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  • Le MAS évalue le CAP et son rôle dans la création d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique

    Le CAP était un essai louable pour la création d’un nouveau parti des travailleurs mais il s’est heurté aux obstacles sur son chemin

    Comité National du MAS, 3-4 Mai

    1. Que la création d’un nouveau parti des travailleurs ne serait pas un processus linéaire, nous le savions au travers des expériences internationales de plusieurs sections du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et nous l’avions déjà écrit à de nombreuses reprises. L’expérience du CAP illustre que diverses étapes devront être parcourues avant de pouvoir réussir vraiment un nouveau parti.

    2. Le processus de formation d’un organe politique de lutte pour la classe des travailleurs est déterminé dans chaque pays par la situation objective spécifique, l’organisation de la classe des travailleurs, les groupes de gauche existants,… En Belgique, comme nous le disions déjà dans le passé, le processus devrait inévitablement passer par l’étape de cassure massive de la part de la base syndicale avec sa direction social-démocrate et ses partis: le SP.a et le PS. La lutte contre le Pacte de Solidarité entre les Générations portait en soi, selon nous, des éléments d’une telle cassure. C’est sur base de cette lutte qu’un socialiste “classique” tel que Sleeckx et l’ancien président de la FGTB Debunne sont arrivés à la conclusion qu’à côté du SP.a, il fallait un nouveau parti pour la classe des travailleurs. Ce constat a été porté par un groupe important de syndicalistes en Flandre. Faire un constat correct est une chose, prendre une initiative politique adaptée, avec l’approche et le programme nécessaire pour faire aboutir un tel parti en est une autre. C’est ce que nous avons pu vivre dans la pratique ces deux dernières années.

    3. Le Comité pour une Autre Politique avait un potentiel important et il était donc à 100% nécessaire que le MAS/LSP avec quelques centaines de syndicalistes, de militants et de gens de gauche saisissent ces possibilités afin de réunir les forces et de lancer un nouveau parti large des travailleurs.

    4. La lutte des classes n’est pas un jeu de société, mais une lutte qui exige du sérieux et de l’acharnement, vu le caractère impitoyable de notre adversaire, la classe des capitalistes. Celle-ci a déjà suffisamment prouvé qu’elle ne se gênait pas pour museler la classe des travailleurs. La violence brutale est une méthode qu’elle utilise, mais la ruse, la tromperie, la corruption, la trahison,… sont souvent des méthodes plus subtiles. Face à cela, la classe des travailleurs à besoin d’un organe politique résolu, inflexible qui s’attaque avec un programme clair aux forces qui défendent les intérêts de la classe dominante et qui sont donc irréconciliables avec les intérêts des la classe laborieuse. La détermination, la clarté, l’ouverture (vers l’intérieur et vers l’extérieur) et un programme pour la classe des travailleurs sont indispensables si l’initiative veut avancer dans la direction d’un nouveau parti. Malgré la bonne volonté de bon nombre de ses membres, le CAP s’est heurté à plusieurs reprises à des obstacles sur la voie vers un tel parti.

    5. Ce texte a comme objectif de faire une évaluation solide des deux années où le CAP a été un pôle d’attraction pour certains parmi les couches les plus conscientes de la classe des travailleurs. Cette évaluation ne sera pas seulement utilisée en interne au MAS/LSP afin de décider notre attitude face au CAP actuel. Mais elle sera aussi publiée afin de s’intégrer dans l’analyse et le débat qui découle de cette première étape dans le processus de la création d’un parti pour la classe des travailleurs.

    6. Le contexte politique dans lequel les développements dans et autour du CAP se sont déroulés est essentiel. Dans un article approfondi paru dans le magazine Marxisme.Org, nous avions expliqué les développements politiques et sociaux qui ont menés à la création du CAP. Le lecteur pourra trouver des analyses et des commentaires sur les activités et les développements du CAP dans les dizaines d’articles publiés dans notre mensuel Alternative Socialiste et sur notre site www.socialisme.be, Ceux-ci sont déjà une source riche sur l’histoire du CAP. Ce texte a comme objectif de lier les divers points, de remplir les trous, d’offrir une vue d’ensemble des discussions les plus importantes et d’offrir une évaluation après les faits. Nous espérons qu’il sera une contribution pour tous ceux qui ont été impliqués dans une année et demi de fonctionnement du CAP et pour ceux qui s’impliqueront dans les futures initiatives de la classe des travailleurs pour se créer un organe politiquement indépendant.

    L’appel de Sleeckx reçoit du répondant

    7. C’est au début août 2006, période creuse dans les médias. Depuis novembre 2005, des articles étaient paru sporadiquement, notamment dans Knack, dans lesquels Jef Sleeckx exprimait son désaccord avec la politique du SP.a et suggérait la nécessité d’un nouveau parti. Le 2 août 2006, De Morgen publie un article sur les plans de Sleeckx. Très vite les événements s’enchaînent et des articles suivent dans tous les journeaux et magazines – Knack, Menzo, P-magazine, … Les titres parlent d’eux-mêmes : « Nouveau parti des travailleurs sur le chantier » (De Morgen, 02/08/06) et « Nouveau parti des travailleurs en automne » (De Standaard, 02/08/06). Ces titres et le contenu des articles ont créé un enthousiasme énorme dans un public large, en quelques jours des centaines de personnes intéressées s’inscrivent pour recevoir le bulletin d’information électronique du CAP ou envoient des mails et des lettres pour communiquer leur soutien. En même temps que l’enthousiasme, l’attention des médias a aussi fait naître des attentes : à l’automne un nouveau parti va se créer – c’est exactement ainsi que le CAP à été annoncé au grand public. Hélas, à ce moment, le CAP était déjà entré dans l’impasse de la recherche de compromis avec Une Autre Gauche (UAG). Et au lieu d’arriver à un compromis permettant d’aller de l’avant, le CAP a été pendant plus qu’un demi-an mené en bateau et finalement aussi largué.

    8. En politique, le sens du moment est une arme importante. Lors de la création d’un nouveau mouvement politique, il faut utiliser la période limitée d’attention et d’enthousiasme. La stratégie qui consistait à essayer d’arriver à des compromis avec tout le monde, y compris un chien avec un chapeau, a conduit le CAP dans impasse qui a fait que les centaines de personnes vraiment intéressées qui ont pris contact pendant l’été ont dû prendre place dans la salle d’attente sans savoir si un jour ils seraient reçus. Ainsi, il a encore fallu 4 mois, soit jusqu’au 15 décembre, avant qu’une carte de membre puisse être proposée aux gens intéressés. En ce qui concerne la clarté sur une participation indépendante aux élections, il a fallu attendre encore plus longtemps.

    9. Depuis quelques mois, avant que se déclenche l’orage médiatique, diverses réunions locales se sont déroulées de “l’initiative Sleeckx” qui deviendra plus tard le Comité pour une Autre Politique. En janvier 2006, Sleeckx avait accepté notre invitation à une rencontre avec le Bureau exécutif du MAS/LSP. La base pour la discussion était entre autre le rencontre intéressante que Jef a eu avec un petit vingtaine de délégués syndicaux du secteur de chimie en Anvers. De cette rencontre il apparait clairement que non pas seulement Jef était préparé de lancer un appel, mais aussi qu’une initiative de Jef pouvait compter d’un large soutien parmi les syndicalistes. Cette rencontre était une première expérience importante qui nous mettait à inviter Jef pour une discussion. Pendant cette conversation, il est apparu clairement que Sleeckx et un certain nombre de ses partisans (Lode Van Outrive, Raf Verbeke, Theo Mewis) avaient l’intention de lancer une campagne pour un nouveau parti large et qu’ils tendaient la main aux organisations existantes pour qu’elles participent à l’initiative tout en gardant leurs spécificités. Selon l’explication de Jef, il était clair que, sur un nombre important de questions, ils avaient des positions proches de celles du MAS/LSP. Tout d’abord, que l’initiative ne devait pas s’orienter principalement vers la gauche radicale, mais vers le nombre important de travailleurs et de jeunes qui n’ont plus de toit politique et sont à la recherche d’une alternative de gauche claire. Ensuite que nous avions besoin d’un parti national au delà des frontières linguistiques afin de pouvoir surmonter les discussions communautaires. Et finalement qu’un nouveau parti des travailleurs serait capable, à travers la lutte et un programme pour la classe de travailleurs, de reprendre des voix au Vlaams Belang et donc qu’un profil anti-raciste serait très important. Sur base de ces conditions, le MAS/LSP s’est directement rangé derrière l’initiative de Jef et a proposé d’organiser ensemble un certain nombre de meetings locaux afin de tâter le terrain.

    10. Après la discussion nous avons proposé de lancer un appel pour un grand rassemblement en automne avec l’objectif de rassembler 5 à 600 personnes. Ce n’est que de cette manière que la campagne pouvait être concrétisée et qu’une mobilisation pouvait être faite afin de pouvoir à un certain moment évaluer les forces participantes. Ainsi l’idée d’organiser “une journée pour une autre politique” le 28 octobre 2006, soit un an après la manifestation de 100.000 syndicalistes contre le Pacte de Solidarité entre les Générations, a pris forme. La journée s’est finalement déroulée avec 650 présents.

    UAG entre en scène

    11. Le 22 février 2006 est paru dans La Libre Belgique un appel pour “Une Autre Gauche” signé par Carine Russo (qui se présentera finalement sur la liste d’Ecolo en 2007 et y obtiendra presque 58.000 voix de préférences), Jef Sleeckx, Nadine Rosa-Rosso (l’ancienne secrétaire générale du PTB) quelques professeurs d’université, des syndicalistes et les initiateurs, Freddy Dewille (POS), Alain Van Praet (ex-POS et délégué CSC) et Corine Gobin (prof à ULB). Ce texte commençait en force « Il est urgent de repenser la gauche. » Et finissait ainsi : « Nous invitons tous ceux et toutes celles qui ne veulent pas se résigner au désordre établi actuel, qui refusent de s’incliner devant la prétendue fatalité de la crise, qui excluent d’observer sans réagir la montée de la « peste brune », à se regrouper pour commencer à construire une alternative transformatrice de la société. » Pas mal en terme de phraséologie. Mais, après coup, beaucoup de bruit pour pas grand chose.

    12. UAG s’est réunie pour la première fois le samedi 11 mars 2006. Parmi les 35 présents, il y avait quelques membres du MAS/LSP et quelques membres du CAP. La discussion s’est relativement bien passée, bien que beaucoup de questions subsistaient sur quel type d’initiative était nécessaire. Il a été décidé de se réunir à nouveau le 1er avril après concertation avec Sleeckx.

    13. Le 1er avril s’est donc tenue la réunion suivante d’UAG, avec 45 présents, dont une dizaine de membres du MAS/LSP et Jef Sleeckx. On s’y est accordé après un long débat sur le fait de distribuer un tract commun le 1er mai. Des projets et des propositions pouvaient être envoyés à Nadine Rosa-Rosso et des volontaires devaient se réunir le lundi de Pâques (12 avril) afin de discuter et de décider du tract.

    14. Le processus pour en arriver à un tract du 1er mai a tout de suite illustré le problème de méthode de fonctionnement au sein d’UAG, qui deviendra plus tard insurmontable. Les initiateurs considéraient UAG comme leur propriété personnelle et exigeaient par conséquent un droit de veto sur toute discussion et décision. Dans la discussion sur le tract du 1er mai beaucoup – énormément – de divergences politiques sont apparues. Mais il y avait néanmoins parmi les 30 individus à cette réunion la volonté politique d’aboutir à un tract commun. Après 2 heures de discussion, un petit groupe de travail a été formé pour écrire mot par mot un tract acceptable pour chacun. Ce groupe a réuni Bart Vandersteene et Griet VM du côté néerlandophone, Nadine Rosa-Rosso, Ataulfo Riera (POS) et quelques autres du côté francophone. Puis le projet de tract a été lu à haute voie aux présents et a été accepté avec enthousiasme sous les applaudissements. En réponse à tous les préjugés, il était démontré que la collaboration était possible. Mais les 30 braves qui se sont réunis ce lundi de Pâques afin d’écrire le tract n’avaient, dans leur enthousiasme, pas tenu compte des initiateurs d’UAG. Ceux-ci, qui ne savaient pas être présents ce lundi, n’ont pas été non plus d’accord après coup avec le contenu, ont changé le tract à leur gré et ont imposé leur version comme celle qu’UAG allait distribuer le 1er mai.

    15. Le MAS/LSP à condamné cette méthode et refusé de distribuer le tract UAG : il a donc distribué le tract CAP dans les deux langues partout dans le pays. L’attitude des initiateurs d’UAG et encore plus l’acceptation de cette méthode par un nombre important d’UAG a illustré non seulement le caractère des initiateurs, mais surtout le caractère que toute l’initiative prenait. Chaque discussion portant sur le contenu se terminait en injures où les procès d’intentions et la méfiance étaient injectés comme un poison. Le POS/SAP (maintenant LCR/SAP) porte la responsabilité de cette méthode. Le contenu des discussions n’était pas négligeable et il était urgent de l’approfondir, mais cela ne s’est jamais fait de façon sérieuse.

    Quelles étaient les divergences politiques les plus importantes?

    Dans les paragraphes qui suivent nous voulons profondément entrer sur les différences d’opinion importantes qui parcouraient le CAP et UAG et qui sont apparu insurmontable pour arriver à une coopération. L’attention large qu’on donne à cet élément dans ce texte a tout à faire avec les arguments de contenu, qui vont selon nous revenir toujours de nouveau dans l’avenir s’il y a des initiatives envers un nouveau parti des travailleurs. La place qu’on donne ici n’est d’aucune manière une expression du poids dans la société qu’on donne à des organisations comme UAG et d’autres qui ont défendus leurs méthodes et programme.

    Avons-nous besoin d’un nouveau parti des travailleurs ou plutôt d’une recomposition de la gauche radicale?

    16. Un nouveau parti des travailleurs se crée selon nous après que la classe des travailleurs ait constaté à travers la lutte qu’elle ne dispose plus d’un instrument politique. La social-démocratie, qui depuis longtemps a à sa tête une direction pro-capitaliste, a été pendant longtemps le lieu de rassemblement des travailleurs les plus politisés. Dans les années de croissance économique inédite d’après la 2e Guerre mondiale, elle a pu, malgré son rôle traître, se créer une aura de lutte pour la justice sociale et pour les intérêts de la classe des travailleurs. Elle s’est accaparé les progrès obtenus. Pourtant c’est souvent malgré la direction social-démocrate que les travailleurs ont arraché des concessions. La phase de néolibéralisme, commencée dès le début des années ’80 avec la politique de Thatcher, Reagan,… a été renforcée par la chute du stalinisme. La social-démocratie qui avait jusque là exprimé de façon déformée la politique de la classe des travailleurs, a rejeté toute référence au socialisme et à la lutte des travailleurs et est devenue le meilleur exécuteur des plans et des intérêts de la bourgeoisie, justement à cause de son lien historique avec les sections les plus combatives du mouvement ouvrier.

    17. Une classe de travailleurs dépourvue de voix politique et donc de cadre idéologique fait parfois des sauts étranges dans sa conscience et son comportement électoral. La baisse de conscience de la classe explique pourquoi toute une série de populistes, de tendance droitière et néo-fasciste, ont pu récolter des votes parmi ceux qui avaient quitté la social-démocratie par dégoût. Il faudra une lutte profonde avant qu’une masse critique se rassemble pour la création d’une nouvelle expression politique de la classe des travailleurs. Une telle formation aura comme tâche importante de remettre à l’ordre du débat politique une approche de classe.

    18. L’appel à une “recomposition” de la gauche radicale, par contre, est de fait le cri désespéré et pessimiste des perdants de la gauche radicale. C’est l’expression du moral de ceux qui ont essayé en vain au cours de ces 25 dernières années de construire un mouvement de la gauche radicale et qui cherchent, après leur défaite, la chaleur d’un foyer afin de digérer « ensemble » leurs défaites. Car soyons honnêtes, l’existence séparée de quelques groupes de la gauche radicale n’est pas le problème fondamental. Additionnons-les et nous n’arrivons toujours qu’à une petite organisation. Le problème avec lequel la classe des travailleurs est confrontée, c’est qu’il n’existe pas un parti de quelques dizaines de milliers de membres, où des opinions et des courants idéologiques divergents coexistent dans un débat ouvert. Un parti qui par sa présence incite à l’action et au débat.

    19. Qu’il existe aujourd’hui divers groupes de la gauche radicale avec divers programmes, diverses méthodes,… est le produit du 20e siècle qui a été un siècle de tentatives manquées de construire une société socialiste. A travers des dizaines de révolutions, en Russie, en Chine, en Allemagne, en Espagne, au Chili, au Portugal, au Nicaragua, à Cuba, … la classe des travailleurs a essayé de renverser la société capitaliste et de construire une société sans classes. Partout des erreurs terribles ont été commises, ou alors, comme cela a été le cas en Russie, une révolution réussie s’est bureaucratisée à cause de son isolement. Toute ces défaites et erreurs ont conduit à des analyses et des conclusions différentes et donc des organisations différentes. De cette manière, nous portons l’histoire du mouvement ouvrier avec nous.

    20. Le problème avec la “recomposition de la gauche”, c’est que ce concept ne considère pas les tâches politiques d’aujourd’hui comme les conclusions de la lutte des classes, avec ses phases de montée et ses phases de recul, mais comme une affaire interne à la gauche radicale.

    21. C’est un concept qui en même temps exprime aussi un manque de confiance en la capacité de la classe des travailleurs de reconstruire, même après une défaite comme celle de la chute du stalinisme, leur propre parti. Ces concepts différents mènent à des méthodes et des programmes totalement différents. Qui est l’acteur principal dans ce processus? La nouvelle génération de la classe des travailleurs qui veut lutter pour une nouvelle voix politique où plutôt les protagonistes de la gauche radicale qui veulent en arriver à un accord entre eux et qui, pour cela, doivent donc nier le 20e siècle?

    Avons-nous besoin d’une initiative qui part de la lutte contre le néolibéralisme où d’un projet anticapitaliste?

    22. La lutte contre le néolibéralisme et la défense des intérêts des victimes du néolibéralisme : c’était selon nous la base sur laquelle une nouvelle initiative pouvait être lancée. Cette ligne de rupture est un remplissage populaire et actuel des contradictions de classe dans la société. C’est une ligne claire. Selon UAG l’initiative devait avoir dès le début un caractère anticapitaliste. Cela exprimait de manière populaire les contradictions de classes dans la société. Pour UAG par contre, l’initiative devait avoir une étiquette clairement anticapitaliste.

    23. Pour nous la proclamation d’une initiative comme anticapitaliste ou de gauche n’est pas en soi le principal. Il y a des partis en Europe qui se disent de gauche et même anticapitalistes et qui participent en même temps à la politique néolibérale. En Allemagne, Die Linke participe aux gouvernements locaux dans les Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et de Berlin, où elle applique une politique néolibérale désastreuse. C’est pourquoi le WASG Berlin a de justesse opté pour ne pas se présenter avec Die Linke aux élections régionales de septembre 2006, mais pour se présenter indépendamment. Comme Lucy Redler, porte-parole du WASG-Berlin, le disait: « Quelle est la crédibilité d’un parti qui parle du socialisme le dimanche et applique des assainissements le lundi ». Un autre exemple est le Parti de la refondation Communiste (PRC) en Italie, qui se dit de gauche et anticapitaliste tout en participant au gouvernement Prodi, en y ayant des postes de ministre et en étant ainsi coresponsable de la politique et de l’échec de ce gouvernement. On n’est pas nécessairement plus à gauche ou plus clairement anticapitaliste en se donnant ce titre, mais par ce qu’on fait en pratique. Le PRC, un parti qui n’a pas seulement un profil anticapitaliste, mais qui porte même le communisme dans son nom, vient de perdre tous ses parlementaires dans les élections récentes. Un parti avec plus de 100.000 membres a été démoli en une participation gouvernementale. Le sommet recherche déjà des postes dans la formation social-démocrate nouvellement construite et la base est délaissée, étonnée et indignée. Le PRC avait parlé à l’imagination partout en Europe et était devenu le point de référence pour beaucoup. Dans ce sens, sa défaite est une tragédie pour la gauche au niveau international. La thèse de base d’une nouvelle initiative doit selon nous contenir un rejet de la politique néolibérale et un rejet très clair de participation à cette politique. Après lequel suit évidemment la discussion sur le programme avec lequel cela est le mieux possible. MAS va dans ces discussions toujours défendre un programme anticapitaliste, même plus : un programma révolutionnaire. Mais cela n’est pas pour nous une condition pour notre participation dans un nouveau parti. Nous pouvons accepter si la tendance dominante dans le mouvement ouvrier part encore plus de tentatives de changements réformistes au capitalisme.

    La défaite du Partito della Rifondazione Comunista est une confirmation de notre position qu’il ne suffit pas tout simplement de créer un nouveau parti. Mais nous avons besoin d’un parti enraciné dans la classe ouvrière, où toute la pourriture de la politique traditionnelle – la chasse aux postes, le carriérisme, la bureaucratie – est bannie. Ceci n’est possible qu’avec un vrai programme socialiste. Ce n’est pas le titre, le nom, ni l’étiquette qui déterminent la voie qu’un parti de gauche suivra, mais bien sa composition, son programme, sa direction et son activité.

    24. Le POS/SAP va après présenter de nouveau l’attitude du MAS dans cette discussion comme un manœuvre. Dans ce sens qu’ils partent de l’idée que nous ne racontent dans notre argumentation jamais la vérité totale. Dans ces discussions nous avons eu selon eux surtout l’objective de lancer un parti large pou pouvoir nous identifier le plus clairement que possible comme l’aile révolutionnaire. Pour cette organisation la politique révolutionnaire n’est pas une question de discussion et de convaincre envers le débat et la pratique, mais un enchainement de manœuvres pour obtenir des choses, occuper des poste, influencer des décisions. Cette organisation, comme on l’a pu expérimenter plusieurs fois, et aussi un nombre important de leurs ex-membres qui ont été éduqué politiquement avec ces méthodes, ne peuvent apparemment ne pas s’imaginer que nous entrons la lutte de classe et le débat nécessaire dans cette lutte, à visage découvert, avec une argumentation et des idées ouverts. En vue qu’ils ont pris comme méthode le manoeuvrisme, qu’ils ont vue au travail les staliniens qui sont maître de cette méthode, ils partent sans doute de la constatation que c’est ce que tout le monde fait ;

    25. Le point avancé dans cette discussion était selon nous aussi une discussion sur l’orientation du CAP et d’UAG. La question à laquelle il faut répondre est: comment atteindre les centaines et les milliers de travailleurs et de jeunes qui se sentent délaissés par ces partis qui ont dans le passé prétendu défendre leurs intérêts. Et quel est le langage que nous utiliserons? Est-ce un langage et un style compréhensibles, qui partent en premier lieu des expériences et des considérations de ces travailleurs et ces jeunes que nous voulons atteindre ? Où partons-nous au contraire de l’idée que la gauche est en crise et qu’elle doit se regrouper afin de construire la vraie gauche ? Ce sont deux visions différentes qui mènent à des pratiques différentes.

    26. UAG et avec beaucoup d’ardeur aussi le POS/SAP expliquaient cette attitude du CAP de façon magique par l’impact de l’extrême- droite en Flandre. Ils prétendaient que le Vlaams Belang et la propagande de droite et raciste avaient frappé si fortement que même la gauche radicale n’osait plus se présenter comme anticapitaliste. De cette manière, une discussion sur le programme, l’orientation et les objectifs était facilement esquivée et ridiculisée.

    Allons-nous lutter contre la surenchère communautaire et la politique de « diviser pour régner » ou sommes-nous d’accord que deux mondes différents ne peuvent collaborer dans un modèle confédéral ?

    27. UAG a répandu l’idée que la situation en Flandre et en Wallonie était si différente que cela demandait des approches séparées. L’argument était surtout utilisé pour interdire aux Flamands de se mêler des discussions en Wallonie et cela a servi aussi comme explication magique face à chaque divergence d’opinion : « la situation chez nous est différente ».

    28. Nier les différences réelles entre la Wallonie et la Flandre serait difficile vu les différences de langue et de culture, les différences économiques et de niveau de chômage, les rapports différents entre les syndicats rouge et vert, … Mais ces différences sont-elles tellement plus grandes que celles entre la ville d’Anvers et certaines régions de Flandre Occidentale ou du Limbourg, ou que celles entre Namur et le Borinage? Chaque parti traditionnel est aujourd’hui organisé sur base communautaire. C’est pourquoi ils approchent chaque problème à partir de cette logique. Cela est même apparu comme une bonne façon de détourner l’attention des réelles contradictions dans la société. Le mouvement ouvrier a au contraire besoin d’une unité la plus grande possible, au delà des frontières, qu’elles soient linguistiques, religieuses, de couleur de peau, de sexe, d’origine, de nationalité,…

    29. UAG est arrivée avec cette proposition d’une coopération confédérale juste au moment où la surenchère communautaire commençait à se développer. Des sondages ont montré plus tard que, malgré l’énorme propagande communautaire, des deux côtés de la frontière linguistique, il y avait peu de monde qui était chaud pour une guerre communautaire. La plupart des gens se rendent compte que les mécanismes de solidarité vont être démantelés si le pays scissionne et que les gens normaux n’ont qu’à y perdre. Imaginez quel écho aurait trouvé un nouveau parti lorsqu’il aurait pris une position de classe conséquente dans la plus longue crise politique de l’histoire belge.

    30. Dans l’Alternative Socialiste de juin 2006, nous avons répondu aux propositions d’UAG d’adopter une structure confédérale, dans laquelle un groupe néerlandophone et un groupe francophone se consultent : « Dans le contexte politique et social actuel, le mouvement ouvrier est menacé par un dangereux virus : l’idée qu’un travailleur wallon lutte dans un contexte fondamentalement différent du travailleur flamand, qu’il y a deux réalités distinctes qui demandent des réponses distinctes. Cette logique a mené à la scission de la Centrale des Métallurgistes de la FGTB et est utilisée pour agrandir encore la fissure entre travailleurs flamands, wallons et bruxellois. Les seuls à avoir un intérêt à diviser la classe ouvrière sont ceux qui le font consciemment pour pouvoir mieux régner. Le mouvement ouvrier a besoin d’une sécurité sociale nationale, d’un mouvement syndical national et d’un instrument politique national. Une telle initiative nationale doit être prête à l’automne. Chaque jour offre son lot de tentatives des partis traditionnels et des médias bourgeois pour dresser les différents groupes de la population les uns contre les autres. Mais une fois entré en action, comme contre le Pacte des Générations, le mouvement ouvrier peut comprendre rapidement que son atout le plus important est la solidarité. Cette solidarité doit être centrale à tout niveau dans une nouvelle formation politique. »

    31. Un modèle confédéral ne crée pas seulement la désunion et des complications pratiques, par exemple autour de la question : "quid de Bruxelles"? Selon UAG, Bruxelles était une ville francophone et dès lors "territoire UAG" et elle a donc refusé d’organiser des réunions communes CAP/UAG à Bruxelles. C’était également en même temps une prise de position politique qui se serait faite à la longue sentir dans le programme qu’une telle formation politique défend, dans le sens où elle deviendrait la proie des réflexes régionaux, de la défense des intérêts d’un groupe linguistique contre l’autre.

    Commençons-nous un processus avec des étapes successives ou délivrons-nous un projet tout prêt ?

    32. UAG a voulu livrer d’abord un programme tout prêt et des statuts avant d’aller chercher des partisans. De cette manière, ils se préparaient à élaborer leur réflexion en tant qu’élite éclairée à la place des masses. Notre position était toujours de permettre à l’initiative d’avancer, avec par exemple un programme électoral, sans pour autant déjà graver dans la pierre le programme du nouveau parti. Dans une première phase CAP/UAG avait selon nous besoin d’un programme de dix points autour duquel tout le monde peut se mettre et qui montrait en grandes lignes notre résistance contre le néolibéralisme et des effets. Selon nous, le programme de celui-ci doit être le résultat d’un processus de discussion approfondi dans lequel les masses qui forment le parti sont impliquées et où la discussion est basée sur les premières expériences collectives de la lutte et des campagnes.

    33. Nous aurions tout à fait pu décider le 28 octobre que le CAP/UAG défendrait un programme socialiste révolutionnaire. Malheureusement cela aurait été au même moment la fin de l’initiative large. La tendance dominante dans le mouvement des travailleurs n’en est pas à tirer des conclusions révolutionnaires – sinon nous pourrions construire le MAS/LSP en tant que parti de masse ! Ce qui existe principalement, c’est une recherche de réponses. Et nous sommes persuadés que si les travailleurs peuvent tirer des conclusions sur base des expériences concrètes dans la lutte et du débat qui vient avec, une grande partie d’entre eux en tirera des conclusions révolutionnaires. Mais cela ne pourra arriver que sur base des luttes et de l’expérience.. Comme nous l’avons déjà souvent expliqué, nous défendrons toujours un projet socialiste révolutionnaire au sein d’une nouvelle formation, mais comme contribution au débat et pas comme une condition pour notre engagement. UAG a voulu coller un billet anticapitaliste sur l’initiative avant que ceux à qui elle est destinée aient eu l’occasion de se prononcer au sujet du contenu d’un programme!

    Une nouvelle initiative a-t-elle besoin d’un fonctionnement par lequel la liberté de débat est stimulée ou doit-elle surtout servir à clouer le bec aux organisations existantes?

    34. Si une « recomposition » de la gauche est à l’ordre du jour, alors la conclusion est évidente : la première tâche est de finir avec la vieille composition. De cette logique l’existence des organisations de la gauche radicale est le problème fondamental et les organisations existantes doivent donc jeter par-dessus bord leurs structures, leur spécificité propre et le programme qu’elles ont mis un long travail à construire. Ce point de départ ne peut que mener qu’à des problèmes lorsqu’il s’agit de construire un parti où existe la liberté de défendre un certain programme. En fin de compte, au lieu d’organiser un endroit pour le débat, cette nouvelle initiative devient une prison pour tous ceux qui ont des idées et veulent les défendre.

    35. Pour qui le MAS/LSP a-t-il été un problème au sein du CAP ? Pour les nombreux travailleurs ordinaires qui estiment chaque contribution honnête à sa valeur et pour ceux qui non seulement parlent mais en plus passent aux actes ? Non. Pour eux, il a été facile de voir qui étaient les beaux parleurs et qui a combiné les arguments et la pratique. Cependant, pour ceux qui ont essentiellement considéré le MAS comme une menace et ne le voyaient pas comme une contribution précieuse, notre organisation représentait l’ennemi public n°1 dont tout le monde devait se méfier et contre qui il fallait s’opposer et former un bloc. Cette politique de calomnie et manipulation n’a pas pris pendant la première phase de formation du CAP. Une fois le recul commencé plusieurs raisons étaient cherchées et trouvées pour l’échec, où le plus grand component était facilement montré du doigt par quelques uns. Même s’il n’y avait pas d’occasion directe et d’arguments concrets.

    36. Chez quelques participants d’UAG, une peur presque phobique – et c’est encore un euphémisme – s’est développée face à notre organisation. Chaque proposition, idée ou argument était repris avec la méfiance nécessaire et ensuite analysé pour y chercher la petite bête et y trouver la manœuvre. Cette attitude a atteint des proportions hilarantes quand un membre juif de UAG a accusé les membres du MAS/LSP d’attitude antisémite en affirmant leur responsabilité dans le fait qu’une réunion avait continué le vendredi soir jusqu’après le coucher de soleil afin de le museler (il avait dû rentrer chez lui avant le coucher du soleil du fait de sa religion). Cette personne est allée tellement loin dans ses accusations que naturellement plus personne ne pouvait encore prendre ce genre de choses au sérieux. Mais cette accusation n’a toutefois pu arriver que par la création consciente d’une certaine ambiance par les protagonistes d’UAG.

    Pourquoi avons-nous quitté UAG?

    37. Vu a posteriori le MAS/LSP a décidé trop tard de se retirer de UAG. Dans une déclaration publique sur notre site Web, nous avions décrit notre décision (voir http://www.socialisme.be/mas/archives/2006/06/30/uag.html – Date de publication 30 juin 2006) : « Quelques uns, au sein du secrétariat et du Parti Humaniste entre autres, nous disent : « Mobilisons systématiquement pour les mettre en minorité ». Numériquement, pour le MAS/LSP, cela n’est aucunement un problème, mais nous faut-il descendre à ce niveau pour pouvoir faire de la politique au sein d’UAG ? Cela, nous le refusons. Les jeux de pouvoir bureaucratiques ne sont pas le terrain favori du MAS/LSP. Notre force est dans le mouvement réel et c’est sur cela que nous voulons nous concentrer. Certes, il faut parfois accepter des manœuvres bureaucratiques parce que c’est la seule façon d’entrer en contact avec la base. C’est par exemple le cas dans pas mal de centrales syndicales, c’était aussi le cas dans les années ’80 quand nous travaillions encore dans le SP. C’est avec cette idée en tête que nous n’avons pas déjà quitté UAG le 1er mai. Maintenant, après les faits, nous pensons que c’était une erreur : dès la première manœuvre, nous aurions pu déceler qu’UAG allait rester une initiative mort-née.

    Nous sommes partis de l’idée que nous pouvions accepter les manœuvres bureaucratiques parce qu’un parti national plus large allait être créé le 21 octobre. Cela aussi était une erreur. UAG essaie de se présenter comme le seul partenaire francophone d’UAP (qui par après a changé de nom vers CAP) et, de cette façon, former une minorité de blocage pour imposer à UAP sa propre approche politique et probablement boycotter une formation nationale. Le MAS/LSP est numériquement plus fort que le reste d’UAG mis ensemble. A notre propre initiative, nous pouvons mobiliser un bon nombre de francophones pour la conférence du 21 octobre (qui est devenu le 28 octobre) et nous pouvons y assurer qu’UAP ne se fasse pas prendre en otage par UAG. Si, au contraire, nous restons dans UAG, nous risquons d’être englués dans d’incessants combats qui n’ont ni intérêt ni lien réel avec les questions qui se posent vraiment aux travailleurs et qui ne sont utiles ni pour nous, ni pour UAP. La seule réponse correcte à des jeux de pouvoir au sein d’UAG est une mobilisation francophone forte pour la conférence du 21 octobre. »

    La longue marche vers le 28 octobre 2006

    38. Entre mai 2006 et septembre 2006, de nombreuses réunions, négociations et conversations ont été organisées pour essayer d’arriver à un compromis avec UAG concernant l’ordre du jour de la journée pour une autre politique le 28 octobre. La position de la majorité écrasante de CAP était de vouloir lancer une nouvelle organisation le 28 octobre, de présenter à cette occasion des cartes de membre et d’élire une direction provisoire. Pour UAG, le 28/10 était un test intéressant qu’ils voulaient ensuite évaluer dans leur propre petit cercle. Le CAP a été obligé par cette attitude d’UAG d’attendre jusqu’après le 28/10 pour s’organiser, en vue que les négociations avec UAG continuaient jusqu’à la semaine avant 28/10. UAG a imposé au nouveau mouvement et au CAP de facto un modèle confédéral en décidant déjà avant le 28 octobre d’établir ses propres structures, programme et méthodes de fonctionnement et en revendiquant qu’ils seraient le seule partenaire francophone dans le mouvement. . De cette manière, le 28/10, malgré la mobilisation forte de notre côté, est devenu un coup dans l’eau pour la construction d’une nouvelle force politique.

    Toute dernière tentative de recherche de compromis entre CAP et UAG

    39. Au début du mois d’octobre, les représentants du CAP et d’UAG se sont réunis pour discuter d’une dernière proposition de compromis. L’inquiétude majeure du CAP et du MAS/LSP était qu’UAG prenne en otage tous les participants au 28 octobre pour son propre agenda. Si le 28 octobre un nouveau mouvement n’était pas lancé, avec des cartes de membre, une structure, une direction élue,… tous les efforts seraient quasiment vains. Une ultime proposition pour la formation d’une direction nationale a été faite à UAG : une structure de 16 personnes, composée de 8 néerlandophones (5 du CAP et 3 parmi les présents au 28/10) et 8 francophones (5 d’UAG et 3 non UAG). Cette tentative de compromis a été poussée très loin. Nous étions prêts à laisser la majorité de la composante francophone de la direction dans les mains d’UAG, malgré le fait qu’elle ne mobiliserait pas la majorité des francophones pour le 28 octobre. Les négociateurs d’UAG pouvaient difficilement balayer une telle proposition; même les membres du POS/SAP semblaient prêts à la défendre auprès d’UAG. Grande fut la surprise de tout le monde quand cette proposition a été rejetée en assemblée générale d’UAG. Celle-ci exigeait d’être la seule représentante du monde francophone et d’avoir le monopole des accords de coopération avec le CAP. Elle voulait seulement constituer un secrétariat commun paritaire entre le CAP et UAG, sans tenir compte de la langue, ce qui en fait empêchait le CAP de travailler en territoire francophone. Même le POS/SAP s’est senti obligé de diffuser le 16 octobre une lettre ouverte qui refaisait la proposition de compromis comme seule possibilité d’arriver à un accord. Hélas, dans la pratique, il y avait manifestement peu de la bonne volonté exprimé dans la lettre ouverte et il n’y a pas eu d’arrangement avant ou après le 28 octobre.

    Et pourtant, encore une tentative ?

    40. Après le 28 octobre, alors qu’UAG a été fortement surprise par la grande affluence, une nouvelle ouverture pour aller de l’avant ensemble dans le cadre d’une campagne électorale semblait se profiler. Dans cette optique, lors d’une réunion d’évaluation commun de CAP/UAG le 6 novembre, une proposition concrète fut faite pour entre autre former une équipe de campagne commun pour coordonner la campagne électorale (voir ajout 3). Une fois de plus, cette offre de coopération a été rejetée par UAG, ce qui a définitivement séparé nos routes. Le CAP a exécuté toutes les résolutions des 28/10 et 06/11, avec pour résultat que les groupes provinciaux flamands, ainsi que ceux qui se sont mis en place du côté francophone à partir du 15 décembre, ont décidé au cours d’une conférence le 3 février 2007, de participer à la campagne électorale.

    La conférence du 3 février

    41. Le PTB a été aussi mis sous pression par le développement du CAP. Pendant les vacances de Noël 2007, deux discussions ont eu lieu entre le PTB et le CAP. Par la suite le PTB a laissé entendre que le CAP aurait refusé de reprendre le nom du PTB dans le nom de la liste et aurait donc ainsi refusé d’aller aux élections en cartel. L’article paru dans son propre journal Solidaire du 9 janvier contredit cela. La principale préoccupation du PTB était de savoir si Sleeckx serait sur la liste ou pas. S’il était sur la liste du CAP, cela aurait signifié une menace sérieuse pour la position électorale du PTB. Il fallait dès lors rendre Sleeckx inoffensif du point de vue électoral. En conséquence, la proposition du PTB était qu’il pouvait être discuté d’une collaboration, donc d’un cartel, à Anvers où Van Duppen tirerait la liste alors que Sleeckx la pousserait. De cette manière, la tête de liste Van Duppen aurait eu l’attention et, avec la contribution des voix de Sleeckx, Van Duppen aurait fait son entrée au parlement. Parallèlement, Sleeckx ne pourrait ainsi être utilisé pour attirer pour le CAP des voix dans toute la Flandre, par exemple en figurant sur la liste du Sénat. Le PTB savait d’ailleurs déjà à ce moment que Sleeckx était tout sauf prêt à faire un come-back sur une liste électorale après sa retraite politique à 74 ans. La proposition déloyale du PTB n’a pas été bien perçue au CAP et avant même que le CAP puisse élaborer une contre- proposition et la présenter (par exemple dans la forme de listes de cartel dans tout le pays, sans conditions), Peter Mertens a appelé Sleeckx pour lui demander s’il avait déjà décidé d’être candidat ou pas. Quand Sleeckx lui a répondu qu’il restait sur sa position de ne pas se présenter, le PTB en savait assez. L’opération « rendre Sleeckx inoffensif » avait réussie et le PTB pouvait, d’un pas tranquille, expliquer à ses membres qu’il ne collaborerait pas avec le CAP.

    42. Cela a été expliqué de la façon suivante dans Solidaire le 9 janvier 2007. Là on ne parle pas d’un refus du CAP de prendre le nom PTB dans le nom de la liste. Au contraire, avec beaucoup de sens dramatique le PTB insinue qu’elle a attendu le CAP, deux mois au moins, et que, malheureusement, Jef ne voulait pas participer: « Le PTB+ a tendu la main pour rendre possible une liste de cartel entre Van Duppen et Sleeckx. Cela a duré deux mois de plus que prévu, malgré le fait que les élections seront peut-être anticipées. Au début, on espérait que la conférence du CAP, le 28 octobre, allait donner un signal en ce sens. Deux mois seulement plus tard, le sort en était jeté : Jef Sleeckx ne se présenterait pas. Si les inspirateurs et les porte-parole d’un mouvement se retirent, il ne peut en émaner ni le rayonnement ni la dynamique qui sont pourtant tellement nécessaires pour donner sa chance à un cartel progressiste. Cela signifie finalement que pas un seul des fondateurs du CAP, à savoir Lode Van Outrive, Georges Debunne et Jef Sleeckx, ne participera à une campagne électorale. Quant à savoir si, dans de telles circonstances, le CAP se rendrait tout seul aux urnes, la chose n’est pas claire. Le PTB laisse la porte ouverte à tous les membres du CAP pour qu’ils soutiennent, en tant que candidats indépendants, la campagne électorale du Dr Dirk « Kiwi » Van Duppen sur une liste PTB. »

    43. Sleeckx ne sera pas avec le PTB, mais peut-être bien avec Groen!, titrait De Morgen le… mardi 9 janvier, le même jour que l’article de Solidaire, un jour après que le PTB ait envoyé, par une tactique magistrale, une déclaration de presse annonçant que le cartel d’Anvers n’aurait pas lieu. Ainsi les médias ont pu tout de suite intervenir pour débarrasser le PTB de toute responsabilité. Une petite leçon de manipulation par laquelle le PTB constate un danger, le rend inoffensif et s’érige en victime. Un vieux renard change de poils non d’esprit. C’est une leçon importante pour qui veut à l’avenir se mettre autour d’une table avec le PTB.

    44. Entre temps l’immaturité du CAP a continué à peser douloureusement. Sleeckx a avancé lors d’une conversation téléphonique avec un journaliste du Morgen que les Verts étaient aussi intéressés par son projet. Le lendemain, on pouvait lire dans ce journal que Sleeckx serait peut-être sur la liste de Groen ! Cette proposition totalement fausse a ajouté à la confusion. Après quoi, Vera Dua (dirigeante de Groen !) a alors donné Sleeckx un coup de téléphone surprise et lui a, à ce moment seulement, proposé d’entamer une discussion.

    45. Le 3 février plus de 300 personnes sont encore venues à la conférence du CAP, sans grande mobilisation (pas d’affiches ni tracts) et sans UAG, pour décider de la participation aux élections. Le manque de clarté sur l’avenir du CAP, que les membres n’ont pu suivre que via les médias, avait déjà eu un effet sur l’enthousiasme. Mais, malgré cela, la grande majorité restait gagnée à l’idée d’une participation indépendante aux élections. La meilleure preuve en est que, lors du vote, seul un groupe de maximum 10 personnes (soit 3% des présents) a voté pour la proposition de Groen – une « bande rouge » sur les listes vertes de Groen où les candidats du CAP occuperaient les places 5, 6, 7 et 8 sur toutes les listes – ou s’est abstenu.

    46. A ce moment, la participation indépendante aux élections était la seule option qui s’offrait au CAP dans la perspective de poursuivre la construction d’un nouveau mouvement politique de la classe ouvrière. Accrocher notre locomotive au train de Groen aurait complètement coulé la crédibilité du CAP. Nous n’en voulons pour preuve que la campagne électorale de Groen totalement tournée vers une participation au gouvernement avec l’exigence principale d’obtenir le poste du ministre du climat dans le gouvernement à venir. Quelques membres du CAP, regroupés autour de la liste LEEF à Herzele, sont entrés dans le projet « rouge sur vert » et se sont retrouvés coincés dans la logique d’une possible construction d’une aile rouge chez Groen. Certains au sein du CAP doutaient du fait que nous puissions être prêts pour cette campagne électorale, ce qui était parfaitement justifié. Il nous était difficile de nier que les circonstances étaient tout sauf idéales. Une non-participation aurait, selon nous, mit un frein définitif au développement du potentiel encore présent dans le CAP à ce moment-là. Cela n’aurait pas été sérieux aux yeux de ceux qui espéraient encore dans le CAP.

    47. L’un des résultats importants du CAP entre le 28 octobre 2006 et le 3 février 2007 a été son intervention dans la grève de VW. Quelle différence avec UAG qui, dans l’enceinte d’une salle de conférence, claironnait d’une manière plus radicale que radicale que l’industrie la plus importante qui restait à Bruxelles menaçait de fermer… mais qui, sur place, était invisible. Dès le début, le CAP a été massivement présent pour participer à la lutte, fournir du soutien, mobiliser pour les manifestations et entrer dans le débat politique. L’intervention à la manifestation de VW du 2 décembre a clairement placé le CAP sur l’échiquier de la lutte des travailleurs. Entretemps la victoire électorale du SP aux Pays-Bas avait ouvert le débat sur la question évidente si une telle percée serait possible pour un parti de gauche en Belgique. Bien plus tôt, dans le Standaard du 2 août, Noël Slangen (l’ancien porte-parole de Verhofstadt) avait déjà soutenu « qu’un tel parti peut obtenir 10%. A la seule condition que le nouveau parti ne se laisse absolument pas séduire par une participation au gouvernement ». Bart De Wever avait abordé dans une colonne la question d’un nouveau parti des travailleurs tandis que le président de Spirit Geert Lambert jetait l’initiative à la poubelle. « Sleeckx vient avec une vieille histoire. Il se repose spécifiquement sur ‘la classe ouvrière’, mais il y a aussi de petits épiciers qui ont des difficultés. La société de classes que Sleeckx a connu n’existe plus depuis longtemps ».

    48. Un an plus tard, nous sommes au milieu de la crise financière la plus importante depuis la grande dépression des années ’30 et la société de classe n’est plus niée par les commentateurs sérieux. “Class is back”, écrit Naomi Klein dans son dernier livre. Les dernières années une expression a de nouveau été donné à la société de classes en termes de fossé entre les riches et les pauvres, les salaires des top managers par rapport à la baisse du pouvoir d’achat, d’élitisation de l’enseignement, de durcissement et d’américanisation de la société. La période qui se trouve devant nous sera celle de changements très rapides et de chocs dans les consciences. Un parti des travailleurs clairement profilé avec un programme correct pourrait obtenir des scores formidables dans un tel contexte.

    49. Finalement nous avons pu réunir quelques 250 candidats (parmi lesquels 6 travailleurs de VW) dont 90 étaient membres du MAS/LSP. Une seule liste des dix, celle de la Chambre en Flandre Orientale, avait une tête de liste MAS/LSP. Ce choix conscient était un signe manifeste de notre part que nous ne voulions pas dominer le CAP ni obtenir les meilleures places sur les listes électorales. Nous avons rassemblé un peu plus de 20.000 euros pour la campagne et avons obtenu 21.252 voix pour le Sénat (0,32%) – 8.277 voix soit 0,33% pour le collège électoral francophone et 12.938 soit 0,32% pour le collège électoral néerlandophone. Aux élections européennes de 2004, le MAS/LSP avait obtenu 5.675 voix soit 0,23% en Wallonie et 14.166 voix soit 0,35% en Flandre. Ainsi le CAP a obtenu en Flandre moins de voix que nous sous le nom de LSP et en Wallonie plus de voix que nous sous le nom de MAS.

    50. La campagne électorale a connu à divers moments un enthousiasme et une dynamique remarquables. Pendant la campagne plus que 250.000 tracts et 20.000 affiches ont été distribués et une centaine de nouveaux gens rejoignait le CAP. Sans secrétariat ou équipe rémunérée, entièrement basé sur le travail volontaire de quelques centaines de militants, le CAP a pu gagner de l’audience ici et là. Comme lors d’un débat dans une Haute Ecole de Gand où les étudiants pouvaient voter avant et après le débat. Le CAP qui avant le débat était inconnu auprès des quelque 200 étudiants n’obtenait que 1,14% des voix. Après un débat éblouissant avec quelques ténors de la politique nationale, le CAP a obtenu 23,81% des voix des étudiants présents. C’est un petit avant-goût de ce qui serait possible avec un programme fort et de bons porte-paroles qui parlent une langue claire.

    Après le 10 juin 2007, le CAP reste-t-il sur les rails?

    51. Beaucoup de gens ont prédit la punition du SP.a et du PS dans les élections. Comment aurait-il pu en être autrement après 20 années de participation à la politique néolibérale. C’était donc les élections idéales pour lancer une nouvelle formation. Malheureusement toute l’attention dans la campagne électorale est allée vers la droite. La nouveauté des élections, ce n’était pas Sleeckx, mais Dedecker. La question était de savoir qui du CD&V ou du VLD allait arriver premier et qui de la LDD ou du Vlaams Belang allait capter le vote de protestation. Un Sleeckx sur le liste du CAP n’aurait pas pu à lui seul retourner cette situation mais il avait pu montrer une autre voie dans le débat et obtenir plus d’attention pour le CAP.

    52. Beaucoup d’encre a déjà coulé à propos de cette participation aux élections et beaucoup de membres du MAS/LSP se sont déjà creusé la cervelle pour analyser et aider à expliquer le mauvais résultat électoral du CAP. Dans notre journal Alternative Socialiste, nous avons pointé du doigt à plusieurs reprises quelles avaient été selon nous les erreurs de la campagne électorale. A coté des tergiversations, des discussions interminables, du manque de clarté pour le publique large et le fait qu’aucun des initiateurs n’était candidat, le slogan électoral vague a donné au CAP le coup de grâce. Malheureusement ce slogan n’était pas un accident de parcours mais l’expression de ce que quelques-uns dans CAP avaient prévu comme projet politique pour le CAP.

    53. Après les élections l’objectif du CAP a été infléchi, sous insistance de nos membres dans le Comité National. La campagne électorale n’a pas apporté la dynamique, l’enthousiasme et les nouveaux membres nécessaires pour préparer un nouveau pas en avant, celui d’une campagne électorale vers un parti. Au contraire, la démoralisation après le mauvais résultat a conduit une partie de la base de CAP à l’inactivité. En préparant la conférence nationale suivante du 20 octobre, nous avons martelé le fait que le rôle du CAP n’était pas fini, mais devait être ajusté.

    54. Dans notre texte interne pour notre conférence de novembre 2007, nous avons mis en avant notre perspective dans ces termes : « La campagne électorale a placé le CAP sur la carte politique, mais avec un résultat insuffisant pour pouvoir déjà maintenant se mettre en avant comme la structure d’organisation unique, à partir de laquelle un nouveau parti des travailleurs va naître. Pour cela, le CAP va devoir avoir un œil pour les développements dans la lutte de classes et être préparé à collaborer avec les nouvelles initiatives qui peuvent naître dans cette lutte. » Le fait que, lors de la conférence du 20 octobre, le CAP s’est donné comme objectif à une large majorité d’être « un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c’est-à-dire un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille)», était selon nous un pas dans la bonne direction.

    55. Hélas cette décision est restée lettre morte. Une petite minorité dans le CAP, mais dominant dans le secrétariat national, a refusé de mettre cette décision en pratique. N’était-il pas possible de réunir une conférence nationale pour reconfirmer cette décision et pour revendiquer son application ? Cela pouvait être une option. Malheureusement dans les derniers six mois d’amateurisme sans même une initiative nationale réussite, à part l’intervention dans la manifestation sur le pouvoir d’achat que nous avons imposée avec le MAS/LSP, le CAP s’est vidé encore un peu plus. Une conférence nationale aujourd’hui pour refaire la même discussion ne mènerait à rien qu’une cassure. Rien ne donne l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui sont chauds pour ça, y compris parmi ceux qui en fait sont d’accord avec nos critiques. Les opportunités que le CAP a reçues n’étaient pas minces. Malheureusement nous devons constater qu’elles ont été systématiquement gâchées et que le CAP, dans sa composition actuelle, ne va pas être capable de jouer un rôle réel dans la construction d’un nouveau parti des travailleurs en Belgique.

    56. En octobre déjà, nous écrivions dans une résolution d’actualité pour la Conférence Nationale du MAS/LSP de 2007 que l’avenir du CAP était incertain. « Si le CAP ne s’avère pas capable dans l’année qui vient de faire en avant des pas importants sur ce plan, il va probablement sombrer dans des discussions internes. Le seul groupe organisé, le MAS/LSP, va alors être pointé du doigt par les couches les moins conscientes et chargé de tous les fautes d’Israël par nos adversaires politiques. Les éléments nouveaux et les plus conscients vont avoir expérimenté notre approche comme principielle, politique et ouverte et vont être intéressés de continuer avec nous vers la création d’un nouveau parti des travailleurs. »

    Conclusion

    57. Le dernière année et demi du CAP s’est avérée un énorme apprentissage pour tous nos membres et aussi pour beaucoup de militants du CAP. Avons-nous commis des erreurs avec le MAS/LSP ? Certainement. Nous avons été probablement trop inconditionnels dans notre soutien au projet du CAP et nous aurions pu voir plus tôt que la faiblesse inhérente allait se retourner contre lui à un certain moment. Avec notre volonté énergique de construire le CAP, nous avons même pendant un certain temps bordé les faiblesses du CAP, espérant qu’une bonne campagne électorale pouvait remettre le CAP de nouveau sur le bon chemin. Nous n’avions pas du faire cela. Notre présence dominante était aussi pour quelques uns l’excuse parfaite de se mettre à coté. Il est compréhensible que, dans le contexte du moment, nous avons cédé dans la discussion sur le slogan électoral. Rétrospectivement ceci était un mauvais compromis qu’on a fait. Mais nous sommes convaincus que, sur les grandes lignes, nous avons à chaque fois défendue les positions correctes et pris une attitude correcte.

    58. Nous pensons que, dans la situation actuelle, le CAP n’est pas capable de grandir vers un nouveau parti des travailleurs et que, s’il continue à suivre le chemin qu’il suit depuis le 20 octobre, il n’apportera plus une contribution constructive dans ce sens. Il va par contre devenir le joueur le plus petit et le moins radical sur le terrain des organisations de la gauche radicale.

    59. Au vu de l’échec du CAP et du tournant du PTB, qui va probablement lui rapporter électoralement, même un début d’un processus dans la direction d’un nouveau parti des travailleurs semble être temporairement postposé. On ne doit probablement pas s’attendre à un développement fondamental dans cette direction avant les élections de 2009. Nous sommes ouverts à la discussion si cela se passait quand même.

    60. Nous ne voulons pas laisser tomber tout simplement ceux qui aujourd’hui sont encore présents dans le CAP et qui étaient d’accord avec nous sur le potentiel du CAP. Partout où le CAP réunit des gens autour de la table avec l’idée de construire un nouveau parti des travailleurs, nous nous assiérons aussi à cette table. Dans ce sens, nous ne laissons pas purement et simplement tomber le CAP et les membres de MAS/LSP vont collaborer à l’organisation des activités avec lesquelles nous sommes d’accord. Cela se fera néanmoins avec un refus clair du chemin politique que le CAP a suivi les derniers mois.

    61. Nous sommes au seuil d’une période de turbulences sur le plan économique, social et politique. La crise économique qui aujourd’hui déjà se traduit par deux trimestres de récession aux Etats-Unis, va aussi peu à peu saisir l’Europe à la gorge. La bourgeoisie belge qui a longtemps postposé une confrontation avec la classe des travailleurs, ne va plus avoir un autre choix que de lâcher à nouveau le monstre néolibéral. Une situation de crise peut mener à la paralysie de parties de la classe des travailleurs, mais elle peut mener aussi à la résistance quand seule la lutte offre encore une issue possible. A partir des mouvements contre la politique du gouvernement, contre les mesures néolibérales et la fermeture des entreprises, la nécessité d’un véritable instrument politique va devenir toujours à nouveau claire. Par le rôle qu’elles jouent au service de la politique traditionnelle, les directions syndicales vont essayer de toutes leurs forces d’arrêter un mouvement combatif généralisé. Au vu de l’attitude du PTB qui va chercher à chaque nouvelle occasion le plus grand diviseur commun dans les mouvements – ce qu’ils appellent eux-mêmes la stratégie de la « majorité syndicale » – pendant qu’il essaie d’être bon copain avec les directions syndicales, les groupes les plus combatifs ne vont pas se reconnaître vraiment dans le langage mou et la plateforme de revendications réformiste du PTB.

    62. Il y aura à nouveau des moments où, après une lutte importante, des groupes de travailleurs arriveront à la conclusion qu’ils doivent construire un parti des travailleurs combatif, ouvert et démocratique afin de pouvoir traduire politiquement leurs intérêts. Mais cela va prendre du temps à cause des défaites dans le passée. Une nouvelle initiative risque d’être vue avec le scepticisme nécessaire, surtout en Flandre où nous avons maintenant l’expérience du CAP derrière nous. En Wallonie, il y a eu une expérience similaire avec la liste Debout, qui a obtenu de meilleurs résultats sur le plan électoral grâce au fait que les dirigeants de la lutte chez Clabecq ont pris leurs responsabilités et se sont mis à la tête de l’initiative, mais ils n’étaient malheureusement pas préparés à construire ensuite une nouvelle formation politique sur une base conséquente.

    63. Pour 2009 les cartes semblent très vite jouées. Le CAP a refusé de jouer l’atout qu’il avait encore en main. Elle avait pu, comme nous l’avons formulé dans notre proposition début 2008, lancer une grande campagne pour des listes antilibérales en 2009. Mais cette opportunité aussi a été perdue. Chaque tentative qui va encore être lancée pour arriver à des listes unitaires à gauche va être écartée par les manœuvres politiques dans lesquels tout le monde va essayer de faire porter le chapeau à l’autre. Seuls un appel et une pétition pour des listes anti-néolibérales, autour desquels une campagne aurait pu être menée pendant des mois et autour desquels des syndicalistes et des militants auraient pu être réunis, aurait pu développer la force nécessaire pour mettre autour du table tous les partenaires de discussion qui sont nécessaires pour une lutte unitaire. Cette proposition du MAS/LSP au CAP en janvier 2008 a été refusée. Aujourd’hui le CAP tente bien de réunir la gauche radicale sur une liste unitaire, mais cela ressemble selon nous plutôt à une dernière tentative pour garder le CAP en vie au lieu d’être une initiative basée sur une campagne profonde dans le contexte politique et sociale actuelle.

    64. Le MAS/LSP ne va pas participer à ce jeu d’échecs politique, où la seule question est qui va faire échec et mat à qui. Mais s’il existe une chance réelle d’aboutir à une liste large anti-néolibérale pour 2009, nous nous y insérerons constructivement. D’ici là, nous préparons notre parti, nos militants et nos sympathisants à une participation aux élections avec des listes MAS/LSP, des listes ouvertes à chaque individu ou chaque groupe qui veut propager la nécessité d’un nouveau parti de travailleurs.

    65. Entretemps nous avons fait la proposition suivante au PTB dans notre déclaration à l’occasion du « renouveau » de leur parti. « Au lieu d’un tournant à droite, nous voulons proposer au PTB un tournant à gauche, vers le socialisme international et vers un front unique. Sur cette base, nous invitons le PTB à lancer avec le MAS un appel pour un parti large de lutte de tous les courants qui veulent s’opposer au néolibéralisme et à y représenter la tendance révolutionnaire avec le MAS. Le premier défi serait en ce sens les élections régionales, européennes et peut-être fédérales de 2009 avec une initiative commune pour une liste anti-néolibérale. »


    Annexe 1:

    Liste chronologique des évènements

    • 7 octobre 2005 Grève générale de la FGTB contre le Pacte des Generations.

      Le MAS/LSP intervient avec un appel pour un réseau des syndicalistes combatifs

    • 16 octobre 2005 Congrès du SP.a où plus de 200 militants FGTB accompagnés de Sleeckx tournent le dos au SP.a
    • 28 octobre 2005 2e grève générale avec manifestation de 100.000 travailleurs à Bruxelles. Le MAS/LSP lance une pétition pour un nouveau parti des travailleurs
    • 2 novembre 2005 Dans une lettre ouverte la délégation FGTB d’Agfa-Gevaert demande de casser les liens entre la FGTB et le SP.a
    • 26 novembre 2005 Premier meeting avec Sleeckx dans le Limbourg, 20 présents
    • 17 janvier 2006 Rencontre entre Jef Sleeckx et Theo Mewis d’une part et le Bureau exécutif du MAS/LSP d’autre part
    • 22 février 2006 Pièce d’opinion d’Une Autre Gauche dans La Libre Belgique
    • 30 avril 2006 Fête du CAP de veille du 1er Mai à Gand avec plus de 100 personnes présentes
    • 28 octobre 2006 Journée pour une Autre Politique à l’ULB avec 650 présents. Le MAS/LSP est responsable à lui seul de la moitié de la mobilisation
    • 15 décembre 2006 Réunions provinciales du CAP en 8 provinces
    • 3 février 2007 Conférence nationale du CAP qui décide de la participation indépendante aux élections
    • 14 avril 2007 Conférence national du CAP ou le matériel électoral et listes des candidats sont approuvées
    • 20 octobre 2007 Conférence national du CAP ou l’évaluation des élections est faite et où de nouveaux objectifs sont mis en avant


    Annexe 2:

    MOTION CAP-UAG – 28 OCTOBRE 2006

    1.Il est avant tout et surtout nécessaire de poursuivre la construction du mouvement sous la forme d’un programme politique combatif, basé sur des propositions concrètes et radicalement opposé à la politique actuelle néolibérale et pro capitaliste, à la fois sur le plan du social, de l’économie et de l’environnement. Nous nous y attelons dès aujourd’hui avec les propositions qui sortent des 12 groupes de travail.

    2.Nous devons aller plus loin et participer aux prochaines élections fédérales, sans par ailleurs rompre avec la dynamique propre au mouvement. Là où les conditions nécessaires seront réunies pour une participation crédible, des listes seront déposées pour les élections fédérales.

    Nous nous engageons sur base des propositions de cette réunion et de toutes nos expériences, à soumettre un programme électoral à l’approbation de notre mouvement.

    3.Tous les habitants de Belgique peu importe la langue qu’ils parlent seront invités à collaborer de manière aussi intensive que possible. UAG et CAP doivent poursuivre leur collaboration et l’intensifier, tendre à former une solide coordination, et à s’élargir selon les besoins. Une période d’expériences communes sera nécessaire avant de décider si notre organisation politique doit devenir un parti ou rester un mouvement. Cette question sera posée lors d’un futur congrès.

    Bruxelles, le 28 octobre 2006


    Annexe 3:

    Proposition pour la réunion du 6/11 d’évaluation du 28/10

    1. Les éléments positifs du 28/10, la présence et la décision pour les élections, doivent être transformés d’un coté en un bon fonctionnement des groupes locaux existants et la création de nouveaux groupes locaux, et d’un autre coté en une structure politique concrète, tenant compte des différentes initiatives politiques qui s’inscrivent dans le projet du 28/10. La construction du nouveau mouvement après le 28/10 continue ou tombe avec la construction des groupes locaux qui appliquent avec leurs forces les décisions du 28/10, et les groupes locaux qui cherchent une alternative.
    2. Nous proposons que tous les groupes locaux se rassemblent, en décembre, au sein d’une réunion par province, qui correspond aux circonscriptions électorales pour la Chambre en Flandre et à un rassemblement des quelques circonscriptions électorales en Wallonie. Ces réunions se font par invitation de tous “les présents du 28/10 CAP/UAG”. Elles préparent la campagne électorale, font les contacts politiques nécessaires, discutent sur la construction des groupes locaux et mettent en avant un calendrier provincial.
    3. La décision du 28/10 de participer ensemble (nord et sud, CAP et UAG) aux élections parlementaires de 2007 fait partie du processus dans lequel on considère la possibilité de transformer la formation de ce mouvement en un parti.
    4. La seule structure qui peut suivre de cette décision est une structure temporaire de campagne avec un mandat clair. Nous créons une équipe nationale de campagne qui doit créer les conditions pour pouvoir participer aux élections et coordonner cette campagne. Elle organisera une réunion nationale le 03/02/2007 où un programme sera décidé, une campagne élaborée, un budget déterminé et un nouveau nom proposé. Cette équipe est composée sur base d’une parité linguistique parmi ceux qui ont rendu le 28/10 possible. La composition de cette équipe est organisée sur base de mandats concrets qu’elle doit remplir. Cette équipe est confirmée le 03/02/2007 et y est éventuellement élargie.
    5. Dès le 03/02/07, on peut travailler sous le nouveau nom des listes électorales. La base de l’affiliation à ce nouveau mouvement est une contribution au fonds électoral et un engagement dans la campagne électorale.
    6. A côté de cela, un groupe est formé autour de Lode, Jef et Georges qui, sur base du succès du 28/10, va commencer des discussions avec d’autres forces et individus politiques qui s’opposent au Pacte des Génération et à la Constitution européenne et qui veulent aussi participer aux élections.
    7. Une commission (limitée en nombre, à peu près 6) sera composée pour faire la rédaction d’une proposition de programme électoral, proposé le 03/02/2007 à la réunion nationale. Les commissions thématiques vont jouer un rôle important en donnant des éléments à cette commission sur base de propositions concrètes de programme et d’initiatives d’actions. Nous demandons à ces commissions de faire passer leurs premières conclusions avant la fin de cette année.
    8. Cette méthode de fonctionnement est utilisée pour les 7 prochains mois. Après les élections, une nouvelle réunion d’évaluation va déterminer une méthode de fonctionnement pour commencer à préparer le congrès de fondation pour la fin 2007.


    Annexe 4:

    Principes de fonctionnement du Comité pour une Autre Politique, proposition de discussion dans la préparation du congrès de 20 octobre 2007.

    Le Comité pour une Autre Politique s’est posé sur la carte politique par son travail et sa participation aux élections. CAP veut donner une voix aux travailleurs ou allocataires sociaux et à leurs familles. L’énoncé des principes de fonctionnement esquissés ci-dessous est une méthode de travail temporaire afin d’atteindre notre but, la création d’une alternative politique.

    Le CAP est né de la critique contre la Constitution Européenne néolibérale et du soutien politique de Georges Debunne, Lode Van Outrive et Jef Sleeckx aux syndicats et à la population contre le Pacte entre Générations. Le CAP s’est développé par une participation aux luttes sociales et politiques et sur base de sa campagne électorale du 10 juin 2007.

    Le CAP est un mouvement politique indépendant qui, en dialogue avec d’autres partenaires, veut promouvoir un nouveau parti des travailleurs (c.-à-d. un parti de ceux qui vivent d’un salaire ou d’une allocation ainsi que leur famille). Le CAP se pose pour la réalisation des besoins de chacun par le biais de la défense et l’accroissement de services publics et collectifs, et s’oppose à une société qui se base l’appât du gain. La politique de privatisation et de libéralisation mine notre tissu social, notre environnement ainsi que nos conditions de vie et de travail. La première base provisoire du CAP est la ligne générale du programme défendu pendant les élections fédérales.

    CAP est un mouvement de membres. Les membres paient une cotisation annuelle de 25 euros ou de 12 euros pour les bas revenus. Dans la mesure du possible le CAP insiste auprès de ses membres pour qu’ils versent une cotisation mensuelle d’au moins 1 euro par mois.

    La plus haute instance de décision du CAP est le Congrès annuel qui réunit ses membres au moins une fois par an. Le Congrès continue l’élaboration du programme, définit la ligne politique générale du mouvement et les actions globales de l’année à venir. Le Congrès élit annuellement un Comité national. Tous les membres ont un droit de vote au Congrès. Tous les membres peuvent se présenter comme candidat au Comité national.

    L’organe de base est le groupe local du CAP. Le Comité national reconnaît un groupe local s’il y a au moins 5 membres dans un quartier, une commune, une école ou sur un lieu de travail, qui y en prennent l’initiative. Tous les membres du CAP sont appelés à être actifs dans les groupes locaux existants ou à former. Le groupe local règle ses propres activités dans le cadre des décisions du Congrès et du Comité national. Différents groupes locaux peuvent élire, en assemblé générale de leurs membres, un Comité exécutif par ville, commune ou région.

    Les groupes locaux peuvent élire, en assemblée générale de leurs membres, un Comité exécutif provincial. Si l’initiative d’un Comité provincial n’est pas prise, les groupes locaux proposent au Congrès 2 membres comme coordinateurs provinciaux au Comité national. Leur tâche de coordonner les groupes locaux de la province là où il n’y a pas de Comité provincial. Il est laissé aux membres de Bruxelles-Halle-Vilvoorde la liberté de se grouper comme " province" et d’adhérer soit à un Comité exécutif du Brabant flamand, soit à un Comité exécutif bruxellois. Cette décision est prise par une assemblée générale des membres de BHV.

    Les membres du CAP peuvent s’organiser en groupes de travail par thèmes ou secteurs pour autant que ces groupes de travail soient reconnus par le Comité national, le point de départ étant les 10 groupes de travail réunis le 28 octobre 2006.

    Toutes les autres règles concernant la gestion des finances, l’administration des membres, le fonctionnement des organes du CAP et l’installation des organes de travail (rédaction, secrétariat national, etc.) ou l’installation de structures locales, provinciales ou nationales avec personnalité juridique (asbl p.e.) sont élaborées par le Comité national élu le 20 octobre 2007. A toutes les réunions nationales du CAP tout le monde peut parler sa langue maternelle. Cela implique qu’une traduction appropriée est prévue.

    Le congrès de 20 octobre 2007 décide de la situation initiale concernant la reconnaissance des groupes locaux, groupes de travail et comités provinciaux déjà existants. Tous les membres reconnaissent ce statut comme base du fonctionnement interne et externe du CAP.

  • Le malheur des uns fait le bonheur des autres !

    Crise internationale du pouvoir d’achat, crise alimentaire,…

    Une crise alimentaire aux conséquences effrayantes se développe à l’échelle mondiale. De nombreux observateurs et économistes l’affirment “Dans les mois à venir, des millions de gens vont mourir de faim”. Tous pointent du doigt les immenses dangers de cette crise.

    Els Deschoemacker

    Cette crise n’est pas l’effet temporaire de l’un ou l’autre désastre naturel. Une intervention humanitaire à grande échelle ne suffira pas à faire face à la crise alimentaire actuelle, qui touche des centaines de millions de pauvres pour qui les produits de base deviennent bien trop cher.

    Le débat concernant les causes de cette crise et les mesures à prendre est intense. Pour les uns, la réponse réside dans le « libre marché » et toute mesure de limitation des prix ou de contrôle des exportations est donc à proscrire. Pour les autres, c’est au contraire dans la limitation et la correction de ce “libre marché” que se trouve la solution.

    Les raisons pour lesquelles plus de 100 millions de personnes sont venues – en quelques mois ! -grossir les rangs du milliard de pauvres (ceux qui vivent avec moins de 1 dollar par jour) qui existait déjà sont les mêmes que celles qui sont à la base des profits record de bon nombre de grandes sociétés agroalimentaires. Des mastodontes comme Monsanto, Cargill, Mosaic, Syngenta, Unilever, Nestlé, Wal-mart et autres producteurs de graines génétiquement modifiées, de produits agricoles, d’autres produits à base de soja, de maïs ou de blé, d’engrais,… ont augmenté leurs profits jusqu’à parfois 70% !

    Les pauvres et les classes moyennes du monde néocolonial ne sont pas les seuls à subir les conséquences désastreuses de l’augmentation des prix. Chez nous aussi, la crise du pouvoir d’achat fait exploser la part du budget des familles consacrée à la nourriture et à l’énergie.

    Quelles sont les causes de ce “choc des prix alimentaires” ?

    Une demande qui augmente…

    Plusieurs spécialistes parlent de l’augmentation de la demande des pays dits “émergents” comme le Brésil, l’Inde, la Chine,… Ces pays ont connu une croissance économique allant de 5 à plus de 10% sur base de la croissance de l’économie mondiale. Jusqu’au milieu de l’année 2007, l’euphorie était générale vis-à-vis de cette croissance et du développement des classes “moyennes” qui promettaient, à terme, l’abolition de la pauvreté.

    Durant ces années, des centaines de millions de gens ont ainsi pu augmenter un peu leur consommation alimentaire. Mais l’impact de cette augmentation ne doit pas être surestimé. D’abord, parce que la pauvreté est loin d’avoir disparu. Trois milliards de gens vivent avec moins de 2 dollars par jours, dont un milliard (une personne sur six) avec 1 dollar ou moins par jour ! Ensuite, parce qu’au cours des quatre premiers mois de 2008, ils ont déjà perdu en moyenne 0,20 dollar, une bouche en moins dans une famille de cinq (De Morgen, 26/04/08) et que la crise économique qui se développe risque de doubler ce nombre et d’effacer l’essentiel des gains des dernières années !

    … et une offre limitée

    Au cours des 20 dernières années, les investissements dans l’agriculture ont chuté vertigineusement et la productivité a suivi. L’hebdomadaire britannique The Economist (19/04/08) a ainsi écrit que “les investissements publics dans l’agriculture du monde néocolonial ont diminué de moitié entre 1980 et 2004. (…) Nous payons le prix de 15 années de négligence”.

    Mais il ne s’agit nullement de négli-gence mais au contraire d’une politique consciente aux conséquences catastrophiques. Le néolibéralisme a transformé des pays producteurs de nourriture en pays importateurs et a mené en général au sous-emploi et au sous-investissement dans l’agriculture pour la simple raison que ce n’était pas assez rentable. Le commerce dans les pays du Tiers-Monde a été « libéralisé » sous les pressions du FMI et de la Banque Mondiale pour favoriser les importations provenant des Etats-Unis et de l’Europe alors que ces derniers ont continué à protéger leurs propres marchés. Résultat: la production locale a été balayée. Les progrès technologiques (meilleurs engrais, graines,…) ne sont accessibles qu’à ceux qui disposent de gros capitaux. Les petits paysans du monde néocolonial sont donc privés de ces progrès.

    Des pays qui étaient hier auto-suffisants en termes de production de nourriture sont devenus dépendants de l’importation et en paient aujourd’hui le lourd prix. La nourriture importée est devenue inabordable pour des millions de personnes sans qu’une production de nourriture locale puisse la remplacer. De plus, les stocks mondiaux de nourriture ont baissé jusqu’au minimum absolu, ce qui est très attractif pour les spéculateurs !

    Agrocarburants: une solution face au prix du pétrole ou un crime contre l’humanité ?

    Les prix toujours plus élevés de l’énergie, la très grande instabilité politique et sociale dans les pays producteurs de pétrole ainsi que les conséquences dramatiques du réchauffement climatique – pas seulement dans le monde néocolonial (qui n’a jamais eu d’intérêt décisif pour le capitalisme mondial) mais ici aussi, dans le monde industrialisé – ont obligé les gouvernements et les grands groupes capitalistes à porter leur attention sur des formes “alternatives” ou “vertes” d’énergie.

    Aux Etats-Unis, la production alimentaire laisse une place grandissante à celle d’agrocarburants, comme c’est déjà le cas au Brésil depuis longtemps. L’Europe suit une pente identique. Fidel Castro a été l’un des premiers à montrer du doigt les conséquences perverses de cette politique mais aujourd’hui, même un rapporteur de l’Organisation des Nations-Unies parle des subventions accordées aux agrocarburants comme “d’un crime contre l’humanité”. Le problème, c’est qu’il n’existe tout simplement pas de solution écologique et humaine dans le cadre du capitalisme. Les agrocarburants sont aujourd’hui plus lucratifs et plus attractifs pour le capital, et tant pis si cela engendre de nouveaux problèmes. Le bonheur des uns fait la mort des autres !

    L’élément déterminant: la spéculation

    La fuite des capitaux du marché immobilier vers celui des matières premières, c’est-à-dire d’une bulle spéculative à une autre, est d’une importance décisive dans les augmentations de prix. Le capital, uniquement intéressé dans un maximum de retour sur investissement, s’est trouvé un nouveau “refuge”.

    La patronne de la société ADM (multinationale spécialisée dans la vente et la transformation de grains) a déclaré: “la volatilité sur le marché des matières premières présente des opportunités sans précédent”. Ce n’est pas du cynisme, c’est de l’économie. De l’économie de marché, plus précisément.

    Les crises récentes du marché immobilier, du crédit et de l’alimentation font chanceler les économies, créent de l’instabilité et mettent en danger les gouvernements. L’euphorie qui régnait encore au début de l’an dernier a totalement disparu. Aux Etats-Unis, où la crise est plus avancée, des centaines de milliers de gens ont perdu leur maison ou leur emploi, voire les deux. Un sérieux ralentissement de la croissance mondiale arrive à grands pas. Bien que des milliards de dollars et d’euros se soient évaporés, la recherche de profits continue et le pétrole, l’or et les matières premières sont devenu le nouvel eldorado. Personne ne va investir dans la production dans une période de déclin du pouvoir d’achat.

    L’économie mondiale est prise dans une spirale descendante et nous allons en subir les conséquences.

    Un monde politique sous pression et profondément divisé

    Des protestations massives autour du pouvoir d’achat et de l’alimentation (les fameuses émeutes de la faim) se sont développées partout à travers le monde depuis le début de l’année. Dans beaucoup de pays, les travailleurs sont passés à la lutte collective et des victoires ont été obtenues, comme les fonctionnaires en Syrie et en Egypte qui ont obtenu jusqu’à 30% d’augmentation salariale.

    La peur s’est installée. Des insti-tutions internationales comme la Banque Mondiale, le FMI ou l’ONU organisent des réunions, discutent,… mais ne trouvent pas de solutions viables. Bien entendu, il subsiste encore des fous libéraux qui appellent à plus de libre marché et à l’abolition des subventions et des limitations commerciales. Mais, sous la pression, la politique dominante des 20 dernières années commence à être mise en question et une tendance vers le protectionnisme et les interventions de l’Etat se développe. Des mouvements de masse, ou même parfois seulement la crainte de protestation, ont déjà forcé des gouvernements à prendre des mesures précédemment considérées comme hérétiques. Plus de 30 pays ont pris des mesures de limitation des exportations, de contrôle des prix, de subvention alimentaire,… pour tenter de contrer la spéculation.

    Tout cela peut temporairement et localement atténuer les problèmes. Nous sommes évidemment favorables à chaque amélioration à court terme et nous luttons pour en obtenir mais nous devons aussi prévenir des limites de ce type de mesures, et particulièrement du protectionnisme. Un contrôle des prix sans contrôle de la production et de la distribution conduit à des étagères vides dans les supermarchés et à la pénurie parce qu’il est plus avantageux pour les producteurs de se diriger vers le marché noir. Une augmentation des taxes pour les multinationales mène à une fuite des capitaux et de la production. Limiter les exportations alors qu’il n’y a pas assez de consommation locale peut pousser les paysans contre les autres travailleurs et le gouvernement local.

    En fait, œuvrer pour le bien des masses de pauvres et de travailleurs tout en essayant de donner un os à ronger aux propriétaires du capital est un grand écart impossible à réaliser.

    Une soi-disant « troisième voie » qui prétende sauvegarder à la fois les intérêts du travail et ceux du capital est un cul-de-sac.

    Food, not profit !

    Un programme socialiste contre le “libre” marché capitaliste

    Des protestations massives peuvent temporairement obliger les gouvernements et les entreprises à investir dans l’approvisionnement alimentaire ou les services publics, à produire en respectant mieux l’environnement, à payer des salaires qui suivent le coût réel de la vie,… à céder, donc, une part plus grande de leurs profits aux travailleurs et à leurs familles. Mais pour réaliser des changements fondamentaux, nous devrons nous en prendre au système de profit en lui-même.

    Cette crise alimentaire ne se solution-nera pas avec des sparadraps, il faut une approche mondiale, une planification de la production et de la distribution de nourriture sous le contrôle de la collectivité. Seule la classe ouvrière peut l’imposer en s’organisant, en luttant pour conquérir des droits syndicaux et politiques, en construisant des partis politiques qui défendent réellement ses intérêts et enfin en prenant elle-même le contrôle de la société.

    Les banques et le système financier jouent un rôle important dans cette crise. Nationaliser ce secteur et en utiliser les moyens pour le bien commun permettrait des investissements énormes dans une production de nourriture efficace, planifiée et respectueuse de l’environnement.

    Les nationalisations ont longtemps été considérées comme irréalisables, mais la crise du crédit a mis une fin à cette idée. Ces derniers mois, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, de grandes banques et institutions financières ont été nationalisées pour éviter des faillites qui auraient pu causer de grands problèmes au système financier et à toute l’économie.

    Partout, les banques ont reçu des garanties que leurs dettes seraient si nécessaire reprises par l’Etat, ce qui a incité les marchés à calmement continuer comme avant : la collectivité payera bien pour la spéculation quand ça tournera mal…

    Les travailleurs et les pauvres, où que ce soit, ne reçoivent pas ces garanties. Pourtant, ce sont eux qui produisent la richesse. Si les grandes banques peuvent être « sauvées » avec de l’argent public, pourquoi ne pas les nationaliser pour assurer à chacun assez de nourriture variée ou pour garantir l’emploi et les revenus ainsi que des services publics de qualité, notamment dans des secteurs comme l’enseignement et les soins de santé ? Ces idées ne sont pas neuves. L’expérience du mouvement ouvrier nous apprend qu’un programme de nationalisations ne peut être une solution que dans un système démocratique où le contrôle et la gestion sont assurés par les travailleurs.

    Cela est nécessaire tant pour assurer que des gouvernements corrompus et les riches élites n’accaparent les profits que pour garantir une efficacité et une planification à l’échelle nationale et internationale.

    L’augmentation des prix et la pénurie alimentaire peuvent conduire à de grands mouvements révolutionnaires qui, faute de solution dans le système de profit, chercheront nécessairement une solution au-delà les limites du capitalisme. Des gouvernements de gauche en Amérique Latine, comme au Chili au début des années ’70 et au Venezuela aujourd’hui, illustrent ce qui est possible, même si une fraction seulement de la richesse est utilisée dans l’intérêt commun. Mais ce type de mesures est insuffisant pour abolir la pauvreté et la misère.

    Les moyens de production doivent être dans les mains des travailleurs pour pouvoir utiliser la richesse, la technique et la nature dans les intérêts de l’homme et de l’environnement. Le vieux slogan “socialisme ou barbarie” est aujourd’hui plus actuel que jamais.


    Liens:

  • Hong Kong: 19 ans après Tiananmen

    Rassemblement de 48.000 personnes pour commémorer massacre de Pékin du 4 juin 1989

    Dans le contexte du tremblement de terre du Sichuan s’est déroulée la commémoration du 19ème anniversaire du massacre de Tiananmen. Il y a eu à cette occasion un grand intérêt pour l’intervention du Comité pour une Internationale Ouvrière et pour le journal China Worker.

    Par nos correspondants de chinaworker.info à Hong Kong, article publié le 6 juin

    Près de 50.000 habitants de Hong-Kong se sont réunis en mémoire de la répression brutale de 1989 à Pékin. Mais il ne s’agissait pas simplement de commémorer l’évènement et des revendications comme la fin du régime du parti unique en Chine et à Hong Kong ainsi que l’obtention de droits démocratiques étaient également portées par les participants. De nombreux jeunes ont pris part à la manifestation, avec des vétérans de ces évènements. Beaucoup de jeunes n’étaient d’ailleurs manifestement pas encore nés en 1989, quand la jeunesse et les travailleurs de Pékin ont retenu l’attention du monde entier.

    Durant la nuit du 3 au 4 juin 1989, les dirigeants chinois, sous l’autorité du maître des "réformes" capitalistes Deng Xiaoping, ont envoyé les tanks de l’Armée Populaire de Libération écraser les protestations des jeunes et des travailleurs de la capitale. Les principales exigences du mouvement de 1989 concernaient l’instauration de plus grandes libertés démocratiques et la fin de la corruption gouvernementale. Le régime avait pris la décision de réprimer brutalement les protestations après que les rassemblements de masse de la Place Tiananmen à Pékin se soient étendus à 130 villes chinoises et que les travailleurs aient commencé à rejoindre les protestations en construisant les premiers syndicats indépendants et en mettant en avant leurs propres revendications au sein du mouvement. Aucune évaluation précise du nombre de morts n’a jamais été donnée, mais les victimes tuées ont certainement été plusieurs centaines. Quelques sources parlent même de 3.000 décès.

    L’écrasement de ce mouvement, qui a coïncidé avec l’effondrement des régimes staliniens à parti unique en Russie et en Europe de l’Est, constitue un point crucial de l’histoire de la Chine. Cela a accéléré le développement de la politique capitaliste néolibérale en Chine, où toute mention de ces événements est aujourd’hui strictement interdite. Une génération de jeunes a grandi dans l’ignorance complète de ce mouvement. Les sites Internet sont contrôlés par 100.000 censeurs qui travaillent à plein temps pour le régime avec l’aide d’équipement spécialement développé pour cet usage par des compagnies américaines de haute technologie comme Cisco et Microsoft, afin d’empêcher toute mention du 4 juin. Cependant, des dizaines de messages cryptés ont été publiés – certains se référant à "notre 19e anniversaire" – mais rapidement enlevés par les autorités.

    Le tremblement de terre du Sichuan

    Cette année, l’atmosphère autour de la commémoration a été largement influencée par le tremblement de terre de Wenchuan, qui a entraîné jusqu’ici 70.000 décès confirmés et a laissé plus de cinq millions de personnes sans-abri. Les habitants de Hong Kong, comme du reste de la Chine et de beaucoup d’autres pays à travers le monde, ont généreusement contribué aux fonds d’aide. Plus de 43 milliards de yuan ont jusqu’ici été rassemblés en Chine et dans le monde entier. Mais cette atmosphère de solidarité avec les millions de victimes du tremblement de terre coïncide également en Chine avec un raz-de-marée nationaliste à la suite de la révolte de mars au Tibet (dont certaines régions sont dans la zone immédiate du tremblement de terre) ainsi que des polémiques qui entourent les Jeux Olympiques. Le Parti soi-disant "Communiste" au pouvoir a sauté sur l’occasion pour renforcer sa propre position et pour lancer un appel à l’unité nationale sous sa direction. On a pu voir un processus assez similaire dans les pays qui ont été touchés par le tsunami il y a trois ans. En Thaïlande par exemple, Thaksin Shinawatra a été réélu en 2005 avec une majorité écrasante, sous la forte influence de la manipulation réussie par laquelle le gouvernement en place a pu être présenté comme un bon gestionnaire de crise après le tsunami.

    En Chine, la vague actuelle d’unité nationale a surtout affecté les couches moyennes de la société chinoise, c.-à-d. ceux qui retirent la plupart des bénéfices de la politique pro-riches du gouvernement. Beaucoup parmi ceux qui se qualifient aujourd’hui eux-mêmes de "démocrates" en Chine et à Hong Kong affirment que le régime chinois "se dirige dans la bonne direction" – même s’il est difficile de trouver n’importe quel soutien effectif venant illustrer cette idée – et déclarent donc que la critique du régime est "décisive". Un commentaire typique à propos du 19e anniversaire de Tienanmen a été publié dans un éditorial du principal quotidien de langue anglaise de Hong Kong, le journal "démocratique" bourgeois South China Morning Post, sous le titre "Il est temps de guérir les blessures de la répression du 4 juin:

    "Cependant, il est indéniable que Pékin a gagné depuis une légitimité politique – sérieusement érodée après la répression – pour les réformes économiques qu’il a accompli et pour l’amélioration consécutive du niveau de vie des gens ordinaires… On se rappellera toujours des événements du 4 juin 1989. Mais si nous envisageons l’avenir, il est à espérer qu’ils ne continueront pas à être une source de douleur et de division."

    Ce que ce journal et d’autres partisans du capitalisme disent, c’est que tant que les dictateurs "communistes" de Chine continuent d’offrir des profits gigantesques aux capitalistes, ils ne devraient pas être trop fortement critiqués pour le recours à des méthodes dictatoriales. Le président nouvellement élu de Taiwan, Ma Ying-Jeou, a porté la démonstration d’amitié envers le régime de Pékin à de nouveaux niveaux quand il a dit, en référence aux événements de 1989, que le régime chinois devrait "continuer à favoriser la liberté et la démocratie". Le Koumintang, parti de Ma Ying-Jeou (les dirigeants de la Chine avant 1949) a ensuite repris ses négociations ouvertes avec Pékin, négociations par lesquelles il espère renforcer les liens économiques et obtenir une aide non négligeable pour les capitalistes taïwanais.

    "Partout, les gouvernements utilisent le tremblement de terre pour faire des excuses et offrir des dédommagements au régime chinois avant les Jeux Olympiques" a expliqué à chinaworker.info l’élu socialiste Leung-“Cheveux longs”-Kwok-hung (il a expliqué qu’il ne couperait ses cheveux que lorsque Pékin aura présenté ses excuses pour le massacre du 4 juin, NDT). "Ils ont besoin de réserves de dollars et du marché de la Chine en raison de la crise dans les banques et l’économie des USA, ils ne peuvent donc pas se permettre de déranger le régime".

    « Non au régime du parti unique ! »

    Pourtant, en dépit des événements de ces derniers mois, il n’y avait aucune humeur tendant vers le pardon et l’oubli lors de la commémoration de Hong Kong – loin de là. La signification de la manifestation de Hong Kong est que c’est la seule ville en Chine, en raison de son statut juridique spécial qui provient de son histoire coloniale, où de telles démonstrations publiques sont possibles. Les revendications portant sur la fin du règne du parti unique, entendues à de nombreuses reprises à la manifestation, seraient impensables n’importe où ailleurs en Chine. Un récent sondage d’opinion a montré un petit décalage dans l’attitude de la population de Hong Kong par rapport à il y a une année. Le nombre de personnes exigeant de revenir sur la version officielle du mouvement de Tiananmen, qualifié de "criminel" et de "contre-révolutionnaire", est tombé cette année à 49%, contre 55% il y a par an. Mais, toujours selon ce sondage effectué par l’université de Hong Kong, 58% des personnes sondées pensent que le régime de Pékin "a mal agi" le 4 juin.

    Certains ont craint que le rassemblement de cette année ne soit affecté par ces facteurs, et particulièrement par la tragédie du tremblement de terre qui domine l’attention des gens. Les organisateurs du rassemblement ont lié les deux thèmes, en transformant la commémoration en nuit de souvenir pour les victimes des deux événements.

    L’excellente mobilisation a été extrêmement significative dans ce contexte. Elle illustre à quel point le 4 juin est présent dans les esprits. Les aspirations pour des droits démocratiques et pour la fin de la dictature n’ont pas été atteintes par les catastrophes naturelles ou par le nationalisme pro-régime qui accompagne le projet olympique, qui coûte des milliards de dollars. L’anniversaire de l’année prochaine, symbolique puisqu’il s’agira du 20e, sera une journée de crainte pour le régime chinois.

    Lutte pour la démocratie – contre le capitalisme

    De plus en plus, même de la zone de tremblement de terre en Chine, des voix critiques s’élèvent au sujet de la corruption des officiels et de la manipulation de la crise par le gouvernement. Les protestations des parents qui ont perdu leurs enfants dans plus de 2.000 écoles effondrées deviennent un sujet particulièrement explosif. Des protestations se sont produites ces derniers jours à ce sujet et le régime – félicité par la presse capitaliste pour son "ouverture" – vient juste de publier des ordres pour interdire tous les rassemblements près des bâtiments scolaires détruits. De nouvelles restrictions pour la presse ont également été imposées et le régime craint que "l’ouverture" ne soit allée trop loin. C’est une chose d’avoir des journaux étrangers et chinois qui montrent des photos des ruines et de la visite de Wen Jiabao; mais c’en est une autre de voir des photos de parents éperdus tenant des photographies de leurs enfants morts ou qui sont traînés per les soldats hors des bureaux du gouvernement local lors d’une protestation. C’est tout autre chose en fait ! Ces voix critiques vont se multiplier dans les prochaines semaines, au fur et à mesure que l’énorme tâche de la reconstruction se précisera. On estime que la reconstruction des maisons effondrées et de l’infrastructure dans la province du Sichuan prendront huit ans. Sans injection de fonds du gouvernement central dans des proportions "Olympiques" – sujet sur lequel règne le silence – des défauts de construction et les retards pour reloger les sans-abris seront inévitables.

    Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO/CWI) et chinaworker.info ont eu une intervention réussie dans la manifestation du 4 juin. C’était la plus grande manifestation de l’Est asiatique à laquelle le CIO a participé. Notre matériel abordait les luttes des travailleurs, la répression d’Etat de Tiananmen au Tibet et la nécessité de syndicats démocratiques et indépendants. En mettant en avant dans nos publications que la lutte pour les droits démocratiques aujourd’hui est aussi une lutte contre le capitalisme en Chine et internationalement, nous avons pu jouer un rôle unique dans cette commémoration du 4 juin.


    Pour en savoir plus

  • Birmanie : Le désastre du cyclone. Les richesses et les privilèges passent avant l’aide.

    Birmanie : Le désastre du cyclone.

    Les effets effroyables du cyclone qui a frappé le vaste delta du fleuve Irrawaddy ont choqué partout à travers le monde. Mais le régime militaire s’avère incapable d’aider les victimes. La dévastation ainsi que le nombre de décès et de blessés sont probablement plus grands que ceux qui ont été entraînés par le tsunami de 2004.

    Keith Dickinson, Socialist Party (section de notre internationale en Angleterre et Pays de galles).

    Jusqu’ici, il est possible que 100.000 personnes aient décédé et 1,5 million de personnes sont en danger. Les travailleurs et les paysans luttaient déjà avant simplement pour survivre sous les privations et la répression du régime militaire, maintenant, dans les secteurs frappés par le cyclone, des millions de personnes souffrent également du manque d’abri, de la famine et de la propagation de maladies.

    Dans ce pays grand producteur de riz, ce sont les principales régions productrices de riz qui ont été frappées. Dans les médias britanniques, il a été dit que certaines des installations gazières et pétrolières en mer d’Andaman pourraient également avoir été endommagées par le cyclone, ce qui pourrait grandement préoccuper les généraux au pouvoir.

    Ces généraux ont principalement été financés par l’exploitation des gisements de gaz naturel et d’autres ressources minérales. L’année dernière, la Thaïlande voisine a importé de Birmanie pour 2,7 milliards de dollars en gaz naturel, ce qui représente 45% de toutes les exportations birmanes. L’investissement thaï en Birmanie s’est élevé à 1,34 milliards de dollars et continue d’augmenter.

    Le militant des droits de l’homme Benedict Rogers a écrit avant l’arrivée du cyclone dans la revue Far East Economic Review que le premier ministre thaï a décrit les généraux, après avoir conclu une nouvelle affaire d’investissement avec eux en mars, comme de « bons bouddhistes » parce qu’ils « ont médité », en dépit de leur massacre de moines bouddhistes en septembre passé.

    En février, le dirigeant de la Karen National Union, le plus grand groupe ethnique armé birman, a été assassiné en Thaïlande sur les ordres du régime birman, probablement avec l’assentiment des autorités thaïes. En mars, la police thaïe a fait des raids contre 14 organisations Karen en exil en Thaïlande.

    Ainsi le gouvernement thaï a « améliorer ses relations » avec les généraux birmans. Les gouvernements occidentaux l’incite maintenant à convaincre les généraux – qui résistent énergiquement à toute intervention extérieure – de permettre à la charité des travailleurs occidentaux d’organiser l’aide et la distribution de vivres désespérément requise.

    Il est intéressant de noter que le ministre des affaires étrangères thaï a déclaré que les généraux birmans sont inquiets de l’aide occidentale après les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan. En septembre passé, un des commentateurs du gouvernement birman a condamné les « puissances globales qui pratiquent l’hégémonisme ». La nouvelle prétendue « constitution » birmane, conçue pour préserver la dictature militaire, comprend des clauses qui interdisent le stationnement de troupes étrangères en Birmanie.

    Les gouvernements du monde condamnent le manque de démocratie du régime birman, mais ce ne sont pas les intérêts des birmans qui les préoccupent, mais bien les efforts des généraux birmans pour limiter l’influence et l’exploitation des puissances impérialistes afin de défendre leurs propres richesses et privilèges. Tandis que les différents gouvernements invitent leurs propres travailleurs – déjà frappés par la crise du crédit – à faire des dons pour organiser l’aide après le passage du cyclone, ils courtisent le régime birman.

    La Russie fournit de la formation nucléaire, de la technologie, de l’équipement et des armes à la Birmanie. L’Inde continue à investir et le Japon possède 19,3% du gisement de gaz naturel de Yetagun, entre autres projets importants, alors que Singapour est l’endroit préféré des généraux pour encaisser l’argent, l’investir, faire des achats, obtenir des soins médicaux, instruire leurs enfants et faire leurs accords sur les armes.

    Chine

    Le monde des entreprises de Grande-Bretagne, des USA et de France investissent eux aussi en Birmanie, mais c’est la Chine qui est le principal appui économique des généraux birmans, et le pays leur donne accès à l’Océan Indien.

    Avant le cyclone, le secrétaire général de la fédération birmane des syndicats a déclaré: « Quand le régime était sur ses genoux en 1998, les compagnies Chevron et Total l’ont remis sur pieds. C’est la même situation maintenant. Politiquement, le régime est dans un mauvais état. Mais c’est l’argent de Chevron et de Total qui leur permet de tenir. Ainsi, c’est la politique des multinationales qui soutient le régime. »

    Le peuple birman doit se débarrasser du régime répressif ; il a démontré à de nombreuses reprises, comme en 1988 et l’année dernière, sa capacité et volonté de lutter pour surmonter tous les obstacles afin d’améliorer son sort. Mais il ne peut compter que sur l’action et l’aide internationale des travailleurs et non sur « l’aide » des gouvernements capitalistes.

    Après les dévastations causées par le cyclone, alors qu’il est urgent d’obtenir l’approvisionnement en nécessités de base pour tous ceux qui en ont besoin, il est également nécessaire de reconnaître, comme un auditeur l’a fait remarqué à une radio, que: « la résistance et les ressources des Birmans à travailler en tant que collectivité pour s’entre aider». C’est évident après deux semaines, et cela le sera encore plus en changeant de régime.

    Les profits, pas les droits de l’homme.

    Le pipeline de pétrole et de gaz naturel de Yadana passe à travers la Birmanie du Golfe d’Andaman vers la Thaïlande. Ce pipeline, dont les associés sont Total et Chevron, a entraîné le travail forcé des masses ainsi que d’autres abus des droits de l’homme commis par l’armée sous l’œil bienveillant des multinationales. Durant les protestations pro-démocratiques de l’année dernière sous la conduite des moines bouddhistes et qui ont été brutalement réprimées par les généraux birmans, un porte-parole de PTTEP, un partenaire thaï de Total, a déclaré: « Les affaires continuent comme d’habitude. Je ne vois aucun impact dans un avenir proche » du malaise. « Quand nous avons un contrat avec un gouvernement, il n’importe pas vraiment de savoir quel gouvernement c’est. »


    Liens

  • Jeux Olympiques en crise : Dans la tourmente de protestations mondiales

    Jeux Olympiques en crise :

    Les positions se durcissent vis-à-vis du Tibet. Les “insultes” occidentales envers la Chine annoncent le danger d’une crise plus large.

    Article publié sur le site chinaworker.org le 16 avril 2008


    Quelques mots du traducteur…

    On ne sait plus où donner de la tête. D’un côté, on voit des artistes comme Steven Spielberg protester contre l’implication de la Chine en Afrique ainsi que contre l’oppression du peuple tibétain ou encore des manifestants tenter de bloquer la flamme olympique.

    De l’autre, des partis comme le PTB prétendument “rénové” en Belgique ou le Parti Communiste Français (qui vient d’envoyer Marie-Georges Buffet en visite au Vietnam pour y réaffirmer ses liens de solidarité avec la clique de bureaucrates qui y usurpe le pouvoir depuis maintenant bientôt 63 ans) vocifèrent contre la “propagande impérialiste” qui vise à salir l’image de la République “Populaire” de Chine (1). Sans se soucier aucunement du fait que la Chine soit aujourd’hui devenue un pilier du capitalisme mondial au même titre que les Etats-Unis…

    Pendant tout ce temps, les gouvernements occidentaux préfèrent faire l’autruche et attendre que passe la crise : en plein début de récession mondiale, qui donc voudrait se fâcher avec la Chine alors que nombreux sont ceux qui entretiennent des illusions sur son futur rôle de sauveur du capitalisme mondial ?

    Au milieu de tout ceci se trouve la polémique autour du Tibet et du Dalaï Lama, lequel, en réalité, est de plus en plus discrédité parmi les rebelles tibétains depuis qu’il a abandonné ses revendications indépendantistes pour chercher une solution uniquement par la voie diplomatique.

    Mais de ce fait, ni ce qui reste des staliniens occidentaux, ni les libéraux et autres pacifistes bien-pensants ne semblent s’en soucier, pas plus qu’ils ne se soucient des revendications et des aspirations du peuple chinois surexploité. Les travailleurs chinois, tout comme le peuple tibétain, ne doivent compter que sur eux-mêmes. C’est ce que nous verrons dans cet article et dans les autres.

    Mais laissons les collaborateurs du site chinaworker.org nous expliquer un peu plus en détail les tenants et aboutissants de toute cette histoire…

    Gilles


    [1] Le PTB a encore récemment publié une interview d’Anne Morelli, professeur à l’ULB, qui déclare que “quand on tape des immigrés à Toulouse, je suis contre, quand on tape des immigrés à Lhassa, je suis contre aussi” .

    Les Jeux Olympiques en crise

    Les Jeux Olympiques de Pékin plongent dans la crise. Les protestations qui ont suivi la Flamme Olympique lors de son trajet mondial ont ravivé la critique internationale quant à la politique suivie par le régime chinois à Tibet, et sur les “attaques contre les droits de l’homme” (un terme délibérément vague, signifiant répression étatique).

    La réaction en Chine a été une vague de nationalisme menée par les média contrôlés par l’Etat, afin de “défendre les Jeux Olympiques chinois”, comme si ces Jeux n’étaient pas avant tout une occasion de se faire plein d’argent pour les gros sponsors tels qu’Adidas, Samsung, Coca Cola et McDonald’s, une masse d’argent dont les travailleurs de ces entreprises – en Chine et dans le reste du monde – ne toucheront rien.

    Les critiques qui ont fusé de toutes parts après les manifestations à Londres, Paris et San Francisco ont mené à un accroissement des tensions internationales qui pourrait déborder en un conflit économique et politique bien plus large.

    A cause d’une mésestimation désastreuse de la part de tous les organisateurs, les JO 2008 sont devenus les Jeux les plus politisés depuis ceux de Moscou en 1980. Mais alors que le boycott cette année-là était mené par les gouvernements occidentaux, avec au premier rang Jimmy Carter ainsi que Margaret Thatcher et était joyeusement soutenu par leur “ami” Deng Xiaoping (annonçant ainsi le début de la « longue marche » chinoise vers l’économie de marché), les manifestations d’aujourd’hui proviennent d’en bas.

    Elles ont été menées par des organisations de la base, et n’ont reçu que très peu de soutien et d’encouragements de la part des différents Etats (c’est plutôt le contraire qui est vrai d’ailleurs). Le fait que ces manifestations aient été relativement petites est la preuve que leurs organisateurs ont surtout opéré à “contre-courant” du discours dominant dans les médias et parmi l’establishment – jusqu’à maintenant.

    Les dirigeants capitalistes occidentaux ont évité toute critique du soi-disant Parti “Communiste” Chinois (PCC), parce que leurs économies sont tellement dépendantes de ses politiques anti-ouvrières et anti-démocratiques, mais aussi parce que, comme le dit un vieux dicton : “Celui qui vit dans une serre s’abstient de jeter des pierres”! Etant donné ce que sait le reste du monde au sujet du demi-million de gens tués lors de l’occupation de l’Irak, l’administration Bush n’est pas vraiment en position de pouvoir juger les actions d’autres régimes.

    Le Président Bush a brillé par son absence de toute critique vis-à-vis de la répression au Tibet (où apparemment 150 tibétains et 20 Chinois Han ont été tués depuis le 14 mars) ou face à la Chine en général. A la place, il a pressé Pékin de “négocier” avec le Dalaï Lama et de montrer un certain “détachement”. Se référant au Tibet, on a pu entendre un dirigeant du PCC déclarer “Nous avons Bush derrière nous, il n’y aura donc aucun problème”, selon Xu Youyu de l’Académie Chinoise des Sciences Sociales (tiré de Dagens Nyheter, Suède, le 25 mars 2008). C’est exactement la même chose qui s’est produite avec Taïwan au cours des dernières années : Pékin et Washington ont collaboré très étroitement afin de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement du président indépendantiste Chen Shui-bian.

    Manifestations de la base

    Les gouvernements du monde entier ont été encore plus muets au sujet du Tibet qu’au sujet des liens entretenus par le régime chinois avec la Birmanie ou le Soudan. Là, il y a eu de la répression militaire, et derrière il y a l’influence politique et économique grandissante de la Chine en Afrique et en Asie du Sud-Est.

    Mais, à cause de la dépendance de plus en plus grande de l’Occident par rapport à la Chine, ces considérations n’ont pu être formulées très ouvertement. Cette réalité a été très clairement mise en avant par le Ministre français des Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, auquel Le Monde (29 mars 2008) demandait si les critiques de son gouvernement étaient “limitées” par la puissance économique de la Chine. “Effectivement, cela rend les choses plus compliquées”, a répondu Kouchner. “Si le Tibet avait le désir et les moyens d’acheter des réacteurs nucléaires EPR (made in France), les droits de l’homme seraient alors bien plus en vue du CAC 40”, la principale bourse française. Le Président Sarkozy a déclaré vouloir organiser un “boycott” de la cérémonie d’ouverture olympique, mais ceci n’est rien de plus qu’une manoeuvre pour tenter de regagner quelques points dans les sondages d’opinion. Lorsque le même Sarkozy s’était rendu à Pékin lors d’une visite d’Etat en novembre passé avec une délégation de 30 personnes comprenant la moitié de son cabinet, le Ministre des Droits de l’Homme avait été laissé à Paris ! Sarkozy est cependant revenu avec des contrats gouvernementaux d’une valeur de 20 milliards d’euro.

    Cependant, tout cet arrangement hautement profitable entre les différents gouvernements capitalistes pourrait être chamboulé par une remontée du sentiment nationaliste déclenchée par les Jeux Olympiques. Un sondage récent mené par le Financial Times du 15 avril 2008 a révélé un changement d’attitude majeur en Europe, avec les populations de Grande-Bretagne, de France, d’Allemagne et d’Italie percevant maintenant la Chine comme un plus grand danger pour la stabilité mondiale que les Etats-Unis.

    Aux Etats-Unis, la Chine est maintenant perçue comme étant une plus grande menace que la Corée du Nord ou l’Iran. Ceci se reflète également dans la course à la présidence aux Etats-Unis – laquelle a toujours été une grande occasion de “taper du Jaune”, bien que le ton diminue toujours un peu dès que le gagnant s’est fait élire. Hillary Clinton en particulier, déterminée à tout pour rester en lice, a attaqué la décision de Bush de se rendre à la cérémonie d’ouverture des JO. Une rencontre entre l’envoyée de la Maison Blanche au Tibet, Paula Dobriansky, et le Dalaï Lama, programmée pour la semaine prochaine, pourrait encore approfondir la crise actuelle.

    En Inde, la base des dirigeants tibétains en exil, les opposants tibétains auront peut-être le plaisir douteux de se voir “soutenus” par le BJP, parti hindou fondamentaliste, violemment opposé à l’autodétermination des peuples du Kashmir, d’Assame et d’autres parties de l’Inde, mais qui accuse, de la manière la plus hypocrite qui soit, le gouvernement de Manmohan Singh de chercher une “conciliation scandaleuse avec la Chine”.

    Partout dans le monde, on a pu voir les images d’un immense cordon de sécurité chargé de protéger la flamme olympique (ou “flamme sacrée”, comme les médias chinois l’appellent) ; ces images sont un désastre de propagande pour les organisateurs. Un porte-parole de la police parisienne a déclaré à The Gardian (8 avril 2008) que l’opération de sécurité qu’il a fallu mettre en place “était un peu comme celle qu’on avait pour Georges Bush”.

    Une telle image dans les médias, surtout avec le rôle provocateur et parfois agressif d’une escouade des “Dragons Volants”, unité d’élite de la Police Armée Populaire de Chine (PAP) qui était chargée de protéger la torche, a eu bien plus d’impact sur l’opinion, liant le problème de la répression et du manque de droits démocratique au Tibet et en Chine avec les Jeux Olympiques, que n’en auraient jamais été capables l’ensemble des groupes de pression d’exilés tibétains ou de groupes de défense des droits de l’homme en Chine. Le camouflet ultime pour les organisateurs chinois et du Comité olympique a été le départ du footballeur Diego Maradona en plein milieu de la cérémonie, à Buenos Aires, mouvement inattendu, étant donné les liens très étroits qu’entretient Maradona avec les gouvernements de Castro à Cuba et de Chávez au Vénézuela – deux régimes qui se sont publiquement déclarés en faveur de la répression au Tibet.

    Durcissement des positions

    Au moment où nous écrivons, les positions se durcissent. La dictature chinoise refuse d’annuler le parcours de la flamme olympique, le plus long jamais organisé puisqu’il devra parcourir les six continents pendant 130 jours, craignant que cela soit interprété comme un signe de faiblesse face à la pression internationale, une retraite qui saperait sérieusement la position de l’Etat monopartite. Les divers groupes de protestations perçoivent un soutien public international croissant, mais bien entendu les politiciens capitalistes ne font que sauter dans le wagon pour des raisons électoralistes, utilisant des arguments hypocrites et nationalistes. Ce revirement d’opinion est dû au fait que la classe dirigeante – en particulier dans les Etats impérialistes dominants – craint que la Chine, au vu de l’intransigeance du régime chinois au sujet des JO, n’adopte une position encore plus bornée lors de futurs débats économiques et géopolitiques bien plus importants.

    Le Comité International Olympique (CIO) se trouve d’un coup dans le camp des G8, OMC et autres symboles de la soif de profit des corporations et des jeux de domination politique qui sont la cible des protestations.

    Avec de puissants partis ouvriers dans les bons pays, il serait possible d’envoyer un appel à l’unité des travailleurs contre la répression politique et religieuse ainsi que contre l’exploitation capitaliste dans le monde entier. Malheureusement, étant donné qu’aucun des groupes impliqués ne représente une position ouvrière ou internationaliste, le débat autour des protestations a pris un cours nationaliste de tous les côtés.

    Les manifestations sont universellement décrites dans les médias occidentaux comme étant “anti-chinoises” ou “pro-chinoises”, mettant dans le même sac le régime dictatorial et les masses qu’il opprime (souvent sur demande de compagnies étrangères américaines ou autres). Aux yeux de nombreux Chinois, tout ceci n’est qu’une vaste campagne contre eux en tant que peuple, traditionnellement dénigré par les dirigeants occidentaux racistes. Pour cette raison, nombre d’entre eux s’alignent en ce moment sur une ligne nationaliste derrière le régime du PCC.

    Le fait que de nombreux porte-paroles du mouvement “Free Tibet” soient des occidentaux et non pas des Tibétains renforce également la propagande du PCC, qui prétend que les protestations sont organisées par les gouvernements occidentaux et la CIA qui tentent d’exploiter l’enjeu tibétain afin d’attaquer la Chine. Mais comme nous l’avons vu, c’est en fait tout le contraire. Même le Dalaï Lama et son gouvernement-bourgeois-en-exil, tous désespérés qu’ils sont d’arriver à des négociations avec le régime chinois, refusent de soutenir ces manifestations ou les appels à un boycott olympique.

    Le Dalaï Lama a récemment confirmé que des envoyés de son gouvernement sont entrés en discussion “privée” avec le régime de Pékin, tandis que la répression au Tibet continue. Le Président Hu Jintao exige du Dalaï Lama une “action concrète” afin de pouvoir sérieusement entamer les négociations. Pékin veut que le dirigeant tibétain se distancie de manière encore plus radicale des mouvements de protestation, et appelle ses disciples à coopérer avec les autorités. Une telle distanciation n’est pas exclue dans la période à venir, mais provoquerait alors un véritable schisme au sein du mouvement tibétain en exil, et saperait encore plus la position d’une direction déjà fortement critiquée pour sa politique conciliatrice.

    Les Jeux Olympiques, “apolitiques” ?

    L’establishment capitaliste partout dans le monde affirme qu’on ne devrait pas mélanger politique et sport. Mais c’est de la pure hypocrisie ! Le premier acte d’ouverture de la Chine à l’Ouest sous Mao Zedong en 1971 a précisément été sa décision d’autoriser la venue en Chine de l’équipe nationale américaine de ping-pong.

    Aujourd’hui, coincé au sujet du Tibet, le régime chinois utilise la question des Jeux Olympiques en tant qu’enjeu politique crucial. Il a donné une publicité énorme à l’idée que les protestations contre le JO relevaient d’un complot contre la Chine, inventant l’idée que la Chine est sous attaque et qu’elle doit se défendre. Le nationalisme chinois a des racines très profondes, dues aux crimes commis par les impérialismes occidentaux et japonais dans le passé. Mais une analyse plus attentive de la politique du régime révèle l’hypocrisie de leur position actuelle.

    Le PCC a démantelé l’ancien Etat-providence du pays (soins de santé gratuits, logements sociaux bon marché, éducation gratuite) et l’économie bureaucratiquement planifiée qui finançait ces réformes afin de pouvoir mieux embrasser l’économie capitaliste et attirer une quantité massive de capital étranger. 50.000 entreprises américaines opèrent à l’intérieur de la Chine et reçoivent de superbes cadeaux de la part du régime du PCC sous la forme de réductions d’impôts, de subsides pour l’achat de terres, et de main d’oeuvre bon marché. Mais pourquoi donc les travailleurs et paysans de Chine devraient-ils “défendre” cette situation ou toutes les autres politiques capitalistes du régime actuel ?

    L’alliance stratégique du régime du PCC avec le capital étranger est représentée par les JO de Pékin. Les Jeux ne sont qu’un grand festival à la gloire des grandes corporations, leur rôle principal étant d’être une source d’immenses profits pour les sponsors, les médias et le secteur de la construction. Ils n’offrent que très peu aux travailleurs, à part une distraction temporaire, en-dehors de la lutte quotidienne pour la survie. Le parcours de la flamme olympique, qui a été transformé par le régime chinois en un symbole de “l’honneur” chinois, a en fait été institué par les JO de Berlin en 1936 en tant que symbole du triomphalisme nazi. Cela n’a absolument rien à voir avec l’internationalisme ou la célébration de relations harmonieuses.

    La décision du régime chinois de faire passer la route de la flamme à travers le Tibet (avec l’escalade du Mont Everest), le Xinjiang et Taïwan ne peut pas être décrite comme étant un acte “apolitique”. Un tel étalage est l’apanage de chaque élite au pouvoir, où que ce soit, désireuse de faire voir sa puissance et de dévier l’attention du peuple des véritables enjeux : l’emploi, les bas salaires, la pollution mortelle et l’envolée des prix de la nourriture.

    Cette année encore, la moitié de la population mondiale va boycotter les Jeux Olympiques, étant donné que tous ces gens sont trop pauvres que pour s’acheter une télévision ou s’arrêter de travailler. Le Stade National de Pékin, spécialement construit pour l’occasion (le “Nid d’Oiseau”, comme ils l’appellent) a une capacité maximale de 91.000 spectateurs, c’est-à-dire 0,00007% de la population chinoise. Malgré le fait que leur cité soit une des plus riches du pays, la plupart des citoyens de Pékin ne peuvent se permettre un ticket pour le stade, où les meilleurs sièges seront occupés par de riches étrangers et par l’élite chinoise.

    Le stade a déjà coûté 3,5 milliards de yuan (350 millions d’euros) pour sa construction. Pendant ce temps, en Chine, 260 millions de personnes, y compris de nombreux Tibétains et autres membres de minorités nationales, n’ont pas accès à l’eau potable. Pékin elle-même doit faire face à de graves coupures d’eau, résultat de la désertification en Chine septentrionale et de l’épuisement de la nappe phréatique. Afin de “résoudre” ce problème pour les trois semaines durant lesquelles la ville sera pleine de journalistes, d’athlètes et de touristes étrangers, la cité de Pékin a été autorisée à drainer les réserves des nappes phréatiques de la province voisine de Hebei, y suscitant des manifestations de la part des industriels et des paysans.

    Les JO 2008 ont l’ambition de célébrer cette “Nouvelle Chine”, un acteur-clé dans le processus de mondialisation capitaliste, où le gouffre entre riches et pauvres est maintenant plus extrême qu’en Russie ou en Inde. La Chine compte maintenant 106 milliardaires en dollars, le seul pays à en compter plus étant les Etats-Unis. Cependant, 300 millions de gens vivent encore avec moins d’un dollar par jour (7 yuan), ce qui correspond au seuil de pauvreté absolu défini par la Banque Mondiale. Pour la vaste majorité de la population pauvre de Chine, ce qui est nécessaire, c’est la lutte et l’organisation – pas les discours extravagants glorifiant le nationalisme et les multinationales !

    L’affrontement des nationalismes

    En décrivant toute critique de ses politiques comme étant une “attaque à l’encontre de” et une “tentative de scinder” la Chine, le PCC est temporairement parvenu à mobiliser un soutien public, surtout en provenance de couches des classes moyennes urbaines et de la communauté chinoise vivant à l’étranger.

    Cela fait trente ans qu’une telle rhétorique anti-occidentale n’avait plus été utilisée dans les médias chinois, qui depuis des décennies ont tenté de suivre l’exemple voire de copier tout ce qui pouvait “faire occidental”. Même les critiques du régime et certaines parties de la gauche chinoise ont été emportées, dans une certaine mesure, par cette vague nationaliste. Le PCC copie la propagande de Bush et des Républicains américains, qui décrivaient toute opposition aux guerres d’Irak et d’Afghanistan comme étant “anti-américaine” et “pro-terreur”. Les résultats – une fois que les événements se seront développés – peuvent être similaires dans le sens d’une énorme désillusion et d’une colère envers un gouvernement qui ment à son peuple.

    Mais cette politique implique aussi d’immenses risques d’escalade du nationalisme chinois et une réaction mondiale sous la forme d’un nationalisme anti-chinois repris en choeur par des politiciens opportunistes. Les médias bourgeois du monde entier claironnent à nouveau la supériorité des “valeurs occidentales” par rapport au “capitalisme autoritaire” asiatique; comme si l’Occident n’exploitait pas et n’était pas basé sur ce capitalisme asiatique. Lors des dernières semaines, les forces de police en-dehors de la Chine ont arrêté presque autant de manifestants pro-Tibet que les forces de sécurité chinoises (bien qu’évidemment, le traitement infligé n’était pas le même). A Londres, la police a arrêté des jeunes juste parce qu’ils portaient un T-shirt “Free Tibet”. Merci la liberté d’expression !

    Les commentateurs de droite expliquent que le droits démocratiques sont intrinsèques à la société capitaliste judéo-chrétienne. Mais cela n’a rien à voir ! Historiquement, les Etats capitalistes européens ont assis leur règne dans une grande partie de l’Asie en utilisant exactement les mêmes méthodes que celles employées aujourd’hui par le régime chinois: il n’y a par exemple jamais eu d’élections libres à Hong Kong sous le règne britannique, ni au Tibet qui a été envahi et occupé par les troupes britanniques de 1904 jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale. La plupart des pays européens n’ont pas connus le suffrage universel avant la révolution bolchevique de 1917 en Russie (qui a forcé les capitalistes partout dans le monde à instaurer des réformes en profondeur, de peur d’une révolution).

    L’Histoire a montré que la seule force capable de garantir des droits démocratiques de base est un mouvement ouvrier organisé. Ces droits sont de plus en plus attaqués par les pays occidentaux, surtout depuis le début de la “guerre contre la terreur”, et ne peuvent être maintenus que par une lutte ouvrière soutenue aboutissant au renversement du capitalisme et à son remplacement par une société socialiste démocratique.

    A moins que des mesures ne soient prises pour étouffer la crise olympique, ceci pourrait bien marquer le début d’une nouvelle “Guerre Froide” entre camps capitalistes rivaux. Au sein du camp sanctionné “prochinois” par le régime, comme on l’a vu lors de la grande manifestation à San Francisco le 9 avril, on retrouve tout un assortiment de nationalistes de droite, de fascistes, de partisans du Guomindang et de membres des mafias – qui sont loin d’être des amis de la classe salariée chinoise – et qui tentent d’utiliser cette occasion afin d’étendre leur influence. A cette même manifestation à San Francisco, un vétéran des événements de 1989 à Pékin a été physiquement attaqué et traité de “traître” par des Chinois pro-régimes, parce qu’il portait un T-shirt “n’oubliez pas Tienanmen”. En Australie, des organisations chinoises ont mobilisé pour “défendre” la flamme olympique le 24 avril et ont dû commander des stocks supplémentaires de drapeaux nationaux chinois, l’approvisionnement local étant épuisé.

    Le slogan officiel des Jeux Olympiques 2008, “Un monde, un rêve”, n’est plus qu’une vaste blague ! Pendant ce temps, les partisans de l’indépendance au sein du mouvement national tibétain, opposés à la “grande autonomie” mise en avant par le Dalaï Lama, gagnent du terrain au fur et à mesure que la répression s’intensifie.

    Leçons des manifestations anti-japonaises

    Comme l’ont toutefois démontré les manifestations anti-japonaises de 2005, le régime chinois pourrait intervenir afin de disperser les protestations et mettre un terme aux refrains nationalistes sur internet dès que cela commence à poser un problème à son marché d’exportation et aux investissements étrangers.

    Dans l’environnement précaire qu’est le monde actuel, les menaces pesant sur l’économie chinoise sont encore plus sérieuses. Aucune grande puissance économique n’est plus dépendante des marchés mondiaux que ne l’est la Chine. Une autre – plus grande encore – menace à laquelle doit faire face le régime chinois est la classe salariée surexploitée qui pourrait saisir cette opportunité pour se mettre en grève afin d’obtenir une hausse salariale et d’autres améliorations de leur niveau de vie aux dépens des capitalistes étrangers qui possèdent un quart de l’industrie chinoise (bien que ces entreprises soient intimement liées avec des capitaux chinois “nationaux”). En avril-mai 2005, 40.000 travailleurs à Dalian et 12.000 à Shenzen ont cessé le travail contre leurs patrons japonais. Parmi leurs revendications se trouvaient le droit d’avoir un syndicat indépendant et, bien qu’ils n’ont pas obtenu satisfaction sur ce point crucial, leur grève leur a assuré d’importantes concessions économiques.

    Une campagne est maintenant en cours en Chine pour boycotter les marchandises françaises, à la suite de « l’insulte” commise par les politiciens français (y compris, de manière assez ironique, par le Parti « Communiste » Français qui dirige Paris avec les « Socialistes » et les « Verts »). Cela a été tourné en une attaque contre l’athlète paralympique chinoise, Jin Jing, surnommée “l’ange en chaise roulante” par les médias chinois. Elle est maintenant devenue une star dans le pays après avoir dû repousser un manifestant parisien qui tentait de lui arracher la flamme olympique des mains.

    Mais cette campagne de boycott est réactionnaire et en dit long sur la nature des classes sociales qui se font le plus entendre au sein du débat qui fait actuellement rage en Chine. Les neuf-dixièmes de la population chinoise ne peuvent pas se payer de vin français ni des sacs Louis Vuitton ; dans un certain sens, ils sont déjà en train de “boycotter” les produits français. Des activistes sur internet ont également appelé à un boycott national de Carrefour, le plus gros détaillant étranger en Chine. Mais cette campagne – si elle réussit – fera surtout du tort aux 40.000 employés chinois de l’entreprise plutôt qu’à ses patrons français.

    Comparons cette prise de position par rapport à l’absence de réaction lorsque 3.000 travailleurs du Sichuan, en juillet de l’an passé, ont entamé une grève particulièrement âpre contre la multinationale du ciment française Lafarge, qui avait décidé une vague massive de licenciements à l’ex-usine nationale de ciment Shuangma, près de Jiangyou. Il n’y eut alors aucun appel de la part des nationalistes à boycotter les produits français. A ce moment-là, un contingent de 2.000 agents de la même police paramilitaire (PAP) qui est aujourd’hui chargée de protéger la flamme olympique et de réprimer les manifestants tibétains a été utilisée pour écraser la grève de deux semaines. Une ouvrière de 25 ans s’est suicidée en guise de protestation contre l’entreprise française et ses nervis de l’Etat chinois. Mais, au contraire des manifestations olympiques actuelles ou des émeutes du Tibet, les protestations au Sichuan n’ont jamais été relayées par les médias étatiques…

    Tibet – quelle solution ?

    Comme les véritables socialistes l’ont toujours averti, le régime chinois utilise les événements au Tibet et maintenant le débat olympique afin de rassembler un soutien populaire en faveur d’une extension des forces de répression pour faire taire toute critique vis-à-vis de sa politique anti-pauvres.

    Du point de vue de la propagande, les attaques exercées par les Tibétains sur les civils d’ethnie chinoise Han ou Hui lors des émeutes du 14 mars ont rendu un énorme service au régime. Il y a malheureusement un risque élevé d’explosion de violences interethniques sous un régime qui interdit l’organisation autonome des masses, et surtout de la classe ouvrière. Un proverbe chinois dit : “Tue le poulet pour faire peur au macaque !” Aujourd’hui, on fait un exemple des Tibétains, mais le message “Obéis ou meurs !” vise en particulier l’immense classe ouvrière chinoise.

    Il faut se souvenir qu’en mars 1989, Hu Jintao, alors responsable du PCC au Tibet, a organisé un assaut militaire sur le Tibet avec des centaines de morts en conséquence. Trois mois plus tard, les mêmes méthodes étaient utilisées – mais de manière encore plus brutale – contre les travailleurs et les jeunes de Pékin.

    La répression au Tibet fait suite à toute une série d’autres protestations de masse qui représentent un défi au pouvoir et à l’autorité du gouvernement chinois. Le massacre de Shanwei, le 6 décembre 2005, dans la province de Guangdong (Canton), est un de ces cas.

    Officiellement, trois villageois ont été tués lors d’une manifestation contre la construction d’une centrale électrique hautement polluante. Selon les résidents, ce sont en fait 13 personnes qui ont été tuées, et ils accusent les autorités de cacher les cadavres et de terroriser les villageois afin de couvrir l’affaire. Toutes les victimes de Shanwei étaient des Chinois Han. Ces images n’ont jamais été diffusées à la télévision d’Etat, au contraire des séquences montrant les Tibétains insurgés qui ont été passées et repassées tous les jours pendant plusieurs semaines.

    En fait, les événements au Tibet sont le seul cas de trouble politique qui soit montré à la télévision, dans un pays ou, selon les chiffres officiels (!), des émeutes, l’incendie de voitures de flics, et autres actes de violence, se produisent sur une base quasi-hebdomadaire. Par exemple, sept manifestants et un policier auraient apparemment perdu la vie lors des manifestations anti-pollution de mars dans le Fujiuan. Bien entendu, toute information sur ces événements (au cours desquels aucun Tibétain ne prit part) a été totalement censurée.

    Les mouvements de protestation réclamant plus de droits religieux et politiques au Tibet, sont à l’image de ceux qui se sont produits au cours des dernières semaines dans d’autres régions de l’Ouest de la Chine, et de la province du Xinjiang, à majorité turcophone, qui ont reçu toute la sympathie de nombreux travailleurs et jeunes partout dans le monde. Ceci n’a rien à voir avec la position des classes capitalistes de ces pays, qui ne se soucient pas une seconde du sort des peuples chinois et tibétains, du moment que leurs profits sont en sécurité.

    Le gouvernement chinois et les autres nationalistes se défendent en disant que la majorité des gens à l’étranger ne se sont jamais rendu au Tibet, et ne connaissent donc pas la situation sur place. Mais la plupart des 30 millions de gens qui ont manifesté contre la guerre d’Irak en 2003 ne se sont jamais rendus ni aux Etats-Unis ni en Irak, mais sont capables de reconnaître une agression militaire lorsqu’ils en voient une !

    Le conflit tibétain est devenu une des premières préoccupations dans la conscience des gens partout dans le monde, aidé en cela par une série de mauvais calculs de la part du régime chinois. Mais ce conflit ne peut être résolu sur une base capitaliste. Quelle que soit la répression exercée par le régime du PCC, ce n’est pas cela qui réconciliera les Tibétains avec les conditions de vie qu’ils connaissent aujourd’hui.

    Mais aucune solution n’est à attendre non plus de la part de la direction bourgeoise du mouvement tibétain en exil, ni de la clique de tous les divers groupements des “amis du Tibet”, aux objectifs surtout religieux. Poussés par les mesures de plus en plus brutales exercées par le régime de Pékin, il y a maintenant des signes indiquant que toute une section de la jeunesse tibétaine pourrait se diriger sur la voie du terrorisme individuel. Les marxistes sont contre cette méthode d’action, puisque le seul résultat qu’elle pourrait obtenir serait de donner au régime chinois une nouvelle excuse pour aggraver la répression, tout en rendant plus difficile une lutte commune aux côtés des ouvriers et paysans d’ethnie chinoise Han.

    La libération de la dictature et de l’oppression nationale ne peut se faire que par une lutte de masse organisée et contrôlée démocratiquement, basée avant tout sur les forces de la classe ouvrière.

    L’ennemi, c’est le capitalisme

    Les communautés tibétaine et chinoise Han ont vécu en interaction très étroite pendant des siècles. De nombreux foyers tibétains vénèrent Mao Zedong pour le rôle qu’il a joué dans l’abolition du féodalisme et l’amélioration des conditions de vie, même si les méthodes utilisées, qui étaient celles d’une bureaucratie à la main lourde (les seules méthodes disponibles pour une dictature stalinienne) en aliénèrent également plus d’un.

    Le conflit actuel, toutefois, n’est pas une simple rediffusion des conflits de 1959 et 1989 (pour plus d’informations, voir notre article sur le Tibet et la Question Nationale ). Le développement du capitalisme au Tibet a aggravé les tensions sociales à l’extrême, la majorité des Tibétains (dont 75% vivent en région rurale) ayant manqué le boom économique de la dernière décennie.

    Plutôt que des libertés nationales, linguistiques ou religieuses, bien que ces enjeux aient également leur importance, la raison de la récente insurrection était la colère contre la domination croissante de l’économie tibétaine par des riches Chinois Han ou même Hui, tandis que la plupart des Tibétains sont marginalisés économiquement. “C’est le capitalisme qui est identifié comme étant l’ennemi”, s’est exclamé Pankaj Mishra dans le Guardian Weekly (28 mars 2008), l’un des rares rapports occidentaux qui ne soit pas complètement à côté de la plaque.

    Les marxistes défendent le droit des Tibétains à décider de leur propre futur, jusqu’à et y compris le droit à l’indépendance. Mais il y a une polarisation croissante au Tibet, entre les diverses communautés ethniques et parmi les Tibétains eux-mêmes.

    Le régime de Pékin a développé une couche importante de cadres et intellectuels tibétains qui craignent que leur privilèges et positions ne leur soient retirés si le gouvernement du Dalai Lama devait être rétabli à la suite de négociations, et craignent encore plus les masses populaires. Tandis que pour le gouvernement en exil, le “compromis” d’une plus grande autonomie au sein de la Chine, n’est plus considéré comme une “tactique”, mais exprime le désir des anciens maîtres féodaux de se muer en actionnaires capitalistes à la tête d’un nouveau paradis touristique que l’on nommerait “Shangri La”, financé par de grosses injections de capital en provenance de Pékin. Fait peu connu de la plupart des commentateurs capitalistes étrangers, il y a en fait deux élites bourgeoises tibétaines rivales, une interne et une externe, celle basée à Lhassa étant encore plus hostile à un accord avec le Dalai Lama que les dirigeants du PCC à Beijing.

    La classe ouvrière en Chine, au Tibet et dans le reste du monde doit dans cette dispute adopter une position indépendante de tous les camps nationaux bourgeois – s’opposant clairement au racisme et au chauvinisme national, maintenant une position en faveur de l’unité de la classe ouvrière et de l’internationalisme. Concrètement, les masses au Tibet ont besoin de lier leur lutte pour des droits démocratiques de base, pour la fin de la répression étatique et pour un contrôle démocratique sur l’économie à la lutte de la classe ouvrière et de la paysannerie qui se développe à travers toute la Chine. Ce mouvement doit se battre pour :

    • La fin du régime du parti unique et de la répression étatique.
    • La liberté d’association, d’expression et de religion.
    • Le droit d’organisation en syndicats et associations paysannes indépendants, et en partis politiques, répondant également à la nécessité d’un parti ouvrier combatif.
    • La fin des privatisations et des attaques néolibérales. Nationalisation de toutes les principales entreprises – qu’elles appartiennent à des étrangers ou à des Chinois – sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs. Pour un véritable plan de production socialiste basé sur les comités d’usine, les associations rurales et autres organes populaires à direction élue. La fin du privilège des cadres de l’Etat.
    • Le droit à l’autodétermination du peuple tibétain et de toutes les autres minorités, tout en reconnaissant que le capitalisme et l’oppression nationale (l’impérialisme) ne peuvent être vaincues que par une lutte socialiste internationale, ayant pour but l’établissement d’une fédération socialiste démocratique et sur une base volontaire regroupant les peuples chinois et des autres nations asiatiques, en tant que membre d’une fédération socialiste mondiale.

    Pour en savoir plus

  • Augmentation des prix et crise alimentaire: Ce n’est pas notre faute, ce n’est pas à nous de payer!

    Augmentation des prix et crise alimentaire:

    Ce n’est un secret pour personne, les prix augmentent. En Belgique, le prix de l’essence a ainsi augmenté de 12% en une année, celui du pain de 13%, celui des œufs de 25%, celui du mazout de 26% et celui des spaghettis de 25% ! Les dépenses d’un ménage moyen en Belgique se sont en fait élevées de 5,2% quand on compare le premier trimestre de 2008 au premier trimestre 2007. Et rien n’indique que ces chiffres sont appelés à baisser…

    Vous le savez, ni les salaires, ni les allocations n’ont suivi cette courbe. Enfin, ça dépend pour qui. Le patron de Delhaize peut par exemple sans problème s’accommoder de la hausse des prix pratiqués dans ses magasins : il a reçu en 2007 une augmentation salariale qu’aucun travailleur ne juge réaliste pour lui-même : +25% ! Cela lui fait tout de même un salaire de 2,6 millions d’euros… Et, alors que nous devons nous serrer la ceinture sans cesse plus fortement, il est loin d’être le seul dans ce cas : le patron d’Inbev (Jupiler, Stella,…) a ainsi palpé pour l’an dernier un salaire de 4,28 millions d’euros en 2007 (+8,9%).

    Partout à travers le monde

    Partout dans le monde, c’est la même chose, la même tendance, bien qu’il y ait évidemment des différences de proportions et d’impact. Internationalement, depuis la mi-2007, les prix alimentaires ont augmenté d’environ 40% et la Banque Mondiale estime que la cherté de la nourriture est devenue un combat quotidien, un combat de survie, pour environ 2 milliards de personnes. Des « émeutes de la faim » ont pour l’instant touché une quarantaine de pays. Mais à côté de cela, des multinationales agroalimentaires comme Nestlé s’en sortent très bien. L’an dernier, le chiffre d’affaires de cette entreprise était de 66,55 milliards d’euros (+9,2%) pour un bénéfice net de 6,59 milliards d’euros (+15,8%). L’année 2008 commence assez bien aussi puisque son chiffre d’affaires a encore augmenté de 9,8% durant le premier trimestre. Pour Danone, cela se passe encore mieux : + 11,4% de chiffre d’affaires durant le premier trimestre.

    C’est dans ce fossé entre riches et pauvres qu’il faut trouver l’explication de la hausse des prix de l’alimentation. Dans les médias, on entend beaucoup parler de la croissance de la demande en Inde ou en Chine, ou encore des prétendus « bio » carburants. Mais même si ces éléments jouent un rôle, ils n’ont pas émergé d’un coup, comme ça. Ils expliquent donc difficilement la récente et rapide flambée des prix. D’autant plus que, selon l’ONG 11.11.11, il y a actuellement sur terre de quoi nourrir au bas mot 12 milliards de personnes, soit près du double de population actuelle…

    Qui est responsable ?

    La crise économique mondiale issue des Etats-Unis (la fameuse crise des « subprimes », ou crédits à hauts risques) a provoqué un effondrement des possibilités de spéculation.

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    Les protestations augmentent à travers le monde, en Afrique (ci-dessus:"A bas les affameurs du peuple!"), en Europe (ci-dessous, en France) et ailleurs.
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    Les spéculateurs, pas bêtes, se sont donc reportés sur la nourriture et les matières premières. Parce que, ça a beau être la crise, on est tous bien obligés de manger… et donc d’acheter de quoi se nourrir. Et hop, les spéculateurs ont acheté les stocks de nourriture pour s’enrichir encore plus, et tant pis si, au passage, des centaines de millions de personnes ne sont plus capables d’acheter de quoi manger. Ainsi, pour la patronne de la société ADM (une multinationale spécialisée dans la vente et la transformation de grains): "la volatilité sur le marché des matières premières présente des opportunités sans précédents". Ce n’est pas du cynisme, c’est de l’économie. De l’économie de marché, plus précisément.

    Car ici, il ne s’agit pas d’un disfonctionnement du système. Le « libre marché » a conduit à la crise des crédits (on encourageait à consommer quitte à s’endetter jusqu’au cou et au delà) et pour continuer à amasser des profits gigantesques, les coupables spéculent maintenant avec la nourriture. Doit-on laisser ces salauds continuer ? Doit-on permettre que, de crise en crise, ce soient toujours aux victimes – les travailleurs, mais aussi la planète – de payer pour que les responsables continuent à mener leur vie indécente de parasite ?

    Nationalisation sous contrôle des travailleurs et des consommateurs

    Le contrôle de la production de nourriture et de l’approvisionnement doit immédiatement être retiré des mains des spéculateurs, des négociants internationaux et des grosses compagnies agroalimentaires.

    A côté de revendications pour être capables de faire face à la hausse des prix comme une hausse importante des salaires et des allocations, le mouvement ouvrier doit exiger que ces institutions soient nationalisées pour permettre la mise en place d’un plan de distribution de nourriture à des prix raisonnables pour tous. Ces entreprises nationalisées doivent être sous le contrôle des travailleurs et des consommateurs afin que la production soit enfin orientée vers la satisfaction des besoins de la majorité de la population et non vers la soif de profit d’une minorité de capitalistes.


    Liens:

  • Où va la Chine ?

    Emeutes au Tibet, crise économique, etc. Le régime chinois est un gigantesque paquebot pris dans une tempête et qui commence à craqueler de toutes parts…

    Le Tibet proteste contre l’oppression nationale

    Les récentes émeutes qui ont éclaté au Tibet ont des racines autant ethniques qu’économiques. Dans cette région – la plus pauvre de Chine – les banques, restaurants ou commerces sont le plus souvent contrôlés par des chinois aisés de l’ethnie Han alors que les tibétains sont confrontés au racisme, au chômage et aux brutalités policières. En conséquence, les émeutes ont pu parfois prendre un dangereux caractère ethnique.

    Le régime de Pékin – bien que surpris par la violence du mouvement – a réagi en déployant les forces armées, en bloquant internet et les téléphones portables, en interdisant à tout journaliste indépendant du régime de se rendre sur place,… Tout cela a été accompagné de la plus grande campagne de désinformation que le pays ait connu depuis longtemps.

    Le gouvernement chinois a accusé le Dalaï Lama d’être l’instigateur des émeutes. Mais ce dernier a toujours été plutôt « conciliant » face à Pékin et refuse l’indépendance au bénéfice d’un système similaire à celui de Hong-Kong. Plus marquante encore est son absence totale de critiques face à la situation économique rencontrée par « son peuple ». En fait, l’explosion de la colère tibétaine est plutôt un signe de l’affaiblissement de l’autorité politique du Dalaï Lama et de son gouvernement en exil.

    Nous sommes pour le droit à l’autodétermination du peuple tibétain. Mais dans le cadre du système capitaliste – et vu la situation tant économique que géopolitique de la région – l’indépendance du Tibet ne conduirait qu’à l’asservissement non seulement face à la chine, mais aussi face à l’Inde et aux USA. Les masses tibétaines doivent être maîtresses de leur destinée et doivent donc lutter pour le contrôle de leur économie. Cela ne peut se faire qu’en luttant pour une société socialiste avec une économie démocratiquement planifiée où les moyens de productions appartiennent aux travailleurs, qu’ils soient Hans ou tibétains.

    Le socialisme? La Chine se dirige ailleurs…

    Une telle société est aux antipodes de la Chine actuelle. Après la révolution de 1949, malgré le caractère bureaucratique du régime chinois, l’introduction d’une économie planifiée a apporté nombre d’avantages sociaux (dans le domaine de l’enseignement, de la santé publique, du logement, etc.) Mais aujourd’hui, dans les campagnes, le système de santé n’existe même plus. Et même s’il y avait encore assez de médecins, la population ne pourrait pas s’offrir leurs services. C’est donc sans surprise que se développent régulièrement des foyers d’infections. Ne parlons des transports en commun dans les grandes villes: ceux-ci sont soit volontairement laissé à un stade de développement préhistorique (4 lignes de métro seulement pour tout Pékin) soit soumis au capitalisme. Les compagnies de bus de Pékin se font ainsi concurrence, bien qu’elles appartiennent au même propriétaire : l’Etat. Les prix ne diminuent pas pour autant, bien au contraire. Enfin il est important de préciser que le système scolaire est payant.

    Une société où des services élémentaires tels que les soins de santé ou la scolarité sont soit payant soit absent et où la répression et la brutalité sont quotidiennement présentes ne peut se dire socialiste.

    Une récente pénurie de carburant a pris place car les dirigeants de Pétrochina (tous membres du Parti « Communiste ») voulaient augmenter les prix. Le gouvernement, qui craint une inflation trop forte, a tenté de résister et un bras de fer a donc eu lieu avec à la clé une victoire de la compagnie et des difficultés en plus pour la population victime de la pénurie. Quel est le degré de contrôle qu’exerce encore le gouvernement chinois sur les entreprises? Il est clair que les staliniens chinois quittent de plus en plus l’économie planifiée et que les principes capitalistes régissent des pans toujours plus grands de l’économie.

    Crise économique : Quel impact ?

    Jusqu’il y a peu, les dirigeants chinois pensaient que la crise des subprimes ne les menaceraient pas, mais leur prévisions sont maintenant nettement plus pessimistes. La Chine exporte beaucoup vers les USA, et la crise qui s’y développe est un problème d’autant plus préoccupant que la monnaie chinoise a gagné 20% en un an par rapport au dollar et les exportations sont donc plus coûteuses. Il est vrai que la moitié des exportations chinoises restent sur le continent asiatique, mais tous ces pays exportent eux aussi beaucoup vers les USA. S’ils ne peuvent plus y exporter leur production, ils n’importeront plus celle de la Chine.

    En Chine, 90% des logements sont privés (contre 60% en Europe), ce qui entraîne une augmentation du coût de la vie. Les travailleurs doivent s’endetter pour payer leur logement, mais les prix ne cessent d’augmenter. Jusqu’à quel point les travailleurs chinois pourront-ils rembourser? Il est en fait très probable que la crise – en plus de se transmettre – se reproduise en Chine.

    Cette crise est la hantise des dirigeants chinois. Les 10% de croissance annuelle constituent leur meilleur argument pour convaincre le peuple du bien fondé de leur politique. Dans l’hypothèse où la croissance tomberait sous les 7%, le pays serait en récession économique. Le Parti « Communiste » peut à l’avenir se décomposer, sous la pression des protestations sociales massives et des tendances vers l’autonomie au sein de la bureaucratie régnante et de la population.

    Les marxistes doivent dans cette situation soutenir les revendications pour l’obtention des droits démocratiques, mais en les liants à la renationalisation de l’économie, cette fois sous le contrôle des travailleurs.


    Pour en savoir plus

  • “C’est aux multinationales qu’il faut s’en prendre, pas à leurs victimes!”

    INTERVIEW

    Depuis quelques temps, des sans-papiers occupent l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et revendiquent la régularisation de tous les sans-papiers. Un Comité d’Actions et de Soutien s’est formé et Jalil – membre de notre organisation étudiante "Etudiants de Gauche Actifs" – en est le porte parole-parole.

    Par Pablo (EGA – ULB)

    Pablo : Un mouvement sans-papiers s’est créé autour de l’occupation des sans-papiers de l’ULB. Comment cela a-t-il commencé ?

    Jalil : Au début, des sans-papiers de l’UDEP (Union pour la Défense des sans-papiers) ont décidé d’occuper un bâtiment de l’ULB (n°129 Avenue Buyl) pour faire pression sur le gouvernement afin d’avoir un agenda précis sur l’accord gouvernemental qui traite des sans-papiers.

    P : Pourquoi l’ULB ?

    J : Pour lancer le débat sur la question des sans-papiers, avoir le soutien intellectuel et politique de la communauté universitaire.

    P : Quelle a été l’implication d’EGA au départ ?

    J : Les camarades d’EGA-ULB ont aidé les sans-papiers à s’installer (nettoyage, création de liens avec les autres cercles, aides logistiques,…) et très vite nous avons mis en avant la nécessité de mobiliser les étudiants et donc de créer un Comité de soutien (le CAS) démocratique et ouvert à tous (étudiants, personnels et riverains) pour organiser la mobilisation.

    P : Pourquoi EGA a directement fait cause commune avec les sans-papiers ?

    J : Car les personnes sans-papiers ne viennent pas dans nos pays sans raisons; ils ne quittent pas leur famille, leurs amis, leur pays sans raisons. Ils quittent tout ce qui leur est cher, car les multinationales et les gouvernements occidentaux créent la misère dans les pays du Sud. Les pays du Tiers-Monde sont obligés d’ouvrir leurs marchés aux entreprises occidentales. Les multinationales, n’ayant comme intérêt que leurs profits, jouent un rôle important dans le maintien des régimes réactionnaires dans le monde néo-colonial. Les grandes puissances n’hésitent pas à utiliser la force pour assurer leur domination économique et politique. Les différentes interventions impérialistes des Etats-Unis, de l’Europe ou de la Chine en sont des exemples. Cette politique de pillage des richesses et de surexploitation de la force de travail ne sert que les intérêts des multinationales. Les populations locales subissent l’inexistence de protection sociale, des journées de 18 heures de travail et cela dès le plus jeune âge,…

    D’ailleurs, nous refusons la distinction entre les réfugiés politiques et économiques, car c’est la politique des puissances capitalistes qui engendre la misère et les conflits sanguinaires qui les poussent à fuir. D’ailleurs les émeutes de la faim qu’on a pu voir récemment dans de nombreux pays du Sud (Côte d’Ivoire, Haïti,…) illustrent bien que le capitalisme enfonce des centaines de millions de personnes dans la pauvreté (selon la Banque Mondiale). Les prix des produits alimentaires ont augmenté de 40% depuis mi-2007. L’augmentation des prix est alimentée depuis des années par différents facteurs comme les biocarburants. Mais l’explosion récente vient de l’énorme spéculation des capitalistes, qui auparavant était présente sur l’immobilier et dans les actions et qui s’est déplacée sur les produits alimentaires depuis le développement de la crise économique au Etats-Unis. En Bref, les capitalistes jouent avec la nourriture comme au casino pour engendrer des profits au détriment des masses.

    EGA étant une organisation étudiante anticapitaliste se devait de se solidariser avec les sans-papiers et dénoncer ce système économique en participant au comité de soutien.

    P : Quelles sont les différentes tâches de ce comité ?

    J : La première était de créer une mobilisation (actuellement la question est plus de l’organiser et d’avoir un relais médiatique), la deuxième est d’élargir le mouvement aux travailleurs et au mouvement ouvrier et la troisième est de faire pression sur les autorités de l’ULB pour qu’elles donnent des moyens logistiques et n’envoient pas la police sur l’occupation (comme elles l’ont fait il y a 2 ans avec l’occupation des sans-papiers iraniens).

    P : Quelles actions avez-vous menées par la suite ?

    J : Nous avons organisé une manif sur le campus qui avait pour but d’informer la communauté et de faire pression sur les autorités. Au plus fort de l’action, 400 étudiants étaient présents et nous avons demandé au recteur de nous recevoir, mais ce dernier a refusé, nous avons donc décidé de bloquer l’avenue Roosevelt avec150 étudiants en protestation. Nous avons par la suite organisé la fameuse manifestation du 29 avril avec les sans-papiers du Béguinage. Malgré le fait qu’elle soit autorisée, le bourgmestre PS Thielmans a envoyé la police arrêter presque tous les manifestants (140 personnes) et a réprimé très durement cette action. Il y avait très clairement une tentative de criminalisation du mouvement, comme c’est le cas très souvent dans notre pays.

    P : Tu veux dire qu’il y a une volonté politique d’étouffer les mouvements pour les régularisations ?

    J : Oui, clairement.

    P : Pourquoi ?

    J : Parce que c’est dans l’intérêt d’une certaine couche du patronat belge et donc de leurs politiciens. En effet, la politique d’expulsions confine des dizaines de milliers de personnes – dont des milliers de familles – dans la clandestinité. Ils vivotent de petits boulots au noir sous-payés. Ils sont privés de toute protection sociale. La dérégulation du marché du travail et la politique d’expulsions conjuguent leurs effets. Des pans entiers de l’économie capitaliste basculent dans l’illégalité, ce qui exerce une pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail des salariés dans la sphère légale. Les sans papiers ne pourront obtenir une victoire que s’ils parviennent à gagner le soutien d’une couche plus large de la population, notamment au sein du mouvement ouvrier organisé.

    De plus, le système capitaliste, que représentent ces politiciens, essaie de diviser la population sur une base raciste : nécessité d’un permis de travail, différence de salaires, différences des pensions pour un même travail etc. Dans nos universités, les étudiants d’origine étrangère ne sont pas logés à la même enseigne que ceux originaires de l’Union Européenne. Les minervals pour un étudiant étranger à l’ULB peuvent s’élever à plus de 10.000 euros. Les réfugiés et les immigrés servent de boucs émissaires pour la crise économique. Ce ne sont pourtant pas les réfugiés et les immigrés qui attaquent tous nos acquis en matière d’enseignement (restaurants sociaux, les kots bon marché,…), qui licencient, qui ferment les entreprises, qui privatisent les services publics, qui rallongent l’âge de la pension ou qui sont la cause de la baisse du pouvoir d’achat. La réaction de Thielmans n’a donc rien d’étonnant. Elle est dans la continuation de la politique du « diviser pour régner » en criminalisant un mouvement qui recherche la solidarité avec la population belge.

    P : Que s’est-il passé par la suite ?

    J : Un rassemblement d’étudiants et de représentants politiques et syndicaux de 300 personnes a eu lieu dans les heures qui ont suivi notre incarcération dans la prison du Palais de Justice afin d’exiger la libération de tous les étudiants et les sans-papiers. Pour finir tous ont été libérés sauf 13 camarades sans-papiers qui ont été envoyés vers différents centres fermés en vue de leur expulsion.

    Ensuite, nous avons été manifester le lendemain matin devant le siège du PS, durant la soirée devant la Fête du Progrès que le PS organisait et durant la Fête de la FGTB sur la Place Rouppe pour montrer notre opposition aux méthodes policières et répressives envers le mouvement des sans-papiers. Maintenant nous manifestons le 7 mai contre les centres fermés, pour la régularisation de tous les sans-papiers et pour la libération de nos 13 camarades enfermés.

    P : Que penses-tu de l’attitude du PS par rapport au moratoire sur les expulsions et sur les ancrages durables et quelle attitude prend EGA par rapport à cela?

    J :Tout d’abord, par rapport aux ancrages durables -appelés aussi attaches durables-, c’est très clairement une avancée, mais qui reste très limitée. En effet, il n’y a toujours pas de loi qui reprenne les critères de régularisation. La commission indépendante qui devrait statuer sur les demandes de régularisation reste à l’état de projet. Il n’y a rien qui annonce un changement en matière d’expulsions et de détention dans les centres fermés (même pour les enfants) et encore moins de régularisation générale des sans-papiers. Et le dossier de l’asile et des sans-papiers reste dans les mains de Annemie Turtelboom, membre du parti libéral VLD, qui fera très peu de pas en avant.

    Par rapport au moratoire sur les expulsions, le PS et tous les autres partis pro-moratoires ne sont que des hypocrites. Chaque parti a eu l’occasion de faire l’exercice du pouvoir et aucun, ECOLO y compris, n’a fait cesser les expulsions ou régulariser massivement. De plus, c’est seulement quand les sans-papiers reviennent sur le devant de la scène qu’ils essayent de montrer qu’il faut quelque chose. Toutefois le PS a montré en premier son intérêt sur la question… en envoyant la police arrêter les sans-papiers, en refusant tout dialogue, ou encore en faisant de grandes promesses devant les caméras et rien concrètement.

    Les Etudiants de Gauche Actifs sont socialistes, mais pas socialistes en mots comme c’est le cas pour le PS ; pour nous le socialisme n’est pas d’expulser des personnes sans-papiers ou de leur envoyer la police quand ils manifestent, pour nous les socialistes ne doivent pas promouvoir des gouvernements dictatoriaux dans les pays du Sud ou défendre les intérêts de la classe capitaliste en attaquant les acquis sociaux des travailleurs. Nous sommes des vrais socialistes et donc nous défendons l’unité des travailleurs avec ou sans-papiers, nous défendons les acquis des populations et la nécessité d’un emploi convenable pour tous. Nous combattons ce système fait de misère et d’exploitation et nous nous battons pour un monde socialiste, où l’on produit en fonction des besoins des gens et non pas pour les profits d’une minorité !


    Pour en savoir plus

  • Du 10 au 13 juillet: camp d’été du MAS/LSP

    Formation marxiste, détente et sport. Voilà l’agenda du camp d’été du MAS/LSP. Il y aura 18 ateliers, meetings, discussions,… Mais aussi un film, de la détente, un barbecue, une fête,… Cette année encore, le camp d’été est une occasion à ne pas manquer !

    Ce camp aura lieu dans les environs d’Anvers et la participation est fixée à 35 euros pour les quatre jours, infrastructure et repas compris. Pour le week-end uniquement, le prix est de 30 euros (travailleurs) ou de 20 euros (non-travailleurs).

    Le jeudi 10 juillet après-midi, le camp commencera avec une série de discussions sur l’ABC du marxisme avec, entre autres, des formations sur : l’approche marxiste de l’histoire, la vision marxiste de l’économie et la méthode d’analyse du marxisme

    Le vendredi matin, nous aborderons la réponse socialiste qui s’impose face au réchauffement climatique, face aux frais croissants des études ou vis-à-vis de l’islam (également sur base d’éléments historiques). L’après-midi sera consacrée au sport et à la détente tandis que des ateliers de préparation pour nos campagnes avec Etudiants de gauche Actifs et Résistance Internationale prendront place en soirée, juste avant un véritable cantus rouge !

    Le samedi matin, nous reviendrons sur quelques sujets historiques: l’attitude des bolcheviks face à l’anarchisme et la différence entre le bolchevisme et le stalinisme, la défaite de la Révolution allemande en 1918 pour comprendre la progression ultérieure du fascisme, les révolutions de 1927 et de 1949 en Chine pour comprendre ce qu’est le maoïsme.

    L’après-midi il y aura des ateliers sur des thèmes d’actualité comme la crise économique mondiale, la question nationale en Belgique et l’avenir de Cuba. En soirée : barbecue et meeting sur la question du pouvoir d’achat.

    Le dimanche se dérouleront des ateliers de formation marxiste sur l’oppression de la femme et le socialisme, sur le rôle la classe ouvrière, du parti et des syndicats, sur la période révolutionnaire de mai ‘68, de la révolution des œillets, de la chute du régime des colonels, etc.

    Un meeting et une fête de clôture termineront enfin ce camp. Il est encore possible de rester ensuite jusqu’au lundi après-midi, histoire de récupérer un peu de la fête avant de ranger les tentes…

    (Photos: camp de 2006, au même endroit)


    Réservations et informations : 02/345.61.81 ou en écrivant à: redaction@lsp-mas.be
  • Capitalisme en crise. En route vers un tsunami économique ?

    L’économie américaine connaît une crise profonde. 86% des Américains sont convaincus que leur pays est déjà maintenant en récession économique. En mars, 80.000 emplois ont été perdus, ce qui porte le total pour les premiers trois mois de l’année à 232.000. Et ce n’est que le début de la crise.

    Le Fonds Monétaire International décrit les problèmes financiers aux Etats-Unis comme “exceptionnellement sérieux”, ce qui fait craindre “la plus grande crise financière depuis la Grande Dépression” (une référence à la crise après 1929). L’économie américaine ne devrait progresser que de 0,5% en 2008 et de 0,6% en 2009. Ces perspectives sont donc basées sur le pronnostic d’une crise de longue durée. La récession aux Etats-Unis va avoir des conséquences internationales. Pour la zone Euro, le FMI prévoit une croissance limitée à 1,4% en 2008 et 1,2% en 2009. La Chine et l’Inde seraient elles aussi touchées.

    Les conséquences de la récession économique aux Etats-Unis ne sont pas minces. 2 millions de gens risquent de perdre leur maison. En un an, le nombre d’Américains dépendant de l’aide alimentaire est monté de 26 à 28 millions. En Europe aussi, les effets de la crise commencent à se faire sentir, même si celle-ci ne touche pas encore tous les pays et ne progresse pas partout au même rythme.

    La situation est tellement grave que les prophètes du libre marché ne croient apparemment plus dans leur propre système. Ainsi, le grand patron de la Deutsche Bank, Joseph Ackerman, a plaidé pour plus d’interventions de l’Etat. En Grande-Bretagne, le gouvernement travailliste a nationalisé la banque Northern Rock afin de lui éviter une banqueroute. Les dettes et les pertes sont ainsi refilées à la collectivité ; mais, dès qu’il y aura à nouveau des parties rentables, celles-ci seront revendues aussi vite que possible au privé. Lorsque les intérêts du patronat (envers le système financier) sont menacés, le gouvernement peut nationaliser. Mais quand la revendication de nationalisation est mise en avant afin de défendre des emplois menacés, ce n’est pas « faisable »… Ici aussi, c’est le règne du « deux poids, deux mesures ». Polarisation croissante

    Le tsunami économique touche surtout les travailleurs et leurs familles. Au cours de la période de croissance économique relative de ces dernières années, le fossé entre riches et pauvres a atteint des proportions jamais connues auparavant. Cela a provoqué récemment des mouvements de résistance importants entres autres en Grèce, au Portugal, en France et en Allemagne. Cette résistance à la politique néolibérale se traduit aussi dans plusieurs pays européens par « un virage marqué à gauche » (suivant l’expression utilisée en Allemagne) avec une forte progression dans les sondages pour des formations de gauche comme Die Linke (Allemagne) ou Syriza (Grèce).

    Dans toute l’Europe, la crise du capitalisme combinée avec des mouvements de lutte massifs vont faire évoluer la conscience des travailleurs. Celle-ci était, ces dernières années, encore fortement influencée par l’effondrement du stalinisme, la campagne idéologique pro-capitaliste menée par la bourgeoisie et par la croissance économique. La radicalisation à gauche risque de ne pas être la seule tendance de la période qui vient. Il existe un grand danger de division dans la classe ouvrière, particulièrement sur base du racisme et du nationalisme.

    En tant que section d’une organisation internationale – le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) – le MAS/LSP est impliqué dans la lutte quotidienne des travailleurs et leurs familles. Nous ferons tout dans la période orageuse qui vient et dans les mouvements de lutte qui vont se produire pour aider à développer le soutien à une alternative socialiste à la misère du capitalisme.


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