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Tag: Bolivie
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Bolivie : Défaite électorale pour les auteurs du coup d’Etat de l’an dernier
La seule issue est la lutte de masseNous publions ci-dessous une première brève réaction suite à la défaite électorale décisive infligée aux auteurs du coup d’État de 2019 contre le gouvernement d’Evo Morales en Bolivie. Une analyse plus détaillée suivra bientôt.
Déclaration de Liberdade, Socialismo e Revolução (LSR), section brésilienne d’Alternative Socialiste Internationale)
Les élections du 18 octobre en Bolivie représentent une défaite évidente de la droite latino-américaine et de l’impérialisme américain, de leurs complots, de leur de coup d’État, de leur autoritarisme, de leur racisme et de leur mépris des droits du peuple.
Ceux qui ont défendu le coup d’État et la répression meurtrière de novembre 2019 ont été catégoriquement répudiés par la grande majorité des électeurs. Nous accueillons avec enthousiasme cette défaite de la droite.
La victoire électorale du MAS (Mouvement vers le socialisme) et de Luis Arce Catacora n’aurait pas été possible sans la puissante mobilisation des masses, qui a culminé en août dernier. C’est la lutte directe, les barrages routiers et les manifestations de masse qui ont bloqué la voie du coup d’État et garanti que ces élections puissent avoir lieu. Nous devons en tirer toutes les leçons.
Sans la force de la rue, il ne sera pas possible de gouverner selon les aspirations populaires et, par conséquent, de promouvoir des transformations sociales profondes et radicales. Au lieu de chercher la réconciliation avec les dirigeants du coup d’État, il faut se reposer sur la mobilisation populaire des travailleurs, des paysans et des indigènes.
En Bolivie, au Brésil et dans toute l’Amérique latine, nous devons nous préparer à une lutte qui sera difficile, mais qui peut et doit être victorieuse. Allons de l’avant ensemble et avec nos frères et travailleurs boliviens et latino-américains du monde entier !
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L’Amérique latine à nouveau en révolte contre le néolibéralisme

Rassemblement Plaza Baquedano, Santiago, Chili. Photo : Wikipédia. L’Amérique latine est aujourd’hui redevenue l’un des épicentres de la lutte de classe internationale. La situation qui s’y développe comprend des éléments de révolution et de contre-révolution qui font immanquablement penser aux luttes magistrales du début de ce siècle. Mais à l’époque, les masses d’Amérique latine semblaient être seules à se soulever alors que nous connaissons actuellement une généralisation de la résistance de masse.
Par Nicolas Croes, article tiré de l’édition de décembre-janvier de Lutte Socialiste

Un collectif de personnes d’origine latino-américaine organise une manifestation de solidarité ce dimanche 15 décembre. Si le soulèvement de masse au Chili attire beaucoup d’attention, c’est toute la région qui est plongée dans un processus de révolution et de contre révolution. Plusieurs actions de solidarité ont déjà eu lieu en Belgique, mais ces diverses initiatives sont aujourd’hui regroupées en une seule marche contre le néolibéralisme. Le PSL soutient cette manifestation. Texte de l’appel // Evénement Facebook Les pays d’Amérique latine ne font pas exception à la tendance internationale. La plupart d’entre eux connaissent un ralentissement ou une stagnation économique, voire même un risque réel de crise financière aiguë. Cette situation et ses dramatiques effets sociaux jouent un rôle dans les soulèvements populaires et les défaites électorales de la droite néolibérale dans de nombreux pays. Même là où existe encore une certaine croissance économique, les conditions de vie ne font que se détériorer. Ces sociétés sont comme des cocottes-minutes prêtes à exploser à chaque instant. Il suffit de penser que le puissant mouvement de masse au Chili a explosé quelques jours à peine après que le président Sebastian Piñera ait qualifié son pays “d’oasis de stabilité” en Amérique latine !
La crise des forces de droite
Pendant plus d’une décennie et demie, plusieurs gouvernements autoproclamés progressistes et de centre-gauche se sont constitués à la suite de la marée montante de luttes au tournant du siècle. S’il est difficile de mettre dans le même sac les gouvernements de Lula et de Dilma Roussef au Brésil, de Rafael Correa en Équateur, de Chavez et de Maduro au Venezuela, de Cristina Kirchner en Argentine ou d’Evo Morales en Bolivie, il n’empêche que pendant un temps, la Colombie, le Pérou et le Chili étaient les seuls bastions du néolibéralisme dans la région.
Les autres gouvernements, tous arrivés au pouvoir à la suite d’impressionnantes mobilisations de masse, adoptaient des mesures visant à une certaine redistribution des richesses, à des degrés variables, essentiellement en profitant du boom des matières premières du début du 21e siècle. Tous les gouvernements ne se sont pas confrontés de la même manière aux grands propriétaires terriens et aux grandes entreprises, mais même dans les pays où la confrontation fut la plus vive, comme en Bolivie et au Venezuela, le système capitaliste, bien qu’ébranlé, est resté en place.
L’impact de la crise économique internationale de 2007-2008 et l’usure politique de ces gouvernements étaient restés soumis à la logique du capitalisme ont par la suite ouvert la voie à un certain retour de la droite politique, et même de l’extrême droite, dans un certain nombre de pays.
Cela s’est produit sur le plan électoral par l’élection de Macri en Argentine en 2015, mais aussi par des méthodes de coups d’État, combinées à des élections, comme dans le cas du Honduras (2009), du Paraguay (2012) et, avec un impact beaucoup plus important, du Brésil en 2016. Au Venezuela, la défaite électorale du gouvernement Maduro lors des élections à l’Assemblée nationale de 2010 a donné lieu à un virage à droite et autoritaire du gouvernement tandis que la droite réactionnaire tentait explicitement de mener à bien un coup d’État commandité par l’impérialisme.
A l’époque, certains parlaient d’un prétendu virage à droite de l’Amérique latine. Nous avons toujours défendu qu’il n’en était rien et que la désillusion suite aux faiblesses des gouvernements progressistes qu’instrumentalisaient les forces de droite ne signifiait en rien une adhésion au projet politique de ces dernières. Nous étions convaincus que les conditions matérielles de vie des masses sous le capitalisme conduiraient à de nouvelles explosions sociales.
C’est d’ailleurs la faillite des forces de droite à établir une stabilité dans différents pays d’Amérique latine qui a contribué à l’échec des différentes tentatives de putsch au Venezuela. Malgré le profond virage de Maduro vers la droite, accompagné d’un autoritarisme de plus en plus marqué, la majorité de la population réalise qu’une alternative traditionnelle de droite serait encore pire.
La principale caractéristique de la conjoncture actuelle est la crise des forces de droite revenues au pouvoir à cette époque, dans le vide laissé ouvert par les limites des gouvernements de centre-gauche ou progressistes. Cette crise se traduit par des défaites électorales de la droite, mais aussi par des mouvements de masse qui remettent en cause le système politique lui-même, comme c’est le cas de l’Équateur et du Chili.
Contrairement aux processus politiques du début du siècle, la lutte de masse contre la droite néolibérale se déroule cette fois-ci à la suite d’une riche expérience, qui a révélé les limites des différentes variantes de centre-gauche et réformiste. Cela ouvre une situation d’intense polarisation dans laquelle peuvent se développer des forces de gauche désireuses d’assister les masses dans leur confrontation avec le système capitaliste, jusqu’au renversement complet de celui-ci.
L’avertissement bolivien
Le développement de telles forces est fondamental. Sans cela, l’atmosphère de crise et de polarisation peut aussi générer des impasses et de nouvelles frustrations qui ouvriront la voie à la droite réactionnaire, comme ce fut le cas au Brésil. D’autre part, le coup d’État de ce mois de novembre en Bolivie a une fois de plus démontré que l’establishment militaire, les propriétaires terriens et la bourgeoisie réactionnaire saisiront toutes les occasions d’imposer leur domination de la manière la plus brutale qui soit avec le soutien actif de l’impérialisme américain. Ce dernier a également imposé un embargo au Venezuela qui atteint aujourd’hui le même niveau que celui adopté contre Cuba, l’Iran ou la Corée du Nord.
Le coup d’État en Bolivie est un signal d’alarme pour le Venezuela et toute l’Amérique latine. La Bolivie connaît une situation économique plus favorable que celle qui prévaut en général dans la région, mais même là, la droite et l’impérialisme américain ont profité de l’insatisfaction d’une partie de la population face à l’autoritarisme croissant du gouvernement Morales et de l’affaiblissement du gouvernement parmi sa propre base sociale – la population autochtone, les paysans et les travailleurs – pour promouvoir un coup d’État réactionnaire.
Pendant des années, le gouvernement Morales a cherché à contrôler les mouvements sociaux, à freiner l’action indépendante des masses et à éliminer toute opposition à sa gauche. Même lorsqu’il a décidé de démissionner et de quitter le pays sous la pression des militaires et de l’extrême droite, Morales a continué à insister sur la réconciliation et non pas sur la lutte contre les putschistes. Les travailleurs et les peuples autochtones sont donc entrés en résistance affaiblis et sans direction conséquente. Cette résistance héroïque a directement illustré que le coup d’État n’allait pas automatiquement signifier un arrêt de la lutte des classes, mais plutôt une étape dans un processus complexe.
En Bolivie et au Venezuela, le grand défi est de construire une alternative politique de gauche qui s’oppose clairement aux manœuvres de la droite et de l’impérialisme tout en s’opposant aux politiques pro-capitalistes de Morales et Maduro.
Le retour de la grève générale
Avec la situation économique actuelle, les gouvernements autoproclamés progressistes ne disposent plus d’une marge de manœuvre telle que celles dont ont pu bénéficier Chavez ou Morales. Ainsi, en Équateur, le gouvernement de Lenín Moreno a été récemment élu en utilisant la même rhétorique progressiste que celle utilisée par Rafael Correa. Mais face à la crise économique, Moreno s’est rapidement tourné vers la droite, a conclu un accord avec le FMI et a commencé à adopter des politiques néolibérales. Cela a fini par provoquer un soulèvement populaire de masse qui a repoussé le gouvernement.
Une des données cruciales de la vague actuelle de luttes est le retour de l’arme de la grève générale, non seulement en Équateur, mais aussi en Bolivie en réaction au coup d’État, au Brésil, en Argentine et au Chili. L’Argentine a connu pas moins de cinq grèves générales contre la politique de Macri, un contexte de lutte qui a notamment assisté le mouvement de masse des ‘‘foulards verts’’ pour le droit à l’avortement. Aujourd’hui, d’un point de vue économique et social, l’Argentine vit une situation très proche de celle qui a déclenché le soulèvement populaire connu sous le nom de ‘‘Argentinazo’’ en décembre 2001, lorsque le président Fernando de la Rúa a dû démissionner sous pression de la rue et quitter le palais présidentiel en hélicoptère pour éviter la foule en colère.
Au Chili, les grèves générales d’octobre et novembre furent une éclatante démonstration de force. Parallèlement, des assemblées locales se sont développées dans de nombreuses localités à travers le pays pour discuter de l’orientation du mouvement. Hélas, là non plus, il n’existe actuellement pas de parti révolutionnaire suffisamment implanté qui refuse la conciliation avec le régime et défende une assemblée constituante révolutionnaire des travailleurs et du peuple qui serait l’extension des assemblées et comités actuels. Un tel parti révolutionnaire défendrait la création de tels comités de base sur les lieux de travail et offrirait une réelle stratégie pour la prise du pouvoir par les travailleurs et les opprimés, le renversement du capitalisme et la mise sous propriété publique démocratique des secteurs-clés de l’économie.
La période qui s’ouvre peut permettre le développement de telles forces socialistes révolutionnaires de masse, en tirant les leçons de la vague révolutionnaire ratée du début du siècle et de la faillite des gouvernements progressistes et de centre-gauche. L’organisation internationale dont est membre le PSL fera tout son possible pour s’impliquer dans la construction de ces outils de lutte qui sont les seuls à pouvoir offrir une issue favorable aux masses.
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2019 : Un tournant décisif dans un processus de révolution et de contre-révolution

Manifestation de masse au Chili. Photo : Wikimedia Commons 2019 marque un tournant politique certain à l’échelle mondiale. Ces derniers mois, nous avons assisté au développement de luttes de masse et de grèves générales aux caractéristiques révolutionnaires dans le monde entier. Cette explosion massive provient de la colère accumulée à l’égard des dirigeants, de leur néolibéralisme et de l’absence de démocratie. Ces manifestations ont également mis en évidence certains éléments fondamentaux d’une lutte socialiste, notamment la force de la classe ouvrière et la nécessité de l’internationalisme.
Par Per-Ake Westerlund
Parallèlement, les gouvernements, les dictateurs et les généraux ont prouvé que la classe dirigeante ne se retirera pas volontairement du pouvoir. Dans plusieurs pays, les manifestants pacifiques et les jeunes militants ont été confrontés à la contre-révolution armée et à la répression brutale.
A travers le monde, la plupart des gouvernements restent silencieux quant à cette violence de la contre-révolution, ou appellent simplement au “calme”. Les médias parlent d’”affrontements violents” entre les forces de l’Etat et les manifestants. Le fait est que cette “violence” provient partout des attaques lancées par les forces étatiques contre-révolutionnaires lourdement armées, alors que les manifestants ne cherchent qu’à se défendre. En Bolivie, plus de 30 personnes ont été tuées par les forces de l’État au cours des deux dernières semaines, dont huit lors d’un massacre à El Alto le 19 novembre.
Pour l’impérialisme et les gouvernements, ces événements représentent une vive mise en garde contre les faiblesses de leur système mondial, le capitalisme. Cette vague de protestations de masse prend place dans un contexte de forte croissance des conflits inter-impérialistes et de ralentissement probable de l’économie mondiale, tandis que la crise climatique s’aggrave.
Les mobilisations de masse continuent de se répandre, l’Iran et la Colombie étant les lieux les plus récents où elles ont éclaté, la semaine dernière. En Iran, à la suite d’une nouvelle hausse drastique des prix du carburant, des manifestations ont eu lieu dans plus d’une centaine de villes. Le fardeau économique que supportent les travailleurs et les pauvres a immédiatement été lié à la dictature théocratique. Le chef suprême, Khamenei, est apparu à la télévision pour condamner les manifestations et défendre que les revenus supplémentaires provenant du carburant étaient destinés aux plus pauvres. La manœuvre n’a fait qu’augmenter la colère et nous avons pu voir des photos de Khamenei être brûlées par les manifestants. En Colombie, la grève générale du 21 novembre, avec 250.000 manifestants, a été suivie par d’autres manifestations dans les jours qui ont suivi pour s’opposer aux privatisations et aux coupes budgétaires dans les pensions. L’État a répondu par un couvre-feu à Bogota et une forte présence policière.
Les comparaisons avec 2011
Divers commentateurs ont fait des comparaisons historiques avec les années 1848 et 1968, des années de luttes révolutionnaires et pré-révolutionnaires qui se sont étendues à de nombreux pays. Des comparaisons ont également été faites avec l’année 2011, lorsque le processus de révolution et de contre révolution en Afrique du Nord et au Moyen Orient a renversé Moubarak en Egypte et Ben Ali en Tunisie. Aujourd’hui, près de neuf 9 ans plus tard, la vague de protestations de masse a un caractère beaucoup plus mondial et comporte des revendications sociales plus explicites concernant l’emploi, l’eau, l’électricité, etc.
Sur le plan politique, les masses ont également tiré la conclusion qu’un changement de régime ne suffit pas à lui seul. Au Soudan, les leçons de l’Egypte, où une nouvelle dictature a été instaurée avec Al-Sisi à sa tête, ont conduit les masses à poursuivre leurs mobilisations après qu’Al-Bashir ait été renversé.
Par rapport à l’année 2011 et aux autres manifestations de ces dernières années, les luttes de 2019 durent beaucoup plus longtemps. Les manifestations en Haïti ont commencé en février et à Hong Kong en juin. La “révolution d’octobre” au Liban a forcé le Premier ministre Hariri à démissionner après deux semaines, mais elle se poursuit toujours. A la mi-novembre, les employés des banques étaient en grève pour une durée indéterminée, des routes étaient bloquées dans tout le pays et les bâtiments de l’Etat étaient assiégés par des manifestations. L’Algérie a connu des manifestations de masse tous les vendredis, même après que Bouteflika ait été contraint de démissionner, avec notamment pour slogan “Nouvelle Révolution”.
Les jeunes et les femmes ont joué un rôle de premier plan dans de nombreux cas, sans aucun doute sous l’inspiration des grèves pour le climat de la jeunesse et du mouvement mondial pour l’émancipation des femmes. 7,6 millions de personnes ont participé aux grèves pour le climat en septembre dernier. La prise de conscience sur ce thème est croissante, de même qu’au sujet de la nécessité de construire un mouvement pour obtenir un changement radical de société. Les grèves et les mouvements féministes ont également un caractère international et recourent à l’arme de la grève.
Là où la classe ouvrière est entrée en action de manière décisive avec des grèves générales et des vagues de grèves, le rapport de force a été très clair : la petite élite s’est retrouvée isolée face à la majorité des travailleurs et des pauvres. Cela a également souligné le rôle économique et collectif de la classe ouvrière, la seule force capable de réaliser une transformation socialiste de la société.
De nombreuses questions s’entrecroisent dans ces mouvements ; les difficultés économiques et le manque de démocratie, l’oppression sexiste ou encore l’environnement. C’est ce qu’a très bien illustré le mouvement en Indonésie à la fin du mois de septembre. Des protestations étudiantes dans plus de 300 lieux d’études supérieures ont été déclenchées par une loi interdisant les rapports sexuels hors mariage, une loi dirigée contre les personnes LGBTQ+. Mais, immédiatement, les thèmes de la corruption et de la destruction des forêts tropicales ont été intégrés dans les mobilisations.
“Amusantes et excitantes”
Les “experts” bourgeois ont de grandes difficultés à expliquer ces mouvements. L’agence de presse Bloomberg souligne qu’il ne s’agit pas de protestations de la classe ouvrière, mais plutôt de “consommateurs” réagissant contre une hausse du coût du carburant, des taxes ou des frais de déplacement. Cela sous-estime totalement les fortes revendications politiques des mouvements. Il est toutefois à noter que, dans la plupart des pays, un mouvement des travailleurs fort, organisé et unifié reste encore à construire.
La revue The Economist rejette l’idée que ces mobilisations puissent être liées au néolibéralisme et aux politiques appliquées par les gouvernements. Il défend qu’il est “inutile de rechercher un thème commun”, affirme que ces mobilisations sociales peuvent être “plus excitantes et encore plus amusantes que la vie quotidienne épuisante” et avertit que “la solidarité devient une mode”. Cela n’explique rien bien entendu. Pourquoi donc ces protestations de masse prennent-elles place précisément aujourd’hui ? Pourquoi ce genre de “plaisir” n’a-t-il pas toujours été si apprécié ?
En tant que marxistes, nous devons considérer et analyser à la fois les dénominateurs communs, les forces et les faiblesses de ces mouvements ainsi que les différentes forces de la contre-révolution. Des particularités nationales sont bien entendu à l’oeuvre, mais il existe également de nombreuses caractéristiques communes.
Que trouve-t-on derrière cette explosion de colère ?
Il s’agit d’un tournant mondial créé par les profondes crises politiques et économiques que subit le capitalisme, par les impasses et le déclin auxquels ce système est confronté. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (majoritaire) a déjà la question dans de nombreux débats et documents. La classe dirigeante s’appuie politiquement sur le populisme et le nationalisme de droite, dans un système économique de plus en plus parasitaire. La classe capitaliste ne dispose d’aucune issue.
Contre qui ces manifestations de masse sont-elles dirigées ? Qu’est-ce qui se cache derrière la colère explosive ?
1) On constate une haine extrême des gouvernements et des partis. Au Liban, le slogan dominant est “tout doit partir”. Contrairement au grand mouvement de 2005, cette revendication s’adresse désormais aussi au Hezbollah et à son leader, Nasrallah. En Irak, le mouvement veut interdire à tous les partis existants de se présenter aux prochaines élections, y compris le mouvement de Muqtada al-Sadr qui a su instrumentaliser les précédentes mobilisations sociales. Les étudiants de Bagdad ont arboré une banderole intitulée “Pas de politique, pas de partis, ceci est un réveil étudiant”. Au Chili, les gens crient dans la rue “Que tous les voleurs s’en aillent”. L’opposition aux gouvernements s’est également manifestée en République tchèque le week-end dernier, 300.000 personnes manifestant contre le président milliardaire.
2) Cette haine repose sur des décennies de néolibéralisme et de baisse des conditions de vie ainsi que sur l’absence de perspectives d’avenir. Le Fonds monétaire international (FMI) conseille de continuer à appliquer les recettes néolibérales en réduisant les subventions publiques, ce qui fut précisément à l’origine des révoltes au Soudan et en Équateur. Au Liban, 50 % des dépenses de l’État sont consacrées au remboursement de la dette. De nouvelles mesures d’austérité ont également constitué l’élément déclencheur en Haïti, au Chili, en Iran, en Ouganda et dans d’autres pays. Ce n’est qu’une question de temps avant que cela n’atteigne d’autres pays, le Nigeria par exemple. Tout cela est lié à l’extrême augmentation des inégalités, Hong Kong et le Chili en étant des exemples clés.
Les grèves et les manifestations
Les luttes présentent de nombreuses caractéristiques communes et importantes.
1) Dans de nombreux pays, tout a commencé avec d’énormes manifestations pacifiques. Deux millions de personnes ont manifesté à Hong Kong en juin (sur une population totale de 7,3 millions d’habitants), de même que plus d’un million au Chili et au Liban ou encore plusieurs centaines de milliers sur la place Tahrir à Bagdad. Dans la plupart des cas, ces protestations ne se sont pas limitées aux capitales ou aux grandes villes, mais se sont étendues à des pays entiers.
2) Les grèves générales ont été décisives pour renverser des régimes ou les faire vaciller. L’année 2019 a débuté avec une grande grève générale en Inde (150 millions) et s’est poursuivie en Tunisie, au Brésil et en Argentine. Cet automne, des grèves générales ont eu lieu en Équateur, au Chili (par deux fois), au Liban, en Catalogne et en Colombie. Des grèves à l’échelle d’une ville ont également eu lieu à Rome et à Milan. L’Irak a connu de grandes grèves des enseignants, des dockers, des médecins, etc. Les bâtiments du gouvernement ont été occupés (à l’instar de la banque centrale du Liban à Beyrouth) ou incendiés dans de nombreuses villes irakiennes. Des routes ont été bloquées en Irak et au Liban, comme au Pérou, où les populations autochtones luttent pour stopper les projets miniers qui menacent l’environnement. La méthode des barrages routiers a également été utilisée par les Gilets Jaunes en France.
3) De nouvelles méthodes sont nées de la lutte tandis que les traits d’une nouvelle société étaient esquissés. A Bagdad, la place Tahrir a repris la tradition née de l’occupation de la place du même nom en Egypte en 2011. Une grande tente y sert d’hôpital, des transports gratuits sont organisés autour de l’occupation et un journal est même édité quotidiennement. Des assemblées populaires ont vu le jour en Équateur et des assemblées locales ont également émergé au Chili. Au Liban, les étudiants ont quitté les universités pour aller enseigner dans les villes. A Hong Kong, les jeunes ont inventé un certain nombre de méthodes à utiliser dans les affrontements de rue, pour faire face aux gaz lacrymogènes et à la répression.
4) La division sectaire a été surmontée par la lutte menée en commun, une caractéristique typique des luttes révolutionnaires. Au Liban, les musulmans chiites et sunnites luttent aux côtés des chrétiens. En Irak, les chiites et les sunnites se battent également ensemble, même si les mobilisations concernent encore surtout les régions chiites du pays. En Amérique latine, les organisations indigènes jouent un rôle de premier plan en Équateur, au Pérou et au Chili de même que dans la résistance au coup d’État en Bolivie.
5) L’internationalisme est présent de manière évidente dans ces mouvements. Des déclarations de solidarité ont été envoyées d’Irak vers les manifestations en Iran. En Argentine, une grande manifestation a eu lieu à Buenos Aires contre le coup d’Etat en Bolivie.
De premières victoires
Les mouvements ont remporté des victoires conséquentes et obtenus des concessions sérieuses. Des dictateurs de longue date ont été renversés au Soudan et en Algérie, le gouvernement équatorien a fui la capitale, des ministres ont démissionné au Liban, au Chili et en Irak. Au Chili, le président Pinera a d’abord affirmé que le pays était “en guerre” contre les protestations, puis a dû “s’excuser” et retirer toutes les mesures qui ont déclenché le mouvement. De même, en France, Macron a été contraint de revenir sur le prix du carburant et d’augmenter le salaire minimum en réponse aux protestations des Gilets jaunes. Dans la plupart des cas, ces reculs de la part des autorités n’ont pas empêché les protestations de se poursuivre.
Hong Kong
La lutte à Hong Kong se distingue des autres à bien des égards. Nous disposons de camarades sur le terrain qui peuvent nous livrer des analyses et des informations de première main. Cette lutte a été marquée par l’incroyable détermination et le courage de la jeunesse. Le fait que Hong Kong soit gouverné depuis Pékin signifie que les reculs et concessions que les gouvernements d’autres pays ont effectués ne sont pas à l’ordre du jour à Pékin.
En août, les camarades du CIO (majoritaire) ont averti de l’instauration d’un “état d’urgence rampant”. À la mi-novembre, cela a changé lorsque Xi Jinping a donné de nouvelles directives : les protestations devaient cesser. Le régime espérait épuiser le mouvement et recourir ensuite à la répression (comme cela avait été le cas avec le mouvement des Parapluies en 2014). Mais, au lieu de cela, le mouvement de protestation a créé une nouvelle crise majeure pour le pouvoir de Xi.
La répression a atteint un nouveau niveau, avec des scènes de guerre les lundi 18 et mardi 19 novembre lorsque les policiers menaçaient de tirer à balles réelles et que les étudiants retranchés dans les campus universitaires tentaient de se défendre avec des cocktails Molotov et des arcs à flèches. Mardi matin, une offensive de la police a utilisé plus de 1.500 bombes lacrymogènes. Les étudiants de l’université PolyTech ont été contraints de se rendre à la police. Plus d’un millier de jeunes ont été arrêtés. Ils risquent dix ans de prison.
Le soutien populaire impressionnant qui existe pour la lutte de la jeunesse a pris la forme de manifestations de solidarité mais il a également été illustré par la cuisante défaite subie par les partis pro-gouvernementaux lors des élections locales des districts de Hong Kong le dimanche 24 novembre.
La lutte impressionnante menée à Hong Kong doit se poursuivre. Les tâches auxquelles le mouvement fait face sont l’organisation démocratique du mouvement, l’organisation d’une véritable grève générale et, chose décisive, l’extension du combat à la Chine continentale. La tactique des étudiants ” Sois comme l’eau” – sans forme et sans dirigeants – a donné quelques avantages dans les luttes de rue et a permis aux jeunes de contrecarrer le rôle de blocage des libéraux pan-démocrates. Mais cette approche s’est révélée incapable de porter la lutte au nouveau stade aujourd’hui nécessaire. La faiblesse des syndicats et l’absence de grève sur une longue période représentent des éléments compliquant. Politiquement, cela peut donner lieu à des illusions dans la “communauté internationale” et en particulier dans l’impérialisme américain et Trump. Cela permet également de continuer à croire en une “solution propre à Hong Kong” distincte du reste de la Chine.
Les complications de cette période
Au cours des débats et de la scission qui ont eu lieu au sein du Comité pour une Internationale Ouvrière cette année, la discussion sur la conscience des masses a joué un rôle important. La direction de notre ancienne section espagnole, qui a quitté notre internationale en avril, a sous-estimé les problèmes du faible niveau de conscience socialiste tandis que le groupe qui est parti en juillet a surestimé ce problème. Ce dernier groupe a donc préféré se réfugier dans l’attente d’un mouvement “authentique” au lieu de vouloir intervenir dans les mouvements actuels. Comprendre le rôle décisif que joue la classe ouvrière organisée ne signifie pas d’ignorer d’autres mouvements sociaux importants.
La conscience peut progresser par bonds à partir de l’expérience acquise dans les luttes. C’est un processus qui a déjà commencé. Mais, dans l’ensemble, il manque aux luttes de masse d’aujourd’hui l’organisation et la direction nécessaires pour élaborer une stratégie de transformation socialiste de la société. Aucun parti des travailleurs ou de gauche capable de remplir cette tâche ne s’est développé jusqu’à présent. Les nouvelles formations de gauche ont été volatiles et politiquement faibles, comme l’illustre encore le récent exemple de Podemos qui a rejoint le gouvernement dirigé par le PSOE (social-démocrate) dans l’Etat espagnol.
Comparer la situation actuelle avec l’année 1968 souligne à quel point le mouvement des travailleurs – partis ouvriers et syndicats – a reculé en termes de base militante active. Cela signifie cependant également que les partis communistes staliniens et la social-démocratie disposent de moins de possibilités de bloquer et de dévier les luttes qu’à l’époque.
La contre-révolution
Il a également été démontré cet automne que la classe capitaliste n’hésite pas à recourir à la répression contre-révolutionnaire la plus brutale pour se maintenir au pouvoir. Elle préfère opérer via d’autres moyens, plus pacifiques, mais elle est prête à recourir à la violence si nécessaire.
- En Bolivie, un coup d’État militaire a eu lieu avec le soutien de l’impérialisme américain et du gouvernement brésilien dirigé par Bolsonaro. La nouvelle “présidente” Anez a été “élue” par moins d’un tiers du Parlement. Les gouvernements européens ont exprimé leur “compréhension” vis-à-vis de ce coup d’Etat.
- Plus de 300 personnes ont été tuées et 15.000 blessées en Irak au cours du mois dernier.
- 285 personnes ont reçu une balle dans les yeux au Chili. En France, au printemps, 40 personnes ont été éborgnées de la sorte.
- En Guinée, en Afrique de l’Ouest, 5 personnes ont été tuées et 38 autres blessées lors de manifestations contre le président Alpha Conde qui se présente pour un troisième mandat. Les mobilisations se poursuivent.
Le risque d’une répression majeure par une intervention de l’armée chinoise à Hong Kong demeure, même si le danger d’un massacre similaire à celui de la place Tiananmen en 1989 ne s’est pas encore concrétisé. Par ailleurs, le risque d’un retour du sectarisme communautaire au Liban ou en Irak constitue un réel danger.
La classe dirigeante veut aussi désarmer les mobilisations et les faire dérailler en abusant des élections ou des négociations. En Argentine, ce fut clairement le cas récemment. Les candidats péronistes, Fernandez et Fernandez-Kirchner, ont remporté les élections. L’objectif principal des masses était d’évincer Macri, l’ancien grand espoir du capitalisme en Amérique latine dont la présidence a été marquée par l’arrivée d’une nouvelle crise financière profonde. Le nouveau gouvernement péroniste ne bénéficiera cependant pas de répit puisqu’il continuera à mettre en œuvre les politiques du FMI.
Au Soudan, les dirigeants officiels des mobilisations ont signé un accord sur le partage du pouvoir avec l’armée en passant par dessus la tête des masses. Le pouvoir réel a été laissé au général Hemeti. Aujourd’hui, les mobilisations se développent contre cet accord et contre le pouvoir des généraux.
Au Chili, l’une des principales revendications du mouvement était l’adoption d’une nouvelle constitution, puisque l’actuelle date de 1980 et de la dictature de Pinochet. Mais la revendication d’une assemblée constituante révolutionnaire de représentants démocratiquement élus sur les lieux de travail et dans les quartiers ouvriers est tout le contraire d’une assemblée comprenant le président Pinera et les partis de droite.
La classe dirigeante dispose de mille et une manières de bloquer le développement d’une révolution. En 2011, le CIO avait mis en garde contre les illusions selon lesquelles un simple “changement de régime” pouvait mettre fin aux luttes. L’Etat, les capitalistes et l’impérialisme ont été sauvegardés et ont ouvert la voie à la contre-révolution.
Cependant, les défaites ne durent pas aussi longtemps que dans les années 1930 ou 1970. Les manifestations de masse en Iran ont été écrasées en 2009 et de nouveau en 2017, mais elles sont à nouveau de retour. La même chose s’est produite en Irak, au Zimbabwe et au Soudan. De récentes nouvelles protestations sociales démontrent également que la situation n’est pas stable en Egypte.
Défier le pouvoir
Les grèves générales indéfinies et les mouvements de masse à caractère révolutionnaire soulèvent la question du pouvoir. Quelle classe sociale devrait diriger la société ?
Pendant longtemps, dans de nombreux pays, nous appelions à une grève de 24 ou 48 heures au lieu d’une grève générale. L’idée était de préparer la classe ouvrière de cette manière, de lui permettre de sentir sa force et sa supériorité, de commencer à s’organiser et à prendre conscience de ses ennemis, de choisir des dirigeants adéquats.
La plupart des luttes actuelles sont des luttes globales qui défient immédiatement le pouvoir de la classe capitaliste. La contre-révolution se prépare elle-même pour de telles luttes. Mais, jusqu’à présent, recourir à ses méthodes habituelles ne s’est pas fait sans problèmes.
Comparer la situation actuelle avec la première révolution russe en 1905 est également important. La classe ouvrière avait alors démontré quelle était sa force force tandis que le pouvoir de l’Etat tsariste était suspendu dans les airs. Une confrontation finale était inévitable.
Les libéraux et les menchéviks ont accusé les soviets (conseils, en russe) et en particulier les bolchéviks de trop parler d’insurrection armée. Lénine répondit : “La guerre civile est imposée à la population par le gouvernement lui-même”. Trotsky, dans sa défense devant le tribunal qui l’a inculpé après la révolution de 1905, a déclaré quant à lui : “préparer l’inévitable insurrection (…) signifiait pour nous d’abord et avant tout, d’éclairer le peuple, de lui expliquer que le conflit ouvert était inévitable, que tout ce qui lui avait été donné lui serait repris, que seule la force pouvait défendre ses droits, que des organisations puissantes de la classe ouvrière étaient nécessaires, que l’ennemi devait être combattu, qu’il fallait continuer jusqu’au bout, que la lutte ne pouvait se faire autrement”.
En 1905, la contre-révolution a pu prendre le dessus en raison du manque d’organisation et d’expérience des masses en dépit de la constitution de conseils ouvriers, les soviets, ainsi qu’à cause de la faiblesse de la lutte dans les campagnes. En décembre, après une grève générale de 150.000 personnes à Moscou, la contre-révolution l’a emporté.
L’expérience acquise durant les événements de 1905 ont toutefois posé les bases de la victoire de la révolution en 1917. La situation actuelle ne laisse pas de place à de longues périodes de réaction sans lutte. La Bolivie d’aujourd’hui ne connaîtra pas le genre de période de contre-révolution qui a suivi la défaite de 1905. L’avenir y est toujours en jeu et, dans le passé, la contre-révolution a déjà été vaincue en Bolivie.
Nous verrons sans aucun doute d’autres pays et régions s’intégrer dans cette tendance aux mouvements de masse. Son impact sur la conscience globale des masses sera une meilleure compréhension que la lutte est la seule manière d’obtenir des changements. La recherche d’une alternative au capitalisme et à la répression sera le terreau du développement des idées anticapitalistes et socialistes. La faiblesse de la gauche et de l’organisation des travailleurs signifie toutefois que ce processus sera long, avec des bonds en avant et des reculs.
La leçon générale, cependant, est la même qu’en 1905 ou en 1968 : il s’agit toujours de la nécessité pour la classe ouvrière de prendre le pouvoir afin de soutenir les concessions qu’un mouvement de masse peut arracher et pour parvenir à un changement fondamental de société.
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Bolivie. Non au coup d’Etat! Combattons la droite et l’impérialisme dans toute l’Amérique latine!

Dimanche après-midi (le 10 novembre), le président bolivien, Evo Morales, et le vice-président, Alvaro Garcia Linera, ont annoncé leur démission de leurs fonctions dans un processus qui ne peut être qualifié que de coup d’État d’extrême droite soutenu par les propriétaires terriens, les militaires et l’impérialisme.
Déclaration de Liberdade, Socialismo e Revolução – LSR (section du Comié pour une Internationale Ouvrière au Brésil)
Morales a annoncé sa démission quelques instants après que le commandant en chef des forces armées boliviennes, le général Williams Kaliman, ait publiquement exigé que le Président adopte cette attitude. C’était le point culminant d’une tentative de coup d’Etat qui a commencé lors du décompte des voix des élections tenues le 20 octobre.
Les résultats électoraux, qui indiquaient la victoire d’Evo Morales au premier tour (47% des voix), ont été contestés par l’opposition de droite, qui a commencé à promouvoir une série d’actions réactionnaires et racistes contre le gouvernement et a préparé les conditions du coup d’Etat.
Le candidat de droite vaincu le 20 octobre, Carlos Mesa, a exigé la tenue d’un second tour des élections. Evo Morales a accepté de battre en retraite et a donné légitimité à une enquête de l’OEA (l’Organisation des États américains), une organisation clairement liée aux intérêts de l’impérialisme américain.
Mais le secteur le plus réactionnaire et d’extrême droite de la bourgeoisie bolivienne, lié à l’agro-industrie dans la région “media luna” (à l’est de la Bolivie) et dirigé par Luis Fernando Camacho du Comité civique de Santa Cruz, a exigé la chute de Evo Morales et un veto sur sa candidature aux nouvelles élections. Cette position plus extrême de l’extrême droite est rapidement devenue la position dominante des forces réactionnaires.
La situation s’est détériorée qualitativement après le 8 novembre, lorsque la police de Cochabamba a déclenché une mutinerie qui s’est propagée dans presque tout le pays. Avec les blocages promus par les comités civiques généralement d’extrême droite, la mutinerie de la police a ouvert la voie au coup d’Etat. Des ministres, des membres du gouvernement et des autorités locales liés au MAS (le parti d’Evo Morales) ont été physiquement attaqués et menacés.
Au lieu d’appeler ouvertement les travailleurs, les paysans et les indigènes à arrêter le coup d’Etat, Evo Morales a réagi aux tentatives de coup d’Etat d’une manière timide et hésitante. Sa reconnaissance de l’OEA en tant qu’organe de médiation l’a conduit, dans une tentative désespérée de contenir le coup d’État, à accepter de tenir de nouvelles élections générales et de modifier la composition du Tribunal électoral suprême. Mais c’était trop tard. Sa perte de soutien au sein du haut commandement des Forces armées l’a finalement conduit à démissionner.
Les ouvriers et les paysans ont manifesté leur volonté de résister au coup d’Etat, mais leur résistance a été affaiblie dès le début par deux facteurs. En premier lieu, le gouvernement avait promu au fil des ans la bureaucratisation et la cooptation dans l’appareil d’Etat des dirigeants syndicaux et populaires, limitant leur capacité d’action indépendante et énergique malgré l’histoire révolutionnaire combative de la classe ouvrière et du peuple boliviens. Les exemples de conflits entre le gouvernement d’Evo Morales et la base sociale qui l’a porté au pouvoir, y compris les travailleurs et les peuples autochtones, sont innombrables.
Deuxièmement, Evo Morales craignait la résistance et la radicalisation. Comme il l’a généralement fait de par le passé, il a préféré opter pour une solution négociée avec la droite. Il espérait également avoir le soutien des Forces armées, ce qui était illusoire.
Dans le but de maintenir la loyauté des Forces armées, Morales a investi ces dernières années dans l’octroi de concessions à ce secteur parmi lesquelles des salaires particuliers et des pensions spéciales ou encore un rôle privilégié dans l’administration des entreprises publiques. Cette situation contraste avec celle de la police, dont la mutinerie a aggravé la crise. L’absence d’une volonté claire de résistance de la part du gouvernement et de sa base sociale a finalement conduit les militaires à refuser de se ranger du côté du gouvernement.
Des progrès sociaux ont été obtenus dans la dernière période grâce à la force de la lutte ouvrière et populaire, comme pendant la “guerre de l’eau” à Cochabamba (2001) et la “guerre du gaz” (2003). Les tentatives de coup d’Etat émanant des propriétaires terriens de la “media luna” bolivienne ont été bloquées par le mouvement de masse en 2007 et 2008. Tout cela malgré l’attitude conciliante et modérée d’Evo Morales et Garcia Linera au gouvernement.
Aujourd’hui, ces conquêtes sont directement menacées par le coup d’État, mais elles avaient déjà subi des revers auparavant, ce qui a suscité l’insatisfaction de nombreuses couches populaires. La fin du boom des matières premières a affecté l’économie bolivienne et a sapé la base de la politique de conciliation de classe d’Evo Morales. Il semble avoir trop cru en sa propre rhétorique qui souligne la stabilité et la solidité de la situation économique, sociale et politique en Bolivie. Les contradictions sociales étaient beaucoup plus grandes qu’il ne pouvait l’admettre.
Le résultat de tout cela, jusqu’à présent, a été une défaite populaire sous la forme d’un coup d’État réactionnaire. Malgré les mesures répressives qui commencent déjà à être adoptées par les forces de droite réactionnaires, la résistance doit se poursuivre et cela nécessite tout le soutien possible. Si ce coup d’État se consolide, cela pourrait représenter un très mauvais exemple pour les autres pays d’Amérique latine, en particulier le Venezuela, et polariser davantage la situation politique dans toute la région.
L’Amérique latine traverse actuellement une période de profonde crise politique, économique et sociale. La principale caractéristique du moment dans la région est la crise des gouvernements de droite et de leurs politiques néolibérales. Dans des pays comme le Chili et l’Équateur, la lutte de masse a acquis une dimension révolutionnaire. Dans d’autres pays, ces luttes ont conduit à des défaites électorales de la droite néolibérale, comme en Argentine et en Colombie.
Le coup d’Etat en cours en Bolivie est aussi une réponse de l’impérialisme et des classes dirigeantes de la région au renforcement de la résistance au néolibéralisme. Cela indique également de manière limpide que la politique fondée sur une tentative permanente de réconcilier les intérêts de classe opposés – comme dans le cas du modèle du “capitalisme andin-amazonien” préconisé par Morales – ne peut être définitivement victorieuse, en particulier dans le capitalisme dépendant et périphérique d’Amérique latine. L’exemple de la Bolivie montre clairement que seule une alternative anticapitaliste et socialiste peut garantir les intérêts des travailleurs, des paysans, des peuples indigènes et de tous les peuples d’Amérique latine.
Il est nécessaire de répudier le coup d’État en Bolivie avec toute la force possible et de soutenir la résistance contre le coup d’Etat de droite, néolibéral et pro-impérialiste. C’est la tâche centrale des organisations de travailleurs dans le monde entier. Parallèlement, il est nécessaire de construire l’alternative socialiste conséquente et révolutionnaire dans toute l’Amérique latine et dans le monde.
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Grèce : Révolution et contre-révolution sur fond de crise croissante de la zone euro
C’est véritablement un séisme politique qui a pris place le 6 mai dernier en Grèce. Ces élections constituent un signe avant-coureur de bouleversements politiques et sociaux plus intenses encore. Partout à travers l’Europe, les travailleurs et leurs organisations doivent être solidaires de la population grecque et s’opposer résolument aux diktats de la troïka (Union Européenne, Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne). Cette solidarité passe aussi par la lutte contre les attaques des divers gouvernements partout en Europe.
Résumé d’un dossier de Tony Saunois (CIO) et d’Andros Payiatos, Xekinima (CIO-Grèce)
Suite à l’impossibilité de former un gouvernement, de nouvelles élections doivent se tenir le 17 juin. Cette paralysie est une expression des chocs violents dont a été victime la société grecque dans le cadre d’un processus de révolution et de contre-révolution. Le prestigieux Financial Times a ainsi mis en garde: ‘‘Il peut y avoir des émeutes et des pillages. Un coup d’État ou une guerre civile sont possibles’’ (édition du 18 mai).
Alexis Tsipras (Syriza): “Une guerre entre le peuple et le capitalisme”
Syriza (‘Coalition de la Gauche Radicale’) est sortie grand vainqueur du scrutin en passant de 4,6% à 16,78%, de quoi donner espoir à de nombreux travailleurs et militants de gauche en Grèce et ailleurs. La classe dirigeante est terrifiée face à cette large contestation de la Troïka et de l’austérité.
Les conservateurs de la Nouvelle Démocratie (ND) et les sociaux-démocrates du PASOK se sont systématiquement agenouillés devant les diktats de la Troïka, assurant ainsi que le pays soit littéralement occupé par les grandes banques, la Banque Centrale Européenne, le Fonds Monétaire International et l’Union Européenne. Le 6 mai, le peuple grec a riposté par une claque monumentale envoyée à ces deux pantins de l’Europe du capital. Alors qu’ils obtenaient généralement 75% à 85% ensemble, ils n’ont maintenant recueilli que 32,02% (18,85 pour la ND et 13,18% pour le PASOK).
D’ici aux élections du 17 juin, Syriza peut encore renforcer son soutien électoral. La coalition de gauche radicale sera-t-elle à la hauteur des espoirs placés en elle? Selon nous, ce n’est possible qu’avec un programme socialiste révolutionnaire, un programme de rupture avec le capitalisme. Toute recherche de solutions au sein du système actuel est vaine.
Si la gauche est mise en échec, l’extrême droite pourrait se saisir du vide politique. Nous avons d’ailleurs assisté le 6 mai à l’émergence du parti néo-fasciste ‘‘Aube Dorée’’ qui a obtenu 6,97% et 21 élus. Depuis lors, ces néonazis ont chuté dans les sondages, mais l’avertissement est sérieux.
Un niveau de vie attaqué à la tronçonneuse
Le Produit Intérieur Brut grec a chuté de 20% depuis 2008, cet effondrement économique réduisant à néant la vie de millions de personnes. Dans les services publics, les salaires ont chuté de 40%. L’église estime que 250.000 personnes font quotidiennement appel aux soupes populaires. Dans les hôpitaux (où le nombre de lits a diminué de moitié), les patients doivent dorénavant payer à l’avance pour bénéficier d’un traitement. Un hôpital a même gardé un nouveau-né jusqu’à ce que sa mère puisse payer la facture de l’accouchement. Des milliers d’écoles ont aussi été fermées.
La classe moyenne est détruite. Le nombre de sans abri a explosé et ils font la file aux côté de leurs frères d’infortunes immigrés pour recevoir un peu de nourriture et pouvoir intégrer un abri dans ces sortes de camps de réfugiés qui constituent la version européenne des bidonvilles. Le chômage frappe 21% de la population active et 51% de la jeunesse tandis que les centaines de milliers d’immigrés sont agressés sans relâche par l’extrême droite. La gauche doit riposter avec un programme de mesures d’urgence.
Les travailleurs contre-attaquent
Sous la pression de la base, au moins 17 grèves générales ont été organisées en deux ans, dont trois de 48 heures, sans que les attaques antisociales ne cessent. Mais un certain désespoir se développe puisque la lutte n’a pas remporté d’avancées. Le désespoir a poussé des dizaines de milliers de personnes à fuir à l’étranger. Environ 30.000 immigrés clandestins grecs sont en Australie, certains sont même partis au Nigeria ou au Kazakhstan. D’autres ont choisi une fuite plus tragique : le taux de suicide grec est aujourd’hui le plus élevé d’Europe.
Cette situation n’est pas sans rappeler la dépression américaine des années ‘30. La haine et la colère sont telles à l’encontre de l’élite grecque et de ses politiciens qu’ils ne sont plus en sécurité en rue ou au restaurant. Les riches cachent leur argent en Suisse ou dans d’autres pays européens, tandis que la majorité de la population bascule à gauche du fait des conséquences de la crise.
Syriza refuse une coalition avec le PASOK et la ND
Syriza a déclaré que le PASOK et la ND voulaient qu’elle se rende complice d’un crime en participant au gouvernement avec eux. Alexis Tsipras a proposé de constituer un bloc de gauche avec le Parti communiste grec (KKE) et la Gauche démocratique (une scission de SYRIZA) pour mener une politique de gauche.
Le dirigeant de Syriza, Alexis Tsipras, appelle à l’abolition des mesures d’austérité et des lois qui ont mis fin aux conventions collectives de travail et ont plafonné le salaire minimum à 490 euros par mois. Il a exigé une enquête publique concernant la dette de l’Etat et, dans l’intervalle, un moratoire sur le remboursement des dettes.
Ce programme est insuffisant face à la profondeur de la crise, mais il représente un bon point de départ afin de renforcer la lutte contre l’austérité et le débat sur un véritable programme de rupture avec le capitalisme.
De son côté, la direction du KKE a refusé de rencontrer Tsipras. Le parti communiste s’enfonce dans son approche sectaire, à l’opposé du mouvement ouvrier, et il le paye dans les sondages. Xekinima, la section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière, plaide pour la création d’un front de gauche depuis longtemps. Si cet appel reçu un accueil plutôt hostile dans un premier temps, il a ensuite progressivement bénéficié de plus de soutien pour finalement être repris par Alexis Tsipras et Syriza.
Une liste unitaire serait sortie première des élections du 6 mai, et aurait de ce fait reçu le bonus de 50 sièges supplémentaires accordés au plus grand parti selon la législation électorale grecque. Même si cela n’avait pas été suffisant pour obtenir une majorité parlementaire, cela aurait offert une place encore plus centrale à la gauche pour la deuxième élection de juin et pour la campagne concernant cette perspective très réaliste d’un véritable gouvernement de gauche.
Mais le KKE a refusé et reste sur le banc de touche. Pourtant, en 1989, ce parti n’a eu aucune réticence à entrer en coalition avec… les conservateurs de la Nouvelle Démocratie ! La secrétaire générale du KKE, Aleka Papriga, se réfère maintenant à cette expérience pour justifier son refus d’un front de gauche, comme si un front unitaire basé sur la lutte contre l’austérité pouvait être mis sur le même pied qu’un gouvernement pro-capitaliste avec les conservateurs ! Malheureusement, d’autres formations de gauche ont également adopté une attitude négative sur cette question, particulièrement Antarsya (une alliance anticapitaliste).
Tant le KKE qu’Antarsya sont maintenant sous la pression de leurs bases. Une partie de la base d’Antarsya appelle publiquement à la constitution d’un front avec Syriza, mais la majorité de la direction reste obstinément sur sa position, au mépris du prix à payer. En 2010, cette alliance avait encore réalisé 2% aux élections communales, contre 1,2% en mai, et cela pourrait encore diminuer. De son côté, le KKE a à peine progressé aux élections en mai et les sondages parlent d’une chute de 8,5% à 4,4% pour le 17 juin.
Tsipras a menacé de ne pas rembourser entièrement les dettes du gouvernement, d’économiser sur les dépenses militaires et de lutter contre le gaspillage, la corruption et l’évasion fiscale des riches. Il exige un contrôle public du système bancaire, et appelle même parfois à la nationalisation. Il s’est encore prononcé pour un New Deal, à l’instar de celui que Roosevelt avait mis en avant pour les États-Unis dans les années ‘30. Syriza a donc pour programme un ensemble de réformes qui ne rompent pas avec le capitalisme, mais c’est tout de même un début. Pour nous, un programme d’urgence de travaux publics doit être lancé, lié à la nationalisation des banques et des secteurs clés de l’économie, sur base d’une planification démocratique et socialiste de la société.
Le programme de Syriza a ses limites, mais il a le mérite d’être clairement opposé à l’austérité. Syriza refuse d’ailleurs de participer à toute coalition gouvernementale destinée à appliquer des mesures antisociales. Cette approche peut pousser la formation au-delà des 20% dans les sondages, jusqu’à 28%. Cette rapide croissance de soutien illustre le potentiel électoral pour les formations de gauche lorsque les conditions objectives sont réunies et qu’elles adoptent un profil clair.
Le refus de Syriza de collaborer à une coalition bourgeoise change radicalement de la position d’autres forces de gauche par le passé. En Italie, la position du Parti de la Refondation Communiste (PRC) a été très sérieusement affaiblie par sa participation à des coalitions locales. En Espagne, récemment, Izquierda Unida (Gauche Unie) est entré en coalition avec les sociaux-démocrates du PSOE en Andalousie, ce qui peut menacer son soutien parmi la population.
L’Union Européenne et l’euro
Les partis capitalistes et la Troïka tentent désespérément de renverser cette situation, et font campagne en disant que ces élections sont en fait un référendum sur l’adhésion à la zone euro. Tous leurs efforts visent à présenter la résistance à l’austérité comme la porte de sortie hors de l’eurozone et de l’Union européenne.
Sur ce point, la position de Syriza est trop faible, bien qu’il s’agisse de l’expression d’un sentiment largement répandu dans la population. Selon un sondage, cette dernière est à 79% opposée à quitter l’euro. Les craintes de ce qui se passerait ensuite sont compréhensibles; un isolement de l’économie grecque, relativement petite, pourrait ramener les conditions sociales au niveau des années 1950 et 1960 et l’inflation au niveau élevé des années 1970 et 1980. Syriza et la gauche doivent faire face à ces craintes et expliquer quelle est leur alternative.
Tsipras parie sur le fait que la Grèce ne sera pas éjectée de l’eurozone en raison des conséquences que cela entraînerait pour le reste de l’Europe. Cela n’est toutefois pas certain, même s’il est vrai qu’une partie des classes dirigeantes européennes a peur de ce cas de figure et des perspectives pour l’euro si l’Espagne et d’autres pays sont aussi poussés vers la sortie.
De l’autre côté, les classes dirigeantes d’Allemagne et d’autres pays craignent que de trop grandes concessions pour préserver la Grèce dans l’eurozone ne soient un précédent dont se pourraient ensuite se servir l’Espagne, l’Italie, le Portugal, l’Irlande,… Le ‘Centre for Economic and Business Research’ a déjà indiqué que la fin de l’euro sous sa forme actuelle est une certitude.
Syriza se trompe en pensant que le rejet de l’austérité peut être combiné à l’eurozone. La zone euro est une camisole de force économique que les grandes puissances capitalistes et les grandes entreprises utilisent afin d’imposer leur politique. Syriza se doit de formuler une réponse claire face à la probabilité qu’un gouvernement de gauche soit expulsé de la zone. D’ailleurs, on ne peut pas non plus exclure qu’un gouvernement décidé à accepter l’austérité soit tout de même confronté à ce scénario de sortie.
Si de nombreux Grecs craignent cette perspective, cela ne signifie pas qu’ils sont prêts à accepter n’importe quoi. Si une Grèce dirigée par un gouvernement de gauche est poussée hors de l’eurozone, elle devra immédiatement institué un contrôle public sur le capital et le crédit afin d’éviter toute fuite des capitaux. Les institutions financières et les autres grandes entreprises devront immédiatement être nationalisées et le remboursement de la dette publique aux banques et aux institutions financières suspendu. Le gouvernement devra rendre public les livres de compte des banques et inspecter minutieusement les accords conclus avec les institutions internationales. Le gouvernement devra aussi exproprier les riches et protéger les petits investisseurs et épargnants. De cette manière, un véritable plan de relance serait de l’ordre du possible, un plan démocratiquement élaboré dans le cadre d’une planification socialiste basée sur le contrôle public des principaux secteurs de l’économie.
Vive l’internationalisme socialiste !
Un véritable gouvernement de gauche devra simultanément tout faire pour appeler à la solidarité du mouvement syndical du reste de l’Europe, et en particulier en Espagne, en Irlande, au Portugal et en Italie. Ensemble, ces pays ont le potentiel de construire une alternative à l’Europe du capital vers une confédération socialiste basée sur une adhésion volontaire, première étape vers une Europe socialiste.
Pour y parvenir, nous devons renforcer les liens entre toutes les organisations de gauche et le mouvement syndical de ces divers pays. Sans une telle approche, la résistance contre l’austérité sera partiellement désarmée, et un flanc laissé au développement du nationalisme.
Une nouvelle phase de la lutte
Si Syriza se retrouve le plus grand parti du pays, ou s’il prend la tête d’un gouvernement de gauche, la crise ne serait toutefois pas immédiatement battue. Au contraire, cela ne marquerait que l’ouverture d’une nouvelle phase à laquelle les travailleurs et leurs familles doivent être préparés.
Syriza doit se renforcer en organisant tous ceux, et ils sont nombreux, qui veulent combattre l’austérité. L’appel de Tsipras pour constituer un front de gauche doit se concrétiser avec l’organisation de réunions locales et nationales des partis de gauche, des syndicats, d’habitants de quartiers, d’étudiants,…
Des comités locaux démocratiquement constitués sont la meilleure base pour se préparer à la prochaine période de lutte et assurer que suffisamment de pression existe pour qu’un gouvernement de gauche applique une politique réellement centrée sur les intérêts des travailleurs et de leurs familles.
La classe dirigeante se sent menacé par Syriza et par la gauche. Nous devons nous saisir de cette énorme opportunité. Rester spectateur n’est pas une option.
Leçons passées et présentes d’Amérique latine
Nous sommes évidemment dans une autre époque, mais des similitudes existent entre la Grèce actuelle et le Chili des années 1970-73 ou encore avec le développement des régimes de gauche au Venezuela, en Bolivie ou en Argentine.
Au début des années ’70, le Chili a connu une forte polarisation politique mais la droite et la classe dirigeante s’étaient préparées pour sortir de l’impasse. L’organisation fasciste ‘Patria y Libertad’ (une organisation paramilitaire) occupait les rues et attaquait les militants de gauche. Finalement, l’armée a organisé le coup d’Etat du 11 septembre 1973 qui a porté Pinochet au pouvoir.
En Grèce, le potentiel du développement d’une organisation paramilitaire existe, avec ‘‘Aube Dorée’’. Cette organisation fait l’éloge de la dictature militaire grecque dite ‘‘des colonels’’ (1967-1973) et même d’Hitler. Une partie de la classe dirigeante peut tirer la conclusion qu’il n’existe pas d’alternative face à la menace de la gauche et peut être tentée de ‘rétablir l’ordre’. Cela ne sera pas le premier choix de la classe dirigeante, mais ce danger n’en est pas moins réel. La baisse du soutien d’Aube Dorée dans les sondages n’est pas synonyme de sa disparition.
Même sans soutien massif un groupe comme Aube Dorée ou Patria y Libertad peut être une menace physique pour les minorités et le mouvement ouvrier. Aube Dorée envoie ses ‘chemises noires’ attaquer les immigrés et menace ouvertement les homosexuels (leur prochaine cible). La création de comités d’auto-défense est urgente.
Si Syriza peut former un gouvernement avec un front de gauche, ce gouvernement peut rapidement être poussé plus encore à gauche. Ce fut le cas d’Allende au Chili en 1970 ou de Chavez (Venezuela), de Morales (Bolivie) et de Kirchner (Argentine). Un tel gouvernement peut prendre des mesures contre les capitalistes, y compris par des nationalisations. D’autre part, un gouvernement grec de gauche pourrait bientôt servir d’exemple pour l’Espagne et le Portugal, entre autres.
Syriza et Tsipras ne parlent pas encore de socialisme, mais cela pourrait changer. Dans une interview accordée au quotidien britannique ‘‘The Guardian’’ Tsipras parle d’une guerre entre la population et le capitalisme. Chavez lui non plus ne parlait pas de socialisme à son arrivée au pouvoir. Il a été poussé à gauche par la pression populaire.
Sous l’impact de la crise et de la lutte des classes, le soutien pour des demandes comme la nationalisation, le contrôle et la gestion ouvrière peut rapidement grandir. Des gouvernements de gauche peuvent être mis sous pression pour prendre de telles mesures, au moins partiellement. Ce fut d’ailleurs également le cas du premier gouvernement du PASOK grec en 1981. Si les partis capitalistes obtiennent une majorité pour former un gouvernement dirigé par la Nouvelle Démocratie, ce sera un gouvernement sans crédibilité, ni autorité, ni stabilité. Un tel gouvernement entrera vite en confrontation avec l’intense colère du mouvement ouvrier grec. Syriza pourra s’y renforcer. Dans une telle situation Xekinima proposera une campagne active pour la chute du gouvernement par des grèves, des occupations et des manifestations de masse.
La croissance rapide de Syriza est un élément positif. La crise sociale et politique constitue un test, tant pour Syriza que pour toutes les autres forces politiques. Avec un programme approprié, des méthodes correctes et une bonne approche, il est possible d’avancer. Sinon, la gauche peut disparaître aussi rapidement qu’elle a avancé. Xekinima joue un rôle actif dans les discussions au sein et autour de Syriza afin de parvenir aux conclusions politiques nécessaires pour développer les luttes.
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Les révoltes mondiales contre ce système sans perspective suscitent la recherche d’une alternative (2)
Révolution et contre-révolution
46. Cela exige une habile dose de dialectique afin de commencer à comprendre cette crise. Les vieilles certitudes sont dépassées par les contradictions que se sont accumulées sous la surface depuis des années. Des contradictions apparentes ne sont, d’un autre côté, que leurs propres compléments dialectiques. Ce qui hier fonctionnait encore bien, est aujourd’hui totalement bloqué. Les impasses et les changements de rythme vertigineux des processus graduels, leur revirement soudain et brusques transformations, caractérisent la situation. Nous nous trouvons dans une période de révolution et de contre-révolution, dans laquelle l’être humain se débarrasse de sa vieille enveloppe qui ne suffit plus aux besoins, dans ce cas le capitalisme. Des siècles auparavant, les révolutions prenaient la forme de déménagements massifs de population et par la suite, de guerres religieuses. Malgré les passions religieuses avec lesquelles elles étaient couplées, à ce moment-là aussi les conditions matérielles étaient la force motrice derrière ces processus. Que ce soit maintenant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ou bien en Chine, aux États-Unis, au Chili ou en Europe méridionale, les mouvements qui se sont déroulés cette année et sont toujours en cours, sont un dérivé direct de la Grande Récession.
47. De puissants groupes médiatiques, une oppression dictatoriale brutale et la mesquinerie religieuse ne pouvaient pas empêcher le fait que les conditions matérielles ont finalement poussé les masses à surgir sur la scène politique. Cela s’est produit contre toute attente de la part des dirigeants locaux et de leur large appareil policier, de l’impérialisme et aussi des militants locaux. Mohammad Bouazizi n’était certainement pas le premier jeune chômeur en Tunisie à s’être immolé en guise de protestation contre le manque de perspectives. Sa mort a été la goutte qui a fait déborder le vase. En fait, quelque chose couvait déjà sous la surface depuis le grand mouvement de grève dans les mines de Gafsa en 2008. À ce moment là, Ben Ali était encore parvenu à isoler et étouffer le mouvement. Cela avait aussi à voir avec les bonnes relations que les dirigeants de la fédération syndicale UGTT entretenaient depuis des années avec la dictature. Le RCD (Rassemblement constitutionnel démocratique, le parti de Ben Ali) n’a été que le 17 janvier expulsé de l’“Internationale socialiste”, trois jours après la démission de Ben Ali.
48. Les 500 000 syndicalistes ne sont cependant pas restés insensibles avant l’explosion sociale qui s’est répandue à partir du 17 décembre à vitesse grand V de Sidi Bouzid à tout le reste du pays. Malgré le fait que la direction nationale ait menacé de poursuite judiciaire, les sections locales et régionales ont pris part aux protestations et ont souvent offert un cadre organisateur. En une semaine, les dissidents avaient gagné toutes les sections. Les protestations se faisaient de plus en plus bruyantes. Le régime a réagi avec une répression brutale, mais le mouvement avait surmonté sa peur. Cela a causé la division au sein de la clique dirigeante. Au final, même l’armée a dû être retirée de Tunis de sorte qu’elle ne soit pas contaminée. Les troupes de sécurité ont tenté de créer le chaos afin de discréditer le mouvement et de le diviser. Dans les quartiers, des comités de sécurité ont été établis en réponse à cela, et ensuite des comités pour le démantèlement du RCD, des comités pour le ravitaillement, etc. Les dirigeants d’entreprise se voyaient refuser l’accès à leur entreprise en raison de leurs liens avec le régime de Ben Ali.
La révolution enfle
49. Les marxistes décrivent une telle situation comme une situation de “double pouvoir”. Pour la bourgeoisie et l’impérialisme, il fallait supprimer le pouvoir de la rue et à nouveau canaliser le pouvoir vers ses institutions fiables. Pour le mouvement en Tunisie et pour le mouvement ouvrier international, il s’agit de ne plus laisser ce pouvoir s’échapper. De cela découle notre appel à élargir les comités, à les structurer de manière démocratique, et à les réunir sur les plans local, régional et national afin de poser la base pour une nouvelle société, avec une nouvelle constitution révolutionnaire. Un petit parti révolutionnaire de quelques dizaines de militants aurait pu changer le cours de l’Histoire avec un tel programme. Cela n’était hélas pas le cas. Les partis et groupes de gauche qui y étaient bien présents, ont choisi soit un soutien critique au gouvernement temporaire, soit d’orienter le mouvement vers les urnes et d’attribuer la question de la constitution à un comité pluraliste de “spécialistes”.
50. Leur argument a été le classique « D’abord la démocratie, et puis on verra après pour le socialisme ». Il y a toujours bien une raison : pour ne pas défier l’impérialisme, pour conserver l’unité des démocrates, ou parce que les masses n’étaient pas prêtes. Cela reflète un manque de confiance dans le mouvement ouvrier et dans la capacité des masses. Ils ont laissé passer le moment. Les comités ont néanmoins été rapidement imités en Égypte et d’ailleurs aussi en Libye. En Égypte, est arrivée la construction de camps de tentes permanents qui fonctionnaient comme quartier général de la révolution. Cela a été un exercice en autogestion avec leurs propres équipes média, équipes communication, service d’ordre et même à un moment donné une prison improvisée. Ici il n’y avait aucune trace de la bestialité de la clique dirigeante. Ici il semblait clair que les soi-disant groupes de lynchage étaient l’oeuvre d’agents provocateurs du régime. Les coptes et musulmans égyptiens y travaillaient de manière fraternelle les uns avec les autres et se protégeaient les uns les autres pendant les services religieux. Ce n’est que par après que le vieux régime, via l’armée, a pu reprendre un peu plus de contrôle, que les tensions religieuses se sont à nouveau enflammées.
51. C’était une caractéristique frappante du mouvement qu’il ait pu transcender les contradictions nationales, religieuses, tribales et ethniques avec un énorme sentiment de respect et de liberté. Ce sentiment pour le respect s’est également exprimé dans le rôle proéminent des femmes. Il y avait évidemment divers degrés, mais ce phénomène s’est produit dans toutes les révolutions, que ce soit en Tunisie, en Égypte mais aussi au Bahreïn, au Yémen, en Syrie et dans d’autres pays de la région. Dans chaque révolution, il y a des moments où les masses partent en confrontation directe avec l’élite dirigeante. La plupart prennent la forme d’une marche sur le parlement, le palais présidentiel, le ministère de la Défense, et autres institutions qui symbolisent le pouvoir dirigeant. Cela s’est passé à Tunis, au Caire, à Sana’a (Yémen), et à Manamah (Bahreïn). C’était ici que le manque d’un programme c’est exprimé de la manière la plus criante. Une fois arrivés sur place, les manifestants ne savaient en effet plus par quoi d’autre commencer. Ils restaient à trépigner sur place, puis finissaient par rentrer chez eux.
52. Trépigner sur place, ce terme a parfois été pris de manière très littérale. L’occupation de la place Tahrir, de la place Parel (à Manamah), et de tant d’autres places symbolise ceci. On sentait par intuition qu’on ne pouvait pas simplement rester là. Les travailleurs occupaient leurs entreprises, les communautés avaient pris le contrôle de leur quartier, mais le moment de la prise du pouvoir, ils l’ont laissé filer. On a estimé la contribution des travailleurs sans doute importante, tout comme celle des mosquées ou des bloggers, mais la révolution, celle-ci appartenait au “peuple”. Le caractère de classe de la société n’avait pas assez pénétré. On s’est battu contre le chômage et la pauvreté, pour de meilleures conditions sociales, pour la liberté et pour la démocratie, mais on n’a pas encore compris que c’est contre l’organisation capitaliste de la société qu’il faut lutter si on veut tout cela. On a vu les travailleurs comme une partie de la population, pas encore comme avant-garde d’une nouvelle organisation de la société sur base de la propriété collective. Les travailleurs eux-mêmes ne se voyaient pas comme ça, parce qu’il n’y avait aucune organisation ouvrière, aucun syndicat et encore moins de partis qui puissent ou qui veuillent donner une expression à cela en termes de programme et d’organisation.
53. Dans une telle situation, le vieux pouvoir, après avoir fourni les quelques sacrifices symboliques exigés, rétablit petit à petit son emprise. Les masses ont cependant développé une énorme énergie, ont surmonté leur peur, et sont devenues conscientes de leur propre force. En outre, les conditions matérielles vont continuer à les encourager à chaque fois à rentrer en action de nouveau. Une chance énorme a été perdue, mais la lutte n’est pas terminée. La prise du pouvoir n’est plus en ce moment en tête de liste à l’ordre du jour, mais la construction de syndicats, de partis ouvriers et surtout aussi de noyaux révolutionnaires, n’est pas seulement nécessaire, mais sera beaucoup mieux compris par la couche la plus consciente. De plus, une couche de militants va observer de manière beaucoup plus attentive les nuances qu’elle avait encore considérées comme peu importantes pour le mouvement.
L’impérialisme reprend pied dans le pays
54. L’impérialisme était encore en train de mener une guerre d’arrière-garde avec les partisans d’Al-Qaeda, lorsque les masses ont jeté par-dessus bord ses pantins dans la région et ont ainsi réalisé en quelques semaines ce qu’al-Qaeda n’a jamais pu faire. Il a perdu tout contrôle. Les masses dans la région étaient d’ailleurs très conscientes du fait que Moubarak, Ben Ali et autres dictateurs étaient maintenus en place par l’impérialisme. Il a fallu la brutalité du régime de Kadhafi en Libye pour que l’impérialisme puisse à nouveau prétendre jouer un rôle dans la région. Au début, les jeunes de Benghazi, qui avaient commencé la révolution, avaient laissé savoir à la presse internationale qu’ils ne souhaitaient aucune ingérence de la part de l’impérialisme. Bientôt apparaissaient cependant les drapeaux royalistes et des chefs rebelles autoproclamés, ex-laquais de Kadhafi, partaient rendre visite à l’Élysée.
55. Kadhafi a sauté sur l’occasion pour semer le doute quant aux objectifs des rebelles. Cela lui a donné la possibilité d’infléchir le conflit social et politique en un conflit militaire, avec sa propre armée armée jusqu’aux dents. À l’est du pays, cela a fait croitre l’appel à un soutien militaire d’Occident, et les ex-laquais de Kadhafi ont vu leur chance pour pouvoir arracher l’initiative hors des mains de la jeunesse révolutionnaire. Cela a duré plus longtemps et couté plus cher que l’impérialisme avait prévu au départ. Il est loin d’être sûr qu’ils parviendront à stabiliser la situation. La Libye pourrait bien devenir le seul pays de la région dans lequel le fondamentalisme islamiste parvienne à accéder au pouvoir. Il y aura bien des courants qui ainsi justifieront leur soutien à Kadhafi. Ils affirmeront que l’entrée triomphale du “libérateur” Sarkozy, est une mise en scène. C’est d’ailleurs bien possible. Ils s’apercevraient cependant mieux que Sarkozy et l’impérialisme n’auraient pas pu prendre l’initiative sans la brutalité de Kadhafi.
56. Le président syrien, Assad, a suivi dans les traces de Kadhafi. L’impérialisme ne va pas y intervenir aussi rapidement, à cause du danger de déstabiliser la région. Il est cependant certainement à la recherche d’une alternative à Assad, sans doute en préparation du résultat d’une probable guerre civile. Ici aussi un soutien, même critique, au régime brutal d’Assad, en guise de ce qui voudrait passer pour une rhétorique anti-impérialiste, serait une faute capitale pour la gauche et ne ferait que pousser les masses dans les bras de l’impérialisme. La manière dont l’impérialisme en revanche est déjà ouvertement en train de se partager le butin en Libye, même avant que Kadhafi ne soit renversé, illustre à nouveau le fait que le mouvement ouvrier international ne peut jamais donner la moindre confiance en l’impérialisme, et donc pas non plus ni à l’OTAN, ni à l’ONU, pour défendre ses propres intérêts. Dans nos textes, nous faisions allusion aux troupes révolutionnaires de Durruti en 1936, pendant la Révolution espagnole, afin d’illustrer ce qui aurait pu être entrepris dans une telle situation.
Révolution permanente
57. On ne peut pas être socialiste, si on n’est pas en même temps internationaliste. Les mouvements sociaux ont toujours eu une tendance à passer outre les frontières nationales. Le processus de mondialisation et les nouveaux médias ajoutent une dimension supplémentaire à cela. En Chine, le régime a pris des mesures pour étouffer dans l’oeuf toute contagion par le mouvement au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Au Chili aussi, mais avec beaucoup moins de succès. Même les travailleurs et jeunes américains grèvent désormais “like an Egyptian”, entre autres au Wisconsin. Ils construisent des campements en plein dans l’antre du lion, à Wall street, et n’ont plus peur de la répression. Les syndicats sont de plus en plus impliqués. Même les travailleurs et jeunes israéliens ont donné une claque à tous ceux qui pensaient que dans ce pays vivait une grande masse réactionnaire sioniste. Cela confirme notre thèse selon laquelle le fossé entre la bourgeoise sioniste et les travailleurs et jeunes israéliens s’approfondit. Pour les masses palestiniennes, voilà leur allié le plus important.
58. Le centre du mouvement est clairement passé de l’Amérique latine au Moyen-Orient, à l’Afrique du Nord et surtout à l’Europe. L’Amérique latine a déjà servi dans les années ’80 de laboratoire pour le néolibéralisme. Cela y a mené à des mouvements de masse. Dans toute une série de pays, comme au Venezuela, en Bolivie, et en Équateur, sont arrivés au pouvoir des régimes dont les agissements n’ont pas été du gout de l’impérialisme. Ils se sont en général basés sur un populisme de gauche, ont pris tout une série de mesures sociales importantes, et malgré le fait qu’aucun d’entre eux n’ait complètement rompu avec le capitalisme, ils ont été une source d’inspiration pour de nombreux travailleurs partout dans le monde.
Révolte en Europe
59. Les recettes que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international gardaient pour le “tiers monde”, ont été après la crise de 2008 appliquées pour la première fois dans un État-membre de l’UE, d’abord dans les nouveaux, puis dans les plus anciens. Comme cela était encore requis, cela a été le test ultime de la loyauté de la social-démocratie envers la politique néolibérale. Elle a réussit avec la plus grande distinction. La réaction du mouvement ouvrier ne s’est pas fait attendre. Il y a eu des manifestations et des grèves massives en protestation contre l’austérité illimitée dans presque chaque pays de l’Union européenne. Ce n’est pas la combativité qui manque. La stratégie des dirigeants syndicaux a cependant en général été un plaidoyer en faveur d’une austérité moins dure, d’une répartition plus équitable des pertes et d’une austérité qui n’entrave pas la croissance. Toute action a été aussi freinée et sabotée que possible. Malgré le fait que l’austérité touche tous les secteurs, les mouvements spontanés ont été isolés autant que possible. Aucune perspective n’a été offerte quant à une possibilité de victoire. C’est comme si on fait grève et manifeste, seulement pour confirmer que l’on n’est pas d’accord avec la politique d’austérité mise en oeuvre, mais sans mot d’ordre clair, sans parler d’une alternative.
60. Ici et là les directions syndicales ont été obligées d’appeler à des grèves générales. Mais ce surtout des grèves appelées en vitesse et d’en haut qui, malgré la participation massive, sont peu ou pas du tout préparées, et qui ne sont pas orientées vers la construction d’un véritable rapport de force. En général ils servent tout au plus à laisser échapper de la vapeur. Dans ces mobilisations, les travailleurs sentent leur force potentielle, mais réalisent qu’il n’y a aucune stratégie derrière elles afin d’assurer une victoire. En Grèce, nous sommes entretemps à la 12ème journée de grève générale, mais le gouvernement n’a pas été ébranlé d’un millimètre. Cela mène à la frustration envers les dirigeants, qui sont désormais déjà aussi fortement haïs par leur base que les politiciens qui appliquent l’austérité. Certaines centrales qui adoptent une attitude plus combative, telle que la FIOM (Federazione Impiegati Operai Metallurgici – Fédération des ouvriers salariés métallurgistes), la centrale des métallos en Italie, membre de la CGIL (Confederazione Generale Italiana del Lavoro), ou bien quelques syndicats britanniques dans les services publics comme le PCS et le RMT (le Public and Commercial Services union et le National Union of Rail, Maritime and Transport Workers), peuvent cependant compter sur une approbation enthousiaste. Aux Pays-Bas, il n’est pas exclu que l’on voie une scission entre la FNV (Federatie Nederlandse Vakbeweging – Confédération syndicale néerlandaise) et ses deux plus grandes centrales, la FNVbondgenoten (centrale de l’industrie) et la Abvakabo (Algemene Bond van Ambtenaren / Katholieke Bond van Overheidspersoneel – Centrale générale des fonctionnaires / Centrale chrétienne du personnel étatique) sur base de la question des pensions. Nous pouvons nous attendre à ce que la lutte de classe dans la période à venir se répande également au sein des structures syndicales, avec l’expulsion des militants combatifs, mais aussi le remplacement des vieux dirigeants usés par de nouveaux représentants plus combatifs.
61. Les attaques sont cependant si dures et si généralisées que de nombreux jeunes et aussi de nombreux travailleurs ne peuvent ou ne veulent pas attendre que les choses soient réglées à l’intérieur des syndicats. Certains ne croient tout simplement plus en le fait que les syndicats puissent encore un jour devenir un instrument de lutte, encore moins pour pouvoir obtenir un véritable changement. Il faut dire que les dirigeants ne font pas le moindre effort pour réfuter cette impression. On dirait bien qu’ils sont heureux d’être libérés de ce fardeau. Toute une série de jeunes et de travailleurs se reconnaissent dans le mouvement de la place Tahrir. Ils croient que les syndicats et les partis sont des instruments du siècle passé, qui par définition mènent à la bureaucratie, aux abus et à la corruption, et que maintenant une nouvelle période est arrivée, celle des réseaux et des nouveaux médias. Il faut bien dire que ces réseaux peuvent être exceptionnellement utiles aux syndicalistes aussi, afin de pouvoir briser la structure verticale bureaucratique au sein de leurs syndicats.
62. Les nouvelles formations de gauches sont encore moins parvenues à apporter une réponse. Elles devraient se profiler en tant que partis de lutte qui formulent des propositions afin d’unifier tous les foyers de résistance et de contribuer à l’élaboration d’une stratégie qui puisse mener à une victoire. Au lieu de cela, ces nouvelles formations, dans le meilleur des cas, se contentent de courir derrière le mouvement. Elles voient la lutte sociale non pas comme un moyen de mobiliser de larges couches pour une alternative à la politique d’austérité, mais espèrent uniquement obtenir de bons scores électoraux sur base du mécontentement. C’est une grave erreur de calcul. Elles se profilent en tant qu’aile gauche de l’establishment politique, comme le Bloco de Esquerda au Portugal, qui ne va pas plus loin que la revendication de la renégociation de la dette, ou comme le PCP (Parti communiste portugais), qui ne dénonce que la répartition injuste de l’austérité. La plupart de ces nouvelles formations de gauche, comme Syriza en Grèce, le SP hollandais, ou Die Linke en Allemagne, viennent maintenant d’effectuer un virage à droite. Tandis que le monde se retrouve sens dessus-dessous, le NPA est hypnotisé par les prochaines élections présidentielles.
63. En intervenant avec tact dans le mouvement des indignados et autres mouvements qui prennent place en-dehors des mouvements sociaux traditionnels, ces nouvelles formations de gauche pourraient convaincre ces jeunes du fait qu’il ne faut pas faire l’amalgame entre la légitime aversion envers les politiciens et les dirigeants syndicaux et la base syndicale, et de la manière dont fonctionnerait un parti démocratique de la classe ouvrière. Au lieu de cela, elles restent absentes, ou participent à titre individuel. Il y a pourtant besoin d’une coordination entre les différents mouvements de protestation et d’une orientation vers la seule classe qui puisse réaliser le changement de société, la classe ouvrière. Il n’y a pas de meilleur moment pour discuter et mobiliser autour de la seule revendication capable de mettre un terme à la casse sociale : la fin du remboursement de la dette aux banques. Ce n’est que par la nationalisation des secteurs-clés de l’économie, et en particulier du secteur de la finance, sous le contrôle démocratique du personnel, que la collectivité pourra mobiliser l’ensemble des forces productives dans la société et accorder un emploi et un salaire décent pour chacun.
64. Les mouvements en-dehors des structures officielles sont très explosifs, mais ils ont aussi la tendance à rapidement s’éteindre. Les énormes contradictions et les attaques continues de la part de la bourgeoisie engendrent cependant toujours plus de nouveaux foyers. Il y a des similitudes avec le mouvement antimondialisation du début de ce millénaire. C’était surtout un mouvement contre la répartition inéquitable, mais de manière abstraite, la partie officielle du mouvement oeuvrait surtout à des issues afin de tempérer le “capitalisme sauvage”. Les dirigeants syndicaux ont soutenu, tout comme les ONG, tandis que les travailleurs étaient plutôt observateurs que participants actifs. La crise économique est maintenant présente de manière bien plus proéminente. Le mouvement exprime des questions qui portent sur le système lui-même. Ce n’est plus seulement une protestation, mais aussi un appel au changement. Les travailleurs ne sont plus observateurs, mais participants actifs. Les dirigeants syndicaux, les ONG et les universitaires ne jouent clairement plus le même rôle central. Cela concerne maintenant nos emplois, nos salaires, nos vies. La volonté de changement et la composition sociale du mouvement mène également à la recherche d’une alternative. C’est la caractéristique la plus importante.
65. Il est clair que les jeunes et les travailleurs adoptent de manière intuitive une position internationaliste. La crise frappe partout. Il n’y a aucune solution possible dans le cadre d’un seul pays. Même si le CIO n’a pas partout les quantités numériques que nous avions au milieu des années ’80, notre poids relatif à l’intérieur du mouvement ouvrier organisé est aujourd’hui plus fort qu’à ce moment-là. Nous avons des militants dans la plupart, si pas dans tous les pays où les travailleurs et les jeunes sont en mouvement, certainement en Europe. Dans un certain nombre de pays, nous jouons un rôle important, quelquefois décisif au sein des syndicats ou dans les mouvements étudiants. Nous avons la chance de disposer d’une série de figures publiques saillantes, aussi de parlementaires, y compris dans le Parlement européen. Nous devons saisir cela afin de recadrer notre lutte à l’intérieur de celle pour une fédération socialiste des États d’Europe.
66. La faiblesse de la gauche peut mener à des actes de désespoir tels que les émeutes au Royaume-Uni, que la droite ne se prive pas d’utiliser pour susciter un soutien social en faveur de plus de répression. Le populisme de droite va utiliser la défaillance de la gauche et le plaidoyer pour une austérité plus douce pour se projeter en tant que soi-disant barrage contre la casse du bien-être de la population autochtone travailleuse. La période à venir va cependant faire pencher le pendule plus à gauche. Le mouvement que nous avons vu jusqu’à présent n’est qu’un signe avant-coureur de nouvelles explosions de masses, dans lesquelles le mouvement ouvrier va se réarmer politiquement et organisationnellement. Même une poignée de socialistes de lutte tenaces et bien préparés peut jouer un rôle déterminant dans cela. La faillite de l’Argentine en 2001 a mené à des mouvements de masse. En 18 mois, il y a eu 8 grèves générales. Puis on suivi des occupations d’entreprise. Les jeunes chômeurs, les piqueteros, construisaient chaque jour des barricades dans les rues. Les classes moyennes qui voyaient leurs économies s’évaporer sont descendues en masse dans les rues avec des pots et des casseroles, les carcerolazos, comme on les a appelés. Le 19 décembre 2001, des masses de chômeurs et de travailleurs précaires ont attaqué les supermarchés pour satisfaire leur faim. Le gouvernement a appelé à l’état d’urgence. Un jour plus tard, a eu lieu une confrontation de dizaines de milliers de manifestants avec la police. Il y a eu des dizaines de morts, et des centaines de blessés. En deux semaines, se sont succédé cinq présidents.
67. Hélas, il manquait un parti révolutionnaire avec une alternative socialiste. Lorsque le mouvement social s’est terminé dans une impasse, beaucoup de gens se sont concentrés sur le terrain électoral. Luis Zamora, un ex-trotskiste avec un soutien de masse, n’aurait pas gagné les élections, mais a pu avoir utilisé son influence dans les élections pour mobiliser des milliers de travailleurs et de jeunes et avoir fait un début avec la construction d’un parti ouvrier socialiste. Zamora a hélas décidé de ne pas participer et s’est mis de côté dans cette lutte. Le contexte international dans lequel ce mouvement a pris place était cependant du point de vue de la bourgeoisie bien plus stable qu’aujourd’hui. De la même manière, nous pouvons nous attendre dans les années à venir à des mouvements explosifs qui peuvent prendre toute une série de formes possibles et de plus, auront un bien plus grand effet international. De temps à autre, ce mouvement se traduira plutôt sur le plan électoral, comme avec l’élection des cinq parlementaires de l’Alliance de gauche unie en Irlande. Pour nous, la lutte ne s’arrête pas là, mais il s’agit d’employer ce terrain aussi au maximum et d’utiliser les positions conquises en tant que tribune pour renforcer la lutte sociale.
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Une bonne contribution aux discussions sur un nouveau projet de gauche
Depuis fin septembre, le nouveau livre d’Erik De Bruyn est disponible dans les librairies flamandes. De Bruyn s’est fait connaître avec sa candidature à la présidence du SP.a, le parti social-démocrate flamand, en 2007, où il avait obtenu 33% des votes contre Caroline Gennez. Quatre ans plus tard, De Bruyn continue, avec ‘Rood’, en dehors de la social-démocratie. Son nouveau livre est une bonne occasion de mener le débat concernant le projet de gauche qu’il nous faut. Même si ce livre n’existe qu’en néerlandais, nous pensons qu’il est utile de publier notre critique dans les deux langues, car il s’agit d’une contribution au débat entourant l’ouvrage.
Par Bart Vandersteene, membre de la direction de Rood
Ce livre donne un aperçu du fonctionnement interne du SP.a et des possibilités très limitées pour construire une opposition de gauche au sein de la social-démocratie. Malgré son bon résultat en 2007, les portes étaient fermées pour De Bruyn au bureau du parti (au niveau national ou régional) de même que pour une place éligible aux élections.
En avril de cette année, SP.a-Rood a décidé de quitter le parti. ‘‘Juste au moment où l’opinion publique se lance contre l’establishment, le parti ne réussit pas à capter l’esprit et se trouve de l’autre côté des barricades’’ (p.75). Nous pensons que cette méfiance et cette aversion contre l’élite datent de plus longtemps déjà et qu’elles se sont longtemps orientées contre le SP.a, un parti qui a participé au pouvoir (à différents niveaux) depuis 1988 et qui, au fur-et-à-mesure des années, cache de moins en moins qu’il défend une variation de la même politique néolibérale en faveur des riches et puissants. Cela a conduit depuis longtemps à l’existence d’un vide politique à gauche.
La décision de quitter le SP.a a eu un bon impact sur le contenu du livre. De Bruyn est plus clair dans ses analyses du capitalisme et au sujet de la nécessité d’une alternative socialiste. Les mouvements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont aussi eu un effet contagieux sur Erik. Cependant, nous sommes en désaccord avec certaines de ses conclusions. Il va trop loin dans le rejet des formes organisées de la politique par les jeunes espagnols. L’aversion légitime contre les partis traditionnels ne met pas de côté la nécessité d’un parti démocratique des travailleurs et des jeunes.
‘‘La démocratie et la participation doivent être des réflexes de chacun à chaque niveau. La démocratie et la participation sont beaucoup trop importants pour les externaliser à de soi-disant experts qui en font leur profession (…) L’avenir appartient aux réseaux, aux structures participatives.’’ (p. 197) Les réseaux sont utiles, mais pour un engagement à plus long terme, approfondi et démocratique avec des procédures de décision et des structures, il nous faut autre chose. L’absence de parti large de la classe ouvrière ne signifie pas qu’il y a ‘‘une ère post-parti politique’’.
Erik De Bruyn a des doutes concernant l’appel ‘pour un nouveau parti des travailleurs’, un appel soutenu par le PSL depuis les années 1990. ‘‘Les solutions socialistes sont rejetées par l’opinion publique comme étant irréalistes (…) L’affaire ne peut pas être résolue simplement par la création d’un nouveau parti des travailleurs. La gauche doit s’orienter envers des couches plus larges, sans tomber dans un discours du centre. La crise touche les travailleurs, mais aussi les cadres, les indépendants et les petits entrepreneurs.’’ (p. 93) La gauche doit ‘‘aller plus loin que le concept dépassé du ‘nouveau parti des travailleurs’. D’un côté l’élément d’un parti des travailleurs doit être mis en avant, mais de l’autre côté il doit être beaucoup plus audacieux que ça.’’ (p. 189)
La crise capitaliste frappe partout et toutes les couches de la société. Les cadres et les petits indépendants reçoivent aussi quelques gifles. Certains cadres sont mis de côté, comme tous les travailleurs. Des petits entrepreneurs ne tiennent pas le coup dans la compétition avec les grandes chaînes et les multinationales. Ils sont aussi menacés par les parasites tels que les banques et Electrabel. La seule façon d’y échapper, c’est de suivre la seule classe dans la société qui peut édifier une autre organisation sociale. C’est la classe ouvrière. Bien sûr, un ‘parti des travailleurs’ sera ouvert à d’autres couches, mais dans sa composition et son programme – dans son caractère – il doit être un ‘parti des travailleurs’, avoir un caractère et des méthodes ouvrières.
Il y a clairement un nombre de sujet sur lequel nous avons des désaccords avec Erik. Il limite ses revendications à ce qui est possible dans le cadre du capitalisme. Nous pensons que cela conduit à des dangers. Cela explique probablement pourquoi Erik continue à répandre des illusions dans le socialisme ‘réinventé’ en Amérique-Latine. Malgré des réformes positives au Venezuela et en Bolivie, Chavez et Morales refusent surtout de rompre fondamentalement avec la logique capitaliste. Cela conduit à une impatience et à une frustration croissantes parmi les masses, de même que la menace de la contre-révolution. Une réponse socialiste part des besoins concrets et essaie de les lier en revendications et slogans concrets avec la nécessité d’un changement fondamental de société. Le manque d’un tel programme est néfaste pour les nouveaux partis de gauche dans des pays dans l’œil du cyclone, comme pour le Bloc de Gauche au Portugal.
Dans sa critique des dictatures staliniennes, Erik écrit que la chute des ces régimes est due à ‘‘l’absence de deux facteurs : la démocratie et le marché.’’ L’élément important du ‘socialisme dans un pays’ est oublié dans le texte. Ce qu’Erik veut dire avec ‘absence de marché’ est un mystère pour nous. Que tous les secteurs clés deviennent tout de suite gratuits et soient donc en dehors de la sphère d’échange économique, comme l’enseignement et les soins de santé, nous semble évident. Est-ce qu’Erik trouve que l’Union Soviétique est allée trop loin? Lorsque nous parlons du ‘marché’, il ne s’agit en général pas de l’organisation de la consommation (comme avec le marché du dimanche matin) mais de la production (le ‘libre marché’). Avec l’économie planifiée nous n’entendons pas l’expropriation des petits commerçants, mais bien des secteurs clés de l’économie. Est-ce que ces secteurs doivent être gérés par un régime public ou laissés au ‘libre marché’ pour que les capitalistes puissent prendre les meilleurs morceaux et les profits ? Est-ce qu’Erik trouve que le marché aurait dû jouer un rôle plus important ?
Les propositions du livre pour des réformes d’Etat nous semblent faibles, sans toucher aux intérêts de l’élite économique et politique actuelle. L’approche sur la société multiculturelle et le port du voile reste également un point de discussion et de désaccord.
Malgré ces critiques, nous trouvons dans ce livre une impulsion importante à la discussion sur la construction d’un nouveau projet de gauche. Nous recommandons le livre et voulons utiliser cette occasion pour mettre en avant nos différences de manière ouverte et honnête. Le fait que Rood veut constituer un mouvement large et ouvert avec en son sein diverses organisations et positions politiques est enrichissant.
Enfin, encore un avertissement vis-à-vis d’une confiance trop exagérée dans les nouveaux médias. Erik propose une ‘‘plate-forme participative sur l’internet’’ pour ‘‘utiliser la connaissance et l’expertise collective des gens, comme précurseur d’une société socialiste radicalement démocratique et autogérée’’ (p. 191). Nous pensons que les outils de communications offrent de grandes opportunités, mais ils ne peuvent pas remplacer une réelle participation dans les discussions et les réunions. Une participation politique à l’ordinateur semble accessible, mais c’est beaucoup moins contraignant, plus volatile et il y manque un élément important : la dynamique démocratique de groupe.
‘La rédaction de Lutte Socialiste vend le livre ‘De terugkeer van de dwarsliggers’ à 14 euros (et 3,5 euros d’expédition). Dans les librairies, le livre est vendu à 17,5 euros. Commandez ce livre en versant sur le n° de compte de Socialist Press 001-3907596-27 avec ‘De Bruyn’ en mention.
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[DOSSIER] Hausse des prix: Une réponse socialiste
En février, nous avons payé nos achats en moyenne quasiment 3,4% plus cher que l’an dernier, la plus forte augmentation de l’inflation depuis octobre 2008. Grâce à l’indexation automatique des salaires, cela sera heureusement compensé – avec retard et de façon partielle seulement. Mais juste au moment où cette indexation doit nous protéger de la perte de pouvoir d’achat, le patronat lance son offensive. Il peut compter sur l’appui des institutions internationales. Quelle est la réponse socialiste face aux hausses des prix ?
Par Eric Byl
Comment expliquer les hausses des prix?
Souvent, on associe la crise aux hausses des prix ou à l’inflation. C’est pourtant l’inverse en général. Les crises vont de pair avec des baisses de prix, la déflation, alors que les reprises s’accompagnent d’une hausse de l’inflation. En temps de crises, lorsque les produits se vendent plus difficilement, les patrons ont tendance à baisser les prix. Ils diminuent les coûts de production, surtout les salaires, ou se contentent d’une marge de profit plus restreinte. Lors de la reprise, ils essayent alors de vendre à des prix plus élevés afin de rehausser la marge de profit. Dans un monde où l’offre et la demande s’adapteraient de façon équitable, les prix évolueraient de façon assez stable autour de la valeur réelle du produit, c.à.d. la quantité moyenne de temps de travail nécessaire pour produire la marchandise, de la matière première au produit fini.
Mais le monde réel s’accompagne de changements brusques, avec des accélérations soudaines et des ralentissements abrupts. La nature ellemême connait de nombreux caprices. De mauvaises récoltes en Russie et en Ukraine, pour cause de sécheresse, ont contribué à faire augmenter les prix de la nourriture. Un système de société peut tempérer ces caprices, les corriger, mais aussi les renforcer. Les incendies de forêts, les tempêtes de neige, les inondations, les tremblements de terres et les tsunamis s’enchaînent, avec en ce moment au Japon la menace d’une catastrophe nucléaire. Nous ne connaîtrons avec certitude la mesure exacte de l’impact humain sur le réchauffement de la planète qu’au moment où la recherche scientifique sera libérée de l’emprise étouffante des grands groupes capitalistes. Mais que la soif de profit pèse sur l’être humain et son environnement, conduit à la négligence des normes de sécurité et à des risques inacceptables, le PSL partage avec beaucoup cette conviction.
La Banque Mondiale estime que la hausse des prix de l’alimentation a, depuis juin 2010, poussé 44 millions de personnes en plus dans l’extrême pauvreté. Son index des prix de l’alimentation a gagné 15% entre octobre 2010 et janvier 2011. Diverses raisons sont citées: la croissance démographique dans les régions pauvres, la demande de biocarburants, la sécheresse, les inondations et d’autres catastrophes naturelles, la faillite de paysans africains face à la concurrence des excédents agricoles de l’occident, la spéculation qui accélère les hausses des prix. La hausse des prix de l’alimentation et la montée du coût de la vie ont constitué des éléments primordiaux dans les révolutions au Moyen- Orient et en Afrique du Nord.
Le seul système qui fonctionne?
L’establishment prétend que le capitalisme est le seul système de société qui fonctionne. La noblesse féodale et les esclavagistes avant elle prétendaient de même à leur époque concernant leurs systèmes. Chaque système fonctionne, il n’existerait pas sinon. Il répond toujours à un certain degré de développement de nos capacités productives. Dès qu’un système de société devient un frein à l’application de savoirs scientifiques et techniques, il provoque le chaos plutôt que le progrès. C’est alors que le moteur de l’histoire se déclenche; la lutte des classes.
Brûler des combustibles fossiles est un gaspillage de richesses livrées par des processus naturels qui ont pris des millions d’années, et c’est catastrophique pour notre environnement.
Nous le savons depuis plusieurs dizaines d’années. Mais depuis ce temps, la recherche scientifique concernant les sources d’énergies alternatives est sabotée par les fameuses ‘’sept soeurs’’, les sept sociétés pétrolières les plus grandes au monde. Des moteurs actionnés par hydrogène, énergie solaire et éolienne, masse bio, etc. sont trop menaçants pour leurs profits. Au lieu d’orienter la recherche vers les énergies renouvelables, elle a pratiquement été exclusivement consacrée au développement du nucléaire ‘’bon marché’’. Avec la ponctualité d’une horloge, nous sommes rappelés à la réalité des dangers de cette technologie.
Ce n’est pas une surprise si la demande d’énergie augmente. On aurait pu investir depuis longtemps pour des économies d’énergie et dans le développement de sources d’énergie renouvelables. Mais ce n’est pas ainsi que fonctionne le capitalisme.
Les investisseurs privés ne sont intéressés que s’ils peuvent récupérer à cout terme leur investissement, avec une bonne marge de profit. C’est valable pour les mesures d’économies d’énergie et pour l’énergie renouvelable tout autant que pour les combustibles fossiles plus difficiles à extraire, par exemple. Avec la spéculation, le manque d’investissements pour garantir une offre suffisante a été à la base de la forte envolée des prix du pétrole, jusqu’à atteindre 147$ le baril, il y a deux ans. La récession a fait retomber la demande et le prix, mais le problème a continué à proliférer. La perversité du capitalisme s’exprime dans la réaction des ‘‘marchés’’ face aux insurrections démocratiques contre les dictateurs corrompus au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les ‘‘marchés’’ craignent que la démocratie menace l’approvisionnement en pétrole. Au cas où la dictature en Arabie-Saoudite succomberait elle aussi, un prix de 200$ ou plus est à l’horizon pour le pétrole. Pour l’économie capitaliste mondiale, cela équivaudrait à une crise cardiaque.
Les prix de l’énergie et de l’alimentation en hausse en Belgique
Cette perversité du capitalisme échappe à ceux qui plaident pour la mise sous curatelle de l’indexation salariale en Belgique. Ils savent que les prix du pétrole et de l’alimentation sont en hausse partout dans le monde, ce qu’ils n’expliquent pas par le capitalisme, mais comme quelque chose qui nous tombe dessus tel un phénomène naturel. Ce ‘‘phénomène naturel’’ s’infiltre en Belgique. Les prix de l’énergie et de l’alimentation, surtout, ont augmenté en flèche ces derniers temps. Sans produits liés à l’énergie – le fuel, le diesel, le gaz et l’électricité – l’inflation serait plus basse de moitié.
La bourgeoisie belge préfère couper dans l’investissement pour le renouvellement de la production. Aujourd’hui, elle se trouve à la queue du peloton en termes d’investissements dans la recherche et le développement. Nos politiciens en sont le parfait miroir. Depuis des années, ils économisent sur les investissements nécessaires dans l’entretien des routes, des bâtiments scolaires, de l’infrastructure ferroviaire, etc.
Nous en subirons les conséquences des années encore. ‘’Si la politique énergétique de nos autorités ne change pas immédiatement, des coupures d’électricité se produiront, littéralement’’. C’était la conclusion d’une récente émission de Panorama. ‘’La Belgique manque d’électricité parce que nos gouvernements ont fait construire trop peu de centrales et parce que le réseau à haute tension qui devrait importer du courant supplémentaire n’a pas la capacité de répondre à la demande.’’ Mais GDF Suez, la maison mère d’Electrabel, a réalisé l’an dernier un profit record de 4,62 milliards d’euros.
Le secteur de l’énergie n’est pas le seul à manier des marges de profits indécentes. Selon le rapport annuel de l’observatoire des prix, les hausses des prix des matières premières mènent à des adaptations de prix exagérées en Belgique. En plus, cela n’est qu’à peine corrigé lorsque les prix des matières premières reculent. Toutes les chaines de supermarchés le font. Ce sont les prix des produits de base tels que les pommes de terre, les oignons, le fuel et le gaz qui haussent fortement. Des marchandises moins couramment achetées, comme les télévisions à écran 16/9e ou les PC, ont vu leur prix baisser.
Indexation des salaires, un acquis du mouvement ouvrier
Il existe des moyens de tempérer les caprices de la nature et du système capitaliste. La classe ouvrière en a arraché plusieurs durant le siècle précédent. Ainsi, après la révolution Russe de 1917 et la vague révolutionnaire qu’elle a engendrée, un index des prix à la consommation a été obtenu dès 1920 en Belgique. A l’origine, seul un nombre limité de conventions collectives avaient introduit l’indexation automatique des salaires. Mais après chaque grande grève, ce nombre s’est élargi.
Dans son Programme de Transition de 1938, Trotsky plaidait en faveur de l’échelle mobile des salaires, l’appellation contemporaine de l’adaptation automatique des salaires au coût de la vie, afin de protéger les foyers des travailleurs de la pauvreté. Parallèlement, il plaidait aussi pour l’introduction d’une échelle mobile des heures de travail, où l’emploi disponible est partagé entre tous les travailleurs disponibles, cette répartition déterminant la longueur de la semaine de travail. ‘’Le salaire moyen de chaque ouvrier reste le même qu’avec l’ancienne semaine de travail. La “possibilité” ou l’ “impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux toute la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste.’’
Après la deuxième guerre mondiale, le rapport de forces était favorable au mouvement ouvrier. Le système a graduellement été introduit dans tous les secteurs. Mais comme toute victoire du mouvement ouvrier, cet acquis aussi a été attaqué dès que le rapport de forces a commencé à se modifier. En 1962, le ministre des affaires économiques, Antoon Spinoy (PSB !) a essayé de retirer de l’index la hausse des prix des abonnements sociaux pour le transport public. En 1965, ce même gouvernement a à nouveau essayé, cette fois-ci avec le prix du pain. En 1978, de nouveau avec le PSB, le gouvernement a réussi à remplacer les produits de marques compris dans l’index par des produits blancs. En mars 1976, la loi de redressement de Tindemans – Declercq a aboli l’indexation pour la partie du salaire supérieure à 40.250 francs belges (1.006,25 euros). Cette mesure sera retirée en décembre, suite à la résistance de la FGTB.
La victoire du néolibéralisme à la fin des années ’70 et au début des années ’80 a conduit à des attaques systématiques contre le mécanisme de l’indexation. Le gouvernement de droite des libéraux et des chrétiens-démocrates a appliqué trois sauts d’index entre 1984 et 1986. A trois reprises, donc, l’indexation des salaires n’a pas été appliquée. Ceci continue encore aujourd’hui à agir sur les salaires. En 1994, le gouvernement de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates a retiré le tabac, l’alcool et l’essence de l’index ‘’santé’’. Depuis, dans divers secteurs, des accords collectifs all-in et saldo ont été introduits. Ces accords neutralisent en partie l’effet de l’indexation des salaires.
La Belgique est-il le seul pays où s’app lique l’indexation automatique des salaires ?
Dans certains secteurs de l’industrie aux États-Unis et en Grande-Bretagne, de tels accords étaient largement répandus jusqu’en 1930. En Italie, cela a été introduit dans les années ’70, mais a, depuis, été partiellement aboli. Au Brésil, au Chili, en Israël et au Mexique, l’indexation salariale a été abolie cette dernière décennie.
Aujourd’hui, l’indexation automatique des salaires ne s’applique plus qu’en Belgique et au Luxembourg. A Chypre, elle existe aussi, mais ne s’applique pas à tous les travailleurs. En Espagne, au Portugal, en Finlande, en Italie, en Pologne et en Hongrie, des mécanismes d’indexation salariale sont repris dans des accords de secteurs où dans des contrats individuels. En France, en Slovénie et à Malte, les salaires minimaux sont indexés.
D’abord produire, ensuite partager
Dans leurs attaques contre l’indexation automatique, les politiciens et les économistes bourgeois accentuent toujours qu’il faut ‘’d’abord produire les richesses avant de pouvoir les partager’’. Il faut raconter cela au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ! Tant Moubarak que ses fils Gamal et Alaa sont milliardaires. De l’ancien dictateur Tunisien Ben Ali et sa famille, il est connu qu’il dispose d’une fortune immobilière correspondant à une valeur de 3,7 milliards d’euros en France uniquement. Les barons du textile belge qui ont massivement délocalisé vers la Tunisie dans les années ’70 y sont devenus indécemment riches. Combien de richesses faut-il avant que le partage ne commence ?
Ce n’est pas de cela qu’ils parlent, mais bien des effets soi-disant pervers de l’indexation de salaires. Ainsi, l’indexation créerait selon Thomas Leysen dans Le Soir du 19 mars, une perception erronée de la marge salariale. L’économiste Geert Noels appelle cela ‘’le handicap concurrentiel automatique’’. Pour le professeur en économie Joep Konings (KULeuven) l’indexation automatique protège les habituels bien payés, mais complique l’accès aux emplois pour ceux qui n’en ont pas, puisque les entreprises seraient plus prudentes avant de recruter: ‘’Abolir l’indexation salariale automatique serait donc une mesure sociale.’’ Il rajoute qu’il faut l’accompagner de l’abolition de l’indexation des allocations sociales, au risque de voir la différence entre travailler ou ne pas travailler se réduire.
Unizo, l’organisation des petits patrons en Flandre, plaide en faveur de ‘’quelques sauts d’index’’. Le professeur Peersman (UGand) veut annuellement adapter le salaire aux objectifs de la Banque Centrale Européenne. Son collègue De Grauwe (KULeuven) veut retirer le coût de l’énergie importée de l’index. Wivina Demeester, ancienne ministre CD&V, plaide pour une indexation en chiffres absolus au lieu de pourcentages. Mais selon De Grauwe, cela rendrait le travail non qualifié relativement plus cher et aurait par conséquent un effet non souhaitable. La Banque Nationale s’en tient à mettre en garde contre une spirale salaire-prix où des hausses de prix entraineraient des augmentations salariales qui seraient compensées par de nouvelles hausses de prix et ainsi de suite. Ce n’est pas un nouvel argument. Elle veut nous faire croire que lutter pour des augmentations salariales n’a pas de sens.
Marx a déjà répondu à ces argument il y a 150 ans dans sa brochure ‘’Salaire, prix, profit’’ En réalité, le patron essaye d’empocher lui-même une partie aussi grande que possible de la valeur que nous avons produite. La peur de l’inflation n’a jamais freiné les patrons à empocher le plus de profits possibles. Avec un profit à hauteur de 16 milliards d’euros, une hausse d’un tiers comparée à 2009, les plus grandes entreprises belges disposent à notre avis de beaucoup de marge. En plus, des dividendes sont royalement versés aux actionnaires. Le producteur de lingerie Van de Velde, pour donner un exemple, a versé en 2010 quelque 70% du profit réalisé à ses actionnaires. Même en pleine crise, en 2009, les patrons des entreprises du Bel 20 s’étaient accordés en moyenne une augmentation salariale de 23%.
Contrôles des prix
Il n’y a rien à reprocher aux travailleurs en Belgique. Nous sommes toujours parmi les plus productifs du monde, loin devant nos collègues des pays voisins. Grâce à notre mécanisme d’indexation, la demande intérieure a mieux résisté à la crise de 2009 que dans d’autres pays, y compris en Allemagne. La contraction économique et le recul des investissements ont été moindres, tout comme la hausse du chômage. A l’époque, tout le monde a reconnu que c’était dû aux prétendus stabilisateurs automatiques, ce qui fait référence à la sécurité sociale et au mécanisme d’indexation.
Nos prix de l’énergie sont largement plus élevés que ceux pratiqués à l’étranger. Des profits énormes sont drainés vers les poches des actionnaires, qui ne se trouvent d’ailleurs pas tous en France. De plus, en Belgique, l’industrie est très dépendante de l’énergie, mais là aussi on investit à peine dans une utilisation rationnelle de l’énergie. Nulle part ailleurs en Europe autant de voitures d’entreprises ne sont utilisées à titre de compensation salariale afin d’éviter des charges sociales. En comparaison des pays voisins, il y a en Belgique très peu de logements sociaux. Nos bâtiments résidentiels, tout comme nos bâtiments scolaires vieillis, sont extrêmement mal isolés et souvent encore chauffés au fuel, d’où les plaidoyers pour des contrôles transparents sur les prix.
Le SP.a vise en premier lieu les prix de l’énergie. Le PS veut s’attaquer à l’inflation par des contrôles des prix d’au moins 200 produits. Nous sommes un peu étonnés que personne n’ait encore proposé d’introduire, à côté de la norme salariale, une norme des prix, où les prix ne pourraient monter plus que la moyenne pondérée des prix pratiqués dans nos pays voisins. Pour beaucoup de gens, le contrôle des prix de l’alimentation, de l’énergie et du loyer serait le bienvenu. Au Venezuela, Chavez a également introduit des contrôles des prix sur les denrées alimentaires, mais les rayons sont presque vides. Morales en Bolivie s’est heurté à une grève des employeurs lorsqu’il a voulu bloquer les prix des tickets de bus. Les propriétaires ont organisé un lock-out.
Nous ne croyons pas que cela se produirait facilement en Belgique, ni pour l’alimentation, ni pour les loyers, ni pour l’énergie. Mais la leçon à tirer est qu’il est impossible de contrôler la distribution sans que l’autorité reprenne également la production en main, en assurant que le revenu du petit producteur soit garanti. Les contrôles des prix sont en fait une forme de contrôle des profits. Les entreprises privées essayeront de restaurer leur marge de profit aux dépens des travailleurs et si cela échoue, ils menaceront de délocaliser ou de stopper les investissements prévus.
LE PSL TROUVE QUE LES TRAVAILLEURS N’ONT PLUS À PAYER LA CRISE PROVOQUÉE PAR DES SPÉCULATEURS
- Pas touche à l’indexation automatique, pour le rétablissement complet de l’index. Liaison au bien-être de toutes les allocations.
- Pas d’allongement du temps de travail, mais une semaine de travail de 32 heures, sans perte de salaire et avec embauches compensatoires, pour que le travail disponible soit réparti entre tous. Cela peut s’accompagner de crédit bon marché aux indépendants et de subsides salariaux sur base de coûts prouvés.
- Ouverture des livres de comptes de toutes les grandes entreprises afin de contrôler leurs véritables coûts, les profits, les salaires des directions et les bonus.
- Nationalisation du secteur énergétique sous contrôle des travailleurs et sous gestion des travailleurs eux-mêmes, pour être capables de libérer les moyens afin d’investir massivement dans l’énergie renouvelable et l’économie de l’énergie.
- Pour le monopole d’État sur les banques et le crédit sous contrôle démocratique de la communauté. Au lieu de devoir supplier les directions des banques afin d’obtenir du crédit, le public pourrait alors planifier les investissements publiques nécessaires aux besoins réels de la population.
- Pour une société socialiste démocratiquement planifiée et pour rompre avec le chaos capitaliste
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[DOSSIER] Venezuela – Parler du socialisme ne suffit pas, il faut passer à l’action
Le 26 septembre se dérouleront des élections générales au Venezuela. Pour la première fois depuis un moment déjà, certains sondages suggèrent qu’il est possible que le président Hugo Chavez perde sa majorité. La récession, la crise énergétique, la haute inflation, la criminalité et l’insatisfaction envers la bureaucratie et la corruption ont sapé le soutien pour Chavez.
Par Marcus Kollbrunner, Liberdade, Socialismo e Revolução (CIO-brésil)
La réponse de Chavez à ces problèmes a été d’intensifier sa rhétorique gauchiste tout en réprimant quelques-uns des plus puissants et riches capitalistes du pays. Voici un exemple de sa rhétorique gauchiste, issue d’une interview accordée à BBC Hard Talk le 14 juillet dernier;
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"Je vais vous dire quelque chose ; cela fait 11 ans que je suis arrivé au pouvoir et j’étais très naïf, je croyais à la ‘Troisième Voie’. Mais c’était une farce. Je croyais possible d’introduire le ‘Capitalisme rhénan’, le ‘Capitalisme à visage humain’, mais je me suis rendu compte que c’était impossible, que je m’étais trompé. Le capitalisme, c’est le règne de l’injustice, la tyrannie des plus riches sur les plus pauvres,… c’est pourquoi la seule manière de sauver le monde est le socialisme. Le socialisme avec la démocratie."
Cependant, même des anciens partisans de Chavez en sont venus à critiquer sa politique. Heinz Dieterich, lequel avait été conseiller du gouvernement et était l’idéologue derrière le slogan du ‘Socialisme du 21e siècle’, a déclaré lors d’une interview avec El Nacional en mars dernier que : "La politique du président n’a construit aucune institution que l’on pourrait appeler ‘Socialisme du 21e siècle’ (…) Rien n’a été fait au Venezuela qui ne diffère des marchés en Europe. Les programmes sociaux sont très positifs, mais rien de cela n’est le socialisme." La rhétorique de Chavez ne répond pas aux attaques de plus en plus nombreuses qui visent les travailleurs luttant pour de meilleures conditions.
Chavez est arrivé au pouvoir après les élections en 1998, une victoire qui était l’expression d’un profond mécontentement populaire envers la vielle élite et contre la politique néolibérale qui avait grandement augmenté l’écart de richesse et la pauvreté, malgré les ressources pétrolière conséquentes du pays. Chavez disait alors qu’il voulait mettre en œuvre la "Révolution Bolivarienne", se référant ainsi à Simon Bolívar qui avait lutté pour l’indépendance contre la domination coloniale espagnole au 19e siècle.
L’idée derrière cette "Révolution Bolivarienne" était d’introduire des améliorations pour la majorité de la population et de rompre avec la dépendance de l’impérialisme (les États-Unis sont toujours le premier partenaire commercial du pays). En augmentant les impôts et en prenant le contrôle du pétrole, il parvint à mettre en œuvre d’importantes réformes, lesquelles ont permis d’accroître l’accès aux soins de santé et à l’éducation pour les couches les plus pauvres de la population.
Mais la tentative d’introduire un capitalisme d’Etat-providence à l’européenne, le ‘Capitalisme rhénan’, a rencontré la résistance de l’élite. Avec le soutien de l’administration Bush, la riche élite tenta d’ailleurs de renverser Chavez lors d’un coup d’Etat en avril 2002 mais fut contrecarré par une révolte populaire spontanée. Fin 2002 – début 2003, une autre tentative de renverser Chavez a aussi eu lieu, cette fois-ci sous la forme d’une "grève générale" du patronat, un lockout destiné à saboter l’économie. Déjà à ce moment-là, Chavez aurait dû conclure qu’il était impossible de faire disparaitre les injustices à travers des réformes et qu’il était donc nécessaire de tout simplement rompre avec le capitalisme. Mais il a continué de tenter de former des alliances avec des sections de la bourgeoisie nationale.
La pression pour le changement issue d’en bas ainsi que les continuelles confrontations avec la vielle élite eurent toutefois pour résultat de pousser Chavez à déclarer début 2005 qu’il allait désormais s’efforcer de construire le "Socialisme du 21e siècle". Mais sa vision du "socialisme" était surtout celle du modèle cubain, où la bureaucratie est au pouvoir. Ce concept convenait bien à Chavez lequel, ayant fait carrière comme officier, était habitué à donner des ordres. Il ne s’est pas rendu compte de la nécessité d’organisations indépendantes de la classe ouvrière. Ceci renforça l’idée que tout devait être contrôlé d’en haut et la "Boli-bureaucratie" qui se développa avec tous les opportunistes qui affluèrent vers le pouvoir n’a fait qu’accroitre cette tendance. En conséquence, le régime de Chavez est marqué par la prédisposition de la bureaucratique à zigzaguer et à agir de manière arbitraire ainsi que par une mauvaise gestion.
Après une profonde crise économique en 2002-2003, la production s’est de nouveau remise à croitre rapidement avec l’aide de la hausse du prix du pétrole. En cinq ans, l’économie connut une croissance de 95%, la pauvreté diminua de moitié et la pauvreté extrême de 70 %. Les dépenses sociales furent triplées et la population connut un accès accru aux soins de santé et à l’éducation.
Pourtant, malgré les déclarations de Chavez selon lesquelles sa « politique socialiste » immunisait le pays contre les crises capitalistes, le Venezuela a été très durement touché par la dernière crise mondiale, avec une chute du PIB de 3,3 % en 2009, et il est fort probable que PIB chute encore cette année-ci. D’après l’économiste américain Mark Weisbrot, le gouvernement n’a pas instauré de politique visant à stimuler l’économie, ce qui contraste avec la situation de la Bolivie par exemple, où de telles mesures ont aidé l’économie à connaitre une croissance de 3 %. Au contraire, la croissance annuelle des dépenses d’Etat tomba de 16,3 % en 2008 à un misérable 0,9 % en 2009. Le gouvernement a également augmenté la TVA au début de l’année, ce qui a surtout frappé les pauvres.
Au début de l’année, l’économie du pays fut affectée par d’importants problèmes d’approvisionnement énergétique, ce qui contribua à faire chuter le PIB de 5,8 % lors du premier trimestre. De plus, le phénomène climatique « El Niño » a été exceptionnellement sévère cette année. Si le sud du Brésil a connu de grandes précipitations, le Venezuela a connu l’effet contraire : la pire sécheresse depuis un siècle. Ainsi, le niveau du barrage Guri, qui produit 70% de l’énergie électrique du pays, a dramatiquement chuté. En conséquence, l’eau et l’électricité ont été rationnées, ce qui a affecté l’activité économique. Cette crise n’a cependant pas uniquement été causée par El Niño, mais aussi par le manque d’investissements et de planification concernant la production énergétique.
Le Venezuela doit chroniquement faire face à des taux d’inflation élevés. Le gouvernement a accru de 25 % le salaire minimum cette année, mais cela n’a pas été suffisant pour couvrir la hausse des prix. L’année dernière, l’inflation était de 25 % et de 30% cette année, mais l’inflation sur les produits alimentaires est de 40 %. Comme le cours de change officiel du dollar n’a que peu de fois été ajusté ces dernières années depuis l’introduction du contrôle d’Etat sur le commerce des devises en 2003, le taux élevé d’inflation a conduit à une surévaluation de la monnaie au cours des dernières années. Néanmoins, cette tendance de surévaluation de la monnaie puise ses origines plus loin dans le passé. L’afflux de dollars dû à l’exportation du pétrole a maintenu la monnaie forte et moins cher l’importation de nourriture tout en entraînant une plus grande dépendance envers ces importations, au détriment de la production domestique.
Cette tendance a encore été amplifiée en 2003, lorsque Chavez a pris contrôle de la compagnie pétrolière PVDSA. Il a utilisé l’argent issu du pétrole non seulement pour mettre en œuvre d’importantes réformes, mais aussi pour importer de la nourriture afin de fournir des vivres bon-marché à 19 mille magasins alimentaires publics. En 2008, une compagnie alimentaire d’Etat fut fondée, la PDVAL, subsidiée par la PVDSA, pour s’occuper de l’importation et de la distribution de nourriture. Ainsi, la moitié des revenus issus du pétrole sont utilisés pour importer des denrées alimentaires.
Actuellement, le Venezuela importe deux tiers de sa nourriture. La tentative du gouvernement d’introduire une réforme agraire – 2,7 millions d’hectares (presque 1/10 des terres arables) ayant été redistribués – n’a pas eu d’effet considérable sur la production alimentaire en raison du manque de machines et de capitaux ainsi que de l’omniprésence de la bureaucratie. Le contrôle des prix par l’Etat est insuffisant pour mettre fin à l’inflation sur la nourriture, puisque les fournisseurs alimentaires privés refusent souvent de vendre aux prix établis par l’Etat. C’est dans ce contexte que Chavez a menacé de prendre des mesures contre les grandes entreprises alimentaires.
D’après l’économiste vénézuélien Angel Alayon, de l’organisation des producteurs alimentaires, l’Etat contrôle 75 % de la production de café, 42 % de la farine de maïs, 40 % du riz, 52 % du sucre et 25 % du lait. Mais cela n’a en rien aboli les pénuries rencontrées dans l’approvisionnement en nourriture.
Récemment, il a été révélé que des milliers de tonnes de nourriture, sous la responsabilité de la PDVAL, étaient en train de pourrir dans des containers. Cela représente un autre exemple de mauvaise gestion bureaucratique, peut-être mêlé à de la corruption, au profit des spéculateurs.
Au début de l’année, la monnaie vénézuélienne, le Bolivar, a été dévaluée et deux taux de changes ont été fixés pour le dollar, le plus bas pour rendre moins cher l’importation de nourriture, de médecines et d’autres produits de base et un autre pour les produits de luxe. Ceci n’a, toutefois, pas empêché un marcher parallèle avec les dollars, avec une valeur même plus élevée pour celui-ci. Dernièrement, l’Etat a réprimé les marchands en dollars et a établi son propre "dollar parallèle", avec une valeur flottante. Il est cependant peu probable que cette mesure mette fin au marché noir comme la moitié des importations sont payées avec le dollar parallèle.
La dévaluation est une conséquence de l’inflation, mais elle peut conduire à d’autres augmentations de prix. En même temps, les entreprises privées savent tirer profit de cette situation. Pour les multinationales, par exemple, les salaires des travailleurs vénézuéliens deviennent moins chers alors que les travailleurs doivent faire face à des hausses de prix.
Entre-temps, les reformes sociales stagnent ; de nombreux projets se sont détériorés et d’autres n’ont pas été pleinement mis en œuvre à cause de la corruption, les fonds étant épuisés avant que le projet ne soit complété, ou alors c’est la lenteur bureaucratique qui fait obstacle.
Chavez a souvent répondu à ces différentes crises par des discours radicaux et des menaces de nationalisations. La mise en œuvre de ces dernières a, toutefois, souvent été pleine de contradictions. La nationalisation a souvent voulu dire que l’Etat achète la majorité des actions laissant l’ancien propriétaire comme actionnaire minoritaire. Cela a été le cas, par exemple, pour la chaîne de supermarchés franco-colombienne Exito, laquelle a reçu beaucoup d’attention dans les médias.
Les contradictions entre les discours et les actions sont dû à certains facteurs qui sont en interaction :
- Premièrement, Chavez n’a pas de stratégie cohérente, mais réagi aux différentes crises au fur à mesure qu’elles apparaissent.
- Deuxièmement, il a établi des alliances avec des éléments de la bourgeoisie nationale, la « Boli-bourgeoisie » et ne s’attaque à ces bourgeois que quand ceux-ci rompent les relations ou si les contradictions deviennent trop fortes.
- Troisièmement, Chavez est influencé par ses « amis » étrangers, de Cuba jusqu’au Brésil et la Chine, de l’Iran à la Russie. Ceci autant idéologiquement, comme c’est le cas avec Cuba, mais aussi à travers différentes transactions commerciales avec la Chine, la Russie, etc. Par exemple, quand les travailleurs de l’ancienne aciérie d’Etat SIDOR demandèrent la renationalisation, Chavez refusa d’abord comme il ne voulait pas offenser le gouvernement argentin, principal propriétaire.
- Dernièrement, et ceci n’est pas le moindre des facteurs, Chavez règne à travers une couche de bureaucrates, laquelle a ses propres intérêts et sabote souvent les programmes publics.
Chavez est forcé de s’attaquer à la bureaucratie et de nationaliser certaines entreprises, mais il n’est pas capable d’éliminer la bureaucratie tout entière, comme son pouvoir repose sur celle-ci. Il ne fait pas confiance à la puissance de la classe ouvrière et à ses organisations indépendantes, qui sont pourtant les seules forces capables de s’en prendre à la bureaucratie.
Ceci conduit à une politique marquée par des tournants soudains et des changements abrupts, alors que le système capitaliste persistant et la mauvaise gestion de la bureaucratie étouffent l’économie. Dans ce contexte, les interventions de Chavez contre les capitalistes et les bureaucrates se font erratiques et arbitraires, puisqu’il s’attaque à d’anciens alliés.
La seule force capable de changer cette situation pour le mieux est la classe ouvrière organisée. Mais la bureaucratie rejette l’organisation et la lutte indépendante des travailleurs comme celles-ci représentent une menace pour leur pouvoir.
La lutte croissante de travailleurs de ces derniers temps a été l’objet de répression de la part de l’Etat et de la bureaucratie, une répression aggravée par les déclarations de Chavez que tous ceux qui font preuve d’opposition sont des "laquais de l’impérialisme". Des travailleurs en lutte font souvent face à une répression policière féroce. Plusieurs syndicalistes ont été tués, comme dans le cas de deux travailleurs qui ont trouvé la mort l’an dernier quand la police a tenté de briser l’occupation de l’usine de pièces de voitures Mitsubishi. A de nombreuses occasions, les travailleurs ont lutté pour la nationalisation des entreprises qui refusaient de leur donner des conditions décentes et, souvent, ils ont posé la question de la nécessité du contrôle ouvrier.
D’après Socialismo Revolucionario (section du Comité pour une Internationale Ouvrière au Venezuela), durant les dernières années, les travailleurs ont pris le contrôle de plus de 300 lieux de travail. Les travailleurs ont parfois reçu un certain soutien de l’Etat mais, bien plus souvent, ils ont été abandonnés et leurs efforts ont fini en défaite. Cela a notamment été le cas avec la tentative d’instaurer le contrôle ouvrier à Sanitarios Maracay. Certaines tentatives couronnées par le succès, comme à ALCASA, INVEPAL et INVEVAL, démontrent le potentiel d’un autre système qui ne repose pas sur le profit privé. Dans certaines entreprises, les travailleurs ont élus les plus hauts agents exécutifs.
Chavez a exprimé son soutien pour le contrôle ouvrier, mais la bureaucratie ne lâchera pas son pouvoir et ceci pose des limites à ces expériences. Malgré tous les discours sur la nationalisation et le "socialisme", l’Etat, d’après Chavez lui-même, ne contrôle que 30 % de l’économie, et seulement 26 % du secteur bancaire est aux mains de l’Etat.
Durant ces derniers mois, en réponse aux problèmes et en guise de se préparer pour sa campagne électorale, Chavez a accentué sa rhétorique radicale et a commencé de parler de mener une "guerre" contre "la bourgeoisie". Mais si la rhétorique n’est pas suivie d’actions réelles, l’effet peut être un scepticisme croissant, contre le "Socialisme du 21e siècle". Heinz Dietrich remarque dans son interview que "la conséquence logique de ceci est que le concept devient une banalité, ce qui pousse les gens à le rejeter." Il n’est pas à exclure que Chavez – si la crise s’approfondit, avec plus de sabotages de la part des capitalistes et plus de pression d’en bas – sera forcé d’aller plus loin avec les nationalisations. Il est difficile de dire jusqu’où il pourra aller dans cette direction.
Nous ne vivons plus dans un monde avec un bloc Stalinien, lequel pourrait permettre à Chavez de rompre avec le capitalisme et d’instaurer un système bureaucratique d’après le modèle de Moscou. Aujourd’hui, même Cuba se dirige en direction de la voie chinoise et s’ouvre à l’économie de marché, même si le processus est encore lent et ne suit pas une ligne droite. Il est possible pour le Venezuela de nationaliser une grande partie de son économie sans pour autant abolir le capitalisme. Durant la Révolution Portugaise de 1974-1975, l’Etat contrôlait presque 80 % de l’économie avant que le processus ne se dirige dans la direction inverse.
À l’intérieur du parti de Chavez, le PSUV (le Parti Socialiste Unifié du Venezuela), l’aile droite et la bureaucratie sont au pouvoir. Au début du mois de mai, le nombre impressionnant de 2,5 millions de membres du parti prirent part aux élections primaires, mais de nombreux militants de base se sont plaints que les candidats à la direction du parti disposaient de beaucoup plus de moyens pour mener leur campagne et qu’en fin de compte, ils ont presque tous été élus.
Il est encore trop tôt pour dire quel sera le résultat des élections. Néanmoins, malgré les plus faibles résultats dans les sondages de Chavez, ses opposants de droite ne bénéficient que de peu de soutien. Par ailleurs l’appareil d’Etat tout entier sera utilisé pour favoriser la candidature de Chavez. Le plus grand danger pour Chavez est une hausse de l’abstentionnisme, comme lors du référendum de 2007 concernant la modification de la Constitution.
Socialismo Revolucionario lutte pour des organisations des travailleurs indépendantes et en faveur d’une alternative socialiste, contre la vielle élite mais aussi contre la nouvelle élite bureaucratique qui étouffe le processus révolutionnaire.