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  • Chine : L’usine du monde entre à son tour en pleine crise

    Rapport de la discussion sur la Chine tenue lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO

    Ces derniers mois, le développement des contradictions s’est fortement accéléré en Chine, aussi bien sur le plan économique que politique. La Chine, qui semblait être ‘‘l’usine du monde à croissance sans fin’’ il y a quelques années, s’apparente de plus en plus à un Concorde qui tomberait en panne en plein vol.

    Par Baptiste (Nivelles)

    Au cours du 2e trimestre de l’année 2013, la croissance annuelle du PIB Chinois a encore diminué pour arriver à 7,5% selon les chiffres officiels du gouvernement chinois. Il s’agit des plus mauvais chiffres de croissance depuis plus de 15 ans. Selon certains commentateurs, ces chiffres sont gonflés et la réalité serait bien plus proche d’une stagnation. Mais même en se fiant aux chiffres officiels, il apparaît clairement que la Chine est rentrée dans une situation de crise économique inédite, aussi bien du fait de ses caractéristiques que de son ampleur.

    Une décennie de croissance invisible pour les masses et accaparée par les oligarques

    Durant la décennie de présidence de Hu Jintao (2002-2012), la croissance annuelle du PIB fut en moyenne de 10,6% et était principalement basée sur les exportations vers les pays à forte consommation, Etats-Unis en tête. Mais aussi importante fut-elle, cette croissance était complètement déséquilibrée puisqu’aucun marché intérieur permettant un développement de la consommation n’a été développé, conséquence directe d’un taux d’exploitation paradisiaque pour les patrons. La consommation en Chine équivaut aujourd’hui à environ 30% du PIB, alors que cela représente 70% aux USA et en Europe.

    Les travailleurs n’ont pas profité des fruits de l’expansion économique, ils n’en ont vu que l’exploitation. Au final, c’est même l’inverse du développement d’un marché interne qui a eu lieu : la croissance s’est accompagnée de l’amplification des inégalités avec d’un côté l’apparition de princes dans les sphères du business et, de l’autre, la précarisation des conditions de vie pour les travailleurs. Lorsque Hu Jintao est arrivé au pouvoir en 2002, il n’y avait aucun milliardaire en $ en Chine. Aujourd’hui il y en a 251, et ce alors qu’environ 500 millions de chinois vivent avec moins de 2 $/jour et sans accès à l’eau potable.

    Au secours de l’économie mondiale ?

    La condition indispensable à l’expansion économique de la Chine était donc la croissance des Etats-Unis et des pays de l’UE principalement. En aucun cas la Chine ne remplissait les conditions pour devenir ‘‘la nouvelle locomotive’’ de l’économie mondiale, que ce soit seule ou accompagnée d’autres puissances émergentes.

    Non seulement la Chine n’a pas été le sauveur de l’économie mondiale, mais elle subit aussi les effets de la crise capitaliste, ce qui est logique pour une économie aussi dépendante des exportations. Lorsque la récession mondiale a pris place dans la foulée de la crise financière aux Etats-Unis et en Europe en 2008, le Chine a tenté de maintenir sa croissance en dopant l’économie avec un plan de relance d’un montant de 586 milliards $. Aucun effet pervers n’a bien sûr été attendu par l’appareil, étant donné que toute l’économie, officiellement planifiée, est considérée comme étant sous contrôle.

    Ce plan de relance, même s’il a maintenu la croissance en Chine quelques années de plus, n’a évidemment pas créé de toute pièce un marché intérieur mais a surtout eu l’effet d’exacerber les travers de l’économie Chinoise. Par exemple, l’ensemble des crédits a atteint aujourd’hui un montant de 23.000 milliards $ (2,5 fois le PIB de la Chine !) contre 9.000 milliards $ en 2008. Un tel développement aussi rapide et à une échelle si large est du jamais vu dans l’histoire économique, tout comme le montant actuel des intérêts consécutifs à ces créances : 1 000 milliards $ !

    Bulle immobilière gonflée sur fond de dettes : un cocktail explosif pourtant bien connu…

    Le plan de relance a permis de maintenir une croissance apparente de l’économie en poussant les gouvernements locaux à s’endetter pour investir massivement notamment dans l’infrastructure. A défaut d’un marché interne capable de soutenir une économie de consommation, ces investissements ont surtout permis la construction d’infrastructures aussi pharaoniques qu’inadaptées.

    Régulièrement, des exemples absurdes sont exposés dans la presse internationale, comme la construction de villes d’une capacité d’accueil de 300 000 habitants mais ne comptant pas 1 habitant effectif, ou encore la construction d’Hôtels de ville mégalos dans de petites villes de province.

    L’investissement dans l’infrastructure est en réalité un bien beau terme pour parler d’argent gaspillé dans les projets de prestige et dans la spéculation immobilière. En 2008, la situation dans l’immobilier n’était déjà plus sous contrôle : le prix de l’immobilier avait quadruplé par rapport à 2004. Aujourd’hui, la situation est telle qu’environ 1 logement sur 2 est inhabité, ce qui fait dire à de nombreux commentateurs qu’il s’agit de la plus grande bulle immobilière de l’histoire du capitalisme.

    Le plan de relance a précipité une crise bancaire

    Cette explosion du crédit signifie mécaniquement une explosion des dettes dans l’économie Chinoise. Une explosion au sens propre du terme, puisque les dirigeants Chinois ont perdu le contrôle sur le système financier du pays avec l’émergence de la ‘‘finance de l’ombre’’ (Shadow Banking). Il s’agit d’un système parallèle de banques, illégales, qui interviennent dans l’économie pour octroyer des crédits à des personnes, entreprises et gouvernements locaux qui n’ont plus rien de solvable, étant donné la montagne de dettes qui vient d’être générée. Et de sorte à pousser le vice à l’extrême, la titrisation est évidemment de mise dans ces banques.

    Ce phénomène est un symptôme illustratif du chaos au-dessus duquel se retrouve l’économie Chinoise, et une série d’économistes n’hésitent plus à faire la comparaison avec la bulle des subprimes juste avant son explosion. Le point de rupture tend de plus en plus à apparaître, comme le 30 juin dernier, lorsque 244 milliards $ de crédits arrivaient à échéance le même jour et devaient être renouvelés. Les négociations n’ont pas tardé à tourner à la panique, mettant en scène en début de crash sur les marchés du crédit.

    On estime que les montants prêtés par les banques fantômes représentent 50% des nouveaux crédits octroyés en Chine durant l’année 2012 et qu’au total cela représenterait aujourd’hui un montant de 4.700 milliards $, soit 55% du PIB de la Chine ! Les gouvernements locaux représentant la majorité des dépenses publiques, elles portent sur leurs épaules une grosse partie de ces dettes. La perte de contrôle par le gouvernement central est totale, en atteste l’audit lancé fin juillet par la Cour des comptes chinoise auprès des pouvoir locaux, de sorte à pouvoir faire une estimation plus concrète de l’ampleur des dégâts. Selon le FMI, la dette publique de la Chine, tous niveaux de pouvoir confondus, aurait atteint aujourd’hui 45% du PIB (officiellement, la Chine défend le chiffre de 22%). Comparativement, il y a 20 ans cette dette publique n’existait pas.

    Vers une période de réforme économique ?

    C’est dans ce contexte que le gouvernement du nouveau président Xi Jinping a annoncé vouloir mettre en place une série de réformes économiques. Ces réformes sont sans surprise pro-capitalistes, et visent principalement à assainir le secteur financier (quitte à procéder à des mises en faillites ciblées), augmenter la part des investissements privés dans l’économie et développer la consommation intérieure. La stratégie défendue est de poser l’économie chinoise sur les rails d’une croissance plus modérée mais plus saine. Bref, en apparence un virage à 180°C par rapport au plan de relance de 2008.

    Cette approche, bien que d’apparence ‘‘pragmatique et équilibrée’’, est néanmoins très risquée. Si la banque centrale ferme les robinets et n’intervient plus dans l’économie comme elle l’a fait avec le plan de relance, le danger d’explosion des bulles spéculatives sur lesquelles reposent des montagnes de dettes risque de devenir réalité. Il en va de même pour des secteurs économiques qui reposaient sur le dopage financier de la dernière période.

    L’exemple le plus impressionnant est celui des chantiers navals : d’ici 2015, 1.600 chantiers devraient fermer parmi lesquels le plus grand au monde (20.000 emplois). Ce dernier, qui se retrouve sans la moindre commande, a été récemment mis en faillite. L’ironie de l’histoire pour le gouvernement est que si ce n’est pas la banque centrale qui intervient pour éviter les faillites, cela laissera encore plus d’espace aux banques illégales !

    On estime aujourd’hui que le chômage réel est de 8%, que 40% de la capacité industrielle chinoise n’est pas utilisée, et que l’année 2012 s’est soldée avec 3,2 milliards $ de salaires non-payés. Ce paysage n’a plus rien d’une économie en expansion, il exprime plutôt la destruction anarchique de richesses à grande échelle qu’est le capitalisme.

    L’Etat garde de toute façon d’importants leviers pour intervenir dans l’économie (la Chine reste un pays hybride avec des éléments capitalistes et d’autres hérités du stalinisme et de l’économie bureaucratiquement planifiée) et il est peu probable qu’il soit décidé d’assainir le secteur financier en le laissant imploser. Cela a été prouvé récemment : après avoir assisté à la mini crise du crédit de fin juin en spectateur, la banque centrale a décidé d’injecter 3,7 milliards $ le 31 juillet dernier pour éviter de justesse un nouvel assèchement de crédit. 10 jours plus tard, le gouvernement décide de mettre en place une ‘‘Bad Bank’’, institution financière destinée à racheter un bon nombre de créances douteuses de sorte à ce que le reste du système financier soit assaini. La capacité d’une telle banque à accueillir l’ensemble des dettes à risque et les ‘‘extraire du système’’ reste cependant illusoire. Le plus probable est que les dettes soient transférées dans celle de l’Etat Chinois.

    Xi Jinping placé aux commandes d’un parti divisé

    Le Parti Communiste Chinois (PCC) ne se porte pas mieux. Les conflits et coups bas entre les deux factions principales ont pris une ampleur qui n’avait plus été vue depuis 20 ans, avec d’un côté les ‘‘princes rouges’’ et de l’autre la ‘‘ligue des jeunes’’. Les princes rouges sont composés de descendants d’anciens grands dirigeants de la période de Mao, et sur cette base-là, ils ont acquis aussi bien des positions puissantes que des fortunes démesurées. Il s’agit d’environ 200 familles, dont la seule finalité politique est de maintenir un statu quo à tout prix pour pouvoir assurer la pérennité de leurs privilèges. Cette faction gagne en importance puisque pour la première fois ils sont majoritaires au bureau politique (4 sièges sur 7).

    La ligue des jeunes quant à elle ne représente rien de progressiste, il s’agit essentiellement des autres bureaucrates tout aussi pro-marchés et qui cherchent à se faire une place dans l’appareil, tout en craignant que l’arrogance et la démagogie des princes ne leur coûte une révolte sociale. La ligne de séparation entre ces deux factions n’est pas nette, ce qui s’explique notamment par le fait que cette séparation n’a aucun contenu idéologique ou politique mais repose uniquement sur la défense d’intérêts personnels.

    L’actuel président Xi Jinping est issu de la famille des princes rouges et possède une fortune personnelle estimée à 376 millions $, soit trois fois la somme des richesses personnelles des membres du gouvernement britannique ! Bien qu’il fasse partie des princes rouges, il cherche à consolider ses positions également en-dehors des cercles des princes. Cela explique sa victoire à l’issue du 18e congrès en novembre 2012, à l’issue duquel il a succédé à Hu Jintao comme secrétaire général du PCC (et en mars 2013 comme président du gouvernement central).

    Cette figure de compromis entre les factions a déjà démontré à maintes reprises une attitude bonapartiste pour trouver un équilibre. Ce bonapartisme est illustratif de l’impasse politique du régime chinois, car c’est le dernier recours pour éviter une fracture ouverte au sein du PCC.

    Une corruption à tous les étages couronne la crise politique et économique

    Parallèlement au phénomène des banques fantômes, un autre symptôme de la Chine est la corruption. On estime que la corruption, tous niveaux confondus, représente un montant de 3 720 milliards $…

    C’est pourquoi, en plus de la ‘‘réforme économique’’, le gouvernement de Xi Jinping a déclaré vouloir s’attaquer au problème de la corruption. Cela risque de se traduire plus en une série de procès individuels qu’en une lutte contre la corruption, étant donné que l’ensemble du système politique repose sur la corruption. Un exemple récent fut le procès médiatique à l’encontre de Bo Xilai, prince dont les scandales de corruption et les affaires criminelles qui lui étaient associées n’étaient plus tenables. Bo Xilai a été abandonné par les autres princes pour donner au gouvernement de quoi se construire une image anti-corruption, avec une mise en scène judiciaire à l’appui.

    Cette combinaison de corruption et de carriérisme, qui reflète bien la nature bureaucratique des dirigeants du PCC, ne fait qu’envenimer la crise bancaire. Les élites locales mènent ainsi une véritable course au prestige entre leurs gouvernements, de sorte à forger une base sur laquelle ils pourront mieux assoir leurs positions.

    Xi Jinping est également en reconquête d’autorité vis-à-vis des masses avec toute une série de propositions populistes. Il ne s’agit bien sûr que de petites réformes et autres artifices symboliques pour tenter d’atténuer l’arrogance et les privilèges des princes. Il n’y a aucune ouverture en termes de liberté démocratique, comme le démontre l’édition par Xi Jinping d’une liste de 7 sujets interdits à l’école, parmi lesquels figurent la démocratie, la liberté de presse et la corruption.

    Cependant, une ouverture des dirigeants, même si elle est symbolique, peut avoir comme effet d’ouvrir une boîte de Pandore en termes de revendications démocratiques par les masses.

    Le PCC n’a pas d’issue, la lutte des classes décidera de son avenir

    La crise profonde dans laquelle s’engouffre la Chine constitue une grave menace pour ses dirigeants, de l’aveu même du PCC. Cette vaste clique de parvenus immondes n’ayant aucune solution à offrir aux masses, leur dernier recours quand le contrôle social est perdu est la répression. Mais cette fuite en avant pourrait rendre la situation encore plus explosive, comme l’ont prouvé les mouvements récents en Brésil ou encore en Turquie.

    La division de classe est très marquée en Chine. Le pays est sans surprise l’un des plus inégalitaires au monde, et les dépenses publiques dans les soins de santé (5% PIB) et dans l’éducation (<3% du PIB) sont proportionnellement inférieurs à ce qui se fait dans des pays comme la Russie, la Tunisie ou encore l’Afrique du Sud. 60 millions de chinois sont des travailleurs avec un statut d’intérimaire, ce qui signifie l’absence totale de sécurité sociale et de retraite ; 240 millions de travailleurs sont en réalité des paysans pauvres en exode qui se retrouvent dans des zoning industriels sans même un logement.

    Il n’y a aucun doute que l’aggravation de la crise se fera sur le dos de la classe ouvrière. La crise politique du PCC et son incapacité à offrir un avenir décent aux masses pose les fondations pour des possibilités révolutionnaires dans la période à venir. Les 180.000 protestations de masse dénombrées en moyenne chaque année en est la meilleure illustration. Chaque lutte est une école pour les masses et des révoltes comme celle de Wukan en 2011 ou les récentes manifestations pour plus de démocratie à Hong Kong en sont le meilleur exemple.

    Pour arracher des acquis sur le plan socio-économique et sur le plan des libertés démocratiques, le mouvement ouvrier doit s’organiser de manière indépendante à travers les luttes pour collectiviser les expériences et construire des stratégies victorieuses. Pour cela, un programme de renversement de la dictature et exigeant la planification démocratique de l’économie est nécessaire.

  • École d'été du CIO : La crise européenne et la lutte de classe

    Il faut une alternative socialiste pour ce continent en crise

    C’est Hannah Sell, membre dirigeante du Socialist Party d’Angleterre et du pays de Galles et membre du Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), qui a introduit la discussion en session plénière sur la situation en Europe lors de l’école d’été du CIO qui s’est déroulée en Belgique en juillet et à laquelle ont assisté près de 400 militants, venus de 33 pays différents.

    Rapport par Robin Clapp, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Tout le continent européen est en proie à une austérité brutale qui est la réponse de la classe dirigeante à cinq ans de récession économique. Cela fait six trimestres consécutifs que le PIB de la zone euro chute. Cette récession cause la panique parmi les capitalistes, qui sont maintenant aux prises avec les répercussions du ralentissement économique de plus en plus grand en Chine. Ce ralentissement étouffe les chances d’une reprise économique dans les quelques parties du monde qui sont jusqu’ici parvenues à se maintenir et à passer pour des acteurs de croissance économique.

    L’Allemagne, qui était demeurée la locomotive économique de la zone euro, a maintenant commencé à stagner. Elle a connu sa plus grande contraction du PIB en quatre ans lors du premier trimestre de 2013. Alors que les marchés européens sont ravagés par la crise, les capitalistes allemands s’étaient en partie tournés vers le marché chinois, tirant parti de la demande chinoise qui semblait alors insatiable. Ils étaient ainsi parvenus depuis 2009 à doubler leurs exportations vers la Chine.

    Une crise qui s’ouvre en plein cœur de la zone euro

    Merkel est en train de réaliser qu’une nouvelle phase de la crise est en train de se développer au cœur même de la zone euro. L’Allemagne va sans doute bientôt connaitre sa première fermeture d’une usine automobile depuis 1945, et déjà les prédictions économiques changeantes ont eu pour répercussions un certain nombre de grèves, encore petites, mais extrêmement importantes.

    L’industrie automobile européenne est en crise. L’énorme surproduction conduit à des pertes annuelles de 4 milliards d’euros pour les producteurs.

    Dans toute la zone euro, le niveau général de la demande a chuté de 5 % par rapport au niveau d’avant la crise en 2007, alors qu’en Europe méridionale (Italie, Espagne, etc.) la demande s’est littéralement effondrée, avec une chute de 15 %.

    L’expression sans doute la plus choquante de la crise européenne est la hausse sans précédent du taux de chômage, qui affecte surtout les jeunes. Les conséquences sociales de cette véritable bombe à retardement se feront sentir dans tous les pays. Le chômage des jeunes est de 60 % en Grèce, de 50 % en Espagne, et de 40 % en Italie et au Portugal. Il n’est pas un pays de l’Union européenne qui ne soit affecté. Dans un pays après l’autre, on voit les jeunes quitter leur pays à la recherche de travail. Notre camarade Laura du Socialist Party irlandais a expliqué que, dans son pays, l’émigration a atteint le même niveau que celui lors de la grande famine du milieu du 19ème siècle. Beaucoup de jeunes européens partent “se chercher” dans les anciennes colonies de leur pays. C’est ainsi que des légions de jeunes Portugais se rendent à présent en Angola ou au Mozambique.

    L’inégalité en Suède

    La Suède avait autrefois la réputation d’être un modèle d’“État-providence” social-démocrate sans son pareil après la Seconde Guerre. Pourtant, à partir des années ’80, l’inégalité s’est accrue dans ce pays plus rapidement que dans aucun autre pays européen. Un jeune sur quatre y est maintenant au chômage. Dans les quartiers ouvriers, le nombre de jeunes chômeurs est encore plus grand. Les émeutes de Stockholm qui se sont produites récemment reflètent le fait que là-bas comme ailleurs, ce chômage structurel mène à un dangereux déséquilibre qui ne peut que causer des explosions sociales.

    Notre camarade Elin du Rättvisepartiet Socialisterna (Parti de la résistance socialiste, CIO-Suède) a expliqué comment le CIO a pu faire une importante intervention dans ce mouvement explosif, canalisant les très compréhensibles sentiments de colère, de désespoir et de dégout vis-à-vis des partis politiques en général, en une explication de pourquoi il nous faut absolument développer une alternative socialiste. Plus de 500 personnes ont participé à notre meeting dans le quartier de Husby d’où étaient parties les émeutes, en soutien à nos revendications pour la fin de la brutalité policière, pour des emplois et pour des logements pour les jeunes.

    Les mouvements révolutionnaires sont une conséquence inévitable de la profonde crise qui affecte toute l’Europe, et les plus malins parmi les capitalistes en sont fort conscients. C’est de là que viennent leurs récentes tentatives désespérées, mais absolument inadéquates, de discuter de plans de création d’emploi lors de leur forum européen pour l’emploi.

    Même là où les jeunes ont des emplois, ils tombent souvent dans le “précariat”, c’est-à-dire des contrats à l’heure, sans aucune sécurité d’embauche. Plus de 1,6 million de jeunes Italiens survivent grâce à des emplois temporaires sous-payés ; en Allemagne, 9 millions de travailleurs gagnent moins de 8,5 € de l’heure dans des emplois qu’on appelle des “mini-jobs”.

    Notre camarade Angelica de Sozialistische Alternative (Alternative socialiste, CIO-Allemagne) a fait remarquer que les salaires de beaucoup de travailleurs allemands sont si bas que le pays est de plus en plus considéré comme un pays de pauvres. Les entreprises belges qui se trouvent près de la frontière allemande ne cessent de se plaindre de la concurrence illégale qui leur est faite par les entreprises allemandes et qui les force à fermer.

    Au cours des cinq dernières années, nous avons vu des luttes ouvrières se développer à l’échelle de tout le continent. Mais ces luttes n’ont été que le prélude des puissants mouvements qui vont se développer au cours de la prochaine période.

    La base sociale du capitalisme grec

    En Grèce, où le niveau de vie a été attaqué d’une manière qui n’a été vue nulle part ailleurs en Europe depuis l’époque du fascisme d’avant-guerre, il y a eu d’innombrables grèves générales d’un jour, par lesquelles les travailleurs et la classe moyenne ont tenté de se défendre. La base sociale du capitalisme grec a été complètement désintégrée : les docteurs, les avocats, les enseignants, les employés de banque se retrouvent tous dans les files du chômage ou en train de mendier dans les rues.

    Si la classe ouvrière grecque avait eu un parti révolutionnaire d’une certaine taille, elle aurait pu prendre le pouvoir à plusieurs reprises déjà, mais à cause des capitulations de la part des vieux partis sociaux-démocrates – et même de la part de nouvelles forces de gauche comme Syriza qui refuse de comprendre l’ampleur de cette crise et par conséquent la nécessité d’une révolution sociale afin de renverser le capitalisme – la politique d’austérité est toujours dominante.

    La rapidité et l’énormité de la crise a stupéfait les travailleurs à divers degrés. Cela, en plus des effets rémanents de l’effondrement du stalinisme, de la dégénérescence des anciens partis ouvriers qui se sont rendus à des positions pro-capitalistes et de l’échec des tentatives de construire de nouveaux partis des travailleurs durables, a fait que la classe ouvrière aujourd’hui manque d’une conscience socialiste large.

    Toutes ces complications ont pour effet que le processus révolutionnaire pourrait tirer en longueur, même alors que la situation est de plus en plus mure pour une transformation socialiste de la société.

    De nouvelles luttes sont inévitables dans chaque pays. Même là où le niveau d’organisation des travailleurs s’est dégradé, la lutte va développer la conscience, et notre intervention peut faciliter cela, comme le montre l’exemple de l’Afrique du Sud.

    Dans ce pays, malgré nos modestes forces, nous avons été capables d’intervenir de manière décisive grâce à un programme et une orientation correctes en directions des mineurs. La création du Workers and Socialist Party (WASP) marque un point tournant et constitue un immense pas en avant pour l’ensemble de la classe ouvrière.

    Tensions de classe, ethniques et nationales

    La crise capitaliste va non seulement intensifier les tensions de classe, mais aussi les tensions nationales et ethniques. Les travailleurs connaitront des retraites, des complications et des défaites, mais qui n’auront pas en général le caractère de défaites fondamentales qui auraient pour résultat de briser les travailleurs pour toute une période historique. En Italie par exemple, une situation pré-révolutionnaire s’est prolongée pendant toute une décennie dans les années ’70.

    À l’époque comme maintenant, la principale question est celle de la direction, et notre défi est de construire un parti révolutionnaire et d’intervenir dans la construction de partis des travailleurs de masse qui servent à la fois d’école pour le développement de la lutte de classe et de structures dans lesquelles la méthode et le programme du marxisme peuvent être débattus et adoptés.

    Dans toute une section de la société grecque vit un désespoir largement répandu. La direction du parti de gauche Syriza a commencé à virer à droite. Ses dirigeants ne portent plus de jeans et de t-shirt, mais arborent des costumes-cravate et un programme qui abandonne tranquillement le refus de payer la dette pour remplacer cette revendication par celle de l’annulation des intérêts de paiement de la dette. Tsipras, le dirigeant de Syriza qui avait failli prendre le pouvoir l’année passée, a vu son taux de soutien dans les sondages tomber à 10 % – moins que celui du premier ministre de droite Samaras!

    Malgré cela, un gouvernement Syriza reste la perspective la plus probable après les prochaines élections, et cela pourrait mener à une nouvelle vague de lutte de classes en Grèce. Il y a déjà toute une série d’occupations d’usine, les travailleurs prenant des mesures concrètes pour défendre leurs emplois, et ces actions pourraient s’étendre à une échelle de masse sous un gouvernement Syriza, non pas sous la direction de ce parti, mais sous l’impact de la volonté des masses d’aller plus encore de l’avant.

    Aube dorée au gouvernement ?

    La classe capitaliste grecque est en train de débattre de la possibilité de laisser entrer le parti néo-fasciste Aube dorée au gouvernement dans le cadre d’une coalition dirigée par le parti de droite Nouvelle Démocratie, maintenant ou afin de former un gouvernement après les prochaines élections générales.

    Une telle manœuvre de leur part pourrait créer une explosion à travers toute la société grecque, qui reflèterait la puissante insurrection asturienne, en Espagne en 1934, lorsque Gil Robles, chef du parti d’extrême-droite Confédération espagnole des droits autonomes (CEDA), est devenu ministre du gouvernement.

    Ekaterina, de Xekinima, section grecque du CIO, a insisté sur le fait que bien que le soutien à Aube dorée dans les sondages se soit élevé jusqu’à atteindre entre 10 % et 15 %, cela n’a pas mené à un accroissement de sa puissance de combat de rues. La menace que pose Aube dorée a cependant nécessité la création de comités antifascistes dans lesquels nous jouons un rôle majeur.

    Il ne fait aucun doute qu’une victoire de Syriza provoquerait une nouvelle phase de crise redoublée, pendant laquelle Aube dorée pourrait s’accroitre si aucune opposition ne leur était offerte. Sur le long terme, au fur et à mesure que les vieilles normes sont ébranlées, la classe dirigeante de chaque pays va se préparer pour de grands conflits de classe, y compris pour la guerre civile.

    Toutes les institutions du capitalisme sont en effet de plus en plus démasquées et discréditées, au fur et à mesure que la crise s’approfondit. En Tchéquie et au Luxembourg, les dirigeants ont été forcés de démissionner à la suite de scandales d’espionnage ; le gouvernement bulgare a été chassé du pouvoir par les plus grandes manifestations jamais vues dans ce pays depuis la chute du Mur il y a 20 ans.

    Tout comme ses camarades en Espagne, le gouvernement portugais a été appelé de gouvernement “zombie” (cadavre qui continue à marcher) : les ministres démissionnent l’un après l’autre à la suite d’une grève générale qui a explicitement réclamé la démission de tout le gouvernement. 80 % des travailleurs portugais ont participé à cette grève, y compris une grande partie de la police et des forces armées.

    Le scandale de corruption qui a submergé le premier ministre Rajoy en Espagne a révélé la pourriture au cœur même du gouvernement. Le journal El Mundo parle à juste titre d’un esprit pré-révolutionnaire qui s’est emparé de larges couches parmi les masses. La seule raison pour laquelle ce gouvernement n’est pas encore tombé est que les capitalistes n’ont pas d’autre alternative viable, et ont peur de la hausse du soutien pour le parti Izquierda Unida (Gauche unie), qui se trouve juste derrière le Parti socialiste espagnol dans les sondages.

    La pause espagnole

    Le camarade Rob du groupe Socialismo Revolucionario (CIO-Espagne) a expliqué qu’il y a eu cette année une certaine pause dans la lutte à la suite de la terrible grève des mineurs de 2012 qui contenait en elle-même les germes d’une guerre civile, à la suite de l’occupation des hôpitaux partout dans le pays, et de deux grèves générales qui ont entrainé respectivement 10 et 11 millions de travailleurs. Mais cette année a en réalité été une année de meetings et de débats intenses. Ainsi, on a vu une assemblée de la gauche locale attirer 1000 personnes pour discuter de la prochaine étape dans la lutte.

    Nous avons mis en avant la revendication d’une grève générale de 48 heures liée à l’établissement d’assemblées partout dans le pays afin de lutter pour faire tomber le gouvernement. Il faut un front uni de la gauche avec les mouvements sociaux, autour des mots d’ordre « Non à l’Europe des patrons », « Nationalisation des moyens de production », et « Droit à l’auto-détermination » pour les Catalans et les autres nationalités qui le demanderaient.

    Notre camarade Eric du Parti Socialiste de Lutte (PSL, CIO-Belgique) a souligné la férocité sans précédent des attaques qui sont perpétrées sur leurs travailleurs par les capitalistes belges. La Belgique est restée sans gouvernement officiel pendant 540 jours, parce que la classe dirigeante était perdue en palabres quant à la meilleure façon d’avancer dans un contexte d’antagonismes nationaux croissants. Ni la majorité de la classe dirigeante, ni la classe ouvrière ne désirait la scission de la Belgique, mais dans une période de crise, les divisions peuvent devenir plus aigües entre la Flandre et la Wallonie.

    Mais inévitablement, vu le manque d’une alternative socialiste large à portée des masses, il y a aussi la montée de sentiments nationalistes anti-européens.

    En Europe méridionale, même si la troïka (FMI, Commission européenne et Banque centrale européenne) est absolument détestée, on voit que même en Grèce, les travailleurs sont très prudents et craignent de demander la sortie de l’UE, car ils ont peur de ce que pourrait représenter l’alternative.

    Notre camarade Sacha, de notre section allemande, a fait remarquer que le point de départ devrait être une lutte pan-européenne contre l’austérité. Nous avons vu le 14 novembre 2012 la première occasion d’organiser une grève générale pan-européenne de 24 h dans plusieurs pays à l’occasion d’une journée d’action européenne de la Confédération Européenne des Syndicats (CES), mais cela n’a pas été saisi.

    Un système en perdition

    Cette crise n’est pas seulement celle de la monnaie européenne, mais du système tout entier. Aucune politique économique alternative de type keynésienne (dépenser l’argent de l’État en grands travaux pour relancer la croissance) ne pourra reboucher complètement les failles fondamentales qui se sont ouvertes de manière si visible au cours des quelques dernières années.

    Nous avons compris dès le départ que le projet de la monnaie euro n’était pas tenable. Ce n’est que grâce à la phase de croissance qui a duré jusqu’en 2007 que son échec a pu être reporté. Mais à présent, nous voyons devant nos yeux se dérouler une réaction en chaine au ralenti qui va à un certain moment faire éclater la zone euro.

    Déjà, ce processus est très visible à Chypre où, à la suite de la crise bancaire, l’imposition du contrôle des capitaux par les capitalistes est contraire aux règlements de l’UE, mais est justifiée par la gravité exceptionnelle de la situation. L’économie chypriote est une catastrophe, et on s’attend à ce qu’elle se contracte d’un chiffre record – -25 % l’an prochain.

    Le Portugal est au bord d’une deuxième demande de renflouement, tandis que les bureaucrates européens à Bruxelles ne parviennent pas à dormir à cause de leurs cauchemars de la faillite de l’Espagne ou de l’Italie, dont les dettes collectives s’élèvent à plus de 3000 milliards d’euros – soit six fois plus que l’argent disponible dans le fonds de secours européen.

    Tout est en train d’être fait pour éviter une autre crise avant les élections générales en Allemagne du 22 septembre. Mais les problèmes s’accumulent et deviennent de plus en plus graves. Les dettes souveraines italiennes sont de plus en plus considérées comme n’ayant aucune valeur ; une autre très grande source d’inquiétude est l’état de zombie de nombreuses banques, qui sont sur perfusion dans tous les pays, même en Allemagne et en Autriche.

    La classe ouvrière n’accepte pas l’austérité de manière passive

    Une véritable union bancaire européenne ne peut être obtenue sous le capitalisme, et bien que nous ne puissions prédire les délais exacts, et que le processus de décomposition de l’Union européenne pourrait tirer en longueur, il est clair que de nouvelles crises peuvent faire irruption à tout moment, jusqu’à devenir si grandes dans le futur qu’elles seront impossibles à contenir.

    Ce qui est clair, est que la classe ouvrière ne va pas accepter passivement la misère qui est en train de lui être imposée.

    Dans chaque pays, les dirigeants syndicaux freinent la lutte. Il refusent encore, à cette étape, malgré l’énorme pression, d’appeler à des grèves générales de 24 heures en Espagne et au Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, le Rassemblement syndical (TUC) “discute” de cette question depuis déjà onze mois, alors qu’en France les syndicats ont finalement cédé et annoncé une journée d’actions début septembre.

    Notre camarade Faustine, de la Gauche Révolutionnaire (CIO-France), a souligné l’impressionnante impopularité de Hollande. Alors qu’il avait été élu dans l’enthousiasme après les années brutales de Sarkozy, il est à présent le président le moins populaire de toute l’histoire de la cinquième république, moins populaire même que Sarkozy ! Leila, également de France, a ajouté que chaque jour, 6 grèves sont déclarées dans ce pays, en réaction au fait que le pouvoir d’achat des travailleurs a été repoussé à son niveau de 1984.

    Ce n’est que par le développement des mouvements à partir de la base et avec une pression croissance de la part de la classe ouvrière que les syndicats seront forcés à organiser des actions. Nous jouons à ce titre un rôle très important au Royaume-Uni via le NSSN, Réseau national des délégués syndicaux (National Shop Steward Network).

    Même certains dirigeants syndicaux de gauche affichent leurs hésitations vis-à-vis de telle ou telle question. Le capitalisme exerce une incroyable pression sur eux afin de les contraindre à agir de manière “responsable” ; mais au bout du compte, ils peuvent être – et le seront – contraints par la pression de la classe ouvrière à appeler à des actions.

    Des conflits généralisés

    En outre, dans une telle période de remous sociaux, chaque lutte syndicale a le potentiel de déborder en un conflit plus généralisé, contre le système lui-même.

    En Grèce, dix-sept des syndicats les plus combatifs se sont unis pour forger un programme de lutte. En particulier le syndicat de l’électricité a articulé toute une série de revendications que nous soutenons pleinement. Mais en cette période, ce qui est décisif n’est pas un programme bien rédigé, mais l’action.

    Ce blocage ne peut être contenu pour toujours. La lutte magnifique des travailleurs afin de contrer la fermeture de la radio-télévision nationale grecque, ERT, montre comment des mouvements peuvent et vont se développer à partir de la base, malgré le fait que les travailleurs semblent de prime abord pieds et poings liés.

    En Irlande, la campagne contre la taxe des ménages (la Houshold Tax) est devenue un phare au milieu de toute la frustration accumulée contre l’austérité. L’imposition de la brutale taxe sur le nombre de chambres au Royaume-Uni (la Bedroom Tax) peut être perçu comme un catalyseur similaire pour une lutte industrielle et sociale plus large.

    Le mouvement contre les expulsions de domicile en Espagne a jusqu’à présent obtenu plus de 1000 victoires. Lorsque ce mouvement a débuté, on a vu une réponse hystérique dans les médias qui qualifiaient les manifestants de “nazis” ou de “terroristes”. Pourtant, 89 % de la population soutiennent le mouvement, plus que la cote de popularité de tous les politiciens pris ensemble!

    La haine envers les partis politiques est une expression de la conscience anticapitaliste grandissante parmi les travailleurs, bien que cela ne se traduise pas encore en un soutien conscient au socialisme. Cette tendance est sans doute la plus grande en Espagne, mais elle est en réalité un phénomène qui se produit à l’échelle continentale.

    Le cynisme vis-à-vis des politiciens corrompus et ne prêchant que l’austérité est une phase inévitable du développement de la conscience – on peut comparer ça à la coquille d’œuf qui abrite le poussin de la conscience révolutionnaire future. Nous devons comprendre ce processus et intervenir de manière adéquate et délicate en luttant pour une représentation politique indépendante de la classe ouvrière.

    Les forces populistes

    Au même moment, le vide politique peut être en partie rempli par toutes sortes de forces populistes particulières, de gauche comme de droite. En Italie, le très instable Mouvement 5 étoiles a paru surgir de nulle part, mais malgré une légère baisse de soutien depuis les dernières élections, lors desquelles son succès a complètement abasourdi la classe dirigeante, il bénéficie toujours de 18-20 % dans les sondages.

    En Belgique, le Parti du Travail de Belgique (PTB), ex-maoïste, a lui aussi tiré profit de ce processus. Au Royaume-Uni, le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), populiste de droite et nationaliste, a obtenu un score impressionnant lors des dernières élections municipales, sur base d’une campagne anti-UE, anti-immigrés.

    Il est tout à fait possible que le UKIP devienne le plus grand parti du pays (en termes de vote) au Royaume-Uni lors des élections européennes de l’année prochaine, et même qu’il se consolide en même temps que des partis tels que le Front national français ou le de la Liberté autrichien (FPÖ). Cette perspective est loin d’être certaine cependant, et dans tous ces pays, l’établissement d’un véritable parti des travailleurs peut mettre un terme à ce processus de développement de la droite populiste ou radicale.

    On voit un exemple de cela au Portugal, où le Parti communiste et le Bloc de gauche bénéficient ensemble d’un soutien de plus de 20 % dans les sondages. S’ils avaient bien voulu former un “Front uni”, comme les militant du CIO le réclament depuis longtemps, ils auraient pu proposer une véritable alternative, ensemble avec les mouvements sociaux. Ils auraient pu attirer des millions de personnes en plus avec une bannière qui aurait proclamé la prise du pouvoir et non pas simplement plus de manifestations.

    Leur échec a cependant mené à une légère reprise électorale pour le Parti socialiste, qui est maintenant de plus en plus perçu comme une alternative viable au gouvernement de droite (alors que ce parti avait été chassé du pouvoir après sa déculottée électorale magistrale d’il y a deux ans à peine, pour avoir appliqué la même politique que celle qui est en ce moment appliquée par la droite officielle).

    Le virage à droite de Syriza

    En Grèce, la question de ce que la gauche doit faire s’est posée de manière très vivante. L’appel initial de Syriza à former un gouvernement de gauche a vu son soutien croitre de manière exponentielle. Mais l’abandon de la promesse de nationalisations à grande échelle, et le refus de Syriza de soutenir le préavis de grève des enseignants (alors que 90 % avaient voté pour l’action), ont désorienté ses anciens sympathisants, et en ont même dégouté plus d’un.

    À présent une nouvelle constitution a été imposée à Syriza, créant un parti “unifié” qui interdit la double appartenance politique (alors que Syriza était au départ une coalition de différentes forces politiques) et qui rend le parti plus “sûr” pour le capitalisme. Bien que le scepticisme soit largement répandu par rapport à Syriza, notre camarade Andros, de Grèce, a expliqué comment nous utilisons notre position en tant que force indépendante pour intervenir dans diverses luttes sociales et industrielles, y compris avec la construction des comités antifascistes. Au même moment, nous cherchons à construire l’“Initiative des 1000” – lancée par les forces de gauche hors et dans Syriza – et à travailler de manière de plus en plus étroite avec ceux qui, à gauche, gravitent autour de la nécessité d’un programme de transition qui appelle à un “front uni” des partis des travailleurs, à un gouvernement de la gauche et à une politique socialiste.

    Un grand pas en avant en Espagne, et un indice du fait que les travailleurs sont prêts à soutenir des formations de gauche qui mettent en avant ne serait-ce qu’une embauche de programme de lutte, est la résurgence de Gauche unie (Izquierda Unida, IU) qui reçoit maintenant 16-17 % de soutien dans les sondages. IU appelle à la démission du gouvernement et a maintenant changé sa position par rapport à la Catalogne – alors qu’elle était opposée à l’auto-détermination, elle soutient à présent le droit des Catalans à décider eux-mêmes de leur situation nationale.

    Mais le processus ne se déroule pas de manière linéaire : certaines sections de la direction d’IU ont leurs yeux sur une éventuelle coalition avec le Parti socialiste, comme c’est d’ailleurs déjà le cas dans la région d’Andalousie. Cependant, du fait que IU est un parti fluide qui est toujours susceptible de subir une pression de sa base, il n’est pas prédéterminé à suivre un virage à droite qui aura un succès immédiat.

    Les marxistes doivent chercher à organiser les forces les plus larges possibles à gauche, y compris les mouvements sociaux et ceux qui se trouvent au sein de IU et qui opposent le “coalitionnisme” avec les forces pro-austérité telles que le Parti socialiste.

    En même temps, ici comme partout ailleurs, nous devons développer un noyau marxiste qui puisse servir de colonne vertébrale pour la gauche.

    Les attaques du Labour britannique sur le syndicat Unite

    De nouvelles possibilités s’ouvrent au Royaume-Uni dans la lutte pour la construction d’un nouveau parti des travailleurs. L’attaque sur le syndicat Unite par la direction du Labour (parti travailliste) menée par Ed Miliband – après que Unite ait demandé au parti de rendre plus de compte au syndicat en cherchant à ce que des membres du syndicat soient sélectionnés en tant que candidats pour les élections nationales – illustre pleinement la futilité de toute tentative de “réformer” le Labour.

    Miliband a appelé la police pour qu’elle mène une enquête sur le comportement de Unite (la police a répondu qu’il n’y avait pas la moindre raison d’entamer pareille enquête), et a commencé à mener campagne pour supprimer tout lien entre son parti et les syndicats. Cela a fait scandale parmi les syndicalistes. Certains dirigeants syndicaux de droite vont maintenant jusqu’à soulever la question de savoir comment leurs membres pourront encore accepter de cotiser pour leur carte de parti au Labour.

    La section Unite de la région Nord-Ouest a maintenant, à la suite d’une initiative de la part de nos camarades, appelé le syndicat à se désaffilier du Labour – un pas en apparence petit mais potentiellement historique en vue de la formation d’un nouveau parti des travailleurs, travail déjà débuté par nos membres en collaboration avec le syndicat du rail RMT, qui a mené à la création de la Coalition syndicale et socialiste (TUSC).

    Une crise prolongée

    C’est Tony Saunois, dirigeant du Secrétariat international du CIO, qui a conclu la discussion. Cette crise est d’une nature prolongée, et cela est essentiellement le résultat de la capitulation des anciens partis ouvriers face au marché, ce qui a laissé la classe ouvrière dépourvue d’organisations politiques combatives.

    À ce stade, le rythme des évènements est différent dans le nord ou dans le sud de l’Europe. Bien que la classe dirigeante fera tout pour surmonter la crise, et pourrait même bénéficier de périodes de pause temporaire dans la lutte de classe, ces pauses ne seront que de brève durée et ne seront pas basées sur la moindre reprise réelle, ni sur aucune fondation solide.

    Des millions de vies ont été brisées partout en Europe au cours des cinq dernières années. Étant donné la gravité de la crise, les travailleurs ont été frustrés du fait que les évènements ne se soient pas développés plus rapidement. Cela vient avant tout des trahisons historiques des soi-disant dirigeants officiels du mouvement ouvrier, dans tous les pays. Aucun nouveau parti de masse de la classe ouvrière n’est né depuis, ou n’a paru capable de s’opposer à l’austérité néolibérale tout en articulant un programme socialiste qui montre la voie hors de cette crise étouffante.

    Mais la capacité de la classe ouvrière à lutter, à tirer derrière elle la classe moyenne et les légions de jeunes désœuvrés et d’autres, a été démontrée sans que ne subsiste le moindre doute à cet égard – et particulièrement en Grèce, où on a cherché à repousser les forces du néolibéralisme avec une grève générale après l’autre.

    La montée de l’extrême-droite, et même l’émergence d’organisations ouvertement néo-fascistes en tant que menaces réelles dans des pays comme la Hongrie ou la Grèce, devrait nous rappeler que dans les périodes de crise massive, les graines de la contre-révolution peuvent germer dès le moment où le mouvement ouvrier ne parvient pas à offrir une alternative.

    Aube dorée est l’expression du désespoir. Bien que son noyau soit bel et bien néofasciste, de nombreuses autres personnes peuvent être tirées hors de ses rangs ou dissuadées d’y entrer pour peu que nous parvenions à offrir une alternative socialiste à la Grèce.

    Des leçons sont tirées

    Des leçons profondes sont en train d’être emmagasinées par les travailleurs et les jeunes, au fur et à mesure que sous la surface, la conscience change. D’importants nombres de travailleurs commencent à comprendre le fait que le capitalisme ne peut mener qu’à l’austérité, et que par conséquent un changement fondamental est nécessaire dans la manière dont la société elle-même est organisée – une transformation socialiste.

    Nous devons nous préparer pour ces développements explosifs qui aujourd’hui semblent être encore loin de la surface, mais qui demain feront irruption partout à la fois. Nous devons nous apprêter pour de nouvelles vagues de lutte de masse, y compris des grèves et sans doute des occupations d’usines et d’entreprises.

    Nous pouvons contribuer à pousser l’histoire pour qu’elle aille plus vite. Notre tâche est d’accélérer ce développement moléculaire grâce à nos interventions dans tous les pays. Nous devons habilement développer notre programme, nos tactiques et nos revendications, afin d’atteindre la classe ouvrière qui a démontré à de nombreuses reprises déjà sa volonté de lutte.

  • École d'été du CIO : La crise capitaliste mondiale et la lutte de classe

    ‘‘Nous nous tenons au seuil de grandes convulsions, les plus grandes de l’histoire mondiale, les puissants mouvements auxquels nous assistons ne sont que les précurseurs.’’ Voilà comment Peter Taaffe (membre du Secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière, CIO) a décrit la situation internationale actuelle lors de l’édition 2013 de l’école d’été du CIO au cours de la session plénière intitulée “Le monde capitaliste dans la tourmente – la crise et la lutte de classe aujourd’hui”. Les “puissants mouvements” dont il parlait sont les énormes mouvements de masse en Turquie, au Brésil, en Égypte et en Afrique du Sud qui se sont produits au cours de l’année écoulée et qui ont démontré la puissance colossale des masses une fois qu’elles partent en action. Ces mouvements ont pris le relais des manifestations contre l’austérité qui ont enflammé l’Europe ces dernières années.

    Kevin Parslow, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Les occupations massives des places en Turquie ont été suivies par une action de masse de la part de la classe ouvrière. Des millions de personnes se sont mobilisées en Égypte pour le renversement du président Morsi, bien plus qu’au cours du déclenchement de la révolution il y a deux ans, bien que l’absence d’une direction indépendante de la classe des travailleurs ait aidé les chefs de l’armée à se saisir de cette occasion pour se réinstaller au pouvoir. La lutte entre les forces de la révolution et de la contre-révolution n’est toutefois pas terminée. Au Brésil, les manifestations de masse qui ont débuté en tant que protestation contre la hausse du prix des transports publics ont fait descendre la population de 120 villes dans la rue. À un moment, plus d’un million de personnes étaient dans les rues. Ils ont forcé le gouvernement à reconnaitre les immenses problèmes sociaux qui ravagent le pays.

    Dans le passé, de tels mouvements en Amérique latine auraient pu conduire à des idées de “guérilla”, mais l’Amérique du Sud est aujourd’hui le continent qui a la plus grande urbanisation : 84 % de sa population vit en ville. La classe ouvrière et les pauvres des villes constituent l’écrasante majorité de la population et guident les mouvements de masse, bien que ces mouvements aient également leurs répercussions dans les zones rurales. Ce sont ces énormes changements qui sont en train de préparer les forces de la révolution partout dans le monde.

    Ces évènements – avidement suivis via les médias de masse et les médias sociaux par les travailleurs du monde entier – démontrent aussi la manière dont chaque pays du monde est actuellement connecté aux autres comme par des câbles d’acier. Les évènements se produisant dans un pays, sur un continent ou dans une région exercent un effet hypnotique sur la manière dont les masses laborieuses conçoivent le monde. De la sorte, ils renforcent la nécessité de l’internationalisme, principe sur lequel est basé le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et sur lequel il va croître.

    L’essence du marxisme est de généraliser les expériences de la classe ouvrière et d’en tirer les leçons pour le mouvement des travailleurs, et dans notre cas surtout pour l’intervention du CIO, afin de servir de guide pour nos actions aujourd’hui comme à l’avenir. Sans une large compréhension des perspectives, nous serions comme un capitaine de navire sans boussole au milieu d’un océan déchainé.

    Nous ne pouvons pas analyser les évènements de manière pragmatique et empirique. Les marxistes doivent approcher la “réalité” d’une manière qui englobe tous les points de vue, qui considèrent une chose sous l’ensemble de ses facettes et nous pas sous un seul angle de vue. Sans cela, nous ne pouvons pas nous préparer pour le moment où les évènements prendront soudainement un tout autre tour et revêtiront leur forme la plus importante : celle de la révolution.

    Peter Taaffe a expliqué le fait que c’est notre méthode qui a permis au CIO de prévoir cette situation où le gouvernement de l’African Nntional Congress (ANC) en Afrique du Sud allait inévitablement ouvrir le feu sur les travailleurs. Le massacre de Marikana l’an dernier et les protestations et grèves de masse qui ont suivi ont totalement changé la situation dans le pays. De même que nous avions annoncé l’arrivée de mobilisations de masse et le renversement de Moubarak en Égypte, nous avions également anticipé le développement d’une nouvelle phase de la révolution, car nous avons une compréhension des lois de la révolution. Ce sont les masses qui font la révolution ; leur mécontentement envers les Frères musulmans les a fait redescendre dans les rues pour se débarrasser d’eux.

    Le caractère de la période actuelle

    Nos conclusions sont basées non pas sur nos sentiments, mais sur la compréhension du caractère de la période actuelle, qui est marquée par la crise économique la plus dévastatrice jamais rencontrée, qui entre à présent dans sa cinquième ou sixième année. Nous vivons dans une société capitaliste où un quart de la jeunesse mondiale est sans travail, sans formation, sans expérience.

    C’est cette situation économique désespérée qui a donné l’impulsion initiale à la révolution en Égypte. Plus de 1.500 usines ont fermé depuis le début de la révolution en 2011. La moitié des 80 millions d’Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté ou en sont proches. Un journal, le jour où Morsi a été dégagé, titrait : ‘‘C’était une révolution de la faim.’’

    Cependant, Peter Taaffe a prévenu du fait que le renversement de Morsi par l’armée – même si cela peut apparaitre au départ comme se faisant au nom de larges sections du mouvement de masse, en particulier des libéraux – représente un danger potentiel pour la classe ouvrière. Les travailleurs égyptiens ont révélé leur appétit phénoménal pour la lutte et pour l’organisation. Notre camarade David Johnson a ainsi expliqué dans la discussion que les syndicats indépendants sont passés en deux ans de 50.000 membres à 2,5 millions. Toutefois, un des dirigeants de ces syndicats a rejoint le cabinet dirigé par l’armée après le renversement de Morsi ! Le mouvement qui a renversé Morsi et les Frères musulmans avait derrière lui des figures de l’ombre des institutions d’Etat et du régime de l’ancien dictateur Moubarak.

    La déchéance de Morsi et des Frères musulmans a forcé les puissances régionales du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à se repositionner. Leur attitude est guidée par la nécessité de trouver la première proposition semblant être la meilleure à même de servir la contre-révolution contre le mouvement révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Les intérêts de ces puissances sont à présent en train de se polariser et de menacer les masses de la région, comme on le voit avec la sanglante guerre civile en Syrie.

    L’armée égyptienne n’est pas en train de jouer le rôle de l’armée portugaise dans la révolution de 1974 au Portugal, la révolution des Œillets. Les soldats qui composaient cette armée avaient été radicalisés par les guerres d’indépendance néocoloniales. L’armée égyptienne, comme toutes les armées capitalistes, est là pour, en dernier recours, protéger la propriété privée et elle possède elle-même des parts très importantes de l’économie nationale, à l’instar de l’armée pakistanaise.

    Le résultat le plus probable des évènements qui se déroulent en ce moment en Égypte est que les Frères musulmans et leurs collègues dans le reste de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient vont être très affaiblis. Cela aura des conséquences en Tunisie, où le gouvernement Ennahda a lui-même beaucoup de problèmes à se maintenir au pouvoir. Après l’assassinat de Chokri Belaïd, un mouvement de grève générale a éclaté et près d’un million et demi de personnes sont descendues dans les rues du pays (qui comprend 11 millions d’habitants). [Depuis lors, un autre dirigeant de l’opposition de gauche, Mohamed Brahmi, a été assassiné et de nouvelles mobilisations de masse ont éclaté, NDLR]

    Nous devons toujours insister sur la nécessité de l’indépendance de la classe ouvrière et de ses organisations par rapport à toutes les forces pro-capitalistes, et lutter pour la création de formes de lutte ouvrière indépendantes.

    Des explosions sociales

    Ce n’est pas toujours une crise économique qui provoque le mouvement de masse. Le Brésil comme la Turquie ont connu une croissance économique ces dernières années. Mais les fruits de la croissance n’ont pas été équitablement distribués.

    C’est ce facteur qui a été à la base des explosions sociales qui se sont produites dans ces deux pays. On y a vu non seulement des manifestations, mais également des occupations de places, des assemblées, etc. Nos camarades brésiliens se sont fortement investis dans cette lutte tout au long de cette déferlante politique et sociale. Contrairement à l’Europe, ce n’est pas une austérité étouffante qui a provoqué ces évènements révolutionnaires. L’importante croissance économique a renforcé le pouvoir de la classe ouvrière et des masses, qui ont révélé leur pleine puissance au cours de ces mouvements.

    Avec l’intensification mondiale de la lutte de classe, l’État capitaliste a dû recourir à des mesures de guerre civile contre les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière et des pauvres.

    C’est de cela qu’a voulu nous avertir Edward Snowden grâce à ses révélations ; une surveillance massive est en train d’être mise en place contre la population et ses organisations, et des espions de la police sont implantés dans les mouvements et organisations ouvrières et anticapitalistes.

    Bien que ces mesures sont antidémocratiques, les capitalistes ne peuvent pas établir aujourd’hui un État policier, à cause de l’opposition qu’une telle tentative de leur part susciterait. Mais la croissance des néofascistes d’Aube Dorée en Grèce illustre le danger qui fait face à la classe ouvrière à moyen et long termes. Les travailleurs doivent tout faire pour se battre contre les tentatives qui sont faites de grignoter ou d’attaquer leurs droits démocratiques et civiques, notamment contre les lois antisyndicales.

    Tous ces développements ont suscité une large désillusion vis-à-vis du président Obama, qui a révélé qu’il est tout aussi antidémocratique et répressif que l’était George W Bush. Son impopularité est accrue par l’absence de la moindre amélioration des conditions de vie des travailleurs aux États-Unis. La récente faillite de la ville de Detroit illustre bien la profondeur de la crise.

    Au niveau international, l’“assouplissement quantitatif” (le fait d’imprimer de l’argent) a eu l’effet de stabiliser la situation économique, jusqu’à un certain niveau. Mais, comme notre camarade Robin d’Angleterre l’a expliqué, cela a conduit à plus de spéculations, et de nouvelles “bulles” financières sont en train de gonfler à nouveau, qui pourraient éclater dans un futur proche.

    Peter Taaffe a expliqué que la faible reprise de la position économique dans certains pays, la petite pause dans la lutte de classe et la réussite de la classe capitaliste à imposer ses mesures d’austérité malgré tout ont soulevé les questions : ‘‘Avons-nous trouvé la sortie ?’’ et ‘‘Le capitalisme serait-il parvenu à trouver un nouvel équilibre économique ?’’ Ce sont là les espoirs des capitalistes du monde entier.

    Les marxistes ont toujours répété qu’il n’y a pas de “crise finale du capitalisme” : le capitalisme ne disparaitra que lorsque la classe ouvrière prendra le pouvoir. Mais si la classe ouvrière, à cause de la faiblesse ou de l’absence de sa direction, ne parvenait pas à prendre le pouvoir, on ne pourrait alors exclure une nouvelle phase de croissance pour le capitalisme dans le futur. Mais cela n’est clairement pas notre perspective à court terme.

    Cela, les théoriciens du capitalisme sont forcés de l’admettre. Ils n’ont en réalité absolument aucune idée de la manière dont ils parviendront à se sortir de l’impasse dans laquelle est entrée leur système.

    Dans toutes les grandes économies du monde, il y a peu ou pas de croissance. Et maintenant que l’économie chinoise commence à ralentir, cela aura un effet très profond en Chine – où la révolution sera à l’ordre du jour – comme dans le reste du monde, dans tous les pays qui soit fournissent des capitaux à la Chine (comme l’Allemagne), soit lui fournissent des matières premières, comme l’ont bien répété les camarades d’Australie et du Canada dont les pays ont récemment profité de la croissance chinoise, mais pour combien de temps encore ? Le camarade Raheem du Nigeria a quant à lui montré que les bénéfices tirés de la vente de matières premières, comme le pétrole nigérian, sont extrêmement mal redistribués : à peine 1 % de la population possède 80 % de la richesse de l’ensemble du pays, où70 % de la population vit dans la pauvreté !

    Une économie “Frankenstein”

    Le camarade Zhang de Chine a décrit la montagne de dettes qui accable la Chine et son économie comme étant similaire au monstre de “Frankenstein” – énorme, monstrueuse et hors de contrôle ! Peter a montré que les travailleurs chinois commencent à bouger, avec des grèves, des manifestations, et même l’emprisonnement d’un patron qui voulait fermer son usine sans payer d’indemnités de licenciements à ses travailleurs !

    La révolution ne survient pas de manière automatique à un moment du ralentissement ou de la croissance, mais au passe d’une période à une autre. Le consensus parmi les économistes capitalistes est que nous sommes maintenant dans une “dépression”. Vu l’ampleur de l’austérité et les tentatives de convaincre la classe ouvrière de inéluctabilité d’une période sans croissance, de nouvelles attaques pourraient décourager la lutte.

    Mais il y a une réelle perspective d’un approfondissement de la crise. La “reprise” aux États-Unis est la plus faible depuis la Seconde Guerre mondiale. Et les dettes colossales des banques du monde entier sont toujours là. Tant que nous sommes sous le capitalisme, il y aura un chômage de masse permanent ou semi-permanent.

    Le Japon a tenté une “opération croissance” récemment, mais qui s’essouffle déjà. La dévaluation de sa monnaie par le Japon pose le problème d’une guerre des devises ; le protectionnisme, dont la dernière illustration est le conflit entre l’Europe et la Chine sur la question de l’importation de panneaux solaires, a lui aussi le vent en poupe.

    Une question centrale du point de vue du capitalisme est qu’il n’y a pas de “marché”. C’est la conséquence du contrecoup massif de la dette, et de l’arrivée de la déflation.

    Le magazine The Economist commentait : ‘‘D’ici 2020, il y aura 900.000 milliards de dollars d’actifs financiers dans le monde, comparé à 90.000 milliards de dollars de PIB mondial. Le résultat de tout ceci sera une économie mondiale inondée de manière structurelle par des capitaux et du même coup, un manque d’autant plus grand de créneaux dans lesquels investir.’’

    C’est là l’explication de la vague de privatisations mondiale : les capitalistes cherchent à faire des profits sur le dos d’anciens services ou industries étatiques. Cela va produire une catastrophe sociale. Mais les capitalistes espèrent ainsi trouver un débouché à tous les capitaux qu’ils ont accumulés, ce qui inclut près de 2000 milliards de dollars détenus par des banques américaines qui ne paient aucune taxe.

    Peter a conclu en disant que nous sommes dans une période de longue crise prolongée. Cette crise va à son tour mener à une intensification des conflits entre puissances capitalistes pour la domination du globe, surtout au Moyen-Orient, en Asie-Pacifique, et en Afrique.

    Des vagues de mouvements révolutionnaires radicalisés

    Au cours de cette nouvelle période, nous allons voir vague après vague de mouvements révolutionnaires radicalisés. Des dizaines de milliers de travailleurs avancés et des millions de gens issus des masses sont en train de méditer et d’apprendre les leçons du Brésil, de la Turquie, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.

    Cependant, leur compréhension politique est toujours à un point historiquement bas, en raison de toute une série de facteurs, y compris les effets rémanents de l’effondrement du stalinisme et la rapide plongée dans la crise qui a stupéfait la classe ouvrière. La camarade Didi du Brésil a expliqué la manière dont les dirigeants ouvriers ont aidé à semer la confusion : en 1992, ils avaient dirigé des mouvements contre le gouvernement, ce qui avait mené à sa chute, mais cette année, ils n’ont fait que semer la confusion à cause du manque de direction. Mais les capitalistes eux-mêmes comprennent le caractère de cette crise, et certains d’entre eux sont très clairs sur le fait qu’ils craignent une révolution, et en particulier une révolution socialiste.

    Ils vont tout faire pour détourner les mouvements ou les empêcher de prendre un tour révolutionnaire. Le camarade Robert Bechert du Secrétariat international, dans sa conclusion de la discussion, a commenté le fait que certains “experts” comparent ces mouvements aux mouvements révolutionnaires de 1848 ou de 1968, mais font tous les efforts possibles pour éviter toute comparaison avec 1917 et avec la période révolutionnaire qui a suivi la Première Guerre mondiale ! Les mouvements de masse de l’année passée étaient il est vrai impressionnants, mais les marxistes ne doivent pas se laisser “intoxiquer” par les premiers succès, mais juger sobrement quel programme et quelle stratégie sont nécessaires afin de garantir le fait que la classe ouvrière et les pauvres pourront atteindre leurs objectifs.

    Peter a dit que les capitalistes n’ont pas tenu compte des marxistes, mais qu’une petite poignée de marxistes dans un pays comme l’Afrique du Sud est parfois tout ce qu’il faut pour déclencher une transformation de masse.

    Il y a du scepticisme et de l’opposition de la part de la nouvelle génération à l’idée de “partis” en général, qui sont identifiés aux partis pro-capitalistes, à leur politique et à leur énorme corruption. Les camarades Andros de Grèce, et Kevin d’Irlande ont expliqué à quel point les travailleurs veulent se battre contre l’austérité, mais en même temps sont toujours ahuris par la période précédente et par leur faible niveau de compréhension, ce qui agit partiellement comme un frein à l’idée de la lutte.

    Andros en particulier, a montré qu’il y a eu des explosions sociales très importantes en Grèce, mais que le manque de direction ne nous a jusqu’ici infligé que des défaites dans la bataille contre l’austérité. La direction de Syriza (la coalition de gauche radicale qui a failli remporter les élections l’année passée) est en train de virer très à droite. Mais il est possible que de nouveaux dirigeants, y compris des marxistes, se voient propulsés à l’avant de la scène par le mouvement au cours de la période à venir.

    Les dernières remarques de Peter ont fait état de la volatilité de la situation politique, qui a suscité de nouvelles campagnes et organisations, comme le mouvement Occupy, les Indignados en Espagne, le mouvement Cinq Étoiles en Italie,… Dès que les masses voient un instrument pour se battre pour leurs propres intérêts – surtout à une échelle de masse – et qui est incorruptible, elles accourent se ranger sous sa bannière. Dans quelques années, en regardant en arrière, il aura été clair que l’impasse actuelle n’aura été qu’une phase transitoire.

    De nouvelles formations de masses vont inévitablement apparaitre, étant donné le chemin qui reste à parcourir à la classe ouvrière. Ces formations mèneront à la création de partis révolutionnaires de masse.

    Nos tâches à présent sont de construire le Comité pour une Internationale Ouvrière et de nous préparer tous ensemble, avec la classe ouvrière, à jeter les fondations de nouveaux partis révolutionnaires de masse et d’une Internationale de masse.

  • Ecole d'été du CIO : Le globe tout entier frappé par l'instabilité et la crise

    Existe-t-il encore aujourd’hui un pays à travers le monde qui est épargné par l’instabilité et la crise économique ? La crise capitaliste actuelle est réellement globale, et les troubles économiques se combinent à une crise sociale et politique. Tout récemment, de nombreux commentateurs capitalistes ont reconnu que nous sommes entrés en dépression. Il ne s’agit pas à ce stade d’une dépression comparable à celle qui a frappé les années ’30, mais la stagnation des forces productives est bien réelle. L’économie de bulles spéculatives basée sur une accumulation de dettes a littéralement explosé et a entraîné dans sa chute l’ensemble de l’économie mondiale. L’Italie, par exemple, produit maintenant 5% de moins qu’avant 2007, et il s’agit carrément de 16% de moins dans le cas de la Grèce.

    Rapport de la discussion portant sur les perspectives internationales et l’économie mondiale de l’école d’été 2012 du Comité pour une Internationale Ouvrière

    A la chute du Mur, nous avons subi toute une propagande centrée sur l’arrivée d’un nouvel ordre mondial stable basé sur la domination des USA et la victoire d’un capitalisme capable d’assurer une prospérité pour chacun. Rien n’est plus éloigné de cette illusion que la situation mondiale actuelle, à peine plus de vingt ans après.

    Où est la stabilité irakienne ou afghane promise avant l’intervention impérialiste ? La politique de l’impérialisme en Afghanistan est un échec flagrant. La corruption est aussi monumentale que l’instabilité, alors que le conflit déborde des frontières jusqu’au Pakistan voisin. En Irak également, la situation reste très instable et peut rapidement évoluer vers une guerre civile, particulièrement concernant la région kurde où le gouvernement régional conclut des accords de vente du pétrole sans passer par le gouvernement national comme il le devrait. Toute l’idée selon laquelle les USA étaient devenus les ”gendarmes du monde”, une idée qui a même touché une certaine partie de la gauche, a dorénavant disparu. Totalement.

    Où est l’avenir radieux auquel était censé conduire la constitution de la zone euro ? Même entre grandes puissances, les rivalités sont en plein essors, notamment entre les États-Unis, la Chine et la Russie. Ainsi, le président Obama vient d’annoncer que les forces armées américaines dans le Pacifique allaient être renforcées, ce qui exprime les inquiétudes de l’impérialisme américain face à la montée de la Chine.

    Cette situation de rivalités croissantes peut encore se constater avec l’échec du sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce à Doha, ou avec la faillite du sommet de Rio, 20 ans après le premier sommet, sur la question de l’environnement. N’est sorti de ce sommet qu’une liste de déclarations de bonnes intentions qui ne seront aucunement suivies d’actes concrets. En fait, aucune région au monde n’est exempte de problèmes d’instabilité et de crise pour l’impérialisme. En Afrique du Nord et au Moyen Orient, ce sont les luttes de masse qui constituent un problème, mais la remontée des luttes est partout significative.

    Il y a encore la question de l’Iran et des possibilités d’une attaque contre ce pays. De nombreux stratèges et commentateurs sont convaincus que cela constituerait un véritable désastre pour les Etats-Unis et Israël en terme de déstabilisation de la région toute entière. Les répercussions internationales seraient catastrophiques. Il n’est toutefois pas impossible que le gouvernement israélien se lance dans de telles attaques, notamment afin de compenser la situation de faiblesse du gouvernement Netanyahou au sein même de l’Etat d’Israël.

    2011 est l’année qui a connu le plus de guerres depuis la fin de la seconde guerre mondiale : une vingtaine de guerres civiles ou entre Etats, en plus de 18 conflits décrits comme particulièrement violents. Parallèlement, les dépenses militaires ont continué de croître de façon importante. L’an dernier, les dépenses militaires ont augmenté de 60% à travers le monde par rapport à l’année précédente. Parmi les pays qui dépensent le plus en budget militaire, il y a l’Arabie Saoudite (en 8e position, avant l’Allemagne par exemple). Cela est révélateur du poids que prends ce pays dans la région, comme cela a pu être vu au Bahreïn, mais aussi dans le rôle joué par l’Arabie Saoudite avec d’autres pays comme le Quatar dans le conflit libyen à l’époque et aujourd’hui en Syrie.

    De gigantesques frustrations s’accumulent face au scandale de la gestion des affaires publiques. Au Japon, de récents rapports font états de conspirations entre le gouvernement japonais et les grandes entreprises énergétiques destinées à masquer le danger du nucléaire, avant et après la catastrophe de Fukushima tandis que le gouvernement a décidé de relancer en activité des centrales fermées depuis la catastrophe. L’emprise de la dictature des marchés et de son impact sur nos vies – en termes d’emploi, de salaires, de destruction de l’environnement,… – sont rejetés par des masses sans cesse plus nombreuses. Le marché financier n’est pas simplement un ensemble d’opérateurs, il s’agit d’un ramassis de spéculateurs assoiffés de profits, et cette réalité éclate au grand jour à mesure que des millions de personnes à travers le monde voient leur niveau de vie baisser malgré les sacrifices qu’ils ont dû avaler des années durant.

    En conséquence, les politiciens capitalistes perdent de leur légitimité et nombreux sont les gouvernements qui n’ont pas survécu à la crise. En France, quelques semaines seulement après que Sarkozy ait perdu les présidentielles, on a vu des policiers débarquer chez lui dans le cadre d’enquêtes sur des affaires de corruptions. En Angleterre, on a vu éclater le scandale de Murdoch, qui a dévoilé les collusions entretenues entre ce groupe de presse, les politiciens, la police,… Mais au-delà de la corruption et des ”petites affaires”, c’est la politique d’austérité adoptée par les gouvernements capitalistes qui est massivement rejetée et qui conduit à des mouvements de masse. Aux USA, dans l’antre de la bête, nous avons vu se développer la Bataille du Wisconsin contre le gouverneur Scott Walker et ses attaques antisyndicales, puis le mouvement Occupy.

    Quelle voie de sortie ?

    Si le capitalisme était capable de garantir la croissance économique et un certain partage des richesses vers la classe ouvrière, même limité, il serait alors possible de connaître une relative période de stabilité. Mais ce n’est très clairement pas le cas aujourd’hui, aucune économie capitaliste n’ayant durablement réussi à se stabiliser après le crash de 2007. L’Europe est en pleine récession, mais l’économie chinoise commence elle aussi à s’essouffler, ce qui aura d’importantes répercussions sur les économies malaisienne, brésilienne, australienne,… qui dépendent fortement de leurs exportations à destination de la Chine. Ces dernières années, un processus de désindustrialisation a eu lieu au Brésil, qui a mis l’accent sur l’extraction de matières premières et l’achat de produits finis chinois. Cela illustre la dépendance de ce pays, et il n’est pas le seul, par rapport à la Chine.

    Ce pays joue aujourd’hui un rôle clé dans l’économie mondiale. Avant la crise, sa croissance économique tournait autour des 10%. La Chine finançait la dette américaine. La demande en matières premières constituait une énorme source d’investissement pour les pays exportateurs tels que la Chine. Au plus fort de la crise, le régime a lancé un énorme plan de stimulus correspondant à 12% du PIB chinois, avec un certain nombre de projets dans l’infrastructure. La taille et la rapidité de ce paquet de stimulus illustre le rôle de l’Etat chinois dans cette économie hybride. L’Etat continue à jouer un grand rôle dans l’économie chinoise, et l’a d’ailleurs renforcé au cours de la dernière période. Mais maintenant, les perspectives de croissance tombent sous les 8%. Il se pourrait bien que le ralentissement économique soit bien plus profond, comme semblent l’indiquer les données concernant la consommation d’électricité dans le pays, en chute libre pour la première fois (7% de moins en 2011 par rapport à 2010). De plus, la Chine a des liens très forts avec la zone euro, et n’est pas immunisée aux répercussions de la crise de cette zone. L’an dernier, les échanges entre la Chine et l’Union Européenne ont été les plus élevés jamais connus. La Chine est déjà aux prises avec une crise de surproduction, particulièrement dans le secteur de l’acier. Les stocks s’accumulent dans les entreprises, car il n’est pas possible de tout écouler. Le FMI a rapporté qu’il est possible que la croissance ne soit que de 4 à 5% pour cette année.

    Quelques commentateurs bourgeois s’imaginent régulièrement avoir trouvé un miracle économique. On entend ainsi parler de l’Australie ou du Canada. Mais la prospérité de ces pays est très fragile car avant tout basée sur l’augmentation des prix des matières premières destinées à l’exportation. De plus, aucun de ces pays ne peut se vanter d’avoir pu faire profiter sa population du revenu des richesses naturelles.

    Le développement d’un chômage de masse historique est un véritable scandale alors que les entreprises accumulent de gigantesques montagnes de liquidités qu’ils refusent d’investir. Ainsi, environ 5.000 milliards de dollars dorment sur les comptes des USA et d’Europe. Les capitalistes refusent d’investir cet argent de peur de ne pas avoir suffisamment de retours sur investissements.

    C’est cette peur des capitalistes de ne pas trouver assez de profits dans les investissements dans la production qui a ouvert la voie à ce que ce capital soit disponible pour le secteur financier. Ce secteur s’est développé de façon absolument extraordinaire après les années ’70. En fait, depuis les années ’80, le principal élément de croissance économique a été la croissance du crédit. La classe capitaliste a reporté son problème de surproduction, elle est incapable pas mettre en avant une solution claire afin de sortir de la crise. Il n’existe toutefois pas de crise finale du capitalisme. Les vautours capitalistes seront toujours capables de retrouver les moyens de rebondir, quelque puisse en être le prix pour la population, à moins que la classe ouvrière ne trouve les moyens de renverser ce système pourri. Cependant, le mouvement ouvrier est lui aussi aux prises avec une crise très importante, celle de sa direction.

    Aux USA, la politique de stimulants économiques a représenté quelque 6% du Produit Intérieur Brut américain. L’économie américaine a connu une faible relance. Depuis lors, un certain nombre de mesures de stimulants du président Obama ont été bloquées par le Congrès, actuellement dominé par les Républicains. Les chiffres de croissance d’emplois parlent de 80.000 emplois créés en juin, un déclin remarquable vis-à-vis des années précédentes, ce qui reflète les faiblesses de la politique de croissance d’Obama.

    En Europe également, dans un premier temps, les gouvernements capitalistes ont engagé de grandes sommes dans des politiques de stimulus, mais cela est fini. Pour adoucir l’impact de l’austérité, les capitalistes ont notamment recouru à l’assouplissement quantitatif, les banques centrales faisant l’acquisition d’actifs tels que diverses dettes. Il s’agit dans les faits de faire tourner la planche à billets, ce que nous appelons du keynésianisme pour les riches : une intervention de l’Etat dans l’économie uniquement à destination des plus aisés.

    Certains dirigeants capitalistes parlent dorénavant de la nécessité d’une politique de croissance à côté de l’austérité. Il y a deux manières de considérer cette politique de croissance : soit en soutenant les patrons (avec des subsides, des attaques sur les droits syndicaux,…), soit avec la voie keynésienne classique, avec une augmentation des dépenses publiques pour relancer la demande avec les salaires, l’emploi,… ce qui nécessite d’accepter pour un temps l’augmentation des dettes publiques. Mais la classe capitaliste s’y oppose résolument, surtout les marchés financiers.

    En France, ne nouveau président François Hollande propose certaines mesures qui s’inspirent d’un keynésianisme très limité, avec une légère augmentation du SMIC ou des taxes sur les riches. La levée de boucliers chez les capitalistes a été immédiate, avec des menaces d’une grève du capital ou d’une fuite de capitaux. Jusqu’à quel point est-il possible d’aller dans cette direction ? Nous rejetons l’idée que le keynésianisme ou d’autres mesures soient capables de stabiliser le capitalisme. C’est d’ailleurs tout autant impossible de garantir une augmentation des conditions de vie à plus long terme sur base de politiques keynésiennes. Cela n’exclut toutefois pas qu’un Etat puisse avoir un certain effet avec de telles politiques durant une période donnée. Cela dépend en premier lieu du mouvement ouvrier et de sa capacité à instaurer un rapport de force qui lui soit favorable. Particulièrement dans des périodes révolutionnaires, on a déjà constaté que la classe dirigeante est capable de prendre certaines mesures qu’elle aurait refusées auparavant en tant que concession pour s’accrocher au pouvoir.

    Ce que nous proposons, c’est un programme massif d’investissements publics et de travaux publics. Mais pour être effectives, conséquentes et durables, ces mesures doivent être liées à la question du contrôle des secteurs clés de l’économie (finance, énergie, sidérurgie, transport,…) et à leur nationalisation sous le contrôle démocratique des travailleurs. La marge de manœuvre dont peuvent disposer des politiques keynésiennes est très restreinte dans le système capitaliste. Le système se heurte rapidement à ses limites, et il nous faut le dépasser.

    Les masses contre attaquent

    Les mobilisations de masses frappent les quatre coins du globe. En Chine, les protestations sociales se comptent par dizaines de milliers, et sont mieux organisées, plus de nature à constituer des exemples pour d’autres mouvements. La classe ouvrière chinoise commence à rentrer sérieusement en action. Le premier juillet, une manifestation a réuni 400.000 personnes dans les rues de Hong Kong. Le New York Times a récemment expliqué à quel point le régime de Pékin prend de très nombreuses mesures pour se prémunir de mouvements sociaux de grande ampleur. Le régime dépenserait 100 milliards de dollars uniquement pour sa sécurité intérieure. Une aile du régime tente d’ailleurs d’instrumentaliser ces luttes sociales dans le cadre de sa lutte pour le pouvoir. Les divisions ouvertes au sein de l’élite du régime sont également une caractéristique de cette époque.

    Aux USA, Obama a cherché à ne pas fondamentalement affronter la classe ouvrière. Il s’est toutefois bien gardé d’apporter son soutien aux luttes du Wisconsin en février-mars 2011 par exemple. Dans cette bataille, qui a préfiguré le large mouvement Occupy, la question de la grève générale a été mise au devant de l’agenda, mais les directions syndicales inféodées au parti démocrate ont tout fait pour dévier le combat vers une procédure de rappel du gouverneur, que Walker a failli perdre. Les illusions envers Obama s’effondrent. Sa victoire aux prochaines élections présidentielle permettrait que sa politique puisse être testée jusqu’au bout, et ainsi clairement démasquée aux yeux des masses. Dans le cas contraire, le parti démocrate aurait encore une marge de manœuvre relative pour essayer de se profiler comme étant plus à gauche.

    En Israël / Palestine, le régime israélien n’a pas bougé d’un pouce sur ses positions malgré les nombreuses concessions d’Abbas et de l’autorité palestinienne. Les possibilités d’une nouvelle Intifada et de protestations de masses grandissent dans la région. Mais même en Israël, nous avons vu se développer des protestations sociales de masse tout à fait historiques.

    En Tunisie et en Egypte, la classe ouvrière a joué un grand rôle dans la chute des dictateurs. Hélas, en général, le mouvement ouvrier n’a pas joué de rôle indépendant dans les protestations de masse d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. En Libye, par exemple, le mouvement avait un caractère populaire mais s’est rapidement développé sur des bases nationalistes et tribales. Nous n’avons jamais soutenu le régime de Kadhafi, mais nous avions cependant clairement prévenu que l’intervention impérialiste ne résoudrait rien. Différentes forces se combattent, critiquent la manière dont les élections ont été organisées et n’accepteront pas le résultat. La réalité est que les diverses régions du pays sont contrôlées par des seigneurs de guerre locaux qui veulent accroître leur pouvoir.

    En Syrie, la survie même du régime de Bachar El Assad est posée. Une intervention similaire à l’opération libyenne est toutefois impossible pour l’impérialisme, en raison des forces armées du pays, de sa taille,… Par contre, différents pays soutiennent les forces d’opposition syriennes, mais il s’agit d’une opposition basée sur le maintien du système capitaliste. Parler du mouvement ouvrier aujourd’hui dans le cas de ces pays peut sembler assez lointain, mais une couche de travailleurs et de jeunes va tirer la conclusion que seule la classe ouvrière organisée peut sortir le pays de la crise.

    En Egypte, le régime a été capable de sacrifier Moubarak pour se sauvegarder. Les élections présidentielles ont opposé dans le second tour le candidat Morsi, des Frères Musulmans, et Chafiq, général et ancien premier ministre de Moubarak. Pour les travailleurs, aucun d’entre eux ne constituait une alternative. Une certaine forme de contre-révolution a pris place en Egypte, comme dans d’autres pays de la région, un processus rendu possible par l’absence d’une classe ouvrière suffisamment organisée que pour mener une politique propre. La comme ailleurs, le mouvement ouvrier souffre de l’absence d’une direction audacieuse et clairement orientée vers le renversement du système d’exploitation capitaliste. Mais il faut garder en tête que la phase actuelle n’est pas la fin du processus, il ne s’agit que d’une étape temporaire. L’actuel tournant vers la droite dans la situation sera à l’avenir accompagné d’un tournant vers la gauche et du renforcement de la révolution. La pièce n’est pas encore jouée. Depuis décembre dernier, le mouvement révolutionnaire a eu son attention détournée par les élections, avec pas moins de 6 échéances électorales. Les luttes industrielles vont maintenant pouvoir s’épanouir, alors que 2,5 millions de personnes sont actuellement organisées dans des syndicats indépendants, un chiffre toujours en pleine croissance (contre 50.000 avant la révolution).

    Il faudrait encore parler de l’Afrique du Sud et du puissant mouvement des travailleurs des services publics contre le gouvernement de l’ANC, ou encore de la grève générale de janvier qui a littéralement paralysé le Nigeria suite à la suppression des subsides sur le pétrole. D’autres pays devraient connaître des suppressions de subsides de l’Etat pour des denrées de base, et le Nigeria illustre quel est le potentiel d’une résistance de masse dans un tel contexte. Au Sri Lanka, en Inde et au Pakistan, d’importantes luttes ont pris place contre l’augmentation des prix, notamment du pétrole, et des victoires ont été obtenues. Au Kazakhstan, la lutte contre le régime de Nazerbayev comprend certaines caractéristiques révolutionnaires qui vont s’accentuer dans la prochaine période, dans le pays qui connaît la classe ouvrière la plus avancée de toute l’ex-URSS. La liste est longue (lutte étudiante au Québec, mouvements de masse au Sénégal, en Amérique latine,…).

    Pour une société socialiste démocratique

    Les capitalistes n’ont pas de voie de sortie. Tout juste peuvent-ils être capables de créer les bases d’une croissance très faible pour une ou deux années, mais l’approfondissement de la crise est inévitable. Dans ce contexte, l’aliénation et le rejet du système augmentent, nous devons prendre garde à ne pas sous-estimer cela. Nous allons être confrontés à des luttes acharnées, nous pouvons en être certains, avec des caractéristiques de révolutions suivies par des caractéristiques de contre-révolution, et puis l’inverse.

    De nombreux jeunes et travailleurs tirent la conclusion que ce système n’offre aucun avenir et qu’il faut une alternative. Mais laquelle? Personne ne met en avant une claire alternative socialiste basée sur la collectivisation des moyens de production. Nous verrons se développer une plus large audience pour les idées que nous défendons sur base du marxisme révolutionnaire. A nous de saisir correctement toutes les opportunités qui se présenteront pour défendre et expliquer nos perspectives, ce qu’est une réelle direction de lutte pour le mouvement ouvrier, pourquoi celle-ci doit nécessairement s’orienter vers le renversement du système, ce que signifie la construction d’une organisation réellement socialiste internationale,…

  • Réunion internationale du CIO – Le capitalisme mondial en crise: à mesure que la crise économique s'approfondit, les relations inter-imperialistes se détériorent

    Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2012, en Belgique, juste après une année 2011 qui fut la plus importante pour la classe ouvrière depuis quelques temps. Plus d’une trentaine de pays étaient représentés à cette réunion, avec environ 85 camarades d’Europe, d’Asie, des Amériques et d’Afrique. L’an dernier, nous avons été témoins de révolutions et de mouvements de masse en Afrique du Nord et au Moyen Orient, de la crise de la zone euro, de la contre-attaque de la classe ouvrière partout en Europe contre l’austérité et du développement du mouvement ”Occupy” à travers le monde. Un bilan de l’année écoulée et les grandes lignes des perspectives les plus probables pour 2012 ont été introduites par Peter Taaffe (secrétaire général du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles), avec une conclusion après discussion de la part de Lynn Walsh, du Secrétariat International du CIO. Voici un rapport de cette discussion.

    Kevin Parslow, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)

    L’Organisation Internationale du Travail (OIT) s’attend à des ”troubles sociaux” dans au moins un tiers des pays du monde cette année, a expliqué Peter, et cela indique l’échelle des bouleversements dus à la crise économique. Alors même que le CEI se réunissait, le Nigeria a connu le mouvement de classe le plus important depuis longtemps dans le pays : la grève générale contre la suppression des subventions sur le pris du pétrole et l’augmentation des prix qui en a découlé. Pendant ce temps, le Pakistan était confronté à une forte agitation politique.

    Début 2011, la classe capitaliste espérait mondialement que le pire de la crise économique commencée avec la crise bancaire de 2008-2009 était passé. Ils entretenaient le faible espoir d’une croissance pour relancer l’économie. Au lieu de cela, la crise de la dette souveraine dans les pays européens a eu des conséquences mondiales, avec l’austérité imposée à la Grèce et aux autre pays endettés qui a démoli les prévisions de croissance, et forcé la classe ouvrière européenne à faire grève et à descendre dans la rue contre l’imposition de coupes budgétaires et d’emplois par les banques, l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International.

    Les programmes d’austérité ont exacerbé le ralentissement économique mondial. Ils ont atteint les taux de croissance déjà bas, et la récession voire même l’effondrement économique menace. Tout ce que la classe capitaliste pouvait faire, selon les mots de Gillian Tett du Financial Times, c’était ”gérer la douleur”. Ce journal a récemment lancé une série intitulée ”le capitalisme en crise” pour discuter des problèmes auxquels les grandes entreprises font face dans le monde entier, les options disponibles et l’opposition qu’elles rencontrent.

    Le ralentissement économique en cours dure depuis plus longtemps que la récession des années ’30, bien que l’ampleur de la destruction des ressources économiques ne soit pas encore aussi importante. En fait, les grandes entreprises disposent d’énormément de liquidités mais refusent d’investir dans la production parce que les opportunités rentables manquent. L’absence d’une croissance réelle aux USA et la persistance d’un chômage élevé ont des effets politiques menaçants pour les possibilités de Barack Obama de gagner les élections présidentielles de novembre.

    Pendant la discussion, un camarade a expliqué que les capitalistes ont suggéré que les pays capitalistes avancés étaient confrontés à une ”Japanisation” – une longue période de stagnation et une croissance faible ou inexistante. La dette nationale du Japon a enflé jusqu’à 200% du PIB, sans qu’aucune solution ne soit trouvée face aux problèmes économiques du pays. Le Japon n’a pas été secoué par des conflits sociaux mais pourrait l’être dans l’avenir si son économie, étayée par l’essor de l’économie chinoise depuis des années, est contrainte à encore plus de récession et que plus de coupes dans les dépenses publiques sont faites, ce qui conduirait à des protestations. Le Japon ferait ainsi face au même scenario d’instabilité et de contestation que récemment aux USA et en Europe.

    Chine et USA

    La Chine a subi l’onde de choc de la crise en Europe, avec la baisse de la demande d’une partie de son principal marché d’exportation. Les prévisions économiques sont revues à la baisse à cause de la croissance chinoise, notamment à la perspective de l’éclatement de la bulle du marché immobilier. Les commentateurs capitalistes alertaient sur les effets sociaux possibles d’un ralentissement de l’économie chinoise. Dans la discussion, les camarades décrivaient quelques unes des protestations des masses chinoises, dont des grèves considérables, ainsi que le mouvement du village Wukan, à la fin de l’année, contre les ventes forcées des terrains par les fonctionnaires locaux.

    La contestation s’est étendue au monde entier en 2011. Les grands patrons et les commentateurs pro-capitalistes craignent les révoltes et les mouvements de masse des travailleurs et des jeunes.

    Les révolutions et soulèvements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont été suivi du mouvement Occupy (qui aux USA suivait le début d’un réveil de la classe ouvrière avec le mouvement de masse rencontré au Wisconsin un peu plus tôt). Le mouvement Occupy a vu une génération de jeunes monter sur la scène politique et s’opposer aux effets du capitalisme effréné. Aux USA en particulier, une partie des occupations s’est tournée vers le mouvement ouvrier.

    Lynn Walsh, en résumant la discussion, a souligné que la majorité de la population des USA était en faveur du mouvement Occupy, et que 59% des Afro-Américains et 49% des jeunes ont une opinion favorable du socialisme ! Mais, en général, les mouvements Occupy n’ont pas mis en avant des idées claires sur la façon d’abolir le capitalisme ; ils se sont plutôt limités à des mesures pour ”faire mieux fonctionner le capitalisme”.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière continue à participer au mouvement Occupy, en mettant en avant un programme pour changer la société au bénéfice des 99%, plutôt que pour les 1%, comme sous le capitalisme.

    La crise Européenne

    L’Europe a été l’épicentre de la crise économique mondiale en 2011 (les perspectives pour l’Europe seront détaillées séparément dans un prochain rapport sur ce site, NDLR). La menace de défaut de paiement et d’expulsion de la zone euro pèse sur plusieurs pays. Le sommet d’urgence de l’Union Européenne a seulement abouti à des mesures pour essayer d’empêcher de nouvelles crises, sans résoudre les problèmes actuels, et l’euphorie initiale des marchés s’est évaporée en quelques jours. Lynn disait que l’Europe était comme ”une maison en flammes” dont les habitants ne savent pas se décider d’appeler les pompiers, ni d’ailleurs quels pompiers appeler et quand le faire, mais par contre, pendant ce temps, ils appellent différents architectes pour construire une nouvelle maison !

    Les capitalistes européens, menés par l’Allemagne, rejettent l’idée d’euro-obligations pour financer le renflouement mais, pendant la discussion, les camarades ont soulevé la possibilité que dans le futur cette alternative soit considérée. Le plus récent accord tenté par l’Europe, le Pacte de stabilité, exclut à l’avenir les plans de stimulus économiques. Mais si l’économie de la zone euro s’effondre, ils pourraient être forcés de déployer d’autres plans de dépenses pour essayer d’échapper temporairement à la récession et empêcher la radicalisation de la société et la révolution.

    L’Union Européenne a imposé des gouvernements de “technocrates” en Grèce et en Italie, et des politiques d’austérité ont aussi été imposées par en haut. L’augmentation de l’utilisation de méthodes anti-démocratiques par la classe dominante en Europe a ajouté à la colère des travailleurs et des jeunes. Dans la prochaine période, la classe ouvrière va de plus en plus défier ces gouvernements et leurs mesures.

    Les états de la zone euro ont d’énormes engagements de remboursements dans la première moitié de 2012, ce qui va tester les fonds de renflouements et les politiques de l’UE encore une fois. Le moment critique pourrait arriver bientôt pour beaucoup de pays. La perte du triple-A par la France met l’accent sur la profondeur de la crise.

    L’introduction de l’euro a bénéficié principalement aux grandes entreprises allemandes, qui ont pu faire de gros profits sur la vente de produits manufacturés. Elles utilisent cette justification pour dicter les politiques d’austérité des ”fautifs” économiques de la zone euro ; leurs représentants politiques disent que l’Europe doit devenir ”plus allemande” ! Menée par la Chancelière Merkel, l’Allemagne a décidé du niveau des coupes à imposer à ces pays qui demandent un renflouement. La contrainte à des coupes féroces depuis l’extérieur exacerbe le ressentiment. Peter Taafe a expliqué que la classe ouvrière était la véritable force qui peut s’opposer à ces dictats. Dans des endroits comme l’Ecosse ou la Catalogne, les politiques déflationnistes acceptées centralement ont attisé la question nationale.

    Chômage massif

    En Europe, la jeunesse en particulier est frappée par le chômage de masse. Le phénomène d’émigration massive est réapparu, comme montait le désespoir de la jeunesse face au manque d’opportunités. Des jeunes de pays européens, comme le Portugal, sont même forcés d’immigrer vers les anciennes colonies, comme l’Angola, pour chercher du travail.

    Cependant, la classe ouvrière européenne est revenue à une étape de luttes de masse. La série de grèves générales en Grèce, celles au Portugal, en Espagne, en Italie, et la grève générale du secteur public en Grande Bretagne en novembre dernier ont démontré la combattivité des travailleurs face aux attaques contre leur niveau de vie. Malheureusement, la plupart des dirigeants syndicaux ne remplissent pas leur tâche de défendre leurs membres contre les ravages des programmes d’austérité.

    En résultat de la profonde crise économique et des coupes d’austérité énormément impopulaires, en 2011, en Europe, cinq premiers ministres ont été évincés. Les politiques pro-capitalistes des anciens partis sociaux-démocrates les ont conduits à la défaite électorale en Espagne et au Portugal au profit des partis de droite. Dans beaucoup de pays, il y a un vide à gauche.

    Certaines des formations politiques de gauche qui ont surgi dans la dernière période, comme Syriza en Grèce, n’ont pas répondu aux attentes de leurs partisans parce que leur direction se droitisait. Leur manque de succès pour construire de grands mouvements ne signifie toutefois pas qu’ils ne pouvaient pas obtenir de succès électoraux ; mais cela n’exclut pas non plus que de nouveaux mouvements et partis soient créés. Là où de nouvelles formations viables à gauche sont créées, le CIO défend qu’elles doivent adopter un programme socialiste contre les coupes et pour un réel changement de système.

    Mouvements en Russie

    La crise frappe aussi la Russie et l’Europe de l’Est. Les protestations contre les élections frauduleuses en Russie ont secoué la classe dirigeante et ses principaux représentants politiques, Poutine et Medvedev. En réaction, le Financial Times a titré : ”Une possible révolution russe !”

    La contestation des coupes a aussi récemment secoué la Roumanie. Cependant, la question du danger de l’extrême droite en Europe a été posée par la situation en Hongrie, où le gouvernement de droite a introduit des mesures d’austérité, ce dont le parti néo-fasciste Jobbik a été le principal bénéficiaire. Cela dit, l’introduction récente d’une nouvelle constitution avec des mesures anti-démocratiques a provoqué des manifestations massives dans les rues de Budapest.

    Les magnifiques révolutions et mouvements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord en 2011 seront abordées dans un prochain rapport. Ici, il est nécessaire de dire que les nouveaux régimes installés en Egypte et en Tunisie ne sont pas stables. Dans ces deux pays en particulier, il y a le sentiment que les révolutions n’ont pas été achevées, et les travailleurs et les jeunes continuent de lutter pour leurs revendications économiques, sociales et politiques. Cela va conduire à plus de conflits.

    Ces révolutions n’ont pas non plus amené la paix dans la région : il y a des menaces de guerre si Israël ou les USA entreprennent une action militaire contre les installations nucléaires en Iran. Seules davantage de luttes victorieuses de la classe ouvrière et des jeunes, qui ont accompli les révolutions de l’année dernière, peuvent empêcher les horreurs de la guerre de ravager la région.

    Le Moyen-Orient n’est pas le seul point chand pour l’impérialisme. Les USA ont retiré leurs troupes d’Irak en 2011, mais sont toujours profondément impliqués en Afghanistan. Illustrant l’impasse dans ce pays, les Talibans ont récemment été autorisés à établir un bureau au Qatar dans le but explicite de négocier avec les USA et d’introduire des membres des Talibans dans le gouvernement de Kaboul.

    Asie-Pacifique

    Une autre poudrière potentielle pourrait être la région Asie-Pacifique. Récemment, le gouvernement américain a produit un nouveau document stratégique qui change l’orientation majeure de sa politique étrangère envers cette région du monde, dicté par la peur que la Chine utilise son pouvoir économique grandissant pour dominer la région. Elle pourrait éventuellement devenir la plus grande économie du monde, alors que ses conditions de vie moyennes sont loin en dessous de celles des USA. Cependant, le potentiel pour un conflit pourrait être coupé par l’irruption d’un mouvement de masse en Chine.

    Dans sa conclusion, Lynn disait que 2011 était une année exceptionnelle pour les mouvements massifs et donnait d’énormes tâches et défis aux socialistes. Comme a dit Peter, il n’y a jamais eu un meilleur moment pour le CIO qu’aujourd’hui et ses partisans doivent partout expliquer nos idées marxistes aux travailleurs et aux jeunes en lutte, pour construire nos forces socialistes afin renforcer la lutte pour mettre fin au capitalisme et aller vers un changement authentiquement socialiste de la société.

  • Réunion internationale du CIO – Le capitalisme mondial en crise: à mesure que la crise économique s'approfondit, les relations inter-imperialistes se détériorent

    Le Comité Exécutif International (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) s’est réuni du 17 au 22 janvier 2012, en Belgique, juste après une année 2011 qui fut la plus importante pour la classe ouvrière depuis quelques temps. Plus d’une trentaine de pays étaient représentés à cette réunion, avec environ 85 camarades d’Europe, d’Asie, des Amériques et d’Afrique. L’an dernier, nous avons été témoins de révolutions et de mouvements de masse en Afrique du Nord et au Moyen Orient, de la crise de la zone euro, de la contre-attaque de la classe ouvrière partout en Europe contre l’austérité et du développement du mouvement ”Occupy” à travers le monde. Un bilan de l’année écoulée et les grandes lignes des perspectives les plus probables pour 2012 ont été introduites par Peter Taaffe (secrétaire général du Socialist Party d’Angleterre et du Pays de Galles), avec une conclusion après discussion de la part de Lynn Walsh, du Secrétariat International du CIO. Voici un rapport de cette discussion.

    Kevin Parslow, Socialist Party (CIO Angleterre et Pays de Galles)

    L’Organisation Internationale du Travail (OIT) s’attend à des ”troubles sociaux” dans au moins un tiers des pays du monde cette année, a expliqué Peter, et cela indique l’échelle des bouleversements dus à la crise économique. Alors même que le CEI se réunissait, le Nigeria a connu le mouvement de classe le plus important depuis longtemps dans le pays : la grève générale contre la suppression des subventions sur le pris du pétrole et l’augmentation des prix qui en a découlé. Pendant ce temps, le Pakistan était confronté à une forte agitation politique.

    Début 2011, la classe capitaliste espérait mondialement que le pire de la crise économique commencée avec la crise bancaire de 2008-2009 était passé. Ils entretenaient le faible espoir d’une croissance pour relancer l’économie. Au lieu de cela, la crise de la dette souveraine dans les pays européens a eu des conséquences mondiales, avec l’austérité imposée à la Grèce et aux autre pays endettés qui a démoli les prévisions de croissance, et forcé la classe ouvrière européenne à faire grève et à descendre dans la rue contre l’imposition de coupes budgétaires et d’emplois par les banques, l’Union Européenne et le Fonds Monétaire International.

    Les programmes d’austérité ont exacerbé le ralentissement économique mondial. Ils ont atteint les taux de croissance déjà bas, et la récession voire même l’effondrement économique menace. Tout ce que la classe capitaliste pouvait faire, selon les mots de Gillian Tett du Financial Times, c’était ”gérer la douleur”. Ce journal a récemment lancé une série intitulée ”le capitalisme en crise” pour discuter des problèmes auxquels les grandes entreprises font face dans le monde entier, les options disponibles et l’opposition qu’elles rencontrent.

    Le ralentissement économique en cours dure depuis plus longtemps que la récession des années ’30, bien que l’ampleur de la destruction des ressources économiques ne soit pas encore aussi importante. En fait, les grandes entreprises disposent d’énormément de liquidités mais refusent d’investir dans la production parce que les opportunités rentables manquent. L’absence d’une croissance réelle aux USA et la persistance d’un chômage élevé ont des effets politiques menaçants pour les possibilités de Barack Obama de gagner les élections présidentielles de novembre.

    Pendant la discussion, un camarade a expliqué que les capitalistes ont suggéré que les pays capitalistes avancés étaient confrontés à une ”Japanisation” – une longue période de stagnation et une croissance faible ou inexistante. La dette nationale du Japon a enflé jusqu’à 200% du PIB, sans qu’aucune solution ne soit trouvée face aux problèmes économiques du pays. Le Japon n’a pas été secoué par des conflits sociaux mais pourrait l’être dans l’avenir si son économie, étayée par l’essor de l’économie chinoise depuis des années, est contrainte à encore plus de récession et que plus de coupes dans les dépenses publiques sont faites, ce qui conduirait à des protestations. Le Japon ferait ainsi face au même scenario d’instabilité et de contestation que récemment aux USA et en Europe.

    Chine et USA

    La Chine a subi l’onde de choc de la crise en Europe, avec la baisse de la demande d’une partie de son principal marché d’exportation. Les prévisions économiques sont revues à la baisse à cause de la croissance chinoise, notamment à la perspective de l’éclatement de la bulle du marché immobilier. Les commentateurs capitalistes alertaient sur les effets sociaux possibles d’un ralentissement de l’économie chinoise. Dans la discussion, les camarades décrivaient quelques unes des protestations des masses chinoises, dont des grèves considérables, ainsi que le mouvement du village Wukan, à la fin de l’année, contre les ventes forcées des terrains par les fonctionnaires locaux.

    La contestation s’est étendue au monde entier en 2011. Les grands patrons et les commentateurs pro-capitalistes craignent les révoltes et les mouvements de masse des travailleurs et des jeunes.

    Les révolutions et soulèvements au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont été suivi du mouvement Occupy (qui aux USA suivait le début d’un réveil de la classe ouvrière avec le mouvement de masse rencontré au Wisconsin un peu plus tôt). Le mouvement Occupy a vu une génération de jeunes monter sur la scène politique et s’opposer aux effets du capitalisme effréné. Aux USA en particulier, une partie des occupations s’est tournée vers le mouvement ouvrier.

    Lynn Walsh, en résumant la discussion, a souligné que la majorité de la population des USA était en faveur du mouvement Occupy, et que 59% des Afro-Américains et 49% des jeunes ont une opinion favorable du socialisme ! Mais, en général, les mouvements Occupy n’ont pas mis en avant des idées claires sur la façon d’abolir le capitalisme ; ils se sont plutôt limités à des mesures pour ”faire mieux fonctionner le capitalisme”.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière continue à participer au mouvement Occupy, en mettant en avant un programme pour changer la société au bénéfice des 99%, plutôt que pour les 1%, comme sous le capitalisme.

    La crise Européenne

    L’Europe a été l’épicentre de la crise économique mondiale en 2011 (les perspectives pour l’Europe seront détaillées séparément dans un prochain rapport sur ce site, NDLR). La menace de défaut de paiement et d’expulsion de la zone euro pèse sur plusieurs pays. Le sommet d’urgence de l’Union Européenne a seulement abouti à des mesures pour essayer d’empêcher de nouvelles crises, sans résoudre les problèmes actuels, et l’euphorie initiale des marchés s’est évaporée en quelques jours. Lynn disait que l’Europe était comme ”une maison en flammes” dont les habitants ne savent pas se décider d’appeler les pompiers, ni d’ailleurs quels pompiers appeler et quand le faire, mais par contre, pendant ce temps, ils appellent différents architectes pour construire une nouvelle maison !

    Les capitalistes européens, menés par l’Allemagne, rejettent l’idée d’euro-obligations pour financer le renflouement mais, pendant la discussion, les camarades ont soulevé la possibilité que dans le futur cette alternative soit considérée. Le plus récent accord tenté par l’Europe, le Pacte de stabilité, exclut à l’avenir les plans de stimulus économiques. Mais si l’économie de la zone euro s’effondre, ils pourraient être forcés de déployer d’autres plans de dépenses pour essayer d’échapper temporairement à la récession et empêcher la radicalisation de la société et la révolution.

    L’Union Européenne a imposé des gouvernements de “technocrates” en Grèce et en Italie, et des politiques d’austérité ont aussi été imposées par en haut. L’augmentation de l’utilisation de méthodes anti-démocratiques par la classe dominante en Europe a ajouté à la colère des travailleurs et des jeunes. Dans la prochaine période, la classe ouvrière va de plus en plus défier ces gouvernements et leurs mesures.

    Les états de la zone euro ont d’énormes engagements de remboursements dans la première moitié de 2012, ce qui va tester les fonds de renflouements et les politiques de l’UE encore une fois. Le moment critique pourrait arriver bientôt pour beaucoup de pays. La perte du triple-A par la France met l’accent sur la profondeur de la crise.

    L’introduction de l’euro a bénéficié principalement aux grandes entreprises allemandes, qui ont pu faire de gros profits sur la vente de produits manufacturés. Elles utilisent cette justification pour dicter les politiques d’austérité des ”fautifs” économiques de la zone euro ; leurs représentants politiques disent que l’Europe doit devenir ”plus allemande” ! Menée par la Chancelière Merkel, l’Allemagne a décidé du niveau des coupes à imposer à ces pays qui demandent un renflouement. La contrainte à des coupes féroces depuis l’extérieur exacerbe le ressentiment. Peter Taafe a expliqué que la classe ouvrière était la véritable force qui peut s’opposer à ces dictats. Dans des endroits comme l’Ecosse ou la Catalogne, les politiques déflationnistes acceptées centralement ont attisé la question nationale.

    Chômage massif

    En Europe, la jeunesse en particulier est frappée par le chômage de masse. Le phénomène d’émigration massive est réapparu, comme montait le désespoir de la jeunesse face au manque d’opportunités. Des jeunes de pays européens, comme le Portugal, sont même forcés d’immigrer vers les anciennes colonies, comme l’Angola, pour chercher du travail.

    Cependant, la classe ouvrière européenne est revenue à une étape de luttes de masse. La série de grèves générales en Grèce, celles au Portugal, en Espagne, en Italie, et la grève générale du secteur public en Grande Bretagne en novembre dernier ont démontré la combattivité des travailleurs face aux attaques contre leur niveau de vie. Malheureusement, la plupart des dirigeants syndicaux ne remplissent pas leur tâche de défendre leurs membres contre les ravages des programmes d’austérité.

    En résultat de la profonde crise économique et des coupes d’austérité énormément impopulaires, en 2011, en Europe, cinq premiers ministres ont été évincés. Les politiques pro-capitalistes des anciens partis sociaux-démocrates les ont conduits à la défaite électorale en Espagne et au Portugal au profit des partis de droite. Dans beaucoup de pays, il y a un vide à gauche.

    Certaines des formations politiques de gauche qui ont surgi dans la dernière période, comme Syriza en Grèce, n’ont pas répondu aux attentes de leurs partisans parce que leur direction se droitisait. Leur manque de succès pour construire de grands mouvements ne signifie toutefois pas qu’ils ne pouvaient pas obtenir de succès électoraux ; mais cela n’exclut pas non plus que de nouveaux mouvements et partis soient créés. Là où de nouvelles formations viables à gauche sont créées, le CIO défend qu’elles doivent adopter un programme socialiste contre les coupes et pour un réel changement de système.

    Mouvements en Russie

    La crise frappe aussi la Russie et l’Europe de l’Est. Les protestations contre les élections frauduleuses en Russie ont secoué la classe dirigeante et ses principaux représentants politiques, Poutine et Medvedev. En réaction, le Financial Times a titré : ”Une possible révolution russe !”

    La contestation des coupes a aussi récemment secoué la Roumanie. Cependant, la question du danger de l’extrême droite en Europe a été posée par la situation en Hongrie, où le gouvernement de droite a introduit des mesures d’austérité, ce dont le parti néo-fasciste Jobbik a été le principal bénéficiaire. Cela dit, l’introduction récente d’une nouvelle constitution avec des mesures anti-démocratiques a provoqué des manifestations massives dans les rues de Budapest.

    Les magnifiques révolutions et mouvements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord en 2011 seront abordées dans un prochain rapport. Ici, il est nécessaire de dire que les nouveaux régimes installés en Egypte et en Tunisie ne sont pas stables. Dans ces deux pays en particulier, il y a le sentiment que les révolutions n’ont pas été achevées, et les travailleurs et les jeunes continuent de lutter pour leurs revendications économiques, sociales et politiques. Cela va conduire à plus de conflits.

    Ces révolutions n’ont pas non plus amené la paix dans la région : il y a des menaces de guerre si Israël ou les USA entreprennent une action militaire contre les installations nucléaires en Iran. Seules davantage de luttes victorieuses de la classe ouvrière et des jeunes, qui ont accompli les révolutions de l’année dernière, peuvent empêcher les horreurs de la guerre de ravager la région.

    Le Moyen-Orient n’est pas le seul point chand pour l’impérialisme. Les USA ont retiré leurs troupes d’Irak en 2011, mais sont toujours profondément impliqués en Afghanistan. Illustrant l’impasse dans ce pays, les Talibans ont récemment été autorisés à établir un bureau au Qatar dans le but explicite de négocier avec les USA et d’introduire des membres des Talibans dans le gouvernement de Kaboul.

    Asie-Pacifique

    Une autre poudrière potentielle pourrait être la région Asie-Pacifique. Récemment, le gouvernement américain a produit un nouveau document stratégique qui change l’orientation majeure de sa politique étrangère envers cette région du monde, dicté par la peur que la Chine utilise son pouvoir économique grandissant pour dominer la région. Elle pourrait éventuellement devenir la plus grande économie du monde, alors que ses conditions de vie moyennes sont loin en dessous de celles des USA. Cependant, le potentiel pour un conflit pourrait être coupé par l’irruption d’un mouvement de masse en Chine.

    Dans sa conclusion, Lynn disait que 2011 était une année exceptionnelle pour les mouvements massifs et donnait d’énormes tâches et défis aux socialistes. Comme a dit Peter, il n’y a jamais eu un meilleur moment pour le CIO qu’aujourd’hui et ses partisans doivent partout expliquer nos idées marxistes aux travailleurs et aux jeunes en lutte, pour construire nos forces socialistes afin renforcer la lutte pour mettre fin au capitalisme et aller vers un changement authentiquement socialiste de la société.

  • Ecole d’été du CIO – Crise du capitalisme mondial et relations internationales

    A l’heure actuelle, toute la planète est dominée par la crise globale du capitalisme. La mondialisation est telle que personne n’échappe à la tourmente ; et trois ans après le début de la crise au Etats-Unis, aucun des problèmes fondamentaux n’a encore été réglé. Partout, les classes dirigeantes ont cherché à faire payer la crise à la classe ouvrière ou aux Etats rivaux, ce qui implique une augmentation des tensions nationales et de la lutte des classes, avec des possibilités révolutionnaires.

    Rapport écrit par Baptiste (Wavre)

    Le capitalisme mondial en déclin

    Ces dernières semaines, l’état de déclin du capitalisme mondial a encore été illustré en Afrique de l’Est. Alors que les salaires de PDG des multinationales aux USA ont augmenté de 48% l’année dernière, 2 millions de personnes soufrent de la famine en Somalie. Le peu d’aide que les pays les plus puissants ont daigné trouver semble dérisoire au vu de la spéculation que réalisent les hedge funds sur les denrées alimentaires. Ce désastre humanitaire est aussi le reflet des dérèglements climatiques, des ruines laissées derrière elles par les interventions impérialistes dans la région et du business des multinationales agroalimentaires qui ont détruit les ressources locales. Au total, cette année il y a 44 millions de personnes en plus qui tombent sous le seuil de pauvreté et plus d’un milliard en état de malnutrition.

    Malgré le désastre nucléaire de Fukushima, certains pays comme la Chine, la Russie, l’Inde et le Royaume-Uni persistent dans le développement de plans nucléaires toujours aussi axés sur les profits rapides. Parallèlement, l’introduction de « taxe carbone » comme en Australie ne repose que sur les travailleurs et aucunement sur les multinationales, et n’a aucun effet de ralentissement sur les destructions environnementales. De tels cas de figures montrent l’écho grandissant que la planification socialiste peut trouver parmi les masses avec l’approfondissement de la crise du capitalisme.

    Une reprise économique limitée et fragile

    Les dirigeants capitalistes ont longtemps affirmé qu’après la crise profonde de 2007-08 la croissance mondiale serait de retour grâce au découplage des pays émergeants, à savoir principalement le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (les pays dits « BRIC »). Aujourd’hui, on peut clairement voir que cette hypothèse de découplage était erronée. Car même si certains de ces pays ont retrouvé une certaine croissance à partir de 2009, derrière cette apparence ils ne sont pas moins dans une crise profonde. Cette croissance des pays émergents permet une croissance du PIB mondial mais elle est fragile et incertaine. Elle est encore de 4,3% pour le premier trimestre de 2011, mais le pessimisme est de mise pour le reste de l’année. Les grandes institutions financières mettent régulièrement en avant un retour de la stagnation alors même qu’ils prévoyaient une croissance de 5% pour 2011 pas plus tard qu’il y a un an. Des cycles de croissance toujours plus raccourcis sont typiques de la situation dépressive du capitalisme, caractérisée par une augmentation du chômage, qui dépasse officiellement la barre des 200 millions de travailleurs à travers le monde.

    En réponse à la crise de 2007-08, la ligne de conduite des capitalistes était de sauver les banques en les renflouant avec l’argent public et de mettre en place des plans de relance avec l’ambition de poser les bases d’une nouvelle période de croissance. Il était pourtant évident à l’époque que ces mesures ne poseraient en rien les bases d’une croissance saine. Si ces interventions des Etats ont permis d’éviter un effondrement encore plus considérable de l’économie mondiale, l’effet de ces interventions était condamné à être temporaire. En outre, un nouvel élément compliquant s’est installé dans le paysage de la crise : les déficits budgétaires, dettes publiques et des multinationales qui explosent. Ainsi, si ces interventions ont permis un arrêt de la chute économique et au mieux un peu de croissance, cela a vite été rattrapé par la crise des dettes.

    La zone euro ne parvient pas à sortir la tête de la crise

    L’Europe en est d’ailleurs le théâtre depuis un an avec les PIGS. Les pays de la zone euro ont trouvé un accord pour un soutien financier en échange d’une austérité drastique pour les pays les plus affaiblis. A présent, la possibilité d’un défaut partiel de paiement sur la dette est également envisagée. Mais cette logique à ses limites. D’une part, l’austérité n’est en rien une solution, et ne fait qu’aggraver la situation des pays concernés. Et d’autre part, ce type de mesure ne va pas pouvoir être élargi à des pays dont la dette est plus élevée que la Grèce ou le Portugal. Il suffit de comparer les montants de la dette à rembourser d’ici 2013 pour s’en rendre compte : pour la Grèce, le Portugal et l’Irlande ensemble il s’agit de 201 milliards d’€, pour l’Espagne seule il s’agit de 523 milliards d’€ et pour l’Italie d’environ 1000 milliards d’€.

    Les contradictions propres à une union monétaire entre différentes économies en Europe sont clairement démontrées aujourd’hui. La monnaie unique a sacrifié la possibilité de dévaluations compétitives pour faire place aux dévaluations internes, poussant les politiques néolibérales toujours un peu plus loin. Tant qu’il y a une croissance globale et que toutes les bourgeoisies nationales y trouvent leur part du gâteau, cette coopération peut se développer. Mais il n’y avait en aucun une intégration européenne derrière cette coopération, comme l’a révélé la pire crise économique depuis 70 ans qui ravive les tensions économiques entre Etat-nations. Les classes dirigeantes en Europe vont tout faire pour sauvegarder l’Euro, car un échec signifierait un désastre économique et une défaite politique considérable, mais les moyens pour acheter l’union ne sont plus présents. La seule perspective des dirigeants européens est l’expectative et la tentative de faire payer la crise aux travailleurs.

    Obama et les USA dans une impasse

    Aux Etats-Unis aussi les plans d’Obama sont épuisés. Après la chute du PIB de 2,6% en PIB en 2009 et une reprise de 2,9% en 2010, les plus optimistes anticipent une croissance de 2,5% pour 2011. Pourtant tous les signaux de l’économie US sont au rouge : l’appauvrissement des foyers ne cesse de s’aggraver, l’immobilier est touché par une seconde crise, le secteur de la construction est en dépression et les travailleurs continuent à en faire les frais. Les licenciements à tour de bras n’ont pas cessé et aujourd’hui on estime qu’il y a 24 millions de travailleurs au chômage ou sous-employés. Le recours aux food stamps a augmenté de 11% sur les trois dernières années et à présent 1/7 de la population américaine y a recours pour se nourrir et subvenir à ses besoins élémentaires. Cette situation des conditions de vie aux Etats-Unis est un aspect de la contre-révolution sociale : les bourgeoisies aux USA comme en Europe font payer le prix de la crise aux travailleurs et tentent de reprendre tous les acquis lâchés durant la période d’après-guerre.

    Les négociations entre républicains et démocrates sur le plafond de la dette publique sont au centre de l’attention des spéculateurs. La présidente du FMI, Christine Lagarde, a haussé le ton sur les risques en cours : il ne s’agirait pas simplement d’un défaut technique de paiement, mais de la faillite de plusieurs Etats du sud des USA, déclenchant un cycle infernal pour le capitalisme US qui se retrouverait avec une chute de 5% de son PIB, et entraînerait la croissance mondiale dans sa chute. Dans le cadre des négociations sur la dette, Lagarde se dit favorable aux coupes budgétaires mais conseille d’étaler ces coupes dans le temps de sorte à ne pas affecter encore plus l’économie. Sous pression du Tea Party et par crainte du danger électoral qu’il représente, les républicains poussent à l’augmentation des coupes. Quant à Obama, il n’aura cessé de faire des concessions et de raboter dans les dépenses pour la sécurité sociales et les soins médicaux. Cette logique de concessions est d’autant plus erronée que cette austérité ne permet de se donner un bol d’air qu’à court terme. En outre, ce faisant il sape sa base électorale à tel point qu’il n’est pas sûr d’être en mesure de gagner les élections de 2012, et ce malgré que les républicains n’aient pas de candidat valable et soient discrédités par leurs liens au Tea Party. La situation des Etats-Unis appuie le caractère systémique de la crise du capitalisme, mais aussi la nécessité pour la classe ouvrière d’avoir une organisation politique de masse indépendante pour s’organiser dans les prochaines luttes qui prendront inévitablement place.

    Il n’y aura pas de miracle chinois

    Les commentateurs bourgeois les plus optimistes s’empressent de voir en la Chine un filet de sauvetage du capitalisme, en étant une sorte de nouveau modèle de développement. Pourtant la Chine est également rentrée dans ses contradictions. L’année 2008 a vu une chute brutale de ses exports et le chômage a explosé pour toucher 25 millions de travailleurs. Le gouvernement a tenté d’enrayer ce cycle infernal en mettant sur pied le plus colossal des plans de relance : 1500 milliards $ de prêts, surtout investis dans l’infrastructure, ce qui a stimulé la production industrielle. Le pire a été évité en apparence avec la reprise d’une croissance forte, encore de 9,5% au dernier trimestre de 2011. Mais sous la surface, l’instabilité de l’économie chinoise est elle aussi croissante, car ces injections massives ont tout autant nourri la spéculation sur le prix des matières premières, sur le crédit et sur l’immobilier. Cette remontée de la spéculation est une des conséquences du quantitative easing, qui consiste faire tourner la planche à billets pour permettre à l’Etat d’intervenir dans l’économie.

    La surproduction de maisons et l’augmentation des bâtiments non vendus atteignent des sommets. Alors que plus d’un million de familles n’ont pas les moyens d’accéder à un logement, un nouveau gratte-ciel est construit tous les six jours. Le gouvernement essaie de freiner légèrement cette bulle immobilière mais il fait face au dilemme que c’est le moteur actuel de la croissance chinoise. L’attitude du gouvernement chinois, toujours hanté par les évènements de ’89, est aussi marquée par sa méfiance profonde vis-à-vis de la classe ouvrière. L’inflation (officiellement de 6,4% en juin 2011, mais estimée au double par certains économistes) sape le pouvoir d’achat et leur fait craindre des mouvements de masses. C’est la raison pour laquelle ils tentent de responsabiliser de plus en plus les gouvernements locaux dans la mise en place des mesures antisociales. A terme, l’éclatement de la bulle immobilière aura un coup terrible pour l’économie chinoise, et d’autant plus dévastateurs pour des pays comme l’Australie et le Brésil dont le développement économique actuel est basé sur l’exportation de matières premières vers la Chine. C’est également le cas pour l’Inde, où le taux de croissance chute déjà régulièrement, amenant chaque année 10 millions de personnes de plus dans les rangs des chômeurs et des plus démunis.

    Le cas de l’Australie est très illustratif de l’embellie économique instable. La croissance est focalisée sur le secteur minier, sans que cela ne se répercute sur le reste de l’économie qui lui est en chute. En outre, cette croissance dans le secteur minier est elle-même très incertaine, car elle repose quasi exclusivement sur les exports vers la Chine et le Japon. Le même symptôme économique se retrouve chez le Brésil, pour qui la croissance actuelle porte quasi exclusivement sur l’exportation de matières premières vers la Chine, au point même que certains économistes brésiliens pointent le danger d’une désindustrialisation que pourrait amener un tel déséquilibre. L’économie de la Malaisie a aussi une épée de Damoclès au-dessus de la tête, car elle est basée sur les exportations vers la Chine, l’Europe et les USA, trois économies qui survivent à l’aide de plans de relance qui n’auront pas un effet éternel. Le Brésil et l’Inde voient se dérouler également la pratique du carry-trade à une échelle démesurée (des spéculateurs empruntent des monnaies à faible taux d’intérêt pour réinvestir les montants dans des pays où les monnaies ont de hauts taux d’intérêts). Cela va jusqu’à représenter pour 80 milliards $ en 2011 en Inde ! Un tel montant donne une idée de la manière avec laquelle des économies en croissance ne reposent que sur des fluctuations de marchés ou sur des spéculations. Le capitalisme permet à une élite financière de tenir entre ses mains avares le destin de millions de personnes.

    Tout ceci démontre le caractère malsain du soi-disant retour à la croissance depuis 2009. Le capitalisme ne va que de crise en crise. Si l’introduction de nouveaux plans de relance ne sont pas à exclure, il n’y globalement pas de perspectives de vrai croissance. Des nouvelles récessions prendront place et le manque de riposte de la classe ouvrière laisse l’espace aux classes dirigeantes pour leur en faire payer le prix. Parallèlement à une perspective de faible croissance ou de stagnation parsemée de crises, un scénario de double-deep n’est pas non plus à exclure étant donné la fébrilité maniaco-dépressive de la finance mondiale.

    Augmentation des conflits et des tensions entre impérialistes

    L’Asie du Sud est devenue un véritable terrain d’affrontements. Les gouvernements notamment en Inde, au Pakistan et en Malaisie ne cessent de recourir aux divisions ethniques pour tenter de camoufler les conséquences sociales de la crise et l’augmentation de la pauvreté. Depuis 2001, les Etats-Unis auront fourni au Pakistan pour 21 milliards d’aide militaire, sans jamais arriver à ce qu’il n’y ait plus de liens entre les talibans et l’Etat. De son côté, le Pakistan se tourne de plus en plus vers la Chine tandis que l’Inde augmente sa collaboration stratégique avec les USA. La conséquence inévitable est une nouvelle augmentation des tensions entre l’Inde et le Pakistan, deux puissances nucléaires. Obama n’est jamais parvenu à faire cesser le problème des talibans. L’assassinat du frère d’Hamid Karzaï en Afghanistan établit un constat d’échec pour les forces de sécurité dans le pays et l’absence totale de soutien populaire à l’occupation qui au final n’aura fait que développer une situation de chaos avec des seigneurs de guerre qui ont toujours plus de pouvoirs. Les Etats-Unis ont programmé un soi-disant retrait d’Afghanistan pour 2012, mais il ressort qu’après cette date il restera encore 70 000 soldats sur le terrain. L’absence d’efficacité des forces de sécurité afghanes ne ferme pas non plus la porte à de futures frappes aériennes. La région n’a pas fini d’être le terrain de jeu des différentes puissances pour l’acquisition des ressources, et par conséquent les morts aveugles parmi les populations ne vont pas cesser. Parallèlement, les USA ont toujours 55 000 GI’s en Irak et sont toujours en conflit avec l’Iran notamment sur la question du nucléaire.

    Eruption de mouvements de masses et polarisations dans la société

    Les positions stratégiques des impérialistes sont d’autant plus affaiblies avec la perte d’alliances dans le monde arabe et au Moyen-Orient conséquent aux évènements révolutionnaires depuis le printemps arable. Cette situation est d’autant plus délicate que ces mouvements ont boosté tous les travailleurs des différents pays et ont donné une véritable confiance dans la lutte contre les impérialistes et leurs pantins. Au Kazakhstan, la plateforme « Kazakhstan 2012 » et les militants du CIO ont joué un grand rôle dans la grève dans le secteur du pétrole. Il y a actuellement une pression énorme des luttes sociales sur Nazerbayev, qui n’a aucun soutien dans la population. Le développement de la section du CIO au Kazakhstan permettra d’être un acteur majeur dans les prochaines luttes.

    En Russie, si la croissance est encore de 4% pour 2011, l’inflation est elle de 9% et le déficit budgétaire est de 9%. La Russie ne fait clairement plus partie des BRIC, pays avec lesquels elle pouvait se vanter d’un taux de croissance de 8-9% avant la crise. Les tensions au sein des dirigeants se développent en vue des prochaines élections, d’autant plus avec l’aggravation de la crise. Poutine a récemment participé à la mise sur pied d’une nouvelle organisation politique, le « Front populaire panrusse », auquel le président Medvedev, qui a une approche plus pro-occidentale, n’a pas adhéré. Medvedev a de plus en plus de soutien parmi une partie de l’élite qui voit en lui une alternative à Poutine qui est devenu parmi la population le symbole du gaspillage, de la corruption et des escroqueries.

    Au Venezuela, l’annonce du cancer de Chavez a cristallisé une crise politique, ouvrant une période de divergences à la tête du régime et de lutte de pouvoir au sein du PSUV. La disparition de Chavez pourrait mettre fin à la révolution bolivarienne, car si le président garde beaucoup de popularité, le régime ne cesse de perdre du crédit. C’est la conséquence inévitable du problème posé par le manque colossal de logements, de l’augmentation des coupures d’électricité, de la corruption, de la criminalité, et l’amertume vis-à-vis d’une couche de nouveaux riches qui se développe. En outre, la bourgeoisie vénézuélienne, qui n’a jamais vraiment été inquiétée par le gouvernement, tire ses marrons du feu de la spéculation. Si Chavez n’est plus en mesure de se représenter et que la révolution bolivarienne échoue, cela constituera un boulevard pour la droite dans la région, l’impact sur d’autres pays comme Cuba sera inévitable. Il apparaît clairement que la seule manière de maintenir et développer les acquis ne repose pas sur des leaders charismatiques mais repose sur la lutte de la classe ouvrière et son contrôle sur la société. Ce constat peut être étendu à la Bolivie, où les accords de Morales avec la bureaucratie et le patronat ont créé la désillusion et un vide politique.

    Une période riche en défis pour la classe ouvrière et les marxistes révolutionnaires

    Dans le reste des Amériques également, les polarisations et la lutte se développent. Au Brésil, les mouvements sociaux se sont multipliés dernièrement pour protester contre la corruption et pour des augmentations de salaire. Au Chili, des centaines de milliers de personnes ont manifesté en juin pour des revalorisations salariales. En Asie encore, 200 000 personnes ont manifesté à Hong-Kong pour réclamer la fin des gouvernements fantoches. En Malaisie, le développement des mouvements sociaux est tel que le gouvernement a procédé à l’emprisonnement de militants du Parti Socialiste-Maleisie. En Afrique, les mouvements de masses dans le monde arabe ont constitué une véritable source d’inspiration pour lutter. Au Malawi par exemple, où 70% de la population vit avec moins d’1$ par jour, une manifestation record a pris place. En Afrique du Sud et au Nigeria, les directions syndicales se retrouvent constamment acculées et sous pression

    A travers les continents, la question de l’organisation de la classe ouvrière est posée de manière on ne peut plus évidente. A l’heure actuelle, un gouffre sépare les besoins des travailleurs et leur niveau d’organisation et de conscience. L’absence d’organisation de masse pour les travailleurs ouvre la porte à la recherche d’alternatives erronées, comme c’est le cas en Inde avec des guérillas contre les multinationales.

    Pour les marxistes, il est indispensable d’étudier l’histoire de la lutte des classes pour en tirer les leçons. Partout des partis de masse de la classe ouvrière sont indispensables à la lutte des travailleurs pour augmenter le degré d’organisation et le niveau de conscience. Les organisations révolutionnaires du CIO vont également devoir se construire durant cette période de lutte des masses qui se présente pour gagner les travailleurs à la lutte pour le socialisme.

  • Ecole d’été du CIO – Crise capitaliste mondiale : Economie et relations inter-impérialistes

    La semaine dernière, des partisans du CIO issus de 33 pays ont participé à l’Ecole d’été du Comité pour une Internationale Ouvrière, en Belgique. Des camarades étaient présents d’Europe de l’Ouest et de l’Est, mais aussi d’Amérique du Nord ou Latine, du Nigeria, de Malaisie, de Hong Kong et du Moyen Orient. Voici ci-dessous un résumé d’une discussion plénière consacrée aux perspectives mondiales.

    Par Alison Hill, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Niall Mulholland, du secrétariat international du Comité pour une Internationale Ouvrière, a introduit cette discussion plénière consacrée à l’économie mondiale et aux relations inter-impérialistes en expliquant à quel point chaque partie du globe est affectée par cette crise économique qui s’approfondit. En raison de la mondialisation, aucun continent n’a pu y échapper et aucun des problèmes fondamentaux n’a été résolu.

    A travers le monde, la classe dirigeante tente de maintenir ses privilèges aux dépens de la classe ouvrière et de ses rivaux dans d’autres Etats-nation. Cela entraîne le développement de nouveaux mouvements révolutionnaires ainsi que la possibilité du développement de tensions et de conflits.

    Le capitalisme est un système d’inégalités extrêmes. Aux Etats-Unis, les cadres supérieurs ont reçu une augmentation de 38% de leurs bonus en 2010, tandis que des millions de personnes sont actuellement au bord de la famine en Afrique de l’Est. La spéculation sur les denrées alimentaires a catapulté 44 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, uniquement pour cette seule année.

    Mais la famine en Afrique de l’Est n’est pas tombée du ciel. Des scientifiques estiment que les sécheresses successives de la région peuvent être liées au changement climatique. Les conflits locaux et l’intervention de l’impérialisme en Somalie ont également contribué à cette tragédie, tout comme a la destruction des manières de vie par les multinationales agro-alimentaires.

    L’environnement est aujourd’hui une part essentielle des perspectives, et ce thème occupe une place cruciale dans le programme du CIO, en particulier maintenant que le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et l’Inde ont le projet de construire de nouvelles centrales nucléaires. Les problèmes environnementaux peuvent ébranler des gouvernements, et même les faire chuter.

    En Australie, le gouvernement travaillistes/verts a introduit un impôt très impopulaire sur le carbone, impopulaire parce que les coûts de la taxe seront simplement transférés du Grand Capital vers le dos de la classe ouvrière, alors que l’émission de gaz carbonique est en augmentation.

    Pour en finir avec la famine, les désastres environnementaux et la pauvreté, il est nécessaire de réorganiser l’économie mondiale, en prenant pour base les besoins sociaux, toujours plus pressant alors que la crise capitaliste se prolonge.

    Une nouvelle récession ?

    Jusque récemment, beaucoup d’économistes parlaient d’une reprise économique, en regarder les marchés financiers et la croissance des économies du Brésil, de l’Inde et de la Chine. Maintenant, ils ont découvert que l’économie mondiale est enfermée à clef dans la crise. L’économie mondiale est dans une période de stagnation mais, à moins d’un changement fondamental, les cycles de ‘boom’ et de ‘bust’ continueront. Mais la tendance générale actuelle est basée sur des phases de croissance plus faibles et plus courtes dans une période générale dépressionnaire du capitalisme mondial. Le gaspillage du capitalisme peut être illustré par un seul fait – le chômage a augmenté de 27 millions de personnes depuis 2007, pour atteindre 205 millions à travers le monde.

    La barbarie du capitalisme peut aussi être vue dans les milliers de morts conséquents à la relative à la guerre de la drogue entre gangs et gouvernement. Des milliers de soldats sont déployés dans des villes occupées, torturant et massacrant au nom de cette ‘‘guerre des drogues’’.

    La réponse des classes dirigeantes à la crise financière et économique de 2007/2008 a été de sauver les banques et de lancer un paquet de stimulus, mais cela a entraîné l’arrivée de nouveaux problèmes. Les déficits publics ont forcé à réduire les dépenses sociales.

    Aux USA, le paquet du stimulus d’Obama est épuisé. Ses réductions d’impôts de 2010 ont été éliminées par l’augmentation des prix du pétrole et des loyers. L’éclatement de la bulle immobilière a eu pour conséquence de réduire la richesse des ménages. L’industrie de la construction et les dépenses des ménages connaissent une dépression. Les compagnies américaines sabrent dans la production et renvoient des travailleurs. Plus de 24 millions de personnes sont maintenant sans emploi ou sous-employées. Le nombre de personnes ayant besoin de coupons alimentaires a augmenté de 50% de 2008 à 2011, atteignant donc maintenant 45 millions de personnes. Ainsi, presque une personne sur sept vivant aux USA a besoin d’aide pour avoir suffisamment de nourriture à manger.

    La classe dirigeante essaye partout de détruire les acquis sociaux gagnés par la classe ouvrière dans l’après-guerre, et les attaques sont de plus en plus nombreuses.

    les problèmes rencontrés lors des négociations entre Républicains et Démocrates américains concernant le programme économique a alarmé les marchés, et le FMI a averti que même une petite crise de confiance envers la solvabilité des USA pourrait déclencher une nouvelle récession globale.

    Les Démocrates ont plaidé pour des coupes budgétaires et une petite augmentation de l’imposition sur les riches, tandis que les républicains, sous la pression du Tea Party, n’ont voulu entendre parler que d’énormes coupes. Un tiers des républicains à la Chambre des représentants a seulement été élu en 2010 et sont vulnérables à la pression du Tea Party. Ils craignent de perdre leurs sièges en s’associant aux Démocrates.

    Etant donné les grandes conséquences d’un défaut de paiement, même provisoire, l’arrivée d’un compromis est probable (la discussion et la rédaction de ce rapport en anglais ont eu lieu avant la conclusion de cet accord, NDT), mais il n’apportera pas de solution à long terme pour la crise économique des USA. La classe dirigeante américaine n’a aucune stratégie à court terme, encore moins de solution à long terme, face à cette crise systémique et prolongée de capitalisme.

    Les travailleurs américains n’ont aucun choix autre que celui de se battre, et ils ont déjà démontré le potentiel qui est le leur au Wisconsin, lors de la lutte de masse contre les attaques antisyndicales du gouverneur de droite et contre ses autres attaques antisociales. Mais le fait que cette lutte n’ait pas réussi à stopper ces assauts, en grande partie suite au manque de volonté de la part des dirigeants syndicaux pour développer la lutte de masse, illustre également la nécessité de lutter pour des changements dans les syndicats et pour la construction d’un parti indépendant des travailleurs.

    China

    La Chine est également aux prises avec les contradictions globales du capitalisme. La crise de 2008 a eu pour conséquence une baisse de ses exportations, qui ont coûté 23 millions d’emplois au pays. Craignant l’agitation sociale, un programme de stimulus a été instauré par les banques dirigées par l’Etat, avec en résultat une croissance rapide qui a boosté les marchés, mais a aussi eu comme conséquence une hausse des prix.

    Pendant trois ans, la Chine a semblé éviter la crise économique mondiale, mais son économie de surchauffe a créé de nouveaux problèmes et contradictions, et les dettes énormes qui ont été entraînées ne sont pas des moindres. Le développement de la production industrielle dépendait des prêts des banques d’Etat, alors que les autorités locales ont fortement emprunté pour investir en infrastructures. A la fin de 2010, la dette des gouvernements locaux uniquement était équivalente à 40% du PIB.

    La spéculation immobilière a signifié une augmentation des prix et un excédent sur le parc immobilier. Pourtant, des millions de personnes ne peuvent toujours pas se permettre d’acheter ou de louer un logement.

    Le Brésil, l’Australie et le Canada assurent l’approvisionnement de nombreuses matières premières utilisées en Chine. Ces pays sont donc vulnérables à une perte de vitesse de l’économie chinoise. N’importe quel ralentissement économique signifierait aussi une attaque sur les salaires et les conditions de vie de la classe ouvrière chinoise.

    La crise économique se poursuit et, combinée à la forte croissante relative de la Chine, nous assistons à une intensification des grandes rivalités et des tensions entre puissances.

    La classe dirigeante du Pakistan a noué des liens étroits avec la Chine, alors la classe dirigeante indienne a favorisé ses liens avec les USA, et les tensions se détériorent entre ces deux pays.

    La classe dirigeante américaine vise à tenter d’imposer des régimes conformes à ses intérêts dans des régions géostratégiques essentielles à travers le monde et à contrôler les réserves de pétrole et d’autres ressources essentielles. En Afghanistan, l’impérialisme américain est devenu dépendant des seigneurs de guerre, alors que le gouvernement fantoche de Karzai manque d’un réel soutien populaire. Obama prévoit de retirer 33.000 troupes d’Afghanistan d’ici fin 2012, mais environ 70.000 soldats resteront encore. Ils y a aussi 50.000 troupes des USA en Irak, dans 53 bases militaires.

    En Russie, les tensions augmentent au sein de l’élite russe, dans la perspective des élections présidentielles. La plupart du temps, les polémiques concernent la politique économique et l’approche à adopter face à l’ouest. Le Président Medvedev est plus pro-occidental et favorable à une approche plus ‘‘libre marché’’. Tant le premier ministre Poutine que le président Medvedev veulent participer aux prochaines élections, mais tous deux perdent leur soutien dans les sondages. Dans le cadre du mécontentement croissant parmi les masses en Russie, la lutte entre Poutine et Medvedev peut devenir véritablement explosive.

    Chavez

    Au Venezuela, la sérieuse maladie du Président Hugo Chavez a dévoilé au grand jour les différentes factions en concurrence au sein du régime. Chavez est encore populaire, grâce à ses programmes sociaux de réformes, notamment dans la santé et l’enseignement. Mais le soutien pour le régime bolivarien diminue, sur fond de coupes dans l’électricité, de corruption, de crise du logement et d’un des taux de meurtres les plus élevés au monde. Pendant ce temps, une nouvelle couche de la bureaucratie s’enrichit.

    Chavez a annoncé qu’il se représentera pour un autre mandat de six ans, mais si sa santé empire et qu’il est hors du pays pour des périodes prolongées, cela peut ouvrir une lutte pour le pouvoir. Cela encouragera l’opposition réactionnaire. Et si la révolution bolivarienne déraille, cela exercera un grand effet sur Cuba, qui dépend du pétrole vénézuélien.

    La seule manière de défendre les acquis sociaux gagnés au Venezuela et à Cuba, c’est que la classe ouvrière organise la défense de la révolution : en prenant l’économie sous son contrôle et sa gestion démocratique et en étendant la révolution à travers les Amériques.

    La polarisation entre riches et pauvres à travers l’Amérique Latine a alimenté la lutte de classe. Au Brésil, il y a eu des luttes contre la corruption et des dizaines de milliers de professeurs et d’étudiants ont marché au Chili le 30 juin en défense de l’éducation publique.

    Les lutes industrielles en Afrique

    En Afrique, les luttes de la classe ouvrière ont été amplifiées par les mouvements révolutionnaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En Afrique du Sud, une grève de trois semaines des ingénieurs a permis de gagner des concessions. Les ouvriers sud-africains dans le secteur des carburants sont maintenant en lutte. Ces mouvements ont secoué le gouvernement de l’ANC, mais la fédération syndicale COSATU n’a pas coordonné les grèves et n’a pas organisé des actions pour répondre aux besoins des millions d’ouvriers et de pauvres. Au Nigéria, une grève de trois jours concernant les salaires a été annulée, mais cette problématique a encore le potentiel d’éclater, étant donné la terrible pauvreté des d’habitants. Il y a également eu des protestations sans précédent au Malawi, où 75% de la population gagne moins d’un dollar par jour.

    Ces exemples illustrent le potentiel pour la croissance de la résistance de la classe ouvrière dans ce continent. Mais il y a un grand espace entre les besoins de la classe ouvrière et le niveau de conscience parmi les travailleurs du monde entier. Le CIO appelle à relier ces luttes dans le monde entier et à faire campagne pour la construction de nouveaux partis de masse des travailleurs, ainsi qu’à construire également les forces du marxisme.

    Pendant la discussion plénière, des orateurs de partout dans le monde ont présenté des rapports des luttes dans leurs pays et des leçons à en tirer pour la construction du CIO.

    En Australie, la situation des exportations de matières premières vers la Chine et le Japon a eu pour conséquence une croissance de l’industrie minière. La conscience de masse est loin derrière celle connue en Europe ou ailleurs dans le monde, mais cette période de tranquillité apparente ne sera pas éternelle, et la crise frappera également l’Australie. Le gouvernement minoritaire du Parti Travailliste est à un taux de soutien historiquement bas dans les sondages, à la suite de l’imposition de la taxe sur le carbone. Si une élection se produisait demain, l’opposition de droite l’emporterait certainement, mais seulement pour lancer des attaques plus sérieuses contre la classe ouvrière. Une révolte de type ‘‘européen’’ peut se développer en Australie. Elle souffre des mêmes problèmes fondamentaux de la dette et un tiers de tous les emplois sont qualifiés d’instables.

    La Malaisie a été une économie à croissance rapide ces dernières années, mais elle n’est pas immunisée à la crise. Les exportations de matières premières, telles que le caoutchouc vers la Chine, ont eu comme conséquence une croissance de 7% en 2010. Mais la Malaisie dépend fortement des économies plus puissantes. Une fois que le pays sera inondé de marchandises chinoises bon marché, le marché local ne pourra pas survivre. En attendant, le gouvernement recherche à aller plus loin sur la voie de la libéralisation en démantelant le contrôle des prix et en réduisant les dépenses. Paul Murphy, député européen du Socialist Party d’Irlande, a présenté un rapport inspirant basé sur sa visite au Kazakhstan. En utilisant sa position en tant que député européen, Paul a pu donner un soutien concret aux ouvriers en grève dans le secteur du pétrole, qui sont aux prises avec leur direction dans une des plus grandes batailles industrielles des travailleurs de l’ex-Union Soviétique depuis l’effondrement du stalinisme.

    Le Kazakhstan est le pays le plus riche au monde en termes de ressources naturelles par habitant, mais presque tout l’argent va à l’élite dirigeante. Les ouvriers du pétrole travaillent dans des conditions extrêmes, avec des étés très chauds et des hivers très froids, pour des salaires de misère. Les ouvriers sont en grève pour de meilleurs salaires, pour le droit de constituer des syndicats indépendants et pour la libération de leur avocat, emprisonné quand le conflit a commencé.

    Des milliers d’ouvriers sont en grève depuis deux mois sans allocation de grève et beaucoup doivent encore nourrir une famille de huit ou neuf personnes. Certains ont été en grève de la faim pendant 40 jours dans le cadre de leur protestation. Toute la puissance de l’Etat a été employée contre les ouvriers. Des centaines d’entre eux ont été emprisonnés et certains ont reçu des menaces de mort.

    Paul Murphy a été chaudement accueilli lors des réunions de masse des ouvriers, et il a pu les aider dans les négociations avec la direction. S’attendant à une visite symbolique de la part d’un député européen comme ils avaient l’habitude d’en voir, les cadres supérieurs ont été choqués lorsque Paul a énergiquement parlé au nom des travailleurs.

    Tout cela a été rapporté dans la presse kazakh non gouvernementale, ce qui a aidé à renforcer la confiance des travailleurs en lutte. La prochaine tâche est de construire un soutien international. Paul a promis à la direction que s’ils n’entamaient pas directement des négociations significatives, il y aurait une campagne internationale massive.

    En attendant, le gouvernement kazakh sait qu’il ne s’agit pas simplement d’une grève économique et que cela inspirera les ouvriers à travers le pays.

    Environment

    Une des grandes questions à laquelle fait face la classe ouvrière dans le monde entier est l’environnement. L’Académie nationale des sciences aux USA a conclu que les émissions de gaz à effet de serre sont ‘‘stabilisées’’ depuis 1990, mais il est nécessaire de réduire les émissions d’au moins 40% en dix ans pour affronter le réchauffement global.

    Nous avons assisté à une exportation massive de pollution vers la Chine. Entre 2002 et 2008, le rendement de gaz à effet de serre en Chine a grimpé de quatre à sept gigatonnes. La Chine consomme la moitié du ciment au monde, et il en va de même pour le charbon, l’acier et le fer. Ce pays est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. La majorité des Verts plaident pour s’attaquer à la consommation, en condamnant ainsi les travailleurs en Chine et dans d’autres pays comme l’Inde à la pauvreté éternelle.

    Le gouvernement chinois utilise cyniquement cet argument. Il développe des sources d’énergie renouvelables, mais surtout comme une tentative lucrative pour devenir le leader mondial de l’énergie renouvelable.

    Le CIO dit qu’il n’est pas possible de parvenir à une solution à long terme pour la crise environnementale sur base du profit privé. La Loi du marché détruit l’environnement. Nous avons besoin d’une planification démocratique de la production, en harmonie avec l’environnement, dans le monde entier.

    Il y a eu de nombreuses autres contributions intéressantes à la discussion, de Hong Kong, de France, de Bolivie, du Venezuela, du Brésil, d’Israël, de Russie, du Nigéria ou encore d’Inde, mais il n’est pas possible de tout résumer ici.

    Aux USA, les protestations massives du Wisconsin ont constitué une petite indication de l’esprit de combat des ouvriers lors de ce soulèvement contre les attaques sur les syndicats, les pensions,… Ces protestations ont impliqué des milliers de travailleurs non-organisés et de jeunes.

    En novembre passé, l’élection des gouverneurs de droite a augmenté les attaques contre les travailleurs. Dans beaucoup de secteurs, les Démocrates utilisent le Tea Party comme couverture pour leurs attaques contre les travailleurs.

    Au Wisconsin, les partisans de Socialist Alternative (CIO-USA) ont réclamé l’organisation d’une grève générale d’une journée. Mais les dirigeants syndicaux ont défendu que davantage d’actions risquerait de faire perdre au mouvement le soutien populaire.

    Mais le Wisconsin n’a été qu’une bataille dans une guerre – les prochaines batailles seront au niveau national. Wall Street veut que ce soit à la classe ouvrière de payer pour la crise.

    Irlande

    En Irlande du sud, Joe Higgins, député du Socialist Party au Parlement irlandais a été à la une de la presse en répondant à l’annonce d’une nouvelle taxe sur les ménages de 100 euros par an, imposée par le gouvernement Fine Gael/travailliste. Joe Higgins et le Socialist Party appellent à une campagne de masse pour refuser de payer cette taxe, et un forum national sera organisé le 10 septembre prochain à destination de l’organisation de cette lutte. En revanche, le Sinn Fein a de son côté que ‘‘un boycott est très dangereux’’.

    En conclusion de la discussion, Clare Doyle, du Secrétariat International du CIO a fait remarquer que le CIO était présent dans plus de 45 pays actuellement, et que cette école d’été n’avait jamais vu autant de représentants de différents pays.

    Il ressortait clairement de la discussion que les idées de la lutte et de la révolution touchent de plus en plus de gens. Le capitalisme est si profondément dans la crise que dans chaque pays les classes dirigeantes sont inquiètes pour leur avenir. Une indication du manque de confiance en l’avenir économique est le prix record de l’or, valeur refuge par excellence.

    Les dictatures du monde entier ont été secouées par la chute de Moubarak en Egypte et de Ben Ali en Tunisie. De nouvelles protestations éclateront encore, souvent malgré les directions syndicales. Notre tâche est de construire nos forces ainsi qu’une direction qui soit digne du sacrifice et de l’esprit de combat de ces travailleurs.

  • Europe en crise: Chez nous bientôt aussi?

    L’euphorie de l’unification européenne qui régnait il y a de cela dix ans est devenue crise, tension et peur. La presse économique le reconnaît d’ailleurs avec beaucoup d’honnêteté. Tandis que le Financial Times écrivait il y a peu qu’ “Un spectre hante l’Europe: le spectre de la Grèce”, The Economist a eu une photo d’une manifestation grecque avec pour légende “Bientôt dans votre ville ?”

    Article tiré de l’édition de Lutte Socialiste de juin

    Tragédie grecque

    [box type=”shadow” align=”alignright” width=”100″]

    Solidarité européenne!

    Manifestation ce samedi 26 juin – 13h30 – Place Van Meenen, Saint Gilles (Bruxelles) – Près de la Gare du midi, arrêt Horta

    • Appel du Front des Gauches
    • Tract du Front des Gauches
    • Europe – Initiative pour une “semaine de protestations et de solidarité”
    • Agenda de la semaine d’action
      [/box]Ceux qui prétendent que la crise grecque est le produit de la “fainéantise” ne font que mentir pour masquer leur propre responsabilité. Si la Grèce est un maillon faible de l’Union Européenne, ce n’est aucunement la faute aux travailleurs grecs, mais bien à la politique néolibérale de ces dernières années.

      La dette de l’Etat a bondi au-delà des 300 milliards d’euros, soit 112% du Produit Intérieur Brut(1) et elle pourrait même atteindre les 130% en 2013. Il est même probable que ces chiffres soient en dessous de la réalité, car il est difficile de se rendre réellement compte de l’ampleur des dettes, masquées sous de complexes montages financiers. Cette montagne de dettes est de plus aggravée par la spéculation financière et par la fraude fiscale des grandes entreprises. Les francs-tireurs de la dictature néolibérale – les hedge funds (fonds spéculatifs), les banques d’investissement et les grands actionnaires et les agences de cotation – ont assiégé l’économie grecque. Maintenant, la Grèce ne peut emprunter qu’à des taux très élevés, au grand bonheur des spéculateurs.

      Les institutions internationales exigent que ce soient les travailleurs grecs et leurs familles qui payent pour la crise et non pas les spéculateurs et les capitalistes. Le plan d’austérité qui y est prévu est un véritable bain de sang social, un massacre organisé des conditions de vie des travailleurs, des pensionnés, etc.

      750 milliards d’euros ne suffisent pas pour éviter la contagion

      La Grèce est virtuellement en faillite et sa garantie de crédit (ses capacités à rembourser ses dettes) est encore plus bassement estimée que celle de l’Islande, qui s’est économiquement effondrée en octobre 2008. Aujourd’hui, la question qui obsède les gouvernements et les économistes, c’est de savoir qui sera la prochaine victime des charognards financiers. Tous les pays européens sont dans la tourmente. Les banques et entreprises allemandes ont placé 390 milliards d’euros en Grèce, au Portugal, en Espagne et en Irlande, pays au bord du gouffre. Voilà pourquoi le gouvernement allemand a tout de même fini par accepter le plan d’aide à la Grèce en dépit de son opposition initiale.

      Ce plan d’urgence, d’une valeur de 750 milliards d’euros, a suscité l’euphorie sur les bourses… pendant un jour ! Le lendemain, le doute était revenu et l’euro a continué à perdre du terrain. Pour certains économistes et politiciens, 750 milliards d’euros, ce n’est toujours pas assez pour sauver la zone euro de façon structurelle: envoyer une bouée à un naufragé, cela ne veut pas encore dire qu’on l’a sorti de l’eau. Ces aveux ont encore plus aiguisé la soif de spéculation des vautours de la finance.

      Ce plan comporte de nombreux risques. Tout d’abord, pour la majeure partie, il s’agit d’un plan destiné à emprunter aux marchés financiers à de meilleures conditions. La dette ne disparaît donc pas, il ne s’agit que d’un emballage de celles-ci en répartissant les risques. Mais l’Histoire nous a appris que répartir des risques de faillite ne fait pas subitement disparaître les risques, cela ne fait que les éparpiller. On parle déjà de “contagion” au Portugal, en Irlande, en Italie et en Espagne. Certains attirent également l’attention sur la Belgique : l’économiste britannique David Roche a ainsi décrit notre pays comme une “vraie ruine”.

      La brève euphorie autour de “la quatrième plus forte hausse du Bel 20”(2) qui a suivi l’annonce du le plan d’urgence a précédé d’une seule journée une monumentale “gueule de bois” (selon la une du quotidien économique flamand De Tijd). Le capitalisme ressemble de plus en plus à un accro à l’héroïne pour qui chaque nouveau fix entraîne une brève euphorie mais qui, au fur et à mesure que la fin approche, ressent de moins en moins d’effets à chaque shot.

      Aucune alternative ?

      Les dirigeants européens répètent à l’envi qu’il n’existe aucune alternative aux coupes budgétaires et aux plans d’austérité, logique suivie par tous les partis traditionnels. En Grèce, l’austérité est appliquée par un gouvernement social-démocrate et, au Parlement Européen, si les Verts ont bien fait quelques remarques sur le plan d’austérité grec, elles ne portaient pas sur le contenu, mais uniquement sur la vitesse à laquelle ce dernier devait être appliqué pour qu’un “plus grand consensus” soit atteint. A les entendre, la seule solution, c’est de faire payer les travailleurs et leurs familles.

      Certains pensaient que l’Allemagne, moteur de l’économie européenne, pourrait empêcher l’approfondissement de la crise, mais cet espoir est vain. La bonne position concurrentielle de l’Allemagne face aux autres économies est basée sur de bas salaires (attractifs pour les patrons) ainsi que sur les dures coupes budgétaires de ces dernières années. Mais cela a impliqué une chute de la consommation interne du pays. Hors de question donc d’imaginer que la consommation allemande puisse sortir l’Europe d’affaire.

      Expulser la Grèce hors de la zone euro est encore moins une solution. Le gouvernement grec pourrait bien dévaluer sa nouvelle monnaie, mais si les dettes doivent être payées en euros, cela ne solutionnerait rien, tandis que toute réévaluation de la dette diffuserait d’autant plus la crise. Mais, par dessus tout, la désaffection de la Grèce aurait un effet de sape sur la zone euro.

      Le capitalisme subit une cuisante défaite idéologique. Il n’est plus question d’euphorie pour le projet européen ou le capitalisme. Si le mouvement des travailleurs ne formule pas ses propres réponses face à la crise, la bourgeoisie attendra gentiment la fin de la crise en nous la faisant payer dans le sang et la sueur. Le choix est simple : subir l’effondrement de notre niveau de vie ou entrer en lutte tous ensemble contre ce système.

      En Grèce, le mouvement de protestation est d’une grande importance. L’appel de parlementaires européens de la Gauche Unitaire Européenne/Gauche Verte Nordique pour une semaine d’action de protestations coordonnée à l’échelle européenne pour la fin du mois de juin est une excellente initiative pour renforcer l’idée de solidarité internationale. Mais cela doit absolument s’accompagner d’une campagne en faveur d’une réponse clairement socialiste face à la crise du capitalisme.


      (1) PIB: indicateur économique qui mesure les richesses créées dans un pays donné et pour une année donnée. Une dette de plus de 100% signifie donc que même toute la richesse créée en une année dans le pays ne suffirait pas pour payer les créanciers.

      (2) Bel 20 : principal indice boursier à la Bourse de Bruxelles, reprenant la valeur de 20 actions de Bruxelles (Colruyt, InBev, Dexia,…)

  • Europe : Crise de la zone Euro, conflits inter-capitalistes et lutte des classes

    Le Bureau Européen du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO), réuni du 13 au 15 avril, a discuté du potentiel d’explosions sociales, étant donne la crise actuelle, de l’instabilité sociale et politique et des tâches auxquelles font face les marxistes et la classe ouvrière. Nous publions ci-après la résolution émanant de cette réunion qui a rassemblé des représentants d’Autriche, de Belgique, de Chypre, de République Tchèque, de Grande Bretagne, de France, d’Allemagne, de Grèce, d’Islande, d’Irlande (Nord et Sud), d’Italie, de Pologne, du Portugal, de Russie, d’Écosse, de Suède, mais aussi des représentants issus de l’extérieur de l’Europe (du Pakistan et d’Israël).

    Rédigé par le Secrétariat International du CIO

    1. Depuis la réunion du Comité Exécutif International (CEI) en décembre 2009, l’analyse générale du CIO sur la situation mondiale et les évolutions de l’économie mondiale se sont avérées être exactes. Du matériel a été produit concernant la situation générale de l’économie mondiale ; il n’est pas nécessaire d’y revenir en détail dans ce bref communiqué. L’évolution de l’économie mondiale et de la situation politique constituent l’arrière plan de la crise à laquelle font face les classes dirigeantes en Europe, la pire qui a frappé la zone depuis que l’euro a été lancé. L’économie mondiale n’a connu qu’une “relance” très limitée, qui reste faible et fragile. Les énormes plans de relance mis en place en particulier aux USA, en Chine et en Europe ont eu un effet, dans le sens où ils ont pu empêcher un complet effondrement de l’économie mondiale, qui aurait pu se transformer en dépression. Pourtant, les plans de relance ont été limités et n’ont pas résolu la crise sous-jacente.

    2. La “reprise” n’a pas été suivie d’un retour à une croissance solide de “l’économie réelle” et menace de créer les conditions d’une “double chute” de l’économie mondiale. Les derniers chiffres publiés par les économistes renvoient à une augmentation de la “croissance” aux USA et en Europe, mais ne représentent pas une réelle augmentation des capacités de production ni ne ramènent la production au niveau qu’elle avait dans la période précédant le déclenchement de la crise. L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) prévoit que le commerce international se développera à hauteur de 9.5% cette année. Mais même si cela se produisait, ce ne serait pas suffisant pour rattraper la chute de 12.2% du commerce international en 2009. La “reprise” qui a suivi les plans de relance dans différents pays s’est basée sur des schémas tels que la prime à la casse ou, par exemple, une réduction de la TVA en Grande Bretagne. Ces mesures n’ont été que temporaires et limitées, elles ne représentaient en aucun cas un retour à une croissance stable et durable. L’investissement continue de stagner ou de baisser. En février, le taux de chômage officiel de la zone Euro était de 10%. La croissance aujourd’hui vient en grande partie du fait que les entreprises reconstituent leurs stocks, et parallèlement à la création de nouvelles “bulles” du fait de l’injection massive de liquidités dans l’économie par l’Etat, particulièrement le secteur financier. La Chine et l’Allemagne ont été capables de renforcer leurs exportations dernièrement, mais la question cruciale à laquelle est confronté le capitalisme mondial est l’absence de demande et de nouveaux marchés. Dans le cas de l’Allemagne, la croissance des exportations a été réalisée au détriment de ses concurrents et sans réelle extension de son marché intérieur. Le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour l’Allemagne pour 2010 de 1.5% à 1.2%, au regard de la faiblesse du secteur financier et du commerce international.

    3. Les quelques “exceptions” qui existent pour le capitalisme, comme la Chine, le Brésil et l’Inde dans une moindre mesure, peuvent toujours être frappés tardivement par la crise et se retrouver plongés en récession. La Chine, qui connait une bulle immobilière, pourrait voir une contraction de son économie, qui pourrait par ailleurs provoquer une explosion sociale que le régime ferait tout pour éviter. Même si l’économie mondiale peut retourner vers une période de croissance totale, ce qui sera inévitable à un certain stade, il est important de souligner que ce ne sera pas suffisant pour apporter une solution aux conséquences de la crise, aux privations et aux désastres sociaux auxquels est confrontée la masse de la population mondiale, ni à ses conséquences politiques.

    4. Jusqu’à présent, la conjoncture n’est donc pas une “reprise” au sens propre, mais plus largement une “reprise avec chômage” ; dans laquelle le chômage de masse persiste même en cas de croissance limitée. A l’échelle internationale, les classes dirigeantes cherchent toujours plus à détériorer les conditions de vie et de travail ainsi que les salaires. Ces trente dernières années, nous avons pu observer une phase de dépression sous-jacente, comme nous l’avons expliqué dans les derniers articles et documents publiés par le CIO. Cette tendance a toutefois été masquée par la croissance de la consommation basée sur une extension massive du crédit et sur toute une série de bulles spéculatives qui ont toutes explosé.

    5. Chaque crise du capitalisme contient en elle-même une période de croissance et de reprise partielle, qui conduira à un certain stade à une nouvelle crise, récession ou stagnation. Nous avons connu une série de crises en résultant, une tendance qui se développe toujours. Le déclenchement de la crise, il y a trois ans, représentait un gigantesque coup porté à l’idéologie capitaliste. Ceci a forcé les classes dirigeantes à répondre par une série de mesures de type “capitalisme d’État”, où l’État était obligé d’intervenir sur le marché pour le soutenir et le sauver. C’est une situation entièrement différente de celle qui existait après la seconde guerre mondiale, où l’on observait un développement de “l’économie mixte”. La bourgeoisie acceptait alors qu’une assez grande partie (bien que minoritaire) de l’économie soit sous contrôle d’un État interventionniste, accompagnée par la mise en place de réformes sociales radicales. Aujourd’hui, au contraire, les politiques interventionnistes et de nationalisation ont un caractère à court terme, et sont rapidement suivies de privatisations – accompagnées de contre-réformes et d’attaques brutales contre les conditions de vie et de travail.

    La crise de la zone Euro

    6. Jusqu’à maintenant, l’évolution la plus significative en Europe a été le drame qui a suivi l’explosion de la dette grecque. Les répercussions se sont senties à l’échelle internationale et elle a déclenché une crise majeure dans la zone Euro et l’Union Européenne. Cette crise a révélé les antagonismes nationaux conséquents qui existent entre la Grèce, l’Allemagne, la France ainsi que les autres puissances de l’UE.

    7. Cela a aussi révélé la faiblesse relative de l’euro et a remis en question sa viabilité future. L’incertitude que cela a provoqué représente un réel recul des classes dirigeantes européennes. L’Allemagne, afin de défendre ses intérêts nationaux, a refusé de renflouer la Grèce. La ligne de conduite très stricte adoptée par Angela Merkel reflète la peur de l’impérialisme allemand d’un sauvetage de la Grèce qui créerait un précédent au moment ou des crises se déchaînent notamment en Espagne et au Portugal. En faisant preuve d’une nouvelle vigueur menaçante, Merkel a déclaré que les pays qui plongeraient dans la crise pourraient se retrouver jetés en dehors de la zone Euro, ce qui reflète également la profonde crise des classes dirigeantes européennes. Par ailleurs, autoriser la Grèce à ne pas assurer sa dette pourrait déclencher non seulement une crise politique majeure, mais aussi une nouvelle tempête financière

    8. La réaction des autres puissances européennes (particulièrement la France) et le conflit qui s’est développé entre elles ont transformé la crise grecque en crise européenne, avec une immense pression exercée sur l’Allemagne afin qu’elle change de position. La décision d’inclure le FMI dans le sauvetage de la Grèce représente un coup au prestige des bourgeoisies de la zone Euro et de la BCE. Une des idées à la base de la création de cette dernière était la volonté d’établir un contre pouvoir face à l’impérialisme US et au FMI. Ces récentes évolutions, toutefois, sont bien loin des jours paisibles du triomphe du capitalisme européen au lancement de l’euro, quand existaient alors de fortes attentes quant à une croissance économique, un Euro fort et un chemin stable et harmonieux vers une plus grande intégration européenne. Certains ont même défendu que ce processus aboutirait à une disparition des antagonismes nationaux en Europe et à la fin des État bourgeois nationaux dans l’Union Européenne.

    9. Nous nous sommes opposés à ces illusions, qui, comme le CIO l’avait anticipé, se sont révélées totalement fausses, avec une augmentation des tensions interétatiques pendant la crise. Cela a dévoilé les obstacles à une réelle intégration européenne et une incapacité à dépasser les limites de l’État-nation et les intérêts nationaux des classes dirigeantes de chaque pays. Le degré d’intégration capitaliste à l’UE a probablement atteint ses limites pour cette période, avec un processus qui stagne voire se renverse.

    10. La crise de l’Euro ne veut pas simplement dire qu’il sera abandonné par les classes dirigeantes. Dans la crise à venir, il est plus probable que certains pays s’en retirent, suite à la forte pression que la monnaie exerce sur les gouvernements nationaux. La force des antagonismes nationaux, provoquée par l’insistance de l’Allemagne à défendre ses propres intérêts, s’est reflétée dans la référence faite au rôle de l’impérialisme allemand en Grèce pendant la seconde guerre mondiale. Cela a été repris par Sarkozy qui, selon Le Monde, disait à un ami que “[l’impérialisme allemand] n’avait pas changé.” Le conflit entre les intérêts français et allemands représente clairement un changement par rapport à la dernière période, où la France et l’Allemagne tendaient à agir en tant qu’alliés, au moins concernant l’UE. Parallèlement, cela laisse l’impérialisme français dans une situation précaire. La France souhaite éviter de devoir s’allier à l’impérialisme britannique ou US. Le capitalisme allemand a été en capacité d’exploiter les taux d’intérêts à son avantage, et a finalement pu obliger une France réticente à accepter qu’il impose sa position. L’Allemagne, malgré la croissance de ses exportations, est le moteur de la croissance européenne. Mais face à la crise, elle essaie de “rationner” le reste de l’Europe et exige la mise en place de plans d’austérité drastiques, en particulier de la part des économies européennes les plus faibles.

    11. Une campagne nationaliste féroce a été menée par la classe dirigeante allemande contre le peuple grec. De son côté, la classe dirigeante grecque a également essayé de stimuler le nationalisme en Grèce. Comme nous l’avions expliqué, cela indique qu’un sentiment nationaliste peut se développer et être encouragé par les classes dirigeantes européennes alors que la crise se développe. Il est important que nous contre-attaquions en menant la lutte pour l’unité des travailleurs. Les sections du CIO en Europe devraient entreprendre une campagne pour renforcer l’idée de la nécessité d’une lutte unifiée de tous les travailleurs contre les coupes et les attaques. A ce stade il est peut-être prématuré d’appeler à une grève générale de 24 heures dans toute l’Europe; mais l’idée d’une mobilisation européenne contre les coupes et les attaques sur les conditions de vie est quelque chose que nous devrions défendre énergiquement.

    12. La crise a été aussi dévastatrice pour l’Europe de l’Est et l’Europe centrale. Les espoirs soulevés par la restauration du capitalisme ne se sont pas matérialisés pour les masses. La chute désastreuse des économies dans des pays comme la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie est comparable avec la période de grande dépression des années 1930. La Hongrie se débrouille un peu mieux actuellement. Même si la Pologne semble être l’exception, l’accumulation croissante de la dette publique, qui menace d’atteindre les 55% du PIB l’année prochaine, probablement pour grimper rapidement à 60%, sera l’occasion pour la classe dirigeante de procéder à des coupes et des attaques contre la classe ouvrière. Cela doit être pris en compte au regard de la catastrophe en Russie. Le chômage est probablement plus élevé qu’en 1994, quand la production s’est effondrée suite à la chute de l’URSS. Le régime commence à être divisé et une éruption sociale représente une perspective sérieuse dans une période relativement courte.

    13. L’émergence d’antagonismes nationaux en Europe alors que la crise se développe peut également se manifester dans la résurgence de la question nationale et des tensions dans des pays comme la Belgique et l’Espagne. En Irlande du Nord, l’impossibilité de résoudre la question nationale sous le capitalisme se reflète par une augmentation des conflits sectaires entre les différentes communautés, malgré la poursuite du “processus de paix” au sommet. Comme la crise a frappé l’Espagne très durement, la vague de luttes de la classe ouvrière s’est rapidement développée, parallèlement à une augmentation du sentiment régional et national en particulier, surtout au Pays Basque et en Catalogne. 40% des dépenses de l’État sont directement administrées par les régions et provinces. Ceci peut aussi devenir un point de discorde important et conduire à des conflits avec le gouvernement national. Le CIO doit défendre les droits nationaux des différents peuples en Espagne tout en se battant pour une confédération socialiste et l’unité de classe dans tout l’État espagnol.

    Le dénigrement des travailleurs grecs ; les “PIGS” et “STUPIID”

    14. La menace d’un défaut de paiement sur la Grèce rappelle en un sens la situation de l’Amérique Latine des années ‘80 – y compris la revendication de l’annulation de la dette mise en avant par la section grecque du CIO! Aussi importante et significative que soit la crise grecque, ce n’est encore qu’une anticipation de ce qu’il se passera au Portugal et surtout en Espagne. Avec un taux de chômage de près de 20% – approchant les 40% dans la jeunesse, la question d’une révolte au moins aussi forte qu’en Grèce se pose en Espagne. Les effets et la profondeur de la crise aux échelles internationale et européenne ne sont pas uniformes. Globalement, une dépression a été évitée pour le moment. Mais l’Espagne, le Portugal, l’Irlande et la Grèce ont été dévastés par la profondeur de la crise et montrent des éléments de dépression comparables aux années 1930. L’économie de la République d’Irlande continue de se contracter. Ces pays, sous l’acronyme désobligeant de “PIGS”, sont maintenant élargis et compris dans les “STUPIIDS” (Espagne, Turquie, Grande Bretagne, Portugal, Irlande, Islande et Dubaï)!

    Conséquences sociales et politiques

    15. Pour le CIO et ses sections, les conséquences sociales et politiques et leurs effets sur la lutte des classes sont les questions décisives qui se posent lors de cette crise. Les questions des perspectives et des tâches n’ont jamais été aussi liées l’une à l’autre. L’impact de la crise sur la lutte des classes ne s’est pas encore entièrement fait ressentir. Pourtant, d’importants mouvements de masse ont explosé dans différents pays européens, particulièrement en Grèce, en Espagne et au Portugal. Dans d’autres pays, les luttes de la classe ouvrière auraient pu aller beaucoup plus loin sans le rôle de capitulation des directions syndicales en général, qui ont tendu à représenter les intérêts et la pression des patrons plutôt que de défendre la classe ouvrière. Ceci doit être ajouté à la question cruciale du niveau de conscience politique actuellement bas dans la classe ouvrière, hérité de la dernière période ; en prenant aussi en compte l’absence d’une force combative se battant pour une alternative socialiste à une échelle de masse. La faillite des directions ouvrières traditionnelles pour offrir une telle alternative a empêché le développement d’une conscience politique parmi la jeunesse et les travailleurs. Ces faiblesses signifient que la crise aura un caractère complexe et étalé dans le temps. Pourtant, des explosions sociales massives ont déjà eu lieu dans certains pays et vont se développer à travers l’Europe. Les mouvements qui ont déjà eu lieu ne sont qu’une anticipation de ce qu’il reste à venir. Des luttes industrielles et politiques se dérouleront, qui pourront permettre une croissance quantitative rapide des différentes sections du CIO ainsi que de leur influence, pour autant que nous intervenions avec les bons slogans, les bonnes tactiques et une explication générale de notre propagande socialiste. Ce ne sera pourtant pas un processus linéaire ni automatique. Le rythme de la lutte et le développement de la conscience politique seront variables d’un pays à l’autre.

    16. En plus de cette crise économique et sociale, il ne faut pas oublier la crise environnementale et le réchauffement climatique. La déclaration adoptée au CEI reste toujours autant valable. Les conséquences du réchauffement doivent être prises en compte dans nos perspectives économiques et politiques. Cela devient un souci croissant parmi la classe ouvrière alors que de plus en plus de travailleurs et de pauvres en ressentent les conséquences, même en Europe. Les mouvements en Espagne (Andalousie) concernant l’approvisionnement en eau en sont un exemple. Une frange de la bourgeoisie a mis en avant la perspective de nouvelles “éco-industries” comme solution à la crise. Cela dit, il est hautement improbable que cela puisse offrir une sortie de crise à court terme, ou de nouveaux marchés pour la bourgeoisie.

    Les luttes ouvrières et les syndicats

    17. Malgré les contradictions dans la conscience politique qui existent dans de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, ce serait une erreur de sous-estimer l’amertume sous-sous-jacente et la colère qui sont déjà présentes. En général, cela n’est pas représenté par les directions officielles des syndicats ou dans leurs structures.

    18. Il y a déjà eu des mouvements ouvriers significatifs dans de nombreux pays en réponse à la crise et aux attaques contre la classe ouvrière. En règle générale, ils ont eu un caractère défensif. En Irlande, au premier semestre de 2009, d’importantes grèves et mouvements de protestation des travailleurs se sont développés. En Grèce, les grèves du secteur public et trois grèves générales massives montrent comment la classe ouvrière a été poussée à la lutte par des attaques si brutales. Au Portugal, les grèves du public et la menace d’une grève générale illustrent à quel point la situation des travailleurs est désespérée. Les énormes manifestations en Espagne et la masse de travailleurs qui soutenaient la revendication d’une grève générale ont terrifié non seulement la classe dirigeante espagnole mais aussi celles du reste de l’Europe. Même si la Turquie n’est pas entièrement située en Europe d’un point de vue géographique, du point de vue social et politique, elle devient de plus en plus intégrée aux discussions sur l’Europe. La formidable grève à TEKEL représente un changement crucial dans la situation.

    19. L’Espagne, avec une plus grande économie et une classe ouvrière plus grande que la Grèce, peut se retrouver au centre de la crise européenne dans la prochaine période. La peur d’une telle explosion a forcé le gouvernement à retirer certaines de ses propositions concernant le recul de l’âge du départ à la retraite qui avaient provoqué l’outrage parmi les masses. Des éléments de situation prérévolutionnaire étaient présents au point culminant du mouvement en Grèce. La faillite de la direction traditionnelle du mouvement ouvrier pour offrir une alternative, le faible niveau de conscience politique et d’auto-organisation ont représenté les principaux obstacles. Pourtant, les masses sont plus radicalisées et plus à gauche que leur direction. Des explosions sociales telles que celles que nous avons vues en Grèce peuvent éclater dans une série de pays européens et pourraient aller encore plus loin qu’en Grèce à ce stade, particulièrement en Europe du sud. Les événements en Grèce ont montré des éléments de situation prérévolutionnaire qui peuvent également se développer dans une série de pays européens dans les prochains mois et années Cette nouvelle période sera plus complexe et longue précisément à cause de l’absence d’organisations ouvrières de masse.

    20. En Grande Bretagne, après les luttes de l’année dernière a Lindsey, Linamar, Vestas, chez les postiers…, 2010 a vu une série de grèves nationales des travailleurs de British Airways, des fonctionnaires du gouvernement et probablement des cheminots, qui montrent qu’une nouvelle situation se développe. La France a également été témoin de la grève nationale du 23 mars. En Belgique, des grèves initiées par la base ont aussi eu lieu.

    21. Ces mouvements, entre autres, ont eu lieu malgré les directions syndicales qui ont été terrifiées par la crise et ont cherché à jouer un rôle d’”arbitres” plutôt que de défenseurs de la classe ouvrière. En France, en Allemagne, en Italie, en Irlande, en Espagne et en Suède, plutôt que de combattre le gouvernement, elles ont cherché à rétablir un “dialogue social” et des “contrats sociaux” et ont évité d’appeler à des journées d’action nationales. Ils se sont exprimés en faveur de coupes salariales pour sauver l’emploi et ont joué les “arbitres” entre les patrons et la classe ouvrière. Quand les directions syndicales ont appelé à des journées de mobilisation, c’était généralement une manière de faire relâcher la pression plutôt que de chercher à conduire une vraie lutte. La combativité de certains travailleurs a été reflétée en Irlande avec les 83% de travailleurs du CPSU (syndicat d’employés gouvernementaux) votant pour entrer en mouvement. Un vote similaire s’est aussi produit chez les travailleurs de British Airways.

    La grève générale

    22. En Italie, malgré une vague d’opposition croissante à Berlusconi, démontrée par les manifestations massives à Rome et à Milan, la CGIL (Confédération Générale Italienne du Travail) n’était préparée qu’à appeler à une grève générale de 4 heures. Comme nous l’avons déjà soulevé, la question de la grève générale est présente de manière objective à travers l’Europe. Nous devons nous assurer que cette question est bien présente dans notre propagande et, si c’est approprié, la mettre en avant comme l’un de nos principaux slogans. Dans des pays comme la Grèce, où une série de grèves générales a été annoncée mais n’a pas été appelée avec un programme d’action clair et une alternative politique, nous devons aller plus loin avec la revendication d’une grève générale de 24 ou 48 heures. Si cela ne force pas le gouvernement à reculer, la question d’actions plus décisives et de plus longue durée pourra être posée – y compris une grève illimitée

    23. La grève générale, sous une forme ou une autre, est une question importante qui se pose objectivement à la classe ouvrière et au CIO dans la plupart des pays d’Europe. C’est une partie de notre programme. A différents moments, selon la situation concrète, nous devons la mettre en avant comme notre principal slogan et principal axe de propagande. Pourtant, c’est plus complexe maintenant que dans le passé, à cause du caractère des directions syndicales et du plus faible niveau de conscience dans la classe ouvrière. Les grèves générales ou les grèves générales partielles qui ont eu lieu dernièrement ont eu un rôle protestataire comparable aux grèves générales de protestation qui ont eu lieu avant la première guerre mondiale dans certains pays européens. Une grève générale illimitée posera inévitablement la question du pouvoir. Mais à ce stade, la conscience politique de la classe ouvrière est en décalage par rapport aux tâches qui lui incombent. Des actions supplémentaires, peut être sur une période plus longue que 24 ou 48 heures, et l’élection de comités d’action, constituent aussi une question dont nous devons nous saisir là où c’est opportun. C’est ce qu’ont fait les camarades grecs, en reliant cette question à la nécessité pour la classe ouvrière de revendiquer que Syriza et le KKE se battent vraiment contre la crise ainsi que pour le socialisme et la démocratie ouvrière.

    24. Les propositions concrètes et spécifiques que nous faisons quand nous intervenons dans les luttes ouvrières – comment les organiser, quelles actions devraient être entreprises – sont particulièrement importantes dans cette période a cause du manque d’expérience de lutte de la nouvelle génération de travailleurs. Des propositions d’actions et d’initiatives faites en temps opportun peuvent énormément augmenter notre influence et notre réputation ainsi que nous distinguer d’autres groupes opportunistes et d’ultra gauche.

    25. La question de l’équilibre entre notre intervention dans les structures syndicales officielles et nos propositions, là où c’est opportun, pour la formation de comités officieux d’action démocratiquement élus, est particulièrement importante, et a été renforcée par la période de crise. La baisse du nombre de syndiqués en Europe, particulièrement chez les jeunes, et le rôle des bureaucraties syndicales lui donnent une importance de premier ordre. Le nombre croissant de jeunes qui ont un travail en CDD ou intérim sans contrat stable est aussi une question qu’il nous faut traiter.

    26. Les mouvements ouvriers qui ont eu lieu ne représentent pourtant que la première réaction face à l’impact de la crise. Il y a également eu différentes phases dans le développement de la conscience politique et des perspectives pour les travailleurs. Dans un premier temps, il y a eu une certaine radicalisation, suivie d’une explosion de colère et d’un sentiment anti-banquiers et anti-riches dans certains pays – comme la Grèce pendant un temps et l’Irlande – ainsi qu’un certain choc voire un effet paralysant au regard de la profondeur de la crise. “Que pouvons-nous faire sinon accepter de nous serrer la ceinture ? ” En d’autres termes, il y a eu un espoir que la crise et ses conséquences ne seraient qu’un problème à court terme ; suivi d’une certaine attente que les plans de relance résoudraient le problème et que “la vie retournerait a la normale”.

    27. En Irlande, la lâcheté des directions syndicales a aggravé le problème de la conscience politique et de la confiance de la classe ouvrière. Après plus de vingt ans de croissance économique, la classe ouvrière fait face à un tsunami économique. Une acceptation amère, réticente, que les coupes sont “inévitables”, qu’il n’y a “pas d’alternative” face a un tel effondrement économique, et l’absence d’une alternative de masse a jusqu’à pressent empêché qu’un mouvement de masse se développe à partir de la base. Bien sûr, nous cherchons à contrer cela, mais notre voix est pour l’instant trop limitée pour changer les perspectives à une échelle de masse. Pourtant, cela peut rapidement changer et ouvrir la voie a une énorme explosion sociale.

    28. Il est important de comprendre ces différents états d’esprit pour adapter notre propagande, nos analyses et nos perspectives. Mais il est tout aussi important de comprendre qu’une telle ambiance d’acceptation réticente est temporaire et peut changer très rapidement et de maniéré très radicale. Parfois, un tel changement peut être occasionné par une attaque relativement mineure, suivie d’une série de mesures plus dures.

    Absence d’une alternative socialiste forte et conséquences

    29. L’absence d’une puissante alternative socialiste clairement définie et d’une telle conscience est le principal obstacle qui existe à la mobilisation des masses pour un tournant socialiste dans la situation actuelle. La bourgeoisie peut s’estimer heureuse qu’à ce stade elle n’ait même pas encore été confrontée a une puissante force réformiste de gauche ou même centriste enracinée dans la classe ouvrière, comme il a pu exister dans le passé. Le manque d’une alternative socialiste de masse se reflète dans un fort taux d’abstention aux élections dans toute une série de pays en Europe.

    30. Actuellement, il n’y a guère de gouvernement qui soit considéré comme stable en Europe. L’instabilité de la situation peut notamment se refléter dans les accrochages entre les ministres de la CDU, la CSU et la FDP dans le gouvernement Merkel. En Italie, la résurgence de l’opposition a Berlusconi et la chute de son taux d’approbation en sont d’autres preuves ; même si la perspective de la chute du centre-droit aux élections régionales ne s’est pas réalisée. La classe dirigeante italienne est visiblement inquiète à propos de Berlusconi. L’existence d’une puissante force de gauche dans la plupart des pays aurait tout simplement balayé les partis au pouvoir ou les gouvernements en place. Face à cela, la situation a été marquée par l’émergence du “moindre mal” dans beaucoup de pays européens. Comme nous l’avions souligné dans le document issu du CEI, cela s’est reflété en Grèce pendant un temps avec la réélection du PASOK. Les élections régionales en France l’ont aussi montré avec une croissance proportionnelle des votes pour le Parti Socialiste, ainsi qu’en Irlande avec une croissance du Labour Party dans les sondages. Même en Grande Bretagne, après trente ans de gouvernement New Labour, la peur d’un gouvernement Tory (conservateur) aura pour conséquence que Brown pourrait obtenir un meilleur résultat que ce qui était probable quelques mois plus tôt. Cela pourrait même résulter dans un gouvernement a minorité New Labour, avec la possibilité de “coalition” officieuse avec les Libéraux à un certain stade. Un gouvernement à minorité Tory reste également possible, mais la situation sociale pour le moins explosive pourrait rendre un gouvernement peu viable a long terme voire à moyen terme.

    31. Des augmentations proportionnelles dans les votes pour les partis traditionnels de la classe ouvrière ne se font toutefois pas sur les mêmes bases que dans le passé. Ces partis ont un ancrage social plus faible, tout comme les attentes que les travailleurs y placent. Les partis qui ont connu une croissance électorale n’ont pas connu une progression active de leur nombre de membres parmi la classe ouvrière. Un élément frappant de la période actuelle est la volatilité ambiante. Il peut y avoir des changements très rapides ; la croissance du soutien électoral pour un parti peut très vite s’évaporer et se transformer en opposition acerbe contre lui.

    32. Cela a été prouvé de façon claire en Islande après l’élection de l’Alliance Sociale-démocrate-Gauche-Verts. En l’espace de quelques mois, les espoirs et les illusions qui résidaient en ce gouvernement (le premier gouvernement social-démocrate de l’histoire islandaise) ont été brisés. La proposition du gouvernement d’accepter les termes de remboursement exigés par le gouvernement britannique a fait face à une intense opposition. Même le Président a été obligé de prendre cela en compte et a refusé de signer l’accord adopté par le Parlement, ce qui a ouvert la voie au référendum refusant l’accord a hauteur de 93%.

    Les nouveaux partis ou alliances de gauche

    33. Globalement, il est toujours vrai que là ou ils existent, les nouveaux partis ou alliances de gauche ont failli à remplir le vide politique ; leur avenir est précaire et incertain. Face à une crise historique du capitalisme, ils ont en règle générale évolué constamment vers la droite et l’effondrement idéologique a continué. C’est indubitablement une des raisons pour lesquelles ces nouvelles formations ne se sont pas développées dans la dernière période. En France et en Grèce, le NPA et SYRIZA ont reculé dans les sondages au fur et à mesure que la crise se développait. Les derniers résultats électoraux du NPA (2.5%) et du Parti Socialiste hollandais sont en fort contraste avec notre formidable victoire électorale en Irlande lors de l’élection de Joe Higgins au Parlement européen.

    34. En Allemagne, Die Linke, malgré un pas à gauche en parole avec son récent “Projet de Programme”, a continue de stagner dans les sondages autour de 11%. Pourtant, selon les derniers sondages, le parti pourrait réussir à entrer pour la première fois dans le plus grand parlement régional (Rhénanie du Nord-Westphalie). Ceci sera vu comme un succès. A ce stade, les nouvelles formations n’ont pas attiré de larges couches de travailleurs. Die Linke représente la faillite à offrir une alternative socialiste claire et conséquente face a la crise, ainsi qu’une incapacité de la direction à combiner travail électoral et intervention dans les luttes des travailleurs et de la jeunesse. Cela reflète aussi partiellement un sentiment “anti-parti” de la part de beaucoup de travailleurs et de jeunes, qui pour l’instant ne voient pas pourquoi ils devraient s’impliquer dans les activités d’un parti et en devenir membre.

    35. Cela changera à un certain stade, lorsque les travailleurs, à travers leurs propres expériences de luttes, la continuation de la crise et avec l’aide des marxistes, et particulièrement ceux du CIO, concluront qu’il n’y a pas d’autre alternative que de construire leur propre outil politique. C’est un processus qui n’est ni facile ni linéaire. Il sera probablement nécessaire qu’une série de nouvelles luttes ait lieu pour qu’une telle force voie le jour en Europe, qui comprenne une participation active et conséquente des travailleurs. Il reste incertain de savoir si les forces qui existent se développeront en ce sens ou si de nouvelles organisations vont émerger. Pourtant, il reste important que nous continuions à participer à ces organisations qui existent et que nous essayions d’avoir une influence sur leur processus de développement, à l’instar de ce que nous faisons dans SYRIZA en Grèce. L’émergence de différents regroupements de gauche dans SYRIZA représentent d’importants pas en avant et peuvent influencer la manière dont cette formation et un parti socialiste de masse de la classe ouvrière grecque se développent. Nous devons être prêts à voir de nombreux retournements dans ces évolutions et nous devons nous préparer à y ajuster rapidement nos tactiques.

    36. Il serait faux de sous-estimer l’impact que nous pouvons avoir dans de tels processus, comme on a pu le voir dans SYRIZA ou le P-Sol. La plateforme que notre section en Angleterre et Pays de Galles construit avec le RMT dans la TUSC (Trade Unionist and Socialist Coalition) est d’une grande importance, notamment du fait qu’elle résulte de l’intervention effective de la section dans des luttes ouvrières.

    37. La formation de nouveaux partis n’est pas une fin en soi, mais un levier pour préserver et améliorer les droits et les conditions de vie de la classe ouvrière. Même une fois qu’ils sont construits comme des partis puissants impliquant de larges couches de la classe ouvrière et de la jeunesse, comme le montre l’expérience du PRC en Italie, si de puissantes forces marxistes n’aident pas à orienter leur développement, les éléments réformistes ou centristes de ces partis peuvent saper leur potentiel ou même les détruire avec de mauvaises méthodes et un programme faux. Là où de telles choses se produisent, la déception qui s’ensuit peut rendre la construction d’une nouvelle force encore plus complexe. La preuve en est faite en Italie, ou la “Fédération de Gauche” (un bloc rassemblant le PRC, PDCI (communistes italiens) et d’autres groupes de gauche) n’a obtenu qu’à peine 3% aux élections régionales. La faillite du PRC et l’inefficacité du Parti Démocrate ont ouvert la voie à l’émergence de mouvements tels que celui du “Peuple Violet”. Des évolutions représentant une confusion et une atonie similaires peuvent émerger dans d’autres pays si de puissants partis socialistes de la classe ouvrière ne sont pas construits.

    38. Alors que la formation de nouveaux partis larges de travailleurs est une tâche importante pour la classe ouvrière et pour nous-mêmes, l’absence de telles formations n’est pas un obstacle à la construction et au renforcement de nos propres sections. Alors qu’une couche plus large de la classe ouvrière serait attirée dans de nouveaux partis, une couche importante de travailleurs et de jeunes peut aussi être attirée directement dans nos rangs si nous y travaillons correctement.

    39. Une des questions qui a émergé dans Die Linke, SYRIZA, le PRC, le P-Sol et le NPA est celle des coalitions et alliances avec les anciens partis sociaux-démocrates. C’est une question importante pour la classe ouvrière et pour nos sections. Nous devons nous impliquer dans ces débats là où ils émergent, en y défendant une position de principe, en oppositions aux coalitions capitalistes, tout en expliquant adroitement nos idées et en prenant en compte les illusions qui peuvent exister dans de telles coalitions. Dans le passé, cette question était plus clairement comprise par les militants de gauche qu’elle ne l’est aujourd’hui ; c’est une autre manifestation du recul de la conscience depuis les années 1990 après la chute des États staliniens.

    L’extrême droite et le racisme

    40. L’absence d’une alternative de gauche a eu pour conséquence la croissance de l’extrême droite dans certains pays. Il s’agit d’une question cruciale pour la classe ouvrière et le CIO. Le renouveau de la croissance du FPÖ en Autriche, la possibilité d’un vote fort pour le BNP en Grande Bretagne aux prochaines élections, les récents résultats électoraux de Le Pen aux régionales en France (en moyenne 17% dans les régions ou le FN se pressentait), la croissance de l’extrême droite en Hollande et en Hongrie et celle de la Ligue du Nord aux élections italiennes illustrent le danger qui existe. La montée de l’extrême droite reflète le vide existant et l’impact qu’a la crise se manifestent de façon négative et réactionnaire dans la résurgence du racisme et d’idées anti-immigrés ou islamophobes parmi certaines couches de la population. L’extrême droite et les forces de droite en général ont toujours utilisé une rhétorique populiste de droite comme moyen de gagner un soutien électoral. Nous devons nous situer en première ligne des activités antiracistes et particulièrement dans notre travail jeune. Nous devons également développer un programme et des revendications sur cette question pour combattre le racisme et lutter pour l’unité de classe de telle manière à ce que nous puissions engager le dialogue avec toutes les couches de la classe ouvrière.

    La jeunesse radicalisée

    41. Nous devons aussi nous assurer qu’en nous adressant aux différentes sections de la classe ouvrière nous prenons en compte l’évolution de l’ambiance parmi une couche significative de la jeunesse dans différents pays européens. Avec les attaques contre l’éducation et la croissance rapide du chômage (selon l’OCDE, 21% des jeunes travailleurs sont au chômage dans la zone Euro), une situation explosive se développe Les mouvements pour l’éducation en Allemagne, en Autriche et en Espagne sont aussi les premières manifestations de luttes qui peuvent se développer dans une majorité de pays européens ou sur une base paneuropéenne. Les attaques émergeant du processus de Bologne ont des conséquences dévastatrices sur l’éducation et peuvent provoquer des mouvements encore plus gros que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Il est important que nous soulevions la nécessité de ces luttes et de leur amplification pour tourner les jeunes vers la classe ouvrière, ainsi que la nécessité d’une lutte commune des travailleurs et des jeunes, scolarisés ou non. Souvent, les jeunes sont en première ligne et leurs mobilisations représentent les premiers pas de luttes encore plus puissantes de la classe ouvrière, qui leur sont fréquemment conséquentes. Elle reste très importante pour nous. Une couche significative de jeunes sont entièrement opposés aux partis existants, et dans certains pays à tout l’establishment et au système en général. Beaucoup se retrouvent constamment en lutte avec la police et l’appareil d’État, et certains sont de plus en plus aliénés par la société.

    42. Une couche a été attirée par les organisations et idées anarchistes. Nous devons nous assurer de trouver une voie vers le meilleur de cette jeunesse et aussi de refléter l’amertume et la colère qu’ils ressentent contre le système. Tout en faisant attention de ne pas tomber dans l’ultra-gauchisme, notre approche envers la jeunesse ne doit pas être trop timide. Le degré d’aliénation de certains jeunes s’est déjà reflété en Grèce avec l’émergence de groupuscules terroristes. Cette réaction négative, avec toutes les conséquences qu’elle comporte, peut aussi se développer dans d’autres pays, y compris dans le nord de l’Europe.

    43. La nouvelle situation en Europe est favorable et nous apporte des possibilités d’intervention et de croissance en nombre de membres aussi bien qu’en influence. Cela ouvre la perspective d’un renforcement de nos organisations, à partir desquelles des partis marxistes plus conséquents peuvent être construits, autour du CIO.

    Le Secrétariat International

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