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Tag: Comité pour une Internationale Ouvrière
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Mobilisation inédite contre la dictature chinoise à Hong Kong : entretien avec un activiste socialiste

Le mouvement de protestation à Hong Kong dure depuis des mois. Jamais un mouvement social n’y a eu une telle ampleur. Les manifestations ont atteint jusque 2 millions de personnes et 350.000 travailleurs ont participé à deux grèves générales de 24 heures. Cette colère affronte la destruction des droits démocratiques à Hong Kong, la dictature du Parti ‘‘communiste’’ chinois et la répression policière. Les manifestants réclament des élections démocratiques au lieu du système actuel qui permet à 1.200 millionnaires et dignitaires de choisir le gouvernement. Les concessions limitées accordées par Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong, n’ont pas suffi à arrêter le mouvement. Nous en avons parlé avec Simon, de Socialist Action, notre organisation-sœur à Hong Kong activement impliquée dans ces protestations.
Propos recueillis par Sander (Termonde)
- La lutte contre le PCC aujourd’hui : Participez à nos réunions ouvertes consacrées au mouvement de masse à Hong Kong ! Le 10 octobre à Bruxelles (plus d’infos) et le 15 octobre à Liège (plus d’infos).
Quelle est la composition sociale du mouvement pro-démocratie à Hong Kong ? Y a-t-il beaucoup de travailleurs impliqués ? Sont-ils représentés par leurs syndicats ?
‘‘Le noyau actif du mouvement se compose principalement de jeunes issus de la classe ouvrière et de la classe moyenne, y compris des écoliers et des étudiants. On trouve aussi beaucoup de travailleurs âgés dans les rues pour protéger les jeunes et protester contre la répression policière brutale.
‘‘Malheureusement, la classe ouvrière ne participe pas au mouvement en tant que classe consciente d’elle-même. Elle n’est pas organisée sous la forme de syndicats et de partis. Le mouvement se caractérise, entre autres, par l’absence de dirigeants ou d’organisations ; en partie parce que le syndicat pro-démocratie (HKCTU) refuse d’organiser les travailleurs au sein de ce mouvement. Il y a eu deux grèves générales contre le régime autoritaire et la répression policière, mais toutes deux ont été lancées à partir des réseaux sociaux. L’ampleur du mouvement a forcé le HKCTU à finalement soutenir les grèves générales, mais la fédération syndicale n’a pas organisé la grève sur les lieux de travail. La direction syndicale n’a fait aucune distinction entre cette grève et les manifestations ordinaires. La plupart des grévistes n’étaient pas organisés en syndicat.
‘‘La HKCTU compte 190.000 membres, soit environ 5% de la population active. Le nombre de syndicalistes est extrêmement faible, surtout si l’on exclut la HKFTU, le «faux» syndicat pro-gouvernemental. La direction de ce dernier suit principalement la ligne politique basée sur le compromis des partis bourgeois du camp démocratique, les ‘‘pan-démocrates’’. Les ‘‘dirigeants’’ pan-démocrates craignent qu’un mouvement de masse militant ne les empêche de conclure des accords avec le régime chinois. Nous pensons que négocier des réformes démocratiques avec un régime dictatorial est inutile.’’
La pauvreté est impressionnante à Hong Kong. Beaucoup de jeunes n’ont pas les moyens d’acheter leur propre logement, même s’il ne fait que quatre mètres carrés. Le célèbre économiste néolibéral Milton Friedman qualifiait Hong Kong ‘‘d’expérience néolibérale parfaite’’. Pourquoi donc cette économie ne peut-elle offrir aux gens un logement et des salaires décents ?
‘‘C’est précisément parce que Hong Kong est ‘‘parfaitement néolibéral’’ que le malaise économique est si important. Cela joue un rôle crucial dans le mouvement de masse actuel. Une petite élite d’oligarques domine l’économie de la ville. Le régime autoritaire protège et maximise les profits des grandes entreprises sur le dos de la population active, dont les conditions de travail et de vie sont de plus en plus mauvaises, comme en Chine.
‘‘Les prix des logements ont explosés, surtout depuis 1997, année où Hong Kong a été rétrocédée du Royaume-Uni à la Chine. L’inégalité est particulièrement grande. Le ‘‘coefficient de Gini’’ (qui mesure l’inégalité) de Hong Kong est de 0,539, au neuvième rang après les pays d’Afrique subsaharienne ou de petits pays insulaires. Le malaise à Hong Kong est bien résumé par de jeunes militants qui utilisent le slogan ‘‘pas d’argent, pas d’appartement, pas de démocratie’’.
‘‘L’inégalité sociale résulte d’une politique qui sert uniquement les intérêts des grandes entreprises. Ces dernières dominent le Legco, le ‘‘parlement’’ antidémocratique de Hong Kong. Malheureusement, les principaux partis d’opposition, les partis pan-démocrates, ne sont pas prêts s’opposer au capitalisme. A cela s’ajoute encore la faiblesse historique du mouvement ouvrier à Hong Kong.’’
Les manifestations se poursuivent depuis plus de cinq ans maintenant. Des comparaisons sont régulièrement faites avec le Mouvement des parapluies de 2014. Les circonstances actuelles sont-elles différentes de celles à l’époque ? Il semble qu’il y ait une plus grande prise de conscience de la nature antidémocratique du gouvernement de Hong Kong et du fait que Pékin est le réel maître. Parallèlement, les militants ne semblent pas disposés à mieux organiser et structurer la mobilisation. Pourquoi donc ?
‘‘Les différences sont nombreuses entre les manifestations actuelles et le Mouvement des parapluies de 2014. L’aversion des militants envers toute forme d’organisation joue désormais un rôle encore plus important. Les expériences de 2014 et les précédentes jouent un rôle à cet égard. Les activistes s’opposent à l’utilisation de la ‘‘méthode du podium central’’, qui fait référence à la manière dont les pan-démocrates tentent de contrôler les mouvements de masse. Les pan-démocrates organisent des étapes lors des grandes journées d’action où seuls leurs porte-paroles prennent la parole. Il est normal qu’il y ait une méfiance à l’égard de ces méthodes bureaucratiques.
‘‘Les pan-démocrates ont largement été mis à l’écart par les activistes, ce qui explique pourquoi ce mouvement dure depuis si longtemps et est tellement massif. L’aversion à l’égard des ‘‘dirigeants’’ et des organisations ne vise pas seulement l’absence de direction, mais aussi l’organisation du mouvement lui-même. Cela crée des obstacles pour de nouveaux progrès.
‘‘Les révolutionnaires socialistes sont les seuls à défendre l’organisation démocratique du mouvement avec la classe ouvrière comme épine dorsale. Une direction démocratiquement élue peut donner au mouvement une orientation et un programme clairs pour arracher des victoires. La spontanéité qui a fait avancer le mouvement dans une première phase a épuisé son potentiel.
‘‘Contrairement à il y a cinq ans, les travailleurs ont utilisé l’arme de la grève politique. Une première en cent ans ! Et nous y avons contribué : Socialist Action a été la première organisation à défendre l’idée d’une grève politique. Ces grèves constituent un jalon dans la lutte pour la démocratie à Hong Kong, mais des difficultés restent bien entendu présentes. Les pan-démocrates, y compris la fédération syndicale HKCTU, ne sont pas parvenu à diriger le mouvement de grèves. Mais malheureusement, Socialist Action a été la seule organisation à défendre la création de comités de grève et la création de syndicats là où ils ne sont pas encore présents. De cette façon, nous pourrions construire de nouvelles grèves générales.
‘‘Il y a eu une répression contre les travailleurs impliqué dans ce mouvement. Par exemple, Nathan Leung, un employé de la banque HSBC, a été licencié pour avoir tenté de créer un syndicat. Une campagne internationale est actuellement en cours contre le licenciement de Nathan, par ailleurs également membre de Socialist Action, dans le cadre d’une campagne plus large contre la répression exercée contre les travailleurs impliqués dans le mouvement. Cette répression est une tactique consciente du gouvernement pour affaiblir le mouvement et, en particulier, pour empêcher le développement des syndicats.’’
Si les mobilisations restent isolées de la Chine, la défaite menace. Qu’en est-il des tentatives d’entrer en contact avec les travailleurs chinois par le biais des médias sociaux ou d’autres canaux ?
‘‘Le mouvement ne peut gagner que s’il entretient des liens avec les travailleurs et les jeunes en Chine. C’est là-dessus que nous concentrons notre propagande, dans nos campagnes sur les médias sociaux et dans la rue. Début juillet, une manifestation a eu lieu dans le but d’informer les touristes chinois qui, chez eux, n’entendent que les mensonges du Parti «communiste» chinois (PCC). C’était un bon point de départ, mais malheureusement l’initiative n’a pas été prise au sérieux par de nombreux militants. C’est compréhensible : c’était la première fois que le mouvement essayait cela et la plupart des jeunes ne savent pas comment obtenir un soutien en Chine.
‘‘Notre organisation, Socialist Action, est active dans trois pays (Chine, Hong Kong et Taïwan). Nous comprenons l’importance de relier les luttes de masse à Hong Kong et en Chine. L’une de nos tâches principales est de sensibiliser les travailleurs et les jeunes à la manière et aux raisons pour lesquelles nous pouvons construire cette unité.’’
• Tenez-vous au courant de la lutte de Hongkong via chinaworker.info
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20.000 personnes à Paris pour la marche pour le climat

Ce samedi 21 septembre, 20.000 personnes ont participé à la marche pour le climat à Paris, dans le cadre d’une “grève de la terre ” internationale qui a mobilisé plus de 4 millions de personnes dans le monde. Le même jour, les Gilets Jaunes avaient également organisé leur 45ème journée d’action.
Par Tim (Gand)
Les “Gilets Jaunes” ont été empêchés de se rassembler le matin en raison d’une importante présence policière qui a occupé les principaux points de rencontre de leurs manifestations. Environ 7.500 policiers étaient mobilisés dans la capitale française. Tous ceux qui étaient ne fut-ce que légèrement soupçonnés de faire partie des mobilisations des Gilets Jaunes ont été arrêtés ou dispersés par l’utilisation de grandes quantités de gaz lacrymogènes.
Dans l’après-midi, les manifestants pour le climat se sont réunis dans le centre-ville, où ils ont été rejoints par certaines des couches les plus conscientes du mouvement des Gilet Jaunes. Plusieurs milliers de personnes étaient présentes pour souligner le lier entre leurs protestations contre les prix élevés et les bas salaires, d’une part, et la nécessité d’une action urgente pour sauver la planète, d’autre part. Les slogans appelaient à faire payer les riches et les multinationales pour la crise climatique et à changer le système. Ces slogans étaient corrects et constituent un bon point de départ pour débattre du type de société dont nous avons besoin pour sauver la planète et garantir des conditions de vie décentes à chacun.
Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) était présent avec du matériel soulignant que l’écrasante majorité de la pollution est causée par un petit groupe de multinationales. Nous avons souligné que les ressources et la technologie existent pour assurer une reconversion économique efficace et immédiate afin de sauver la planète. Le système capitaliste assure que cette richesse et ces technologies soient contrôlées par une infime élite de capitalistes fortunés, ce qui rend impossible leur mobilisation pour l’effort climatique.
Sous le pression du mouvement pour le climat, divers gouvernements à travers le monde ont déclaré l’urgence climatique, sans toutefois prendre de mesures efficaces pour sauver le climat. Les seules mesures qui sont prises visent à faire payer la crise à la classe ouvrière, par exemple par de nouvelles taxes.
La classe ouvrière a le pouvoir de changer la société. Le mouvement ouvrier organisé a le pouvoir de paralyser l’ensemble de la société s’il se mobilise efficacement. Ce pouvoir s’est avéré capable de forcer les classes dirigeantes à faire de profondes concessions à la classe ouvrière, et c’est le seul moyen efficace de forcer les capitalistes et leurs politiciens à prendre des mesures climatiques efficaces dans l’intérêt de la majorité de la population. La manière la plus efficace d’y parvenir est de remplacer le système capitaliste actuel, qui repose sur la cupidité et les profits de quelques-uns, par une société socialiste basée sur les besoins réels de la population et de l’environnement.
Par conséquent, il est crucial que le mouvement pour le climat se lie à la classe ouvrière organisée et au mouvement syndical. Il était problématique que les dirigeants des syndicats français aient refusé de mobiliser pour cette manifestation. Des militants syndicaux étaient présents à titre individuel, sans aucune mobilisation organisée. C’était également vrai concernant les principaux partis de gauche en France : ni la France Insoumise ni le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) n’avaient de délégations dans la manifestation, et nous étions l’une des rares organisations révolutionnaires de gauche à intervenir avec du matériel politique.
Cette absence de partis politiques et de syndicats a également eu un effet sur la conscience dans la manifestation. Nous avons pu constater une grande ouverture à nos idées, mais il existait une très forte atmosphère antiparti et antisyndicale parmi de nombreux participants.
Malgré cela, notre intervention a été couronnée de succès : nous sommes intervenus avec une équipe internationale enthousiaste composée de camarades belges, allemands, suédois, anglais, irlandais et français, et nous avons vendu les 100 exemplaires de notre journal français spécialement produit pour cette occasion de même que 12 exemplaires de la version française de notre journal belge, Lutte Socialiste. Avec cette intervention, nous avons réanimé la tradition du CIO d’organiser des mobilisations internationales afin d’intervenir dans des événements importants ou d’aider à construire des sections plus petites de notre Internationale.
Le CIO est ouvert à tous ceux qui veulent lutter avec nous pour une société socialiste ainsi que contre la dictature barbare du capital et ses guerres et catastrophes écologiques. Rejoignez-nous !
Voici ci-dessous le texte d’un des tracts qui accompagnait nos journaux et qui abordait plus spécifiquement la thématique des Gilets Jaunes.
STOP À LA POLITIQUE POUR LES RICHES Organisons la colère et orientons?là vers tout le système !
10 mois après le début du mouvement, à quelques mesurettes près, rien n’a changé concernant nos conditions de vie. Elargissons la lutte à tous ceux qui souffrent de la politique pro?riches menée par les élites économiques et politiques !
CONSTRUISONS L’UNITÉ FACE AU CAMP D’EN FACE
Le mouvement ouvrier doit s’engager dans la lutte
Si le mouvement ouvrier utilise son outil de travail comme outil de combat, il est capable de jouer un rôle primordial pour un changement réel de système. Il pourrait aider à l’organisation d’une véritable grève générale qui bloquerait toute l’économie et ferait extrêmement mal aux grands capitalistes et à leurs relais politiques. Il permettrait aussi de davantage structurer le mouvement et de s’organiser contre la répression.
Malheureusement, plusieurs directions syndicales ont refusé de soutenir le mouvement. Mais ce n’est pas le cas partout. En France, le mouvement est le plus fort justement là où il y a une convergence. Comme à Toulouse où le blocage a été massif à plusieurs reprises, aussi grâce au renfort des syndicats de routiers.
Les organisations du mouvement ouvrier doivent entrer en action, avec et aux côtés des Gilets Jaunes. Elles doivent rejoindre la lutte avec respect, sans donner de leçons, en tenant compte du fait que la direction syndicale a miné son autorité auprès d’une grande partie de la classe ouvrière.
Structurer la lutte et l’orienter contre le système permettraient de s’opposer plus efficacement aux tentatives de division de la protestation. Cela permettrait de contrer les provocations policières qui ont pour but de criminaliser notre mouvement, et aussi les frustrations de gens bloqués, voire même de certains d’entre nous qui, sans perspective pour aller vers une victoire, peuvent se laisser entrainer par les provocateurs policiers. Depuis le début du mouvement, de nombreuses références ont été faites à Mai 68. Au plus fort de ce mois de révolution, c’était la combinaison de la jeunesse en lutte et de la grève générale de 10 millions de travailleurs qui avaient failli faire tomber le système. Un tel type de lutte pourrait arracher nos revendications.
Faisons le lien avec le milieu syndical, pour organiser une grève générale qui puisse bloquer l’économie de l’intérieur La lutte pourrait s’organiser, sur base d’assemblées locales qu’il faudrait développer localement et nationalement. Elargissons nos grandes journées de lutte, d’action, et de blocages avec une grève générale unissant travailleurs du public et du privé avec les jeunes et les retraités contre la politique de Macron.
Exigeons :
- La baisse immédiate et le blocage des prix de l’essence et de l’énergie ;
- L’augmentation des salaires et des allocations sociales et leur indexation sur les prix, y compris du carburant ;
- Mettre les besoins au centre de la politique : transports publics gratuits et non polluants, services publics (notamment de proximité : crèches, écoles, maternités, bureaux de poste, logements publics sociaux, …),
- La remise en place de l’impôt sur la fortune, la lutte contre l’évasion fiscale par les ultra?riches et les multinationales, y compris par la réquisition sous contrôle démocratique, la fin des taxes indirectes (TVA, etc.) remplacées par une imposition forte des riches et des grandes entreprises ;
- Un grand service public environnemental pour créer des centaines de milliers d’emplois nécessaires à la transition énergétique et écologique (agriculture écologique, alimentation en circuits courts, énergies renouvelables, …)
- Un tel programme nécessite des mesures réellement socialistes telles que la nationalisation et l’unification de tous le secteur financier dans un service national d’investissement et de financement sous contrôle démocratique de la collectivité ; la nationalisation des secteurs?clés de l’économie afin que les grandes entreprises ne puissent continuer à saboter la transition écologique et que la planification démocratique et écologique, basée sur les besoins y compris écologiques, devienne possible.
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Hong Kong. Un syndicaliste du géant bancaire HSBC licencié après une grève
Nathan Leung, membre du CIO à Hong Kong, victime du géant bancaire HSBC – Un licenciement pour avoir participé à la grève générale de septembreSocialist Action, CIO Hong Kong
Hong Kong fait face à une vague de “terreur blanche” des entreprises – licenciements, espionnage et intimidation – contre les travailleurs et les syndicalistes qui expriment leur soutien au mouvement de protestation de masse actuellement en cours. Nathan Leung Lai Pong, membre de Socialist Action (section du Comité pour une Internationale Ouvrière à Hong Kong) et employé de HSBC, a été licencié le 5 septembre après avoir participé à la grève générale contre le gouvernement deux jours auparavant et avoir accordé différentes interviews aux médias au sujet de la nécessité de créer un syndicat des employés de banque.
HSBC est la plus grande banque d’Europe et la cinquième au monde, bien que les quatre cinquièmes de son activité soient réalisés en Chine et en Asie. L’entreprise s’est étroitement intégrée à la dictature chinoise, l’assureur public Ping An étant désormais le plus grand actionnaire individuel de HSBC.
Ces dernières semaines, les entreprises de Hong Kong ont été encouragées par le régime chinois à s’en prendre aux syndicats et aux travailleurs qui ont participé aux manifestations, aux grèves générales (deux depuis le 5 août) et même pour avoir exprimé leur soutien au mouvement sur les médias sociaux. Cela montre les liens étroits qui existent entre les grandes entreprises de Hong Kong et le régime autoritaire. HSBC et de nombreuses autres grandes entreprises ont publié des annonces dans des journaux pour condamner les manifestations. Cela reflète les craintes des capitalistes que les syndicats, traditionnellement faibles de Hong Kong, puissent être renforcés et radicalisés à la suite des manifestations de masse actuelles.
Un ralentissement économique mondial s’annonce, ce qui ouvre la perspective de licenciements, de réductions de salaires et d’une plus grande austérité. En août, HSBC a annoncé 4.000 suppressions d’emplois dans son effectif mondial. Les entreprises de Hong Kong profitent de la répression actuelle du régime contre le mouvement de protestation de masse pour attaquer et affaiblir les syndicats. Cela se voit clairement dans l’industrie du transport aérien où au moins 20 travailleurs ont été licenciés au cours des dernières semaines, dont le dirigeant de l’un des plus grands syndicats d’agents de bord.
Le CIO et la campagne Stop Repression in Hong Kong lancent un appel aux protestations internationales contre HSBC le 2 octobre en solidarité avec Nathan Leung. Nous exhortons les syndicats, les organisations de gauche et les mouvements sociaux à se joindre aux manifestations et à contacter HSBC ainsi que les médias locaux afin de protester fermement contre les attaques envers les droits syndicaux et démocratiques à Hong Kong.
Nous vous invitons à prendre des photos de solidarité avec les affiches suivantes et à nous le envoyer à redaction@socialisme.be
Non à la répression de HSBC contre un syndicaliste de Hong Kong !
Réintégrez immédiatement Nathan Leung Lai Pong ! Non aux attaques antisyndicales !
“Je m’appelle Nathan Leung et je travaille en sous-traitance au sein de l’équipe du service clients de HSBC à Hong Kong. J’ai été licencié parce que j’ai participé à la grève générale du 3 septembre, dans le cadre des manifestations de masse contre le régime autoritaire et la brutalité policière à Hong Kong. Je participe activement à une campagne pour la création d’un syndicat dans le secteur bancaire et j’ai reçu le soutien et l’attention des médias lors de la grève.
“Les grandes entreprises de Hong Kong tentent de priver les travailleurs du droit de grève et de participer aux manifestations de masse historiques, des cas de licenciements similaires existent chez Cathay Pacific et d’autres compagnies aériennes.
“Deux jours après la grève générale, la société d’externalisation de la main-d’œuvre au service de HSBC m’a dit que HSBC avait décidé de me licencier au motif qu’elle ne permettait pas à son personnel de révéler qu’il travaille pour HSBC lorsqu’il participait à des activités politiques. C’est une pratique absurde et antidémocratique pour plusieurs raisons. HSBC est l’une des plus grandes entreprises et l’un des plus grands employeurs du secteur financier à Hong Kong ; ses relations avec le régime chinois et le gouvernement local de Hong Kong sont donc d’intérêt public dans les manifestations de masse actuelles.
“Il est également impossible de ne pas mentionner l’entreprise pour laquelle on travaille dans le cadre du processus de création d’un syndicat. Il est clair que, dans le contexte du mouvement de protestation actuel, mon licenciement s’inscrit dans le cadre d’une répression plus large contre les syndicats ainsi que contre la liberté d’expression et la liberté d’association inscrites dans les lois de Hong Kong.
“La société d’externalisation de la main-d’œuvre m’a proposé un autre poste à condition que je ne proteste pas contre cette décision de HSBC et que je ne fasse pas davantage mention de HSBC et de ses actions envers moi. C’était inacceptable, car il s’agissait d’un ordre signifiant mon consentement face à cette violation antidémocratique de mon droit de créer un syndicat et de participer à des manifestations légales et pacifiques. Je refuse de l’accepter et j’ai plutôt l’intention de continuer à travailler à la création d’un syndicat démocratique des travailleurs du secteur bancaire et financier à Hong Kong pour défendre nos droits, y compris le droit à la liberté d’expression.
“HSBC, comme d’autres grandes entreprises de Hong Kong, s’est soumise à maintes reprises à la dictature chinoise sous sa pression économique et politique. Par exemple, sous la pression du Bureau de liaison chinois à Hong Kong, la banque a décidé de cesser de placer des publicités auprès d’un groupe de médias allié à l’opposition démocratique. Depuis le début du mouvement de masse pro-démocratie en juin, le régime chinois a renforcé ses liens avec HSBC. En août, l’entreprise publique chinoise Ping An Insurance est devenue le principal actionnaire de HSBC. Peu de temps après, trois cadres supérieurs ont démissionné et HSBC a publié des annonces pro-gouvernementales dans les journaux, accusant les manifestants de Hong Kong d’être responsable de “violence et de nuire à l’ordre social”. HSBC s’est complètement engagé contre le mouvement démocratique de Hong Kong. Aujourd’hui, surtout depuis le mois d’août, nous assistons à une vague de terreur blanche de la part de plusieurs grandes entreprises à Hong Kong. Des travailleurs et des syndicalistes sont espionnés, menacés et sanctionnés. Il y a eu des dizaines de licenciements pour avoir soutenu les manifestations anti-gouvernementales.
“Avec la dictature chinoise contrôlant directement Hong Kong, la liberté d’expression et les droits syndicaux non seulement des travailleurs de HSBC mais de tous les travailleurs de Hong Kong seront encore plus menacés. Nous devons nous organiser et résister ensemble contre la répression combinée de l’État chinois et des grandes entreprises.
“Je continuerai à m’organiser pour créer un syndicat du secteur financier et bancaire et à protester contre le rôle antisyndical de HSBC. J’espère obtenir le soutien d’autres militants syndicaux et travailleurs à Hong Kong et dans le monde, y compris par des manifestations de solidarité internationale pour soutenir la lutte en faveur de syndicats démocratiques à Hong Kong et en Chine”.
Tous les travailleurs du secteur financier et bancaire sont les bienvenus pour nous aider à construire le syndicat. Veuillez contacter Nathan :
Telegram: @@Na_un_str
Téléphone : 62268474Voici un modèle de résolution pour les sections syndicales :
A envoyer à (traduction ci-dessous) :
- sustainable.finance@hsbc.com
- hsbchk.social@hsbc.com.hk
- financebankingunion@gmail.com
“We wish to protest at the victimisation of Hong Kong bank worker and activist Nathan Leung Lai Pong by HSBC in Hong Kong. Nathan Leung is one of dozens of Hong Kong workers and trade unionists who have been targeted in a campaign of repression and victimisation since the first, 5 August, general strike against the government as part of Hong Kong’s summer-long mass protest movement.
“This movement demands democratic rights, an investigation of unprecedented police brutality, and democratic elections to replace the current system in which only 1,200 millionaires and VIPs ‘elect’ the government. It is natural that trade unions and labour organisations around the world, which have always stood to the fore in winning democratic rights and resisting tyranny, should support and show full solidarity with this struggle. These are the biggest protests ever in Hong Kong, with up to two million joining marches and over 350,000 workers taking part in two one-day general strikes.
“We call for the immediate reinstatement of Nathan Leung Lai Pong and all other workers and union activists who have been dismissed for political reasons, and for companies like HSBC to immediately stop their anti-union and anti-democratic practises in Hong Kong.”
“Nous souhaitons protester contre la victimisation de Nathan Leung Lai Pong, employé de banque et activiste de Hong Kong, par HSBC à Hong Kong. Nathan Leung fait partie des dizaines de travailleurs et de syndicalistes de Hong Kong qui ont été la cible d’une campagne de répression et de victimisation depuis la première grève générale contre le gouvernement, le 5 août, dans le cadre du mouvement de protestation de masse de cet été à Hong Kong.
“Ce mouvement exige des droits démocratiques, une enquête sur une brutalité policière sans précédent et des élections démocratiques pour remplacer le système actuel, dans lequel seulement 1.200 millionnaires et VIP “élisent” le gouvernement. Il est naturel que les syndicats et les organisations syndicales du monde entier, qui ont toujours été à l’avant-garde dans la conquête des droits démocratiques et la résistance à la tyrannie, soutiennent cette lutte et fassent preuve d’une solidarité totale. Il s’agit des plus grandes manifestations jamais organisées à Hong Kong, avec jusqu’à deux millions de manifestants et plus de 350.000 travailleurs qui ont participé à deux grèves générales d’une journée.
“Nous exigeons la réintégration immédiate de Nathan Leung Lai Pong et de tous les autres travailleurs et militants syndicaux qui ont été licenciés pour des raisons politiques, ainsi que l’arrêt immédiat des pratiques antisyndicales et antidémocratiques de sociétés comme HSBC à Hong Kong.
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Seattle. Kshama Sawant contre l’homme le plus riche du monde

En 2013, un événement politique majeur voyait le jour à Seattle. Cette année-là, Kshama Sawant remportait un siège au conseil de ville de Seattle avec près de 100.000 voix, des années avant que la campagne de Bernie Sanders durant les primaires démocrates pour les élections présidentielles américaines ait attiré l’attention du monde et bien avant qu’Alexandria Ocasio-Cortez ne soit élue au Congrès comme étant la plus jeune députée socialiste. C’était la première fois depuis des décennies qu’une socialiste était élue dans une grande ville américaine.
Par Bart Vandersteene
Ces dernières années, les lecteurs de Lutte Socialiste ont pu suivre les succès et réalisations de Kshama Sawant et de son organisation, Socialist Alternative. Elle est actuellement engagée dans une campagne cruciale qui lui permettrait de disposer d’un troisième mandat. Le défi est de taille. Cette pionnière socialiste affronte toutes les grandes entreprises dont le siège est à Seattle. Parmi tous ces adversaires figure l’homme le plus riche au monde : Jeff Bezos, le dirigeant d’Amazon.
Une élue qui fait la différence
Le journaliste et essayiste John Nichols a récemment écrit : ‘‘Actuelle-ment, un nouveau genre de politique connait un essor et promet une Amérique nouvelle. Cette période est passionnante et a permis de mettre en avant des femmes remarquables pour porter ce renouveau politique à Washington DC. Mais il est important de se souvenir que cette politique s’est fait connaitre pour la première fois à Seattle, en 2013, avec l’élection de Kshama Sawant au conseil de ville. Elle a fièrement gagné son siège en tant que socialiste. Elle a ainsi pu défendre une politique tournée vers la justice économique, la justice sociale et la justice raciale. Kshama Sawant est et restera une ‘‘étoile polaire qui brille de Seattle vers tous les Etats-Unis.’’
En 2013, la campagne électorale de Kshama Sawant était articulée autour de la revendication d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure. Sa victoire électorale a permis à Seattle d’être la première grande ville où cette revendication fut appliquée. D’autres villes ont ensuite embrayé. Par la suite, Seattle a été le berceau de nombreuses autres victoires jugées jusque-là impossibles. Cela a permis aux travailleurs d’acquérir davantage de confiance, d’obtenir une voix à l’hôtel de ville et de compter sur un précieux pouvoir organisationnel autour de cette position et de Socialist Alternative. Des lois ont été instaurées pour mieux protéger les locataires, le ‘‘Columbus Day’’ (fête de l’arrivée de Christophe Colomb sur le continent) a été supprimé au profit d’une ‘‘journée des peuples autochtones’’, la construction d’un vaste et coûteux bunker de police a été bloquée, des fonds supplémentaires ont été alloués aux logements sociaux,…Crise du logement et ennemis puissants
Les deux milliardaires les plus riches au monde vivent à Seattle : Jeff Bezos (Amazon) et Bill Gates (Microsoft). Ensemble, ils représentent un actif d’environ 240 milliards de dollars, ce qui représente une somme suffisante pour que chaque être humain de cette terre puisse disposer de nourriture, d’eau potable et de soins de santé de base.
Seattle compte de nombreux riches mais le nombre de sans-abris y explose. Il y en aurait près de 12.500 dans la ville ! La plupart des quartiers comprennent des camps de tentes. Cela s’explique par la hausse des loyers et l’expulsion de plus en plus de travailleurs. Aucune autre ville du pays ne connait une pareille frénésie de construction immobilière. Les promoteurs tentent de transformer la ville en terrain de jeu pour les riches.
Dans cette campagne électorale, Socialist Alternative défend deux revendications importantes : le gel des loyers et une meilleure taxation des riches pour financer les logements sociaux. Comme il fallait s’y attendre, les riches n’aiment pas beaucoup. C’est pourquoi le camp d’en face dirige cette campagne depuis le siège d’Amazon. L’objectif est d’acheter un conseil de ville qui leur soit acquis.
En 2017, les milliardaires ont remporté une victoire avec le retrait de la ‘‘taxe Amazon’’. Kshama Sawant et Socialist Alternative menaient depuis des mois campagne pour mettre pression sur les autres conseillers afin qu’ils instaurent une nouvelle taxe sur les grandes entreprises en vue d’investir dans les logements sociaux. Jeff Bezos a alors utilisé son pouvoir économique et son travail de lobbying pour y mettre fin. La ‘‘taxe Amazon’’ a finalement été abolie parce qu’une grande majorité des conseillers a cédé à la pression. Bezos a été aidé par la maire Jenny Durkan, élue en 2017 grâce à un fonds électoral (PAC) de 350.000 dollars auquel Amazon a largement contribué. La suppression de la ‘‘taxe Amazon’’ renforce l’establishment qui souhaite maintenant mettre fin à la présence d’une socialiste au sein du conseil de ville.
Le premier tour remporté
Le premier tour des élections locale de Seattle a eu lieu en août. Au total, 7 conseillers doivent être élus : un par circonscription. Kshama Sawant est conseillère de la troisième circonscription depuis six ans. Au premier tour, tout le monde pouvait se porter candidat. L’élection décisive opposant les deux candidats ayant obtenu le plus de votes aura lieu le 5 novembre.
Kshama Sawant a remporté le premier tour du troisième district de manière convaincante. Six candidats s’y affrontaient et elle a recueilli 37% des voix. Son plus gros adversaire, le candidat d’Amazon Egan Orion a atteint seulement 21%.
Le 5 novembre, au sein de chaque circonscription un candidat plus progressiste affrontera un candidat clairement ‘‘pro-establishment’’ soutenu par la Chambre de commerce, les grandes entreprises et l’establishment politique. Le journal The Hill de Washington DC a décrit l’importance nationale que revêtent les élections de Seattle en ces termes : ‘‘Comme avant-goût du choix dont disposent les électeurs démocrates pour désigner leur candidat à la présidence, il y a la lutte acharnée à Seattle entre une politique favorable au business et une politique de gauche radicale.’’ (28/7/19). Kshama Sawant a expliqué dans un article du journal britannique The Guardian intitulé ‘‘Est-ce qu’Amazon prend revanche sur une socialiste de Seattle ?’’ que : ‘‘cette élection sera un référendum portant sur une question fondamentale : qui dirigera Seattle ? Les grandes entreprises comme Amazon accompagnées des grandes sociétés immobilières ou les travailleurs ?’’ (5/8/19).Les grandes entreprises ont déjà amassé un trésor de guerre d’un million et demi de dollars dans leur fonds électoral, les PAC. Des centaines de milliers de dollars s’ajouteront dans les semaines et les mois à venir afin de pouvoir manipuler les résultats à leur avantage.
Calvin Priest, le coordinateur de la campagne de Sawant a déclaré : ‘‘Amazon craint que la réélection de Kshama relance une mobilisation permettant de les taxer’’ et également que ‘‘la lutte pour geler les loyers et l’expansion massive des logements abordables appartenant au gouvernement sont au cœur de notre programme électoral. Ce faisant, nous touchons aux intérêts des grands promoteurs et du secteur immobilier. La demande croissante d’un New Deal vert pour les travailleurs de Seattle est âprement combattue par Puget Sound Energy, le plus grand pollueur de la région. Les grandes entreprises veulent un conseil de ville qui résiste à nos demandes populaires.’’
Le soir des élections, Kshama Sawant a mis en évidence la motivation politique et la détermination sans faille avec lesquelles la campagne se poursuivra en novembre : ‘‘La maire Jenny Durkan affirme que l’on n’a pas besoin de socialistes à l’Hôtel de ville. Nous ripostons en construisant le mouvement socialiste avec fierté et détermination. Nous expliquons clairement aux travailleurs que le capitalisme est incapable de résoudre la crise à laquelle ils sont confrontés, que ce soit au niveau de la catastrophe climatique ou de la crise du logement. Nous devons nous organiser afin de construire les forces du socialisme. J’espère vous voir tous ensemble dans la rue durant la campagne des prochains mois ! Disons clairement à Jeff Bezos que nous ne permettrons pas que Seattle soit une ville sur mesure pour les grandes entreprises. Quand on se bat, on gagne !’’
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Développement important dans le travail international du PSL

Entretien avec Eric Byl
Mi-août, la réunion du Comité exécutif international (CEI) du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a été suspendue le temps d’un meeting avec des membres du PSL/LSP. L’événement a été suivi en streaming dans plus de 30 pays, y compris collectivement à d’autres moments dans des fuseaux horaires différents. Un appel à la solidarité financière a permis de récolter plus de 40.000 euros dans le monde entier. Ce n’était pas une réunion ordinaire du Comité pour une Internationale ouvrière. Nous en avons discuté avec Eric Byl.
Quel rapport entretient le PSL avec le CIO ?
‘‘Le PSL défend une transformation socialiste de la société. L’époque où le capitalisme, en dépit de toutes ses atrocités et ses carences, remplissait son rôle historique consistant à réinvestir la plupart de ses profits dans l’amélioration des moyens de production est révolue depuis longtemps. Ni la division internationale du travail ni le pillage des colonies n’ont pu empêcher les crises économiques structurelles, le chômage de masse, l’appauvrissement, l’instabilité politique et, en fin de compte, les régimes militaires et fascistes et les guerres mondiales.
‘‘Dès sa création en tant que force organisée, le mouvement ouvrier avait conscience que la lutte contre un système mondial dominé à peine par quelques centaines de grandes entreprises nécessitait de s’organiser à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la domination des multinationales est encore plus grande et les investissements financiers peuvent être transférés d’un continent à l’autre en un clin d’œil. C’est pourquoi le PSL participe à la construction d’un parti mondial. Le CIO est un premier pas dans cette direction avec des partis, des groupes et des membres présents dans 41 pays.’’
Quel est le programme du CIO ?
‘‘Aujourd’hui, les moyens techniques et scientifiques existent pour affronter tous les grands problèmes de ce monde: pauvreté, approvisionnement alimentaire, logement, éducation, réchauffement climatique, etc. Tout ce que vous voulez. Malheureusement, ces moyens sont aux mains d’une petite minorité de capitalistes ; ils ne sont pas partagés, mais brevetés. Des investissements nécessaires sont négligés car ils manquent de rentabilité. Les secteurs-clés de l’économie devraient être placés sous le contrôle démocratique de la collectivité et sous propriété publique afin de pouvoir orienter l’économie vers la satisfaction des besoins les plus urgents grâce à une planification démocratiquement décidée.
‘‘Nous soutenons les revendications immédiates des mouvements de lutte, en les liant systématiquement à ce qui est objectivement nécessaire, même si les capitalistes et leurs représentants prétendent que c’est impossible, et nous illustrons ainsi la nécessité du socialisme démocratique. Cela commence bien sûr quelque part, d’abord au niveau national, mais sans le soutien du mouvement ouvrier international et sans un élargissement à d’autres pays, toute attaque contre les intérêts des capitalistes subira une énorme contre-offensive.’’
Comment fonctionne le CIO ?
‘‘Comme le PSL, le CIO n’est pas une anticipation de la société future, mais une organe de combat. Il travaille donc selon les principes du centralisme démocratique qui cherche à concilier la nécessité de la plus grande liberté possible dans la discussion avec le besoin d’efficacité. Cela provient directement des luttes des travailleurs. On peut comparer ça à un piquet de grève. Pour des augmentations de salaire, un meilleur pécule de vacances,… on ne va pas nécessairement arrêter tous les travailleurs qui veulent travailler, parce que le patron peut s’en servir pour les rallier à sa cause. Alors on place un piquet filtrant. Lorsque des emplois sont en jeu, la fermeture de l’entreprise est une nécessité absolue. Alors plus personne ne franchira le piquet et tout le monde exécutera la décision majoritaire, même ceux qui ne sont pas d’accord avec celle-ci. En évaluant par la suite si cela était correct ou non.’’
Peux-tu nous parler des structures du CIO ?
‘‘Le congrès du CIO a lieu tous les trois ans. Sa composition respecte les principes de la Troisième Internationale communiste, avant sa dégénérescence stalinienne. Afin d’éviter que quelques sections nationales ne dominent les autres, les plus grandes sections se voient attribuer un maximum de 5 mandats, élus par les comités nationaux de ces sections nationales, les plus petites ont un minimum de 1 mandat et toutes les autres de 2 à 4 mandats selon leur taille. Lors de ces Congrès, 100 à 120 représentants élus, visiteurs et membres sortants du CEI débattent pendant une semaine des perspectives internationales, de notre stratégie, de nos tactiques et de notre programme. Après quoi un CEI est élu (le dernier comprenait 49 membres avec droit de vote). Ce dernier, à son tour, élit un Secrétariat international (SI) qui s’occupe du fonctionnement quotidien entre la tenue de deux CEI et est responsable devant le CEI. En même temps, un comité d’audit et un comité d’audit financier sont élus avec des membres qui n’appartiennent pas au CEI. Le CEI se réunit une fois par an.’’
Au cours des 10 derniers mois, des débats importants ont eu lieu au CIO. De quoi s’agissait-il ?
‘‘A partir de l’été 2018, le SI a accusé la section irlandaise d’accorder trop d’attention à l’oppression des femmes, de faire des compromis sur les politiques d’identité, de négliger l’orientation vers la classe ouvrière et les syndicats, d’accorder une attention insuffisante aux fronts uniques, de diluer son programme, de ne pas suffisamment profiler le parti, d’avoir une position partiale sur la question nationale et d’avoir abandonné le centralisme démocratique. Cela a été rejeté à une large majorité au Comité national (CN) de la section irlandaise, où 4 membres du SI étaient présents. Le SI a ensuite porté la discussion au CEI de novembre 2018, rien d’exceptionnel. Ce qui était surprenant, c’était la nature et l’ampleur des allégations, le fait que rien n’avait été dit à ce sujet auparavant, que le SI parlait de désaccords ‘‘fondamentaux’’ et ne semblait pas disposé à prendre du recul après que le CN irlandais eut rejeté sa position. Les membres du CEI de 5 des 10 plus grandes sections ont protesté, et le SI a étendu ses accusations à ces sections. Finalement, une majorité de 24 des 46 membres de plein droit du CEI présents et 6 des 10 membres aspirants du CEI se sont prononcés contre le SI. Ce dernier a alors mis en place une fraction avec une minorité du CEI (21). Il a été décidé d’approfondir la question durant un an et de prendre décision lors d’un Congrès mondial en janvier 2020 et de convoquer le CEI dans l’intervalle en août 2019, tout cela sous la supervision d’un Comité d’Organisation du Congrès (COC) conjoint.’’
Il y a finalement eu une scission. Pourquoi donc ?
‘‘Après trois réunions, la fraction autour du SI a commencé à boycotter le COC. Dans les comités nationaux des sections du CIO et plus tard dans les assemblées générales, la fraction a perdu de plus en plus de terrain. Au cours de ces débats, ce qu’elle voulait vraiment faire est également clairement apparu. Le SI avait développé une vision très pessimiste de la conscience de classe, estimait qu’il fallait ‘‘se retrancher’’ et ne pas exposer nos membres aux idées petites-bourgeoises dans les nouveaux mouvements autour d’oppressions spécifiques car ‘‘sinon, nous serions dans la mauvaise direction si la classe entre vraiment en mouvement’’. Une minorité au sein de la fraction autour de la section espagnole ne partageait pas ce pessimisme et s’est séparée en mars de la fraction du SI, mais aussi du CIO.
‘‘La majorité du CEI a reconnu que la classe ouvrière n’avait pas encore marqué les mouvements de son emprunte, mais elle a appelé à intervenir de façon énergique dans les nouveaux mouvements. C’est la meilleure façon de combattre les influences petites-bourgeoises et de se préparer aux tempêtes sociales qui nous attendent. Depuis lors, la section irlandaise est intervenue vigoureusement dans les grèves des sages-femmes, des ambulanciers, des facteurs et tout particulièrement dans l’occupation du chantier naval de Belfast.’’
Le SI vous a-t-il exclu ?
‘‘Après le départ de la section espagnole, suivie par les sections du Venezuela, du Mexique et du Portugal, il était certain qu’il était impossible au SI d’obtenir une majorité au sein du CEI et certainement pas lors d’un Congrès mondial, ce qui toutefois était déjà évident. Il a donc contesté la légitimité du CEI, s’est essuyé les pieds sur nos statuts et a même menacé d’exclure la majorité. Enfin, avec 80% de la section d’Angleterre et du Pays de Galles, les sections du Chili, de Malaisie, du Sri Lanka, d’Inde, d’Écosse, de France et une minorité des sections allemande et sud-africaine, il a décidé de refonder le CIO, en quelque sorte, lors d’un congrès en juillet, et de s’accaparer le nom et toutes les ressources. La majorité n’a pas été conviée et a continué à aller de l’avant avec la réunion du CEI du mois d’août.
‘‘La majorité dispose de sections dans 27 pays et de groupes dans 6 autres, il n’y a qu’au Nigeria que le débat doit encore être clôturé. La majorité comprend les sections entières de Chine-Hong Kong-Taïwan, des Etats-Unis, de Grèce, de Suède, du Brésil, de Russie, de toute l’Europe centrale et orientale, d’Israël/Palestine, de Belgique, etc.
Quelle est la prochaine étape ?
‘‘Bien sûr, une évaluation a été faite au CEI. Le fait que 75% des membres actifs étaient prêts à se révolter contre la direction historique illustre la vitalité de cette majorité. Des leçons ont été tirées, des mesures ont été prises et d’autres sont en préparation pour éviter qu’un tel scénario se reproduise à l’avenir. Cette évolution est évidemment un choc, mais c’est également caractéristique qu’une telle chose se produise au moment même où la politique annonce un tournant. Comme toute crise, elle crée des opportunités, et nous sommes convaincus qu’en peu de temps, nous pourrons restaurer l’internationale socialiste révolutionnaire dynamique et démocratique que nous étions autrefois, mais qui perdait de ses couleurs depuis quelque temps.
• Déclaration de la majorité du CIO.
• Un nouveau site de l’internationale sera disponible dans le courant du mois de septembre : worldsocialistalternative.com. D’ici là, nous disposons d’un blog : worldsocialist.net -
[VIDEO] System change, not climate change – Fight for a socialist alternative
Nous faisons partie de l’écosystème, pas le capitalisme ! Rejoignez la lutte contre le capitalisme afin de remplacer ce système par une société reposant sur les besoins des gens et non sur les profits ! Faites un choix individuel qui compte vraiment : rejoignez la lutte pour une alternative socialiste internationaliste !
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Déclaration de la majorité du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)

Entre le 12 et le 16 août, la majorité des membres du Comité exécutif international (CEI) élus en 2016 lors du dernier Congrès mondial du Comité pour une Internationale ouvrière (CIO) se sont réunis. Ils ont discuté de la scission du CIO initiée par la fraction minoritaire internationale (IDWCTCWI) dans la période ouverte par la réunion du CEI de novembre 2018. Ils ont discuté des tâches qui découlent de cette scission pour la majorité du CIO et de la manière de continuer à construire les forces du marxisme sur les plans politique et organisationnel. Notre objectif est de construire un parti révolutionnaire international de masse, ce qui est absolument nécessaire pour que la classe ouvrière réussisse à débarrasser la société du système capitaliste et parvienne à construire une nouvelle société socialiste.Entre le 22 et le 25 juillet, une petite minorité du CEI a tenu une réunion internationale à Londres au cours de laquelle elle a décidé de “reconstituer le CIO” en conservant le nom, le site web et les ressources de l’organisation internationale. En d’autres termes, la minorité a “expulsé” la majorité ! Il s’agit là d’une évolution sans précédent dans toute formation politique qui prétend respecter les procédures démocratiques de base, sans même parler d’une formation socialiste révolutionnaire dont le centralisme démocratique est censé constituer l’un des fondements.
La fraction internationale, qui s’est elle-même appelée de manière arrogante “In Defence of a Working Class and Trotskyist CWI” (En défense d’un CIO trotskiste et reposant sur la classe ouvrière, IDWCTCWI) avait, avant de scissionner, le soutien de la majorité des directions dans seulement 9 sections et groupes du CIO (en Angleterre et au Pays de Galles, en Écosse, en Allemagne, en France, en Inde, en Malaisie, au Sri Lanka, en Afrique du Sud et au Chili). Cependant, la majorité des membres des sections d’Allemagne et d’Afrique du Sud soutiennent la majorité du CEI. Ainsi, la minorité internationale ne dispose du soutien de la majorité des membres que dans 7 sections de l’ensemble du CIO. La majorité du CEI bénéficie du soutien total ou majoritaire des sections ou groupes du CIO dans les 25 pays suivants : États-Unis, Irlande, Belgique, Suède, Grèce, Brésil, Autriche, Israël-Palestine, Russie, Australie, Chypre, Norvège, Turquie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Italie, Canada, Québec, Chine, Taiwan, Hong Kong, Pays-Bas, Tunisie, Soudan. De plus, la majorité du CEI a le soutien de la majorité des membres en Allemagne et en Afrique du Sud. Elle bénéficie également d’un soutien important en Grande-Bretagne et est aussi présente au Mexique, en Espagne, au Portugal et en Finlande. Dans certaines sections, par exemple au Nigéria, le tableau n’est pas encore défini. Le nombre total de pays dans lesquels la majorité du CIO est présente est d’environ 35. Le seul pays dans lequel la fraction internationale dispose de forces importantes est la Grande-Bretagne.
La fraction a été lancée par la majorité du Secrétariat international lui-même (avec deux membres aspirants du SI en opposition), ce qui est sans précédent dans le contexte d’une organisation fonctionnant sur base du centralisme démocratique. La fraction a été constituée par la majorité du SI contre la majorité du CEI, organe qui élit le SI et devant lequel le SI est responsable. C’était en soi une indication de leur intention de provoquer une scission au sein de l’Internationale dès le début, dès le moment où ils ont rencontré une forte opposition au sein du CEI.
Le fait que le résultat de la lutte fractionnelle ait été désastreux pour la fraction autour du SI dans les rangs du CIO indique clairement qu’ils n’avaient aucun contact réel ou aucune compréhension de l’organisation dont ils étaient censés assurer la direction quotidienne. Cela va de pair avec leur compréhension insuffisante des développements et des processus dans la situation objective ainsi que des réalités de la lutte des classes et de la conscience de classe actuelles, tout cela étant à l’origine de la scission du CIO.
D’autre part, le fait que la majorité tant du CEI et que du CIO se soit opposée à la majorité du SI (qui représentait la direction historique de l’organisation) et à sa trajectoire est révélateur du niveau politique élevé de la grande majorité des cadres et des membres de l’organisation internationale.
Les racines politiques de la crise
La crise a été initiée par l’approche hostile de la majorité du SI à l’égard de divergences avec la direction de la section irlandaise. Il s’agissait d’une grave violation de nos principes. Cependant, les racines de la crise sont, comme toujours, beaucoup plus profondes et politiques. Fondamentalement, la crise reflète les contradictions de la situation objective de même que les limites politiques de la majorité du SI (et de la direction de la section d’Angleterre et du Pays de Galles) ainsi que leur incapacité à comprendre ces processus en profondeur. Les mouvements pour l’émancipation des femmes et l’environnement sont deux des questions politiques qui ont dominé le débat. L’accent mis par les sections soutenant la Majorité sur ces mouvements et d’autres du même genre a été utilisé par la fraction minoritaire pour accuser la Majorité d’abandonner la classe ouvrière, et donc le trotskysme, et d’avoir capitulé devant les pressions petites-bourgeoises et l’opportunisme. Rien n’est plus faux. En réalité, l’ancienne direction du CIO avait une faible compréhension théorique de l’oppression des femmes – et il en va de même pour la question de l’environnement.
Une des caractéristiques centrales de la période actuelle est que la classe ouvrière et les masses laborieuses font face à l’assaut de la classe capitaliste à l’échelle mondiale, mais ne sont pas encore parvenus à freiner les attaques et à passer à la contre-offensive. En dépit d’une résistance massive et déterminée de la classe ouvrière dans de nombreux pays (par exemple en Europe du Sud et en particulier en Grèce dans la première moitié des années 2010) ; des mouvements sociaux de masse (comme le mouvement Occupy, le mouvement des parapluies à Hong Kong, les mouvements des femmes, les mobilisations des jeunes contre les changements climatiques, etc.) ; des révolutions (par exemple en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en 2011 et au premier semestre 2019 au Soudan et en Algérie ainsi que la récente explosion sociale à Hong Kong) ; et du développement partiel de la conscience de classe, anticapitaliste et, dans une certaine mesure, socialiste dans certaines parties du monde (par exemple aux États-Unis où la majorité de la jeunesse préfère le terme de socialisme à celui de capitalisme dans tous les sondages de ces dernières années), un sentiment de recul et de défaite existe au sein de larges couches de la population des pays du globe.
Cela se reflète au niveau politique avec le recul de l’attrait de nombreux partis de la Gauche (anciens et nouveaux) et l’augmentation du soutien à l’extrême droite et au populisme de droite, comme on l’a vu lors des élections européennes de mai de cette année et avec l’émergence de Trump, Bolsonaro, Orban, Modi, etc. au cours de ces dernières années.
La capitulation de SYRIZA en Grèce reflète les limites du réformisme modéré des Nouvelles Formations de Gauche (NFG) à l’époque actuelle. À son tour, cette retraite a affecté d’autres NFG et de grandes sections des masses laborieuses. La plupart des NFG qui ont vu le jour au cours de la période précédente ont capitulé ou sont en crise et en recul. Certains ont complètement disparu ou jouent un rôle insignifiant – par exemple Rifondazione en Italie, le SSP en Écosse, le NPA en France, etc. Des contradictions similaires s’appliquent à de nouveaux “phénomènes” de gauche comme Corbyn en Grande-Bretagne. Les développements aux États-Unis, autour de Sanders et du DSA, connaissent actuellement une trajectoire différente essentiellement parce qu’ils n’ont pas encore connu le test de la pratique. Le portrait général est que pour des millions de travailleurs et de jeunes dans le monde, il n’y a pas d’alternative politique de gauche vers laquelle se tourner.
La crise du système capitaliste réduit aussi drastiquement la marge de manœuvre des dirigeants syndicaux qui refusent de défier le capitalisme. Par conséquent, ils sabotent et trahissent généralement la classe ouvrière et ses luttes. Ce facteur, qui bien sûr n’est pas neuf (comme Trotsky le décrit dans de nombreux articles, et en particulier dans “Les syndicats à l’époque de la décadence impérialiste”, en 1940), pousse de larges pans de la classe ouvrière à prendre des initiatives par “en bas”, c’est-à-dire hors du contrôle et des dirigeants traditionnels et contre leur volonté. Cela étant dit, d’importantes différences existent bien entendu d’un pays à l’autre concernant le rôle des dirigeants syndicaux, la manière dont les syndicats sont organisés et structurés et la conscience de la classe ouvrière à leur égard. Tout cela doit être pris en considération. Il va sans dire que comprendre le rôle des directions syndicales ne signifie ou n’implique en aucune façon que nous devrions ignorer ou abandonner notre travail au sein des syndicats. Mais cela signifie que la manière dont nous abordons ce travail, les slogans et les revendications que nous utilisons, doit tenir compte de ce facteur, comme cela a été démontré dans le matériel produit par la majorité du CEI et dans les sections qui l’ont soutenue au cours de cette dernière période.
Le développement, la forme et le caractère des mouvements contre l’oppression des femmes et contre les changements climatiques, en particulier par les jeunes, au cours des dernières années – sujets devenus centraux dans le débat avec la minorité – reflètent les processus mentionnés ci-dessus. Ils reflètent un processus de radicalisation à grande échelle, en particulier de la nouvelle génération, qui se déroule en grande partie en dehors des organisations traditionnelles et de masse.
Ces mouvements constituent un terrain d’intervention et de construction extrêmement important et fertile pour les forces du socialisme révolutionnaire. Cette intervention va de pair avec le fait d’apprendre à “écouter” les besoins et à comprendre le niveau de conscience des personnes en mouvement. Le programme de transition nécessaire pour jeter un pont entre notre programme socialiste et le grand public de la classe ouvrière est toujours, comme Trotsky l’a souligné avec force, un dialogue avec les masses.
L’orientation de la section irlandaise et celle d’autres sections vis-à-vis des mouvements des femmes et du mouvement pour l’environnement a été utilisée par la minorité afin d’accuser la Majorité d’abandonner les syndicats, et à travers eux la classe ouvrière dans son ensemble, pour se tourner vers les couches petites-bourgeoises ! Cette allégation n’était absolument pas fondée. Elle a également abaissé le niveau du débat politique au plus bas jamais atteint. La minorité s’est engagée dans une voie “irrationnelle”, en choisissant un mot ici et une phrase là, pour créer des différences artificielles et les amplifier hors de toutes proportions. Elle a eu recours à des attaques personnelles contre des camarades à titre individuels, en empoisonnant l’atmosphère politique. En conséquence, et malgré le grand respect dont jouissait au départ la majorité du SI, la minorité n’a fini par convaincre qu’une petite minorité des sections de l’Internationale.
Sans sous-estimer l’importance des différences existantes, il n’en demeure pas moins qu’une scission au sein du CIO n’était ni nécessaire, ni inévitable. Ce qui a conduit à la scission a été le refus du SI de prendre sérieusement en considération les critiques formulées par la majorité du CEI et d’apporter les corrections nécessaires ; sa conviction qu’eux seuls pouvaient comprendre et analyser correctement la période et les tâches d’aujourd’hui ; et qu’eux seuls représentaient le marxisme actuel. Le facteur objectif qui a contribué à cette idée était que les principaux camarades du SI ont joué un rôle historique en aidant le CIO à passer d’une petite force dans les années 1960 et 1970 à la plus grande internationale trotskyste dans les années 1990. Ils ont toutefois échoué à comprendre que des sections fortes et des dirigeants politiques forts s’étaient développés dans un certain nombre de pays, qui pouvaient apporter et apportaient de nouvelles contributions significatives au développement de l’Internationale tant sur le plan théorique et politique que sur le plan tactico-organisationnel. Leur inflexibilité s’est manifestée le plus clairement dans leur attitude à l’égard des mouvements des femmes au cours de ces dernières années et de la façon la plus flagrante dans leur opposition au travail de la section irlandaise à travers “Rosa”.
Les problèmes dus aux faiblesses et aux limites du SI existaient déjà auparavant. Il semblait cependant que ces lacunes pouvaient être surmontées grâce à l’effort collectif des dirigeants internationaux, c’est-à-dire grâce à la contribution des dirigeants des sections nationales du CEI qui s’était transformé en un organe ayant une pensée “indépendante” et des perceptions critiques. Voyant que le CIO était capable de se développer et de grandir, malgré les limites relatives du SI, aucun membre du CEI n’avait soulevé la question d’un changement de composition du SI. Personne ne s’attendait à ce que la majorité du SI ne s’arrête devant rien – et soit même prête à détruire le travail de décennies – plutôt que d’accepter avoir commis une grave erreur lorsqu’elle s’est retrouvée en minorité au sein du CIO.
La faction IDWCTCWI a transformé toute différence réelle ou imaginaire en une différence à caractère “crucial” et “fondamental”, accusant la Majorité d’avoir abandonné le socialisme révolutionnaire et le trotskysme. Leur principale allégation contre la Majorité était qu’elle avait capitulé devant l’opportunisme, les idées et les pressions petites-bourgeoises. Le “mystère” demeure sur le fait qu’ils n’ont jamais essayé d’expliquer, bien sûr, comment cet opportunisme a soudain conquis la grande majorité du CIO sans toucher les membres du SI chargés de suivre le travail de ces mêmes sections et sans avoir réalisé quoi que ce soit au cours de ces dernières années !
La vérité incontestable est que la majorité du SI et ses partisans à la tête de la fraction minoritaire se sont engagés dans un processus de dégénérescence bureaucratique. Ils ont non seulement ignoré de manière provocante les statuts du CIO et du CEI, élu par le Congrès mondial, mais ils ont aussi foulé aux pieds tout sens de la démocratie de parti. Ils ont refusé de fournir un état des lieux des finances ou de permettre un audit financier – officiellement exigé par de nombreuses sections et possibilité permise par les statuts du CIO. Ils n’ont pas eu l’honnêteté d’accepter leur position minoritaire et de quitter le CIO une fois la scission décidée. Au lieu de cela, ils ont choisi de s’emparer du nom, du site Web, des fonds et des réserves de l’Internationale (en ayant investi dans de nouveaux locaux d’une valeur de plus d’un million de livres sterling en Angleterre). Ils ont fini par “expulser” la Majorité, en justifiant ridiculement cela par leur prétention d’être les seuls véritables représentants du marxisme de nos jours ! Cette attitude, ces méthodes et ces pratiques les conduiront inévitablement droit dans le mur.
Les tâches de la majorité du CIO
Le système capitaliste mondial est en proie à l’une des crises économiques les plus profondes de son histoire. La crise déclenchée par la crise immobilière aux États-Unis en 2007, qui s’est transformée en crise bancaire internationale et en crise de la dette souveraine, a été la pire depuis le krach de Wall Street en 1929. Malgré l’injection massive de liquidités par les classes dirigeantes mondiales pour contenir la crise, aucun des problèmes fondamentaux de l’économie capitaliste n’a été résolu. Les contradictions subsistent et elles sont extrêmement intenses. L’économie mondiale est sur le point de connaître un autre très grave ralentissement économique après le dernier en 2008-2009. Mais, en même temps, les outils dont dispose la classe dirigeante pour faire face aux effets de la nouvelle récession sont beaucoup plus limités qu’en 2007-8, avec des dettes souveraines à des niveaux historiques, des déficits budgétaires élevés dans de nombreux pays “développés”, des économies puissantes comme celle de l’Italie au bord du précipice et des taux d’intérêt extrêmement bas, souvent autour de zéro, voire négatifs dans certains cas (en Europe et au Japon). L’impasse dans laquelle se trouve le système capitaliste à l’échelle mondiale se manifeste également par la montée des gouvernements nationalistes protectionnistes et les conflits inter-impérialistes aigus, en particulier la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.
Le marxisme est le seul outil d’analyse capable d’expliquer la crise et les contradictions du système, capable de fournir une voie à suivre et d’aider à préparer l’avenir. La classe ouvrière est la seule force capable de changer la société, non pas par la voie du “crétinisme parlementaire”, pour reprendre l’expression de Marx, mais par une révolution sociale pour s’emparer du pouvoir et construire une société socialiste sur une base continentale et globale. La victoire de la révolution sociale, sous la direction de la classe ouvrière, ne peut réussir que si elle est menée par un parti révolutionnaire de masse, suivant le modèle et les méthodes que les bolcheviks ont utilisées pour mener la révolution russe en octobre 1917.
Malgré les limites et les faiblesses du CIO au cours de ces dernières années et décennies, les méthodes utilisées par le CIO pour construire les forces du marxisme sont fondamentalement correctes et cela a été prouvé au fil du temps. D’une petite force dans les années 1960, il a pu se développer, en un demi-siècle environ, pour devenir la plus grande force révolutionnaire internationale. La scission initiée par la minorité est un sérieux revers. Mais le fait que la grande majorité du CIO ait écarté sa direction historique, une fois que cette direction a montré qu’il avait perdu sa capacité à fournir une direction compétente prouve que la lutte pour construire les forces de la révolution peut se poursuivre avec succès.
Les forces de la majorité du CIO ont toujours lutté contre la scission, mais cette dernière est aujourd’hui un fait, après les décisions de la conférence de l’IDWCTCWI en juillet dernier. La Majorité a donc le devoir de se constituer en force internationale séparée, et de procéder à un Congrès mondial, comme cela avait été décidé à l’unanimité lors du CEI de novembre 2018 (ce qu’a ignoré la minorité). Nous organiserons provisoirement la nouvelle organisation internationale sous le nom de “CIO – Majorité”. La question du nom sera discutée en détail pendant la période précédant le Congrès et les décisions finales seront prises lors du Congrès lui-même.
Les meilleures traditions du CIO seront sauvegardées, elles ne disparaîtront pas avec une minorité aveuglée. Ces traditions seront préservées par la majorité du CIO qui continuera à se baser sur l’analyse marxiste de notre époque et sur les idées et méthodes de Lénine et Trotsky. La Majorité maintiendra et approfondira ses relations organiques avec la classe ouvrière, non pas en tant que force extérieure qui s’oriente vers elle, mais en tant que partie intégrante de celle-ci. Elle s’efforcera de construire le mouvement syndical et de transformer les syndicats en organisations démocratiques et combattives, et assistera les tentatives de construction de nouvelles formations de gauche de masse, armées d’un programme socialiste. En même temps, elle s’orientera vers de nouveaux mouvements et phénomènes, suivra de près l’évolution de la conscience de masse et visera à les relier à la classe ouvrière et à la lutte pour la révolution socialiste.
Pour la Majorité, la théorie et les perspectives sont cruciales, seront développées en profondeur et seront utilisées comme guide pour l’action, c’est-à-dire comme guide pour s’orienter notamment vers de nouveaux mouvements, courants et phénomènes, afin de construire les forces de la révolution.
Le programme de transition et la méthode de transition resteront des outils indispensables de cette lutte.
Le centralisme démocratique est un principe fondamental dans la construction de nos forces tant au niveau national qu’international. Une discussion ouverte, libre et démocratique – avec liberté de remettre en question la justesse du programme, des tactiques et des actions du parti et de sa direction – est l’autre facette absolument nécessaire du centralisme – la nécessité d’agir en unité pour atteindre notre but. La majorité du CIO est convaincue qu’il n’y a pas de “messies” et que les idées et les méthodes correctes sont toujours le résultat d’un effort collectif. Le Centre international ne peut être efficace en tant que direction internationale que par un effort collectif et fraternel entre les organes élus de l’organisation internationale (le SI et le CEI), entre eux et les directions des sections nationales. La direction doit toujours être soumise au contrôle et la critique doit être facile et libre à tous les niveaux. La Majorité discutera, dans l’immédiat, d’initiatives visant à créer un climat de plus grande ouverture et de liberté de critique au sein de l’organisation internationale. Elle examinera également les mesures pratiques permettant d’améliorer le contrôle et la vérification des dirigeants élus et des organes dirigeants élus.
Mais, bien sûr, même les meilleures structures démocratiques, traditions et statuts ne peuvent empêcher l’organisation d’entrer en crise dans des circonstances spécifiques. Les différences et les débats internes sont inévitables dans la période que nous traversons, et dans n’importe quelle période en fait. Une organisation internationale qui dispose d’une approche pleinement démocratique et ouverte aux débats, sans cesser d’être une organisation d’action dans la lutte des classes, est la mieux équipée pour progresser et remplir son rôle dans la prochaine période. Mais ce que la crise du CIO confirme une fois de plus, c’est qu’une fois qu’une partie de la direction internationale perd sa capacité à se développer davantage, à offrir une direction compétente, à écouter les critiques et à accepter des idées différentes avec un esprit ouvert, alors elle peut dégénérer à une vitesse extrêmement rapide. Les membres de l’Internationale doivent être conscients qu’aucun dirigeant n’est à l’abri de ces dangers. Aucune loi ou procédure convenue ne peut, en soi, protéger une organisation contre ces dangers, aussi nécessaires soient-ils. L’existence d’un niveau politique élevé parmi les membres de l’organisation est la seule véritable défense possible, l’outil absolument indispensable, non pas pour éviter totalement une crise, mais pour en minimiser les répercussions.
Dans un certain sens, l’un des résultats les plus importants de la lutte fractionnelle a été que la grande majorité du CIO a tenu tête aux dirigeants historiques, s’est opposée à leurs idées et méthodes erronées et les ont forcés à devenir une petite minorité. Cela reflète le niveau politique élevé et les fortes traditions démocratiques conquises par les membres et les cadres du CIO. Les forces de la Majorité ont également prouvé dans le passé leur capacité à innover, à être flexibles, à prendre des initiatives audacieuses, à faire des sacrifices, à conquérir de nouveaux terrains et à construire. La majorité du CIO se construira dans les masses populaires, mais rétablira aussi les traditions de construction du CIO parmi la jeunesse. Forte de ces atouts, la Majorité du CIO est là pour rester, pour envisager l’avenir avec confiance et optimisme, et poser des pas décisifs dans la direction d’une alternative révolutionnaire à l’échelle mondiale.
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Le capitalisme en crise : un monde en proie à l’instabilité

A la mi-août, une importante réunion s’est tenue en Belgique avec des représentants de partis-frères du PSL issus de 25 pays. Cela a annoncé une nouvelle ère à plus d’un égard. Le lecteur trouvera sur la page suivante des explications sur les développements importants qui ont eu lieu ces derniers mois au sein de l’Internationale socialiste révolutionnaire, le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), dont le PSL est la section belge. Mais ce sont surtout les développements internationaux dans les domaines économique, politique, social et écologique qui vont marquer cette nouvelle ère.
Par Eric Byl
L’économie menace d’entrer en récession
Toutes ces évolutions s’expliquent par le ralentissement rapide de l’économie mondiale et la forte possibilité d’un nouveau krach financier similaire à celui de 2008-09 aux conséquences sociales incalculables. À l’époque, après une période initiale de paralysie de la lutte des classes, le krach a conduit à des événements révolutionnaires en Afrique du Nord et au Moyen-Orient et à des mouvements de masse, dont des grèves générales, en particulier en Europe du Sud et aux États-Unis, mais également en Asie. La crise a finalement été surmontée par des injections massives d’argent par des gouvernements et des banques centrales, par des investissements massifs de la part des autorités nationales et locales chinoises et des institutions publiques et par une intervention mondiale coordonnée de la part du G20.
C’est impossible aujourd’hui. Entre-temps, le niveau de la dette mondiale a fortement augmenté. À l’époque, les taux d’intérêt ont été abaissés pour encourager les gouvernements, les ménages et les entreprises à contracter des emprunts. Certains taux d’intérêt sont même devenus négatifs afin d’encourager les banques à faire circuler leurs réserves. Aujourd’hui, les taux d’intérêt sont déjà historiquement bas et, dans certains cas, négatifs. On a fait massivement appel à ‘‘l’assouplissement quantitatif’’: le phénomène par lequel les banques centrales injectent chaque mois de l’argent supplémentaire dans l’économie afin de la lubrifier. En conséquence, les actifs inscrits au bilan de la Réserve fédérale des Etats-Unis ont atteint 22% du Produit intérieur brut du pays, alors qu’ils se situaient entre 4 et 6% entre la Seconde Guerre mondiale et 2008. Il s’agit même de 40% pour la Banque centrale européenne et de 90% pour la Banque du Japon !
Le déclencheur immédiat de la crise de 2008-2009 fut l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis. Aujourd’hui, la principale menace est le ralentissement du commerce mondial, les guerres commerciale et monétaire. Mais les faiblesses sous-jacentes de l’économie capitaliste puisent leurs racines dans la fin de la période de croissance d’après-guerre, dans les années 1970. La principale contradiction interne du capitalisme est la suraccumulation du capital, la tendance croissante à produire plus de valeur ajoutée que ce qui peut être investi de manière rentable. Cela a conduit à de nouveaux domaines d’investissement grâce à la privatisation des services publics, des systèmes de retraite, des soins de santé et de l’enseignement. La crise des rendements s’est également traduite par une ‘‘financiarisation’’ accrue, avec un rôle encore plus important pour les banques et une expansion considérable du crédit. La dette mondiale est aujourd’hui trois fois plus élevée que le PIB mondial. Malgré toutes les intentions de freiner les marchés financiers, le casino financier est aujourd’hui plus grand qu’en 2009 : 1.200.000 milliards de dollars ont été investis en produits dérivés.
La lutte pour l’hégémonie
Pour la première fois depuis 1973, la géopolitique est à nouveau la principale cause de la récession à venir. La lutte pour l’hégémonie mondiale prend de l’ampleur, particulièrement entre la Chine et les Etats-Unis. Depuis 2017, la croissance du commerce mondial s’est ralentie pour atteindre 2,1% cette année, selon l’OCDE. Entre 1987 et 2007, le commerce mondial a augmenté à un taux annuel moyen de 7%. Un facteur important est l’utilisation des tarifs douaniers par Trump comme arme au secours de sa politique étrangère. Les exportations des États-Unis vers la Chine ont donc chuté de 31,4% l’an dernier et celles de la Chine vers les États-Unis de 7,8%. Le gouvernement chinois a laissé sa devise, le renminbi, plonger pour la première fois sous le seuil symbolique des 7 yuans pour 1 dollar, en réaction à l’annonce de Trump d’imposer à partir du 1er septembre une surtaxe de 10% sur 350 milliards de dollars d’importations chinoises qui avaient été jusqu’ici épargnées. Le même jour, le Trésor américain a qualifié la Chine de ‘‘manipulateur monétaire’’. La guerre douanière peut devenir une guerre des monnaies.
Les différends commerciaux ne se limitent pas à cela. L’Union européenne (UE) veut des concessions américaines en matière de politique agricole alors que les États-Unis menacent d’imposer une surtaxe de 25% sur les automobiles européennes. Le Japon a imposé des contrôles à l’exportation à la Corée du Sud. La Chine et l’Europe sont divisées au sujet de la nouvelle Route de la Soie, de l’ouverture des marchés et des conditions d’investissement pour les entreprises. En Afrique, une bataille d’influence fait rage entre l’Europe, la Russie, les Etats-Unis et la Chine. Une nouvelle course aux armements est en cours et le nombre de foyers de conflits militaires ne cesse d’augmenter : Rojava, le Cachemire indien, la mer de Chine du Sud, le détroit d’Ormuz,… En fait, nous sommes confrontés à bien plus qu’une guerre commerciale et nous traversons une période de dé-mondialisation, de guerre technologique et de contestation de l’hégémonie des États-Unis. Martin Wolf (du Financial Times) parle du ‘‘début d’une guerre de 100 ans’’. Le journal britannique The Guardian fait référence à une atmosphère qui rappelle l’été européen de 1914.
Certains parlent d’une nouvelle guerre froide. L’Union soviétique et l’impérialisme américain étaient deux systèmes sociaux antagonistes qui se maintenaient l’un l’autre en équilibre, malgré les menaces nucléaires. Avec le recul, la guerre froide est restée ‘‘relativement’’ froide. Cette fois, il y a deux variantes du capitalisme, la première davantage ‘‘capitalisme d’État’’, la seconde néolibérale. La logique des tensions entre les États-Unis et la Chine est la guerre, une lutte à mort, mais deux facteurs font barrage : l’arsenal nucléaire qui ne peut conduire qu’à des perdants et la réaction que cela peut provoquer sur le front intérieur, y compris en Chine, surtout après le déclenchement du mouvement de masse à Hong Kong.
Instabilité politique et soulèvements sociaux
La bourgeoisie doit gérer toutes ces tensions avec des instruments créés pour une autre époque et inadaptés à la nouvelle ère. Les institutions d’après-guerre de Bretton Woods et divers traités s’effondrent. Les partis politiques qui, pendant des décennies, ont fourni des ‘‘dirigeants de la nation’’ incontestés sont en train de crouler. Tant à gauche qu’à droite, ils sont confrontés à de nouvelles formations plus radicales. La formation de gouvernements stables devient extrêmement difficile. Des gouvernements minoritaires et des coalitions atypiques émergent. La crise économique a érodé l’autorité des institutions bourgeoises traditionnelles, nécessitant des recompositions dangereuses.
Pour l’instant, ce sont surtout les populistes de droite qui en profitent en raison de l’incapacité de la gauche traditionnelle et des nouvelles formations de gauche à imposer le changement. L’échec de Lula et de Dilma au Brésil a ouvert la voie à Bolsonaro, le blocage de Sanders par les Démocrates américains a débouché sur Trump, la trahison de Syriza en Grèce a déblayé le terrain pour la Nouvelle Démocratie, l’échec de Rifundazione (PRC) et du Mouvement 5 étoiles en Italie ont servi de rampe de lancement à Salvini,…. Cependant, les victoires électorales des populistes de droite ne doivent pas être confondues avec un soutien solide pour leur programme. Ils génèrent souvent des contre-mouvements gigantesques.
Le mouvement ouvrier est encore sous l’effet des défaites du passé et de l’héritage de la chute du stalinisme. Cela s’exprime de manière concentrée sur les dirigeants syndicaux et ceux des anciennes et nouvelles formations politiques de gauche. Cela contribue à faire en sorte que le mouvement ouvrier n’ait pas encore laissé sa marque sur les événements. La grève générale de juin au Brésil a été déclenchée par le mouvement des femmes. En Algérie, l’appel aux grèves générales a été lancé dans les réseaux sociaux, en dehors des structures traditionnelles. A Hong Kong, tout le mouvement est coordonné par les réseaux sociaux, mais cela peut rapidement changer. En Algérie comme au Soudan, la base commence à revendiquer ses syndicats, généralement par la mise en place de structures contrôlées par la base. A Hong Kong a eu lieu la première grève générale depuis des décennies et, aux États-Unis, le mouvement commence à se traduire par une vague de syndicalisation. Nous pensons que nous nous trouvons à un point tournant et que la meilleure préparation pour cela est de nous engager dans les mouvements existants en défendant un programme socialiste en soulignant la nécessité d’une orientation vers le mouvement des travailleurs.
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Réunion du Comité exécutif international du CIO : Résolution sur la crise économique mondiale

Nous approchons rapidement d’un tournant décisif dans les relations mondiales, avec un ralentissement de l’économie mondiale qui laisse de plus en plus présager une récession plus profonde, y compris la possibilité d’un krach financier de type 2008-09. Un tel développement trouverait le capitalisme beaucoup moins prêt à réagir qu’il ne l’était il y a dix ans. Elle pourrait temporairement couper court aux luttes de la classe ouvrière dans certains pays tout en conduisant à des crises aiguës et même à des situations pré-révolutionnaires dans d’autres.
Dans la plupart des pays, la classe ouvrière n’était pas préparée à la crise de 2008. C’est moins vrai cette fois-ci, bien que la classe ouvrière reste globalement faible et que les effets de l’effondrement du stalinisme persistent sur la conscience. Cette brève déclaration décrira le développement de la crise économique et les effets probables qu’elle aura sur la conscience de la classe ouvrière.
La principale cause immédiate du ralentissement actuel est probablement l’effet du conflit commercial croissant sur une économie mondiale déjà fragile, avec une accumulation massive de dettes. Le commerce mondial ralentit rapidement. La croissance annuelle du commerce mondial est tombée de 5,5% en 2017 à 2,1% cette année selon l’OCDE. Ceci peut être comparé à une croissance moyenne du commerce mondial de 7% entre 1987 et 2007. Un facteur important de cette décélération est l’incertitude créée par Trump, qui utilise la menace des tarifs douaniers comme une arme et en fait un outil clé de sa politique étrangère nationaliste. Le conflit entre Trump et la Chine a déjà de graves répercussions, les dernières données montrant que les exportations américaines vers la Chine ont chuté de 31,4 % par rapport à l’année précédente, tandis que les exportations chinoises vers les États-Unis ont diminué de 7,8 %.
Il est également frappant de constater que les Investissements Directs Etrangers (IDE) ont chuté de 3% au niveau mondial l’année dernière, à leur plus bas niveau depuis la crise financière. Le déclin de l’IDE, marque de fabrique de la mondialisation, est en soi une indication du renversement partiel de la mondialisation que nous avons décrit, et que the Economist a qualifié de “slowbalization”.
Dans de précédents documents, nous avons énuméré certains des indicateurs montrant un ralentissement de l’économie mondiale et nous avons également expliqué comment les conflits commerciaux en cours, en particulier entre les États-Unis et la Chine, contribuent directement à accélérer ce processus. En avril, le Fonds Monétaire International prévoyait un ralentissement de la croissance pour 70 % de l’économie mondiale en 2019. De nombreux commentateurs parlent maintenant d’une récession mondiale qui commencera avant la fin de cette année. Cela se caractérise par une croissance mondiale inférieure à 2,5 % par an, la “vitesse de décrochage” de l’économie mondiale. En juin, la Banque Mondiale a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour 2019, la faisant passer de 2,9 % à 2,6 %.
Un autre indicateur clé est l’Indice des Directeurs d’Achat (Purchasing Manager Index, PMI) qui mesure l’activité du secteur manufacturier et des services. Toute mesure PMI inférieure à 50 indique une contraction. L’industrie manufacturière mondiale se rapproche déjà de la cinquantaine, mais les services, qui représentent les deux tiers de l’activité économique mondiale, redescendent également vers les niveaux observés pour la dernière fois lors de la mini récession en 2015-6.
Comment la crise se développe-t-elle ?
Pour avoir une vision plus claire de la situation, il vaut la peine d’examiner comment ce processus se déroule dans les régions et les pays clés.
L’économie chinoise a connu un ralentissement rapide en 2018, sa plus faible croissance en 28 ans. La production industrielle est en baisse et le chômage augmente, y compris dans le secteur de la technologie. Selon la Banque Mondiale, la croissance du PIB pour 2019 devrait être de 6,2 %, contre 6,6 % en 2018, mais le niveau réel est probablement inférieur ou égal à 3-4 %. Les entreprises internationales se retirent de l’investissement en Chine à cause de l’incertitude liée à la guerre commerciale avec les États-Unis, mais les entreprises manufacturières ont également transféré leurs activités en Asie du Sud-Est au cours de la dernière période en raison de la hausse des coûts de main-d’œuvre en Chine.
La reprise de l’économie étasunienne sera bientôt la plus longue jamais enregistrée, bien que les avantages de la reprise aient profité en très grande majorité aux riches. Les États-Unis sont donc déjà plus que murs pour une récession, et il y a en effet de plus en plus de signes de ralentissement. L’indice PMI manufacturier américain est tombé à 50,6 en mai, son plus bas niveau depuis août 2009. Après une croissance globale de 3,1 % au premier trimestre de 2019, due à des facteurs temporaires, un modèle prévisionnel (GDPNow de Atlanta Fed) estime la croissance au deuxième trimestre à 1,3 %. En réalité, il y a des faiblesses dans de nombreux secteurs clés de l’économie, y compris le secteur manufacturier, le marché de l’habitation et les dépenses de consommation.
En un sens, la capacité de Trump à utiliser le commerce comme une arme – en menaçant les chaînes d’approvisionnement mondiales – montre l’influence que l’impérialisme américain a toujours. La guerre commerciale avec la Chine a clairement créé de sérieuses difficultés pour le régime de Xi Jingping, de même que le ralentissement général de l’économie et les développements à Hong Kong. Les États-Unis ont également profité de la force relative du dollar comme “monnaie de réserve” mondiale pour menacer les entreprises et les banques – par exemple celles qui font affaire avec l’Iran – d’être exclues du système de paiement en dollars. Il s’agit là d’une menace sérieuse étant donné que, comme le souligne the Economist, “environ 88 % des échanges de devises utilisent des billets verts”. Nous voyons aussi des tentatives pour contrer cette domination du dollar avec, par exemple, la Russie qui fait de plus en plus de commerce en euros ou même en roubles et – à une échelle beaucoup plus faible et aussi avec un fort élément spéculatif – l’augmentation des cryptomonnaies et des projets comme Libra, cryptomonnaie initiée par Facebook, qui peuvent contourner les restrictions des Etats.
Mais si les États-Unis sont capables de faire mal, ils se heurtent aussi à une résistance plus forte qu’auparavant de la part de leurs concurrents. Par exemple, en réponse à la menace qui pèse sur les banques européennes faisant affaire avec l’Iran, l’UE a conçu un système de troc pour le commerce avec Téhéran. Et il est clair que les guerres commerciales auront des répercussions économiques aux États-Unis et qu’elles entraîneront une baisse des profits de nombreuses entreprises qui dépendent des importations chinoises, une hausse des coûts de consommation, et peut-être un nombre important de suppressions d’emplois.
Reflétant la détérioration de la situation aux États-Unis, la Réserve Fédérale indique qu’elle est susceptible de baisser les taux d’intérêt cette année après les avoir lentement augmentés pendant plusieurs années et avoir d’abord résisté aux demandes de Trump de les réduire. Trump avait jeté de l’essence sur une l’économie en surchauffe avec ses réductions d’impôt de 2017, mais les effets de stimulation de la croissance sont maintenant presque disparus. Il a été affirmé que les réductions d’impôt donneraient aux entreprises plus d’argent pour investir dans l’expansion de leurs activités, mais il n’est pas surprenant que la majeure partie de cet argent ait été utilisée pour le rachat d’actions.
Pendant ce temps, la zone euro a évité de justesse d’entrer en récession pour la troisième fois en dix ans, mais il est clair que des chocs externes aussi bien qu’internes pourraient la faire basculer. La Banque mondiale a abaissé sa projection de croissance de la zone euro pour 2019 de 1,4 % à 1,2 %. Dans son récent rapport semestriel, la Banque a déclaré que ” la situation économique dans la zone euro s’est rapidement détériorée depuis la mi-2018, en particulier dans le secteur manufacturier “. Le secteur manufacturier dans l’ensemble de la zone euro s’est contracté pour le quatrième mois consécutif en mai de cette année. Le PMI manufacturier en mai était à 47,7. Les investissements sont faibles et les commentateurs bourgeois soulignent que le “vieux continent” est à la traîne en matière d’innovations et de nouvelles technologies. Une crise imminente menace à la fois l’euro et l’UE sous sa forme actuelle alors que les intérêts nationaux entrent de plus en plus en conflit et que les politiciens nationalistes désignent l’UE comme une cause de la crise.
L’Allemagne, première économie industrielle et premier exportateur de la zone euro, a connu une contraction de 1,9% de la production industrielle en avril. Les perspectives de croissance sont inférieures à 1% pour 2019. Les commandes de produits manufacturés ont diminué de 2,2 % en mai sur une base mensuelle et de 8,6 % sur une base annuelle. Cette baisse a été beaucoup plus importante que celle de 0,3 % prévue par des économistes qui ont participé à une enquête du Wall Street Journal. Le secteur crucial de l’automobile a été particulièrement touché. Les ventes de Volkswagon en Chine ont baissé de 7 % de janvier à mai. Un rapport du Center for Automotive Research d’Allemagne prévoit une baisse des ventes mondiales d’automobiles de quatre millions en 2019. Le rapport de l’auteur, Ferdinand Dudenhoffer, souligne que “Globalement, c’est deux fois plus qu’en pleine crise financière mondiale”. (Forbes, 12/6/19) Son analyse ne tient pas compte des effets possibles du Brexit ou des tarifs américains sur l’industrie automobile européenne.
Draghi, le président sortant de la BCE, envisage déjà de prendre des mesures sérieuses dans les mois à venir. Par exemple, la banque pourrait augmenter le taux d’intérêt dit négatif sur les dépôts des banques commerciales à la banque centrale. Il s’agit en fait d’une “pénalité sur les dépôts et d’un moyen de pousser les banques à mettre l’argent au service de l’économie” (New York Times, 19/6/19). La BCE se prépare également à développer à nouveau l’assouplissement quantitatif, imprimant de fait de la monnaie à très grande échelle, pour stimuler l’économie. Cette politique d’argent facile devrait être poursuivie par la prochaine directrice de la BCE, Christine Lagarde, et augmentera encore l’encours déjà important des dettes en Europe.
Même si on en discute moins, le Japon reste la troisième plus grande économie nationale au monde. Malgré des mesures de relance agressives, dont des déficits publics massifs (le ratio dette/PIB est le plus élevé du monde), l’économie “se détériore” selon le gouvernement, pour la première fois en six ans. En fait, la Banque Mondiale prévoyant une croissance de 0,8 %, la position du Japon est encore plus faible qu’en UE.
Même l’Australie, avec un record de 28 ans d’expansion économique, est maintenant confrontée à la possibilité réelle d’une récession.
La situation dans les économies “en développement” est encore plus grave. Les derniers chiffres indiquent que la Russie est en récession depuis deux trimestres. Les revenus réels sont en baisse depuis six ans. La Turquie, l’Argentine et le Pakistan sont déjà en récession, tandis que le Brésil et l’Afrique du Sud sont sur le point de le devenir. Dans le cas du Brésil, cela fait suite à une courte reprise après la récession la plus dévastatrice de l’histoire du pays. L’Inde fait exception, la Banque mondiale prévoyant une accélération de la croissance à 7,5 % en 2019/20.
La situation en Turquie est un exemple de la manière dont une crise très aiguë peut se développer rapidement. La croissance alimentée par l’endettement s’est effondrée lorsque les investisseurs internationaux ont commencé à se retirer. Cela a conduit à la dévaluation rapide de la lire, en baisse de plus de 40% par rapport au dollar depuis le début de 2018. L’inflation est maintenant de 19%, les salaires réels chutent rapidement et le chômage est de 14%. Le gouvernement turc et les entreprises privées ont accumulé 328 milliards de dollars de dettes à moyen et long terme, la plupart en dollars. Avec la dépréciation rapide de la lire, la situation pourrait devenir très instable et même explosive. Moody’s a déjà déclassé un certain nombre de banques turques clés. Les effets politiques de la crise, illustrés par l’énorme défaite d’Erdogan et de l’AKP aux élections municipales d’Istanbul, vont se poursuivre.
Ces données des pays capitalistes avancés et des économies en développement donnent une image claire d’un ralentissement simultané dans une grande partie de l’économie mondiale, certains pays étant déjà entrés dans une crise aiguë.
Les causes du ralentissement économique
Nous devons faire la distinction entre les déclencheurs immédiats de la récession à venir et les causes à long terme de la crise structurelle du capitalisme. La cause immédiate de la Grande Récession de 2008-9 a été l’éclatement de la bulle sur le marché des produits dérivés à cause des emprunts “subprime” encouragés par les grandes banques sur le marché immobilier américain. Cela a conduit à l’éclatement d’autres bulles d’actifs.
La principale cause immédiate de la récession actuelle, comme nous l’avons déjà dit, est très probablement l’effet du ralentissement du commerce mondial et du conflit commercial grandissant, qui n’a pas commencé avec Trump mais qui s’est accéléré sous sa direction.
Les problèmes structurels plus profonds auxquels l’économie capitaliste est confrontée remontent à la fin du boom de l’après-guerre, dans les années 70. La principale contradiction de l’économie capitaliste à notre époque peut être caractérisée comme une suraccumulation de capital, une tendance croissante à produire plus de plus-values qu’il n’est rentable d’investir. Cette crise de rentabilité a conduit à la recherche de nouveaux domaines d’investissement, notamment par le biais de la privatisation d’une grande partie du secteur public dans de nombreux pays, y compris les systèmes de retraite, de santé et d’éducation. La crise de la rentabilité a également conduit à une “financiarisation” croissante du système à partir des années 80, avec notamment un rôle toujours plus important des banques et une expansion massive du crédit. Cette situation a entraîné le phénomène d’une croissance alimentée par l’endettement, la dette mondiale représentant désormais trois fois le niveau du PIB mondial.
Et bien sûr, la financiarisation a créé un casino mondial de plus en plus grand. Il y a dix ans, on parlait beaucoup du rôle des “bulles” pleines de capitaux fictifs sur les marchés financiers, dont l’implosion a eu un effet dévastateur sur l’économie réelle. Mais le capitalisme n’a montré aucune capacité à changer son comportement. Littéralement, la solution à la crise financière de 2008-2009 a été de “commencer à gonfler de nouvelles bulles”. Le casino financier mondial est maintenant encore plus grand qu’en 2009. 1,2 quadrillion de dollars sont investis sur les marchés des produits dérivés tandis que la spéculation sur les devises représente 5,3 billions de dollars chaque jour !
Le Capital est toujours à la recherche de nouveaux domaines d’investissement. Actuellement, l’un d’entre eux est le secteur de la technologie, qui semble être une exception à l’échec général des capitalistes à développer les forces de production dans la période passée. Cependant, l’afflux de capitaux dans la technologie n’est pas seulement une tentative de gagner la course internationale à la concurrence, mais a aussi, dans un environnement où tant de capitaux sont à la recherche de débouchés rentables, un caractère spéculatif. Cela peut entraîner la formation de bulles. Le secteur de la technologie sera également affecté par le conflit commercial avec la Chine. D’autres bulles se développent dans de nombreux pays, le capital financier investissant dans le logement (avec des effets sociaux désastreux). Mais dans une période de baisse de la rentabilité, divers secteurs peuvent devenir de nouveaux domaines d’investissement et même des bulles, comme les cryptomonnaies ou encore “l’économie verte”.
Perspectives
Nous ne pouvons pas dire à l’avance quelle sera l’ampleur de la récession à venir et si elle sera comparable à celle de la crise de 2008-09. Si un accord commercial partiel était conclu entre Trump et Xi Jinping, cela pourrait donner un stimulant très temporaire à l’économie mondiale, mais cela ne changerait pas l’orientation générale. Cependant, the Economist avertit explicitement et correctement que “le risque qu’une erreur maladroite [dans le conflit commercial] déclenche une crise financière est élevé”. Il s’agit d’une référence aux mesures de répression prises par les États-Unis contre des entreprises chinoises d’une valeur d’un billion de dollars sur les marchés financiers américains et à d’autres mesures de rétorsion menacées par les deux parties.
Plusieurs facteurs indiquent le danger d’une crise encore plus grave qu’il y a dix ans. Comme nous l’avons souligné, la “boîte à outils” du capitalisme est épuisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle est vide. Les mesures drastiques utilisées pour répondre à la crise de 2008-9, dont l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs, ont aidé à sauver le système d’une crise encore plus profonde, mais ont créé de nouvelles contradictions. Néanmoins, il semble y avoir peu ou pas de perspective de réponse coordonnée, comme celle qu’Obama a organisée avec l’UE et la Chine pour empêcher un effondrement mondial encore plus profond. Un élément clé de cette réponse a été le programme de relance massif en Chine, qui a entraîné une énorme demande de matières premières en provenance du monde entier. Le programme de relance a à son tour créé une bombe à retardement en Chine, ce qui entrave maintenant la mise en œuvre d’un autre programme de relance de cette envergure.
Cela indique aussi un point plus large : après le krach de 2008-2009, les économies du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), en particulier la Chine, ont agi comme un moteur qui a sorti l’économie capitaliste du trou. Cela n’arrivera certainement pas cette fois-ci.
Encore une fois, il convient de souligner qu’il n’est pas possible de dire de manière concluante quelle sera l’ampleur de la récession à venir, mais la situation générale indique une crise très profonde et non une “mini-récession” comme en 2015-16.
Les effets sur la conscience
L’impact énorme sur la conscience de la crise de 2008-09 se poursuit encore aujourd’hui, avec des politiques d’austérité vicieuses toujours en place dans de nombreux pays capitalistes avancés. Dans la plupart des pays, la “reprise” des dernières années n’a pas entraîné d’augmentation du niveau de vie et les nouveaux emplois sont souvent précaires. Les travailleurs et les jeunes qui ont perdu confiance dans le système et ses institutions ne seront pas surpris par la nouvelle phase de la crise du capitalisme.
Il est certain que dans de nombreux pays, il peut y avoir un “effet d’étourdissement” partiel sur la lutte de classe. Par exemple, si l’économie américaine entre en récession au cours de la prochaine année, elle mettra probablement fin à la vague de grèves autour de la révolte des enseignants aux États-Unis. Mais aux Etats-Unis, nous voyons aussi un soutien massif aux réformes radicales proposées par les “socialistes démocratiques” comme Ocasio Cortez et Bernie Sanders. Il s’agit d’un facteur qui n’existait pas en 2008-2009 et qui résulte de la radicalisation de millions de travailleurs et de jeunes depuis le mouvement Occupy. Ce facteur indique clairement que l’effet étourdissant sera d’une durée plus courte et plus limitée que pendant la Grande Récession et que la colère des masses contre le système se transformera plus rapidement en lutte de masse, y compris de nouvelles étapes vers la reconstruction d’un mouvement ouvrier de lutte. Alors qu’une montée générale de la lutte industrielle pourrait être interrompue pendant un certain temps, la lutte pourrait être canalisée sur le plan politique en termes d’élections, d’organisation politique et de lutte de masse sur les questions politiques et sociales. Tôt ou tard, il y aura une reprise de nouvelles étapes vers la reconstruction d’un mouvement ouvrier de lutte et une croissance de l’action syndicale.
Dans une telle situation, des revendications beaucoup plus audacieuses, y compris en matière d’appropriation publique des secteurs clés de l’économie, peuvent commencer à se faire entendre beaucoup plus largement. Cela se voit déjà dans les discussions autour du Green New Deal aux Etats-Unis. Malgré les limites des propositions, nous pouvons pointer l’objectif de la transition de l’économie vers les énergies renouvelables pour gagner en audience sur la question de faire passer l’ensemble du secteur énergétique dans le domaine public. Au fur et à mesure que la crise climatique s’aggrave, des revendications socialistes plus audacieuses pourraient bénéficier d’un soutien massif dans de nombreux pays. Un autre exemple est celui de Berlin, où la crise désespérée du logement a provoqué un mouvement en faveur d’un référendum pour exproprier les propriétaires d’entreprises qui possèdent maintenant une grande partie du parc immobilier de la ville. Cette lutte pourrait avoir des implications internationales.
Il est également très frappant de constater que la crise économique en Turquie et au Brésil joue déjà un rôle important dans l’affaiblissement de la position des personnalités autoritaires et populistes de droite qui se trouvent au pouvoir lorsque la tempête éclate. En Turquie, la dégradation rapide de la situation économique décrite ci-dessus a joué un rôle direct dans la plus grande défaite politique d’Erdogan et de l’AKP en 16 ans au pouvoir. Lors de la répétition des élections municipales d’Istanbul, fin juin, Erdogan a subi une défaite beaucoup plus grave que lors du premier tour à la fin mars.
Au Brésil, Bolsonaro a chuté drastiquement dans les sondages, et la récente grève générale contre sa réforme des retraites néo-libérale l’a mis fermement sur la défensive. N’oublions pas que la profonde crise économique qui a secoué l’Argentine au début de ce siècle a rapidement conduit ce pays vers une situation pré-révolutionnaire. Cela pourrait certainement se produire dans un certain nombre de pays au cours de la prochaine période en raison de crises économiques catastrophiques.
Si la récession frappe les États-Unis l’année prochaine, elle pourrait avoir un effet important sur l’élection présidentielle. Si les sections de la classe ouvrière qui ont soutenu Trump commencent à conclure qu’il n’a pas tenu sa promesse de ramener des emplois décents dans les zones industrielles durement touchées, les chances de réélection de Trump pourraient s’envoler. Il y a des indications que cela commence dans certains États clés du Midwest.
Mais ces tendances ne doivent pas nous faire oublier les dangers de la situation. Toutes les faiblesses de la “nouvelle gauche” seront pleinement mises en évidence dans la crise à venir. Si la gauche et le mouvement ouvrier échouent à nouveau à donner une véritable piste aux travailleurs qui veulent lutter contre les patrons et la classe politique corrompue, la voie sera encore plus ouverte aux populistes de droite et de l’extrême droite. Comme la guerre commerciale l’a montré, les politiques de plus en plus nationalistes et protectionnistes aggraveront la récession. Une caractéristique importante de cette crise, qui diffère de celle de 2008-2009, est la façon dont le populisme de droite et le ralentissement économique peuvent s’alimenter mutuellement. La dangereuse croissance du sentiment anti-immigrés dans de nombreux pays, encouragée et stimulée par les gouvernements et les partis de l’establishment au cours de la période passée, est un avertissement de ce qui peut se développer dans la période suivante, si la gauche et la classe ouvrière ne mènent pas une lutte pour une alternative socialiste.
Un autre exemple de l’effet de la récession à venir peut être de raviver celle de la zone euro si la gauche et la classe ouvrière n’offrent pas de réponses et de solutions aux questions liées aux crises économiques et à la crise de la dette migratoire. La situation en Italie est déjà très grave, le gouvernement envisageant de prendre des mesures en vue d’une monnaie parallèle à l’euro. La partie de la classe dirigeante italienne qui prône une rupture avec l’euro, ou veut la préparer, craint le coût extrême des dettes libellées en euros, à l’image de la crise dans les pays “émergents” avec des dettes énormes en devises. Pendant ce temps, la crise Brexit gronde. Les classes dirigeantes allemande et française ont à peine réussi à maintenir la zone euro après 2008. Ils ont dû recourir à toutes sortes de mesures extrêmes. Cet exercice d’équilibrisme pourrait ne pas être viable avec un autre ralentissement marqué. L’éclatement de la zone euro, avec le départ d’un certain nombre de pays et la réduction de l’euro à un noyau de pays, est une possibilité que nous devons garder à l’esprit dans la prochaine phase. Une telle évolution s’accompagnerait presque inévitablement d’une lutte politique et sociale explosive, avec de larges couches de la population tirant des conclusions radicales de gauche, en particulier les jeunes, mais aussi avec le renforcement des forces nationalistes et d’extrême droite.
Alors que les économistes keynésiens affirment que les gouvernements peuvent accroître leur dette tant qu’elle est libellée dans leur propre monnaie, la situation dans la zone euro indique la limite de cet argument. Une autre crise de la dette s’ouvre déjà, les pays du programme chinois Belt and Road devant faire face à des remboursements onéreux à la Chine pour des investissements dans les infrastructures. Cela pourrait être un facteur important au cours de la prochaine période.
Une nouvelle crise économique mondiale combinée à l’escalade de la catastrophe climatique ouvre la perspective d’une période encore plus explosive que la précédente. Dans la période qui a suivi la Grande Récession de 2008-9, la classe ouvrière n’a pas été capable d’avoir un effet décisif sur les événements, en repoussant l’assaut de la classe dirigeante et en poursuivant la contre-offensive. La raison principale en est le rôle joué par les dirigeants des syndicats, des partis et des formations de gauche, anciens et nouveaux. Malgré cela, cependant, la conscience de grandes couches a progressé. Ce climat de lutte et de défiance s’est également reflété dans la montée de puissants mouvements sociaux contre l’oppression, en particulier des femmes dans de nombreux pays et des jeunes pour la défense de l’environnement au cours des dernières années. Il s’est aussi dirigé vers les mouvements de défense de l’éducation ou des retraites contre les attaques néolibérales, ou contre l’oppression nationale, comme en Catalogne. Nous pouvons nous attendre à ce que des processus similaires se poursuivent et s’approfondissent.
Quelle que soit la forme et l’intensité des luttes de classe et des luttes sociales, ce qui ne peut être prédit à l’avance, la conscience de millions de personnes va sans aucun doute se développer dans une direction anticapitaliste et socialiste. Cela fournira un terrain fertile sur lequel les forces de la révolution socialiste devront intervenir et s’appuyer. Le principal obstacle dans cette direction sera à nouveau la direction des syndicats et des partis de ” gauche “, et en particulier des nouvelles formations de gauche. Leur incapacité à diriger crée un espace pour le populisme de droite et d’extrême droite, ce qui sera un facteur de complication, bien qu’il ne puisse arrêter le processus de radicalisation de gauche dans de grandes sections de la classe ouvrière, en particulier chez les jeunes. Cette radicalisation peut conduire à de nouvelles initiatives politiques et à des défis pour les dirigeants syndicaux existants, y compris dans certains cas la formation de nouveaux syndicats et de nouvelles organisations et partis de gauche, socialistes et ouvriers… Il est donc d’une importance cruciale que toutes les occasions soient utilisées pour intervenir dans le processus de radicalisation afin de gagner les meilleurs militants et de les transformer en cadres pour s’assurer qu’une alternative révolutionnaire claire se présente à mesure que le processus se déroule.
Bien sûr, il n’y a pas de “crise finale” pour le capitalisme. Même un effondrement économique complet finira par créer les conditions d’une reprise de l’accumulation de capital. Les capitalistes peuvent être contraints par l’ampleur de la crise et la menace de bouleversements sociaux de prendre des mesures plus drastiques. Il peut s’agir de prendre des mesures en vue d’une intervention accrue de l’État, avec une “politique industrielle” nationale ou régionale plus agressive de l’investissement public dans des secteurs clés. Cela représenterait une rupture plus décisive avec le néolibéralisme mondialisé et pourrait renforcer les illusions réformistes dans certains secteurs de la classe ouvrière pendant un certain temps. Mais cela ne mettra pas fin à l’anarchie du capitalisme mondial et à son incapacité à offrir une issue à la crise que traverse l’humanité.
Le CIO, ses partis, ses membres et ses sympathisants prendront part aux luttes à venir, les initieront si possible et lutteront au sein des mouvements, des syndicats et des partis pour un programme socialiste qui lie la voie nécessaire pour gagner les différentes luttes avec la stratégie nécessaire pour supprimer les racines des problèmes – le capitalisme. Cela demande un processus révolutionnaire mondial, seule issue possible, et la classe ouvrière mondiale, objectivement plus forte qu’elle ne l’a jamais été, est la seule force qui peut la conduire à gagner un monde libéré de l’exploitation et de l’oppression, fondé sur les besoins de l’humanité, et qui commencerait la véritable Histoire de celle-ci.
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Changeons le système, pas le climat – luttons pour une alternative socialiste
Nous sommes organisés internationalement au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), qui dispose de section dans plus de 35 pays. Lors des prochaines mobilisations pour le climat, nous interviendrons mondialement autour d’un programme commun dont voici les principales revendications :1. Pas de temps à perdre : il faut un virage radical et la fin de la combustion de combustibles fossiles pour la production d’énergie et de plastique au cours des prochaines années. Nous avons besoin d’aliments qui ne ruinent ni la planète ni notre santé. Cela exige des changements urgents et qualitatifs dans la production énergétique, industrielle, alimentaire et agricole, dans les transports et dans le logement.
2. Les besoins des gens, pas les profits : Les solutions individuelles sont insuffisantes face à un problème global. La majorité des habitants de la planète n’ont tout simplement pas le choix. Même si nous nous comportions tous de manière extrêmement écologique, cela ne suffirait en aucun cas à résoudre le problème. Nous avons besoin d’un plan d’investissements publics massifs dans les énergies renouvelables ; dans des transports en commun publics de haute qualité, efficaces et gratuits ; dans des bâtiments et des logements écologiques pour tous ; dans le recyclage et la réparation de l’infrastructure. Tout cela est plus qu’abordable – pour autant que la richesse que nous produisons ne soit pas accaparée par une petite élite.
3. Stoppons les 100 principaux pollueurs : Au cours des trois dernières décennies, plus de 70% des émissions industrielles de gaz à effet de serre ont été produites par 100 entreprises. Mais les grandes entreprises ignorent les recommandations ou la législation et les partis et politiciens établis sont leurs marionnettes. Nous ne pouvons contrôler que ce que nous possédons. Par conséquent, la première étape consiste à faire passer les grandes industries énergétiques ainsi que les grandes banques et les grandes entreprises de la construction, du transport et de l’agro-industrie des mains des capitalistes à celles du secteur public.
4. Une société à notre service : Avec ces ressources, il est possible de libérer la science des limites du capitalisme et de la recherche de profits. Au lieu d’investir des milliards de dollars dans des subventions aux sociétés pétrolières, nous pourrions développer des technologies et des matériaux écologiques. Nous défendons le droit de chacun à un bon emploi et à une vie exempte de pauvreté, d’oppression, de dévastation et de destruction. Les grandes entreprises et leur puissance colossale doivent être contrôlés et gérés démocratiquement par la classe des travailleurs et la société dans son ensemble. Cela garantira qu’aucun emploi ne serait perdu, mais converti en emplois socialement utiles et sans perte de salaire.
5. La planification, pas le chaos : Les programmes de “Green New Deal” ou de “Green Industrial Revolution” vont dans la bonne direction. Mais nous devons aller plus loin, au-delà des limites du système capitaliste. Au lieu de l’anarchie capitaliste de la production pour le profit, nous devons planifier comment utiliser durablement les ressources de la planète afin de répondre aux besoins de la majorité.
6. Faisons grève ensemble : Ce sont les gens ordinaires qui souffrent le plus du changement climatique. Et c’est la classe des travailleurs qui a le pouvoir de changer l’histoire. Nous devons poursuivre les grèves des jeunes pour le climat et les élargir en tendant la main aux travailleurs et aux syndicats afin de nous unir dans une grève puissante : le blocage de l’économie capitaliste. Cela montre aussi notre potentiel pour prendre le pouvoir économique entre nos mains.
7. Changeons le monde : Les êtres humains font partie de l’éco-système – le capitalisme n’en fait pas partie. Combattons le capitalisme pour le remplacer par une société reposant sur les besoins des gens et non sur les profits – une société socialiste démocratique ! Faites une réelle différence en rejoignant une alternative combative, internationaliste et socialiste !