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Tag: Bolivie
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L’Amérique Latine et la discussion sur le socialisme du 21ème siècle
Un sondage au Venezuela a récemment indiqué que 47,8% de la population préfère un gouvernement ‘socialiste’, alors que seulement 22,7% préfère un gouvernement capitaliste. Il y a un intérêt croissant envers les idées socialistes, popularisées par Chavez qui déclare depuis janvier que la révolution Bolivarienne est socialiste.
Els Deschoemacker
Mais Chavez reste assez vague. Il parle d’un “socialisme du 21e siècle” comme d’une “nouvelle sorte de socialisme”. Il appelle à abandonner les “vieilles idées” sur le socialisme. Cela peut être compris comme une critique du stalinisme, et c’en est d’ailleurs partiellement une. Mais de l’autre côté Chavez ne semble pas être convaincu de la nécessité de rompre complètement avec le capitalisme. Il se dit être en faveur d’une économie mixte, un mélange d’économie ‘sociale’ et d’économie capitaliste.
Sous la pression des masses, le régime est déjà allé plus loin que prévu. Des usines qui étaient (presque) faillite ont été nationalisées, des réformes agraires, limitées, ont été initiées, et une sorte d’économie ‘parallèle’ existe, dans laquelle l’Etat possède sa propre compagnie aérienne, une chaîne de télévision, des supermarchés,… Dans ces derniers, les produits sont 30% moins chers que dans des supermarchés commerciaux. Des éléments de pouvoir ouvrier sont soutenus par le gouvernement; les entreprises qui acceptent d’avoir des représentants ouvriers dans la direction reçoivent par exemple des subsides.
“Tout cela, c’est du socialisme”, déclare Chavez. Les capitalistes – et surtout l’impérialisme des Etats-Unis – ont peur des développements au Venezuela, bien que le pouvoir économique capitaliste n’est pas encore battu. Ils ont peur d’une radicalisation des masses qui pousserait le gouvernement à faire plus de nationalisations.
Ces récents développements sont une nouvelle phase. Les idées socialistes sont déjà très populaires en Bolivie et au Venezuela, où ces idées sont vues comme une alternative au capitalisme. Pour les révolutionnaires, l’essentiel est d’expliquer le rôle du mouvement ouvrier et ce qu’est vraiment le socialisme démocratique.
Il y a donc beaucoup d’éléments à débattre. Dans ce cadre, nous organisons une série de discussions sur la situation en Amérique Latine.
Venez participer aux discussions sur la révolte contre les privatisations et le néolibéralisme!
Du 10 au 14 octobre se dérouleront les débats sur l’Amérique Latine avec Karl Debbaut, présent au Venezuela durant plusieurs semaines cet été. Il y a participé au Festival des jeunes pour la paix et la solidarité, contre l’impérialisme.
> Louvain-La-Neuve. 11 oct. 12h. UCL – Rue des Wallons 35 2e étage – salle “La Ratatouille”
> Bruxelles. 12 oct. 19h ULB (campus du Solbosch, Av. Franklin Roosevelt 50) Bâtiment H, niveau 1, Local H 1302
> Liège. 13 oct. 19h ULG, Grand Physique Place du XXAoût
> Hasselt. 10 oct., 20h, Vrijzinnig Centrum (A Rodenbachstraat 18)
> Gand. 11 oct, 19h30, Blandijn
> Louvain. 12 oct, 14h, MTC 0059, Hogeschoolplein
> Anvers. 14 oct, 19h30, Multatuli (Lange Vlierstr) -
Les masses dans la rue en Bolivie. La question du socialisme à l’ordre du jour
Les masses dans la rue en Bolivie
Dix-neuf mois d’agitation dans le pays le plus pauvre d’Amérique latine ont abouti, le vendredi 7 juin, à la démission du président honni Carlos Mesa. Mesa a ainsi subi le même sort que son prédécesseur, l’ultra libéral De Lozada, appelé aussi "le bourreau". De Lozada avait en effet donné l’ordre à l’armée, en octobre 2003, de tirer sur les manifestants.
Emiel Nachtegael
Mesa avait hérité d’un pays disloqué où 5,6 millions d’habitants sur 8 millions vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Les indigènes, la population indienne, sont considérés comme des citoyens de second zone. Trois millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau potable. La population indienne est partie prenante de la mobilisation de masse (plus de 6.000 blocages de routes ou manifestations) des mineurs et des paysans.
Revendication offensive de nationalisation
La principale revendication était la nationalisation du gaz et du pétrole : un secteur qui, jusqu’à présent, est aux mains des multinationales espagnoles, françaises et britanniques. La Bolivie dispose de réserves importantes de gaz et de pétrole. Les réserves de gaz représentent à elles seules 100 milliards de dollars. Selon la multinationale espagnole Repsol-YPF qui a investit des millions en Bolivie, chaque dollar investi permet de faire un profit en rapporte dix. La deuxième revendication de la population indienne est l’élection d’une Assemblée constituante pour élaborer une nouvelle constitution plus démocratique qui donnera des droits à la population indigène. Felipe Quipe, porte-parole des Indiens Aymaras, qui ont paralysé les rues de la capitale La Paz et de la ville voisine d’El Alto (où un million d’Indiens vivent) a dirigé la fureur de la population contre Mesa en déclarant : " Mesa brade nos richesses. Il est du côté des multinationales et ne pense pas à son peuple. Il serait capable de vendre sa mère ! ".
En juin dernier, le mouvement contre Mesa s’est durci. Une grève générale a paralysé l’ensemble du pays. Pendant plusieurs semaines les travailleurs et les paysans ont bloqué les voies d’accès à la capitale et ont occupé les champs pétroliers et gaziers. A El Alto et à Cochabamba, une ville industrielle à l’Est de La Paz, des assemblées populaires de travailleurs et d’habitants des quartiers ont eu lieu. Des milliers de manifestants ont fait le siège de La Paz aux cris de: "Mesa dehors! Tout le pouvoir au peuple!" Entre-temps, le parlement bourgeois et l’armée ont estimé que Mesa n’était plus en mesure de diriger le pays. Il a lancé à son successeur, le 7 juin dernier, les avertissements suivants: "La Bolivie est au bord de la guerre civile", "de nouvelles élections sont la seule issue pour le pays".
Au bord de la guerre civile
Après la démission de Mesa, le président du Sénat, Vaca Diez, a assuré l’intérim. Mais choisir Diez, un riche propriétaire terrien blanc soutenu par l’ambassade des Etats-Unis, c’était pour la bourgeoisie allumer une nouvelle mèche au tonneau de poudre. Afin de s’assurer de sa désignation en tant que président, il a déplacé la réunion du parlement de la capitale vers la ville de Sucre. Le mouvement redoutait que Diez ne rétablisse l’ordre par les armes, ce qui semblait être confirmé par la nouvelle selon laquelle un mineur avait été abattu le jour même. C’est la première victime après le départ de Lozada. La révolution a souvent besoin du fouet de la contre-révolution. Des milliers d’enseignants, de mineurs, de paysans, ont cerné la ville de Sucre. Entre-temps le personnel de l’aéroport s’est mis en grève et les parlementaires ne pouvaient plus accéder à la ville ou la quitter sans l’accord des grévistes. Par crainte d’une insurrection locale et d’une rupture avec l’armée Diez a renoncé à prendre la tête du pays. C’est Eduardo Rodriguez, président de la cour suprême, qui a finalement été choisi.
Une voie sans issue?
Eduardo Rodriguez est une personnalité en apparence "neutre". La bourgeoisie espère que la désignation de Rodriguez ainsi que la promesse de tenir des élections anticipées, peut rétablir le calme et lui permettre de gagner du temps pour rassembler ses forces. Rodriguez a reçu le soutien des patrons, de l’ambassade américaine et de l’Eglise catholique. A première vue il semblerait que la tempête se soit apaisée. Les mineurs et les paysans se sont retirés des rues de la capitale, mais ils ont promis de revenir si le nouveau gouvernement ne donnait pas satisfaction à leurs revendications.
Rodriguez a déclaré de façon crue: "Je ne peux prendre aucune décision politique". Pendant les périodes où la domination de la bourgeoisie est menacée – et où une situation de double pouvoir entre les autorités et les masses auto-organisées persiste – la bourgeoisie essaie toujours de gagner du temps. L’intronisation de Rodriguez ne signifie pas la fin, mais plutôt une pause, de la "guerre du gaz" en Bolivie. La profondeur de la crise et la détermination des masses signifient que ce n’est qu’un répit et que le mouvement va reprendre.
Le prolétariat ou la bourgeoisie au pouvoir?
Malgré les mobilisations de masse exemplaires et la combativité de la classe ouvrière et des paysans indiens, il n’y a pas encore de mouvement conscient pour le renversement du capitalisme. Dans une telle situation, un parti révolutionnaire est une nécessité vitale pour traduire les aspirations des masses sur le plan politique; un parti capable d’orienter la lutte vers l’instauration d’un gouvernement ouvrier et paysan. Plus personne ne croit encore dans les partis traditionnels. Il y a un vide immense à gauche. Lors des élections municipales de décembre dernier, la principale organisation politique réformiste de gauche, le MAS (Mouvement vers le Socialisme), dirigé par Evo Morales, a recueilli le plus de suffrages : 18%.
Le MAS occupe maintenant un cinquième des sièges au congrès. Morales, connu comme dirigeant des paysans planteurs de coca, est dépassé sur sa gauche par les secteurs les mieux organisés de la classe ouvrière et des paysans pauvres qui veulent aller plus loin. Malheureusement le MAS – malgré son nom ! – n’a pas la moindre idée sur la façon d’aller au socialisme. Au début de l’an dernier, Morales déclarait encore que la revendication de nationalisation était irréaliste, alors que les masses sont descendues dans la rue avec cette revendication, et que lors d’un référendum, la population s’est prononcée pour la nationalisation.
Après le siège de Sucre, Morales a appelé à la fin de la grève et à la levée des barrages sur les routes afin de "donner du temps au nouveau président". Et ceci, au moment où les secteurs les plus combatifs du mouvement, notamment à El Alto, posaient un ultimatum au nouveau gouvernement pour satisfaire immédiatement leurs revendications. Si le MAS continue de faire des concessions à la bourgeoisie, il se produira immanquablement une rupture avec la base.
Un potentiel révolutionnaire actuel
Une période de statu quo entre les classes peut éventuellement exister, mais pas de manière durable. Un parti révolutionnaire doit concentrer l’énergie des masses et la canaliser comme un cylindre canalise la vapeur dans une locomotive à vapeur. Dans le passé de telles situations pré-révolutionnaires ont existé. Par exemple en Argentine en 2001. Elles peuvent toutefois être fatales. Fautes de perspectives, le découragement peut s’installer dans les couches intermédiaires de la société et gagner progressivement les secteurs les plus combatifs.
L’appareil d’état, en Bolivie, (l’armée, le parlement, les tribunaux, les médias, …) ne maîtrisent pas la situation. La bourgeoisie est affolée, mais pas impuissante. Le long entretien de Rodriguez avec le chef de l’armée, Luis Aranda, doit être pris au sérieux. Incontestablement une partie de la caste militaire voudrait rétablir l’ordre de façon plus brutale. La seule chance de neutraliser rapidement la contre-révolution est de préparer la prise du pouvoir par les masses. Cela doit être combiné avec un appel aux soldats et aux sous-officiers de former des comités de soldats, d’élire les officiers et de les placer sous le contrôle de ces comités. Les officiers d’extrême-droite doivent comparaître devant des tribunaux populaires et être démis de leurs fonctions.
Une assemblée nationale de représentants des organisations de lutte dans les quartiers, des ouvriers agricoles, des paysans, des mineurs doit être convoquée le plus vite possible. Elle devrait mener à la mise sur pied d’une assemblée constituante révolutionnaire appuyée sur des comités démocratiquement élus par les masses dans les entreprises, les quartiers, les écoles. Dans son livre Histoire de la Révolution russe, Léon Trotsky décrit de tels organes tels que les soviets de 1917, comme "des comités de grève à grande échelle".
Les fonctions de ces organes révolutionnaires s’accroissent au fur et à mesure (contrôle du ravitaillement, remise en route des entreprises, contrôle des moyens de communication) et devraient conduire à la prise du pouvoir dans toute la société par un gouvernement ouvrier et paysan. Les nationalisations ne peuvent élever significativement le niveau de vie des masses que si le gouvernement est entièrement composé de représentants élus par les travailleurs et les paysans pauvres. Les richesses doivent être mises, sous le contrôle d’une économie démocratiquement planifiée, au service des besoins des masses. En outre, un parti révolutionnaire doit lancer un appel à l’extension de la révolution dans toute l’Amérique latine. Ce n’est qu’ainsi qu’on peut aller à la victoire. Les masses n’ont que leurs chaînes à perdre !
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Crise et révolte en Amérique latine
FIN JUILLET, près de 350 camarades provenant de 14 pays se sont retrouvés lors de l’école d’été du CIO, parmi lesquels des camarades du Brésil et du Venezuela. La discussion sur l’Amérique latine, qui a pris toute une journée, était une des discussions les plus importantes.
Tina De Greef
Regimes en crise
Tout le continent est en mouvement et en crise. La profondeur de celle-ci diffère selon les pays. L’industrie textile est presque intégralement délocalisée vers l’Inde et la Chine. Les Etats doivent rembourser des dettes colossales. Actuellement au Pérou, 35% du budget sert au remboursement de la dette. Les richesses naturelles de l’Amérique latine sont en grandes parties tombées entre les mains des capitalistes.
Presque partout nous voyons les symptômes d’un régime en crise, parfois même avec des composantes pré révolutionnaires. Le Chili et le Pérou sont en ce moment les régimes les plus stables d’Amérique latine. Il y a cependant eu récemment deux grèves générales au Chili. Le gouvernement Fox au Mexique est sur une pente glissante. En Bolivie le président Sanchez de Losada a été chassé car il voulait vendre le gaz aux Etats-Unis. Carlos Mesa, son successeur, essaie quand même d’organiser cette vente, malgré la résistance des masses.
A Haïti, le revenu moyen par personne de l’ensemble de la population est inférieur à un dollar par jour. Aristide – qui a une approche anti-impérialiste seulement en paroles – a dû s’exiler. Au Pérou, Toledo est pour le moment le dirigeant le moins populaire de toute l’Amérique latine. Il a dû faire face il y a quelques semaines à une manifestation de masse, malheureusement dirigée par Garcia le leader de l’opposition bourgeoise.
La révolte au Venezuela reflète le refus de la politique néo-libérale menée au cours de la dernière décennie dans toute l’Amérique latine. Le chômage officiel est passé de 12% à 17%. La population pauvre se radicalise et place le populiste de gauche Hugo Chavez au pouvoir en 1998. Celui-ci va décider – sous la pression des masses – d’envoyer 3.500 médecins vers les gens qui n’en avaient encore jamais vus. La Constitution changea de sorte que les propriétaires terriens perdirent leurs terres et que le pétrole soit placé sous le contrôle des autorités publiques.
Les supermarchés itinérants avec de la nourriture bon marché et une nouvelle entreprise nationale de télé-communications sont les récentes initiatives de Chavez. Pour faire ces concessions, Chavez dépend des prix élevés du pétrole. Pour le moment le Venezuela est le cinquième producteur de pétrole du monde avec 3,1 millions de barils par jour. Cette réforme politique n’est cependant pas tenable à long terme dans un cadre capitaliste. La bourgeoisie, qui a perdu partiellement le contrôle de l’appareil d’état, déteste Chavez car il est a prêt à céder sur de nombreux terrains sous la pression des masses. C’est une situation dangereuse pour l’impérialisme.
Pour rencontrer fondamentalement les revendications des masses et pour élever leur niveau de vie il faut rompre avec le capitalisme. Contrairement au Chili et à d’autre pays du continent, le Venezuela n’a jamais connu de tradition socialiste ou communiste. Même Chavez ne saisit pas la chance pour mobiliser une véritable révolution socialiste: il veut installer un «capitalisme plus humain».
Pas de réconciliation avec l’opposition de droite
Chavez voudrait réconcilier la révolution et la contre-révolution. Il louvoie entre les deux: d’une part entre la pression des masses vénézuéliennes et d’autre part la bourgeoisie et l’impérialisme. Les tentatives pour une réconciliation avec l’opposition de droite vont démoraliser les masses. Seul un parti révolutionnaire – condition décisive pour une victoire révolutionnaire: le facteur subjectif – sera capable de mener les masses vers la révolution. Seul un changement total de la société, rompant avec le capitalisme, pourra mettre un terme à la crise et en finir avec le chômage et la pauvreté.
Les masses expérimentent aujourd’hui un processus important d’auto-organisation: les comités populaires, et les Cercles bolivariens initiés par Chavez. Ces organes doivent s’élargir vers toutes les couches des opprimés, et se transformer en organes réels de la lutte des travailleurs.
Des comités populaires dans les entreprises et les quartiers doivent se baser sur les principes de la démocratie ouvrière: éligibilité, révocabilité des élus, un salaire pour les élus qui ne dépasse pas le salaire moyen d’un ouvrier qualifié,…
La population doit s’armer au travers de cette forme d’auto-organisation, pour se protéger contre de nouvelles tentatives de coup d’état ou de contre-révolution violente. L’armement en soi n’est cependant pas une garantie pour une victoire: il faut aussi un véritable programme socialiste. L’appel de Chavez pour «armer la population» sont des paroles en l’air. De ce fait et si aucun véritable parti révolutionnaire ne se développe, une contre-révolution ne peut être battue.
L’armée au Venezuela est essentiellement composée de travailleurs qui reflètent clairement la pression de la société. Cette situation est quelque peu comparable avec celle de l’armée durant la révolution des oeillets au Portugal. Au Portugal, le Mouvement des Forces Armées trouvait dans son programme des éléments socialistes qui allaient beaucoup plus loin que le mouvement d’aujourd’hui au Venezuela.
Un tel parti révolutionnaire pour amener les masses à la victoire, fait défaut aujourd’hui au Venezuela.Toutes les mesures positives entreprises par Chavez jusque maintenant ont été essentiellement mises en avant par le sommet du régime. Les Cercles bolivariens forment le point d’appui dans la société pour Chavez et son gouvernement, mais il y a souvent des tentatives pour les contrôler par le haut.
Récemment il fallait élire un responsable dans un Cercle bolivarien. Le gouvernement a essayé de mettre en avant son candidat, ce qui a provoqué la protestations des travailleurs qui avaient leur propre candidat. Il y a une grande pression du bas pour une démocratisation de ces organes, où maintenant déjà une couche de la population est représentée.
L’opposition perd le référendum
La réaction de Chavez après le référendum de la mi-août – qui portait sur sa révocation – montre qu’il ne cesse de vouloir concilier le processus de révolution et la contre-révolution. Le résultat, après une participation massive, est maintenant connu: Chavez l’a emporté avec 58.25 % des voix (contre 41.74% des voix en faveur de sa révocation). L’opposition ne reconnaît pas sa défaite. Elle a lancé une enquête sur d’éventuelles fraudes électorales.
Dès l’annonce du résultat, le prix du baril de pétrole à la bourse de New-York a baissé. En fait Bush ne peut intervenir dans l’immédiat. Le prix élevé du cours du pétrole et l’importance du Venezuela comme pays producteur de pétrole, couplé à la guerre en Irak oblige l’administration américaine à remettre à plus tard une intervention dans les affaires intérieures au Venezuela.
Nouveau parti au Brésil
Au Brésil le PT social-démocrate, dirigé par Lula, est au pouvoir. Lula, un ancien métallo devenu dirigeant syndical, est arrivé au pouvoir en promettant de donner de la terre aux paysans sans-terres. Juste après avoir été élu, il a fait vote-face. Il a notamment annoncé que les fonctionnaires devaient travailler 12 ans de plus pour toucher leur maigre pension. Le chômage a pris des proportions énormes et plus de gens ont faim qu’autrefois. Quatre parlementaires restés fidèles au programme originel de Lula ont été exclu du PT. Le gouvernement Lula marche sur les traces du précédent gouvernement, qui suivait la politique du FMI.
Les 200.000 emplois pour les jeunes que Lula avait promis n’ont pas vu le jour. En outre Lula joue localement un rôle impérialiste. Il aide à mener la guerre en Irak pour se procurer une petite place au conseil des Nations-Unies.
Récemment, en réaction à la politique droitière du PT, un nouveau parti a vu le jour: le PSoL (Parti pour le Socialisme et la Liberté). Notre section au Brésil participe à la construction du PSoL dont les perspectives de croissance sont indubitables. Seul le programme est sur pied. Il comprend de fort accents révolutionnaires mais aussi des éléments de politique de réformisme keynésien. Mais ce n’est pas suffisant: l’action est nécessaire. Le débat interne porte aussi sur les statuts: il y a des propositions pour qu’ils soient très démocratiques. L’impact potentiel d’un parti de masse des travailleurs comme le Psol est important pour toute l’Amérique Latine. A ce jour, 20.000 militants ont pris part aux assemblées locales pour la fondation de ce nouveau parti.
Le combat entre révolution et contre-révolution aujourd’hui à l’oeuvre en Amérique latine est d’une importance capitale à l’échelle du monde.
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Rapport du Comité Exécutif International – CIO
Rapport du Comité Exécutif International – CIO
Le Comité exécutif international du Comité pour une Internationale Ouvrière a tenu sa réunion annuelle fin novembre. Les membres du CEI sont venus de 16 pays à travers le monde pour discuter et débattre des événements de 2003 et tracer les perspectives pour l’année 2004.
Vincent Devaux
Discussion sur la situation mondiale
L’introduction de Peter Taaffe lors de la discussion générale sur la situation mondiale a mis l’accent sur les récentes mobilisations de masse. Les mobilisations contre la guerre ont rassemblé des millions de manifestants à l’échelle mondiale. Le 1er novembre la manifestation à Berlin contre l’austérité a rassemblé 100.000 personnes. Une grève générale de 9 jours a paralysé le Nigéria. L’accent a été mis sur la situation en Irak: l’armée américaine va-t-elle s’enliser dans un bourbier semblable à celui du Vietnam? Il y a déjà eu plus de soldats américains tués au cours des six derniers mois en Irak que durant les deux premières années de la guerre du Vietnam.
La situation en Afghanistan – qui est redevenu le premier producteur d’opium au monde – est un exemple des foyers d’instabilité que la politique de Bush crée de par le monde. Brian, des USA, a évoqué la montée de la résistance à la guerre parmi les soldats et leurs familles.
L’économie "en râde"
La discussion s’est également concentrée sur l’économie mondiale. La situation économique stagne dans la zone euro, reste très faible au Japon et si la croissance aux USA semble forte (7,5%), près de 3 millions d’américains ont perdu leur emploi depuis que Bush est au pouvoir. L’appareil de production américain est en surcapacité de 25%.
La croissance économique de la Chine, l’"atelier du monde" ne permettra pas de résoudre la crise économique mondiale. L’ Allemagne est toujours une force économique mais on attend 40.000 faillites et 300.000 emplois en moins pour 2004. Il y a cinq millions de sans-emploi en Allemagne ce qui est comparable au début des années 30. En Australie, l’économie est assez stable avec une croissance de 6% mais les boulots créés sont des temps partiels et la bulle de spéculation immobilière est en train d’éclater. Si notre camarade du Kazakhstan, nous signale une croissance de 3% dans son pays, il souligne que cette croissance provient de l’exportation du gaz et du pétrole et de l’exploitation des produits miniers mais le taux de chômage atteint les 50%.
Les luttes en Amérique Latine
Un thème important abordé lors de la réunion du CEI a été la situation en Amérique Latine. La situation au Brésil, avec le PT au gouvernement et Lula comme président, qui prend des mesures asociales pose la question d’un nouveau parti des travailleurs. La situation au Venezuela (Chavez), au Mexique (les Zapatistes), les derniers mouvements en Bolivie au Pérou et en Argentine… ne sont que quelques exemples du bouillonnement qui vit sur ce continent.
Irlande: campagne contre le coût des déchets
Un autre sujet important est la campagne faite en Irlande par nos camarades à Dublin contre les taxes sur les sacs poubelles. C’est une riche expérience de lutte que l’on doit étudier afin d’en tirer des leçons pour les prochains combats.
Europe: croissance des oppositions
La discussion sur l’Europe a montré la détérioration de la situation économique et les tensions qui s’aggravent entre les pays. La France et l’Allemagne ont rompu le pacte de stabilité et l’élargissement de l’Union Européenne est dans une phase difficile. On peut voir le développement des luttes en Grande-Bretagne chez les postiers, les cheminots,… Du point de vue syndical, les contradictions dans la société entraînent une pression au sein de certains syndicats qui mènent à des ruptures au sein de certains syndicats, par exemple au sein de la CFDT en France.
Ce phénomène reste cependant marginal et la tendance principale serait une pression d’en bas sur les dirigeants syndicaux, voire leur débordement par la base.
Construire le CIO
La conférence s’est achevée sur la discussion de la construction du CIO. On peut mettre en avant le succès de la campagne d’International Socialist Resistance (34 sections en Angleterre), le facteur décisif de notre organisation dans le mouvement antiguerre, le travail de nos camarades de DSM (Democratic Socialist Movement) au Nigéria qui ont participé a une campagne électorale et ont montré leur poids dans les luttes dans des conditions très difficiles. Notre section grecque a doublé le nombre de ses membres en deux ans.
Il est évident que nous entrons désormais dans une nouvelle phase dans le développement de la lutte des classes. La situation est complètement différente que celle des années 90. Et c’est à travers l’expérience des travailleurs en lutte que la nécessité d’un changement de société va émerger. Ce processus ne sera pas linéaire et de nombreux détours vont être pris avant d’en arriver à cette conclusion. Il y aura des nouvelles organisations de masse qui vont éclore et nous devrons nous impliquer dans ce processus afin de mettre en avant notre alternative.
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Ca chauffe en Bolivie!
Octobre dernier, un soulèvement populaire contre le gouvernement éclate en Bolivie. Les tensions, nombreuses et déjà présentes depuis longtemps tournent en insurrection lorsque le peuple apprend le projet du gouvernenment d’exporter du gaz.
Rachel
Depuis 2001, la Bolivie est gouvernée par Gonzalo Sanchez de Lozada, qui mène une politique capitaliste en lien étroit avec les Etats-Unis. Le pays étant constitué essentiellement de mineurs et de paysans, les victimes de cette politique sont nombreuses et les conditions de vies sont précaires pour une majorité de Boliviens. Mais ceci n’a en rien inquiété leur président qui avait bien d’autres soucis. Pour la petite histoire, Gonzalo a séjourné de nombreuses années au Etats-Unis et en a toujours conservé un accent anglo-saxon, d’où son surnom de « gringo ». C’est au sein de cette collaboration Gonzalo-américaine que le projet d’exportation du gaz a vu le jour. Il s’agit en fait d’exporter du gaz via un port chilien au Mexique pour y produire de l‘électricité pour la Californie.
Les mouvements de grève contre ce projet ont commencé en Septembre, à El Alto, ville annexe de la capitale où se concentrent les populations les plus pauvres et les plus démunies. Le 7 Octobre, la situation s’aggrave. El Alto est totalement bloquée, et les affrontements entre le peuple et les forces de l’ordre commencent. Le gouvernement tente d’imposer l’ordre par la force : des chars et des mitrailleuses face à des gens avec des frondes et des bouts de bois. Cette répression violente fait une centaine de morts. Celui-ci exige alors non seulement l’annulation du projet d’exportation du gaz mais aussi la démission du président.
« Mourir plutôt que vivre comme esclave », cette phrase de l’hymne national devient le mot d’ordre. Au fil des jours, alors que les affrontements s’intensifient toujours plus, le mouvement s’étend aux autres villes et à tous les secteurs d’activités. Au sein même du gouvernement les contestations naissent, avec notamment la démission du vice-président qui condamne les violentes répressions. Seul au pouvoir, le « gringo » persiste et cela ne fait que confirmer le soutien qu’il a des Etats-Unis.C’est avec la naissance de mouvements solidaires avec le peuple dans l’armée et avec l’organisation de grèves de la faim un peu partout, que la situation tourne. Le 17 octobre, soit après 10 jours de conflit, Gonzalo cède, dépose sa démission et s’exile vers Miami. Il est évident que cet homme est une marionette. Et, de plus, peut-être que si les Etats-Unis n’étaient pas enlisés en Irak, ils seraient intervenus en Bolivie pour y maintenir leur influence. Pour l’instant, c’est Carlos Mesa, le vice-président qui assure l’intérim avant l’organisation de prochaines éléctions.
Le plus difficile reste à faire : créer une politique plus juste, pour que chacun puisse accéder au minimum vital. Le gaz ne fut que le catalyseur des frustrations d’un peuple victime de la misère et de la corruption. La population est lassée d’une situation dont elle ne voit pas le bout, où les gens doivent se débattre pour survivre. La grande revendication, au-delà du gaz, au-delà de la démission du président, c’est que soit pris en compte la soufrance et la misère, que soit écouté l’immense majorité qui constitue le pays. Qu’ils soient reconnus pour ce qu’ils vivent, pensent et espèrent du futur.
Cela est évidemment impossible au sein du capitalisme qui ne prend absolument pas en compte les besoins du peuple, mais qui fonctionne pour le profit d’un petit nombre, en utilisant le reste de la population. Un nouveau parti des travailleurs est nécessaire et serait déjà un pas en avant. Un parti dans lequel les marxistes révolutionnaires pourront défendre leurs idées afin de faire un contre-poids aux idées réformistes. Car il est clair pour nous que pour les travailleurs boliviens et ceux du monde entier, il est nécessaire de rompre avec le capitalisme pour mettre en place un système qui produit selon les besoins de toute la population.
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Bolivie. L’insurrection populaire a chassé le président
Presque deux ans après le mouvement de lutte qui a contraint en Argentine quatre présidents successifs à démissionner, la Bolivie a suivi l’exemple pendant ce mois d’octobre. Un mouvement de grève générale de durée illimitée de la classe ouvrière à laquelle se sont ralliés les paysans pauvres et les peuples indigènes, a évincé le président détesté Gonzalo Sanchez de Losada.
par Andrés Aravena, membre de Socialismo Revolucionario (Chili)
"Le président déchu était détesté par les travailleurs et par les pauvres. C’est le patron fortuné d’une compagnie minière, éduqué aux États-Unis et parlant l’espagnol avec un accent américain. La Bolivie est le pays le plus pauvre du continent. 5,6 millions de Boliviens sur 8 millions souffrent de la pauvreté. Chaque heure, 20 Boliviens de plus viennent grossir les rangs des affamés. Alors que l’entourage du président roule en limousine, amasse fortune et séjourne fréquemment à Miami, le lieu de séjour huppé de l’élite latino-américaine. Gonzalo Sanchez a été incapable de résoudre le chômage et la question agraire. 3 millions de Boliviens n’ont pas accès à l’eau potable ni à l’électricité. La police a durement réprimé l’insurrection, tuant plus de cent personnes. La grève générale a été appelée pour le 29 septembre. Les revendications principales du mouvement portaient sur la nationalisation de l’industrie du gaz que le gouvernement voulait exporter aux USA, et la démission du président. Les autres revendications réclamaient l’arrêt des privatisations, la fin du rabotage des pensions et une réforme agraire.
Après la démission du président, le vice-président a pris la relève. La classe dominante reste donc au pouvoir. Tandis que certaines franges du mouvement, dont le MAS(*) de Evo Morales, ont provisoirement suspendu les actions pour tester le nouveau gouvernement, d’autres continuent la grève. Le nouveau gouvernement capitaliste s’est vite avéré incapable de résoudre la crise sociale. Il faut mettre en avant un programme révolutionnaire qui lui seul soit capable de donner une issue à la crise. Sinon, la lassitude s’emparera des activistes si le mouvement piétine. Ainsi, des comités de grève doivent être constitués, coordonnés sur le plan local, régional et national. Ils peuvent être l’embryon d’une Assemblée constituante révolutionnaire, composée des représentants des travailleurs, des paysans, des peuples indigènes, des soldats et des petits commerçants. Une assemblée capable de diriger le mouvement et de coordonner la lutte. Face aux illusions réformistes des directions syndicales et du MAS (par exemple, Morales a appelé à une médiation de l’ONU dans la question du gaz), nous devons avancer la nécessité d’une direction révolutionnaire du mouvement ouvrier pour se débarrasser du capitalisme. Une telle direction avancerait l’idée d’un gouvernement ouvrier et paysan qui en finirait avec la domination des capitalistes et des grands propriétaires fonciers liés à l’impérialisme. En entamant le processus de transformation socialiste du pays, il donnera une impulsion et la confiance en soi des classes opprimées latino-américaines qui soutiendront la lutte pour une Amérique latine socialiste, seule base sur laquelle le continent peut être unifié."
(*) Evo Morales est le leader des paysans cultivateurs de coca et ex-candidat à la présidence pour le Mouvement vers le Socialisme (MAS: Movimiento al Socialismo). Interrogé par le quotidien Le Monde pour savoir si le MAS soutenait la passation de pouvoir au vice-président, Morales déclare «soutenir cette solution, mais le nouveau gouvernement devra défendre le gaz de la nation, convoquer une Assemblée constituante (ce que le gouvernement va hésiter à faire, NDLR) et suspendre les programmes d’éradication de la coca.»