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Tag: Crise des réfugiés
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En fuite face à la guerre, en prise au racisme: la solidarité comme alternative
L’année 2015 a connu un énorme élan de solidarité en faveur des réfugiés fuyant la guerre et la misère, avec notamment une manifestation massive de 20.000 personnes en septembre. Les dramatiques attentats de Paris et les scandaleuses agressions sexistes du Nouvel An à Cologne ont depuis été instrumentalisés, à des degrés divers, par l’extrême droite et les gouvernements européens pour casser cette solidarité et détourner l’attention des problèmes sociaux. Mais le potentiel pour une lutte unitaire et solidaire est toujours là.En fuite face à la guerre
Les interventions impérialistes menées en Irak et en Afghanistan sous couvert de «défense de la démocratie» ont conduit à une situation explosive au Moyen-Orient. Plus d’un million de personnes ont perdu la vie suite à la «guerre contre le terrorisme» tandis que les structures sociales ont été balayées sous les bombes.
Couplées à l’échec partiel des soulèvements de masse contre les régimes dictatoriaux de la région, ces destructions ont ouvert la voie à la violence sectaire et au développement de forces réactionnaires telles que Daesh (le prétendu Etat Islamique).
En Syrie, avec le soutien indirect et «stratégique» de puissances occidentales à des factions ne menaçant pas leurs intérêts, le mouvement de masse contre Bachar al-Assad a dégénéré en une sanglante guerre civile qui dure depuis bientôt 5 ans.
Plus de 250.000 Syriens ont perdu la vie et plus de 11 millions ont dû fuir le pays. Les attentats terroristes sont devenus une réalité quotidienne au Moyen Orient : en 2015, 78% des décès liés au terrorisme ont eu lieu en Irak, au Pakistan, en Afghanistan, en Syrie et au Nigéria. Plus de 70% des réfugiés en Belgique proviennent de pays en guerre.
En prise au racisme
Depuis les terribles attaques terroristes commises à Paris et les attaques sexistes de Cologne, la droite et l’extrême droite essayent de pointer du doigt la communauté immigrée et plus particulièrement les réfugiés comme boucs émissaires. Ils visent délibérément des victimes qui ont fui la terreur, pas les responsables de celle-ci.
Quand il s’agit de provocations anti-migrants, l’establishment politique est presque aussi efficace que pour attaquer notre niveau de vie. De Charles Michel qui souhaite une révision des accords de Schengen à Théo Francken et ses «cours de respect envers les femmes» en passant par l’appel à ne pas nourrir les réfugiés du gouverneur de Flandre Occidentale (CD&V), les exemples ne manquent pas.
De manière aussi inquiétante, les actes de violence raciste se multiplient en Europe. En Allemagne, 567 actes de violences contre des centres pour réfugiés ont été enregistrés en 2015. Dans divers endroits, des groupes d’extrême droite se sont livrés à de véritables chasses aux migrants sous prétexte de «protéger les femmes». C’est assez ironique au regard de leur volonté de renvoyer les femmes «à la cuisine», leur «place traditionnelle».
C’est dans ce contexte que le groupe néofasciste et violent flamand Voorpost (qui sert régulièrement de service d’ordre au Vlaams Belang) organise une manifestation le 21 février à Gand sur le thème «contre le terrorisme, fermons nos frontières». Les Étudiants de Gauche Actifs sont à l’initiative d’une contre-manifestation.
La solidarité comme alternative
Ces 30 dernières années ont vu prendre place d’innombrables coupes budgétaires et attaques contre notre niveau de vie, rendant incertaine voire impossible la perspective d’une vie épanouie pour de plus en plus larges couches de la population. Il s’agit là d’un terreau fertile pour le développement tant de l’extrême-droite que du fondamentalisme religieux.
Le système capitaliste en crise avance ainsi une politique du «diviser pour mieux régner» en rendant les réfugiés responsables des pénuries dans les services sociaux, les logements, les soins de santé,… Et plus largement en montant les exploités les uns contre les autres.
Être opposé à la guerre et au racisme par principe ne suffit pas, il est nécessaire de s’organiser et de riposter autour d’un programme social qui défende les intérêts de tous sans distinction de nationalité, de sexe,…
En défendant l’accès à de bons emplois et logement, à une sécurité sociale solide pour tous, à un système d’éducation égalitaire,… dans une perspective anticapitaliste et démocratique, nous pouvons couper l’herbe sous le pied aux forces réactionnaires, qu’elles soient d’extrême droite ou fondamentalistes religieuses.
- Mercredi 17/02, 19h : Meeting débat à Liège “En fuite face à la guerre, en prise au racisme: la solidarité comme alternative”. // ULG – Place du XX Août – bât. 4 – S100 (le parcours sera fléché)
- Dimanche 21/02, 11h : Manifestation antifasciste devant l’Hôtel de Ville de Gand. Contre la haine, le terrorisme, le racisme et le sexisme.
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[INTERVIEW] Résistance contre le sexisme et le racisme à Cologne
Nous avons été nombreux à avoir été choqués par les incidents du Nouvel An à Cologne, où des centaines de femmes ont été victimes de harcèlement sexuel. L’extrême droite a tenté de se profiler sur cette question avec le racisme le plus cru. Face à ça, les militants anticapitalistes et socialistes se sont mobilisés en dénonçant aussi bien le sexisme que le racisme. Nous en avons discuté avec Claus Ludwig, membre de Sozialistische Alternative (SAV), notre organisation-sœur allemande.Comment réagit la population de Cologne face à ces incidents ?
‘‘Tout le monde en parle. Les gens sont choqués que cela puisse arriver. Les médias de l’establishment et des politiciens ont déjà lancé une campagne démagogique visant à davantage limiter les droits des demandeurs d’asile. L’extrême droite a flairé l’opportunité d’accuser les réfugiés. Un raz-de-marée de haine raciste a déferlé sur internet et les réseaux sociaux. Nous en sommes arrivés au point où l’on peut être ouvertement sommé de rentrer ‘‘chez soi’’ dans la queue d’un supermarché tout simplement pour avoir une allure différente.
‘‘Le 9 janvier, une manifestation du mouvement raciste Pegida a réuni 1.500 participants, essentiellement des hooligans et des néonazis. Le lendemain, 300 racistes ont parcouru la ville à la recherche d’immigrés, soi-disant pour ‘‘protéger les femmes’’. Ils se sont physiquement attaqués aux migrants et au moins trois personnes d’origine syrienne, pakistanaise et indoue ont été blessées. Les agresseurs comprenaient des néonazis et des hooligans, mais aussi des criminels organisés dont des “Hell’s Angels”, ainsi que des videurs de boîte de nuit.
‘‘La police a déclaré qu’on ne pouvait pas faire justice soi-même, mais la question n’est pas là. Les racistes n’étaient pas à la recherche des coupables du Nouvel An. Ils chassaient n’importe qui d’apparence ‘‘étrangère’’. C’était une véritable incitation au pogrom.’’
Comment réagit la gauche ? Dans quelles manifestations et campagnes est impliqué le SAV?
‘‘Durant la première semaine de janvier, il y a eu cinq manifestations auxquelles nous avons pris part. 400 personnes ont manifesté contre un incendie criminel dans un centre de réfugiés. Nous sommes aussi actifs dans l’alliance antifasciste ‘‘Cologne contre la Droite’’ où nous avons proposé d’utiliser le slogan ‘‘Contre la violence sexiste, contre le racisme’’. Ce slogan est paru dans la couverture médiatique de la manifestation à Cologne et dans tous les médias internationaux.
‘‘Nous avons écrit le tract de l’alliance pour la manifestation contre Pegida le 9 janvier. Malgré le fait que nous n’avions eu que trois jours pour mobiliser, la manifestation a rassemblé 4.000 antifascistes. Les médias ont minimisé cette mobilisation, certains suggérant ‘‘plus de 1.300 manifestants’’. Un camarade du SAV a figuré parmi les orateurs de la manifestation et nous avons reçu beaucoup de soutien pour notre approche socialiste dans le cadre du combat contre le racisme et le sexisme.
‘‘Par ailleurs, il y a aussi eu une manifestation de gauche pour le droit des femmes qui a réuni 300 manifestants, une manifestation ‘‘Les réfugiés syriens disent non à la violence sexuelle’’ et encore d’autres actions. Nous essayons d’élargir la base de l’alliance antifasciste et d’organiser de nouvelles personnes. Nous lions la résistance au sexisme et au racisme à des thèmes sociaux comme la pénurie de logements abordables. Nous tentons de politiquement renforcer le mouvement antifasciste tout en prenant au sérieux la sécurité lors de nos activités. La montée de la violence d’extrême droite nous y force bien.’’
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Mobilisation antifasciste à Gand: Contre la haine, le terrorisme, le racisme et le sexisme
La Belgique a connu une massive démonstration de solidarité envers les réfugiés fuyant la guerre et la misère au Moyen-Orient. Les victimes de la dictature, de l’exploitation et des guerres impérialistes viennent en Europe à la recherche d’un meilleur avenir. La situation catastrophique qui prévaut dans la région a notamment été alimentée par des années de politique guerrières brutales. L’échec partiel des soulèvements de masse contre les régimes dictatoriaux de la région a été instrumentalisé par les groupes terroristes afin de renforcer leur position.Depuis les terribles attaques terroristes commises à Paris et les attaques sexistes dont ont été victimes de nombreuses femmes à Cologne, la droite et l’extrême droite essayent de pointer du doigt la communauté immigrée et plus particulièrement les réfugiés comme boucs émissaires. Ils visent délibérément des victimes qui ont fui la terreur, pas les responsables celle-ci.
C’est ainsi que le groupe Voorpost – un groupe violent et raciste – a décidé d’organiser une marche de la haine le dimanche 21 février prochain à Gand sous le slogan « Marre du terrorisme, renforçons les frontières. » Leur manœuvre vise à monter les Gantois contre les réfugiés.
Le racisme n’est pas une réponse contre le sexisme et le terrorisme
Les marches de solidarité et de nombreuses autres actions ont plus que démontré que la solidarité est grande parmi la population. Mais dans un climat de pénurie d’emplois ou encore de logements abordables, dans un contexte de limitation de nos services publics, la propagande raciste bien connue de « diviser pour régner » peut trouver un terrain fertile. Combattre le racisme doit donc aller de pair avec la lutte contre toutes ces pénuries sociales. Les moyens existent bel et bien pour permettre à chacun de vivre une vie décente.
Nous vous appelons donc à prendre part à une manifestation contre la haine et le terrorisme, la guerre, le racisme et le sexisme afin de riposter contre l’extrême droite.
Nous pouvons offrir une alternative à la politique de casse sociale et de division en luttant tous ensemble pour un enseignement gratuit et de qualité, de bons logements abordables, des emplois de qualité,… pour tous ; hommes, femmes, d’origine belge ou immigrée, avec ou sans papiers. Nous défendons la solidarité des travailleurs et de la jeunesse pour un avenir décent pour tous et contre le capitalisme!
=> Page de l’évènement Facebook
Ce dimanche 21 février, à 14h, Hôtel de Ville de Gand, Botermarkt n°1 -
Crise migratoire : la solidarité peut-elle être apolitique ?
Ce ne sont pas les actes de solidarité avec les migrants qui ont manqué ces derniers mois. Au parc Maximilien, dans les différentes collectes souvent organisées spontanément, dans les comités de soutien aux sans-papiers, … cette magnifique énergie a su dans les faits riposter au discours raciste et nauséabond qui avait déferlé sur les médias sociaux et dans les commentaires de sites de presse. Comment construire le mouvement sur cette base ?
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
Solidarité et charité
L’approche que nous défendons s’appuie tout d’abord sur la solidarité. La charité est une relation inégale, avec un donateur actif et un bénéficiaire passif. Ce rapport est basé au mieux sur le paternalisme, au pire sur la domination. La solidarité, au contraire, vise à atteindre une égalité dans la lutte. Dans l’urgence des premiers temps, il est bien entendu logique que l’aspect humanitaire (organisation des récoltes de vivres, de vêtements, etc.) prenne une place prépondérante. Mais en rester à ce stade équivaut à entrer dans un cul-de-sac, très certainement au vu du désastre causé par des années d’austérité dans le secteur social. Comme nos lecteurs ont pu le lire dans notre édition d’octobre avec l’interview de Saïd, membre de la coordination bruxelloise des sans-papiers : ‘‘Une démarche humanitaire est bien sûr nécessaire dans un premier temps mais sans perspective politiques, le mouvement n’a pas d’avenir!’’
Selon nous, cette lutte unitaire ne devrait pas se focaliser uniquement sur la thématique de la migration, mais partir de ce point pour rejoindre les autres aspects de la lutte sociale. Nous n’avons rien à attendre du fédéral face à la politique raciste des autorités belges, les migrants ont ainsi tout autant intérêt à faire chuter ce gouvernement que les travailleurs qui luttent contre l’austérité. Différents collectifs de sans-papiers sont d’ailleurs systématiquement présents aux actions syndicales.
Il s’agit également de la meilleure réponse à opposer aux préjugés et à la division. Sur la thématique du logement par exemple. Des données collectées par le magazine britannique The Guardian et publiées en septembre dernier ont dévoilé que l’Union Européenne comprenait pas moins de 11 millions de maisons et appartements vides ! Ce rapport pointait du doigt la spéculation de riches investisseurs qui ont saisi l’opportunité de la crise de l’immobilier pour racheter pour une bouchée de pain des biens dans l’espoir d’un profit rapide. L’expropriation de ces logements offrirait suffisamment de logements pour les sans-abris, les migrants, des ménages qui peinent à joindre les deux bouts,… Cela exercerait aussi une pression à la baisse sur les loyers de chacun. Il n’existe pas de statistiques exactes en Belgique, mais la Cellule Logements Inoccupés de la Région bruxelloise créée en 2012 estime que 48.000 logements ne seraient pas habités sur un parc bruxellois total de 300.000 adresses.
Les migrants ne sont pas responsables de la crise du logement, cette crise est organisée par de riches propriétaires à seule fin de réaliser encore plus de profits. Il n’en va pas autrement concernant l’emploi, les services publics,… Nous pouvons lutter ensemble et arracher les moyens nécessaires pour offrir une vie décente à chacun, migrant ou non. Cette approche nécessite évidemment d’entrer en conflit ouvert avec les autorités politiques établies. Il s’agit d’un débat non négligeable chez les activistes. Que cela soit clair : faire les yeux doux à des autorités qui ont déjà démontré l’étendue du caractère raciste et asocial de leur politique, c’est un dangereux leurre qui ne peut conduire qu’à la désillusion, tant au niveau de la crise de la migration qu’au niveau de l’austérité. Au final, rester exclusivement sur le terrain humanitaire sans vouloir ou oser se positionner explicitement sur la politique migratoire, sociale et économique belge et européenne, cela équivaut à se résigner à voir l’humanitaire faire indéfiniment partie de notre lot quotidien.
Réfugiés d’aujourd’hui, sans-papiers de demain
Dans le même ordre d’idée, par crainte d’entrer en conflit avec les autorités, certains activistes impliqués dans les mouvements d’aide aux migrants ont pu tomber dans le piège de dissocier le combat des sans-papiers de celui de l’accueil aux demandeurs d’asile. Une grande partie de ces derniers verront pourtant leur demande refusée et seront forcés de rejoindre le flot des soi-disant ‘‘illégaux’’. Ils deviendront des proies rêvées pour les marchands de sommeil et les patrons à la recherche d’une main d’oeuvre rendue plus docile et corvéable en raison d’une décision arbitraire de l’Office des Etrangers.
Selon la Convention de Genève de 1951, un réfugié est une personne protégée par l’État accueillant à cause de la crainte, avec raison, d’être persécuté dans son pays natal. Et ceux qui décident de si l’on a ‘‘raison’’ ou non d’avoir peur, ce sont les dirigeants des Etats capitalistes, ceux-là mêmes qui nous imposent l’austérité et les politiques antisociales ! Au nom de quoi peut-on faire une distinction entre ceux qui s’enfuient pour échapper à la violence, à la dictature et à l’oppression et ceux qui cherchent désespérément une vie décente, qui veulent plus que simplement survivre, qui veulent la liberté d’expression, un emploi convenable, des possibilités d’études pour leurs enfants,… ? Nous refusons d’entrer dans le débat concernant de prétendues ‘‘raisons légitimes’’ de la migration. Guerre, misère, exploitation économique, discriminations : nous refusons de hiérarchiser l’horreur et de décider ce qui est acceptable de subir ou pas. Nous défendons le droit de chacun de mener une vie digne au sein d’une société où l’on peut se déplacer librement sans se voir forcé de devoir tout quitter à la recherche d’une vie meilleure.
Pour la liberté de débat et d’expression dans le mouvement !
A l’occasion de la manifestation de solidarité avec les réfugiés qui s’est déroulée le 27 septembre dernier à Bruxelles – à l’initiative de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés de Bruxelles et de Refugees Welcome – on pouvait lire dans le texte de l’appel sur Facebook : ‘‘Si nous encourageons les participants à réaliser des affiches, panneaux, calicots, etc., nous demandons aux organisations partisanes qui souhaitent soutenir la marche d’en respecter le caractère citoyen en n’emmenant pas leurs drapeaux.’’ Pourquoi donc brimer la liberté d’expression tout en militant pour la liberté de circulation?
Nous comprenons bien la crainte de voir la lutte instrumentalisée par des partis qui ne sont que des machines électorales et en aucun cas de outils de lutte. Mais soyons sérieux, des politiciens comme Di Rupo & Co n’ont besoin que d’être présents dans un cortège pour attirer les caméras et les journalistes comme des mouches. Cette approche répressive – que nous retrouvons régulièrement sous diverses formes dans des projets de plateforme, etc. – constitue une grave atteinte à la liberté d’expression. Cela revient à contester le droit de chacun de se présenter en tant que membre d’un parti. C’est aussi une manière très paternaliste de décider d’en-haut de ce qui est bon ou pas pour des manifestants qui ne vont de toute manière pas mettre leur sens critique au vestiaire en rejoignant un appel.
Lors de cette manifestation, les discussions que nous avons pu avoir autour de notre délégation (qui comportait banderoles et drapeaux) et l’animation qui y régnait a d’ailleurs illustré que cette idée ne vit pas parmi les couches larges de la population mais uniquement parmi une certaine couche de militants organisés. La plupart des manifestants apprécient le soutien honnête d’un parti et apprécient surtout de savoir à qui ils ont à faire lorsqu’ils discutent. Nous considérons ainsi comme beaucoup plus problématique, par exemple, de récolter des adresses e-mail et des coordonnées personnelles pour un parti en prenant bien garde de ne pas le dire ouvertement, en se servant d’une pétition créée à cette seule fin ou d’autres moyens sournois.
Nous refusons d’approuver une unité de façade, hypocrite, basée sur un nivellement artificiel des divergences. Nous lui préférons une unité véritable, concrète, basée sur un respect mutuel construit patiemment à travers la discussion, le dialogue et la pratique commune. Nous ne considérons pas les différentes sensibilités politiques présentes dans le mouvement social comme un problème, mais au contraire comme une richesse nous permettant d’aiguiser nos arguments et nos méthodes.
C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes !
Au-delà de la question de l’accueil, nous voulons aussi aborder la lutte contre les causes qui poussent tant de gens à quitter leurs familles et leur pays. Nous dénonçons les politiques impérialistes et néocoloniales responsables du soutien aux dictatures locales et de l’épouvantable exploitation qui règne dans les pays du monde néocolonial. Il est crucial de souligner le soutien aux luttes pour l’émancipation des masses et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans ingérence des puissances impérialistes (politique ou économique). Là-bas comme ici, cela signifie d’en finir avec les chaînes du capitalisme et de construire une société où l’économie serait libérée de la camisole de force du ‘‘libre-marché’’, c’est-à-dire une société socialiste démocratique.
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Pourquoi 11 millions de Syriens se sont enfuis
La stratégie occidentale d’interventions au Moyen Orient a complètement échouéAprès plus de quatre ans de guerre civile sanglante en Syrie, la fin des souffrances n’est toujours pas à l’horizon. Un quart de million de personnes sont mortes et onze million d’autres ont fui. Ce conflit sectaire risque d’entraîner le reste de la région dans une spirale de violence.
Article tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste
La crise des réfugiés entraine un nouveau débat concernant une éventuelle intervention militaire dans le pays. Wouter Beke (CD&V) estime que cela doit être considéré. Mais cela ne mettra pas un terme au cauchemar vécu par la population syrienne. Des nouvelles interventions militaires augmenteront inévitablement le nombre de morts et celui des réfugiés. L’instabilité croissante en Turquie (voir ci-dessous) peut elle aussi conduire à un nouvel afflux de réfugiés, ce pays comprenant jusqu’ici 2,2 millions de réfugiés syriens.
Les interventions militaires aggravent la situation
Les interventions désastreuses en Irak, en Afghanistan et en Lybie de même que l’opinion publique anti-guerre en Europe ont assuré que la Belgique n’ait pas encore été impliquée dans la guerre en Syrie. La crise des réfugiés est cyniquement utilisée pour tourner cette situation, ce qui ne servirait qu’à soutenir l’impérialisme américain en Syrie et Irak.
Mais, comme le journaliste Patrick Cockburn le faisait remarquer dans The Independent (3 octobre): “La campagne menée par les Etats-Unis contre l’Etat Islamique n’a pas fonctionné. Les militants islamistes n’ont pas disparu suite aux attaques aériennes. Dans les territoires de Syrie et du Kurdistan irakien, ils résistent ou gagnent encore du terrain. Il y a quelque chose de bizarre avec tout ce débat concernant le soutien à la campagne aérienne en Syrie : personne ne semble remarquer que cela a totalement échoué.’’
Les attaques aériennes en Irak et en Syrie, qui durent depuis plus d’un an, ont coûté 2,7 milliards de dollars et ont entrainé des centaines de morts. L’Etat Islamique (Daesh) contrôle toujours au moins la moitié de la Syrie et un tiers de l’Irak. Ainsi, la ville irakienne de Ramadi est encore tombée entre ses mains en mai dernier. Le mois précédent, 165 attaques aériennes avaient frappé les positions de Daesh autour de cette ville. Cinq mois plus tard, la ville est toujours en sa possession.
Le gouvernement irakien dominé par les chiites essaye de reconquérir la ville en faisant appel aux milices chiites. Mais Ramadi est principalement sunnite et la population craint des actes de représailles sectaires à grande échelle si la ville tombe aux mains du gouvernement. Quand la ville de Tikrit a été reprise à Daesh par des milices chiites, des exécutions massives de sunnites ont eu lieu sous la fausse accusation d’être des membres de Daesh. Des milliers d’habitants se sont enfuis.
L’impérialisme a conduit au cauchemar dans cette région. Après des décennies d’interventions militaires, de politique de diviser-pour-mieux-régner, de soutien aux dictatures et de flirt avec les forces djihadistes, l’Irak et la Syrie sont en ruines. Cela renforce le repli religieux sectaire et la guerre civile. Cela confirme aussi ce que nous avions défendu lors de l’invasion de l’Irak en 2003, à savoir que cette guerre ne pouvait pas conduire à autre chose qu’aux conflits régionaux et aux troubles sectaires.La nécessité de la lutte de masse
En 2011, le soulèvement qui a pris place a commencé comme une véritable révolte contre la dictature d’Assad. Mais les choses ont changé suite à l’intervention de forces réactionnaires étrangères qui voulaient à tout prix mettre un terme à la vague révolutionnaire qui déferlait sur la région: les régimes dictatoriaux d’Arabie saoudite et du Qatar de même que les puissances impérialistes. Daesh est l’une des terribles conséquences de ce processus.
Les tentatives de développer une Armée Syrienne Libre pro-occidentale ont échoué. Les livraisons d’armes ont directement alimenté Daesh. En réalité, les États-Unis n’ont pas de partenaire fiable en Syrie. Le rôle agressif de Daesh a rendu nécessaire aux Etats-Unis de faire quelque chose. Mais comme le fait remarquer le journaliste Patrick Cockburn : ‘‘les Etats-Unis ne bombardent pas l’Etat Islamique dans les zones de Syrie où le groupe djihadiste combat l’armée syrienne.’’ (The Independent, 30 septembre).
L’impérialisme américain reste la plus grande puissance au monde, mais son étoile pâlit. En voulant être le gendarme du monde, il est allé droit dans le mur comme l’illustre le cas syrien. Cela a donné au président russe Vladimir Poutine la confiance suffisante pour intervenir et soutenir Assad.L’impérialisme américain est ainsi pris entre les régimes sunnites qui financent les combattants opposés à Assad et l’Iran chiite, qui a envoyé 15.000 soldats soutenir Assad, désormais aux côtés de la Russie.
Cela ne signifie toutefois pas que Daesh ne peut être vaincu. Les faiblesses sous-jacentes au groupe djihadiste ont été démontrées par les victoires militaires remportées par les troupes majoritairement kurdes YPG et YPJ au nord de la Syrie. Les combattants kurdes ont démontré que lier le conflit militaire à un appel à la libération nationale et au changement social peut arracher des victoires. Ces succès sont cependant largement basés sur une guérilla héroïque plutôt que sur la mobilisation démocratique des masses par-delà les frontières ethniques ou religieuses. Cela peut comporter certains risques, comme semblent l’indiquer des allégations d’Amnesty International et de Patrick Cockburn selon lesquelles il y aurait eu des cas d’expulsion de non-Kurdes de divers territoires. Le YPG dément ces accusations mais, sans rompre avec le capitalisme et l’impérialisme, les divisions ethniques et religieuses sectaires menaceront toujours de réémerger.L’unité des travailleurs et des pauvres est nécessaire en Irak et en Syrie. Les peuples kurde et autres ne peuvent compter que sur leur propre auto-organisation pour mettre fin à ce cauchemar. Des comités unitaires d’auto-défense seront cruciaux pour protéger les minorités et peuvent également représenter un important levier pour construire un mouvement de lutte pour le socialisme. Une opposition conséquente à toutes les forces impérialistes, aux régimes réactionnaires locaux et aux escadrons de la mort sectaires ainsi que la défense du droit à l’autodétermination de toutes les communautés, un mouvement pourrait bénéficier d’un écho de masse parmi les travailleurs de la région et du reste du monde. D’autre part, les organisations de gauche dans le reste du monde doivent lutter contre les interventions impérialistes au Moyen-Orient.
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Les réfugiés ne sont pas responsables de la crise et des pénuries!
Un système en faillite qui tente de faire payer la crise à ses victimes
Il y a aujourd’hui pas moins de 60 millions de réfugiés et de personnes déplacées au sein d’un pays à travers le monde, soit 20 millions de plus qu’il y a 4 ans. Ce système basé sur les inégalités, la guerre et l’exploitation démontre l’étendue de sa faillite sur tous les fronts. Le capitalisme sape nos conditions de vie et représente un danger pour notre planète. Sans cesse plus de gens sont poussés à fuir.
Dossier de Geert Cool tiré de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
La solidarité se trouve bien plus parmi la population que chez les divers gouvernements. Leurs efforts visent essentiellement à stopper l’arrivée de réfugiés et à instrumentaliser ceux qui sont parvenus à venir pour mettre sous pression les conditions de travail et de salaire de tout le monde. Beaucoup de gens craignent d’ailleurs que la sécurité sociale ne soit impayable avec l’arrivée des réfugiés. Aurons-nous à nouveau à subir de nouvelles économies après avoir déjà dû tant céder?
Ce sentiment, il faut en tenir compte et y répondre par un combat unitaire visant à ce que chacun puisse bénéficier de bons emplois de qualité, d’un accès à l’enseignement (dont l’apprentissage des langues) ou à des logements abordables, de services publics de qualité,… Se soulever ensemble pour arracher les moyens nécessaires pour nos besoins, voilà la meilleure riposte face à la division et aux préjugés. Faisons payer la crise aux responsables ! Cela vaut tant pour la crise économique que pour la crise des réfugiés.
Cette crise fait l’objet de discussions sur tous les lieux de travail, dans chaque école et dans chaque quartier. Les éléments ci-dessous visent à contribuer à ce débat.
Pour répondre à quelques arguments fréquemment entendus
“Les demandeurs d’asile vont nous voler nos emplois”
Les patrons se sont empressés de dire que les demandeurs d’asile devaient être en mesure de travailler plus vite. Fernand Huts, provocateur patronal professionnel et magnat du port d’Anvers, a déclaré qu’il engagerait immédiatement 500 demandeurs d’asile dès que la loi Major serait abolie (cette loi de 1972 protège le statut particulier des travailleurs de la zone portuaire). Patrick Dewael (Open-VLD) a proposé de permettre aux demandeurs d’asile de prester un service communautaire, non seulement pour la collectivité mais aussi pour des entreprises privées (notamment concernant la cueillette des fruits). Les conservateurs britanniques pensent de leur côté aux soins aux personnes âgées. Les employeurs d’Unizo (organisation des petits patrons flamands) ont quant à eux organisé une journée d’information au camp de tentes des réfugiés du Parc Maximilien à Bruxelles.
Visiblement, les patrons et les autorités auraient encore des centaines d’emplois à proposer alors que nous connaissons un taux de chômage élevé depuis des années… La vérité, c’est que les employeurs apprécient de disposer d’une telle armée de réserve, c’est l’opportunité de faire baisser tous les salaires et les conditions de travail. C’est à nouveau Fernand Huts qui l’a dit le plus ouvertement, mais les autres propositions ne concernent pas non plus des emplois décents avec un bon salaire. Quant au service communautaire, cela signifie concrètement de travailler en échange d’une allocation de survie. Quel patron payera encore des salaires décents si les demandeurs d’asile travaillent pour presque rien ? Naturellement, les demandeurs d’asile ont le droit de travailler et de se construire un avenir. Mais si des salaires de misère constituent la norme, cela devient tout simplement impossible.
Si cela ne dépendait que des patrons, il n’y aurait tout simplement plus de bons emplois. Les réfugiés n’ont rien à voir avec la fermeture de Ford-Genk ou avec la réduction du personnel à la SNCB. La pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail ainsi que le reste des mesures d’austérité ont poussé les jeunes à fuir la Grèce, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande. Ne laissons pas les patrons et leurs marionnettes politiques faire de même ici! La meilleure riposte, c’est la lutte en faveur d’un salaire égal pour un travail égal et pour de meilleures conditions de travail pour tous.
“Nous ne pouvons pas accueillir tout le monde”
Aujourd’hui déjà, les services prévus ne peuvent faire face à l’afflux de demandeurs d’asile. A Bruxelles, un camp de tentes faisant directement penser à un bidonville a émergé au côté de l’Office des Etrangers. Cela n’est pas uniquement dû au nombre de demandeurs d’asile, il s’agit aussi des conséquences d’années successives de réductions de budget des services sociaux et des structures d’accueil. Dans le secteur de l’aide individuelle et de l’assistance juridique aux réfugiés, la diminution a atteint les 17%. L’ONG d’aide aux réfugiés Vluchtelingenwerk Vlaanderen a dénoncé qu’elle n’était plus en mesure de prendre en charge que la moitié du nombre de demandeurs d’asile dont elle s’occupait en 2012.
La tendance générale en Europe est de sous-traiter l’accueil aux réfugiés à des sociétés privées. En Allemagne, le plus grand pourvoyeur de places est l’entreprise European Homecare, une entreprise devenue des plus rentables. Différents scandales de maltraitance sont parus dans la presse au sujet de ces entreprises. En Belgique, le groupe hôtelier Corsendonk et l’entreprise de gardiennage GS4 s’occuperont conjointement de demandeurs d’asile en Campine : ‘‘Nous sommes une entreprise commerciale, nous voulons réaliser des bénéfices.’’ La crise des réfugiés est une aubaine pour certains tandis que les partis de droite jouent sur le budget alloué à ces entreprises afin de faire croire au reste de la population que les demandeurs d’asile vivent dans le luxe et l’opulence.
Bien sûr, nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde dans un petit pays comme la Belgique. Mais notre pays est ou a été impliqué dans de nombreux conflits à travers le monde : de l’Afghanistan à l’Irak en passant par la Libye. La liste des pays d’où proviennent les réfugiés épouse remarquablement celle de ces conflits militaires. Personne ne fuit pour le plaisir, personne ne quitte sa famille et ne laisse sa maison derrière lui pour un avenir plus qu’incertain. La seule véritable solution à la question des réfugiés, c’est la fin de la guerre, de la misère et de l’exploitation. Sans cela, le problème ne fera que prendre de l’ampleur. Que faire si le président turc Erdogan poursuit sa politique désespérée de guerre contre la population kurde et plonge tout le pays dans une guerre civile sanglante? Combien de millions de réfugiés syriens actuellement en Turquie arriveront en Europe? En donnant implicitement le feu vert à Erdogan, les USA et les pays de l’OTAN sont eux aussi responsables.
La présence d’armes de destruction massive en Irak était un mensonge destiné à justifier une guerre de pillage pour du pétrole et de prestige. C’est maintenant bien connu. Des millions de personnes ont manifesté dans le monde contre la guerre en Irak, en 2003. A Bruxelles, 100.000 personnes avaient défilé. La population était en général très clairement opposée à la guerre. Mais l’establishment capitaliste – particulièrement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis – a été poussé dans le dos par les intérêts pétroliers et était avide de disposer de l’emplacement stratégique de l’Irak. Plus de douze ans plus tard, on y cherche encore la paix et la démocratie. Un conflit religieux sectaire a surgi, qui s’étend maintenant jusqu’en Syrie.
Les forces de droite qui clament haut et fort que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde sont précisément celles qui augmentent cette misère. Nous devons mettre un terme au pillage néocolonial. Le mouvement anti-guerre de 2003 a démontré le potentiel de ce combat, à l’instar de la vague révolutionnaire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient de 2011. Ces mouvements n’ont pas été en mesure d’en finir avec la misère faute d’avoir rompu avec le capitalisme mais ils n’en contenaient pas moins les germes d’une nouvelle société. Les nouveaux mouvements contre la corruption et la privatisation de la collecte des déchets au Liban de même que les actions des travailleurs en Egypte et en Irak illustrent que la vague révolutionnaire peut encore revenir. Si l’élite capitaliste fait tout pour nous diviser, c’est qu’elle est bien consciente du danger d’une lutte de masse pour un autre modèle de société.
“Notre modèle social est déjà en danger…”
Le Vlaams Belang diffuse un tract ayant pour titre ‘‘Économisez sur l’asile, pas sur notre propre peuple’’ faisant référence au saut d’index ou encore à l’augmentation de l’âge de la retraite et suggérant que le nombre de demandeurs d’asile serait responsable de l’adoption de ces mesures. Belle hypocrisie de la part d’un parti qui soutien précisément cette politique d’austérité… Lors de son meeting tenu dans l’enceinte du parlement flamand avec Marine Le Pen le 15 septembre dernier, le Vlaams Belang a notamment explicitement déclaré vouloir en finir avec les dépenses liées aux demandeurs d’asile ou à l’Europe du Sud afin d’utiliser ces ressources pour ‘‘obtenir des baisses d’impôts [des entreprises] pour donner de l’oxygène à l’économie.’’ L’extrême droite veut dévier la colère sociale contre les victimes de la crise pour mieux choyer ceux qui en sont précisément à l’origine.
Le son de cloche n’est pas différent ailleurs à droite, comme à la N-VA. Ces partis sont directement responsables d’une offensive massive contre notre sécurité sociale. Ce sont eux qui ont exclu des milliers de personnes des allocations de chômage pour les renvoyer vers les CPAS. Ce sont eux qui détruisent nos soins de santé à petit feu. Si notre système social est sous pression, cela n’a strictement rien à voir avec les migrants, qu’ils soient ou non demandeurs d’asile. Ce sont les partis pro-austérité qui détruisent notre protection sociale, qui augmentent la TVA sur l’électricité ou qui relèvent de l’âge de la retraite.
Stopper les attaques contre notre système social exige de lutter ensemble contre les autorités austéritaires. En toute logique, la droite va tout faire pour nous diviser afin d’affaiblir la résistance sociale. Les travailleurs sont ligués contre les chômeurs, les personnes d’origine belge contre les migrants de la première, deuxième ou troisième génération, les migrants plus anciennement arrivés contre les réfugiés, les ‘‘bons réfugiés’’ contre les ‘‘mauvais’’ réfugiés, etc. Tout ce qui nous divise nous affaiblit.
“Qui va payer ?”
Des millions de réfugiés fuient non pas des catastrophes naturelles inévitables mais bien des guerres et la contre-révolution. Les classes dirigeantes des pays impérialistes et des pays du Moyen-Orient doivent payer pour les conséquences de leurs actes. C’est leur système et leur politique qui sont à la base de la crise, que cela soit via les interventions impérialistes en Irak et en Libye ou via le financement de groupes djihadistes par l’Arabie saoudite et les Etats du Golfe.
Les industries pétrolières et de l’armement ont réalisé d’énormes profits dans cette région. En 2014, l’Arabie Saoudite a été le plus grand importateur d’armes au monde (6,4 milliards de dollars, soit 10% du commerce mondial d’armements). Les Emirats Arabes Unis ont quant à eux représenté 2,2 milliards de dollars des importations d’armes. L’ambassadeur européen en Irak, Jana Hybášková, a déclaré il y a un an au Comité des affaires étrangères du Parlement européen que certains pays européens avaient acheté du pétrole auprès de l’Etat Islamique, finançant ainsi le groupe. Il a par la suite refusé de citer des noms. Comme toujours sous le capitalisme, les profits sont prioritaires sur les droits de l’Homme ou les droits démocratiques.
Les impérialismes américains et britanniques portent une lourde part de responsabilité dans la situation qui prévaut au Moyen-Orient. L’invasion de l’Irak a conduit à une réaction en chaîne qui, en l’absence d’un mouvement de résistance de la classe des travailleurs, a abouti à la division sectaire et à la guerre civile. La lutte pour le droit d’asile doit être liée à l’obligation du financement des programmes d’urgence par ceux qui se sont enrichis au Moyen-Orient notamment au travers des industries du pétrole et de l’armement.
“Que pouvons-nous y faire ?”
La seule manière de parvenir à vaincre les forces sectaires, à mettre fin aux guerres civiles et à infliger la défaite aux dictateurs repose sur l’action unitaire des travailleurs et des pauvres au Moyen-Orient. Le processus révolutionnaire de 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient a donné un aperçu de la force des masses. Pas mal d’occasions ont hélas été perdues faute de clarté quant au programme et aux méthodes nécessaires pour parvenir à la victoire contre le capitalisme. Il faut éviter de reproduire ces erreurs et développer des mouvements totalement indépendants de la classe dominante armés d’un programme et de méthodes socialistes, c’est-à-dire basées sur l’implication des masses et sur le contrôle des travailleurs. De tels mouvements pourraient mettre un terme aux divisions sectaires, aux guerres, à la répression, à la pauvreté pour donner naissance à un monde débarrassé de l’exploitation capitaliste où une économie démocratiquement planifiée permettrait de satisfaire les besoins de la majorité sociale et non ceux de l’élite capitaliste.
Parallèlement, nous défendons le droit d’asile et exigeons un programme d’urgence pour les réfugiés afin de leur offrir un avenir décent, des logements abordables, un accès à l’enseignement et à l’apprentissage des langues, un soutien psychologique pour le stress post-traumatique,… dans le cadre d’un plan plus large visant à faire face à la crise générale du logement, de l’emploi,… Chacun a droit à un avenir décent.
Nous rejetons chaque tentative de semer la discorde parmi les victimes de l’austérité et du capitalisme. Nous avons un intérêt commun : lutter de concert contre la loi du marché et le règne de la classe capitaliste. La politique actuelle fait en sorte que cette infime élite s’enrichit d’année en année tandis que les inégalités augmentent.
Les choses à faire ne manquent pas à partir de Belgique. Le combat contre l’austérité est un aspect crucial des tâches qui nous font face. Participer à la manifestation syndicale nationale du 7 octobre et assurer une présence syndicale dans le débat autour de la question des réfugiés constitueraient une sérieuse riposte contre la rhétorique de division de la droite et stimuleraient la discussion quant aux causes de la crise des réfugiés.
Personne ne préconise une ‘‘immigration incontrôlée’’ comme le suggère Bart De Wever. Personne ne fuit pour son plaisir. Plus de bombes et de racisme ne feront que renforcer ce processus. Rompre avec l’austérité par un mouvement de masse serait également un exemple inspirant pour les luttes au Moyen-Orient. Ce système n’offre aucun avenir à un nombre grandissant de personnes sur cette planète, luttons activement pour une alternative socialiste démocratique basée sur la propriété publique et démocratique des secteurs clés de l’économie, seule manière d’en finir avec les causes qui poussent tant de personnes à fuir leur foyer.
[INTERVIEW] Collecte de vêtements et solidarité active, un exemple liégeois.
Suite à la crise des réfugiés, diverses initiatives de solidarité ont vu le jour, notamment autour de la collecte de vêtements, de jouets, etc. Nous en avons discuté avec Frank Delandshere, un Liégeois à la base d’une collecte qui a eu un succès retentissant début septembre pour venir en aide au centre d’accueil de la Croix-Rouge d’Ans. 200 places supplémentaires pour les réfugiés venaient tout juste d’y être créées.Suite à la crise des réfugiés, diverses initiatives de solidarité ont vu le jour, notamment autour de la collecte de vêtements, de jouets, etc. Nous en avons discuté avec Frank Delandshere, un Liégeois à la base d’une collecte qui a eu un succès retentissant début septembre pour venir en aide au centre d’accueil de la Croix-Rouge d’Ans. 200 places supplémentaires pour les réfugiés venaient tout juste d’y être créées.
Comment t’es-tu retrouvé à organiser cette collecte ?
‘‘Il faut tout d’abord remonter à une brocante, à Poulseur, fin du mois d’août. Avec une amie, nous sommes allés demander aux brocanteurs s’ils pouvaient laisser quelque chose en fin de journée pour les réfugiés. L’accueil était positif et chaleureux, tout le monde nous disait que c’était une bonne initiative. Personne ne nous a dit ‘‘on ne donne pas à ces gens-là’’.
‘‘Au centre d’accueil de la Croix-Rouge de Fraipont, les remerciements que nous avons reçus ne concernaient pas que les vêtements. Ils avaient besoin de soutien, non seulement les réfugiés, mais aussi le personnel. La responsable, Maria, nous a dit : ‘‘c’est génial de voir cet élan de solidarité, quand on lit la presse ou quand on va sur les réseaux sociaux, on peut être désespérés.’’ Il est vrai que sans mouvement concret, sans solidarité active, on ne peut pas être conscients de la réalité du soutien.’’
Et à partir de là ?
‘‘A partir d’un groupe facebook, j’ai lancé une ‘‘opération’’ de collecte sur le principe que chacun regarde chez soi et demande à ses amis et à sa famille des vêtements, des jouets, des chaussures,… cinq jours plus tard. En 24 heures à peine, ça a eu un succès de malade. Les voitures se succédaient, j’ai passé mon temps à mettre en contact des gens qui avaient des voitures avec d’autres qui n’en avaient pas pour ramener les dons. Au centre d’accueil d’Ans, ils n’en revenaient pas quand je leur ai dit ‘‘oui, oui, on va arriver, avec plusieurs dizaines de voitures’’. Il n’y a pas eu assez de place là-bas, il a fallu se rabattre sur le centre Jeunes de Jupille.
‘‘Par la suite, il y a eu une page facebook ‘‘Refugees Welcome to Liège’’, qui a reçu des dizaines de propositions de bénévoles ou pour organiser des animations pour les enfants aux centres d’accueil, pour réparer des vélos, rafistoler des vêtements,… Le 11 octobre, il y aura la ‘‘Welcome Fest 4 Ref’’, une soirée bénéfit où de nombreux groupes liégeois ont accepté de venir jouer gratuitement. Et ce n’est encore qu’un aperçu de ce qui s’est passé, dans une seule ville.’’
A quand situes-tu le début de cet élan solidaire ?
‘‘Avant la photo du petit Aylan, selon moi. Il y a eu cette première page immonde de la DH ‘‘Les Belges ne veulent pas des migrants !’’ sur base d’un ‘‘sondage exclusif’’. Les gens se sont dit ‘‘on ne va pas laisser dire ça’’. Il fallait contrer les discours et commentaires racistes. La solidarité concrète a su remettre ces propos dans leurs justes proportions. Et puis il y a eu l’attitude des autorités, qui ont démontré leur incapacité de faire face à l’urgence. Leurs réactions étaient pleines de mauvaise foi, noyées dans le cynisme. Elles sont dépassées par la solidarité de la population.’’
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Pour gagner, c’est ensemble qu’il faut lutter !
Le mouvement des travailleurs est similaire à une chaîne : il n’est aussi fort que son plus faible maillon. Pour augmenter les chances d’avoir des maillons plus faibles, nous diviser autant que possible est une tactique délibérée du patronat. Avec l’introduction de toute une variété d’échelles de salaire. En montant les intérimaires contre les autres travailleurs. En externalisant certaines tâches à des sous-traitants. En attisant les tensions entre syndicalistes rouges et verts. Aujourd’hui entre en scène la discrimination entre migrants, réfugiés et le reste des travailleurs.Par Geert Cool, édito de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste
Chaque syndicaliste sait très bien que le personnel est plus fort s’il est uni. Les patrons le savent fort bien eux aussi. C’est pourquoi, au début de l’ère industrielle, il était interdit de se regrouper. Officiellement, les mêmes règles s’appliquaient à tous: les travailleurs ne pouvaient pas s’organiser pour obtenir de meilleures conditions de travail et de salaire et les patrons n’étaient pas autorisés à se coaliser. Il va sans dire que les conséquences n’étaient pas les mêmes pour tous. Les nouvelles attaques contre le droit de grève font ressurgir cette interdiction de s’organiser.
L’organisation et la solidarité constituent la base essentielle qui a permis d’arracher par la lutte de nombreuses conquêtes sociales. Ceux qui s’en prennent à la sécurité sociale et à nos conditions de vie sont ceux qui bénéficient des divisions dans notre camp. Ils veulent les renforcer en instrumentalisant la peur de la perte d’acquis sociaux sous la pression migratoire. Quelle manière cynique de se décharger de la responsabilité de leurs politiques.
Le racisme n’est pas neuf. En 1870, Karl Marx décrivait en ces termes l’utilisation des immigrés irlandais par les capitalistes anglais : ‘‘la bourgeoisie anglaise n’a pas seulement exploité la misère irlandaise pour rabaisser, par l’immigration forcée des pauvres Irlandais, la classe ouvrière en Angleterre, mais elle a, en outre, divisé le prolétariat en deux camps hostiles. L’ouvrier anglais vulgaire hait l’ouvrier irlandais comme un compétiteur qui déprime les salaires et les conditions de vie.’’ Pareille division permet de compliquer les possibilités de lutter en commun tout en offrant l’opportunité de mettre pression sur les salaires et les conditions de travail. Remplacez les immigrés irlandais par les réfugiés syriens et la bourgeoisie anglaise par notre gouvernement de droite et vous aurez une idée précise de la façon dont la crise des réfugiés est utilisée aujourd’hui.
Ces divisions dont parle Marx n’ont pu disparaitre que lorsque les immigrés irlandais ont eux-mêmes fait partie du mouvement organisé des travailleurs. C’est cela qui est nécessaire aujourd’hui. Le mouvement des travailleurs est la seule force capable, par la lutte active, de vaincre le racisme. Défendre le droit d’asile de la même manière que le droit d’avoir un emploi, de bons services publics,… pour tous, c’est la seule façon d’éviter que la discussion sur la crise des réfugiés continue de dominer et que, de cette manière, elle puisse semer la division entre collègues au travail.
Dans le combat contre l’austérité et l’exploitation, nos meilleurs alliés sont les autres victimes de ce système de plus en plus inégalitaire. ‘‘Dans les mines, nous sommes tous noirs’’, comme le dit le dicton. Aujourd’hui, les mines sont fermées, mais nous sommes toujours dans le même bateau. Ceux qui nous qualifient de ‘‘profiteurs’’ parce que nous refusons le saut d’index ou l’augmentation de l’âge de la retraite à 65 ans sont ceux qui traitent les réfugiés de ‘‘profiteurs’’ pour avoir voulu fuir la guerre et la répression. Mais toutes les études démontrent que seule l’élite capitaliste s’est enrichie ces dernières années. Alors, qui sont les profiteurs?
Nous avons besoin d’une campagne offensive de la part du mouvement des travailleurs. Pourquoi ne pas commencer en invitant les sans-papiers à venir expliquer leur situation dans les délégations syndicales? Ou en renforçant l’organisation syndicale des groupes de travailleurs migrants les plus exploités, comme dans l’Horeca ou le nettoyage? Au sein du mouvement des sans-papiers et de solidarité avec les réfugiés, adopter une orientation vers le mouvement des travailleurs est des plus importants, ce qu’une présence sérieuse lors de la manifestation syndicale du 7 octobre pourrait renforcer. Le PSL essaie déjà de contribuer modestement à cette approche, comme à Anvers avec la campagne Tamil Solidariteit et le travail syndical mené parmi les réfugiés tamouls ou encore, avec les sans-papiers, à Bruxelles, en défendant parmi les réfugiés l’unité avec le mouvement des travailleurs.
Nous devons nous battre pour gagner, avec les syndicats. Pour cela, il nous faut des mots d’ordre clairs et une alternative politique à l’austérité. Vaincre et assurer nos conditions de vie, c’est aussi la seule façon d’en finir avec la politique de ‘‘diviser pour mieux régner’’ de la droite. Ce serait une source d’inspiration pour les luttes à travers le monde afin de poser les premiers pas en direction d’une société socialiste et démocratique où personne ne se verrait forcé de fuir ou d’avoir faim.
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'Refugees welcome': plus de 20.000 manifestants font entendre une autre voix, celle de la solidarité
Plus de vingt mille personnes ont manifesté ce dimanche 27 septembre dans à Bruxelles en solidarité avec les migrants venus trouver refuge en Belgique, ou en Europe. L’appel avait été lancé par la plateforme “Refugees-Welcome”, née face à l’urgence dans laquelle se sont retrouvées des centaines de familles sans-papiers au Parc Maximilien.La manifestation dénonçait l’inertie du gouvernement et l’Europe forteresse incapable de résoudre les besoins criants auxquels sont confrontées toutes ces familles qui migrent pour fuir une situation insoutenable dans leur propre pays.
Une autre mobilisation similaire est organisée pour le 25 octobre à 15 h gare du midi, à l’appel de la coordination des sans-papiers.
Photos : Liesbeth
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Tous ensemble pour un meilleur avenir, contre le capitalisme, la guerre et l'exploitation!
Les papiers nous divisent, la classe nous unit!
Chaque jour, nous sommes envahis d’articles sur les réfugiés. Cela entraine beaucoup de débats, et notamment l’idée « on ne peut accueillir toute la misère du monde». Ce qui est cependant moins abordé, c’est la raison pour laquelle il y a des réfugiés.Tract des Étudiants de Gauche Actifs (EGA)
Qui est responsable de la crise migratoire ?
Les réfugiés sont-ils responsables des guerres en Syrie, en Irak ou en Somalie ? Personne ne part comme ça pour son plaisir. Le problème n’est pas que des gens veulent venir en Europe pour profiter. C’est au contraire un problème collectif pour ceux qui veulent échapper à la guerre, à la misère, etc. Et le gouvernement belge y contribue en participant à la guerre en Libye, en Irak et en Afghanistan. Il n’y a aucun souci pour trouver de l’argent pour investir dans la guerre (6 milliards pour les nouveaux F-35) par contre pour les services publics, les allocations d’insertion et les mécanismes de redistribution en général c’est une autre paire de manches. Le capitalisme est synonyme d’exploitation, de concurrence et de destruction de la nature. C’est la raison pour laquelle il y a des guerres et pourquoi des gens se réfugient. C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leur victimes !
Non au “diviser pour mieux régner”, pour la solidarité!
Les réfugiés sont souvent vus comme des profiteurs. Une ministre NVA (Homans) est allée jusqu’à proposer de refuser un logement social à ceux qui ont déjà un logement à l’étranger. Elle stimule ainsi la méfiance, la colère et le racisme. Comme si ceux qui ont tout perdu et se retrouvent dans un pays étrangers pouvaient être appelés des profiteurs. Les seuls vrais profiteurs sont ceux qui exploitent les réfugiés dans un travail au noir pour quelques euros de l’heure. Pour ceux-là, il est positif que les gens voient les réfugiés comme des illégaux. Les patrons du port d’Anvers sont même prêts à embaucher les réfugiés, à condition de pouvoir s’en prendre aux conditions de travail et aux salaires. Les papiers nous divisent, nos intérêts communs nous unissent !
Qui sape notre sécurité sociale et vole nos emplois?
Les réfugiés ne sont pas responsables de la crise et de l’austérité. En 2008, ce n’était pas les demandeurs d’asile qui avaient démarré la crise financière, c’étaient les banquiers et les spéculateurs. Ils ont transféré leur dette vers la communauté et c’est pour cela que nous subissons l’austérité aujourd’hui. Le gouvernement essaye maintenant de pousser les victimes de l’austérité dans notre pays contre les victimes de la politique étrangère désastreuse.
Une réponse collective maintenant !
Les Etudiants de Gauche Actifs sont pour la solidarité et la lutte contre la guerre et l’exploitation afin que personne ne doive s’enfuir. Nous revendiquons un accueil humain pour les réfugiés au lieu de les criminaliser ou de les faire passer pour des profiteurs. Jeunes,travailleurs, avec ou sans papiers, tous ensemble nous devons nous unir pour un meilleur avenir et, donc, pour un autre système.
Nous Revendiquons :
- Un accueil immédiat des réfugiés dans des conditions humaines
- Des investissements publics dans la construction de logements sociaux de qualité
- Stop à l’austérité dans l’enseignement – pour un enseignement gratuit et de qualité pour tous, avec ou sans papiers
- Pour de vrais emplois – diminution du temps de travail à 32h semaine sans perte de salaire et avec embauches compensatoires. Des emplois pour chacun, sans discrimination sur base de l’origine, du sexe, de la sexualité et de la religion
- Prenons l’argent des 1%
- Arrêt des interventions et des investissements militaires
=> Namur. Débat : Capitalisme et immigration, quelle alternative à l’Europe Forteresse?
=> Liège. Débat : Capitalisme et immigration, quelle alternative à l’Europe Forteresse?
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[DOSSIER] En défense du droit d'asile
Unissons-nous contre l’austérité et pour un monde meilleur pour chacun!Des millions et des millions de personnes ont été chassées de chez elles, contraintes de fuir et de vivre dans des conditions dégradantes tout en devant faire face à la brutalité des forces de l’État et des milices sectaires. Elles ont mis leurs vies en danger alors qu’elles étaient à la recherche d’un endroit sûr. Voilà la réalité qui se trouve derrière ces guerres suivies d’années d’interventions étrangères et impérialistes au Moyen-Orient et derrière les défaites qu’ont connu les révolutions qui ont commencé en 2011.
Par Robert Bechert, Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO, article initialement publié le 8 septembre sur socialistworld.net
En résultat de tout ceci, nous avons vu des vagues de réfugiés abandonnant leurs maisons et leurs vies se succéder. La plupart des données concernant la crise des réfugiés sous-estiment la crise humanitaire. Près de 6 millions et demi de Syriens sont des réfugiés au sein même de la Syrie tandis que 4 millions d’autres sont officielles réfugiés à l’étranger. A cela s’ajoute encore des réfugiés en provenance d’Irak, de Libye, du Yémen, d’Afghanistan, de Somalie et d’autres zones de guerre.
Des centaines de milliers de personnes sont arrivées en Europe à la recherche d’un refuge et d’un avenir, affrontant souvent des voyages périlleux, la brutalité des États et l’exploitation des passeurs. Alors que la situation empire chaque jour, de plus en plus de réfugiés sont morts cette année en essayant de passer les obstacles mis en place par les gouvernements, particulièrement ceux d’Union européenne. Cela a provoqué une réaction. Un nombre croissant d’Européens sont indignés par le désastre humanitaire au Moyen-Orient, en Méditerranée et en Europe du Sud. Cette colère, spécialement suite au nombre de morts, a forcé quelques gouvernements à prendre des mesures visant à aider certains réfugiés fuyant la guerre dans leurs pays.
Mais cette concession limitée n’est pas due à un changement de mentalité chez les élites capitalistes. Sans cette colère populaire ressentie envers le mauvais traitement des réfugiés, rien de tout cela n’aurait changé.
Des mois durant, les gouvernements européens ont fermement résisté à l’idée d’accueillir les réfugiés. Plus tôt cette année, la mission de secours Mare Nostrum de l’Union européenne a été remplacée par l’opération Triton, bien plus restreinte, dont le principe est de rendre le passage en mer plus difficile pour les réfugiés et pour les candidats à l’immigration.
Selon le gouvernement britannique, Mare Nostrum constituait un «facteur incitant» qui encourageait les gens à tenter d’atteindre l’Europe. Le parlement britannique a estimé en octobre dernier que «ces mesures d’urgence devraient être stoppées à la première occasion.» En d’autres termes, l’idée de ces politiciens était d’accroître le risque que des bateaux coulent et de réduire l’ampleur des opérations de secours afin d’assurer que le plus de réfugiés possible se retrouvent hors d’Europe. C’est assurément cela qui s’est produit. En avril 2014, 42 migrants se sont noyés alors que Mare Nostrum était encore en vigueur. En avril de cette année, le nombre de migrants ayant trouvé la mort dans les eaux méditerranéennes s’est élevé à 1308!
Mais le gouvernement britannique n’était pas le seul à exprimer ouvertement cet avis. Le gouvernement allemand, qui bénéficié d’un certain soutien pour son changement d’approche, a totalement soutenu la fin de Mare Nostrum parce que, comme le ministre allemand de l’Intérieur l’avait affirmé, «Mare Nostrum était une intervention d’urgence qui constituait un pont vers l’Europe.» Berlin voulait détruire ce «pont» pour les réfugiés.
À présent, le gouvernement allemand semble être le plus généreux dans l’accueil des réfugiés syriens. Mais cela n’est que temporaire. Il est en réalité tout aussi hypocrite que les autres gouvernements capitalistes. Alors qu’il permettait l’arrivée de réfugiés depuis la Hongrie, Berlin a simultanément demandé à Rome d’imposer des contrôles aux frontières à Brennero, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche, afin de limiter le nombre de migrants arrivant de ce côté. Il est désormais clair que tant l’Allemagne que l’Autriche vont chercher à organiser quelque chose de similaire sur leurs frontières avec les pays de l’Est.
Quelques jours avant que les réfugiés n’aient reçu le droit d’arriver de Hongrie dans la région de Bavière (sud-est de l’Allemagne, à la frontière avec l’Autriche et la Tchéquie), le premier centre «d’arrêt» et de «réception et déportation» a été ouvert. Son but est de rapidement déporter les chercheurs d’asile vers une liste de pays que Berlin estime «sécurisés». Le gouvernement régional bavarois veut que le Kosovo soit rajouté à la liste des «pays sûrs» – un pays pourtant considéré comme un des plus corrompus d’Europe, où «il est impossible de trouver du travail sans avoir de bons contacts».
Les revirements dans l’opinion publique
Le revirement de l’opinion publique a eu un énorme impact sur ce que Merkel a fait. Mais le gouvernement allemand a aussi vu l’opportunité de restaurer son image internationale, écornée à la suite du traitement brutal qu’a subi la Grèce, tout en voyant là une manière de s’en prendre au vieillissement de la population allemande.
Au début du mois d’aout, le président de la Fédération allemande de l’industrie (BDI) a appelé à ce que plus de demandeurs d’asile soient acceptés en Allemagne, ce qui s’explique en raison de la baisse de la population allemande et de son vieillissement. En 2003, la population allemande a atteint le chiffre de 82,5 millions d’habitants, avant de redescendre à 80,3 millions de personnes en 2011. Depuis lors, elle a remonté à 81,1 millions l’année dernière, sur base de l’immigration vers l’Allemagne. Le nombre de détenteur de la nationalité allemande vivant en Allemagne est toujours en chute libre, il a descendu à 73,6 millions l’année dernière alors qu’il était de 75,4 millions en 2004.
C’est ce contexte qui pousse un grand nombre de patrons allemands à vouloir plus d’immigrants, surtout des personnes expérimentées et ayant des qualifications professionnelles. Le ministre allemand du Travail a été absolument clair : «Nous allons également tirer profit de tout cela, car nous avons besoin de l’immigration.» C’est ainsi que, lorsque Merkel a annoncé des mesures visant à déporter rapidement les demandeurs d’asile arrivant depuis les Balkans, elle a aussi expliqué que «les gens de ces États qui peuvent prouver leur expérience de travail ou leur formation pourront travailler en Allemagne.» Des rapports démontrent qu’un nombre important des personnes autorisées à entrer en Allemagne sont professionnellement formées. Le responsable de des infos économiques de la BBC a rapporté que des hommes d’affaire britanniques se plaignent du fait que «Merkel est en train de recruter les demandeurs d’asile les plus économiquement utiles.»
Malgré ces spéculations économiques, pour la plupart des réfugiés, le gouvernement allemand apparait bien plus accueillant que les autres gouvernements qui refusent de prendre quelques (ou très peu de) réfugiés en provenance du Moyen-Orient.
Cependant, le traitement des réfugiés dans les pays capitalistes a toujours été conditionné aux intérêts de la classe dirigeante ou alors visait à répondre à la pression de l’opinion publique ou de mouvements de masse. Les puissances occidentales ont ainsi ratifié la convention de l’ONU sur les réfugiés en 1951 afin d’essayer de contrecarrer les répercussions politiques négatives de leur politique de limitation stricte des réfugiés durant la période d’avant la Seconde Guerre mondiale vis-à-vis de ceux qui fuyaient le nazisme ainsi que pour servir leur propagande contre les restrictions en vigueur dans les États staliniens.
Mais aujourd’hui, la classe dirigeante ne peut pas tout simplement revenir à la situation d’avant 1939 lorsque, par exemple, presque tous les pays présents à la conférence d’Evian de 1938 convoquée par le président américain Roosevelt ont échoué à proposer la moindre avancée concernant l’asile aux réfugiés juifs qui quittaient l’Allemagne nazie. Cette expérience passée explique pourquoi l’obligation de défendre et d’étendre le droit d’asile aux victimes de la guerre et des persécutions est devenue tellement importante. De plus vit en Allemagne et en Autriche le souvenir de l’énorme nombre de réfugiés venus après la Seconde Guerre mondiale (8 millions en Allemagne de l’Ouest et 4 millions en Allemagne de l’Est). C’est pourquoi les conditions terribles et critiques de certains réfugiés ont poussé des millions de personnes à exiger qu’on leur accorde une aide immédiate ; ce qui a contraint l’Europe occidentale à assouplir sa politique en matière d’accueil des réfugiés.
Il est intéressant de noter ici qu’un très petit nombre de réfugiés syriens ont été acceptés par les riches autocraties pétrolières d’Arabie saoudite et du Golfe, pays qui ont formé et armé plusieurs groupes djihadistes : à peine 33 Syriens dans les États du Golfe (Koweït, Qatar, Bahreïn, Émirats-arabes-unis). Cette année, l’Arabie saoudite a accordé à peine 18,4 millions de dollars à la mission de l’ONU en Syrie, bien moins que le Koweït qui a lui envoyé 304 millions de dollars. Même si quelques critiques en ce sens ont été émises dans les médias occidentaux, personne ne semble y accorder une grande importance. C’est que les impérialistes occidentaux comprennent bien qu’un afflux de réfugiés pourrait mettre en difficulté les élites dirigeantes locales, ce que les puissances occidentales désirent clairement éviter.
Mais en Syrie, où la situation est véritablement catastrophique, surtout avec la montée en puissance de l’État islamique et le nombre croissant de combattants, le nombre de personnes fuyant le pays est passé de 11.000 personnes par jour en 2010 à 42.000 l’année passée. Nombreux sont ceux qui se sont sentis piégés dans les pays voisins, enfermés dans des camps de fortune et sans aucun permis de travail.
Dans ce contexte, la question immédiate est de savoir comment apporter de l’aide aux populations qui fuient la guerre au Moyen-Orient et ailleurs. Dans beaucoup de pays, la sympathie est grande envers ces immigrés ; beaucoup de personnes se demandent ce qu’elles pourraient faire. Beaucoup d’argent, de nourriture et d’autres objets ont été collectés pour les réfugiés.
Le mouvement des travailleurs doit mener la lutte pour exiger que les réfugiés obtiennent le droit d’asile, tout en aidant et en organisant l’aide et en encourageant les réfugiés à s’organiser eux-mêmes. Mais en même temps, il faut un programme concret reprenant ce qui peut être fait pour aider les réfugiés à s’installer et expliquant où trouver les ressources nécessaires à la mise en place de cette aide. A défaut de cela, certaines forces tenteront d’instrumentaliser la situation en affirmant que les réfugiés s’accaparent les ressources de la population qui les accueille. Tandis que bon nombre de réfugiés ont reçu un accueil chaleureux de la part de la population allemande, des groupes d’extrême-droite attaquent les centres d’asile de façon presque quotidienne et il semble que cela ne soit qu’une question de temps avant qu’il n’y ait des morts.
Une campagne pour de meilleures conditions pour tous
Dans une situation déjà marquée par le manque d’emplois décents, de logements, de places dans les écoles et dans les hôpitaux, l’arrivée soudaine de dizaines de milliers d’immigrés va inévitablement causer des tensions parmi la population, à moins que le mouvement des travailleurs ne mène une campagne pour exiger de meilleures conditions pour tous.
Des signes de ressentiment se voient déjà dans les pays les plus pauvres de l’Union européenne, que ce soit en Europe centrale ou orientale devant le fait qu’une aide est accordée gratuitement aux réfugiés. Certains craignent aussi que les réfugiés ne deviennent eux-mêmes une nouvelle source de main-d’œuvre bon marché qui ferait ainsi pression sur les salaires perçus par les travailleurs d’Europe centrale et orientale en Europe occidentale.
En Hongrie, le Premier ministre de droite, Viktor Orban, lui-même sous la pression de la montée du parti d’extrême droite Jobbik, a adopté une rhétorique mêlant des discours anti-immigrations avec l’exploitation de la mémoire historique des invasions de l’empire Ottoman il y a plusieurs siècles de cela. Selon Orban, les frontières doivent être renforcées parce que «Nous ne voulons pas d’un grand nombre de Musulmans dans notre pays» ; il demande aussi «N’est-il pas inquiétant en soi de constater que la chrétienté européenne est à peine capable de faire en sorte que l’Europe demeure chrétienne?» Cette démagogie anti-immigration se répète dans d’autres pays : par exemple, le président tchèque Zeman a déclaré récemment aux immigrés «Personne ne vous a invités ici – si vous n’aimez pas l’accueil que nous vous faisons, allez voir ailleurs.» Mais en Hongrie, on ne se contente pas que des mots contre les immigrés : la force a également été utilisée contre eux, ce qui n’a fait qu’augmenter les voix dans les autres pays qui appellent à ce que les réfugiés soient admis.
Dans beaucoup de pays, la découverte de 71 cadavres dans un camion en Autriche et la photo d’un enfant noyé ont suscité un sentiment que quelque chose doit être fait. À Vienne, plus de 20.000 personnes ont manifesté le 31 août pour exiger que les réfugiés reçoivent l’asile. Comme en Allemagne, une énorme vague de sympathie et, souvent, d’aide matérielle concrète a accueilli les réfugiés arrivant en Autriche.
C’est très particulièrement remarquable dans un pays où l’extrême-droite, le parti anti-immigrants FPÖ (Parti de la liberté d’Autriche), est régulièrement cité dans les derniers sondages d’opinion comme le plus grand parti du pays. Mais l’opinion est telle aujourd’hui en Autriche que le FPÖ se voit contraint de faire tête basse. Mais il attend à présent l’occasion de démontrer que les immigrés posent un problème en termes de logements, d’emplois, de places dans les écoles,… Ce parti défend déjà le slogan d’aider «nos propres pauvres» (les Autrichiens) dans sa campagne pour les importantes élections régionales à Vienne le mois prochain.
La sympathie seule ne suffit pas ; elle peut de plus se tarir, surtout dans le cadre de l’arrivée d’une nouvelle crise économique. Il est urgent que l’ensemble de la gauche entame une campagne autour d’un programme concret capable de contrer l’inévitable propagande anti-immigration de la droite. Un tel programme doit apporter des réponses claires aux problèmes du logement, de la nourriture, de la langue, du travail, etc. et ceci de manière à répondre aux craintes des habitants des pays concernés. Un bon début serait de bloquer les entreprises qui exploitent les réfugiés. En Allemagne, l’entreprise qui fournit le plus grand nombre d’hôtels pour réfugiés est une entreprise privée, Européan Homecare, décrite par le journal économique allemand Handelsblatt comme une entreprise extrêmement profitable.
Il nous faut un programme socialiste pour contrer la politique du «diviser pour mieux régner» à l’échelle internationale. La crise grecque a illustré la manière dont les politiciens capitalistes peuvent exploiter les mauvaises conditions de vie en Europe centrale et orientale pour mobiliser l’opinion nationale contre la moindre concession accordée à la lutte du peuple grec contre l’austérité. De la même manière, les politiciens de droite vont à présent s’efforcer de mobiliser les populations européennes contre les réfugiés afin de détourner la colère ressentie contre le capitalisme alors que l’économie stagne et que pèse la menace d’une nouvelle récession. Tout cela ne fera qu’ajouter au climat de tension au sein de l’Union européenne.
En agissant maintenant, nous pouvons obtenir des améliorations immédiates. On peut obtenir des réformes par la lutte de masse (ou la menace de lutte). Après 1945, le capitalisme s’est vu contraint d’accorder de très importantes réformes en Europe, parce qu’il se trouvait sous la pression gigantesque du soutien énormément accru pour les idées socialistes en guise de réponse à la guerre et au fascisme. La peur d’une révolution a forcé les classes dirigeantes à effectuer un très grand nombre de concessions.
Les besoins de la population locale et des réfugiés
Le mouvement ouvrier doit mettre en avant des exigences concrètes afin de relier les besoins de la population locale et ceux des réfugiés visant par exemple à unir la lutte pour le logement des réfugiés et la fin de la crise du logement qui existe dans certains pays. L’année passée, le journal britannique The Guardian a rapporté qu’il y a 11 millions de maisons vides en Europe. À Vienne, on trouve en ce moment 80.000 maisons vides. De plus, dans beaucoup de villes, il y a des espaces de bureaux vides qui pourraient servir à rapidement livrer une aide d’urgence. Même si ces bureaux ne se trouvent pas forcément au bon endroit, ils pourraient immédiatement servir de logements aux réfugiés. En Grande-Bretagne, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’État avait utilisé des propriétés vides pour reloger temporairement les familles dont le domicile avait été bombardé. Des actions similaires doivent être entreprises à présent pour loger tant les sans-abri «nationaux» que les réfugiés. En Grèce, en Italie et dans d’autres pays, il faut mettre en place des centres de réinstallation d’urgence. Ces mesures ne doivent pas être financées par les gens qui souffrent déjà de l’austérité, mais bien par les entreprises et capitalistes qui profitent de la crise au Moyen-Orient, ainsi que par les élites du Moyen-Orient elles-mêmes. La nationalisation de ces entreprises et des richesses des élites arabes devrait permettre de dégager beaucoup de ressources qui pourraient être utilisées immédiatement.
Mais la crise du logement n’est pas simplement celle de populations qui grandissent. De nos jours, en Grande-Bretagne, il y a un manque croissant de logements, en partie le résultat d’un accroissement de la population et de flux migratoires internes, mais surtout parce que la construction de bâtiments, et en particulier de logements publics, est pour ainsi dire à l’arrêt. En 1953, sous un gouvernement conservateur, on construisait 245.000 logements publics en Grande-Bretagne. Mais ensuite, dans le cadre des mesures d’austérité néolibérales, les gouvernements conservateurs et travaillistes qui se sont succédés ont coupé dans les budgets de construction, réduisant à peine 130 le nombre de logements publics construits en 2004. Même si on a connu une certaine amélioration depuis lors, le nombre de logements publics construits en 2013 n’était que de 2080, soit moins de 1 % de ce que l’on faisait en 1953 ! Pourtant, aujourd’hui, on entend dire en Grande-Bretagne que le pays est trop peuplé pour loger tous ces réfugiés. La réponse du mouvement ouvrier devrait être : «Oui, il y a une crise du logement, mais elle est surtout le résultat de la politique du gouvernement ; il nous faut un nouveau plan de construction de logements sociaux.» Si l’on combine cette approche à la nationalisation des propriétés des entreprises immobilières et des grands propriétaires, cela nous permettrait de planifier une politique socialiste capable de loger décemment tout un chacun.
C’est aux classes dirigeantes des pays impérialistes et du Moyen-Orient que doit revenir la facture pour le logement des réfugiés et pour la reconstruction du Moyen-Orient. C’est à eux de payer, car c’est leur système et leur politique qui sont responsables de la crise actuelle – que ce soit en conséquence des interventions impérialistes en Irak et en Libye ou du financement de groupes djihadistes par l’Arabie saoudite et les États du Golfe. La crise des réfugiés n’est pas une simple tragédie ; il ne s’agit pas d’une catastrophe inévitable. Ces millions de réfugiés ne fuient pas une catastrophe naturelle, mais les conséquences de la guerre et de la contre-révolution.
Les pays impérialistes portent la plus grande responsabilité
Ce sont les classes dirigeantes des pays impérialistes qui portent la plus grande part de responsabilité dans la situation actuelle. Historiquement, ce sont les impérialismes anglais et français qui ont redécoupé les frontières du Moyen-Orient et qui y ont créé la plupart des États modernes. Puis, de concert avec l’impérialisme américain, ils ont travaillé à maintenir leur contrôle sur leurs alliés locaux. Les plus grands bénéficiaires de cette situation sont les compagnies pétrolières et les usines d’armement. En 2014, l’Arabie saoudite était le plus grand importateur d’armes au monde, à hauteur de 6,4 milliards de dollars (3700 milliards de francs CFA), soit 10 % des dépenses en armement mondiales.
Mais ce n’est pas d’un marché capitaliste «ordinaire» que les grandes entreprises ont profité. Il y a un an, l’ambassadrice européenne en Irak, Jana Hybášková, a informé le comité du parlement européen sur les Affaires étrangères que certains pays européens (non cités) achetaient du pétrole en l’Irak et finançaient l’État islamique. Elle a refusé de citer des noms. Comme d’habitude pour le capitalisme, le profit passe avant les droits de l’Homme et les droits démocratiques.
Cependant, lorsque les intérêts de l’impérialisme sont menacés, il intervient, souvent soudainement, en mettant en avant des enjeux soi-disant démocratiques qui leur servent de caution. Tant qu’ils n’agissent pas en sens contraire aux intérêts de l’impérialisme, les despotes locaux peuvent rester aussi longtemps au pouvoir qu’ils le veulent. Ainsi, Saddam Hussein ne s’est jamais opposé à l’Occident ; il a même reçu énormément de soutien pour sa guerre de 1980-88 contre l’Iran. Jusqu’à ce qu’il envahisse le Koweït en 1990…
Plus que n’importe qui, les impérialismes anglais et américain portent la responsabilité immédiate de la crise actuelle au Moyen-Orient. L’invasion américano-britannique de 2003 en Irak a déclenché une réaction en chaine qui, en l’absence d’un mouvement des travailleurs irakiens eux-mêmes, a engendré une division sectaire, la violence et la guerre civile. Tout en luttant pour le droit d’asile, il nous faut exiger des programmes d’urgence financés par les riches et par ceux qui profitent de l’exploitation du Moyen-Orient.
Nous voyons aujourd’hui certains éléments au sein des nations impérialistes qui cherchent à exploiter la crise des réfugiés comme une excuse pour justifier une nouvelle intervention dans la région. Prétextant vouloir résoudre la crise, la France a annoncé qu’elle va commencer à bombarder la Syrie, alors que le gouvernement britannique a commencé lui aussi des attaques de drones, et considère demander l’appui du parlement pour plus de bombardements. Mais ceci n’endiguera pas le flot de réfugiés syriens : on ne fera que causer encore plus de morts. Ces frappes ne feront aucune différence stratégique dans une situation qui a désormais échappé au contrôle direct de l’impérialisme occidental. Le but de Paris et de Londres est de préparer l’opinion publique à la possibilité d’une nouvelle intervention, plus large encore, et de chercher à reprendre un certain «contrôle» sur les évènements.
En tant que socialistes, nous sommes clairs sur le fait que seule une action unie de la classe des travailleurs et des pauvres du Moyen-Orient peut mettre un terme à la guerre civile, désarmer les forces sectaires, renverser les tyrans, gagner des droits démocratiques et briser la chaine de l’impérialisme et du capitalisme. Nous avons eu dans les révolutions qui ont commencé en 2011 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient un aperçu de la force qu’ont les travailleurs lorsqu’ils réclament le changement. Il est tragique de constater que beaucoup de ces opportunités de 2011 ont étés gâchées, parce que ces mouvements de masse n’avaient pas de programme clair sur la façon d’atteindre leur but. Afin d’éviter que ceci se passe à nouveau, il faut s’atteler à la construction de mouvements prolétariens indépendants armés d’un programme et d’une stratégie socialistes. De tels mouvements pourraient mettre un terme aux divisions sectaires, à la guerre, à la répression et à la pauvreté, en luttant pour un monde libéré de l’exploitation capitaliste, dans lequel l’utilisation des ressources du monde entier sera planifiée démocratiquement dans l’intérêt des masses de l’humanité et pas des classes dirigeantes.

