Tag: Chili

  • Chili : mobilisation féministe inédite suite à un cas de harcèlement sexuel impuni

    Photo : MediActivista

    Une vingtaine d’universités occupées depuis le mois d’avril – dont la très conservatrice Université Catholique de Santiago – des manifestations de 150.000 étudiants et travailleurs dans les rues de la capitale le 16 mai, plus de 100.000 personnes le 6 juin, des mouvements étudiants rejoints par une série d’organisations de gauches et féministes,… Le Chili ne vit pas seulement un mouvement étudiant : le pays est submergé par un nouvelle vague féministe depuis le mois d’avril.

    Par Celia (Bruxelles)

    En décembre 2017, Sebastian Piñera a été élu pour son second mandat. Il est l’un des hommes les plus riches du Chili, avec une fortune estimée à plus de 2 milliards d’euros. Fier de son gouvernement de droite dure, il a promis de revenir sur les quelques avancées sociales du gouvernement social-démocrate de Bachelet (la présidente sortante), notamment concernant la dépénalisation de l’avortement. L’avortement a été dépénalisé en août 2017 pour les femmes dont la vie est en danger, qui ont été violées ou dont le fœtus est jugé non viable. Les Chiliennes avaient gagné ce droit en 1931, sur lequel est revenu le dictateur Pinochet en 1989. Les Chiliennes sont très enthousiastes vis-à-vis de leurs voisines argentines qui vont remporter la dépénalisation et la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (acceptée à la Chambre, la loi doit encore passer au Sénat).

    Le 17 avril, un professeur de l’Université de Valdivia, dans le Sud du pays, n’a pas été jugé, mais simplement muté, alors qu’il était accusé de harcèlement sexuel sur une employée. Spontanément, la faculté des sciences de Valdivia a été occupée pour donner naissance à un mouvement généralisé contre le sexisme sous toutes ses formes.

    Le mouvement dénonce l’impunité vis-à-vis des agressions et des harcèlements sexuels. Depuis 2011, les étudiants entrent régulièrement en lutte pour exiger une éducation gratuite, publique et de qualité. À cela, s’ajoute aujourd’hui la revendication d’une éducation non sexiste et, donc, la fin de l’impunité pour les délits et crimes sexuels envers les femmes, la formation des enseignants et étudiants aux problématiques de genre, l’autorisation pour les personnes transgenres d’utiliser leur prénom d’usage et des mesures pour favoriser les carrières des enseignantes-chercheuses. Le mouvement féministe chilien réclame aussi la démission du ministre de l’Éducation, Gerardo Varela, qui a déclaré que les femmes du Chili ne subissent que de ‘‘petites humiliations et discriminations’’.

    Piñera ne se souvient que trop bien des mouvements de masse de 2011 et des convergences des luttes de l’époque. Il a très vite tenté de calmer la situation en sortant un ‘‘Agenda femmes’’ en 12 points avec notamment l’intention d’inscrire l’égalité hommes-femmes dans la Constitution. Mais le président conservateur ne convainc pas les étudiantes et les syndicats universitaires qui n’ont été ni reçus ni consultés par les autorités. Cet agenda ne parle pas d’un projet pour une éducation non sexiste. Et bien que l’inscription de l’égalité hommes/femmes dans la loi soit un pas en avant symbolique important, cela n’attaquera pas pour autant les bases du sexisme existant.

  • Bruxelles. Rencontre avec Tomas Hirsch, député du Frente Amplio au Chili

    Le Frente Amplio a réalisé une percée aux dernières élections de novembre au Chili en récoltant 20% des voix au premier tour de la présidentielle. Il dispose aujourd’hui de 20 parlementaires à l’Assemblée. Il s’agit d’une nouvelle experience de formation de gauche large et inclusive que l’on peut comparer aux succès remportés précédemment par les campagnes de Mélenchon en France et de Corbyn au Royaume Uni.

    Le Frente Amplio offre une expression politique au mouvement étudiant chilien et à la lutte gigantesque contre la privatisation des fonds de pension des travailleurs. Socialismo Révolucionario (section chilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière et organisation-soeur du PSL) et le Parti Humaniste participent au développement de cette nouvelle formation de gauche. Nous publions ci-dessous l’invitation pour une rencontre avec Thomas Hirsch membre du Parti Humaniste et député du Frente Amplio.

    ” Les citoyens attendent de nous une autre façon de faire de la politique, face au peuple et dos au parlement ” “Nous serons les deux pieds dans la rue”

    Le Parti Humaniste a le plaisir de vous inviter ce :

    Vendredi 02 février 2018 à 19h30
    au Pianofabriek – Rue du Fort, 35 – 1060 Bruxelles
    Salle Bujumbura au 1er étage

    Pour une rencontre avec Tomas Hirsch
    Député au Chili pour le FRENTE AMPLIO
    Membre du Parti Humaniste

    Un échange sur l’expérience des campagnes électorales du Frente Amplio et sur les perspectives et actions pour le futur.

    >> Evénement Facebook

  • [INTERVIEW] Nouvelle vague de lutte au Chili

    Interview d’un camarade de Socialismo Revolucionario, section chilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), réalisée dans le cadre de l’édition 2015 de l’école d’été du CIO.

    Quelle est la situation de l’économie chilienne ?

    chiliTout d’abord, il faut comprendre qu’il existe un lien économique très fort entre l’Amérique Latine et la Chine. En effet, cette dernière a désespérément besoin de ressources naturelles en abondance pour son marché. C’est ainsi que, par exemple, le Chili y exporte 40% de son cuivre. Il est donc logique que l’actuelle baisse de l’économie chinoise commence à avoir un impact sur le Chili. De plus, la chute des prix du cuivre est aussi a prendre en compte. Bref, son économie se ralentit substantiellement.

    Qu’est ce que cela représente pour la vie quotidienne des chiliens ?

    Un appauvrissement croissant. Les salaires n’augmentent pas, mais bien les prix. 70% de la population gagne l’équivalent de moins de 600€ et 55% gagne moins de 300€ pour un coût de la vie élevé. Par exemple, avec des loyers modestes de 200€ il ne te reste plus rien à la fin du mois ! Ainsi, on assiste à plusieurs grèves, notamment des travailleurs du métro ou encore des mines de cuivres.

    A propos, on entend que les luttes contre le gouvernement se sont aussi développées dans la dernière période…

    En effet, sur ce thème, le Chili semble être entré dans une nouvelle ère. A côté d’un début d’émergence d’une nouvelle vague de lutte ouvrière, les étudiants on reprit la rue après un recul depuis fin 2011. Avec plusieurs grosses mobilisations, notamment, le 18 avril, où 150.000 jeunes ont manifesté pour continuer la lutte pour l’éducation gratuite. Depuis, on voit régulièrement des centaines de milliers d’étudiants défilés.

    J’ai cru comprendre qu’un de leurs principaux slogans étaient “Que les corrompus ne décident pas ce que le Chili a besoin”. Peux-tu m’en dire plus ?

    En fait, ce slogan concerne presque tous les grands politiciens du pays. Récemment plusieurs cas de corruption ont été révélé touchant tant l’opposition que la coalition au pouvoir. C’est principalement des cadeaux financiers énormes d’entreprises à des politiciens. Même le fils de la présidente, Michelle Bachelet, est inculpé pour corruption ! Déjà que seulement 41% des chiliens s’étaient déplacés pour voter aux dernières élections, ces affaires ont encore aggravé la perte d’autorité des partis et du système politique. De plus, aucune des grandes réformes promises par le gouvernement sur le thème du travail, de la fiscalité ou de l’éducation n’ont réellement eu le résultat escompté, parfois c’est même pire qu’avant. Cela a pour conséquence que la cote de popularité de Bachelet est à moins de 20% alors qu’elle avait 84% quant elle a terminé son premier mandat.

    Récemment, plusieurs jeunes ont été blessés gravement ou même tués lors des manifestations. Y a t-il un renforcement de la répression ?

    Oui certainement, le ministre de l’intérieur est d’ailleurs un ancien de l’Oficina, une agence de service secret des années 90 utilisée contre l’opposition armée de gauche. On voit régulièrement des infiltrations ou provocations contre les mouvements sociaux par des carabiniers et un usage de la force hérité de la dictature de Pinochet. De plus, on peut constater que cette répression atteint même des proportions incroyables contre les Mapuches (peuple originaire du sud du pays). Celle-ci s’apparente à une véritable occupation militaire de leur region. On signale plusieurs cas de disparitions de Mapuche, des procès montés et une bonne dizaine de prisonniers politiques. Pour terminer je rajouterai que Bachelet a déclaré ne plus vouloir utiliser la fameuse “loi antiterroriste” et a “changer d’avis” le jour de son retour au pouvoir.

  • [PHOTOS] Rassemblement de solidarité avec les anciens prisonniers politiques du Chili

    max_01Ce vendredi 26 juin une douzaine de militants de gauche se sont réunis devant l’ambassade du Chili pour soutenir la lutte des anciens prisonniers politiques de la dictature du général Pinochet qui vivent dans une situation extrêmement précaire dans le pays. Les manifestants ont remis une lettre à l’ambassadeur pour interpeller la présidente de la République, Michelle Bachelet.

    Par Max (EGA-Bruxelles)

    Aujourd’hui, c’est tout un mouvement d’ex-prisonniers politiques qui revendiquent le droit de vivre décemment, certains d’entre eux ont entamé une grève de la faim pour être entendus par le gouvernement de Bachelet. Ce gouvernement tout en prétendant représenter l’ensemble des Chiliens (ce gouvernement succède à la droite traditionnelle et venait du centre-gauche et de la social-démocratie) continue à mener des politiques néolibérales au profit de l’oligarchie et des grandes entreprises.

    Ce mouvement de lutte mérite tout notre soutien et notre solidarité. Il force aussi à l’admiration parce qu’après avoir connu les persécutions du régime fasciste et néolibéral, ces ex-prisonniers politiques connaissent maintenant le mépris de la haute société et la répression policière. Le Chili connait aussi en ce moment de nombreuses manifestations: les étudiants, les professeurs, etc.

    -Solidarité et soutien aux ex-prisonniers politiques, ce sont les combattants de la liberté du siècle dernier, ils ont droit à un statut spécifique reconnu, stable, solide et protecteur.
    -Ils ont droit à une sécurité sociale particulière à hauteur de leur besoin, ils ont droit à une protection intégrale qui doit leur permettre de vivre dignement.
    -Ils sont liés aux autres mouvements sociaux et ceux-ci ont aussi notre soutien : contre l’enfer du néolibéralisme ils exigent un Chili juste.

    La lucha continúa ! La lutte continue !

  • Chili : Manifestations de masse pour un enseignement gratuit

    Un nouveau chapitre s’ouvre dans crise politique et «morale» du pays.

    chili10Des centaines de milliers de manifestants, des jeunes mais aussi des travailleurs ou encore des personnes âgées, sont descendues dans les rues des grandes villes du Chili en exigeant que le gouvernement rencontre les exigences des étudiants. Les slogans comportaient notamment le suivant «La corruption ne doit pas décider de notre éducation!» Une des revendications centrales est la gratuité de l’enseignement et le fin de la logique de profit dans le secteur.

    Par Patricio Guzman, Socialismo Revolcuionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Chili)

    Les enseignants des collèges ont rejoint l’appel à l’action, en exigeant une carrière décente et la défense de l’enseignement public. Malheureusement, ces manifestations ont été marquées par la nouvelle de la mort injustifiable de deux jeunes, à Valparaiso. De nouvelles manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes dès que ces tragiques événements ont été connus.

    Les promesses faites par le gouvernement Bachelet concernant la gratuité de l’enseignement et la fin des profits réalisés dans le secteur n’ont pas été suivies d’effet. La présidente a même nommé ministre Marcos Barraza alors qu’il est directement impliquée dans le scandale des projets lucratifs de l’Université Arcis (qui s’est retrouvée au bord de la faillite). C’est se moquer des gens!

    Les manifestants ont également exprimé la colère qui s’est accumulée contre la corruption de la caste politique capitaliste et des grandes entreprises. Les manifestants sont en colère contre les bas salaires, les mauvaises conditions de travail et les abus de toutes sortes. Ces manifestations géantes représentent la première réponse du mouvement social face au nouveau cabinet du gouvernement clairement néolibéral de Bachelet. Le ministre des Finances, bien aimé des employeurs, a notamment travaillé pour le Fonds monétaire international et pour diverses grandes banques américaines. Dès ses premiers instants, le nouveau gouvernement a suscité une grande méfiance de la part des travailleurs. La cote de popularité du gouvernement chilien est en chute libre. (Un peu plus d’un an après son élection triomphale, avec 62% des voix, Michelle Bachelet se retrouve au plus bas dans les sondages : seuls 31% des Chiliens lui accordent leur confiance, NDT).

    Après une longue période durant laquelle les dirigeants étudiants ont été paralysés par des pourparlers peu concluants, les étudiants ont à nouveau montré leur force dans la rue en défiant le gouvernement Bachelet et ses tentatives désespérées destinées à éviter les enquêtes de corruption concernant les services fiscaux.

    Marcher, ce n’est pas assez!

    Ces manifestations ont été une magnifique démonstration de force, mais manifester est insuffisant. La CONFECH (Confédération des étudiants du Chili) et le mouvement étudiant ont gagné la légitimité et le droit de faire un pas en avant. Nous ne pouvons pas continuer à défiler des années durant, en vain. Nous devons forcer le gouvernement et la caste politique à accepter les revendications sociales par un appel concret à la désobéissance civile pacifique et massive, non seulement pour un enseignement gratuit et la fin de la logique de profit dans l’éducation, mais aussi pour la fin de toutes les institutions héritées de la dictature et consolidées par les divers gouvernements successifs depuis lors. Nous devons viser à mettre bas au modèle néolibéral et prédateur d’accumulation du capital et de concentration des richesses!

    Nous pensons également qu’il est nécessaire d’unifier les luttes sociales à travers le pays. Isolés, nous ne pouvons pas gagner. Ensemble, notre force peut être imbattable. La CONFECH et les syndicats et organisations sociales qui ont montré leur volonté de combattre doivent convoquer une assemblée nationale des étudiants et des travailleurs. Cette assemblée devrait prendre pour point de référence les revendications formulées par de larges sections de la population – pour la conquête de droits sociaux, contre la corruption politique et des grandes entreprises – et appeler à une protestation nationale et à 24 heures de grève générale.

    Ces protestations ont ouvert un nouveau chapitre dans la crise politique et «morale» du pays, qui frappe depuis huit mois le gouvernement et le monde politique et des entreprises.

    Plus d’un millier de travailleurs en grève de Brinks et Prosegur ont défilé dans les rues de Santiago, en lutte pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Ce fut un avant-goût de ce qui allait venir ensuite avec les manifestations étudiantes massives. Les masses ont fait irruption dans l’arène publique. Il est de notre responsabilité d’approfondir la crise en ouvrant la voie à vers résultat positif pour les masses : la convocation d’une Assemblée constituante destinée à mettre fin à l’héritage de la dictature et des gouvernements civils néolibéraux. Ce doit être l’une des étapes du processus de reconstruction des forces de la gauche révolutionnaire et socialiste.

    Après la première année des projets de réformes ambiguës du gouvernement Bachelet (rien en comparaison des précédentes réformes du travail), après huit mois de scandales de corruption permanents (dont l’un impliquant directement la présidence), le soutien au gouvernement a été démoli. Nous sommes entrés dans une nouvelle période. La crise générale de la légitimité du gouvernement reste à son point le plus haut et l’explosion de la jeunesse et les manifestations de masse n’en sont qu’une expression.

  • Les dockers remportent d’importantes victoires au Portugal et au Chili

    Longue vie à l’internationalisme de la classe ouvrière ! Un exemple pour les autres secteurs. 

    Danny Byrne, CWI

    Dans un contexte où les partons et les gouvernements infligent aux travailleurs du monde entier leur agenda de « choc et effroi », attaque antisociale après attaque antisociale, toute victoire considérable obtenue par le mouvement ouvrier international doit être criée sur tous les toits. C’est le cas des dockers qui, ces dernières semaines, ont remporté d’importantes victoires dans des conflits-clé au Portugal et au Chili. Ils en sont revenus aux méthodes militantes testées et éprouvées par le mouvement ouvrier : une lutte conséquente et durable avec l’organisation de la solidarité internationale au-delà des frontières,  notamment avec des gréves de solidarité.

    Portugal: victoire éclatante après 2 ans de lutte

    Ces exemples montrent que malgré le rôle pernicieux des directions syndicales de droite dans la plupart des pays, qui agissent comme un véritable frein pour la lutte, la classe ouvrière peut encore effectuer des pas en avant quand elle est organisée sur base de méthodes militantes. Ils montrent aussi comment, malgré la domination du syndicalisme de négociation et de conciliation et de la quasi-passivité des dirigeants syndicaux devant les attaques patronales, les fières traditions militantes de notre classes ne se sont pas du tout éteintes.

    Au Portugal, les travailleurs et les jeunes ont fait face à l’austérité de la Troïka depuis des années et ont courageusement résisté, y compris au cours de quatre grèves générales. Cependant, la direction du mouvement syndical au niveau national a échoué à unir ces luttes dans un plan d’action militant durable pour vaincre les attaques de la Troïka et du gouvernement, permettant aux mobilisations d’une journée isolées de se perdre dans de longues périodes de démobilisation.

    Les dockers, en rompant avec cette approche et en s’engageant dans un combat militant de deux ans, ont présenté une voie alternative à l’ensemble du mouvement : celle de l’action durable et déterminée qui peut obtenir des résultats. Ils faisaient face à un plan destiné à transformer le port de Lisbonne en un repaire du travail précaire, dans le cadre du programme de privatisations imposé par la Troïka et appliqué par le gouvernement. Les patrons avaient établi une compagnie de recrutement parallèle chargée d’employer du personnel sur des bases précaires avec une un tiers de salaire en moins, afin de mettre un terme aux conditions de travail décentes dans le port.

    La riposte des travailleurs a été faite de deux années de grève militante et de « grève du zèle ». Ils ont héroïquement fait face à la répression, 47 travailleurs ont été licenciés en raison de leur rôle dans la grève. Leur victoire a été éclatante. Non seulement ils ont obtenu la ré-embauche des 47 camarades licenciés, mais aussi la fin des contrats précaires et un nouvel accord de négociation collective qui va inclure les travailleurs initialement embauchés comme précaires. Cette victoire lance une clé à molette dans les projets de la classe capitaliste visant à rendre de plus en plus précaires les conditions de travail de toute la classe ouvrière portugaise.

    Ce conflit a été exemplaire en termes de militantisme mais aussi de par la démocratie ouvrière instaurée par le syndicat, les décisions importantes étant discutées et décidées dans des assemblées générales de travailleurs. Comme le commente Francisco Raposo, militant de la CGTP et membre de Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Portugal) : « Cette lutte était vraiment une percée dans la lutte des classes au Portugal. Le syndicat des dockers n’est pas affilié à la CGTP, la principale centrale syndicale. Cependant les méthodes et le militantisme des dockers provoquent une réaction dans certaines couches de la CGTP. »

    Chili : La grève des dockers locaux s’étend et obtient des victoires nationales

    Au Chili en janvier, quand les dockers de Mejillones se sont mis en grève seuls pour des revendications salariales et contre les pratiques anti-syndicales (leur deuxième grève en un an) certains ont condamné cette lutte à l’isolement et à l’échec. Cependant, quand la police a attaqué le camp des grévistes qui abritait aussi leurs femmes et enfants, blessant un travailleur, le vent a tourné.

    Cette grève était également importante parce qu’elle défiait non seulement le patronat portuaire, mais aussi le Code du Travail draconien du pays, hérité de la dictature de Pinochet. Sous ces lois, les patrons refusent de négocier collectivement avec les travailleurs, insistant pour diviser ceux qui ont des contrats fixes et les travailleurs temporaires (qui représentent 80% des dockers).

    Les travailleurs ont refusé cette imposition anti-démocratique et ont intensifié leur action. Les travailleurs de 9 ports de tout le pays ont rejoint la grève, amenant leurs propres revendications (contre la répression anti-syndicale et le non-paiement des salaires dans la plupart des cas). A nouveau, cela est très significatif puisque ce même Code du Travail de Pinochet interdit les grèves de solidarité !

    Après un mois de grève, les dockers ont obtenu au niveau national la grande majorité de leurs revendications, dont le droit de négocier collectivement. Werken Rojo, le nouveau journal de Socialismo Revolucionario (section du CIO au Chili) explique : « ce conflit aura de grandes implications sur toute la classe ouvrière du Chili. Tout d’abord, il montre que l’action déterminée, la solidarité, qui suppriment la camisole de force du Code du Travail, peuvent permettre aux travailleurs de gagner ».

    Leur victoire, comme celle des dockers portugais, reflète aussi le grand pouvoir économique dont jouissent les dockers (mais aussi les travailleurs de beaucoup d’autres secteurs) étant donné le « tournant vers l’exportation » du capitalisme dans beaucoup de pays, en particulier ceux du Sud de l’Europe. Au Chili, la presse capitaliste a fait état de pertes de plusieurs millions de dollars pour les compagnies exportatrices en raison de la grève, en particulier en ce qui concerne l’export de marchandises périssables.

    Longue vie à la solidarité internationale en action !

    De plus, ces deux victoires montrent un autre élément, crucial pour le mouvement ouvrier mondial – celui de l’action de solidarité internationale. Deux journées d’action internationale ont été organisées en soutien aux dockers portugais ; la dernière a compté des actions de solidarité et des grèves en Suède, en France, aux USA et dans d’autres pays. Au Chili, en même temps que de se propager à tout le pays, la lutte des dockers a reçu un soutient actif crucial des dockers de toute l’Amérique Latine et au-delà, avec des ports argentins bloquant les marchandises chiliennes et des menaces d’actions de ce type dans des ports européens et états-uniens dans les jours précédant la victoire.

    Le CIO a souvent souligné la nécessité pour le mouvement ouvrier mondial de coordonner l’action au-delà des frontières, en mobilisant le pouvoir international de la classe ouvrière dans une économie mondiale de plus en plus interconnectée. Ce besoin est particulièrement criant en Europe, où la Troika et les gouvernements capitalistes infligent une offensive de misère coordonnée aux travailleurs sur tout le continent, en particulier dans le Sud, ce qui pose la nécessité d’une résistance coordonnée internationalement, y compris par des grèves internationales. Nous appelons le mouvement syndical mondial à suivre le brillant exemple des dockers portugais et chiliens qui ont montré que ces méthodes donnent des résultats.

  • Second tour des élections présidentielles chiliennes, encore une fois l’abstention est victorieuse.

    L’instabilité sociale et politique persistera durant la prochaine période

    Le Chili est entré dans un nouveau cycle politique, un pourcentage élevé de la population ne croit plus dans les institutions démocratiques de la bourgeoisie. En effet, la droite de ”l’Alianza” ou le centre gauche de la ”Concertación”, l’actuelle Nouvelle Majorité, sont les grands perdants du deuxième tour de l’élection présidentielle. Seul 5,6 millions des 13 millions d’électeurs se sont déplacés pour aller voter, cela représente une abstention de 57% !

    Celso Calfullan, Socialismo Revolucionario (CIO -Chili)

    Le jour des élections, le dimanche 15 décembre, tous les journalistes ont montré des bureaux de votes vides ou les responsables de certains bureaux qui dormaient car personne ne venait voter.

    Dire que l’abstention démontre clairement une position politique serait absurde, mais le fait que la majorité de la population ne va pas voter indique l’absence d’une vraie démocratie au Chili. Les gens ont arrêté de croire qu’en participant, sous les conditions actuelles, ils pouvaient changer quoi que ce soit avec leur vote. Cet élément doit être mis en rapport avec l’énorme mal-être qui existe parmi la population chilienne, illustré par les grandes mobilisations des années 2011 et 2012, où plusieurs millions de jeunes et de travailleurs sont sortis manifester dans les rues de toutes les villes du pays.

    Un autre élément important à prendre en compte est que ceux qui ont effectivement été voter sont fondamentalement les personnes issues des vieilles générations, pratiquement personne de moins de 40 ans n’a participé à ces élections. Ainsi, ceux qui n’ont pas été voté sont précisément ceux qui étaient dans les rues durant les grandes mobilisations sociales de ces dernières années et n’ont aucune confiance dans le fait que les nouvelles autorités puissent faire quelque chose de concret pour résoudre leurs problèmes.

    Un ras-le-bol est clairement perceptible parmi la population, spécialement parmi la jeunesse qui n’a pas vécu sous la dictature et qui ne vit plus avec la crainte de la répression ou d’un retour à la dictature si elle va ”trop loin”. Les étudiants et les jeunes travailleurs n’ont connu que les gouvernements de la Concertation et de la droite et se sentent floués.

    Nous devons aussi ajouter que le soutien réel à Bachelet est très faible. En effet, il est théoriquement de 62%, mais avec une participation à 43% le soutien réel ne s’élève qu’à 25%, ce qui est beaucoup moins que ce qu’elle n’a obtenue lors des élections présidentielles de 2005, quand elle a été élue présidente pour la première fois.

    Le mouvement étudiant n’a aucune confiance en Michelle Bachelet, d’autant plus avec les antécédents répressifs de son ancien gouvernement. Le mouvement a déjà menacé de recevoir le futur gouvernement avec des mobilisations et des manifestations. Les jeunes veulent voir des mesures concrètes qui mettent fin à l’enseignement privé et au profit dans l’éducation.

    Tout semble démontrer que la ”Lune de Miel” du futur gouvernement sera très courte et quant aux grandes espérances que certains ont pour Bachelet, la déception aussi sera grande. Ce sera comme verser de l’essence sur le feu social que nous avons vu au cours des années précédentes.

  • Elections chiliennes : Victoire de l’abstention

    Avec un niveau de 51,4%, l’abstention a largement gagné le premier tour des élections chiliennes du 17 novembre dernier. Cela est révélateur du désintérêt des électeurs pour le système politique actuel et nuance grandement la ‘‘victoire’’ de Michelle Bachelet, la candidate social-démocrate. En effet, non seulement elle n’a pas été élue dès le premier tour comme initialement espéré mais, en plus, ses 3.070.012 voix (46.67%) ne correspondent qu’à 22.7% des électeurs.

    Par Pablo N (Bruxelles)

    Quant à la candidate de la droite et de l’extrême-droite, Evelyn Matthei, elle n’a obtenu que 1.645.271 voix (25.01%), soit à peine 12.1% du corps électoral. Ce score correspond à la base traditionnelle de la droite putschiste et montre clairement qu’elle n’a pu remporter les élections de 2010 que grâce au dégoût profond de la population envers la Concertación (coalition de centre-gauche qui était au pouvoir depuis le début des années nonante). Le gouvernement de la Concertación (maintenant Nouvelle Majorité) dirigé par Bachelet fut marqué par de grandes mobilisations, particulièrement des jeunes écoliers, et par la répression des grévistes ou du peuple Mapuche (littéralement ‘‘Peuple de la terre’’, communauté originaire du centre-sud du Chili et de l’Argentine représentant environ 4% de la population chilienne), qui laissa plusieurs morts. Contre ces derniers, ce même gouvernement appliqua d’ailleurs une loi ultra-répressive “anti-terroriste” datant de la dictature de Pinochet. La décomposition de cette coalition paraissait inéluctable, mais elle fut stoppée par le prestige de la présidente et par l’arrivée du Parti Communiste Chilien en son sein.

    Le potentiel pour la gauche radicale

    Au niveau de la gauche, le candidat Marcel Claude qui avait suscité l’espoir d’un bon résultat électoral n’a pas réussi à massivement attirer les jeunes qui se sont mobilisés ces dernières années ainsi que la majeure partie de l’électorat traditionnel de gauche. Il n’a pu récolter que 184.906 voix (2.81%).

    Pourtant, avec la participation de centaines de bénévoles, le mouvement de Marcel Claude Todos A La Moneda (auquel participaient le Parti Humaniste chilien, le Mouvement Rodriguiste et Socialismo Revolucionario, l’organisation-sœur du PSL au Chili) avait un potentiel incroyable. Ainsi, il proposait le programme politique de gauche le plus radical depuis la fin de la dictature avec entre autres la convocation d’une assemblée constituante, la renationalisation du secteur du cuivre et des ressources naturelles en général, la fin du système des pensions privées (AFP), l’accès gratuit à l’éducation et à la santé ou encore la construction d’un Etat à caractère plurinational tenant compte des communautés originaires comme nations à part entière. Il a pu, jusqu’à un certain point, bénéficier de l’appui de la jeunesse qui d’habitude ne participe pas aux élections. Il a également réussi à avoir l’appui de dizaines d’organisations et des comités du mouvement se sont autoconvoqués dans tout le pays.

    Nous analysons que cette défaite est en partie due à l’impossibilité de certaines organisations ou de certains individus de la gauche chilienne de dépasser leur intérêts mesquins ou de réprimer leur arrogance. Ainsi, la fragmentation des forces anticapitalistes fut un grand obstacle pour la formation d’une force électorale crédible, capable de toucher et d’organiser une bonne partie de la population. De plus, la campagne électorale a été menée de manière très présidentielle, sans considération pour les candidats parlementaires et les candidats conseillers régionaux du mouvement. Mais les difficultés électorales de la gauche ne sont pas attribuables uniquement à ces points faibles. Le retard dans la conscience des masses et le monopole des partis capitalistes dans les médias dominants sont aussi des facteurs importants à prendre en compte.

    Ceci étant, les Comités de Campagne de Todos A La Moneda ont été une opportunité pour que les militants de plusieurs horizons et tranches d’âge puissent se rencontrer, surpassant quand même une certaine division. Une proposition de constituer un Front des Travailleurs dans tout le pays est née dans le mouvement et est en train de prendre forme. Si ce Front des Travailleurs se constitue réellement, en tant que premier pas pour l’unification et la conscientisation de la classe ouvrière et la jeunesse chilienne, ce sera finalement le plus grand apport de cette campagne. De plus, un secteur du mouvement étudiant regroupé autour de la Izquierda Autónoma Universitaria (la Gauche Autonome Universitaire) a réussi à faire élire un candidat au parlement chilien.

    En conclusion, l’abstention des secteurs les plus jeunes et les plus dynamiques, le dégoût pour l’establishment, les inégalités sociales brutales, l’endettement privé général et l’accentuation de la baisse de croissance chilienne promettent un gouvernement avec très peu de légitimité et de fortes mobilisations sociales. Cela donne également un terrain propice pour les idées vraiment démocratiques et socialistes dans les prochaines années.


    Nos candidats

    Celso Calfullan de Socialismo Revolucionario était candidat pour le conseil de Santiago. Il a reçu 16.500 voix dans le deuxième district électoral, un des meilleurs résultats du mouvement ‘Todos a la Moneda’. Patricio Guzmán, également membre de Socialismo Revolucionario, a recueilli 13.000 voix pour le Sénat à Santiago Oriente.

  • Meetings des Etudiants de Gauche Actifs : De la révolution chilienne aux mouvements de masse actuels

    Pour commencer l’année en beauté, les cercles des Etudiants de Gauche Actifs (EGA), organisation étudiante du PSL, organisent une série de meetings, notamment sur la révolution chilienne. A l’occasion des 40 ans du coup d’Etat qui porta le dictateur Pinochet au pouvoir et qui écrasa dans le sang le mouvement révolutionnaire, il nous semble important de revenir sur ses événements pas seulement pour les commémorer, mais aussi pour voir quelles leçons peuvent être tirées pour les mouvements d’aujourd’hui !

    Pablo Nyns, ancien président d’EGA-ULB, sera l’orateur de deux meetings sur ce sujet organisés à Bruxelles et à Liège. Il vient de terminer son mémoire sur les Cordons Industriels au Chili en 1972-1973. Si vous voulez en savoir plus, venir apprendre, débattre et comprendre cette page d’histoire riche en leçons actuelles, n’hésitez pas à venir !

    • Bruxelles : Mercredi 18 septembre, 19h, ULB – Solbosch, Bâtiment H 1308 (page facebook).
    • Liège : Mardi 24 septembre, 19h, Fédération des Etudiants, 24 place du XX Août, face à l’ULg (page Facebook).

    Pour en savoir plus : Il y a 40 ans, l’autre 11 septembre

  • Chili 1973 : l’autre 11 septembre

    11 septembre 1973, les Forces Armées chiliennes aidées par les Etats-Unis exécutent un coup d’Etat contre le gouvernement de l’Unité Populaire présidé par le socialiste réformiste Salvador Allende. La population est massivement réprimée, les organisations de gauche sont interdites et plus d’une centaine de milliers de militants politiques s’exilent pour fuir la torture et les assassinats. Une dictature militaire s’établit et implante au Chili une politique néolibérale extrêmement brutale privatisant tout sur son passage.

    Dossier de Pablo N. (Bruxelles)

    De cette manière 2 ans après le putsch militaire, le pouvoir d’achat des salariés est réduit de 40% et le taux de chômage atteint vite 15 à 20% contre 4% en 1973. Après 17 ans de dictature et le retour à la ‘‘démocratie’’ en 1990, la société chilienne est encore fortement marquée par cette sombre période. Même après 20 ans de gouvernement de ‘‘centre-gauche’’, la Constitution en vigueur est toujours celle du régime militaire, la politique néolibérale est toujours présente, la pauvreté aussi et la répression également. En effet, le 6 août dernier, un militant mapuche (une des nations indigènes du Chili) a été assassiné par les Forces Spéciales de la police.

    ‘‘Poder Popular’’ et résistance de l’élite capitaliste

    Pourquoi ce coup d’Etat ? Pourquoi la population chilienne a-t-elle subit une telle dictature sanglante ? Tout commença en novembre 1970 avec l’arrivée au pouvoir d’une coalition de partis de gauche, l’Unité Populaire. Elle était formée autour des deux grands partis des travailleurs – le Parti Communiste et le Parti Socialiste – auxquels s’ajoutaient de plus petits partis de gauche chrétiens ou radicaux. Le nouveau gouvernement s’engagea dans des réformes importantes au profit des travailleurs, des paysans et des pauvres du pays. Les terres agricoles furent équitablement partagées, les salaires augmentèrent de 30% en moyenne, les prix des matières premières furent bloqués, etc. Cela provoqua un immense enthousiasme parmi la population chilienne, doublé d’un regain de combativité parmi les militants politiques et syndicaux qui voulaient de plus en plus exercer une démocratie directe : le ‘‘poder popular’’ (pouvoir populaire). Mais cela provoqua également l’ire des classes possédantes qui ne reculèrent devant aucun procédé pour attaquer le gouvernement et les classes exploitées.

    Jusqu’à ce qu’une première tentative de putsch ait lieu en octobre 1972, au travers d’un lock-out patronal (grève patronale et fermeture des usines) paralysant toute la société chilienne. Les syndicats de camionneurs, soudoyés par la CIA, déclenchèrent une grève illimitée et tous les syndicats patronaux suivis par les Ordres professionnelles (avocats, médecins, architectes, etc.) les rejoignirent.

    Le gouvernement et les dirigeants nationaux des partis et du syndicat ne surent comment réagir. En effet, la crise les avait pris de cours et même s’ils étaient aux commandes de l’appareil d’Etat, ils ne purent instaurer des mesures efficaces. Cet appareil était encore trop sous l’emprise de la droite et des capitalistes et a saboté toutes les actions légales de Salvador Allende.

    L’initiative des masses

    La réponse vint alors de la population. Dans les campagnes, les paysans et les peuples indigènes occupèrent les terres des grands propriétaires. Dans tous les quartiers, surtout dans les plus pauvres, se formèrent des Comités de Ravitaillement et de Contrôle des Prix (JAP, Juntas de Abastecimiento y Precios) qui réquisitionnèrent les commerces et les supermarchés qui trichaient avec les prix et vendaient des produits au marché noir. A la fin janvier 1972, il en existait 2.200 dans tout le pays, qui redistribuaient quotidiennement et équitablement les marchandises.

    Mais ce fut dans les zones industrielles que la réponse se fit la plus profonde et la plus dangereuse pour le système capitaliste. Ainsi les délégués syndicaux issus d’un même cordon (zoning) industriel se sont organisés en coordinations. Ces coordinations prirent en main l’occupation des usines, désertées par les cadres supérieurs et les patrons. Petit à petit, grâce à leur solidarité, ils commencèrent à autogérer la production. Souvent les cordons ont garanti le transport des travailleurs et des produits ou encore la distribution des aliments, tout en assurant la garde des entreprises contre d’éventuels sabotages. Un nouveau pouvoir issu des travailleurs était en gestation.

    Le pays put ainsi reprendre une activité économique relativement normale mais, pour la première fois, la classe des travailleurs avait pris conscience de sa puissance et de sa capacité à faire marcher la société sans les capitalistes. De cette manière, la grève patronale prit fin, mais la lutte qui opposait les classes sociales devint visible aux yeux de tous. Le Chili entrait dans un processus véritablement révolutionnaire et les cordons industriels furent son expression la plus poussée.

    Le gouvernement cherche la conciliation

    Pourtant le gouvernement d’Allende tenta de calmer la combativité des chiliens. Il entra dans une politique de discussions stériles avec les secteurs dit ‘‘progressistes’’ des capitalistes dans le but de contrer l’impérialisme étranger et la grande bourgeoisie locale. Il tenta de rendre les entreprises occupées et autogérées par les cordons industriels à leurs patrons. De leur côté, les travailleurs, tout en continuant à soutenir l’Unité Populaire, critiquèrent durement ses concessions et ses demi-mesures. Ils exigeaient de celui-ci, la ‘‘mano dura’’ (main ferme) contre les sabotages de la droite et les attaques de groupes d’extrême-droite en même temps que la nationalisation officielle des entreprises occupées.

    Fin juin 1973, le Chili fit face à une nouvelle tentative de coup d’Etat, mais cette fois-ci militaire. Elle fut rapidement avortée. Les travailleurs et les paysans en profitèrent pour étendre les occupations et renforcer le pouvoir populaire en créant de plus large coordination.

    Mais la population chilienne commença à se rendre compte du danger qui venait. Plusieurs manifestations ont eu lieu devant le Palais Présidentiel, dans lesquelles les slogans les plus repris exigeaient l’armement des masses afin qu’elles puissent se défendre. Pourtant, aucun des partis de gauche n’a répondu à ce souhait. Quant aux cordons industriels, même s’ils étaient souvent dirigés par des militants de la base de ces partis politiques, ils ne reçurent aucune aide pour se développer. Au contraire, les partis au pouvoir tentèrent de les maintenir sous le contrôle de la bureaucratie nationale du syndicat.

    Pendant ce temps les capitalistes se réorganisèrent. Ils purgèrent l’armée et la police des éléments de gauche qui y avaient une forte influence et, un peu plus de deux mois plus tard, ils déclenchèrent un ultime coup d’Etat. Les travailleurs, sans armes, sans direction politique ou militaire, furent désemparés et subirent de plein fouet la répression de la dictature de Pinochet.

    Quelles leçons pour aujourd’hui ?

    Revenons maintenant à notre époque. La Tunisie est en proie à une situation, à priori, fort différente du Chili d’Allende. Pourtant, elle a été et est toujours le théâtre de la première révolution du 21ième siècle et, encore une fois, des organes d’auto-organisation de la population sont apparus.

    Durant l’apogée révolutionnaire, des comités de vigilance se sont formés pour protéger les quartiers contre les forces du dictateur Ben Ali. Des travailleurs ont repris à leur compte la gestion d’entreprises dirigées par des proches de l’ancien régime et des comités de ravitaillement se sont développés pour faire face à la désorganisation de la société. Récemment, au début du mois d’août 2013 – bien que peu d’informations nous parviennent et que la situation a l’air de changer – on a appris que dans la ville de Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne, la population avait constitué un comité de Salut public contrôlant les affaires de la ville, sous l’autorité du syndicat UGTT (Union Générale des Travailleurs Tunisiens). Des comités similaires ont été créés dans d’autres villes rejetant le pouvoir central.

    Ainsi la population tunisienne, d’abord dans son rejet du gouvernement de Ben Ali et ensuite de celui des islamistes réactionnaires d’Ennahda a formé de nouveaux instruments de luttes répondant aux nécessités directes de la population. Sur cette base, un parallèle avec le phénomène des cordons peut commencer à être esquissé. C’est à partir de ce genre de pouvoir émergeant qu’une véritable démocratie des travailleurs peut être construite en renversant le capitalisme et instituant le contrôle démocratique des secteurs-clés de l’économie.

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