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Tag: Brésil
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Extrême droite : l’avertissement brésilien.

La riposte des travailleurs et de la jeunesse doit s’organiser d’urgence
Pour beaucoup de gens, le choc fut terrible : le Brésil, la 9e économie au monde, va être présidée dès ce premier janvier par Jair Bolsonaro, un populiste d’extrême droite nostagique de la dictature brésilienne (1964-1985) qui, selon lui, “avait bien fait de torturer, mais n’avait pas assez tué”. Sa victoire est un sinistre présage pour les femmes, les LGBTQI+, les Afro-Brésiliens, les peuples indigènes, les activistes écologiques, les travailleurs, les syndicalistes et tous les dissidents politiques qu’il jure de réduire au silence par la force.
Par Nicolas Croes
Lors de son dernier rassemblement électoral, il n’a pas hésité à dire qu’il allait “éliminer l’opposition, le socialisme et le communisme”, une menace ouverte contre les syndicats et les organisations de gauche. Son fils, le député Eduardo Bolsonaro, a déclaré en commentant les propositions de loi qu’il soumettra qu’il n’hésitera pas à criminaliser les mouvements sociaux comme le Mouvement des paysans sans terre ou le Mouvement des sans toits et interdire des partis politiques d’opposition ‘‘si nécessaire’’. ‘‘L’activisme de la société civile est en passe d’être considéré comme une forme de terrorisme’’, constate la professeure Liz Rejane Issberner de Rio de Janeiro.
Le fils de Bolsonaro a également exprimé son intention de créer une version de droite du Forum Social Mondial, qui s’appellerait le Forum de San Pablo, afin d’y inviter le premier ministre italien Matteo Salvini ou encore l’ancien conseiller de Donald Trump Steve Bannon. Même sans cela, il est certain que la victoire de Bolsonaro encouragera les forces d’extrême droite à travers le continent et au-delà.
Alors que la forêt amazonienne, le poumon vert de la planète, souffre déjà de décennies de dévastations – elle absorbe aujourd’hui un milliard de tonnes de carbone de moins que dans les années ‘90 – ce climato-sceptique a promis de privatiser des pans entiers de la forêt amazonienne et d’y permettre bien plus largement l’exploitation minière et agricole. Il désire aussi y installer de nouvelles centrales hydrauliques ou nucléaires.
Dans son programme de dérégulation pro-entreprises et de réductions de budgets, Bolsonaro a aussi promis de poursuivre la réduction des moyens de l’agence gouvernementale dédiée à la protection des peuples et terres indigènes.
L’échec du PT
Il est impossible de comprendre la victoire de Bolsonaro sans la considérer comme le produit de l’échec des gouvernements ‘‘de gauche’’. Arrivé au pouvoir en 2003 avec la victoire de Lula, le Parti des travailleurs (PT) s’est retrouvé impliqué dans la corruption commune à tous les partis capitalistes du Brésil et a refusé d’appliquer les politiques de rupture anticapitalistes et socialistes qui figuraient dans son programme à sa création, à la fin de la dictature.
Entre 2003 et 2008, le pays a bénéficié du boom économique commun à l’ensemble de l’Amérique latine. Le Brésil figurait en bonne place parmi les économies émergentes les plus fortes au monde et le taux de pauvreté a été réduit. Des mesures sociales ont été appliquées et, mêmes si elles étaient très limitées, elles accréditaient l’idée d’un ‘‘capitalisme à visage humain’’. Mais, aujourd’hui, ces années dorées sont loin derrière. Après une croissance basée notamment sur la consommation, la facilité de crédits pour les travailleurs et l’exportation de matières premières, le système est entré en crise en 2013.
La classe dominante a exigé des mesures structurelles d’austérité. Le PT s’est alors retrouvé à la tête d’un agenda d’attaques contre les travailleurs comportant notamment des contre-réformes du code du travail et du système des pensions. On compte à nouveau les sans-emplois par millions aujourd’hui. Le Brésil fait face à sa plus profonde récession depuis un siècle.
Un coup d’Etat larvé depuis 2016
Les travailleurs et les masses ne sont pas restés passifs. Les mobilisations et les grèves se sont succédées, tout particulièrement en 2014 (avec notamment les protestations liées à l’organisation de la coupe du monde de football) et en 2015 (notamment sur le thème des transports en commun). La classe dominante commençait à songer avec nostalgie au régime militaire de 1964-85 et aux possibilités qu’offrirait un régime plus autoritaire.
Ces dernières années, un véritable coup d’Etat politique en ‘‘slow-motion’’ a eu lieu avec tout d’abord la destitution de la présidente du PT Dilma Rousseff en 2016, puis avec l’emprisonnement de l’ancien président et fondateur du PT Lula.
Parallèlement, les conséquences sociales de la dégradation économique se sont faites sentir avec une horrible croissance de la violence urbaine. Rien que l’année dernière, près de 70.000 personnes ont été tuées au Brésil. Au début du mois de février, le gouvernement Temer (le successeur de Dilma Roussef, membre du parti de droite PMDB) a décrété une intervention fédérale dans l’État de Rio de Janeiro et y a placé un général de l’armée en charge de la sécurité. L’armée a également été envoyée réprimer des manifestants en plusieurs endroits du pays.
Même s’il n’était pas leur premier choix, les partisans du grand capital ont d’abord toléré puis soutenu directement Bolsonaro. Leur mission est maintenant de contenir une partie de ses excès, mais en même temps de profiter de sa ‘‘poigne de fer’’ pour appliquer des attaques néolibérales dures et radicales. Les capitalistes savent que la majorité des électeurs de Bolsonaro n’ont pas voté pour lui en s’attendant à une détérioration dramatique de leurs conditions de vie et que le mécontentement viendra tôt ou tard.
Pour la gauche, la bataille est engagée
Ce gouvernement est très dangereux, et il a du sang sur les mains avant-même d’être entré en fonction, mais il ne dispose pas d’une base sociale solide pour appliquer ses mesures ou parvenir à instaurer un régime autoritaire similaire à celui de la dernière junte militaire. Le point fondamental aujourd’hui est d’organiser la résistance pour défendre chaque droit démocratique et repousser toutes les attaques lancées par les autorités ou les groupes d’extrême droite contre les travailleurs et tous les opprimés.
La victoire de Bolsonaro constitue une défaite pour le mouvement ouvrier qui aggrave l’équilibre social et politique des forces du point de vue des opprimés. Cependant, ce scénario est encore en cours de définition et sera déterminé dans les semaines à venir.
Notre organisation-sœur au Brésil (LSR : Liberté, socialisme et révolution) a lancé un appel en faveur de la création de comités d’autodéfense pour protéger les travailleurs, les activistes, les LGBTQI+, etc. des violences et des assassinats. A partir de ces comités, la résistance pourra ensuite être organisée contre la politique austéritaire qui sera brutalement appliquée par Bolsonaro. Au côté d’un large front uni de résistance par l’action, il faudra aussi développer une force politique large, autour du PSOL (Parti socialisme et liberté, créé en 2004 par une scission de l’aile gauche du PT) et des mouvements sociaux, capable de canaliser la colère des masses contre la misère et la corruption vers le renversement du capitalisme et l’instauration d’une démocratie socialiste.
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Brésil. La résistance commence maintenant !

Déclaration de Liberdade, Socialismo e Revolução (LSR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)
La victoire de Jair Bolsonaro au second tour des élections brésiliennes représente un énorme pas en arrière politique pour le pays et le peuple brésilien. Nous ne partageons pas le cynisme des analystes bourgeois qui parlent de la légitimité du système et de la “consolidation” des institutions démocratiques.
Un candidat qui défend explicitement la dictature et la torture et qui veut stimuler la violence dans les rues contre les opposants, provocant des morts et des blessés, ne devrait pas être traité comme un candidat « normal ».
La violence que l’ancien capitaine de l’armée a encouragée a déjà coûté des vies, comme celle du professeur Mestre Moa do Catendê, qui a été poignardé 12 fois pour avoir critiqué Bolsonaro ou celle de Charlione Lessa Albuquerque, 23 ans, fils d’un syndicaliste de la CUT, tué par un partisan de Bolsonaro lors d’une manifestation pro-Haddad (le candidat du PT). Une semaine avant les élections, Bolsonaro a publiquement menacé ses opposants d’exil ou de prison et une vidéo dans laquelle son fils, Eduardo Bolsonaro a menacé de fermer la Cour suprême, a été largement diffusée.
Bolsonaro ne sera pas un Président “normal”. Il a été élu sur la base d’une série de coups d’État et d’abus qui ont suivi le coup d’État institutionnel qui a fait tomber Dilma Rousseff (ancienne présidente du PT). Les droits démocratiques courent un grand risque et cela doit être dit haut et fort.
Après sa victoire, même au beau milieu d’une opération de communication visant à calmer l’atmosphère, Bolsonaro a continué à proférer ses menaces. Dans des interviews au journal national, Rede Globo, il a déclaré que lorsqu’il a parlé d’interdire tous les “bandits rouges” du pays, il faisait “seulement” référence aux dirigeants du PT et du PSOL (le Parti du socialisme et de la liberté, auquel participe LSR – la section du CIO au Brésil) et a attaqué directement Guilherme Boulos, le candidat du PSOL et dirigeant du MTST (le Mouvement des travailleurs sans-toit).
Les éléments d’un “état d’urgence” non déclaré qui étaient déjà présents dans le pays depuis le coup d’Etat de 2016 seront renforcés. Le rôle de l’appareil judiciaire dans ce processus a été essentiel. Nous devons nous rappeler que le candidat favori pour remporter ces élections (Lula) a été enfermé et que le chemin a ainsi été ouvert pour Bolsonaro, tandis que les révélations concernant la corruption entourant la campagne de Bolsonaro ont été ignorés.
Le financement illégal, estimé à au moins 12 millions de Reals, des grandes entreprises qui ont financé une campagne de masse de “fakes news” en faveur de Bolsonaro sur les réseaux sociaux privés a même été dénoncé par l’Organisation des États américains (OEA) comme sans précédent dans une démocratie. Le Tribunal électoral suprême n’a rien fait à ce sujet. Ce scandale n’a été révélé que par un reportage spécial dans le journal principal, Folha de Sao Paolo. Ce journal, et le journaliste qui a rédigé le rapport, sont aujourd’hui menacés par Bolsonaro.
Ce n’est pas non plus une coïncidence si, juste avant le second tour des élections, au moins 17 universités ont subi des interventions policières simplement parce que des étudiants, des enseignants et d’autres travailleurs avaient exercé leur droit démocratique de protester contre les idées et pratiques proto-fascistes.
L’intimidation et la répression de l’opposition et du droit de manifester existaient déjà avant l’arrivée au pouvoir du Bolsonaro. A quoi pouvons-nous nous attendre maintenant ?
Pratiques proto-fascistes et politiques ultra-néolibérales
Même s’il n’était pas leur premier choix, les partisans du grand capital ont d’abord toléré puis soutenu directement Bolsonaro. Leur mission est maintenant de contenir une partie des excès de l’ex-capitaine mais en même temps de profiter de sa “poigne de fer” pour appliquer des attaques néolibérales dures et radicales. Le grand capital est prêt à tolérer de nombreux abus au nom de coupes budgétaires dramatiques, de privatisations massives et de contre-réformes des retraites. Les capitalistes savent que la majorité des électeurs de Bolssonaro n’ont pas voté pour lui en s’attendant à une détérioration de leurs conditions de vie, à une perte de droits démocratiques et que tôt ou tard, viendra le mécontentement.
A l’exception d’une partie de la société ouvertement réactionnaire, une grande partie des 39,2% (57,7 millions d’électeurs) de l’électorat total qui a voté pour Bolsonaro étaient issus de gens qui en ont assez du système politique, qui veulent voir un changement radical et qui ne voient aucune alternative à gauche. Les 60,8% restants (89,5 millions) de l’électorat qui n’ont pas voté pour Bolsonaro (le total combiné des votes pour Haddad, des votes blancs, des votes nuls et des abstentions) ne sont pas prêts à accepter des politiques qui attaquent leurs droits fondamentaux.
Malgré cela, même s’il promet de respecter la Constitution, le gouvernement aura tendance à augmenter les éléments bonapartistes qui existent déjà. En même temps, Bolsonaro ouvre déjà la voie à la violence des groupes para et des éléments fascistes, pour compléter son gouvernement autoritaire.
Il pourrait y avoir des divisions et des conflits au sein de la classe dirigeante face au bonapartisme croissant du gouvernement. Nous devons chercher à comprendre, à stimuler et à tirer parti de ces divisions. Cependant, nous devons aussi comprendre que seul le pouvoir organisé des masses, de la classe ouvrière et de tous les exploités et opprimés peut faire face à l’autoritarisme et aux attaques de Bolsonaro.
Nous n’abandonnerons pas les rues
La victoire de Bolsonaro constitue une défaite pour le mouvement ouvrier qui aggrave l’équilibre social et politique des forces du point de vue des opprimés. Cependant, ce scénario est encore en cours de définition et sera déterminé dans les jours à venir. L’équilibre des forces se définit aussi par des actions concrètes de notre classe et de nos organisations de lutte.
Il est donc crucial de participer aux manifestations de masse dans les différentes capitales des États appelées par le Frente Povo Sem Medo (Front des personnes sans peur). Nous devons dire clairement que nous n’abandonnerons pas la rue et que nous n’accepterons pas les menaces et l’intimidation des mouvements.
Les actions du mouvement étudiant au lendemain des élections, avec des actions appelées à contrer les tentatives de la droite pro-bolsonaro dans les universités, sont des exemples de la manière dont nous devons prendre place dans les rues, les lieux de travail et les quartiers et ne laisser aucun espace aux groupes proto-fascistes.
La défense des libertés démocratiques sera une bannière fondamentale dans toutes nos luttes. Nous devons également mettre en garde contre le danger que Bolsonaro et Temer s’allient immédiatement au Parlement pour mettre en œuvre des attaques comme la réforme des pensions. S’ils adoptent cette attaque contre les pensions publiques maintenant, avant que Bolsonaro ne prenne le pouvoir, Bolsonaro serait libéré des dommages énormes que l’adoption de cette réforme causerait à son propre gouvernement. Une fois de plus, Temer joue un rôle pourri.
Il s’agit notamment de préparer le terrain pour Bolsonaro en adoptant le décret qui a créé une nouvelle force de renseignement, dirigée par l’actuel ministre de la Sécurité, le général réactionnaire Sérgio Etchegoyen. Ce sera un outil qui, au-delà du crime organisé, sera utilisé contre l’opposition publique.
Les syndicats et les autres mouvements sociaux doivent se mobiliser contre ces contre-réformes, en particulier la réforme des retraites et les atteintes aux droits démocratiques. Nous devons créer les conditions permettant au mouvement ouvrier de prendre des mesures fortes, comme ce fut le cas avec la grande grève générale d’avril 2017 qui a stoppé la réforme des pensions à l’époque.
Dans les jours qui ont précédé le second tour, un large mouvement d’activistes a renaît, souvent spontanément, qui s’est mobilisé contre l’extrême droite et Bolsonaro : distribution de tracts, frappe aux portes, réunions sur les places des villes, action sur les médias sociaux, etc. De nombreux comités de lutte, des brigades démocratiques et des fronts antifascistes ont été créés. Une nouvelle couche d’activistes est née et beaucoup sont retournés à l’activité, générant un immense espoir et une grande solidarité.
Ce mouvement doit être poursuivi et renforcé. L’organisation de la lutte par le bas peut donner un réel pouvoir au mouvement et garantir la participation démocratique et la prise de décision. L’organisation est cruciale au niveau régional, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités, sur une base large et démocratique, pour organiser la résistance contre le gouvernement et les gangs d’extrême droite.
La garantie de notre sécurité ne peut être atteinte que par une organisation collective. Les actions de solidarité, les pressions politiques, les actions de masse et la légitime défense pratique ne peuvent être efficaces que si elles sont organisées collectivement. C’est une tâche que les organisations de masse de la classe ouvrière doivent clairement assumer, avec la participation de chaque comité, brigade et groupe local.
Pour un front uni de la gauche socialiste
La tâche du moment est la construction d’un front uni de toutes les organisations de la classe ouvrière dans la résistance contre Bolsonaro et l’extrême droite et son agenda autoritaire néolibéral.
Au-delà du front uni de la classe ouvrière, qui rassemble les fédérations syndicales, les mouvements sociaux et les partis ouvriers, nous devons aussi construire une unité d’action encore plus large avec les organisations démocratiques et la société civile. Cela s’applique surtout à la défense des droits démocratiques contre les attaques.
Cependant, il est nécessaire de comprendre que le moteur fondamental de cette lutte doit être l’action unie et coordonnée de la classe ouvrière et des opprimés. Seules nos organisations de classe peuvent faire le lien nécessaire entre la défense des droits démocratiques et la lutte contre l’agenda néolibéral et les mesures antisociales. À l’heure actuelle, autoritarisme et mesures néolibérales vont de pair et doivent être combattus ensemble.
Dans cette lutte, la gauche socialiste doit stimuler un débat sur la réorganisation de la gauche. Nous ne pouvons pas gagner contre l’extrême droite sans une profonde compréhension de la manière dont nous sommes arrivés ici. Cela signifie une profonde compréhension de l’échec des politiques de conciliation de classe et d’adaptation au système adopté par le PT et le camp de Lula.
L’expérience de la défaite actuelle ne sera utile que si, dans le processus de résistance et de lutte, de larges pans de la classe ouvrière et des jeunes, des femmes et d’autres secteurs opprimés tirent des conclusions concernant la nécessité de construire une nouvelle force politique de gauche socialiste, reposant sur la lutte directe de la classe ouvrière, organisée par le bas, radicalement démocratique et avec un programme anti-capitaliste et socialiste pour résoudre la crise actuelle.
Cette alternative de gauche doit provenir à la fois du PSOL et de ce qu’il a accumulé jusqu’à présent, mais elle doit aussi être encore plus large, impliquant des alliances avec le MTST et d’autres mouvements sociaux. Cela devrait permettre de faire progresser la réorganisation de la gauche ouvrière et des sections combatives des mouvements ouvriers, étudiants et populaires.
L’extrême droite a canalisé une grande partie du mécontentement populaire, en partie parce qu’elle a pu se présenter comme quelque chose de nouveau, de radical et d’extérieur au système. En vérité, elle ne représente que la continuité et l’approfondissement de l’ordre actuel et de son chaos.
Nous, la gauche socialiste conséquente, devons offrir à la classe ouvrière et aux pauvres dans leur ensemble une nouvelle bannière, radicale, combative, remplie d’idées d’égalité, de solidarité, de démocratie et de socialisme.
Vive la lutte !
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Bolsonaro – une menace pour les travailleurs et toutes les personnes opprimées !
La gauche doit construire une puissante alternative socialiste
La victoire de Jair Bolsonaro au second tour de l’élection présidentielle brésilienne par une marge de 10% sur le candidat du Parti Travailliste (PT) Fernando Haddad, représente un revers pour la classe ouvrière brésilienne et ouvre un nouveau chapitre au Brésil. Elle encouragera également l’extrême droite dans d’autres pays d’Amérique latine.
André Ferrari, Liberté, Socialisme et Révolution (LSR – CIO Brésil)
Bolsonaro est un populiste d’extrême droite d’origine militaire. Il a défendu l’ancien régime, l’usage de la torture et a adopté une position anti-pauvres, raciste, misogyne et homophobe tant pendant la campagne électorale qu’avant celle-ci.
Lors de son dernier rassemblement électoral, il a parlé de la nécessité d’ « éliminer l’opposition, le socialisme et le communisme ».
A la veille des élections, la police militaire est entrée dans plus de 20 universités à la suite de la décision de juges contre des groupes “antifascistes”, décision qui a ensuite été annulée par d’autres secteurs de l’appareil judiciaire. Cependant, elle illustre le caractère extrêmement répressif que prendra le nouveau gouvernement de Bolsonaro.
Menaces
Lors d’un rassemblement du PT, une voiture s’est approchée et un homme est sorti en tirant sur une personne. Lors des célébrations de la victoire de Bolsonaro, ses partisans brandissaient des pistolets, tirant en l’air. A Niteroi, un quartier de Rio de Janeiro, des véhicules blindés militaires sont descendus dans les rues pour célébrer.
A São Paulo, devant la maison d’un membre du congrès nouvellement élu du PSOL (Parti Socialisme et Liberté) qui est trans, une personne transgenre a été tuée par balle dans une attaque clairement politique.
Bolsanaro avait précédemment proclamé : “Oui, je suis homophobe – et j’en suis très fier.”
Cette victoire représente une menace et un défi pour le mouvement ouvrier et la gauche. Dans les dernières étapes de la campagne, un climat de résistance croissante s’est développé, qui s’est traduit par des protestations massives contre Bolsonaro à Rio et dans d’autres villes.
PSOL et le mouvement des travailleurs sans-terres du MTST ont correctement pris l’initiative d’organiser des manifestations. Une nouvelle couche de travailleurs et de jeunes de gauche beaucoup plus critiques à l’égard du PT est en train d’émerger.
La victoire de Bolsonaro est le produit de l’échec des gouvernements « de gauche » au pouvoir. Le PT était impliqué dans la corruption avec tous les partis capitalistes au Brésil.
Le PT a introduit des politiques pro-capitalistes et n’a pas adopté de politiques socialistes. Le Brésil a été plongé dans sa plus profonde récession depuis un siècle. Les conséquences sociales de cette situation, à savoir l’horrible montée de la violence urbaine, ont été utilisées de manière démagogique par Bolsonaro. Près de 70 000 personnes ont été tuées au Brésil l’année dernière.
Bolsonaro a également utilisé la crise au Venezuela pour attaquer la gauche. L’échec des gouvernements Chavistes à rompre avec le capitalisme a entraîné une catastrophe sociale qui est maintenant utilisée par les politiciens capitalistes et les gouvernements du monde entier pour attaquer le «socialisme».
« Troisième tour »
Le milliardaire brésilien sortant, le président néolibéral Michel Temer (qui, en 2016, a évincé l’ancienne présidente du PT Dilma Rousseff lors d’un coup d’État parlementaire), après la victoire de Bolsonaro a réintroduit à présent son attaque sur les pensions qui avait été vaincue. Cette mesure et d’autres mesures anti-ouvrières donneront à la gauche l’occasion de commencer à construire une alternative socialiste combative.
Le « troisième tour » du Brésil se déroulera dans la rue. Les travailleurs et les organisations de gauche doivent être rassemblés pour commencer à se battre. Cela signifie défendre les droits démocratiques et repousser toutes les attaques contre les travailleurs et les opprimés. Il est urgent, à court terme, de former des comités d’autodéfense contre les menaces et les attaques de l’extrême droite. LSR se bat maintenant pour construire la résistance à Bolsonaro et pour lutter pour une alternative socialiste plus puissante.
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Brésil : La conseillère du PSOL Marielle Franco assassinée à Rio de Janeiro

Le 14 mars, Marielle Franco, membre chevronnée du PSOL (Parti du Socialisme et de la Liberté) à Rio de Janeiro, a été exécutée de façon barbare en plein centre-ville. Anderson Pedro Gomes, le conducteur de la voiture, fut aussi tué dans l’attaque.
L’enquête policière a relevé la présence de neuf coups de feu dans la vitre arrière de la voiture, démontrant que les meurtriers visaient Marielle, et savaient précisément où elle se trouvait dans la voiture malgré les vitres teintées.
Marielle avait 39 ans et une fille de 18 ans. Femme noire et bisexuelle, elle vivait dans la Favela de Maré, à Rio, où elle travaillait à la défense des femmes noires et des droits humains. Elle était une militante de longue date pour toutes causes justes dans l’intérêt des pauvres de la ville.
En 2016, elle a été la cinquième candidate à recueillir le plus de votes pour accéder au conseil de Rio en tant que candidate du PSOL. En tant que conseillère, elle a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre la violence policière barbare dans les favelas de Rio contre les populations pauvres et noires.
Au Brésil, un jeune noir est assassiné toutes les 21 minutes. Sur 100 personnes assassinées au Brésil, 71 sont noires. Les meurtres de femmes noires ont augmenté de 22% entre 2005 et 2015, alors que les décès de personnes non-noires ont diminué de 7,4% au cours de la même période.
Au début de février, le gouvernement Temer a décrété une intervention fédérale dans l’État de Rio de Janeiro dans des questions relatives à la sécurité publique. Il a alors mis un général de l’armée en charge de la sécurité et a promu l’intervention militaire dans les favelas et les communautés.
Cela a conduit aux mêmes pratiques répressives et abusives que les troupes brésiliennes ont exécutées en Haïti dans le cadre d’une mission des Nations Unies, cette fois mises en œuvre contre les habitants pauvres des favelas de Rio.
Marielle Franco était une cheffe de file de l’opposition à cette intervention. Deux semaines auparavant, elle était nommée à la tête de la commission mise en place par le conseil pour superviser l’intervention.
Trois jours avant son assassinat, Marielle a dénoncé les actions arbitraires et abusives de la police militaire dans la favela Acari, dans laquelle des résidents ont été assassinés et tués par le 41e bataillon de la police militaire, connu sous le nom de « bataillon de la mort ».
La corruption, la violence et le racisme de la police militaire de Rio et leurs liens avec les groupes d’extermination sont évidents. Il ne fait aucun doute que le meurtre de Marielle est lié à sa lutte contre cette situation.
Au cours des dernières années, principalement après le coup d’Etat parlementaire qui a porté Michel Temer au pouvoir, le Brésil a vu une augmentation qualitative de la répression étatique et extra-institutionnelle contre les mouvements sociaux.
Cette répression et la criminalisation des mouvements sociaux et de leurs dirigeants peuvent compter sur de nouvelles mesures institutionnelles introduites par le PT (Partido dos Trabalhadores, Parti des Travailleurs) au gouvernement, principalement pendant la Coupe du monde et les Jeux olympiques.
Nous avons vu des militants et des leaders systématiquement menacés, attaqués et tués. Deux jours avant l’assassinat de Marielle, un dirigeant du peuple amazonien, Paulo Sérgio Almeida Nascimento, 47 ans, a été assassiné suite à quatre balles reçues alors qu’il se trouvait devant sa maison à Barcarena (État de Para). Paulo menait une lutte contre la compagnie minière norvégienne, Hydro, qui voulait construire un bassin dans cette région malgré l’impact dramatique de celui-ci sur l’environnement et la vie de la population locale.
À la suite de la crise ainsi que des attaques contre les travailleurs et les pauvres, la résistance s’est manifestée à tous les niveaux, même si celle-ci n’a pas encore la coordination et la stratégie nécessaires pour décrocher la victoire. Il est fondamental que nous unissions les luttes pour la défense de nos vies et de nos droits. Il est crucial de construire une gauche, une alternative socialiste pour la classe ouvrière et toutes les personnes opprimées et exploitées.
Pour Marielle Franco, pour Paolo Sergio, et pour tous les noirs, les peuples indigènes, les syndicalistes et les activistes des mouvements sociaux, notre lutte doit continuer avec encore plus de force, d’unité et d’organisation.
LSR (section brésilienne du Comité pour une internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge) prend part à cette lutte. Nous ne garderons pas le silence et nous ne les laisserons nous empêcher de combattre pour nos vies.
Marielle presente! Hoje e sempre!
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Crise politique au Brésil : quelle issue pour les travailleurs ?
Entretien avec André Ferrari – membre du P-Sol (Parti socialisme et liberté, parti de gauche large et militant au Brésil) et du comité exécutif de Liberdade, Socialismo et Revolução (LSR), organisation sœur du PSL au Brésil.Par Mariana Campos, Gauche Révolutionnaire (section française du Comité pour une Internationale Ouvrière)
Cet entretien a été réalisé il y a quelques semaines. De nombreux faits se sont déroulés depuis. Le gouvernement Temer est très fragile et peut tomber dans quelques jours. Les manifestations gagnent en ampleur. La répression nous rappelle les conditions de l’AI5 (Acte Institutionnel n°5, qui suspendait complètement la Constitution) en pleine dictature militaire. Une nouvelle grève générale est en route. Cet entretien peut aider à mieux comprendre la crise politique actuellement en cours au Brésil.
Quel est la différence entre le gouvernement Dilma et Temer ?
Tout d’abord, il faut se rappeler que Temer était vice-président sous Dilma Rousself. Cette crise c’est le résultat de la politique du PT qui visait la conciliation des classes.
Après une croissance basée sur la consommation et la facilité de crédits pour les travailleurs, le système entre en crise en 2013 et la bourgeoisie exige des représentants politiques de faire des mesures structurelles d’austérité. Ils organisent un agenda des attaques contre les travailleurs, comme les reformes du code du travail et de la retraite commencées par le gouvernement de PT de Dilma mais qui a des difficultés politique pour appliquer ces mesures.
La réélection de Dilma a été basée sur un programmes progressiste et critiquant les mesures néolibérales du candidat Aécio Neves. Cependant, le lendemain de sa réélection, elle adopte des mesures néolibérales comme l’ajustement fiscal. Ainsi, elle jongle entre les intérêts de la classe dirigeante et les mesures progressistes socialement.
Malgré quelques pas progressifs vers la population plus pauvre, l’électricité, bolsa familia (bourse alimentation pour les plus pauvres), accès à l’université privée aux enfants de travailleurs, le Pt n’a jamais rompu avec le néolibéralisme. Il n’y a jamais eu de nationalisation ou étatisation. Au contraire, il y a eu la précarisation des services publics suivis des privatisations. La politique de conciliation a fait qu’elle perdît le soutien d’une grande partie de la population, et aussi des élites. Les bases sociales qui ont supporté ce gouvernement ne sont plus là.
La chute de Dilma permet que Temer entre dans le gouvernement avec une politique d’attaques qualitativement supérieures contre les travailleurs : les ajustements fiscaux, et de nouvelles reformes de la retraite et du code de travail, le gel des dettes externes et publiques, c’est-à-dire 20 ans sans investissement dans le secteur public. Il ne s’inquiète pas d’avoir un visage social, au contraire, il détruit chaque mesure progressiste du gouvernement Pt.
(La réforme du code du travail assure la précarisation des travailleurs par l’externalisation en contrats type CDD et la fin de droits, comme celui de la maternité, congés payés, indemnisation des chômeurs. La réforme de la retraite ne fait plus de différence entre les contributions des hommes et des femmes. Cette réforme exige 49 ans de cotisations et l’âge minimum de 65 pour avoir la retraite. C’est-à-dire, pour avoir accès à la retraite, il faudra commencer à travailler à l’âge de 16 ans en CDI, sans jamais avoir été en chômage. Aujourd’hui, même avec le système de retraite actuel, les travailleurs n’arrivent pas à vivre de leur retraite et sont obligés de continuer à travailler. A peine 1 travailleur sur 4 a accès à sa retraite.)
Une grande partie des travailleurs n’a pas participé au processus de destitution de Dilma, ni ne l’a empêché, car ils étaient insatisfaits avec ce gouvernement, et se sont éloignés du PT.
Cependant, les attaques en cours par le gouvernement Temer ont fait que le Pt arrive encore à convaincre une certaine partie de la population avec l’argument de la politique du moins pire. Si Lula ne va pas en prison à cause d’accusations de corruption, il pourra être candidat et se présenter comme une alternative aux élections présidentielles en 2018.
La droite et l’extrême droite :
La droite et l’extrême droite essayent de faire un amalgame entre les manifestations en cours contre les reformes et le soutien vers PT qui a pour objectif de récupérer le gouvernement.
Il y a 71% d’insatisfaction sociale, Au niveau politique, la droite est en crise et n’a aucun candidat à présenter dans les élections présidentielles l’année prochaine. La bourgeoise cherche une alternative en dehors des partis classiques, elle veut présenter des candidats dits « apolitiques – technocrates ».
Une partie minoritaire de l’extrême droite réactionnaire de São Paulo demande l’intervention militaire et montrent Bolsonario (membre du Parti social-chrétien et pro dictature militaire) comme alternative au système. Une autre partie de cette même droite est néanmoins en faveur d’une éducation et d’une santé publique.
La discussion est ouverte et la gauche doit s’approprier les discussions sur la corruption des politiciens. Car sinon, ces secteurs réactionnaires peuvent propager leurs idées, même si aujourd’hui, elles n’ont pas le rapport de force pour cela.
La gauche non luliste regarde le Psol :
Le Psol arrive à dialoguer avec les couches les plus dynamiques. Le parti gagne en adhésion et solidarité parmi la population. Marcelo Freixo candidat du P-Solà la mairie de Rio de Janeiro est arrivée au deuxième tour des élections. Sa candidature a mobilisé une grande partie de la population, des mouvements sociaux, des artistes, des jeunes et des travailleurs précaires. Erundina a São Paulo arrive à réunir les secteurs à gauche et progressistes de la ville.
Mouvement social et syndical : Le mouvement est dispersé, mais dynamique.
Les chaos sociaux, l’inflation et la répression comme jamais vue depuis la dictature militaire favorisent une explosion sociale. Des catégories paralysées depuis 20 ans reprennent les rues, les centrales syndicales comme la CUT et Força Sindical sont obligées de se mobiliser. Une nouvelle génération de jeunes dynamiques occupent les écoles et exigent l’éducation gratuite et de qualité.
L’unité des centrales syndicales est d’actualité, les principaux efforts sont de mobiliser les couches larges pour la politique générale au niveau national.
Le mouvement des sans toit, MTST, se construit comme un nouveau mouvement qui réunit les sans toit et les travailleurs précaires non syndicalisés, à cause de leur contrat temporaire précaire. Ce mouvement gagne en visibilité et joue un rôle clé dans l’organisation de la classe.
La grève générale a obtenu la participation active et passive de millions des brésiliens. Les métallurgiste du ABC (la zone industrielle près en banlieue de Sao Paulo) ont adhère à 90% la grève.
Le 24 mai, malgré les énormes difficultés pour accéder à la capitale, la manifestation à Brasilia a réuni cent cinquante mille personnes.
Une répression féroce
Le gouvernement s’est attaqué aux droits humains et à la démocratie dans le pays. Les mesures de répression rappellent les conditions pré 1964 (le début de la dictature militaire). Le 24 mai, Temer a convoqué l’armée pour réprimer les manifestants. La cavalerie utilisée en AI5, en pleine dictature militaire, est à nouveau dans la rue. Trois heures de massacres : des tire à balles réelles contre les manifestants, bombes à gaz jette par des hélicoptères, emprisonnements arbitraires.
Du côté de l’extrême droite, si l’élite est en crise, il existe un mouvement d’extrême droite organisé qui réprime les luttes et a le soutien du gouvernement.
Le mouvement MPL par exemple est allé jeter des bombes dans les écoles occupées par les mouvement social en faveur de l’éducation publique.
Malgré les attaques hebdomadaires contre les travailleurs et le silence des médias traditionnels, les mouvements sociaux et les travailleurs sont mobilisés avec de nouvelles dynamiques. De nouvelles manifestations, des concerts, des actions d’artistes seront organisés à Rio en faveur d’élections directes. La prochaine grève générale est en cours.
Les médias en France affirment que le Brésil a souffert d’un coup médiatique, quelle est votre avis ?
Nous n’avons jamais eu un moyen de communication démocratique. Le coup médiatique pour nous n’est pas une nouvelle. Les entreprise privé ont le monopole des informations et représentent les intérêts du capital. Globo est le fruit mûre de la dictature militaire, elle agit comme un parti de droite. Le PT aura pu en finir, mais il n’a rien fait pour changer la situation. Quand la Globo n’a plus eu besoin du PT, elle a organise sa chute. Et pourtant, ce n’est pas si difficile d’en finir, il faut juste que le gouvernement ne renouvelle pas les concessions de l’état pour diffuser les informations, il faut juste passer ces concession aux communautés sociales.
Le 25 janvier de 1984, par exemple, il y a eu uen grande manifestation pour les élections directes, contre la dictature, il avait deux cent cinquante mille personnes dans les rue de São Paulo. Globo a diffusé que ces manifestants étaient dans la rue pour commémorer l’anniversaire de la ville de São Paulo, une grande fête !
En 2013, cette chaîne a beaucoup parlé du mouvement pour la réduction du prix des transports mais a essayé de le diviser.
Même avec le soutien des médias, ce gouvernement est fragile et Temer ne pourra plus supporter les pressions populaires. La grève générale de 48 h est le prochain pas. Pour les élections directes et générales ! Contre les réformes ! Notre avenir est dans nos mains. Dégageons Temer et sa bande.
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Brésil. Le coup d’Etat politique contre Dilma Rousseff sert les intérêts de la droite ! Temer doit dégager !
Le Brésil traverse la plus profonde crise politique de son histoire récente. Le 12 mai, une procédure de destitution a été lancée à l’encontre de la présidente Dilma Rousseff (Parti des travailleurs, PT). Le vice-président, Michel Temer (PMDB, démocrates conservateurs), l’a remplacée lorsqu’elle a été démise de sa fonction par le Sénat le 31 août. C’est ainsi que pris fin le règne de 13 ans du Parti des travailleurs (PT) à la tête du pays.
Par Emilie (Gand)
L’héritage du Parti des Travailleurs
Cette crise politique se déroule dans un contexte de profond malaise économique et social. L’économie brésilienne a chuté de 3,8% en 2015 et l’année 2016 devrait livrer des résultats similaires. L’inflation dépasse les 10%. Trois millions de personnes ont perdu leur emploi cette année. Il y a officiellement 11 millions de sans-emplois tandis qu’un quart de ceux qui ont un emploi ne gagne que le salaire minimum (240 euros par mois).
Jusqu’à l’an dernier, l’élite politique et économique était confiante envers les capacités de Dilma Rousseff de faire passer les réformes néolibérales jugées importantes par l’establishment. Dilma était donc censée promouvoir un agenda néolibéral à l’exact opposé de ses promesses électorales de 2014. Cette année-là, le PT avait remporté une victoire sur le fil (51,64%) illustrative non pas du soutien à sa politique mais bien plutôt du fait que la droite traditionnelle est toujours associée à la période de la dictature (1964-1985).
Tant que l’économie se portait bien, essentiellement grâce à l’exportation des matières premières, les moyens existaient, même de façon limitée, pour financer les programmes sociaux. Mais ces programmes d’aide sociale ont fondu comme neige au soleil ces dernières années. Dilma a trahi ses promesses électorales. Cadeaux fiscaux aux entreprises, attaques contre les conditions de travail et les salaires, projets de prestige très onéreux, Coupe du monde, Jeux olympiques, etc. : en peu de temps, Dilma est devenue la présidente la moins populaire de l’histoire du Brésil.
Dans ce contexte, les énormes scandales de corruption (impliquant surtout les partis de droite) et la poursuite en justice de différents ministres du gouvernement dans l’opération ‘Carwash’ (nom de l’enquête portant sur les scandales de corruption) ont eu un effet explosif sur l’opinion publique. Il est donc devenu de plus en plus périlleux pour le gouvernement de poursuivre sa politique d’austérité. Quand les grandes banques privées et l’organisation de l’Etat de Sao Paulo se sont publiquement exprimées contre la présidente, il est devenu clair que ses jours étaient comptés.
Dilma Rousseff a essayé jusqu’au dernier moment de convaincre la classe capitaliste que son gouvernement était capable d’imposer les réformes ‘‘nécessaires’’. Elle a instauré des mesures facilitant aux entreprises étrangères d’exploiter le pétrole brésilien, les dettes de l’Etat ont été renégociées et de nouvelles privatisations ont été lancées et une loi anti-terroriste qui ouvre la voie à la criminalisation des mouvements sociaux a été votée.
Temer, partisan de l’approche draconienne
La façon non-démocratique dont le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir a suscité une large indignation dans la société. D’autre part, Temer et d’autres ont aussi été cités dans l’opération ‘Carwash’. Les prochaines élections doivent se dérouler en 2018. Temer ne compte pas s’y présenter, ce qui implique qu’il se moque des sondages. Il veut les coudées franches pour mener une politique néolibérale aussi dure que dévastatrice.
Dès le premier jour, le gouvernement Temer a annoncé une avalanche de réformes. Certains subsides de l’Etat dans les soins de santé et dans l’enseignement ont été abolis, l’âge de la pension a été augmenté, les procédures de licenciement ont été assouplies pour satisfaire les désirs des grandes entreprises,… Dès le premier jour également, il y a eu des manifestations de masse contre le coup d’Etat politique et contre les réformes annoncées. A Sao Paulo, plus de 200 écoles ont été occupées. Des mouvements de grève ont vu le jour chez les sous-traitants de Volkswagen et General Motors. Le ministère de la culture a été occupé par des artistes.
Le mouvement ‘Temer Out’ n’est pas pour autant une expression de soutien automatique à Dilma et au PT. Beaucoup d’activistes se demandent que faire après les trahisons du PT et le coup d’Etat politique de Temer. Le parti d’opposition de gauche PSOL (Parti du socialisme et de la liberté) a connu des hauts et des bas ces 15 dernières années. Il a parfois glissé vers le centre pour revenir à gauche sous la pression des mouvements de masse. Aujourd’hui, il fait face à une occasion historique. En octobre se dérouleront des élections communales et les sondages laissent penser qu’il pourrait arriver en deuxième position dans beaucoup de grandes villes.
L’organisation-soeur du PSL au Brésil, LSR (Liberté, Socialisme, Révolution) milite au sein du PSOL et y défend un programme socialiste et combatif. Au sein du mouvement ‘Temer Out’, elle a soutenu l’idée d’organiser de nouvelles élections et ses militants œuvrent à l’unification des différents mouvements sociaux contre Temer et ses attaques néolibérales.
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Brésil: La chute de Dilma Rousseff marque le début d'une offensive anti-travailleurs
Une nouvelle étape de la lutte des classes s’est ouverte au Brésil. Le pays traverse en ce moment la crise sociale et économique la plus grave de son histoire. Cette crise s’accompagne d’une très grave crise politique, conséquence des manœuvres antidémocratiques des partis de droite et du grand capital contre les droits des travailleurs. En même temps, cette crise est le produit de l’échec total du modèle de concertation et de «collaboration de classe» adopté par le Parti des travailleurs tout au long de ses 13 années au gouvernement.Par André Ferrari, groupe Liberté, socialisme et révolution (LSR, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière)
La présidente du Brésil, Mme Dilma Rousseff, membre du PT (Parti des travailleurs), a été destituée de son poste par le sénat fédéral le 12 mai dernier. C’est le vice-président Michel Temer, membre du Parti du mouvement démocratique du Brésil (PMDB), qui a été mis à sa place. Dilma se retrouve ainsi écartée du pouvoir, quelques jours après que le parlement ait voté par une écrasante majorité en faveur de l’ouverture de la procédure de destitution de la présidente.
Au moment de ces deux votes, le parlement et le sénat étaient présidés par des députés personnellement impliqués dans les scandales de corruption qui ont ébranlé le pays. Eduardo Cunha du PMDB, président du parlement, a vu son mandat lui être ôté par la Cour suprême fédérale quelques jours à peine après le vote sur la procédure de destitution de Dilma.
Selon les règles de cette procédure, Dilma Rousseff sera démise de ses fonctions pour une durée de 180 jours (six mois) avant que le sénat ne prenne une décision définitive concernant sa destitution. Les résultats du premier vote montrent déjà bien, cependant, que cette décision ne sera pas remise en question par le sénat fédéral rempli de politiciens de droite conservateurs extrêmement corrompus.
La chute de Dilma est la conséquence du revirement de position politique de certains partis de la droite traditionnelle, soutenus et encouragés par les plus importantes sections du grand capital. Cela faisait pourtant des années que ces partis donnaient une majorité au gouvernement PT au parlement national.
Jusqu’à la fin de l’an dernier, l’élite économique et politique s’attendait à ce que Dilma Rousseff soit capable de lancer les attaques et contre-réformes contre les droits de la classe des travailleurs exigée par la classe dirigeante afin de sortir le pays de la crise économique. Cette élite aurait préféré, si possible, éviter les turbulences et les troubles survenus suite à la destitution forcée de la présidente.
L’approche de Dilma était d’appliquer la politique néolibérale, tout le contraire de ce qu’elle défendait au cours de sa campagne électorale de 2014 lorsqu’elle a battu à une faible marge le candidat de la droite, Aécio Neves du PSDB (Parti social-démocrate du Brésil). Elle espérait ainsi s’assurer le soutien de l’élite pour le reste de sa présidence.
Toutefois, la faiblesse du gouvernement Dilma s’est avérée trop importante au vu de la gravité de la situation du pays. L’aggravation de la crise économique, la croissance du chômage (qui touche déjà 10 millions de personnes), l’adoption d’une politique d’ajustement fiscal et les attaques sur les droits des travailleurs ont fait de Dilma un des chefs d’État les moins appréciés de l’histoire du Brésil.
C’est dans le contexte que l’« Opération lavage », qui visait à enquêter sur toute une série de scandales de corruption impliquant des personnalités du gouvernement PT et menée par le juge Sérgio Moro, a eu un effet explosif sur l’opinion publique.
La crise économique, les coupes budgétaires réalisées par le gouvernement et les scandales de corruption ont fait perdre à Dilma le soutien de chaque couche de la population. Le mécontentement passif qui vivait dans la société a permis à la droite d’intervenir en mobilisant de larges couches de la classe moyenne dans des manifestations comptant des centaines de milliers de gens. C’est la première fois depuis des décennies que la droite a pu organiser des manifestations d’une telle ampleur au Brésil.
Étant donné ces facteurs, le gouvernement Dilma n’avait pas la force de mettre en œuvre la politique antisociale attendue de la part d’importantes couches de la classe dirigeante. Depuis le début de cette année surtout, le noyau dur du grand capital – les plus grandes banques privées de la Fédération industrielle de l’État de São Paulo – a décidé de d’entrer en campagne pour la destitution de Dilma, sans payer trop d’attention aux contraintes légales de la chose.
Cette cabale a employé la moindre manœuvre antidémocratique potentiellement envisageable, y compris des pratiques totalement mafieuses de la part du président du parlement afin de garantir le résultat souhaité. L’accusation formelle contre Dilma Rousseff, le crime dont elle serait responsable et qui sert à justifier sa destitution, est son implication supposée dans des plans de corruption, y compris des surfacturations pour des projets publics et des «maquillages» dans la comptabilité de ces projets.
Histoire du PT au pouvoir
Jusqu’au dernier moment, Dilma a tenté de convaincre les grands capitalistes que son gouvernement serait capable de mettre en œuvre la politique néolibérale qui lui était exigée. Certaines des dernières mesures adoptées par le gouvernement avant sa chute ont représenté d’importantes nouvelles attaques contre des pans entiers de la classe des travailleurs.
Ces mesures comprenaient l’ouverture de l’économie à des entreprises étrangères pour l’exploration de gisements pétroliers et la renégociation des dettes de l’État, accompagnées de brutales coupes budgétaires, privatisations et attaques. On a ainsi vu une nouvelle loi « antiterroriste » qui permet désormais de criminaliser les mouvements sociaux.
L’un des derniers décrets pris par Dilma en tant que présidente a été l’ouverture d’un barrage hydroélectrique à Belo Monte, en Amazonie. Il ne s’agit de rien de moins que de la destruction de certains des plus importants biotopes de la planète, couplée d’une attaque brutale sur les peuples autochtones de la région.
Malgré cela, on a également vu de grandes manifestations contre la destitution de la présidente, partant essentiellement de l’idée que c’est à un véritable coup d’État auquel nous sommes en train d’assister, ce qui représente une attaque contre la démocratie.
Le PT, «Parti des travailleurs», a utilisé l’argument du coup d’État de manière exagérément rhétorique, pour tenter de pallier au fait qu’il est virtuellement impossible de défendre le bilan de Dilma Rousseff. Il reste vrai que les manœuvres antidémocratiques utilisées pour faire tomber le gouvernement sont en train de créer un grave précédent pouvant ouvrir la voie à des attaques encore plus dures sur les droits de la classe prolétaire et des peuples opprimés.
Déjà lorsque, au début de l’année, Lula (l’ancien président PT et un des leaders historiques du mouvement ouvrier au Brésil) avait été menacé d’emprisonnement, on avait assisté à une certaine radicalisation (surtout dans les discours) de la part des dirigeants du PT et des mouvements sociaux sous son contrôle, tels que la Centrale unique des travailleurs (CUT), la principale fédération syndicale.
Lula avait alors déclaré que c’était là la fin de son attitude de « paix et d’amour » adoptée auparavant. Des milliers de vieux militants ont été secoués par une vague d’enthousiasme pour la lutte historique, reflétant les racines sociales historiques du PT. Cela n’a cependant duré que quelques jours. Lors de la manifestation de masse à São Paulo le 18 mars, Lula a provoqué l’effet inverse en annonçant qu’il serait prêt à rejoindre le gouvernement Dilma en tant que ministre pour « renégocier un nouveau pacte » avec le PMDB (le parti d’Eduardo Cunha et du vice-président Michel Temer, devenu entretemps président par intérim), afin d’empêcher la destitution de Dilma.
Malgré le mouvement de masse contre ce « coup d’État » constitutionnel, Dilma, Lula et le PT ont démontré qu’ils sont incapables de mener la moindre lutte jusqu’au bout. Car cela voudrait en effet dire d’adopter un programme complètement opposé à la politique mise en place par le gouvernement Dilma, même au cas où la destitution de Dilma serait annulée dans six mois.
Le principal obstacle qui nous empêche de lutter contre la droite et ses manœuvres antidémocratiques est le caractère même du gouvernement Dilma et de la direction du PT.
D’importantes couches de la classe des travailleurs qui, historiquement, considéraient le PT et Lula comme point de référence historique sont maintenant en train de tirer la conclusion que le PT et Lula sont incapables de diriger la lutte contre la droite. Ces travailleurs veulent voir la fin de la politique de conciliation de classes qui a mené à la classe des travailleurs à la défaite.
Le gouvernement Temer adopte une politique néolibérale très dure
Un des facteurs qui a poussé une section de la classe capitaliste brésilienne à maintenir Dilma au pouvoir jusqu’à la fin de l’année passée est le fait que Michel Temer, le nouveau président par intérim, n’a aucune base sociale : il y a très peu de chances qu’il parvienne à diriger un gouvernement stable. Temer a toujours été moins populaire que Dilma. Son nom sent la corruption ; il fait d’ailleurs partie des personnalités autour desquelles une enquête est menée dans le cadre de l’« Opération lavage ».
C’est pour cette raison que certaines sections de la classe dirigeante ont défendu une position exigeant la démission conjointe de la présidente et du vice-président dès 2014, vu les irrégularités financières lors de la campagne électorale. Cela aurait entraîné de nouvelles élections, ouvrant la possibilité pour l’élection d’un nouveau président avec une plus grande base de soutien afin de mettre en œuvre les contre-réformes exigées par la classe dirigeante.
L’option de nouvelles élections peut être utilisée dans des situations extrêmes telles que la chute du gouvernement Teller. En ce moment, la classe dirigeante brésilienne dans son ensemble, de concert avec l’impérialisme américain, mise tout sur le gouvernement Temer en espérant qu’il soit capable d’accomplir les attaques profondes que la classe dirigeante dans son ensemble veut voir mises en place.
D’ailleurs, le fait que Temer n’ait aucune base sociale et n’ait pas la moindre prétention de participer aux élections de 2018 n’est pas forcément un problème pour la classe dirigeante. Dans un certain sens, au contraire : la classe dirigeante, à ce stade, ne veut plus d’un gouvernement qui cherche à jouer les négociateurs dans les conflits de classes en cours de développement. Pour cela, elle avait besoin du PT. Ce que la classe dirigeante veut maintenant, c’est un poing de fer pour faire passer les attaques brutales exigées par la gravité de la crise de leur point de vue de classe. C’est pour cette raison que Temer peut compter sur le soutien de la classe dirigeante.
Les premiers jours du gouvernement Temer ont été marqués par une avalanche d’annonces de nouvelles mesures politiques, incluant de nombreuses nouvelles attaques sur les conditions de vie de la classe prolétaire et des pauvres. Le plan à court terme, qui est déjà en train d’e?tre mis en place, est d’accomplir d’importantes contre-réformes dans les plus brefs délais. C’est ainsi qu’on va voir la fin du financement de l’État fédéral pour les soins de santé et l’enseignement, ce qui permettra des coupes drastiques à tous les niveaux. Le ministère de la Santé a déjà annoncé que l’accès universel au système de santé publique en tant qu’obligation d’État sera remis en question, comme ça a été le cas en Grèce.
Il y aura une révision de la politique en matière de conditions de travail qui mènera pratiquement à la restauration de l’esclavage (un phénomène qui, d’ailleurs, existe toujours dans certains endroits du Brésil). Un nouveau tour de privatisations est également prévu. Toutes ces mesures proposées par le nouveau gouvernement représenteront un véritable pas en arrière pour la classe des travailleurs.
Le gouvernement a aussi annoncé l’annulation du projet de construction de 10 000 logements sociaux qui avait pourtant commencé. Cela va directement affecter les mouvements sociaux qui avaient arraché cette concession suite à une lutte contre le précédent gouvernement.
Suivant la doctrine de Machiavel, selon qui «fais en une seule fois tout le mal que tu as à faire», le gouvernement tente maintenant de faire passer autant de lois et d’attaques que possible pour son programme de contre-réformes au cours des quelques mois qui suivent sa prise du pouvoir. Le problème est que la réaction de la population est déjà explosive. L’instabilité et l’acuité des conflits vont s’accroitre au cours des jours ou semaines à venir.
La lutte dès le début du gouvernement Temer
Contrairement à la période des années ‘1990 au cours de laquelle différents gouvernements néolibéraux, comme celui de Fernando Henrique Cardoso au Brésil, ont été installés en Amérique latine, il n’y a aujourd’hui aucun soutien populaire en faveur des mesures proposées telles que la privatisation ou la dilution du secteur public. Les nouveaux gouvernements de droite arrivés récemment au pouvoir dans cette région ont tous pris les commandes suite à la faiblesse et au manque d’alternative proposée par les gouvernements de « centre-gauche ». Ce genre de gouvernement est extrêmement instable.
Michel Temer est déjà confronté à des marches quotidiennes, dont certaines spontanées, visant à dénoncer la légitimité des attaques qu’il a déjà annoncées.
Dès le 12 mai, premier jour du gouvernement Temer, le Front du peuple sans peur, dirigé par le Mouvement des travailleurs sans toit, a convié un meeting de milliers de gens à São Paulo sous le slogan « Temer, never ! Sortez dans la rue pour défendre vos droits ! » Ce meeting a été suivi par des marches dans tous les États du Brésil au cours des jours suivants.
La jeunesse, y compris les élèves, a occupé les écoles et est descendue dans les rues. Les jeunes deviennent de plus en plus politisés au cours de la lutte contre Temer. Les travailleurs du secteur public sont déjà engagés dans une lutte contre les coupes mises en place au niveau régional : on a par exemple la grève du personnel de l’enseignement à Rio de Janeiro. Et les nouvelles coupes budgétaires viseront bientôt les employés du gouvernement fédéral.
La dissolution du ministère de la Culture par le nouveau gouvernement va certainement entraîner une explosion de la lutte de la part des artistes, des intellectuels et de larges sections de la jeunesse. Les bureaux du ministère de la Culture, désormais fermés, sont déjà occupés par des étudiants en art.
La gravité de la situation est telle qu’il ne peut être exclu que les fédérations syndicales comme la CUT et autres, après des années de passivité, se verront forcées d’appeler à la grève générale contre la politique de Temer.
Le slogan du jour pour unifier l’ensemble de ces mobilisations est « Temer dégage ! ». La CUT et les organisations proches du PT insistent pourtant, quant à elles, sur le slogan « Non au coup d’État », ce qui suggère de manière indirecte que Dilma pourrait et devrait revenir au pouvoir.
Cependant, de nombreuses autres organisations appellent à ce que de nouvelles élections soient organisées une fois que Temer sera parti. Elles appellent également à organiser de nouvelles élections législatives couplées aux présidentielles, afin de réélire le parlement.
Le problème est que le système politique établi par la constitution de 1988 est fixe et n’offre pas vraiment les conditions minimales requises pour que la gauche socialiste puisse représenter une alternative sérieuse. C’est pour cette raison qu’a débuté un début autour de l’idée d’une nouvelle assemblée constituante afin de réformer le système politique.
Le PSoL et la gauche
Le PSoL (Parti du socialisme et de la liberté), un parti de gauche large au sein duquel travaillent la section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière (LSR), a beaucoup accru son autorité pendant cette crise, du fait de sa position adoptée au cours de la procédure de destitution de Dilma Rousseff : tout en réitérant son opposition de gauche au gouvernement de Dilma et en attaquant la politique menée par Dilma, ses députés au parlement ont néanmoins correctement voté contre la destitution de Dilma au parlement et au sénat.
Bien que, dans de nombreuses situations, les figures publiques du PSoL auraient pu plus se démarquer du PT, le PSoL va certainement grandement progresser au cours des élections municipales d’octobre. Cependant, il y a un risque que le PSoL décide de former des alliances avec le PT sur le plan local, ce qui serait une erreur.
Malgré toutes les faiblesses montrées par la direction du PT, les mobilisations contre la destitution ont, dans une certaine mesure, permis au PT de montrer une nouvelle image de lui, plus combative. Cela ne représente cependant pas le moins du monde un changement authentique dans la politique ou le caractère du PT.
Il est crucial de construire une alternative socialiste à la gauche du PT. Si cela n’est pas fait, le vide politique qui existe pourrait être occupé par une autre force politique, qui ne sera pas capable de mener la lutte contre Temer jusqu’à une victoire. L’idée du PT est de s’allier avec d’autres partis de « gauche » ou de centre-gauche et avec les mouvements sociaux. Le PT espère faire cela via son Front populaire brésilien, en proposant Lula comme candidat aux élections présidentielles de 2018.
Cependant, ce qui est vital pour faire avancer la lutte pour une alternative de gauche socialiste est la construction d’un front des travailleurs de gauche socialiste capable d’unir les partis et les mouvements sociaux qui n’ont pas participé au gouvernement PT.
D’autres secteurs de la gauche socialiste ont fini par se retrouver isolés des récentes luttes. Par exemple, le PSTU (Parti socialiste des travailleurs unis) a adopté le slogan « Dégagez-les tous » – y compris Dilma donc. Mais en faisant cela, ce parti a été assimilé le PT à la droite qui s’efforce de faire partir Dilma. Le PSTU n’a pas remarqué que la destitution de Dilma a changé la situation et ouvert de nouvelles perspectives pour encore plus d’attaques contre la classe des travailleurs. Sa priorité a été de critiquer et d’attaquer les partis et mouvements qui, sans pour autant soutenir Dilma, ont rejoint la lutte contre les tentatives de la droite de la voir destituée.
Une des conséquences de cette position a été l’isolement du CSP-Conlutas, une organisation syndicale dirigée par le PSTU. Cette confédération a un grand potentiel de croissance, mais a à présent échoué à faire avancer la lutte : au contraire, sa position l’a fait reculer. Le PSTU a souffert de nombreuses scissions et traverse en ce moment une phase d’intenses débats autour de la position de sa direction.
Une nouvelle période de la lutte des classes s’est ouverte. Ces conflits vont créer des occasions pour la construction d’une nouvelle gauche socialiste, plus forte que le PT. Le groupe LSR, section brésilienne du CIO, se bat pour la construction d’une telle alternative.
Le groupe Liberté, socialisme et révolution, section du CIO au Brésil, dit :
- Dégageons Temer et son programme d’attaques contre les travailleurs et la masse de la population! Pas un moment de répit pour ce gouvernement illégitime !
- Non à l’ajustement fiscal et autres plans de contre-réformes visant les pensions ou les droits des travailleurs, non aux attaques sur les travailleurs et les masses pauvres !
- Pour une révolution dans le système politique, pour des élections générales organisées sur une base vraiment démocratique !
- Pour une assemblée constituante du peuple afin de révolutionner le système politique !
- Mobilisons-nous pour une grève générale pour vaincre la droite et défendre nos droits !
- Pour une assemblée nationale des travailleurs, organisée à la base !
- Pour une solution anticapitaliste et socialiste à la crise !
- Défendons tous les emplois, tous les salaires et les services publics !
- Ouverture d’une enquête sur la dette publique et suspension de tout versement en attendant sa conclusion !
- Nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie et planification sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs !
- Pour un front de la gauche socialiste et des travailleurs !
- Pour une lutte unitaire du PSoL, du PSTU, du PCB, du MTST, du CSP-Conlutas, de l’Intersyndicale et de tous les autres mouvements sociaux !
- Bâtissons une force alternative pour la classe des travailleurs!
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Brésil. Qui est coupable de la catastrophe de Mariana ?
Il n’a fallu que 10 minutes pour que la petite communauté de Bento Rodrigues, dans le district de la cité minière de Mariana, soit effacée de la carte le 5 novembre dernier. Plus de 40 milliards de litres de produits toxiques industriels ont formé un tsunami lors de la rupture d’un barrage de la société minière Samarco qui recueillait les rejets de l’extraction minière de fer. Après une douzaine d’heures, les déchets ont atteints la cité de Barra Longa, à 80 kilomètres de distance, atteignant les toits des maisons sur sa route. Les produits toxiques ont suivi le Rio Doce, entrainant des dévastations sur plus de 500 kilomètres jusqu’à la mer.Par Marcus Kolbrunner, Liberdade, Socialismo e Revolução (section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière), article initialement publié en portugais le 28 novembre
13 cadavres ont été trouvé jusqu’à présent – des mineurs pour la majorité – et 11 ont peut être encore disparu à jamais. Les effets pour l’écosystème local sont incalculables. Les déchets ont détruit des algues qui protègent le fleuve, tuant les poissons et la végétation du lit du Rio Doce, un écosystème où vivent beaucoup d’espèces. Le même résultat s’est produit en mer. Cette zone côtière est un endroit où une espèce de tortues menacée d’extinction a été frappée par les déchets toxiques. Le mois de novembre a connu un pic de décès parmi cette espèce. Une génération entière est menacée. A chaque forte pluie, une nouvelle vague de déchets arrivera depuis le fleuve jusqu’à la mer.
« Il y a des espèces animales et végétales ici qui pourraient être menacées d’extinction a partir de maintenant », a dit le biologiste André Ruschi, qui considérait que ce cas “assassine le cinquième plus grand bassin hydrographique brésilien”. Cela prendra plusieurs dizaines ou centaines d’années pour que la nature récupère des effets de cette catastrophe. La zone couverte par l’inondation « va se transformer en désert de déchets toxiques », comme le dit Mauricio Ehrlich, professeur de géotechnique de Sao Paulo. Certains effets sont irréparables et irréversibles, comme l’extinction de certaines espèces végétales et animales.
L’intégralité des indigènes krenaks on bloqué une ligne ferrovière qui relie Vitoria à Minas Gerais, le 13 novembre, en protestation contre la mort du fleuve, duquel ils dépendent pour vivre. L’écoulement de l’eau a été interrompu pour des centaines de milliers d’habitants. La ville du gouverneur Valadaraes, avec 278 milles habitants, n’est revenue à obtenir des réserves d’eau pour que la ville entière survive que pendant 11 jours.
Le gouverneur fédéral n’a pas réagit. La présidente Dilma a survolé la zone dévastée une semaine après la catastrophe. Mais le gouvernement reconnait maintenant qu’il s’agit de la plus grande catastrophe écologique de l’histoire du pays.
Cette tragédie a des coupables : la société minière Samarco ; le système politique, qui a approuvé la politique des grandes compagnies minières qui financent son système électoral ; et le système économique – le capitalisme – qui met le profit au dessus de tout !
Le chemin de la catastrophe
L’entreprise Samarco est contrôlée par les deux plus grandes compagnies minières du monde : BHP Billiton (anglo-australienne) et Vale. Elles ne fonctionnent que pour amasser plus de profits. Le peuple ou l’écosystème local ne sont pas pris en compte pour favoriser les intérêts de ces entreprises.
En dépit de la baisse du prix du minerai, Samarco a maintenu un profit immense . En 2014, son profit fut de 2,8 milliards. De tels chiffres ne se trouvent que dans le secteur bancaire. L’entreprise a exporté le fer dans 20 pays différents et est le dixième plus grand exportateur du Brésil.
Les résidus de l’extraction de minerai (à savoir, la bouillie composée des produits chimiques utilisés pour séparer le fer de roche) sont stockés de la manière la plus bon marché possible, avec des barrages gigantesques. Il existe des centaines de ces constructions dans le pays, avec peu d’inspection pour garantir la sécurité autour de ces barrages. Le département national de production minière, lié au ministère des mines et de l’énergie, n’a (jusqu’en novembre de cette année) utilisé que 13,2% des moyens prévus dans le programme de surveillance des activités minières, en raison de la crise budgétaire.
Samarco a construit différents barrages pour les déchets toxiques de ses exploitations minières. Celui qui a rompu est le barrage de Fundao, avec une capacité de 55 milliards de litres, qui était en travaux afin d’augmenter sa capacité. Lorsqu’il a lâché, son contenu s’est déversé sur celui de Santarem, localisé bien plus en aval du fleuve. Ces deux barrages avaient reçu un renouvèlement de leur licence d’exploitation en 2013, malgré qu’une étude du ministère public avait pointé de serieux risques de sécurité.
Depuis que le barrage a rompu, Samarco a continué à affirmer que les barrages de Satarem et de Germano (des barrages desactivés mais pleins de polluants) étaient surs. Deux semaines après la catastrophe, l’entreprise a admis que ces barrages étaient aussi en péril.
Un des graves problèmes était que lors de la catastrophe du 5 novembre, Samarco ne disposait pas de système d’alarme sonore qui aurait pu alerter les habitants de Bento Rodrigues, à 2,5 kilomètres à l’aval des barrages. Un système n’a été installé que par la suite. En 2009 l’entreprise avait reçu l’injonction d’installer un tel système, mais y a renoncé afin de faire plus de profits.
Le pouvoir des compagnies minières
Les compagnies minières ont historiquement une grande influence sur le système politique brésilien. Ceci se voit à tous les niveaux. Il y a trois commissions parlementaires qui vont enquêter sur la catastrophe : le congrès national, les assemblées législatives de Minas Gerais et de Espirito santo. Dans toutes ces dernières, il y a des parlementaires qui ont étés élus grâce à l’argent des compagnies minières.
Il y a aussi une commission de députés qui sont en train d’élaborer un nouveau code d’exploitation minière pour substituer l’ancien, de 1967. On peut s’attendre à la même dérégulation que celle du code des exploitations forestières. Des 21 députés de la commission, 11 ont vu leur campagne électorale payée par les lobbys des entreprises minières. Le dirigeant de la commission, Leonardo Quintao, a reçu 1,8 millions des compagnies minières pour sa campagne électorale de 2014.
Après la catastrophe, la commission a revu son projet de loi visant à accroitre le nombre de mesure de sécurité pour les mines. Ce qui fut avalisé est l’article 119, qui subordonne chaque mesure à la défense de « potentiellement affaiblir l’activité des compagnies minières ». Cela affectera la démarcation des territoires et la protection de l’écosystème.
Ce texte sera un pas en arrière. Par exemple, il ne parle plus de l’obligation des compagnies minières d’éviter la pollution de l’air et de protéger les ressources d’eau potable. Au lieu de parler de préservation, il parle de « récupération des zones impactées ». Le nouveau code décrit aussi le droit des compagnies minières « d’utiliser l’eau nécessaire pour leurs opérations». S’il existe une mine, le droit de polluer l’eau est automatiquement accordé !
Au niveau de l’état, le 25 novembre, la loi 2946/15 a étée approuvée, sur l’autorité du gouverneur Fernando Pimentel (PT), qui désormais, a plus de facilitation pour le processus de légiférer sur les licence environnementales. Le projet fut mis en place sous l’état d’urgence à l’assemblée législative de Minas Gerais et a reçu beaucoup de critiques concernant la protection de l’environnement.
Finalement, au niveau local, des municipalités ont été marginalisées au profit des compagnies minières. Le préfet local de Mariana, Duarte (PPS) a notamment déclaré : « si nous interdisons l’extraction, cela va appauvrir toute la région et en plus, 80% de l’économie de la ville dépend de cette entreprise ».
Qui va payer ?
Le « centre for science in public participation » australien, qui documente les destructions de barrages de ce type depuis 1915, clame que c’est la plus grande catastrophe de rupture de barrage et de rejets polluants de l’histoire. Il s’agit d’un événement 40 fois plus grave que celui qui survint en Hongrie en 2010, par exemple.
Samarco a déjà été condamné à une amende de 250 millions de réals, mais il faut encore savoir ce que l’entreprise payera réellement. Seuls 8,7% des amendes qui lui ont été imposées avaient été payées entre 2010 et 2014. Le reste est bloqué par la bureaucratie ou simplement ignoré en espérant un accord d’amnistie sur la pollution de l’écosystème.
En plus des amendes, Samarco a été condamnée par le ministère public brésilien à payer un milliard de réals pour le travail de nettoyage, pour sustenter les familles touchées par la catastrophe, pour amenuiser les effets de la pollution et pour commencer le processus d’assainissement et de récupération des eaux usées. C’est totalement insuffisant.
Le juge Frederico Gonçalves, de Mariana, a voulu débloquer 300 millions de réals du compte de la compagnie minière le 11 novembre en guise de réparation aux victimes. Mais la justice ne peut ponctionner que 8 millions sur les comptes de l’entreprise. « mais il y avait 2 milliards de réals sur ses comptes le 31 décembre 2014, cet argent s’est envolé».
Le gouvernement fédéral a annoncé le 27 novembre qu’il va mettre en place une action civile publique contre Samarco pour poursuivre en justice l’entreprise et ses collaborateurs, Vale et BHP, et pour constituer un fonds de 20 milliards de réals pour la réparation des dommages causés par la rupture du barrage.
Il est certain que ce n’est pas suffisant. De plus, s’il faut faire des comparaisons avec l’explosion de la plateforme petrolière de BP en 2010 dans le golfe du Mexique, qui a tué 11 travailleurs et a causé une marrée noire gigantesque, BP a récemment conclu un accord portant sur l’équivalent de 200 milliards de réals pour les amendes et les travaux d’assainissement du site.
S’attaquer aux racines du problème
Nous ne pouvons accorder la moindre confiance aux méthodes du gouvernement et des politiciens payés par les compagnies minières. La toute première action doit être l’établissement d’une commission rogatoire populaire indépendante – avec des représentants des mouvements sociaux, des syndicats, de la population de la région affectée et des peuples indigènes – qui pourra aussi procéder à des perquisitions, avec la collaboration de chercheurs d’universités publiques, qui ont déjà de leur côté lancé une commission parallèle avec des représentants des universités publiques.
Les responsables doivent être punis, avec la confiscation de leurs biens. la garantie d’emploi doit être assurée aux travailleurs, les familles affectées doivent être indemnisées pour la perte de leurs biens. Un plan visant à l’indemnisation totale des familles doit être instauré avec de l’argent pris chez les compagnies minières !
Samarco et Vale doivent être nationalisées et mises contrôle et gestion démocratique des travailleurs. Les entreprises nationalisées ne peuvent pas être traités comme des propriétés privées pour faire du profit au détriment de l’écosystème et des travailleurs ; nous devons rompre avec la logique de marché capitaliste. Toute extraction doit être faite à partir d’un plan démocratique qui garantit la conservation de l’environnement et le respect des droits de la population locale.
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Brésil : Refusons la politique antisociale, celle de Dilma comme celle de la droite!
Construisons une alternative de gauche pour et par la classe des travailleurs!

Dilma Rousseff Le Brésil est secoué par de larges mobilisations tandis que la présidente Dilma Rousseff (Parti des Travailleurs, PT) a vu son taux de popularité chuter au niveau historiquement bas de 8% sous le triple coup de la récession économique et des mesures d’austérité, des révélations dévastatrices du scandale de corruption autour du géant public pétrolier Petrobras dans lequel est impliqué le PT et d’autres partis alliés et d’une sévère crise politique menaçant sa fragile majorité parlementaire. Le texte ci-dessous est basé sur une déclaration de nos camarades de LSR (Liberdade, Socialismo e Revolução, section brésilienne du Comité pour une Internationale Ouvrière), qui oeuvre au sein du parti large de gauche P-SOL (Partido Socialismo e Liberdade).
L’actuelle crise économique, sociale et politique qui sévit au Brésil est très grave. Le modèle qui a soutenu les intérêts de la classe dominante brésilienne au cours des douze ans de gouvernement du (Parti des travailleurs) montre son vrai visage.
La droite et le PT n’ont rien à offrir qui n’a pas déjà été tenté par la présidente Dilma Rousseff: des coupes budgétaires, des attaques contre les manifestations et une répression massive. La corruption du PT, illustrée par les récents scandales, n’est pas neuve et suit l’exemple des gouvernements du PSDB (droite officielle) au gouvernement fédéral et dans les divers Etats du pays. Le PT, même sur ce point, ne représente pas d’alternative.
Les banques et les grandes entreprises utilisent l’occasion de la crise économique pour restructurer, abaisser les salaires et refuser aux travailleurs des droits qu’ils ont acquis. L’aide du gouvernement leur est notamment assurée pour abaisser les salaires par le biais du « programme de protection de l’emploi » (quelle ironie). Les capitalistes ont utilisé le PT plus d’une décennie durant afin d’obtenir une relative stabilité sociale et, alors que sa politique leur a permis de se remplir les poches comme jamais auparavant, ils menacent à présent de jeter l’éponge sur ce gouvernement.
La réaction du gouvernement du PT n’aurait pu être pire. La présidente Dilma s’est efforcée de montrer par tous les moyens aux riches à quel point elle pouvait encore leur servir, pour finir le sale boulot de contre-réformes fiscales, de révision antisociale du droit au travail ou encore de privatisations d’entreprises. Pendant ce temps, chaque jour qui passe est marqué par une nouvelle répression anti-populaire en défense des plus nantis. Le prétendu « agenda du brésil », un accord conclu entre le gouvernement de Dilma, son ministre Joaquim Levy et le président du sénat Renan Calheiros (PMDB), représente un pas de plus dans le gigantesque détricotage des droits des travailleurs. La politique actuelle ne bénéficie qu’au grand capital.
En plus de cela s’ajoute encore la « libéralisation générale » de l’élevage intensif, l’intrusion dans les territoires indigènes et dans des zones normalement protégées au grand bénéfice des grandes entreprises agraires, etc. Le gouvernement veut aussi appliquer de nouvelles coupes budgétaires contre le soi-disant « gâchis social ». D’autre part, il existe divers programmes visant à s’attaquer au système universel de soins de santé.
Pour empirer les choses, le congrès vient de voter, avec l’appui du gouvernement et du PT, une loi « anti-terroriste » qui sera utilisée pour menacer et réprimer les manifestations populaires et les luttes des travailleurs contre ces avalanches d’attaques antisociales.
Finalement, Dilma a offert aux banquiers et aux grandes entreprises la tête des travailleurs en échange de son maintien à la présidence à la république. Mais, même ainsi, ses chances de succès sont incertaines. La coalition gouvernementale ne va pas nécessairement continuer à la soutenir. Le grand capital veut stabiliser la situation au nom de l’application de mesures destinées à soutenir l’économie. Si Dilma n’y parvient pas, la bourgeoisie a déjà des plans alternatifs de prévu.
Les mobilisations de la droite contre Dilma, particulièrement celle du 16 août, peuvent créer de nouveaux éléments à tenir en compte dans cette situation. Ces manifestations étant dirigées par des secteurs réactionnaires qui n’ont rien à apporter aux travailleurs et au peuple, Dilma pourrait alors gagner l’appui des travailleurs contre le danger de la droite. La grande bourgeoisie semble préférer que ces mobilisations soient contrôlées, capables de maintenir Dilma sur la défensive sans nécessairement la déranger véritablement. Mais les capitalistes ne contrôlent pas totalement la situation et le gouvernement Dilma peut être poussé vers la sortie.
Le gouvernement Dilma et sa présidence ne peuvent toutefois pas voir leur survie garantie par une mobilisation des travailleurs. Cette chimère de quelques gouverneurs nostalgiques d’une autre époque ne peut être qu’une illusion réactionnaire. Le gouvernement du PT est payé la position qui est la sienne au prix de nombreuses trahisons des travailleurs. Les conditions de vie de la population ont empiré avec l’augmentation du chômage, des prix et des services ; la détérioration des services publics ;… Le mépris des travailleurs ne fait que grandir contre le gouvernement.
C’est pourquoi la rhétorique du gouvernement contre la politique réactionnaire que représentent des figures de l’opposition comme Eduardo Cunha et Aecio Neves (droite officielle) et leurs machinations antidémocratiques contre le gouvernement ne représente pas la meilleure base pour être reconduits et élus. La défense du gouvernement Dilma alimente justement la droite réactionnaire tout en distillant la confusion parmi les couches populaires.
La seule option véritable au bénéfice des travailleurs et des pauvres repose sur la capacité de réaction de ces couches de la population qui ont subi ces attaques de la politique de droite. Cette alternative émergera des rues, des quartiers, des usines, les hôpitaux et des campagnes. Les travailleurs et la jeunesse ont un seul chemin à prendre : celui de la lutte contre ce gouvernement, le congrès et tous les niveaux de pouvoir qui veulent aider le grand capital à se remplir les poches sur le dos de la classe des travailleurs.
De nombreuses de catégories de travailleurs sont déjà entrés en conflit ouvert ou se préparent à le faire : dans le secteur public et parmi les bastions ouvriers (métallurgie, pétrole, etc.). Mais devant la gravité de la situation, cette lutte ne peut être menée de manière fragmentée et désordonnée, comme ce fut le cas jusqu’ici. Elle nécessite d’être unitaire et construite à partir de la base pour représenter une alternative globale contre la crise qui part du point de vue des travailleurs.
L’organisation d’une grève générale destinée à lutter contre les attaques antisociales et à garantir les revendications des travailleurs continue d’être une ligne de conduite nécessaire. Dans cet objectif, il nous faut construire une plus ample unité d’action entre tous les mouvements sociaux. Ce processus de lutte peut aussi servir à développer une alternative politique véritablement de gauche qui doit se matérialiser en un front de gauche de tous les travailleurs, un front social et politique armé d’un programme anticapitaliste et socialiste. Le PSOL, le PSTU, le PCB, le MTST, la CSP-Conlutas,… doivent être unis et rassembler les forces nécessaire à la constitution d’une alternative politique combattive.
Ils doivent défendre un programme qui fait payer la crise aux responsables: la bourgeoisie. Ce programme doit refuser le payement de la dette publique aux grands capitalistes et la nationalisation du secteur financier sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs. Il doit défendre la nécessité de nationalisation les entreprises privées des secteurs stratégiques de l’économie pour assurer une libération tant économique que sociale.
Les manifestations appelées pour le 20 août, principalement à l’initiative du MTST, avec le soutien du PSOL, partent de la nécessité de répondre fermement aux actions de la droite dont sa manifestation du 16 sans pour autant laisser le gouvernement de Dilma indemne. Cette manifestation doit clairement se positionner contre les politiques du gouvernement Dilma et contre la droite officielle d’Eduardo Cunha et son programme réactionnaire tout en proposant une politique de gauche comme base d’une lutte populaire. La manifestation du 20 août pourrait contribuer à construire l’unité d’action qui est nécessaire pour contrer les attaques antisociales.
Le fait que même certaines organisations alliées au gouvernement (CUT, UNE, MST) doivent participer à une manifestation qui critique durement les politiques de Dilma reflète la crise à la base de ces mouvement en relation avec leur attitude face au gouvernement. Le fait que le PCB (parti communiste du Brésil, qui a une politique d’alliance avec le PT) ait tenté de retirer son nom de la liste des participants à cette manifestation n’est pas secondaire.
A présent, une partie des organisations qui soutiennent le gouvernement tentent consciemment de donner à la mobilisation du 20 août un caractère de défense du gouvernement contre la « machination » de la droite officielle. Dans diverses régions du pays (Rio de Janeiro, Salvador, Fortaleza, etc.), elles ont mis à la poubelle l’invitation à la manifestation nationale du 20 août pour organiser leurs propres rassemblements. Cela a provoqué une division et même quasiment la désintégration des manifestations à venir. La direction du CUT, du CTB, de l’UNE et d’autres entités pro-gouvernementales essayent de limiter le caractère combatif et indépendant du 20 août. Pendant ce temps, Dilma et la droite approfondissent leurs attaques au Congrès.
Des mouvements sociaux et des gouvernements locaux aident le gouvernement national de l’intérieur ou de l’extérieur au gouvernement. Mais, cette position est insupportable. Aucune raison ne justifie de s’appuyer sur la ligne gouvernementale. Les partis de gauche qui essayent lutter contre les attaques de Dilma tout en essayant de défendre l’unité avec la droite au congrès vendent les intérêts des travailleurs et creusent leur propre tombe.
Nous luttons – avec le MTST et d’autres force de gauche – pour assurer que le 20 août soit, dans tout le pays, un rassemblement contre le gouvernement et la droite et non une tentative de défendre l’indéfendable, c’est-à-dire le gouvernement Dilma. Si cela se produit tout de même, nous dénoncerons cette approche et continuerons à lutter pour donner une expression à la riposte contre les attaques du gouvernement.
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La coupe du monde, un an après
Le 12 juin dernier, cela faisait un an qu'avait débuté la Coupe du monde 2014. Tant les gouvernements Lula et Dilma que la FIFA n'avaient cessé de souligner les grands bénéfices que le Brésil aurait à gagner pour la réalisation de ce tournant «historique». La réalité des choses fut très éloignée de ce qui avait été promis.
Par Cacá Melo, LSR (Comité pour une Internationale Ouvrière au Brésil)
Des milliards de personnes ont visionné la Coupe. Mais des communautés entières ont été détruites sous l’ordre du régime en place afin de libérer l’espace aux stades et aux autres infrastructures de la Coupe. En tout, 35.353 familles furent officiellement déplacées. L’association nationale des comtés populaires de la Coupe dénonce quant à elle le gouvernement en affirmant que ces chiffres sont maquillés. Plus de 250.000 personnes auraient été expulsées de leurs maisons pour faire place à la Coupe du monde !
L’autre côté très critiqué de cet événement fut la construction de nouveaux stades, parfois dans des localisés sans football réguliers de haut niveau. Des stades sont aujourd’hui inutilisés, appelés les «éléphants blancs». Le stade Pantanal à Cuibá ou celui de l’Amazone, de Manaus, ont coûté des millions de réals des caisses publiques pour à peine recevoir quatre matchs de la Coupe chacun. Et puis plus rien. Le stade Mané Garrincha, à Brasilia, fut rénové pour la Coupe du monde. Originellement estimés à presque 900 millions de réals, les travaux ont finalement coûté le triple : plus de 2,7 milliards de réals! Ce stade est le deuxième le plus cher du monde !
Le gouvernement de l’état brésilien du Mato Grosso gâché 300 milles Reals par mois pour l’entretien du stade Pantanal depuis la Coupe. Même s’il a accueilli divers jeux du championnat brésilien, de la Coupe du monde et du championnat de l’Etat en 2014 et 2015, ce stade représente une perte de près de 1,4 millions. À la fin du mois de janvier de cette année, le stade Patanal fut interdit, suite à une inspection et à la découverte d’irrégularités dans les tribunes. Maracana, le stade de Rio de Janeiro, rénové pour la Coupe, présentait des irrégularité dans le contrat de construction. Le tribunal des comptes a aussi démontré des irrégularités dans le contrat du stade des Dunes de Natal (au nord-est du Brésil)
Le stade d’Itaquera, à Sào Paulo, présentait plus de 50 irrégularités techniques et architecturales. Ce type de problème a causé la mort de 3 travailleurs durant la construction du stade. Au total ce n’est pas moins de 8 opérateurs qui ont péris dans les construction des stades de la Coupe du monde.
Autre «promesse de la coupe» du gouvernement fédéral : ses travaux de mobilité urbaine, comme par exemple de nouvelles lignes de métro et des bandes pour les bus. Moins d’un tiers de ces travaux étaient terminés au moment de la Coupe du monde. D’autres furent abandonnées à la moitié du chemin et quelques unes n’ont mêmes pas pu sortir des bureaux d’architectes.
À São Paulo, les lignes 13 et 17 du métro, qui reliaient les aéroports de Congonhas et de Guarulhos au reste de la ville, furent promises bien avant la coupe. Elles sont en construction, la fin des travaux n’est pas prévue jusqu’à présent. À Goiania, le même type de problème apparaît avec une construction de transport en commun qui ne sera terminé qu’en 2016. À Brasilia, la construction du métro fut également promise ; un réseau de transport en commun était également sur la liste des travaux de la Coupe mais fut abandonné.
La répression de manifestations populaires
Le gouvernement fédéral a investi presque 2 milliards pour la sécurité de la Coupe du monde. Les polices militaires de plusieurs Etats ont également pris prétexte de la Coupe pour acheter du matériel anti-émeute. La police militaire de São Paulo, par exemple, a acquis 14 véhicules blindés et quatre cannons à eau supplémentaires. Ces dépenses devaient servir à protéger les 32 sélections et les supporters étrangers. En vérité, cet argent fut utilisé pour accroître la répression policière contre les manifestations populaires.
Entre 2013 et 2014, des dizaines de manifestations ont pris place contre la réalisation de la coupe du monde dans tout le Brésil, certaines avec plus de 20.000 personnes. La majeure partie fut réprimée avec une extrême violence par la police, qui utilisait des bombes fumigènes contre des manifestants pacifiques.
Des techniques dignes de la police militaire furent utilisées contre les manifestations de la Coupe et le sont encore de nos jours, contre un mouvement de lutte pour des logements décents, pour l’enseignement et d’autres mouvements et grèves. L’héritage de la Coupe, ce sont des balles de fusil et des fumigènes contre ceux qui luttent pour leurs droits !
Un autre aspect néfaste de la politique sécuritaire pour la coupe du monde fut l’implémentation des unités de police de pacification (les UPP) à Rio de Janeiro. Crées avec le prétexte de «pacifier» les favelas et de diminuer les actions des trafiquants de drogue, le programme des UPP a à peine servi à donner une fausse sensation de sécurité pendant la coupe. La majeure partie des ces UPP ont été créées près des quartiers riches et dans des zones ou les touristes passaient durant la Coupe.
Les habitants des favelas «pacifiées» vivent chaque jour l’injustice de la violation de leurs droits fondamentaux. Les policier du BOPE et des UPP commettent tous les types d’actions arbitraires contre la population. Dans plusieurs communautés, l’armée aide également à la répression avec soldats, blindés et hélicoptères.
Préjudices pour le Brésil, luxe pour la FIFA
En suite, le gâchi final de la coupe du monde 2014 fut impressionnant : 25,5 milliards de Reals ! Pour les stades, l’argent dépensé s’élève déjà à 8,3 milliards. À peine 7 % de cette valeur (près de 611 millions) n’ont pas été dépensés dans des fonds privés.
Un autre impact vient des demandes fiscales de la FIFA et d’autres entreprises impliquées dans l’organisation de la coupe du monde. Selon une étude des recettes fédérales, le Brésil a consenti plus de 890 millions de Reals de réductions d’impôts. En comprenant les dettes concédées aux entreprises qui ont construit les stades, cette valeur monte à 1,8 milliard de Reals.
Cet argent manque dans les caisses de l’état. Le 22 mai, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles coupes budgétaires, de quasiment 70 millions, dans les dépenses de 2015. De plus, pour aider à rembourser, le gouvernement a planifié des coupes dans les droits des travailleurs, comme par exemple le droit au chômage et à la pension.
Faudrait-il en rajouter sur les scandales de corruption au sein de la FIFA ?
Et pour les Jeux Olympiques?
Les prochains jeux olympiques vont se passer en août 2016 à Rio de Janeiro. Les dépenses dépassent déjà 38,2 milliards – plus que les dépenses de la coupe du monde. Les mêmes problèmes se perpétuent. Plus de 67.000 personnes ont déjà été expulsées de leurs maisons à Rio de Janeiro depuis 2009.
Il est clair que des événements internationaux causent plus de problèmes que de bénéfices. Nous savons que la mobilisation populaire est capable de faire pression sur les gouvernants : au début 2014, la ville de Estocolmo, en suisse s’est désinscrite des Jeux olympiques de l’hiver 2022, elle doit cet abandon aux manifestations et mobilisations de la population. En 2013, un référendum populaire a voté à 52% contre les jeux olympiques.
De la manière dont se passe les chose aujourd’hui, ceux qui gagnent le plus de la coupe du monde et des Jeux Olympiques ne sont pas les athlètes ou les supporters : ce sont les grands capitalistes, qui utilisent le sport comme prétexte pour gagner des milliards de dollars.
Seule l’union des forces des mouvements syndicaux combatifs et des organisations populaires en lutte seront capables d’arrêter ces attaques !
