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  • Le débat chinois. La contre-révolution capitaliste chinoise

    Dans notre série d’articles "Le Débat Chinois", entamée dans le numéro d’avril 2007 de Socialism Today (magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise de notre Internationale), nous publions ici un article de Vincent Kolo, qui offre son point de vue sur la nature de l’Etat chinois, sujet actuellement en débat dans notre internationale.

    Vincent Kolo

    La contre-révolution capitaliste chinoise

    Les marxistes, comme tout le monde d’ailleurs, débattent beaucoup au sujet de la Chine, un pays qui est devenu crucial dans les développements économiques et politiques au niveau mondial. Un aspect important de cette discussion est la manière dont nous considérons l’Etat chinois. Tout Etat (la police, l’armée, la justice et, dans le cas de la Chine, le Parti « Communiste » au pouvoir) est, comme l’a expliqué Lénine, « une machine destinée à maintenir la domination d’une classe sur une autre » (1). Mais dans le cas de la Chine, quelle est la classe dominée, et quelle est la classe dominante ?

    Cette discussion peut être énormément bénéfique dans l’approfondissement de notre compréhension des processus en Chine et des perspectives pour la période à venir. Notre point de départ est la contre-révolution sociale brutale des dernières deux décennies, qui a vu l’ancienne bureaucratie maoïste-stalinienne, à l’instar de ses alter-egos de l’Union Soviétique et d’Europe de l’Est, abandonner la planification centrale et passer à une position capitaliste. Si on nous demandait quelle classe en Chine a bénéficié de ce processus, nous répondrions sans hésiter que c’est la bourgeoisie, à la fois la bourgeoisie chinoise et la bourgeoisie mondiale. En 1949, la révolution chinoise a signifié un bouleversement dans le rapport de forces des différentes classes à l’échelle internationale. Aujourd’hui, la contre-révolution a complètement renversé ce rapport de force. Il n’y a absolument rien de progressiste dans l’Etat chinois actuel.

    La Chine d’aujourd’hui est synonyme d’ateliers de misère géants, et de la plus brutale exploitation du travail par le capitalisme domestique et mondial. La majorité de la « nouvelle » classe ouvrière industrielle, pour la plupart composée d’immigrés ruraux qui sont chez nous l’équivalent des immigrés « sans-papiers » d’Europe et d’Amérique, travaillent douze heures ou plus chaque jour, pour un salaire de misère, dans des usines non-sécurisées, sous un régime quasi-militaire, plein de règles et d’amendes. Cet édifice de super-exploitation est bâti autour de l’Etat répressif unipartiste du PCC (Parti « Communiste » Chinois), qui réprime violemment toute grève et toute tentative de construire des syndicats indépendants.

    Les propriétaires des usines et des mines, lesquels sont impliqués dans des « accidents » de travail effarants et en dépit de toute réglementation (136 000 morts au travail en 2004), sont protégés par les dirigeants du PCC et par la police. Après la mort de 123 mineurs l’an passé dans une mine de charbon de la province de Guangdong (Canton), il a été découvert que la moitié des actionnaires étaient des dirigeants du parti. Un officier de police avait des actions dans cette mine pour une valeur d’environ 30 millions de yuan (€2,8 millions).

    C’est là le portrait d’un capitalisme mafieux, aussi brutal et irresponsable que celui de Russie et d’autres régions de l’ancienne Union Soviétique. Les hauts échelons de l’Etat chinois, y compris le gouvernement central de Beijing (Pékin), sont maintenant complètement intégrés dans le système capitaliste mondial – grâce à la politique d’ouverture que le président Hu Jintao décrit comme étant « la pierre angulaire » du développement économique de la Chine. La conséquence est que la Chine a été retournée sens dessus-dessous, d’une des sociétés les plus égalitaires du monde à une des plus inégales – dont le gouffre entre riches et pauvres est plus grand que ceux des Etats-Unis, de l’Inde ou encore de la Russie. Ce programme « complètement capitaliste » est crucial dans toute discussion portant sur la nature de classe de l’Etat et du régime du PCC.

    « Néolibéralisme radical »

    « La Chine a mis en œuvre une politique néolibérale parmi les plus radicales au monde », explique Dale Wen, un auteur chinois, dont le rapport, « China copes with Globalisation » (2), fournit un des meilleurs résumés du soi-disant « processus de réformes ». Wen compare la politique des 20 dernières années aux programmes du FMI et de la Banque Mondiale dans le monde néocolonial, faisant remarquer que « la principale différence est que le gouvernement chinois applique ces mesures de plein gré ».

    Sous la pression des masses qui avaient été enthousiasmées par la révolution de 1949, l’Etat maoïste a fourni d’immenses améliorations sociales sur les plans de l’éducation, de la santé, du logement et de la réduction de la pauvreté. Cette politique était rendue possible par le fait que les bases économiques de cet Etat reposaient sur la propriété nationalisée et la planification centralisée, malgré leur confinement aux limites étroites d’un bureaucratisme national. La plupart de ces acquis sociaux ont été démantelés par la contre-révolution capitaliste. Tout ce qui reste pour les masses chinoises, sont les résidus du stalinisme – terreur policière et absence des plus élémentaires des droits démocratiques – combinés aux pires aspects du capitalisme – exploitation extrême et absence de tout réseau de sécurité sociale.

    Les faits suivants illustrent les effets dévastateurs de la politique du PCC :

    • Education: les fonds privés comptent maintenant pour 44% des coûts éducationnels totaux en Chine, la plus grande proportion au niveau mondial, excepté pour le Chili. Il n’existe plus aucune éducation gratuite. Les droits d’entrée normaux pour les écoles secondaires dans la plupart des villes s’élèvent à 200€ par an – l’équivalent de deux mois de salaire pour un salarié moyen. A Shanghai, le ménage moyen dépense 25% de son revenu en frais d’école (comparé à 10% aux Etats-Unis). Il y a plus d’un demi-million de professeurs sous-qualifiés, et des milliers d’écoles bas-de-gamme, non reconnues, qui rassemblent les 20 millions d’enfants d’immigrés privés d’accès aux écoles d’Etat. Le taux d’analphabétisation monte de plus en plus, dû à la décroche scolaire, en particulier dans les zones rurales et chez les filles.
    • Santé: le système des soins de santé chinois faisait à une époque rêver toute l’Asie. Aujourd’hui, le pourcentage de fonds privés dans les soins de santé est plus grand en Chine qu’aux Etats-Unis. A la campagne, un tiers des cliniques et des hôpitaux sont au bord de la faillite, et un autre tiers sont déjà fermés. Quatre cent millions de Chinois, un chiffre équivalent à la population totale de l’Union Européenne, ne peut plus se payer de docteur.
    • Un processus similaire s’est déroulé dans les logements et les transports.

    Le rôle de la Chine dans le monde

    Alors que l’économie mondiale est plus interconnectée que jamais, on ne peut se contenter d’approcher la question du caractère de classe de l’Etat et du régime chinois sur le seul plan national. La Chine est plus intégrée dans l’ordre capitaliste mondial que la Russie et les autres Etats staliniens. Les capitalistes étrangers contrôlent aujourd’hui un quart de la production industrielle chinoise (3). Le modèle économique du PCC est basé sur "un niveau d’ouverture inhabituellement élevé à l’économie mondiale – le commerce international compte pour 75% du PIB", selon Susan L Shirk (dans son livre "Fragile Superpower" (4)). Ce taux est équivalent au double de celui de l’Inde, et au triple de ceux du Japon, de la Russie ou des Etats-Unis.

    Le régime du PCC actuel est un instrument de la mondialisation du néolibéralisme. En aucun cas on ne peut dire que ce processus est ambigu : au contraire, il crève les yeux. Les entreprises chinoises, dont la plupart appartiennent à l’Etat, sont détestées à travers de larges couches en Afrique, en raison de leurs pratiques anti-syndicales, corrompues, illégales et polluantes. Les banques chinoises se sont révélées être aussi parasitaires que n’importe quelle autre banque dans le monde capitaliste – déversant par exemple des milliards de dollars dans les "dérivés" des subprimes américains. En Iraq et dans les autres pays débiteurs, les représentants chinois présentent des contrats avec exactement les mêmes conditions que celles exigées par les autres puissances capitalistes : privatisations, dérégulations et autres politiques néolibérales. Cette politique étrangère n’est bien entendu qu’une extension de la politique intérieure – il n’y a pas ici de grande muraille.

    La contre-révolution agraire

    On estime à 70 millions le nombre de paysans qui ont perdu leur terrain lors des vingt dernières années, expropriés pour faire de la place à la construction d’usines, de routes, et de projets de prestige tels que hôtels et terrains de golf. La plupart de ces expropriations étaient illégales, se jouant des tentatives du gouvernement central de contrôler ce processus.

    On retrouve plus d’une douzaine de magnats de l’immobilier sur la dernière liste du magazine Forbes des 40 plus grands milliardaires chinois. En tête de liste, se trouve Yáng Huíyàn, une dame âgée de 26 ans, à la tête d’un empire immobilier de Guăngdong, et dont la fortune personnelle en 2007 s’élevait à $16,2 milliards, cadeau de son père. En comparaison, une proportion stupéfiante de 42% de la population rurale a subi un déclin absolu de son revenu sur la période 2000-2002.

    Dans les années 1950’s, le régime de Mao avait nationalisé la terre, et cette mesure n’a pas été officiellement annulée, bien qu’une série de "réformes" partielles aient privatisé l’utilisation de la terre, tout en laissant à l’Etat la propriété du sol. Mais, comme l’a expliqué Lénine, la nationalisation de la terre ne constitue pas en elle-même un rempart contre le capitalisme : "Une telle réforme est-elle possible dans le cadre du capitalisme ? Elle n’est pas seulement possible, mais représente la forme la plus pure, la plus cohérente, la plus idéalement parfaite du capitalisme… selon la théorie de Marx, la nationalisation du sol signifie une élimination maximale des monopoles moyen-âgeux et des relations médiévales dans l’agriculture, une liberté maximale dans le rachat et la vente de terres, et une aisance maximale pour l’agriculture à s’adapter au marché" (Démocratie et narodnikisme en Chine, 15 juillet 1912).

    Un Etat en perte de vitesse

    En conséquence des "réformes" néolibérales et de la croissance capitaliste anarchique, le pouvoir économique de l’Etat s’est sérieusement dégradé. Elle est longue, la liste des sphères de l’économie sur lesquels le régime de Bĕijing a perdu tout contrôle : secteurs de la construction et de l’immobilier urbain, crédit et investissement, sécurité médicale et alimentaire, protection environnementale, marché du travail, la plupart de l’industrie manufacturière et, comme nous l’avons vu plus haut, l’attribution des terres agricoles.

    Chaque année, la Heritage Foundation, un cercle de réflexion capitaliste, produit un Index de la Liberté Economique, dans lequel la Chine dépasse régulièrement, et de loin, la Russie et les autres ex-Etats staliniens. Sous la catégorie "Liberté provenant du gouvernement", par exemple, basé sur un aperçu des dépenses gouvernementales et des privatisations, la Chine était jugée à 88,6% "libre" tandis que la Russie avait un score de 71,6%, et l’Ukraine seulement 61,9%. En Chine, la totalité des dépenses gouvernementales en 2006 équivalait 20,8% du PIB, un taux bien inférieur à celuide la Russie (33,6%), de l’Ukraine (39,4%), et à peine un tiers de celui de la Suède (56,7%).

    En Russie comme en Ukraine, les entreprises appartenant à l’Etat et la propriété gouvernementale de la propriété contribuent pour une part significativement plus élevée des revenus gouvernementaux, respectivement 6,1% et 5,6%, que par rapport à leur contribution au budget de l’Etat chinois, 3,1% (chiffres de 2006). Dans le contexte de l’Asie Orientale, avec sa tradition de "capitalisme d’Etat", la faiblesse de ce chiffre est encore plus flagrante. Les gouvernements malaisien et taiwanais tirent pour leur part 11,5% et 14,4% de leur revenu du secteur d’Etat respectivement.

    La taille du secteur d’Etat en lui-même n’est pas décisif pour la détermination de la nature de classe d’une société – quelle classe possède le pouvoir économique ? Dans son analyse du stalinisme, "La Révolution trahie", Léon Trotsky avait prédit qu’une contre-révolution bourgeoise en Union Soviétique serait forcée de conserver un important secteur d’Etat. En Chine, ceci est encore plus le cas, étant donné la tradition confucianiste d’intervention économique de la part du gouvernement, une influence répandue à travers toute l’Asie Orientale. Il existe aujourd’hui des pays qui ont un bien plus grand degré d’étatisation de l’économie que la Chine – l’Iran, par exemple, où l’Etat contrôle 80% de l’économie.

    Privatisation et restructuration

    Selon le Bureau National des Statistiques de septembre 2007, les entreprises étrangères et privées comptent maintenant pour 53% de la production industrielle de la Chine, une hausse de 41% depuis 2002. Les entreprises d’Etat y jouent toujours un rôle important, et prédominent dans la liste des plus grandes entreprises. Mais les seuls secteurs de l’industrie dans lesquels les entreprises d’Etat occupent une position dominante sont les mines, l’énergie et les services. Un rapport de l’OCDE de décembre 2005 révélait que les dans les 23 plus importants secteurs industriels, des textiles aux télécommunications via l’acier et les automobiles, le privé emploie les deux-tiers de la main d’œuvre et produit les deux-tiers de laa valeur ajoutée.

    Aujourd’hui, « les trois-quarts des employés urbains sont en-dehors du secteur d’Etat » (Shirk, "Fragile Superpower"). Ceci est le résultat du rythme frénétique des privatisations et restructurations du secteur d’Etat au cours de la dernière décennie, accélérée par les préceptes de l’OMC. Comme l’a dit Zhou Tianyong, professeur de l’Ecole du Parti du Comité Central du PCC, « le nombre d’employés des entreprises d’Etat et des coopératives est tombé de 130 millions de personnes dans les années 90’s, à 30 millions aujourd’hui » ("China Daily", 8 octobre 2007).

    En termes du nombre d’employés affectés, il ne fait aucun doute que ceci est le plus grand programme de privatisation jamais mis en vigueur dans aucun pays de tous les temps. Etant donné que l’agriculture avait déjà été privatisée dans les années ‘80, la vaste majorité des Chinois – plus de 90% – sont maintenant engagés dans le secteur privé.

    Aujourd’hui, le secteur d’Etat est un levier pour le développement de l’économie capitaliste, fournissant un cadre d’industries essentielles, telles que l’énergie et les communications, auxquelles on doit ajouter les investissements ciblés dans certains secteurs de haute technologie suivant les modèles japonais et coréens. Il serait incorrect de parler de secteurs "capitalistes" et "non-capitalistes", comme si le secteur d’Etat opérait sur une base alternative, non capitaliste.

    Les entreprises d’Etat chinoises ont été transformées, vague après vague de "réformes" corporatistes, de fusions et de licenciements, de rachats d’actions par les cadres, de recrutement de managers éduqués à l’Occident, de listings publics, de joint venture avec du capital étranger, et de différents niveaux de privatisation. Même lorsqu’un entreprise appartient totalement à l’Etat (ce qui est aujourd’hui devenu une rareté), elle père pour faire du profit, de la même manière qu’une entreprise privée. Parlant des attaques du gouvernement Thatcher sur les industries nationalisées en Grande-Bretagne, un journaliste du Financial Times a écrit que « la transformation de British Airways et de British Steel dans les années 80’s n’était pas le résultat d’une privatisation – c’est au contraire la transformation qui a précédé la privatisation et qui l’a rendue possible » (John Kay, 26 septembre 2007).

    C’est exactement cela qu’il s’est passé en Chine – mais sur une toute autre échelle. Les secteurs industriels et commerciaux consistent en unités complètement autonomes et, dans la plupart des cas, semi-privatisés. Ceci représente une forme de « capitalisme étatique » semblable à Gazprom, le conglomérat de l’énergie étatique qui produit à lui seul 8% du PIB russe.

    Investissements dirigés par l’Etat

    Il est vrai que l’essentiel des investissements en Chine proviennent du secteur d’Etat. Mais ceci est également le cas en Russie. En Chine, cependant, la plupart des décisions d’investissement sont prises sur le plan local, et très souvent en contradiction avec la politique du gouvernement central. Une grande proportion des dépenses d’infrastructure des gouvernements locaux va à des projets de prestige, destinés à attirer des « investisseurs » privés – hôtels de luxe, centres de conférences, nouveaux aéroports « internationaux », parcours de golf et centre commerciaux à moitié déserts.

    Ceci représente un gaspillage dément de fonds publics – commandé par un capitalisme débridé – et est le prélude à un crash économique similaire à celui qui a frappé l’Asie du Sud-Est il y a dix ans. Aucun gouvernement socialiste, ni même réformiste à l’ancienne, ne considérerait la question de l’investissement public d’une manière aussi criminelle. Mais aujourd’hui, chaque municipalité et région chinoise veut son lien direct avec le marché mondial, à une époque où la dépendance du pays vis-à-vis de l’étranger est proche de "l’extermination". Le besoin le plus pressant est de développer le marché interne chinois, mais cela ne peut être réalisé que par la rehausse du niveau de vie de la population, et la reconstruction des services publics de base tels que la santé, l’éducation et des logements décents – des secteurs dans lesquels les dirigeants locaux du PCC refusent catégoriquement d’investir.

    Le secteur bancaire chinois appartient en majorité à l’Etat. Mais cela également n’est pas un cas isolé, surtout en Asie. Les quatre plus grosses banques d’Etat chinoises (les "Big Four"") comptent pour 71% de tous les prêts bancaires, et 62% des dépôts. En comparaison, la plus grande banque d’Etat russe accapare 60% des dépôts des ménages et 40% des prêts. En Inde, les banques d’Etat reprennent 75% de toutes les opérations bancaires commerciales (Bank of International Settlements).

    Ce serait une erreur de juger les "réformes" néolibérales (privatisations partielles, fusions avec des entreprises étrangères) dans le secteur bancaire et les autres secteurs comme étant superficielles – les changements sont bien trop réels et extrêmement préjudiciables aux intérêts des salariés ordinaires, en Chine comme à l’étranger. Une part de plus en plus grande de la gigantesque réserve d’épargne chinoise – à peu près 1800 milliards de dollars – est en train d’être rognée par la spéculation partout dans le monde, enrichissant les hedge funds et les autres parasites financiers, plutôt que d’être utilisée à la reconstruction des services public agonisants.

    Réforme ou révolution ?

    L’Etat chinois – comme les gouvernements d’Allemagne et de Grande-Bretagne récemment – peut et va intervenir à la rescousse de ses banques en faillite ou d’autres entreprises stratégiques, et ceci pourrait inclure des renationalisations. La renationalisation sur une base capitaliste, toutefois, ne représente pas un retour à la planification. Seul un mouvement révolutionnaire massif des travailleurs surexploités et des paysans peut démolir ce qui sont maintenant des fondations économiques capitalistes puissantes en Chine, étroitement liées au capitalisme mondial. Un tel mouvement ne voudra pas revenir au maoïsme-stalinisme, mais s’efforcera d’atteindre une authentique planification socialiste démocratique, basée sur le potentiel colossal du prolétariat chinois, qui compte maintenant 250 millions de personnes.

    Le processus de contre-révolution en Chine a été complexe et parfois extrêmement contradictoire, mais néanmoins, la victoire de la contre-révolution bourgeoise, bien que sous une forme particulière "confucéenne", est aujourd’hui extrêmement claire. Une révolution politique – "anti-bureaucratique" – n’est plus suffisante pour amener la classe salariée au pouvoir. De la même manière, il n’est pas non plus correct de dire qu’une nouvelle révolution combinera les tâches d’une révolution politique et d’une révolution sociale – ceci est vrai pour chaque révolution sociale, lesquelles induisent une modification des bases économiques et donc, par nécessité, de la superstructure politique, l’Etat. Un changement qualitatif a eu lieu, par lequel un renversement de la contre-révolution capitaliste chinoise n’est plus possible autrement que par une nouvelle révolution sociale prolétarienne, qui devra renverser l’Etat actuel et exproprier ses principaux bénéficiaires, les capitalistes chinois et étrangers. Ce point est extrêmement important lorsque nous parvenons à la question des perspectives et d’un programme pour la Chine.

    Qu’est-ce que la bureaucratie ?

    En tant que marxistes, nous ne basons pas notre caractérisation du régime chinois sur la simple utilisation occasionnelle de symboles et de phraséologie "communistes" (ou plutôt, staliniens). Ce vernis extérieur est un facteur entièrement secondaire, de la même manière qu’il existe des partis "socialistes" ou "communistes" en Europe et ailleurs, qui organisent une manifestation le jour du Premier Mai et chantent "l’Internationale, tout en menant une politique entièrement capitaliste. Le caractère de classe de n’importe quel organisme, parti ou régime est déterminé par la classe dont il sert les intérêts – sa base sociale.

    Le régime maoïste, par la ruse, les manœuvres et la répression, a été un obstacle à toute tentative de la classe salariée de s’organiser en mouvement indépendant. Mais en même temps, afin de maintenir ses propres privilèges et son pouvoir, il a défendu la propriété d’Etat et les acquis sociaux de la révolution. C’est cela qui a donné au régime son caractère contradictoire – une combinaison d’éléments réactionnaires et progressistes. Cela n’est aujourd’hui plus le cas. S’étant vendu corps et âme au capitalisme, l’Etat chinois a perdu son caractère ambivalent et contradictoire.

    Trotsky a décrit la bureaucratie stalinienne comme étant une tumeur, un cancer sur le corps de l’Etat ouvrier. Il a expliqué que "une tumeur peut grandir jusqu’à une taille prodigieuse, et même étouffer l’organisme duquel elle vit, mais elle ne peut jamais vivre indépendamment de cet organisme" ("La nature de classe de l’Etat soviétique", 1933).

    La "tumeur" de la bureaucratie chinoise ne peut acquérir une vie indépendante, étant donné sa relation aux moyens de production, et n’est certainement pas en elle-même le reposoir des mesures socialement progressistes issues de la révolution de 1949. C’est même plutôt l’inverse qui est vrai. Sous le stalinisme et le maoïsme, ces acquis existaient dans la conscience et dans la pression de masse des travailleurs et des paysans, malgré le rôle de désorganisateur et de confusion joué par la bureaucratie. Trotsky a aussi expliqué que « la présence de la bureaucratie, avec toutes les différences de ses formes et de son poids spécifique, caractérise TOUT régime de classe. Sa force est un reflet. La bureaucratie, indissolublement liée à la classe économiquement dominante, est nourrie par les racines sociales de celle-ci, se maintient et tombe avec elle » (ibid., italiques par Vincent Kolo).

    Mais aujourd’hui, quelle est en Chine la classe économiquement dominante ? Avec le démantèlement de l’économie planifiée, ce ne peut plus être la classe salariée. Une partie de l’ancienne bureaucratie maoïste s’est reconvertie par le « processus de réformes » en une nouvelle classe de propriétaires.

    La connexion entre capital privé et étatique n’est pas rigide, mais fluide, reflétant une large gamme d’arrangements intermédiaires, en partie privés, en partie publics. La classe capitaliste est dépendante de l’Etat actuel pour ses contrats, ses emprunts, ses faveurs et, surtout, pour être protégée de la classe salariée. Parmi les 20 000 plus riches hommes d’affaires chinois, 90% sont membres du PCC ou comptent des membres du parti dans leur famille.

    Pas de ‘big bang’ ?

    Le régime du PCC et la bureaucratie dans son ensemble n’ont jamais constitué, en elles-mêmes, un rempart à la contre-révolution capitaliste – c’est là la clé de la compréhension de tout ce qui s’est passé. Comme en Russie et dans les autres ex-Etats staliniens, c’est la résistance de la classe salariée qui était le seul vrai obstacle à la contre-révolution capitaliste. Cette résistance – qui, à certains moments, a acquis des proportions de masse – fut néanmoins vaincue en Chine par toute une combinaison de facteurs. La violence excessive et terrifiante qui fut utilisée pour écraser le mouvement révolutionnaire naissant de 1989 fut un facteur critique. La rapidité de la croissance économique (d’à peu près 10% par an tout au long de la dernière décennie) a aussi fourni au régime une certaine "soupape de sécurité".

    Pour Trotsky, la menace de la restauration capitaliste ne reposait pas sur le fait que le parti stalinien soit ou non renversé. Cela n’était pour lui qu’une des perspectives : « mais la restauration bourgeoise, en parlant de manière générale, n’est concevable que sous la forme d’un revirement brutal et décisif (avec ou sans intervention), ou sous la forme de plusieurs réajustements successifs… »

    « Donc, aussi longtemps que la révolution européenne n’a pas triomphé, les possibilités d’une restauration bourgeoise dans notre pays ne peut pas être reniée. Laquelle de ces deux voies est la plus probable dans nos circonstances : celle d’un revirement contre-révolutionnaire abrupt, ou celle d’une série de glissements, avec un peu de chamboulement à chaque étape, et une dérive thermidorienne pour étape la plus imminente ? Cette question ne peut être tranchée, je pense, que d’une manière extrêmement conditionnelle » ("Le Défi de l’Opposition de gauche", 1926-27, italiques par Vincent Kolo).

    Cette "voie de réajustement successifs" est une excellente description de ce qui s’est passé en Chine. Le capitalisme a été restauré, bien que selon un mode chinois particulier. Cette restauration est le fruit de ce qui fut d’abord un réflexe empirique de la part du régime stalinien à la fin des années 70’s, cherchant à trouver une issue à la crise politique et économique, avec des éléments de guerre civile, qu’il avait hérité de Mao. Dans ses premiers stades, ceci était une tentative d’exploiter certains mécanismes de marché au sein d’une économie étatique stalinienne. Mais de tels processus possèdent une logique qui leur est propre, d’autant plus que la révolution socialiste mondiale se faisait attendre, et étant donné la crise et l’effondrement du stalinisme partout dans le monde, et l’accélération féroce de la mondialisation néolibérale.

    Au contraire de l’Union Soviétique, il n’y a pas eu en Chine de "big-bang", d’implosion de l’Etat unipartite, et le PCC est resté au pouvoir. Mais les classe capitaliste émergente, surtout dans la Fédération du Russie, considérait le démantèlement de l’Etat stalinien comme un pré requis au succès de sa contre-révolution. Dans le cas de la Chine, par contre, avec toute son histoire de guerres féodales et de fragmentation, et la menace immédiate de manifestations de masse, exorcisée par le massacre de 1989, la position de la classe capitaliste émergente était différente. Ici, ce fut la continuation du règne du PCC qui était la base la plus avantageuse pour développer le capitalisme – afin de maintenir "l’ordre" et le pays entier.

    Qui donc aujourd’hui demande un changement de régime en Chine ? Certainement pas les capitalistes, qui comprennent que, par la répression de la gigantesque classe salariée chinoise, le régime actuel est le meilleur qu’ils pourraient sérieusement espérer. Même la bourgeoisie "démocratique" – et elle est en minorité – ne recherche pas la chute du régime du PCC, mais plutôt sa "réforme". Ceci donne la plus claire des réponses qui puisse être données à la question de quels intérêts de classe sert l’Etat chinois aujourd’hui.


    1. Lénine, "De l’Etat", 1919, NDT.
    2. Qu’on peut traduire par "La Chine s’en sort bien avec la mondialisation", NDT.
    3. OCDE, 2005.
    4. Ce qu’on pourrait traduire par "Une frêle superpuissance", NDT.

    Pour en savoir plus :

    Extrait de l’édition de décembre 2007-janvier 2008 de Socialisme Today, le magazine du Socialist Party of England and Wales, section britannique et galloise du CWI

  • Problèmes rencontrés dans la construction de nouveaux partis des travailleurs

    Théorie

    Dans cet article, notre camarade Peter Taaffe analyse quelques leçons à tirer de l’histoire en ce qui concerne la formation d’organisations de masse pour les travailleurs. Il revient à ce titre plus particulièrement sur les expériences récentes accumulées en Italie et en Allemagne ainsi que lors des derniers développements qu’a connu la situation au Brésil.

    Article par Peter Taaffe, Secrétaire Général du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CWI/CIO) en Angleterre et au Pays de Galles.

    Une question centrale pour le mouvement ouvrier à travers le monde – et peut-être d’ailleurs la plus cruciale à ce stade – est celle de l’absence dans la plupart des pays d’une voix politique indépendante sous forme parti(s) des travailleurs de masse.

    L’effondrement du mur de Berlin et des odieux régimes staliniens a également signifié la liquidation des économies planifiées. Il s’agissait d’un important tournant historique, avec des conséquences majeures pour la classe ouvrière et, plus particulièrement, pour sa conscience. Coïncidant avec le long boom économique des années ‘90 et la pression sans relâche du capitalisme néo-libéral, ce processus a décomposé les bases de la social-démocratie et des partis « communistes ». Les formations que Lénine et Trotsky caractérisaient encore comme des « partis ouvriers bourgeois » (ouvriers à leur base, bourgeois à leur direction) ont assisté à la disparition de leur base ouvrière pour devenir des formations purement bourgeoises. En conséquence, pour la première fois depuis des générations – plus de 100 années dans le cas de la Grande-Bretagne – la classe ouvrière est sans plate-forme politique de masse.

    Mais ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des marxistes sont confrontés à une telle situation. Ni Marx ni Engels n’ont cru que le mouvement ouvrier gagnerait une conscience de classe indépendante ou une conscience socialiste uniquement par l’agitation, la propagande ou même leurs puissantes idées théoriques. L’expérience serait le plus grand professeur de la classe ouvrière, argumentait Marx, en combinaison avec les idées du socialisme scientifique (le marxisme). C’est pour cette raison que Marx, sans jamais diluer son propre trésor théorique, a tâché de lier ensemble dans l’action les forces dispersées de la classe ouvrière à travers, par exemple, l’établissement de la…

    …Première Internationale

    Les marxistes ont travaillé conjointement avec des syndicalistes anglais et même des anarchistes au sein de l’Internationale. Marx a toujours procédé à partir du niveau existant d’organisation et de conscience de la classe ouvrière, cherchant par sa propre intervention inestimable à l’élever à un plan supérieur. La Première Internationale a accompli cette tâche colossale mais, à la suite de la défaite de la Commune de Paris ainsi que des tentatives de sabotage et finalement la scission des anarchistes emmenés par Bakounine, la Première Internationale avait épuisé sa mission historique et a été dissoute. Cette expérience, cependant, a été essentielle en préparant le terrain pour la Deuxième Internationale, avec le développement des partis de masse, l’acceptation du socialisme, etc…

    Engels & le Labour Party

    Engels a adopté une approche similaire à celle de Marx dans la dernière partie du dix-neuvième siècle, en Grande-Bretagne par exemple, pendant la « longue hibernation » de la classe ouvrière. Il a patiemment propagé l’idée d’un « parti des travailleurs indépendant », en opposition au sectarisme des forces socialistes et même « marxistes » de ce temps. Il ne s’est par exemple pas basé sur la Social Democratic Federation (Fédération Social-Démocrate) qui avait formellement adhéré au « socialisme scientifique » et comprenait à un moment plus de 10.000 membres, mais qui avait aussi adopté une attitude ultimatiste et sectaire envers d’autres forces et en particulier envers l’idée de rassemblement pour créer un parti indépendant de la classe ouvrière. Aucun théoricien dans le mouvement ouvrier n’égalait à ce moment Engels, historiquement le second derrière Marx lui-même, mais il insistait sur le fait qu’étant donné le niveau de conscience et d’organisation politique de la classe ouvrière britannique à cette époque, un tel pas en avant vaudrait des douzaines de programmes. Il s’agissait d’une reconnaissance du fait – illustré plus tard par le développement du Labour Party (le parti travailliste) comme parti de masse – qu’une « pure » et immaculée organisation marxiste en Grande-Bretagne avec des racines dans les masses ne pourrait se développer sans que la masse de la classe ouvrière ne passe d’abord par l’expérience de son propre parti indépendant.

    Lénine a adopté la même attitude face au Labour Party qui était né depuis, même si ce dernier n’avait pas adopté une orientation socialiste à sa fondation. Il disait que même si le Labour Party « ne reconnaissait pas la lutte des classes, la lutte de classe reconnaîtrait certainement le Labour Party ». Son analyse a elle aussi été confirmée par le virage à gauche avec des traits révolutionnaires prononcés qu’a connu la Grande-Bretagne après la Révolution russe. Cela s’est notamment exprimé à l’intérieur du Labour Party par l’adoption de l’aspiration au socialisme à travers la célèbre « clause quatre », liquidée par « l’entriste bourgeois » Tony Blair en 1995.

    Depuis lors, le processus de dégénération politique du « New Labour » a été inéluctable et immuable. Et cela en dépit des minces espoirs de ceux qui comme Tony Benn habitent un avant-poste réformiste de gauche isolé au milieu de l’océan néo-libéral du New labour. Cette dégénération n’a pas seulement eu des conséquences idéologiques, mais a également affecté matériellement les luttes de la classe ouvrière. La bourgeoisie a pu utiliser avec succès l’effondrement du stalinisme pour mener une contre-révolution idéologique à travers le monde entier dont les plus grands effets se sont fait sentir aux sommets de la social-démocratie et de l’aile droite syndicale. Leur enthousiasme à embrasser l’économie de marché a renforcé la capacité de la bourgeoisie à vendre son programme néolibéral, accompagné par le leitmotiv de Thatcher, « There is no alternative / Il n’y a pas d’alternative ». À la différence des années ’80, où cette idée était rejetée, elle est maintenant renforcée par les dirigeants ex-sociaux-démocrates et par l’aile droite syndicale.

    La seule alternative

    Quand les « partis ouvriers bourgeois » étaient réformistes, la classe dirigeante était au moins forcée de regarder derrière son épaule. Ces partis étaient dans une certaine mesure un « contrôle », ne fut-ce que partiel, pour empêcher la bourgeoisie d’aller « trop loin ». Un regard sur l’Allemagne d’aujourd’hui renforce ce point. L’apparition du « Die Linke » d’Oskar Lafontaine, même avec toutes les insuffisances de ce parti, a néanmoins exercé un effet sur les sociaux-démocrates du SPD. Emmêlé dans une coalition bourgeoise avec les démocrates-chrétiens d’Angela Merkel, le SPD a connu une baisse dramatique de son soutien, électoralement ainsi qu’en terme d’adhésions. Parallèlement, Die Linke a bénéficié de la perte de soutien du SPD et se tient actuellement à environ 12% dans les sondages d’opinion. En retour, cette situation a contraint les sociaux-démocrates à s’opposer à certaines « réformes », telles que l’attaque brutale contre les chômeurs, alors qu’ils en avaient accepté le principe dans la précédente coalition et le précédent gouvernement de Schröder, lui-même du SPD.

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    ‘Pour la Grande-Bretagne’, c’est-à-dire pour les riches et les patrons, au détriment des pauvres et des travailleurs…

    En Grande-Bretagne, Gordon Brown utilise à sa sauce la vieille affirmation de Thatcher en déclarant aux directions syndicales « quelle est votre alternative au New Labour ? ». Les élections – avec les trois principaux partis qui dans les faits ne se distinguent pas – sont maintenant pratiquement une farce en Grande-Bretagne. Le système électoral britannique combiné à l’absence de réel choix signifie que les résultats des prochaines élections, comme Polly Toynbee (du quotidien The Guardian) l’a précisé, seront déterminés par les votes « marginaux ». Finalement, seuls les 20.000 électeurs « flottants » décideront du résultat.

    Ceci va de pair avec la domination d’une caste bureaucratique de droite ossifiée au sommet des syndicats, comme Prentis (secrétaire général du syndicat Unison, le plus grand syndicat professionnel de Grande Bretagne) et d’autres, qui agit en tant que véritable frein sur chaque action efficace, tel que l’a encore démontré le récent conflit postal. Mais le mécontentement colossal de la base montre que cette situation ne pourra continuer sans arriver à un conflit, dans les usines ou politiquement. Sans compétition sérieuse de la part de la gauche, y compris de la gauche syndicale, Gordon Brown continuera à traiter les syndicats et en particulier leur direction avec le plus grand mépris avec l’assurance que le New Labour est la seule alternative.

    La classe ouvrière française – actuellement engagée dans une lutte épique contre le gouvernement Sarkozy qui est décidé à casser ses droits et conditions de vie – fait face à un dilemme semblable. Durant les 15 dernières années, chaque fois que la bourgeoisie française a cherché à affronter la classe ouvrière de telle manière, cela s’est terminé par sa défaite partielle. Mais étant donné la perception négative qu’a la bourgeoisie française de sa position face à ses concurrents capitalistes européens et internationalement, les capitalistes français sont « cette fois » décidés à ne pas laisser passer de concessions à la classe ouvrière. Dans ce cadre, l’absence d’un pôle d’attraction de masse sous la forme d’un parti de masse est assurément un facteur qui affaiblit la lutte.

    Sarkozy a ainsi pu gagner les dernières élections avec une campagne menée contre son propre gouvernement, qui, selon lui, présidait une « société bloquée ». Cette stratégie n’a pu être payante que grâce à l’absence de challenger face à lui avec Ségolène Royal et son Parti Socialiste maintenant complètement bourgeois. Déjà en 1995, quand les travailleurs français avaient remporté une victoire contre la bourgeoisie et le « plan Juppé », l’absence d’une alternative politique pour les masses était palpable. Les capitalistes auraient alors pu être poussés dehors, mais faute d’un gouvernement et d’un parti politique de masse capable de l’avancer, toutes les conclusions nécessaires de cette lutte n’ont pas été tirées.

    Leçons du Brésil

    Cette situation n’existe pas au Brésil, en raison de la formation du parti du socialisme et de la liberté (P-SoL), créé en 2004 comme résultat de la révolte suscitée par le virage à droite du gouvernement de Lula après son élection en 2002. La formation de ce parti et son évolution par la suite est une donnée d’importance pour le Brésil lui-même, mais elle comprend également bien des leçons pour les travailleurs et le mouvement de la gauche internationalement. La création du P-SoL est le produit du dégoût ressenti par les travailleurs, en particulier dans le secteur public, à cause de la rapide trahison de Lula et de son gouvernement placé sous la direction du PT (Parti des Travailleurs) qui s’est exprimée dans l’acceptation des attaques contre les masses demandées par le capitalisme brésilien.

    Auparavant, des couches de la gauche brésilienne, et parmi elles même certaines qui avaient des antécédents trotskistes, avaient entretenus quelques espoirs que Lula aurait installé un gouvernement de « gauche » une fois arrivé au pouvoir. Pourtant, avant même les élections, Lula lui-même avait clairement capitulé face au « consensus de Washington » du néo-libéralisme (acceptation des principes de privatisation, de travail précaire et de soumission au capital étranger). Son évolution à droite avait été illustrée par les nombreux éloges qu’il avait reçu de la part des chauds partisans et prêcheurs du néo-libéralisme « social-démocrate ». Ainsi, alors que Blair et Mandelson (l’un des principaux architectes de la transformation du Labour Party en New Labour et proche collaborateur de Tony Blair) avaient précédemment fortement attaqué le PT et Lula, ce dernier n’a ensuite reçu que des félicitations de leur part. Pour reprendre ses propres paroles, Lula s’est avéré être « une paire de mains sûre » pour le capitalisme et l’impérialisme brésilien. L’attaque menée contre les fonctionnaires, cependant, a provoqué une opposition au sein du PT, exprimée avec force par un certain nombre de ses parlementaires, tels que Heloísa Helena, Baba et Luciano Genro. Avec un autre parlementaire, ils ont tous été sommairement expulsés par Lula à cause de leur opposition à son programme de « réforme des pensions ».

    Cette trahison avait un sens aigu, compte tenu du fait que Lula – à la différence de Blair – est à l’origine issu des profondeurs de la classe ouvrière brésilienne. Le P-SoL a quant à lui rassemblé des sections significatives de la gauche brésilienne militante et combative. À sa conférence de fondation en 2004, ce nouveau parti s’est clairement affirmé socialiste et à gauche, avec la plupart des participants provenant d’un passé trotskiste.

    Le trotskisme possède de fortes et profondes racines en Amérique Latine, particulièrement au Brésil et en Argentine. Cette tradition s’est principalement reflétée dans deux tendances, celle du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (USFI, United Secretariat of the Fourth International) d’Ernest Mandel et celle des organisations morénistes, menée par Nahuel Moreno. Le morénisme et son organisation internationale, Liga Internacional de los Trabajadores (LIT – la Ligue Internationale des Travailleurs) ont représenté une réaction face à Ernest Mandel et sa politique qui a combiné des éléments ultra-gauches à un moment donné (avec un soutien désastreux à des mouvements de guérilla urbaine) avec de l’opportunisme, élément qui a d’ailleurs plus tard mené l’USFI à connaître la rupture au Brésil. Certains de ses adhérents ou anciens adhérents ont participé au gouvernement de Lula comme ministres.

    On trouve dans la tradition moréniste d’excellents militants qui ont fait de grands sacrifices pour la cause des travailleurs, certains y ont même laissé leurs vies. Cela a particulièrement été le cas en Argentine et au Brésil. Dans le même temps, l’opposition de Moreno à l’opportunisme de Mandel s’est crûment exprimée. Moreno lui-même l’a illustré et a commis de sérieuses erreurs d’un caractère ultra-gauche, comme le démontre sa surestimation du MAS (nom du parti moréniste à cette époque) dans l’Argentine des années ‘80. Bien que le MAS se soit en Argentine développé pour devenir une force considérable, Moreno a surestimé sa capacité à « prendre le pouvoir ». Après sa mort, ses héritiers ont commis beaucoup d’erreurs, la plus importante concernant l’analyse de l’effondrement du stalinisme. Ils ont ainsi présenté cet évènement unilatéralement de manière « progressiste ». La bourgeoisie avait internationalement adopté une attitude similaire, résumée par le Wall Street Journal qui a déclaré dans un éditorial au nom du capitalisme « nous avons gagné ».

    En résultat de cette analyse, le courant moréniste a connu différentes ruptures qui ont donné lieu à la création de différents organismes et « Internationales » en concurrence féroce les unes contre les autres pour gagner le soutien d’une base de plus en plus réduite d’anciens militants morénistes. Une fois confrontée à l’opposition, plutôt que de débattre et de discuter des idées – comme c’est la tradition au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière – la méthode de la direction est caractérisée par les expulsions arbitraires, à la façon du SWP britannique, ou encore tout simplement par des « invitations à partir ».

    Récents succès

    En dépit de tout cela, la plupart des initiateurs du P-SoL étaient issus du PT et d’un passé trotskiste. Lors des élections présidentielles de 2006, Heloísa Helena (qui provient de la tradition d’Ernest Mandel) a récolté presque sept millions de voix comme candidate du P-SoL et comme alternative de gauche au gouvernement de gauche « traditionnel » de Lula. Ce succès spectaculaire d’un parti très jeune – une plus grande réussite, par exemple, que celle obtenue par le PT à l’occasion de sa première participation aux élections nationales en 1982 – a été une justification complète des positions de ceux qui, à l’instar de Socialismo Revolucionário (SR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière) et des autres sections du CIO, ont de façon conséquente argumenté en faveur de la création d’un nouveau parti de masse. En conséquence, Socialismo Revolucionário a été l’un des pionniers du P-SoL – en prêtant ses ressources et ses bureaux au nouveau parti dans la première période de son histoire – et a également eu une présence à l’Exécutif National de ce parti. Le plus important a été que le P-SoL a entériné le droit de plate-forme et de tendance, ce qui lui a assuré d’être un parti extrêmement démocratique.

    Le P-SoL, cependant, comme Die Linke en Allemagne, n’a pas été créé dans une période d’intensification de la lutte des classes, particulièrement sous forme de conflit dans les usines, comme cela avait été par exemple le cas pour la création du PT dans les années ’80 ou pour le COSATU, la fédération syndicale d’Afrique du Sud, qui s’était déclarée socialiste et « révolutionnaire » dans sa première phase d’existence. Cette situation a eu des conséquences sur le P-SoL, qui était – et est resté – un petit parti de masse de la classe ouvrière. Les nouveaux partis de masse formés au lendemain de la Révolution russe étaient issus de scissions survenues dans les vielles organisations de la classe ouvrière (la social-démocratie) et avaient emporté la grande majorité des travailleurs actifs de ces vieux partis. Mais même alors, la social-démocratie, largement vidée de ses membres, a continué à recevoir le soutien des travailleurs inactifs. Parfois, c’est même la majorité des travailleurs qui sont restés accrochés à ces vieilles organisations suite à une inertie historique ainsi qu’à l’absence de compréhension de la nécessité de nouveaux partis révolutionnaires. Cela demandait, comme Lénine et Trotsky l’ont argumenté, que ces nouveaux Partis Communistes adoptent une tactique de « front unique » pour enrichir et influencer les actions des travailleurs toujours sous la bannière de la social-démocratie.

    Ces nouvelles formations, les Partis Communistes, s’étaient toutefois développées dans une période de révolution et étaient généralement assez grandes, avec une base active et des racines enfoncées au sein même de la classe ouvrière. Ce n’est pas le cas de Die Linke en Allemagne, qui est surtout en ce moment un phénomène électoral. Seuls quelques travailleurs et jeunes ont été disposés à rentrer dans ses rangs, et ce peu d’enthousiasme a été particulièrement visible à Berlin et en Allemagne de l’Est. Dans ces régions, Die Linke est regardé avec beaucoup de suspicion en raison des connections de ce parti avec le stalinisme et du fait que les coalitions gouvernementales à Berlin, en particulier, et ailleurs attaquent les conditions de vie de la classe ouvrière. Le P-SoL, à ses débuts, a connu une situation différente. S’il est vrai qu’un certain nombre d’organisations trotskistes étaient présentes, c’était aussi le cas d’une couche importante de travailleurs, d’ « indépendants », etc.

    Au même moment, le gouvernement de Lula a constamment plus repoussé sa base à mesure que s’est accentué son virage à droite. Renan Calheiros, membre du PT et ancien président du Sénat Brésilien, a été forcé de démissionner en raison d’un scandale de corruption. Il est, entre autres, accusé d’avoir assuré le salaire d’une ancienne journaliste avec qui il avait eu une liaison et une petite fille de 3 ans. Le Brésil est « habitué » à la corruption, qui est endémique dans les partis bourgeois. Mais la saga des méfaits de Renan a été le « scandale de trop ». La pression populaire a finalement forcé la main à Lula et Renan a été éjecté de ses fonctions.

    Le gouvernement Lula a été marqué par des accusations de corruption depuis mai 2005. Bien qu’ayant causé des dégâts sérieux au début, la corruption est tellement habituelle et « intégrée » dans la vie politique brésilienne que les brésiliens « ne s’attendaient à rien de mieux de la part de leurs politiciens ». Selon une estimation, environ 30% des membres du Congrès font l’objet de procédures judiciaires. En fait, beaucoup d’entre eux quittent leurs fonctions pour ainsi éviter les poursuites et les tribunaux ! La corruption est estimée par une étude à ce sujet à 0.5% du PIB (produit intérieur brut). Oui, il a eu un moment où le PT a été perçu comme un parti « différent », avec une vision socialiste d’une nouvelle société. Mais maintenant, tout comme les ex-sociaux-démocrates et les partis ex-« communistes » en Europe et ailleurs, le PT, après avoir accepté le capitalisme, a embrassé la « philosophie » qui y est associée.

    La bourgeoisie brésilienne s’est ralliée au gouvernement de Lula parce qu’il « fait son job » en défendant les profits du capitalisme. Le crédit et la demande domestique explosent alors que des millions de Brésiliens pauvres deviennent des « consommateurs pour la première fois » (selon le « Financial Times »). Ce qui arrive quand la base de l’économie américaine s’effondre et a des répercussions sur la Chine, un énorme marché pour les produits du Brésil, est un autre problème. Même un léger ralentissement du taux de croissance de l’économie brésilienne sera une catastrophe pour les millions de personnes, particulièrement des pauvres, qui ont placé leur confiance dans le gouvernement de Lula pour détruire le cauchemar que forme la vie quotidienne de millions de Brésiliens. L’agriculture, le secteur des services et même l’industrie ont ressenti la croissance économique du pays à la suite de la croissance économique mondiale. De plus, les dépenses dans la consommation ont augmenté, avec l’aide d’une certaine augmentation du salaire minimum et des avantages pour les plus pauvres ainsi que d’une injection de crédit dans l’économie (dont la taille a doublé depuis 2003 pour atteindre aujourd’hui environ 35% du PIB). Un ralentissement ou une récession économique mondiale aurait un effet dévastateur sur les millions de personnes dont les espoirs ont été suscités par la récente croissance économique et par la création d’emplois, bien que très mal payés.

    Le gouvernement clame que plus de 1.2 million d’emplois ont été créés dans les douze mois qui ont précédé juillet 2007. Cela a signifié que certaines des sections les plus faibles de la population et même des sections de la classe ouvrière ont bénéficié du gouvernement Lula. En conséquence, le soutien électoral fondamental du gouvernement ne s’est pas encore évaporé. La bourgeoisie tolère Lula comme la « meilleure option » tandis que les pauvres et la classe ouvrière n’ont pas encore dans leur grande majorité retiré leur soutien au gouvernement. Toutefois, la classe moyenne ressent plus intensément la crise de l’infrastructure, en particulier dans l’industrie aéronautique et s’oppose en majorité au gouvernement. La situation économique, sociale et politique est par conséquent fortement volatile.

    Pour aller plus loin de sa base limitée, bien qu’importante, de 6% de l’électorat, le P-SoL devrait se positionner de manière à attirer dans ses rangs les « réserves lourdes » de la classe ouvrière qui demeurent toujours derrière Lula et le PT à titre d’essai. Ils briseront ces amarres dès que le Brésil sera affecté par la vague économique et sociale orageuses qui arrive. Mais ce n’est pas dit que ces derniers passeront au P-SoL si ce parti n’adopte pas les politiques, la stratégie et la tactique nécessaire pour les attirer.

    Le piège électoral

    Le développement de Rifondazione Comunista (PRC) en Italie contient beaucoup de leçons et d’avertissements pour le P-SoL et le Brésil. La création du PRC a représenté un pas en avant gigantesque pour la classe ouvrière italienne mais, à ses début, il n’a entraîné avec lui que la plupart des couches les plus avancées et militantes. Le parti, en particulier sous la direction de Bertinotti, n’a pas sérieusement miné la base des Démocrates de Gauche (DS – la majeure partie de l’ancien parti communiste italien) même alors que ces derniers se déplaçaient vers la droite. Une des raisons qui explique ce phénomène est la position contradictoire du PRC, en particulier son enthousiasme électoraliste qui s’est fait aux dépens d’une dynamique de politique de lutte des classes. D’ailleurs, au lieu de poursuivre une politique d’intransigeance de classe face au capitalisme, la direction du PRC a glissé dans le marais de la collaboration de classes sous forme de coalition. Même avant qu’un « bloc national » ne se forme au niveau local et dans les villes, le PRC a partagé localement le pouvoir avec les partis bourgeois. Ceci a inévitablement conduit aux attaques contre les travailleurs et les syndicats à un niveau local et le PRC a été considéré comme responsable aux yeux des travailleurs.

    De cette étape à une coalition formelle avec les partis bourgeois autour de Prodi au niveau national, il n’y avait pas un grand pas à faire. Il ne s’agissait au début que d’un soutien « extérieur » du PRC au gouvernement « olivier » de 1996. Sans même l’effet des « avantages » des postes ministériels et des piéges qui y sont liés, le PRC s’est odieusement associé aux attaques de ce gouvernement contre la classe ouvrière et les syndicats. C’est cette politique qui a pavé la voie au retour de Berlusconi. Maintenant, Rifondazione Comunista a franchi une étape supplémentaire en rejoignant formellement la coalition de Prodi qui, comme Lula au Brésil, attaque les pensions, l’éducation et tous les acquis passés de la classe ouvrière italienne. Sous la direction de Bertinotti en tant que « président » de la chambre italienne des députés, le PRC va perdre sa peau de parti spécifiquement pour les travailleurs pour devenir une des composantes de la « chose rouge » (selon le terme utilisé par la presse pour parler de la nouvelle formation regroupant principalement le PRC, les verts et une scission des Démocrates de Gauche), qui est un masque servant à cacher la création d’un autre parti libéral et capitaliste.

    Ce processus n’est pas encore complètement arrivé à son terme au sein du PRC, mais c’est un avertissement d’ampleur au P-SoL et à tous les nouvelles organisations de la classe ouvrière. Sans politiques claires et indépendante des formations bourgeoisies (et sans coalition avec les forces bourgeoises), ces nouvelles formations, plutôt que d’être autant de chrysalides à partir desquelles peuvent émerger des pôles d’attraction pour les masses, pourraient être étouffées dès leur naissance. Le P-SoL n’a jusqu’ici pas atteint cette étape. Cependant, les énormes pressions de la société bourgeoise pour « se conformer » – c’est-à-dire élever le profil électoral aux dépens de l’intervention dans la lutte des classes, en particulier la lutte dans les usines et les mouvements sociaux en général – ont eu un certain effet sur la direction du P-SoL.

    Virage à droite

    Heloisa Helena adopte des positions moins radicales…
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    Cela s’est reflété lors des élections présidentielles, en particulier par la voix de la candidate Heloisa Helena, par la minimisation des politiques radicales dans le but d’aller au devant d’un maximum de voix. Elle s’est également prononcée contre l’avortement, mais s’est alors heurtée à la majorité des membres du P-SoL. Heloísa Helena a d’ailleurs rencontré l’opposition implacable de la majorité des délégués au récent Congrès du P-SoL. Mais un groupe constitué autour d’elle, en particulier certains membres du parlement comme Luciana Genro, qui vient de Rio Grande Del Sul, ont cherché à pousser le P-SoL vers une politique plus « pragmatique », ce qui constitue une orientation droitière. Cette position a été renforcée par de récents réfugiés issus du PT qui ont maintenant rejoints les rangs du P-SoL.

    Ensemble, ils ont avec succès décalé la direction du P-SoL vers une orientation plus à droite qui, en retour, a provoqué une opposition gauche, dans laquelle est impliquée Socialismo Revolucionário. Cette opposition a reçu juste en dessous d’un quart des voix au Congrès du P-SoL. Socialismo Revolucionário cherche à dépasser ce chiffre en forgeant un front unique des organisations les plus conséquentes de la gauche, à travers l’établissement d’un « bloc des quatre » dans le P-SoL. Ce bloc a impliqué Socialismo Revolucionário ainsi que d’autres groupes partout dans l’ensemble du Brésil, tous issus du trotskisme.

    Quelques parallèles historiques peuvent être faits avec ce développement. Après la victoire d’Hitler en 1933, sans que le Parti Communiste allemand n’ait entreprepris de résistance sérieuse, une crise profonde de confiance a traversé les « Internationales » existantes (la deuxième, social-démocrates, et la troisième, qui avait dégénéré des positions communistes vers le stalinisme). Trotsky a alors proclamé la nécessité de la création d’une nouvelle, la Quatrième Internationale. En conséquence arriva la formation d’un « bloc de quatre » partis, décrit par Trotsky comme étant « particulièrement important ». Ces quatre partis étaient l’Opposition de Gauche Internationale trotskiste, le Parti Ouvrier Socialiste allemand (SAP), et deux partis de gauche hollandais, le Parti Socialiste Révolutionnaire (RSP) et le Parti Socialiste Indépendant (OSP). Ensemble, ils ont signé une déclaration pour une « nouvelle internationale » suivant les principes de base de Marx et de Lénine.

    Ce « bloc des quatre » s’était donné des objectifs plus grandioses que l’actuel « bloc des quatre » dans le P-SoL, mais la logique est finalement identique : comment maximiser le potentiel pour la gauche dans le mouvement de la classe ouvrière. L’ancien bloc des années ‘30 n’a été jamais été consolidé en une nouvelle formation permanente en raison des contradictions politiques entre les dirigeants des partis non-trotskistes. Dans le cas du P-SoL, les organisations sont beaucoup plus proches politiquement, avec toutes les chances, si une clarté politique arrive à être obtenue, de forger une force politique cohérente au sein du P-SoL.

    Le P-SoL illustre, tout comme les expériences issues du PRC en Italie, que le succès continu et la croissance de l’influence ainsi que du nombre de membres d’un parti n’est pas automatiquement garantie si un nouveau parti se déplace vers la droite. Cependant, la gauche est plus claire et a plus de potentiel dans le P-SoL que dans le PRC italien. Il faut en voir la raison dans les organisations trotskistes qui, dès la fondation du PRC, ont poursuivi une politique fondamentalement fausse. La section italienne du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale, sous la direction du défunt Livio Maitan, ne se différenciait pas de Bertinotti – elle a été durant longtemps membre de la même « fraction » et n’a par conséquent pas gagné de forces substantielles. D’autres organisations ont adopté une position ultra-gauche ou un rôle purement militant, un rôle de commentateur.

    Le « bloc des quatre » brésilien

    L’opposition de gauche organisée dans le P-SoL est beaucoup plus forte politiquement. Le front unique des organisations, le « bloc des quatre », inclut des camarades d’Alternativa Revolucionária Socialista (Alternative Socialiste Révolutionnaire – ARS), en particulier présent à Belem, dans le nord du Brésil. Une autre organisation présente à São Paulo est le CLS (Liberté Socialiste Collective), composé de travailleurs qui ont une tradition de lutte à São Paulo et à Minas Gerais, un Etat très important, où le CLS a une base importante dans les mouvements sociaux, en particulier le mouvement des paysans sans terre et parmi les imprimeurs. Deux autres organisations participent encore à ce bloc. Il est à espérer que ce « bloc des quatre » sera consolidé par une série de meetings et d’activités publiques qui pourraient alors attirer d’autres groupes dissidents du P-SoL.

    En même temps, un processus de regroupement des marxistes-trotskistes suit son cours. À son récent congrès, auquel ont participé des représentants des groupes qui travaillent dans le « bloc des quatre », Socialismo Revolucionário, avec ces camarades, s’est fixé la tâche de construire une force marxiste numériquement plus forte et bien plus influente. Étant donné qu’à ce stade, le P-SoL est relativement vide de nouvelles couches de la classe ouvrière, cette tâche ne pourra pas seulement se faire en concentrant principalement les activités à l’intérieur de ce parti. La bataille au niveau des usines est aussi cruciale, si pas plus, en ce moment. Mais le P-SoL n’a pas encore épuisé son potentiel. L’effondrement du « Lulaïsme » et du PT aura comme conséquence que des couches plus importantes placeront leurs espoirs dans le P-SoL. Une des raisons qui justifie l’appel pour un nouveau parti de masse des travailleurs est que cela offre l’opportunité à la classe ouvrière et à la gauche de rassembler des forces jusqu’ici dispersées.

    De tels nouveaux partis sont une arène pour la discussion, le débat et l’élaboration de politiques capables de garantir le succès de la classe ouvrière à l’avenir. L’existence d’une épine dorsale viable de marxiste-trotskistes dans un tel parti est essentielle à son succès. Sans cela, ces partis, y compris le P-SoL, peuvent stagner, voir même diminuer et disparaître, même si ils ont connu initialement des succès. Cela semble toutefois peu probable au Brésil, étant donné l’influence du marxisme dans le P-SoL.

    La tâche des marxistes au Brésil, qui sera ardemment suivie par les marxistes du monde entier, est d’intervenir dans les processus qui se déroulent dans le P-SoL pour l’éloigner du réformisme et des nuances de centrisme – c’est-à-dire une phraséologie révolutionnaire qui couvre des positions réformistes – en rassemblant les meilleures forces à la gauche du P-SoL. La première étape vers cet objectif est la création d’une organisation trotskiste puissante, avec de claires perspectives, tactiques, stratégie et organisation. Le capitalisme entre en crise, mais cela ne signifie pas que la gauche va automatiquement l’emporter. Pour que cela se réalise, il faut créer de nouveaux partis de masse des travailleurs. Les développements au sein du P-SoL seront vivement observés et étudiés par les marxistes du monde entier pour y apprendre les leçons utiles aux développements semblables ailleurs.


    Pour en savoir plus

  • Interview d’un socialiste chinois

    Dean Roberts, du journal australien "The Socialist" (journal du Socialist Party, section australienne du CWI, notre Internationale), s’est récemment rendu en Chine. Durant son voyage, il a rrencontré Li Gang, un socialiste de 25 ans, qui travaille en tant qu’employé à Shanghai, à l’administration dans l’entreprise d’Etat des Chemins de Fer Chinois. Ci-dessous, vous trouverez le compte-rendu d’un entretien qui s’est déroulé à la mi-décembre.

    Dean Roberts

    Peux-tu me parler des conditions de travail auxquelles doivent faire face les Chinois ?

    Li Gang : En gros, les travailleurs en Chine sont divisés en deux groupes. Le premier est constitué de ceux qui ont été assez chanceux que pour pouvoir aller à l’université, et qui visent à obtenir un poste d’employé dans une entreprise d’Etat. Dans les grandes villes, comme Shanghai et Beijing, les diplomés gagnent environ 2000 Yuan par mois (210€).

    Le problème, cependant, est que beaucoup de ces diplomés universitaires ne trouvent pas de travail car il n’y nulle part assez de place. Il y a eu beaucoup de restructurations massives dans les compagnies étatiques ces dernières années, et dans les entreprises privées les salaires et les conditions de travail sont bien moindres. Dans les entreprises d’Etat, on peut travailler de 8h à 17h, du lundi au vendredi et recevoir une assurance-santé et autres avantages.

    L’autre groupe des travailleurs, est celui de ceux qui n’ont pas eu de place à l’université, et des gens de la campagne qui migrent vers les villes pour y trouver un emploi. C’est surtout dans les usines qu’on retrouve tous ces gens, ou sur les chantiers de construction et dans les autres secteurs moins bien payés, comme la vente. Bon nombre d’entre eux travailleraient aussi dans le secteur informel. Le revenu moyen pour ces travailleurs est de seulement 1000 Yuan par mois (105€). Ils n’ont aussi droit qu’à 4 jours de repos par mois, s’ils sont chanceux, et peuvent travailler jusqu’à 12h par jour !

    Dans les boîtes privées, il n’y a pas d’assurance-santé, tout ce qu’on reçoit, c’est un salaire. Une journée de travail typique commence à 8h et ne se termine pas avant que tout le travail n’ait été effectué, ce qui signifie travailler jusqu’à 21 ou 22h !

    Les immigrés en provenance de la campagne subissent une forte discrimination, et ont beaucoup moins de droits que les gens nés dans les villes, et ceci à cause du hùkou. Le hùkou est un système de permis qui détermine où les gens ont le droit de travailler en Chine. Les gens sont grossièrement répartis en travailleurs "ruraux" ou "urbains". Pour une personne venant d’une région rurale, il est quasiment hors de question de pouvoir obtenir un job dans une entreprise d’Etat.

    Quel est l’état des syndicats en Chine ?

    Li Gang : En Chine, le pouvoir des syndicats est très limité, pour employer un euphémisme. Par exemple, les grèves sont interdites par la loi. Comparé à celui des pays les plus développés, le droit du travail en Chine n’est qu’une farce.

    En Chine, les syndicats "officiels" ne sont rien de plus qu’une division de l’Etat. Ils sont un mécanisme de contrôle des travailleurs, pas de combat. Je comprends évidemment que la plupart des syndicats australiens soient plus intéressés par l’obtention d’ordinateurs bon marché et de tickets de cinéma plutôt que par une réelle représentation industrielle des travailleurs, mais en Chine, cet état de fait se situe sur un autre plan. Les syndicats sont extrêmement efficaces pour l’organisation de visites de musées ou de voyages à la Grande Muraille, mais il ne leur viendrait même pas à l’idée de même protester contre la super exploitation actuelle.

    Sur mon lieu de travail, le permanent syndical a son bureau dans la même pièce que le gérant, et il est considéré comme un cadre !

    Plus généralement, quels sont les autres problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs chinois ?

    Li Gang : Par où commencer ?! … Le coût de la vie pour les gens ordinaires est extrêmement élevé. Le prix du logement est un gros fardeau, de même que les soins de santé. Croyez-moi, en Chine, vous devez vraiment vous assurer de ne jamais tomber malade ! Une simple visite à l’hopital coûte jusqu’à 500 Yuan (50€). Puis, il faut payer les médicaments. On trouve de la corruption partout dans le secteur de la santé. Nous sommes dans une situation où les docteurs reçoivent des backchiches de la part des entreprises pharmaceutiques, afin qu’ils prescrivent des médicaments très chers mais inutiles.

    L’éducation en Chine est loin d’être gratuite. Les minervals peuvent aller jusqu’à 5000 Yuan (520€). Quand on regarde le salaire moyen en Chine, on constate que ceci est hors de porrtée de la plupart.

    Les dégâts environnementaux sont un problème qui affecte de plus en plus directement les travailleurs en Chine. Dans les grandes villes, la pollution des cours d’eau et de l’air devient de pire en pire. Il y a déjà eu de nombreuses manifestations au sujet des problèmes environnementaux, et elles ne sont pas près de s’arrêter.

    Qu’est-ce qui t’a mené à te considérer socialiste ?

    Li Gang : En Chine, nous étudions le "marxisme" et le "socialisme" à l’école. L’Etat prétend même que nous vivons sous le socialisme en Chine ! Mais ils ne nous enseignent qu’une version déformée du marxisme, afin de contrôler la population ; en ce qui les concerne eux, le marxisme est une doctrine à réciter par coeur, plutôt qu’une gamme d’outils destinée à changer le monde. L’Etat se contente de nous apprendre la théorie, à condition que nous ne tentions jamais de la mettre en pratique !

    Les enseignements du gouvernement ne sont pas basés sur le marxisme authentique, et nous ne vivons pas sous le socialisme en Chine. Avec toutes les inégalités qui existent dans ce pays, personne ne croit que nous vivons ici un socialisme authentique. J’ai voulu apprendre par moi-même les vraies idées de Marx, Engels, Lénine et Trotsky, afin de pouvoir changer le monde.

    Je suis fâché du gouffre énorme qui existe entre les riches et les pauvres en Chine. Les inégalités qui existent ici seraient impossibles à croire pour la majorité des travailleurs du monde développé. Il y a tellement de gens en Chine qui n’ont pas d’argent ni pour des soins de santé de base, ni pour l’éducation, ni pour un logement décent. Il doit clairement y avoir une meilleure manière de gérer la société. Je veux combattre côte à côte avec les socialistes au niveau international pour une égalité des humains partout dans le monde.

    Quels sont les dangers auxquels doivent faire face les socialistes en Chine ?

    Li Gang : Être un socialiste en Chine est quelque chose de très dangereux. Nous risquons l’arrestation, des années de prison et même la mort. Il est en ce moment interdit par la loi de critiquer le gouvernement.

    On n’a qu’à regarder ce qui s’est passé en 1989 (NDT : le mouvement national de protestation en faveur de la démocratie, qui culmina avec le massacre de la place Tian’anmén du 4 juin 1989) pour voir comment le gouvernement gère le mécontentement. A cette époque, ils ont tué des milliers d’étudiants, dont le nombre réel ne sera jamais révélé. Ces étudiants se battaient contre la corruption de l’Etat et pour des droits démocratiques. Certains se battaient même pour un véritable socialisme.

    Que savent les jeunes des manifestations de 1989 ?

    Li Gang : Rien du tout ! Les événements de 1989 en Chine, et en particulier le massacre de la place Tian’anmén, furent un moment majeur de l’histoire mondiale, mais le gouvernement chinois aimerait faire croire aux gens que rien ne s’est jamais produit. La plupart des jeunes chinois ignorent complètement l’existence de ces manifestations. A cause de la censure, il est extrêmement difficile de trouver des informations à ce sujet, même sur internet. Le sujet tout entier a été rendu tabou par le gouvernement.

    Ce que nous pensons, c’est qu’une nouvelle situation comme les événements de 1989 est inévitable dans le futur. Le couvercle ne peut plus être maintenu bien longtemps sur la marmite bouillonnante qu’est la Chine. La politique actuelle du gouvernement ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu en créant de plus en plus d’inégalités. Les tensions dans la société ne peuvent que s’intensifier, avec l’aggravement de l’économie mondiale.

    La tâche des socialistes est de prendre une part active à la construction d’un nouveau mouvement ouvrier, et de s’y battre pour les idées du marxisme authentique. Lorsque ce mouvement se développera sur une plus large échelle, la classe salariée écrira une fois de plus une nouvelle page de l’histoire de la Chine, posant les bases pour un monde socialiste.

  • Luoyang: “Réforme” ou “trahison” ?

    Premier janvier, festival public à Luoyang organisé au cimetière des martyrs de la révolution

    Ceci est un rapport des manifestations qui se sont déroulées la semaine passée dans la ville de Luòyáng (1), province de Hénán, à la suite de la décision du gouvernement local de vendre le Cimetière Mémorial des Martyrs, qui sera transformé en un cimetière privé réservé aux riches. Cet événement est extrêmement symbolique, montrant bien que plus rien – même pas les tombes des héros militaires – n’est à l’abir de la folie de la privatisation qui s’est emparée des dirigeants "communistes" actuels.

    De la part d’un observateur local

    Démanteler, démanteler encore, démanteler les vivants, démanteler les morts ; démanteler la campagne, démanteler les villes, démanteler les masses, démanteler les martyrs.

    En décembre 2007, dans le Hénán, le journal "Dahe" (2), le premier, a divulgué l’information que le Cimetière Mémorial des Martyrs de Luòyáng allait être démantelé. Ce cimetière avait été construit pour commémorer les soldats de l’Armée de Libération Populaire (ALP) morts pour libérer Luòyáng du régime du Guómíndang lors de la période révolutionnaire de 1945-9. Sur un total de huit cimetières, six ont été démantelés par le gouvernement local afin de construire des cimetières privés avec des emplacements à vendre pour plusieurs dizaines de milliers du yuan (3).

    Les autres chaînes publiques ont rapidement relayé la nouvelle. Quelques personnes, surtout membres de la jeunesse maoïste et du "fenqin", un groupe nationaliste, ont publié des images et des articles critiquant les actions du gouvernement. Désireux de dissiper la colère de ces gens et de réagir aux critiques, le gouvernement de la ville de Luòyáng a répondu qu’il n’allait pas démanteler le cimetière des martyrs, mais au contraire le "rénover". Afin de couper court à toute objection, un des responsables du cimetière fut aussi viré.

    Ceci a mené à l’organisation d’un festival public au cimeetière, ce premier janvier 2008, en guise de protestation face à l’action du gouvernement local. A peu près 200 personnes se sont rassemblées dans le cimetière à neuf heures, surtout des membres des jeunesses maoïstes et pro-militaires, et quelques parents des martyrs. Le gouvernement de Luòyáng a alors envoyé des douzaines de gendarmes et de policiers anti-émeutes pour surveiller l’événement et barrer la route principale qui mène au cimetière. Mais tout se déroula dans le calme et la police se retira du cimetière.

    Un coup porté aux illusions

    L’impact du festival de protestation de Luòyáng perdure encore. Les manifestants ont bien expliqué que si le gouvernement ne donnait pas une réponse satisfaisante, la protestation reprendrait. Sans vouloir exagérer l’importance de cette affaire (qui n’est malheureusement en aucun cas le pire des crimes commis par ce gouvernement), nous trouvons tout de même ici face à un des actes de démolition des plus monstrueux et détestables.

    La réalité est le meilleur des professeurs. Cette affaire a porté un grand coup à tous ceux qui entretiennent encore des illusions dans le régime actuel, ainsi que pour tous ceux qui crient "mort aux USA et au Japon" et "rayez Taiwan de la carte".

    Nous respections ceux qui sont morts lors de la lutte de libération de la Chine de la domination impérialiste, et dont les idéaux étaient ceux de l’égalité sociale. Nous comprenons ceux qui aujourd’hui recherchent parmi cette génération un modèle et une inspiration, même si nous croyons en la nécessité d’une approche politique et d’un programme différents, càd. basés sur la classe salariée, socialistes et internationalistes. A cette occasion, nous aimerions rappeler à la jeunesse maoïste et au "fenqin" de ne pas se laisser leurrer par le "patriotisme" et le "socialisme à la chinoise".

    Un vernis "socialiste" ne peut plus suffir à cacher le noyau capitaliste qui prévaut dans la société actuelle. Qui est-ce qui vend le peuple ? Qui est-ce qui trahit la révolution ? Qui est-ce qui sert l’avidité du capital ? Tout ceci est bien assez clair.


    1. Luòyáng est une des plus anciennes villes de Chine, située dans le Hénán province de la Chine où on trouve le plus d’habitants, sur les rives du Fleuve Jaune, au centre du pays
    2. Presse d’Etat régionale, le Dahe est le 65ème plus grand journal du monde
    3. 10.000 yuan valent 1040€, et le salaire moyen d’un travailleur chinois est de 105€ par mois
  • Le Pakistan divisé par la lutte pour le pouvoir

    Début novembre, le général Musharaf a renforcé son contrôle sur le pays en déclarant l’Etat d’urgence en utilisant le prétexte d’une décision de la Cour Suprême annulant son élection. La Constitution, qui rend impossible qu’un dirigeant de l’armée se fasse élire président, a été temporairement suspendue.

    Thomas

    L’image « démocratique » du dirigeant de l’armée et du pays a donc été ternie, situation problématique tant pour la dirigeante de l’ « opposition » Benazir Bhutto du PPP (Pakistani Peoples Party, qui avait précédemment conclu une alliance avec Musharaf) que pour les alliés américains du président.

    Mais ces mesures d’exception ne sont que le produit du contexte dans lequel évolue le pays. Après les attentats du 11/09/01, le Pakistan a été contraint de choisir le camp des USA dans la « guerre contre le terrorisme », ce qui l’a obligé à modifier son attitude favorable aux Talibans et à l’Afghanistan. En contrepartie, les USA ont accordé un soutien à Musharaf pour opprimer l’opposition interne.

    Malgré le coup d’Etat militaire par lequel Musharaf est arrivé au pouvoir, malgré la possession d’armes nucléaires, malgré les années de course à l’armement engagée avec l’Inde, Bush présentait le Pakistan comme une forteresse de la démocratie! Le Pakistan est déchiré par des contradictions externes et internes. La position centrale du pays dans la région le place au centre d’une lutte d’influence et de pouvoir où s’exercent des pressions tant de la part des USA que de la Chine. Sur le plan interne, le Cachemire et le Baloutchistan luttent pour leur autonomie tandis que des régions de la Province de la Frontière du Nord-Ouest (NWFP) sont hors du contrôle de l’autorité centrale.

    Et c’est encore sans compter la lutte de pouvoir entre l’armée et la bureaucratie de l’administration bourgeoise (y compris les magistrats et les avocats). En 1999, Musharaf a écarté cette bureaucratie en se basant notamment sur les fondamentalistes islamistes, ce qui a permis au dirigeant de l’armée de devenir président. Mais, après le virage de 2001, pour plaire à son allié américain, Musharaf avait besoin d’une image relativement démocratique et laïque. Cette tension a conduit à l’invasion de la Mosquée Rouge tenue par les intégristes l’été dernier.

    Le dictateur militaire a perdu une grande partie de son soutien, non seulement au sein de l’appareil judiciaire et des fractions de l’armée, mais aussi dans la population qui subit depuis des années les conséquences de sa politique d’austérité. L’abandon de ses fonctions militaires ne changera rien, seule la création d’un instrument politique des travailleurs et des pauvres capable de se diriger vers une transformation socialiste de la société est une solution.

    Socialist Movement Pakistan

    Notre parti-frère pakistanais fait face à des difficultés extrêmement pénibles suite à la répression et à la violence. Ainsi, les semaines dernières, il n’était plus possible de rentrer en contact avec nos camarades de la vallée de Swat, ni d’ailleurs dans le NWFP. Dans d’autres villes, le SMP a participé aux mobilisations où l’armée est intervenue de manière très répressive et brutale.

  • La politique néolibérale rogne notre niveau de vie !

    Sécurité sociale et pouvoir d’achat sous pression

    Les négociateurs de l’Orange Bleue sont très vite arrivés à un accord sur des mesures socio-économiques qui sont autant d’attaques contre notre niveau de vie et contre la sécurité sociale. Pour payer les nouveaux cadeaux promis au patronat (les libéraux veulent au moins 3 milliards d’euros de réduction de charges), ce sont notamment les allocations et les salaires qui devraient casquer. La sécurité sociale conquise par le mouvement ouvrier est en danger.

    Geert Cool

    Sécurité sociale: produit de la lutte des travailleurs

    Tous les aspects de la sécurité sociale telle que nous la connaissons aujourd’hui sont le résultat des luttes des travailleurs. La grande grève de 1886 a conduit à la suppression de la loi « Le Chapelier » qui interdisait les grèves et les organisations de travailleurs (les idéologues antigrèves d’aujourd’hui trouvent visiblement que c’était une erreur !).

    Organisés, les travailleurs ont pu conquérir de nouveaux acquis sociaux, d’abord sur leurs propres épaules (en constituant, par exemple, des caisses de chômages indépendantes), avant d’obtenir l’organisation de ces avancées par l’Etat. Les travailleurs eux-mêmes ont répondu à l’insécurité individuelle par la solidarité collective.

    L’impact international de la Révolution russe de 1917 a permis d’obtenir des avancées sociales chez nous aussi. Le patronat belge craignait la contagion de l’exemple russe et il a donc concédé le suffrage universel masculin (en 1919) mais aussi la journée des 8 heures (en 1921), l’octroi des pensions (en 1924-25) ou encore les allocations familiales (en 1927). Ensuite, la grève générale de 1936 a arraché les congés payés.

    La sécurité sociale telle que nous en bénéficions actuellement provient de la « loi sur la sécurité sociale » du 28 décembre 1944. Juste après la Deuxième Guerre Mondiale, la situation sociale préoccupait la bourgeoisie. L’expérience leur avait appris que la guerre pouvait entraîner des révolutions et qu’accorder des concessions importantes aux travailleurs était le prix à payer pour garantir l’avenir du système capitaliste. L’instauration de la sécurité sociale – une assurance obligatoire et généralisée permettant de faire face à la maladie au veillissement, à la charge des enfants et au chômage – est arrivée dans ce cadre.

    Pourquoi épargner sur la sécurité sociale ?

    La logique néolibérale adoptée par tous les partis traditionnels affirme que les cadeaux reçus par le patronat favorisent les investissements et augmentent de ce fait l’emploi, ce qui a un double effet bénéfique pour la sécurité sociale en augmentant les rentrées (en nouvelles cotisations) et en diminuant les dépenses (en allocations de chômage). Pour permettre la réalisation d’une succession de mesures de ce type, le prochain gouvernement devrait trouver environ 10 milliards d‘euros – le double des assainissements du Plan Global de 1993 ! Et où veulent-ils trouver cet argent ? Notamment dans la sécurité sociale elle-même, en épargnant sur les allocations ! Pourtant, les réductions successives de charges patronales n’ont en rien permis une diminution du chômage.

    La sécurité sociale n’a pas seulement eu à souffrir des diminutions de charges sociales. Les chèques services sont aussi passés par là. L’année passée, cette mesure qui permet à l’employeur de payer une partie seulement du salaire – le reste étant pris en charge par l’Etat, c’est-à-dire par nous – a coûté 200 millions d’euros à la caisse de sécurité sociale. Ce chiffre pourrait même atteindre 1 milliard d’euros en 2008! Mais les chèques services signifient emplois précaires à bas salaire.

    Le résultat de cette politique est l’accroissement d’un gouffre vertigineux entre riches et pauvres. Le taux de pauvreté est maintenant de 15% en Belgique, contre 6 % dans les années ‘90. La pauvreté grandissante met sous pression la sécurité sociale. Face à cela, les partis traditionnels réagissent contre les victimes alors que c’est leur politique qui crée cette misère. Au lieu d’agir contre le chomâge, on agit contre les chômeurs. Les pensionnés sont aussi pointés du doigt parce qu’ils partiraient « trop tôt » en retraite, mais on oublie de préciser que les retraites belges sont parmi les plus basses d’Europe alors que ces mêmes pensionnés ont contribué durant des années à la sécurité sociale. Ces contributions n’avaient peut-être comme seul objectif de pouvoir baisser encore les charges patronales ?

    La dernière note de Leterme :

    • La seconde note de formation de Leterme appelait les partenaires sociaux à « poursuivre un développement justifié des salaires » pour effacer « le handicap des coûts salariaux de 1,5% face aux partenaires commerciaux les plus importants». Donc : les salaires ne pourraient pas augmenter et la baisse du pouvoir d’achat actuelle devrait se poursuivre.
    • Les patrons devaient aussi recevoir 3 milliards d’euros de réduction de charges, autant en moins pour la sécurité sociale. Les contributions « patronales » à la sécurité sociale n’ont cessé de baisser ces dernières années : pour la seule année 2006, il s’agissait de 5,415 milliards d’euros.
    • Libéraux comme chrétiens-démocrates veulent voir les institutions privées jouer un plus grand rôle dans les soins de santé tandis que les dépenses publiques ne devraient connaître qu’une légère hausse. Cet accent sur les institutions privées ne conduit qu’à agrandir encore le fossé entre riches et pauvres.
    • La note proposait que les pensions ne dépendent plus de l’âge mais de la « durée de carrière ». En d’autres termes : un Pacte des Générations bis avec le risque pour certains de ne pouvoir accéder à la retraite à l’âge de 70 ans.
    • Toujours sur ce thème, Leterme voulait favoriser les assurances privées sous forme de pensions additionnelles. Le résultat d’une telle évolution est une différence grandissante entre les pensions les plus basses et les plus hautes : actuellement, les 20% des pensions les plus hautes sont environ 16 fois supérieures aux les 20% des plus basses!
    • Allocations de chômage : les négociateurs voulaient les réduire, soit en les limitant dans le temps (tout en renforçant la « chasse aux chômeurs »), soit en augmentant les allocations lors des premiers mois de chômage pour les diminuer fortement après un an.

    25 ans de politique néolibérale et d’attaques contre notre niveau de vie

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    Le prix de la politique néolibérale :

    • 4% des travailleurs sont officiellement pauvres (c’est-à-dire qu’ils touchent moins de 772 euros par mois).
    • En 2007, 55.000 familles ont dû recourir au CPAS faute de pouvoir payer leur facture de gaz et d’électricité, contre 37.500 familles « seulement » en 2006.
    • 9% de la population reporte à plus tard des soins médicaux parce qu’ils ne peuvent pas les payer.
    • Les 10% des familles les plus pauvres consacrent en moyenne 25 euros par an à l’enseignement, contre 30 fois plus (776 euros) pour les 10% de familles les plus riches.
    • Un chômeur chef de famille touchait au minimum 49 % du salaire moyen en 1985, pour 43% en 2000.
    • En 1990 le revenu minimal d’insertion était encore mensuellement équivalent à 739 euros, il n’est plus que de 711 euros en 2006.

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    Ces 25 dernières années ont vu déferler plusieurs offensives contre la sécurité sociale, et plus généralement contre notre niveau de vie. La part des revenus du travail dans l’ensemble des revenus au sein de l’Union Européenne est descendu en 2006 jusqu’à 57,8%, le niveau le plus bas depuis 25 ans. En Belgique, ce taux est même passé l’an dernier pour la première fois sous la barre des 50% ! Cela signifie que les salaires cèdent de plus en plus la place aux profits, ce qui en pratique revient à une augmentation de l’inégalité et à une concentration des richesses dans les poches d’une minorité toujours plus petite.

    Les salaires réels ont eux aussi baissé : depuis 1981, ils diminuent en moyenne de 0,4% chaque année ! Ils ne peuvent donc pas suivre le rythme de l’augmentation du coût de la vie et de la productivité. Aux travailleurs de payer pour les immenses profits des entreprises. On nous raconte que nous devons être concurrentiels face aux travailleurs des pays de l’Est ou de la Chine, alors que les managers reçoivent des salaires records (pour être concurrentiels avec les salaires des managers américains). Un manager américain reçoit environ en une journée ce que ses travailleurs gagnent en une année. Va-t’on en arriver là chez nous aussi ?

  • Stagflation: syndrôme d’une maladie chronique

    Stagflation. Le mot a lui seul effraie les économistes et les politiciens bourgeois, à leurs yeux le pire mal que puisse contracter l’économie. La stagflation désigne le développement combiné d’une inflation (hausse des prix ) et d‘une stagnation économique.

    Eric Byl

    Intervention de l’Etat

    De la grande dépression de 1929-33 le Britannique John Maynard Keynes avait tiré la leçon que les autorités feraient mieux de « corriger » et de « tenir sous contrôle » l’économie capitaliste. Keynes pensait pouvoir éviter les dépressions catastrophiques du passé par de fortes dépenses publiques, si n écessaire au prix de déficits financiers provisoires.

    Dans la période d’après-guerre, la menace du « communisme » semblait très réelle. Le capitalisme venait de perdre le contrôle d’un tiers du globe. Les capitalistes étaient donc prêts à faire des concessions considérables pour sauver leur système. Ce sont ces conditions exceptionnelles qui ont permis de mettre les idées de Keynes en pratique. Il n’en fallait pas plus aux « réformistes » des partis socialistes pour se convertir au keynésianisme et déclarer que le marxisme était désormais « dépassé ».

    Récession et inflation

    Mais les dirigeants capitalistes étaient étourdis par la croissance économique apparemment indéfinie et n’avaient pas remarqué le réveil du monstre de l’inflation que préparait l’injection massive de crédit. Marx avait pourtant expliqué le rôle de l’argent dans la circulation des marchandises dans un système capitaliste. Il démontrait que si l’on met en circulation deux billets de banques là où il ne pourrait y en avoir qu’un, l’argent supplémentaire sera absorbé par les marchandises en circulation et les prix doubleront.

    Tant que la production capitaliste a continué à croître, aucun problème ne s’est posé. Mais dès qu’elle s’est heurtée aux limites du marché, l’inflation a explosé. La valeur du dollar s’est effritée. Le gouvernement américain à du découpler le dollar de l’or. Cela a mis en danger tout le système monétaire mondial et a déclenché pour la première fois depuis les années ’30 une guerre commerciale. D’une moyenne de 12% par an, la croissance du commerce mondial est tombée à 4% par an entre 1973 et 1978. Pour faire face à la baisse de 12% de la valeur du dollar, les pays producteurs du pétrole réunis dans l’OPEP ont augmenté le prix du pétrole.

    Le facteur fondamental de la crise était néanmoins la baisse du taux de profit (qui mesure le rapport entre le profit réalisé et le capital investi). Le développement de la science et de la technique exige une division du travail de plus en plus prononcée dans des unités de production de plus en plus sophistiquées et de plus en plus coûteuses. Ceci mine le taux de profit et entrave la course au profit. Pendant la crise de 1974-75, la croissance des investissements est retombée de 6% à 2% par an et le chômage dans les pays capitalistes développés a doublé.

    La stagflation a été surmontée au moyen des politiques néo-libérales – lancées par Thatcher en Grande-Bretagne et Reagan aux Etats-Unis et appliquées ensuite ailleurs – qui ont consisté en une attaque directe contre les salaires et les conditions de travail, couplée à une diminution des dépenses publiques et une augmentation des taux d’intérêt. Les dirigeants capitalistes ont en fait décidé de laisser la stagflation suivre son cours – ou plus précisément d’en faire payer les frais par les travailleurs et leurs familles. La Grande-Bretagne est devenue un désert industriel tandis que les Etats-Unis et les autres pays capitalistes avancés ont subi une sérieuse désindustrialisation.

    La pause provoquée par la chute du stalinisme a pris fin

    En partant cette année à la retraite, le dirigeant de la Banque Fédérale américiane Alan Greenspan a déclaré dans son livre « Le temps des turbulences » : « Je n’envie pas mon successeur. A mon époque, il y avait beaucoup de pays en développement qui, après la guerre froide, accueillaient l’idéologie du libre marché. Les bas salaires dans ces pays faisaient baisser les coûts. En conséquence l’inflation restait basse et les banquiers centraux pouvaient stimuler l’économie de façon relativement simple en baissant le taux d’intérêt. Ce temps est fini. »

    Avec la chute des régimes staliniens en 1989, la main-d’oeuvre disponible sur le plan mondial a doublé, le taux d’exploitation des travailleurs a augmenté fortement et le taux de profit s’est restauré. Mais tout cela touche à sa fin : Greenspan s’attend maintenant à une période de stagflation et d’insécurité sur les marchés financiers.

    Au cours des dix dernières années, les Etats-Unis ont servi d’ « acheteur en dernier recours » mais, en 2005, le déficit de la balance des paiements a atteint la somme record de 805 milliards de dollars ! Tout autre pays dans une telle situation aurait été déclaré en faillite. Mais aucun pays ne désire que ce géant économique chute, par peur qu’il entraîne l’économie mondiale dans son déclin. Des investisseurs étrangers détiennent des obligations d’Etat américaines pour une valeur de 12.000 milliards de dollars. Les banques nationales asiatiques, et surtout la banque chinoise, et les institutions de crédit ne sont pas prêtes à perdre tout cela. Elles essaient donc, surtout depuis la crise immobilière de cet été, de diversifier leurs réserves en d’autres monnaies. Par conséquent, le financement de la montagne de dettes des Etats-Unis est de plus en plus menacé. Si le dollar s’écroule, les Etats-Unis devront monter fortement leurs taux d’intérêt pour conserver leur attrait pour les capitaux étrangers. Mais en même temps cela fera tomber la consommation américaine. Cela entraînerait le reste de l’économie mondiale, y compris l’Asie, dans une spirale vers le bas.

    En même temps, l’inflation revient. Certes, certains prix baissent – ceux des produits de consommation durable (télés, ordinateurs, téléphone,…) et ceux des produits bon marché venant de Chine et d’Asie. Par contre, la hausse du prix du pétrole, et à la suite celle du prix des autres matières premières, et les profits phénoménaux des dernières années ont assuré une abondance de capitaux qui a un fort effet d’inflation.. Provisoirement cette abondance de capitaux est absorbée par des investissements non-productifs dans la spéculation sur les actions et les obligations ainsi que dans l’immobilier. Si ces prix s’écroulent aussi, cette masse de capitaux se libérera et provoquera un effet d’inflation terrible. Si, en plus, le protectionnisme freine l’arrivage de marchandises bon marché venant d’Asie, nous entrerons bientôt dans une situation de récession économique combinée à une inflation galopante de 5 à 8 % (voire plus), bref à une stagflation.

    Une telle situation est à l’ordre du jour, mais le calendrier exact est difficile a estimer. Cela peut se produire à tout moment comme cela peut également être reporté. Mais plus ce sera postposé, plus la crise frappera durement, tout comme la désintoxication est plus dure si l’intoxication a été longue.

    L’effet sur la lutte de classe est difficile à juger. La période précédente de stagflation a provoqué une vague révolutionnaire qui a menacé l’existence du système. Les réserves construites pendant la période d’après- guerre et l’autorité qu’avaient les partis socialsites et « communistes » (là où ils avaient une base de masse) ont finalement pu freiner ce mouvement. Mais il suffit de se rappeler les effets qui subsistent de Mai ’68 – le mouvement de démocratisation de l’enseignement qui n’est toujours pas entièrement détruit – ou de la révolution portugaise des Oeillets et des diverses révolutions dans les anciennes colonies afin d’en estimer l’impact profond.

  • Une crise économique mondiale est-elle inévitable ?

    La base de la croissance économique mondiale de ces dernières années a été l’augmentation du pouvoir d’achat de la population américaine. Cette augmentation reposait sur la croissance de sa richesse virtuelle (sur base de l’envolée des prix des maisons) de pair avec une politique de crédits à bon marché qui incitait les familles à contracter des emprunts. Donc, alors que le salaire réel des familles américaines baissait insensiblement depuis des années, celles-ci ont consommé avec de l’argent qu’elles devaient encore gagner !

    Kristof

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    La Chine: une roue de secours ?

    Selon les économistes bourgeois, la Chine peut, en formant son propre marché intérieur, devenir le moteur de l’économie mondiale et relayer les USA.

    L’impressionnante croissance chinoise est essentiellement basée sur des investissements étrangers, en majorité américains, permettant de produire à bas coût pour l’exportation. La Chine est ainsi fortement dépendante des USA et de l’Europe. Si la croissance ralentit dans ces pays, cela aura un effet majeur sur la Chine.

    Si la Chine veut se doter d’un marché intérieur considérable, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, alors les salaires doivent augmenter de manière importante. Mais cela saperait la base de sa croissance et des profits !

    Dans le passé, la Chine a maintenu une position exportatrice favorable en aidant les Etats-Unis à tenir debout. Elle a financé les déficits de la balance commerciale des USA (800 milliards d’euros par an !) en plaçant son argent dans les banques américaines. La baisse continuelle du dollar rend cela intenable. Quelques banques chinoises auraient déjà commencé à « diversifier » discrètement leurs investissements dans d’autres pays. Si cette tendance continue, le deuxième débouché de la Chine – les USA – se rétrécira et l’Europe, le marché le plus important, partagera les coups et la Chine finira elle aussi par en faire les frais.
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    Crise immobilière aux USA

    Les hausses successives des taux d’intérêt ces derniers mois ont posé de plus de plus de difficultés à un nombre grandissant de familles. Plus d’un million d’Américains ont vu leur maison saisie pour défaut de paiement. Une véritable crise s’est ainsi développée sur le marché immobilier américain. Son intensification au cours de l’été a mis à mal les institutions financières qui gèrent les hypothèques ou qui les revendent sur les marchés financiers. Des dizaines de milliers de personnes ont été licenciées. Une pénurie de crédit s’est développée parce que les banques ont d’un coup exigé des taux plus élevés pour les emprunts à risque. Cela fait que la crise menace de s’étendre vers d’autres secteurs, ce que les différentes banques centrales ont tenté de surmonter en accordant aux banques des crédits d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars.

    Le marché américain de l’immobilier est en crise et le bout du tunnel n’est pas proche. Les ventes de maisons ont diminué de 6,5 % en août pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2001. Le niveau actuel est 22 % plus bas qu’il y a un an. En août, le prix de vente demandé par les constructeurs de maisons était 7,5 % moins élevé que l’an dernier et en septembre, les ventes de maisons neuves ont atteint leur niveau le plus bas depuis mars 1993. Durant ce même mois de septembre, 223.538 familles n’ont pas pu payer leur hypothèque (le double de septembre 2006 !). La confiance des constructeurs américains de maisons a atteint son niveau le plus bas depuis 22 ans.

    Allan Greenspan, l’ancien président de la FED (la banque centrale américaine), a déclaré que la baisse du marché immobilier « sera plus importante que ce à quoi la plupart des gens s’attendent ». Selon David Rosenberg (de la banque Meryl Lynch), cette chute pourrait même atteindre 20 %, du jamais vu ! Pour Robert Shiller (de la Yale University), l’effondrement des prix de l’immobilier qui s’annonce sera le plus important depuis la « Grande Dépression » qui a commencé avec le krach boursier de 1929.

    La crise immobilière commence donc à gagner en importance et pourrait engendrer un effet boule de neige si de plus en plus de propriétaires immobiliers souhaitaient vendre leur maison rapidement alors qu’il existe déjà actuellement un excès de maisons en vente.

    Suite à la crise du crédit, les banques adoptent dans le monde entier des conditions plus rigoureuses pour accorder des emprunts ce qui, selon la Banque Centrale Européenne, devrait encore s’aggraver au trimestre prochain. Cela n’a pas uniquement des conséquences pour les familles qui veulent contracter une hypothèque, mais aussi pour les entreprises.

    L’économie U.S. s’essoufle

    La crise immobilière et la crise de crédit qui en résulte contaminent aussi d’autres parties de l’économie. La FED a admis à la mi-octobre que l’économie américaine est en train de ralentir. Le FMI a baissé de 0,9 % sa prévision de croissance pour les USA en 2008, la ramenant à 1,9 %, trop peu pour maintenir en équilibre le taux d’emploi. La hausse du chômage est d’ailleurs déjà visible.

    En août, les commandes des entreprises ont connu leur plus forte diminution depuis le début de l’année (-3,3 %). Les profits des banques ont fortement reculé durant le troisième trimestre, de même que ceux d’entreprises de construction comme Caterpillar.

    Les taux d’intérêt peu élevés et les prévisions économiques revues à la baisse ont rendu le dollar moins attractif pour les investisseurs étrangers. Le dollar ne s’effondre pas uniquement face à l’euro mais également vis-à-vis d’autres monnaies. Une économie américaine affaiblie pourrait inciter à ne plus investir dans le dollar, ce qui ne ferait que rendre la probabilité d’une crise mondiale plus tangible.

    Vers une récession mondiale ?

    La crise immobilière aux USA peut – entre autres à cause des conditions de crédit plus rigoureuses – s’étendre vers d’autres pays. Dans les autres pays capitalistes développés, par exemple, les prix immobiliers ont augmenté encore plus rapidement qu’aux Etats-Unis au cours des quinze dernières années (+70% depuis 1990 contre +50% aux USA). En Espagne, en Irlande et en Grande-Bretagne, les prix ont doublé durant cette période et les familles disposent de moins en moins de réserves financières, ce qui rend ces pays d’autant plus vulnérables. Beaucoup de pays ont vu leur position en matière d’exportations s’affaiblir à cause de la faiblesse du dollar. Ainsi l’euro se trouve depuis un moment déjà au-dessus du seuil sensible de 1,40 $/euro.

    Le FMI a accompagné ses prévisions de croissance de déclarations selon lesquelles la crise financière « contraindra les gouvernements sur le plan mondial d’adopter des modifications substantielles à leurs propositions de budget ». Et qui en seront les victimes ? Avant tout les salariés et leurs familles.

    Il est donc possible que nous soyons à l’aube d’une récession économique. La bourgeoisie réussira-t-elle à la postposer ? Ce n’est pas à exclure, mais les « solutions » au sein du capitalisme sèment inévitablement les graines d’une crise future plus importante encore.


    Files d’attente au Royaume Uni

    La banque britannique Northern Rock illustre la fragilité croissante du système financier. Ses gros profits de l’an dernier ont été réalisés en concluant et en commercialisant des emprunts, surtout hypothécaires. Avec la crise du crédit, la confiance des investisseurs a disparu, créant la panique. La banque centrale du Royaume-Uni, la Bank of England (BoE), a dû se porter à son secours à la mi-septembre en mettant à sa disposition 3 milliards de livres.

    La cotation en Bourse de Northern Rock s’est alors effondrée et se sont formées devant ses guichets d’énormes files (jusque sur la rue !) de clients désirant solder leurs comptes. Ces files n’ont disparu qu’au troisième jour, lorsque le gouvernement s’est porté garant pour la banque.

    Afin d’éviter toute extension, la BoE a finalement renfloué les caisses de Northern Rock de 10 milliards de livres. Le message qui en ressort pour les investisseurs est limpide : prenez des risques, si nécessaire, nous interviendrons avec des moyens publics si vous avez des problèmes !

  • Wal-Mart: Le modèle US

    Si Carrefour, fort de sa présence dans 29 pays, est le n° 2 mondial de la distribution, la multinationale américaine Wal-Mart en est le n°1 incontesté et est même devenue en 2003 la première entreprise mondiale, toutes catégories confondues. Son chiffre d’affaires est aujourd’hui supérieur à celui de 150 pays dans le monde !

    Le premier magasin Wal-Mart est né en 1962 dans l’Arkansas, un des Etats ruraux et délaissés des USA. Pendant trente ans, la firme a assis son influence aux USA, écrasant méthodiquement ses concurrents, avant de partir en 1992 à l’attaque du Canada et de l’Amérique Latine, puis de s’implanter en Chine, en Allemagne et en Grande- Bretagne. Si Carrefour est présent dans plus de pays (29 au total), Wal- Mart dispose d’une « arme de distribution massive », à savoir ses 100 millions de clients aux Etats-Unis qui se reconnaissent dans son slogan « everyday low prices » (les prix les plus bas chaque jour).

    Et, de fait, ses prix sont en moyenne 14% plus bas que ceux des concurrents. Comment est-ce possible ? Grâce au « modèle « Wal-Mart » qui rend les concurrents malades de jalousie… et qui, surtout, est de plus en plus copié par les autres multinationales.

    Le point de départ, ce sont des salaires bas, pour les 1,3 millions d’employés de la firme aux USA et surtout pour ceux de ses innombrables sous-traitants. Car Wal-Mart sous-traite de plus en plus et délocalise de plus en plus loin. Une partie grandissante de sa production est réalisée en Chine (notamment pour l’électronique) et au Bangladesh (Wal Mart achète à elle seule 14% des exportations textiles de ce pays vers les USA !) dans des entreprises où les conditions de travail sont celles du 19e siècle européen.

    Si les économies ainsi réalisées sont importantes, le coût écologique de cette dispersion est évidemment colossal : transports aériens et maritimes incessants mais aussi ronde infernale des 7.000 camions géants de la firme qui roulent et polluent 24 h sur 24 pour remplir les rayons et les frigos de ses 5.000 hypermarchés. Mais c’est là visiblement le cadet des soucis de la firme.

    Et la clé qui maintient tout le système en place, c’est l’interdiction de toute présence syndicale dans l’entreprise. Régulièrement, des groupes de travailleurs sont licenciés pour s’être simplement syndiqués et plusieurs magasins de la chaîne ont été purement et simplement fermés pour « faire un exemple » et éviter tout risque de « contagion ».

    Ce modèle « Wal Mart » est comme un concentré du modèle américain ultra-libéral cher à Reagan et à ses successeurs. Et comme le disait le président George Bush père en 1992, « Le succès de Wal-Mart est le succès de l’Amérique ».

  • Les Banques Centrales distribuent des centaines de milliards d’euros aux speculateurs!

    Deux millions d’Américains vont perdre leurs maisons, 80.000 leur emploi

    Pendant des années, des banques américaines ont signé à tour de bras des prêts hypothécaires à des ménages qui, sans cela, n’auraient pas eu les moyens de se payer une maison.

    Kristof et Eric Byl

    Tant que le prix de l’immobilier augmentait (et avec lui la valeur des maisons mises en gage), la plupart parvenaient à rembouser ces prêts. Mais ces derniers mois, les taux d’intérêt ont monté et le prix de l’immobilier a baissé. Résultat : le nombre de ménages en cessation de paiement des prêts hypothécaires (majoritairement à taux d’intérêt variable) a atteint 16% chez les ménages les moins solvables et 5% chez les autres. 2 millions de propriétaires américains (5% du total) risquent de perdre leur maison avant la fin de l’année.

    Dans cette crise, 84 sociétés de crédit ont déjà fait faillite ou ont été mises en vente et 60.000 emplois ont été perdus dont 20.000 dans le bâtiment. Mais la crise ne s’arrête pas là. Car beaucoup d’emprunts hypothécaires à risques ont été transformés en actions (« titrisés ») et revendus à d’autres banques américaines et étrangères. Par conséquent, personne ne connaît l’effet exact de cette crise – au départ très limitée – sur le reste du système financier mondial. HSBC, la troisième banque mondiale, à perdu 5,65 milliards de dollars, la banque américaine Citigroup plus de 500 millions, la banque allemande WestLb 1,25 milliard d’euros. La BNP-Paribas française a du geler trois de ses fonds d’investissement.

    Après les dernières crises (1982, 1987, 1996, 2001), les reprises économiques se sont faites à coup d’emprunts. Mais aujourd’hui, les banques ne sont plus prêtes à financer des prêts. Ceci menace de mettre fin à la vague mondiale de fusions et de reprises d’entreprises qui est un moteur important de l’activité boursière.

    Les banques hésitent même à se faire mutuellement des prêts, ce qui a créé une pénurie de liquidités. C’est pourquoi les Banques Centrales européenne, américaine et japonaise sont intervenues en injectant des centaines de milliards de dollars en crédits à bon marché. Après les attentats du 11 septembre 2001, la BCE avait injecté 69 milliards d’euros ; aujourd’hui, elle a dû en mettre 230 milliards !

    L’ampleur de ces interventions illustre à quel point les banques centrales prennent au sérieux la situation, ce qui a provoqué encore plus d’inquiétude chez les investisseurs. Cet aff lux d’argent et l’assouplissement des crédits ont permis aux marchés financiers de respirer.

    VERS UNE CRISE IMMINENTE?

    La plupart des stratèges économiques poussent des soupirs de soulagement. L’espoir grandit de voir la tempête annoncée se dégonfler. En réalité, la crise est inscrite dans la situation actuelle.

    Sur le marché mondial, le nombre de travailleurs disponibles pour les entreprises capitalistes a doublé avec l’effondrement de l’Union Soviétique et du bloc de l’Est et avec le choix fait par les dirigeants chinois d’introduire l’économie de marché. La forte hausse du taux d’exploitation des travailleurs qui a accompagné ce processus a assuré des chiffres de profits records mais le pouvoir d’achat n’a pas pu suivre la production. Ceci doit inévitablement mener à une crise de surproduction et à une récession.

    Ces dernières années, la crise a été systématiquement reportée grâce au crédit extrêmement bon marché basé sur des taux d’intérêts historiquement bas. Cela n’a été possible que parce que les pays producteurs de pétrole de l’OPEP, la Chine et le Japon ont continué à investir leurs excédents commerciaaux en dollars. Mais aucune économie, même la plus forte du monde, ne peut continuer à vivre aux crochets du crédit. Tôt ou tard, les Etats-Unis devront se désintoxiquer mais, comme tout toxicomane, la FED à préferé une dernière piqûre de crédit. Des banques asiatiques ont déjà perdu des milliards à cause de la baisse du dollar. Jusqu’à quand vont-elles tolérer de telles pertes si le dollar continue à réculer ? Mais si elles vendent leurs réserves en dollars, celuici risque de glisser complètement vers le fond.

    Il est peu probable que les capitalistes soient capables de postposer encore des années leur crise. Mais on peut déja affirmer que plus elle sera postposée, plus ses effets seront devastateurs. Nous pouvons nous attendre au cours des prochaines années à des tremblements de terre dans l’économie mondiale, avec des licenciements et des fermetures sur une échelle beaucoup plus large encore qu’aujourd’hui.

    Il n’est pas possible de trouver des solutions fondamentales au sein du capitalisme. Ce système malade doit être remplacé par une économie démocratiquement planifiée où le travail disponible est utilisé en fonction des besoins de toute la population et pas en fonction d’une élite de plus en plus riche.

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