22), mais uniquement pour l’unification de l’Allemagne. Ils ont été aussi en désaccord avec Lasalle (23) qui pensait dans son enthousiasme pouvoir obtenir le suffrage universel avec des négociations avec Bismarck et son gouvernement.
23. Lénine a reconnu la domination du capital financier à l’époque du précédent changement de siècle et a décrit l’impérialisme comme le stade ultime du capitalisme. Il a aussi entretenu une forte polémique contre Kautsky (24) qui a cru que les Etats nationaux allaient être naturellement dépassés en donnant naissance à un hyper impérialisme. Nous avons reconnu le processus de globalisation, mais avons été totalement en désaccord avec ceux qui ont prétendu que les Etats nationaux étaient devenus étrangers à cette question ou avaient au moins perdu tellement qu’on ne pouvait rien faire au niveau des Etats pris individuellement, mais uniquement dans le cadre de grands blocs commerciaux. Les politiciens bourgeois ont abusé de cette opinion erronée pour faire porter la responsabilité de leur politique de casse sociale néolibérale à de « plus hautes instances ».
24. Cette idée a toutefois atteint ses limites en mai et juin 2005 en France puis aux Pays-Bas quand une large majorité de la population s’est prononcée contre la proposition de Constitution Européenne. La bourgeoisie est depuis devenue plus prudente pour utiliser l’Europe comme argument afin de faire accepter les mesures de démolition sociale. Cela n’a toutefois pas pu empêcher que la version simplifiée de la Constitution, le traité de Lisbonne, soit refusée le 12 juin 2008 par une majorité d’Irlandais, les seuls en Europe à avoir pu se prononcer par référendum. Dans la presse bourgeoise, on a expliqué la chose comme si 4 millions d’Irlandais avaient pris en otage 500 millions d’Européens. La prudence avec laquelle les politiciens européens ont parlé du référendum fait toutefois supposer qu’eux aussi se rendent compte que les Irlandais qui ont voté « non » ont exprimé l’avis des 500 millions d’européens qui n’ont pas pu se prononcer.
25. Les politiciens bourgeois ne sont pas les seuls qui ont régulièrement fait appel au parapluie des blocs commerciaux. Au sein des syndicats européens, l’argument selon lequel on ne peut réaliser quelque chose que si cela arrive au niveau européen a été utilisé plusieurs fois pour arrêter la lutte et/ou avoir de faibles revendications. La confédération européenne des syndicats organise chaque année une manifestation, la dernière datant du 5 avril 2008 à Ljubljana, pour plus de salaire, plus de pouvoir d’achat et plus d’égalité. Cette même CES a toutefois appelé en 2004, là où la population pouvait se prononcer par référendum, à voter oui pour le projet néolibéral de la Constitution européenne, «ce serait un tremplin pour une Europe plus sociale». Depuis lors, la CES est elle aussi devenue plus prudente, mais aucun appel n’est venu contre le traité de Lisbonne, au contraire. Les conseils d’entreprises européens, là où ils existent, sont le plus souvent un prolongement du management européen. Dans le meilleur des cas, on décide de partager les effets des restructurations entre différentes implantations (comme avec la déclaration de solidarité européenne pour General Motors en décembre 2005), dans le plus mauvais, on passe la patate chaude aux fédérations d’autres pays (comme avec les attaques des syndicats de VW-Forest contre IG-Metall en 2006 (25)). 26. Avec des dirigeants politiques et syndicaux pareils, la lutte est devenue une entreprise risquée à l’époque actuelle de globalisation, surtout dans les filiales et/ou sociétés dépendantes de multinationales. De plus, les intellectuels de gauche ont affirmé, peut être sincèrement mais en le surestimant, le dogme selon lequel l’Etat individuel était devenu hors de propos, que des revendications telles que la «nationalisation sous contrôle d’ouvrier» ou «l’ouverture des livres de compte» étaient devenues futiles et qu’il fallait les troquer contre «la reconversion» et/ou le contrôle par la création d’une Europe «sociale». En général, cette perspective sans issue a conduit la gauche, y compris la gauche radicale, à la capitulation en matière de programme.
27. Pas seulement la gauche, mais aussi les nationalistes bourgeois se sont laissé entraîner par la perspective d’un capitalisme sans cesse globalisant. Ceci s’est exprimé par l’illusion entretenue dans l’évaporation des Etats nationaux et leur remplacement par une imaginaire Europe des régions. Nous avons au contraire défendu que le processus de globalisation se heurterait inévitablement à un certain moment à ses limites. En d’autres termes, nous avons dit que le processus objectif du besoin croissant d’une division internationale du travail entrerait en conflit avec les entraves archaïques du capitalisme, à savoir l’existence de l’Etat national et de la propriété privée des moyens de production, et que le capitalisme serait incapable de les surpasser à moyen ou long terme. Cela ne signifie pas que le processus entier se dirige dans la direction contraire, mais bien que la tendance vers la globalisation va laisser place à un protectionnisme grandissant et à la décomposition des alliances existantes. L’échec des négociations de Doha de l’Organisation Mondiale du Commerce et la réunion de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni afin de former une réponse commune à la crise financière tout en excluant les autres Etats-membres européens en sont des illustrations.
Idéologie, contenu et forme
28. Nous avons précisé plus tôt que la chute du stalinisme est allée de paire avec la capitulation ouverte des dirigeants politiques et syndicaux du mouvement ouvrier envers le néo-libéralisme. C’est ce qui a assuré que les attaques de la bourgeoisie soient restées pendant un temps sans réponse. La bourgeoisie a proclamé la fin des idéologies, c’est-à-dire la pensée unique néolibérale. Désormais, il était sensé ne plus y avoir de capitaliste ou de travailleur, uniquement des citoyens pour lesquels Guy Verhofstadt a d’ailleurs écrit trois manifestes. Les médias ne venaient plus qu’avec un seul type d’histoire, une attaque à sens unique contre les acquis du mouvement ouvrier. Le contenu a peu à peu laissé place à la forme, à la présentation. La presse a fait ou défait des politiciens sans plus aucune formation idéologique, mais avec une attention aiguë pour la communication avec laquelle le contenu a été de plus en plus subordonné « à la perception » et les spin-doctors, les faiseurs d’opinion, sont devenus plus importants que le programme.
29. Certains en ont déduit que la presse était devenue un quatrième pouvoir, à côté de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. D’autres voient dans les fonctionnaires et les lobbyistes respectivement les 5ème et 6ème pouvoirs. Nous ne nions bien entendu pas l’impact des mass media, ni l’influence conservatrice de la fonction ou des lobbys influents. Ils font partie de l’arsenal d’instruments dont dispose la bourgeoisie pour soutenir ses intérêts dans la lutte des classes. Ils reflètent indirectement les relations de force entre les classes et donc, bien entendu, également l’absence d’un instrument politique du mouvement ouvrier. Au fur et à mesure que la lutte des classes augmente, la recherche de réponses, le besoin de contenu et l’aspiration à des organes de presse propres aux travailleurs sera plus forte. La naissance des médias « indépendants » en a été dans un certain sens une première expression, bien qu’encore pénétrée d’illusions. Les médias bourgeois ne peuvent faire autrement que de refléter ce développement. La demande de clarification idéologique fera encore augmenter l’intérêt pour une presse révolutionnaire au contenu étayé.
(1) Depuis, le chiffre de croissance de 2004, 5,2% dans notre texte de 2006, a été révisé vers 4,9%.
(2) L’Australie, la Belgique, le Canada, Chypre, le Danemark, l’Allemagne, la Finlande, la France, la Grèce, Hong-Kong, l’Irlande, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Corée, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l’Autriche, le Portugal, Singapour, la Slovénie, l’Espagne, Taïwan, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Suède et la Suisse.
(3) Tous les chiffres de croissance de World Economic outlook d’avril 2008, le produit réel brut : http://www.imf.org/external/datamapper/index.php
(4) Par taux d’exploitation, les marxistes entendent le rapport entre la plus-value ou le travail non-rémunéré (les résultats de l’entreprise moins le capital fixe utilisé pendant la production pour louer les bâtiments, acheter les matières premières et l’amortissement des machines) et le capital variable ; les salaires bruts y compris les charges patronales et le travail rémunéré que produit le travailleur.
(5) C’est-à-dire le montant de profit par montant de capital investi.
(6) Le bonapartisme se réfère au régime de Napoléon Bonaparte Ier, après son coup d’Etat de novembre 1799. Ce sont des régimes basés sur la répression qui se maintiennent eux-mêmes en dressant les différentes couches de la population l’une contre l’autre.
(7) En 1989, le PIB en parité de pouvoir d’achat Geary Khamis – standard de comparaison international basé sur le dollar américain de 1990 – en Russie était de 1.186 milliards $-GK (160 milliards $-GK en Belgique cette même année). En 1998, cela avait reculé à 661 milliards $-GK (pour 197 milliards $-GK en Belgique). En 2007, le PIB en Russie a obtenu de nouveau pour la première fois uhn résultat net supérieur à celui de 1989, 1208 milliards $-GK (242 milliards $-GK en Belgique). Voir : The Conference Board & Groningen Growth and Development Center – total economy database.
(8) De Tijd, le 16 août 2008, Le talon d’Achille de la Russie forte;
(9)Voir aussi paragraphe 16 dans ‘la montée de la lutte des classes menace les équilibres fragiles’
(10) Tous les chiffres sur la fiscalité – De Tijd, vendredi 4 juillet et mardi 9 septembre 2008.
(11) De Standaard, 19 janvier 2008, Reportage over Bulgaars wezen onthutst
(12) Toutes les données: http://www.economist.com/countries/ Le revenu exprimé en termes de parité du pouvoir d’achat ou ‘purchasing power parity’ (PPP) ; Jusqu’il y a vingt ans, seuls les chiffres du revenu par rapport aux changes officiels. Le taux de change est largement déterminé par les prix des marchandises et des services échangés sur le marché mondial. La population dans les pays pauvres ne peut souvent même pas se permettre ces marchandises et ces services et consomment des biens et des services qui sont produits à bas coûts sur place. Selon les économistes bourgeois, les couts de la vie ici sont inférieurs à ceux des pays développés. En bref : le revenu exprimé face aux changes officiels surestime selon eux la richesse dans les pays riches et la sous-estime dans les pays pauvres. Afin de rectifier cette ‘injustice’, on se sert de nos jours de plus en plus des chiffres s’exprimant en termes de parité de pouvoir d’achat. Cette méthode alternative pour comparer le pouvoir d’achat de deux pays est inutile s’il s’agit d’une comparaison de l’influence sur le marché mondial. En termes de taux d’échange, le revenu annuel moyen au Viêt-Nam est de 823 $, en Indonésie 1.845 $, en Thaïlande 3.697 $, en Malaisie 6.872 $, en Inde 1.030 $, en Chine 2.453 $ et aux USA 45.963 dollars. En Azerbaïdjan, ce taux s’élève à 3.407 dollars.
(13) De Tijd, le 10 mai 2008, Nous ne sommes pas des bouilleurs de dispute. Nous stabilisons le système financier.
(14) Pour un sommaire du développement des prix du pétrole: http://en.wikipedia.org/wiki/Oil_price
(15) Voir http://www.lsp-mas.be/marxisme/indypvda.html – paragraphe 4
(16) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed, fig. 1.7 p.14
(17) The Conference Board & Groningen Growth and Development Centre, Total Economy Database, summary statistics www.ggdc.net
(18) Andrew Glyn, 2006, Capitalism Unleashed – p. 13
(19) European Commission, Employment in Europe report, 2007, chapter 5 p 240
(20) Lors du calcul des salaires réels, contrairement aux salaires nominaux, il est tenu compte de la perte d’argent due à l’inflation. En « les unités efficientes», cela signifie qu’il a été tenu compte de la productivité, c’est-à-dire de la valeur (d’échange) produite par travailleur par heure. Il s’agit simplement du salaire réel par unité de production.
(21) En Belgique, aux Pays-Bas et en France, le salaire réel par unité de production dans la période ‘60 – ‘80 a augmenté annuellement respectivement de 0,11%, de 0,82% et de 0,39%. Dans la période ‘81 – ‘06 il a toutefois diminué annuellement de respectivement -0,40%, -1,39% et -0,66%. Aux Etats-Unis et au Japon, les salaires réels par unité de production ont diminué de -0,38% et -0,04% dans la première période et de -0,51% et -0,47% dans la seconde. Voir le même document qu’à la note de bas de page 18, p. 244 – 246.
(22) En référence à Otto von Bismarck qui, en 18971, après la guerre franco-allemande, a unifié les Etats allemands dans l’empire allemand. Comme chancelier, il a pris l’initiative de la loi anti-socialiste qui interdisait les réunions et les publications du Parti Socialiste Ouvrier (SAP).
(23) Ferdinant Lasalle était le fondateur du Allgemeiner Deutscher Arbeitervereim – ADAV – en 1863 qui a fusionné lors du Congrès de Goth avec les Eisenachers, les partisans de Marx. Dans Critique sur le programme de Gotha, Marx se prononce fortement contre cette fusion sans principe.
(24) Karl Kautsky, ancien secrétaire d’Engels, utilisait le marxisme comme un dogme. Il a reproché à Lénine, Trotsky et aux Bolchevicks d’avoir appliqué une révolution dans un pays qui n’était pas encore assez mûr. Il a défendu en 1914 la politique du SPD quand ce dernier a voté les crédits de guerre au Reichstag. Il a été à la base de la création du USPD (le SPD indépendant), mais a rejoint ensuite à nouveau le SPD quand la base du USPD a décidé contre sa direction de rejoindre l’Internationale Communiste. Il a été répondu tant par Lénine dans Le renégat Kautsky, que par Trotsky dans Terrorisme et communisme et par Rosa Luxembourg dans La révolution russe.
(25) En décembre 2005, les responsables syndicaux de GM Anvers, Bochum, St-Ellesmereport, Gliwice, Trolhättan, les soi-disant usines-delta où l’astra a été construite, ont fait une déclaration de solidarité européenne. « Nous ne nous laissons pas monter les uns contre les autres par le président d’Opel. Nous n’accepterons pas les fermetures d’usine ou une distribution inégale de la production entre les sites. Qui menace une usine obtiendra une réponse commune de tous les pays… » Le programme de restructuration entre-temps négocié a été le plus lourd depuis la seconde guerre mondiale. « Nous n’accepterons pas de diminution future d’emploi ou de fermetures d’usines où que ce soit en Europe », selon leur déclaration de presse.