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Tag: Bolivie
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Comment renforcer la lutte anticapitaliste en Amérique Latine ?
LA GAUCHE AU POUVOIR EN BOLIVIE
Ces dernières années, nous avons assisté à une percée des régimes de gauche en Amérique Latine. Chavez, au Venezuela, a été suivi par Morales en Bolivie et, ailleurs aussi, la radicalisation s’est exprimée dans le renforcement des forces de gauche. Nous voulons analyser comment ces développements positifs peuvent être sauvegardés et étendus. Nous avons discuté avec HANNES, un membre du PSL qui a passé ces six derniers mois en Bolivie en tant qu’étudiant Erasmus.
COMMENT ET POURQUOI UN RÉGIME DE GAUCHE EST-IL ARRIVÉ AU POUVOIR EN BOLIVIE ?
‘‘La Bolivie a une histoire faite d’exploitation, d’oppression, de guerres (civiles),… Le colonialisme espagnol a été suivi par le néocolonialisme, entre- autres, des Etats-Unis, avec le soutien de la politique néolibérale de la bourgeoisie bolivienne. Ces années de sang, de sueur et de larmes ont laissé des traces.
‘‘Entre 58 et 70% de la population vit sous le seuil de pauvreté (avec moins de 2 dollars par jour) et environ la moitié d’entre eux connait l’extrême pauvreté (moins de 1 dollar par jour). Le fossé entre riches et pauvres est véritablement devenu un gouffre. Selon le Ministre du Développement économique Xavier Nogales, un riche gagne en moyenne 90 fois plus qu’un pauvre.
‘‘La Bolivie a un potentiel énorme avec un sol fertile, des minerais de grande valeur, du pétrole, et la deuxième plus grande réserve de gaz naturel d’Amérique Latine. Mais jusqu’à présent, ce sont les multinationales et la bourgeoisie bolivienne qui ont profité de ce potentiel. Ce n’est guère surprenant que les travailleurs et les paysans de Bolivie s’opposent à cette injustice.
‘‘Cette résistance n’est d’ailleurs pas nouvelle, la Bolivie jouit d’une histoire de luttes ouvrières et paysannes particulièrement riche. Ainsi, le pays a connu en 1952 une véritable révolte de la classe ouvrière et des paysans, épisode connu sous le nom de ‘‘Révolution d’avril’’. La classe ouvrière, armée, est parvenue à accomplir de grandes réformes (notamment la nationalisation de toute une série de mines) et a mis un terme au régime féodal qui opprimait les paysans. Plus tard, le pays a connu une première grande réforme agraire ainsi que l’instauration d’un enseignement de base pour les enfants des ouvriers et des paysans dans les villages.
‘‘Plus récemment, il n’y a même pas 10 ans, les masses se sont soulevées contre la ‘‘guerre de l’eau’’ et ont obtenu l’expulsion immédiate des grandes multinationales qui s’étaient accaparées l’approvisionnement en eau. Trois ans plus tard, c’était le triomphe de la ‘‘guerre du gaz’’ et, en 2005, un mouvement de masse encore plus grand s’est dressé pour exiger la nationalisation complète de l’industrie gazière, mouvement qui a éjecté deux présidents néolibéraux.
‘‘En reprenant les revendications du peuple dans leur programme, Evo Morales et son MAS (Movimiento al Socialismo) sont parvenus à remplir le vide politique. Aux élections de 2005 et 2009, le MAS a remporté des scores électoraux record. Aujourd’hui, le MAS reste toujours extrêmement populaire, mais cela peut changer. La population exige des réformes plus radicales et ne tire aucun avantage des mesures actuellement très limitées du gouvernement de Morales. Si ce gouvernement ne va pas plus loin, les masses sont prêtes elles- mêmes à lutter pour obtenir plus.
‘‘Cette confiance s’est reflétée, entre autres, dans la grève des fonctionnaires du 9 mai dernier. Les grévistes revendiquaient une hausse salariale de 12,5% contre les 5% promis par le gouvernement (entre 2003 et 2005, les salaires n’avaient augmenté que de 3 à 4%).’’
QUE SIGNIFIE LE RÉGIME DU MAS POUR LA POPULATION ?
‘‘Après son élection, Evo Morales a procédé à la nationalisation du secteur de l’énergie. Mais cela ne consiste qu’en des joint-ventures où 20% des entreprises se trouvent toujours aux mains des multinationales, les 80% restants étant sous contrôle de l’Etat. Il n’y a donc pas de nationalisation complète sous contrôle des travailleurs, mais les revenus de l’Etat issus du secteur énergétique ont été décuplés (de 200 millions de dollars en 2006 pour 2 milliards en 2008).
‘‘Ces revenus ont donné l’espace nécessaire à Morales pour mettre sur pieds ses célèbres Bonos (projets sociaux). Avec ces projets, Morales a pu assurer des subsides scolaires, des pensions, des allocations pour les dépenses de soin et la gratuité de certains produits de base. Si ces Bonos sont évidement les bienvenus pour la population pauvre, ils n’ont toutefois conduit à aucun changement fondamental.
‘‘Pour l’instant, la réforme agraire n’a qu’à peine été concrétisée. Morales a réparti 500.000 hectares de terres des grands propriétaires en faveur de la population paysanne. Cela semble être un pas important en avant, mais les terres touchées étaient inoccupées car économiquement inintéressantes. En fait, Morales ose s’en prendre relativement fortement aux intérêts des multinationales étrangères mais, face à la bourgeoisie nationale et aux grands propriétaires terriens, il est extrêmement prudent.
‘‘Enfin, une nouvelle constitution a été instaurée, assurant plus de droits et d’autonomie pour la population amérindienne. Après des décennies de racisme et de discrimination, cette avancée est très importante. Une nouvelle constitution ne met pas immédiatement fin au racisme, mais c’est une aide précieuse dans le cadre de la lutte contre le racisme et les discriminations. Il n’a d’ailleurs pas été seulement question de discrimination raciste, mais aussi sexuelle ou d’orientation sexuelle.’
COMMENT PEUT-ON SAUVEGARDER ET ÉLARGIR CES RÉFORMES ?
‘‘Ces réformes représentent un pas important en avant pour les marxistes et pour les mouvements sociaux en général. Les victoires électorales successives du MAS ont temporairement affaibli la droite capitaliste. Mais pour garantir que la droite ne puisse retrouver son ancienne position, le MAS doit consolider son soutien parmi la population.
‘‘En général, les marxistes soutiennent de façon critique les candidats du MAS. Nous défendons les réformes de ces dernières années et luttons contre la droite. Mais afin d’éviter le retour de la droite, le régime doit rapidement opérer plus de changements fondamentaux.
‘‘Nous ne pouvons pas abandonner la lutte contre la droite et pour une rupture avec le capitalisme à la direction du MAS. Un changement socialiste de société n’est possible qu’en se basant sur la mobilisation active de la base de la société. A la place de cela, le gouvernement du MAS a instauré par en haut des réformes limitées et a tenté d’obtenir des compromis avec le système capitaliste. Cela n’est pas tenable à long terme.
‘‘La frustration est déjà bien présente parmi les travailleurs et les militants qui ont porté Morales au pouvoir parce que les choses ne vont pas plus loin et qu’il n’y a eu aucune rupture fondamentale avec le capitalisme et le latifundisme (structure agraire héritée du féodalisme). Cette frustration a régulièrement entraîné des actions, une lutte qui pourrait s’accroître au cas où le gouvernement ne serait plus en état de maintenir les actuelles concessions limitées dans ce contexte de crise économique. Vouloir temporiser la situation ne conduira qu’à un recul et c’est ce processus qui se développe pour l’instant. L’instauration d’une économie démocratiquement planifiée à la place du capitalisme est une nécessité.
‘‘Nous avons également assisté à un renforcement de la bureaucratie à l’intérieur du gouvernement et du MAS lui-même. Lors des élections locales du 4 avril, beaucoup de candidats du MAS ont ainsi été désignés par la direction nationale et non par des élections à la base. Parmi ces candidats, certains n’ont aucun lien avec les mouvements sociaux ou la lutte des travailleurs. Des protestations ont suivi, mais la direction n’en a pas tenu compte, ce qui a conduit à une certaine désillusion. Le régime tente aussi d’éviter les mobilisations et les actions indépendantes en incorporant la direction des mouvements sociaux à l’appareil d’Etat.
‘‘D’autre part, des capitalistes de droite ont également été acceptés dans le parti, selon l’argument que des compromis seraient ainsi possibles. Ce pragmatisme a connu de tristes sommets quand même quelques dirigeants d’une organisation d’extrême-droite ont été acceptés dans le MAS à Santa Cruz. La direction du MAS estime que les candidats de droite dans les provinces riches en minerais sont des gages de victoire. Elle sous-estime le danger de cette stratégie. Les opportunistes de droite serviront les intérêts du monde des affaires et des grands propriétaires terriens. Pour la droite, la position que lui offre le MAS est une opportunité de se renforcer et de lutter contre les réformes. Mais par-dessus tout, cela isole le parti de sa base véritable.
‘‘Afin de lutter contre ces développements, les ouvriers, les paysans et les jeunes qui ont porté ce régime de gauche au pouvoir doivent se battre pour assurer un contrôle démocratique sur le MAS, sur les campagnes et sur la direction du parti. La base du MAS est déjà très fortement organisée, elle doit utiliser cette force pour s’emparer elle-même du contrôle sur son parti. A ct effet, des comités locaux de membres du MAS peuvent être érigés tandis que des syndicats et des organisations paysannes peuvent s’organiser et lutter contre la bureaucratisation et pour le contrôle ouvrier sur le gouvernement et sur l’économie.
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III. NOTRE PROGRAMME
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"Le PSL – LSP, un parti pour changer de société"
– Préface
– II. Perspectives, tâches et objectifs
– IV. Notre fonctionnement interne
Cette brochure peut être commandée via redaction@socialisme.be et revient à 3 euros (que vous pouvez verser sur le n° de compte 001-2260393-78 du PSL/LSP avec la mention "brochure PSL").
[/box]Idéologie
Beaucoup de gens disent qu’ils n’adhèrent à aucune idéologie particulière, il est même devenu assez «tendance» de se dire pragmatique. Depuis la chute du stalinisme, à la fin des années ’80 – début des années ’90, la classe dominante et ses collaborateurs intellectuels ont déclaré avec grand fracas que le débat idéologique avait pris fin. Seul le marché «libre» était dorénavant considéré comme étant efficace. Pour reprendre la célèbre expression du philosophe Francis Fukuyama (qui a très peu fait parlé de lui par la suite) la «fin de l’histoire» a été explicitement proclamée.
La raison pour laquelle peu de gens parlent encore de cette prétendue «fin de l’histoire» n’est pas compliquée à trouver: les contradictions de classes n’ont fait que s’accroître durant les années 1990 et 2000 et le clivage entre riches et pauvres est aujourd’hui gigantesque. De plus en plus de travailleurs et de jeunes se retrouvent sur le côté. Cette situation conduit inévitablement à de nouveaux questionnements ainsi qu’à la recherche d’une réponse générale contre le capitalisme ; autrement dit : une autre idéologie, capable de mieux expliquer les développements sociaux que l’ancienne.
A travers l’histoire, les classes dirigeantes ont toujours essayé de présenter leurs idées comme «naturelles», «éternelles», et «normales». La bourgeoisie n’agit pas différemment au travers de ses partis, de son enseignement, de ses médias et de ses intellectuels. Attardons nous sur quelques clichés de la vision capitaliste :
– «La société n’est pas constituée de différentes classes économiques, mais bien d’individus indépendants.»
Cela est totalement faux. Il existe une classe dirigeante qui dispose de la propriété privée des machines, des ressources, etc. Cette propriété privée des moyens de production entraîne inévitablement l’exploitation de la majorité de la population et une compétition mortelle, contrairement à ce que permettrait une économie démocratiquement planifiée. Il y a donc bien des groupes aux intérêts divergents et irréconciliables dans la société capitaliste. Un tel système contradictoire conduit immanquablement à des crises de surproduction.
– «Les restructurations et les licenciements sont déplorables, mais sont un phénomène temporaire, et nécessaire à la viabilité de l’économie.»
Tout aussi faux. Le chômage a, en Belgique, augmenté de 70.753 personnes au début des années ’70 à plus d’un demi-million de personnes qui dépendent de l’ONEM aujourd’hui. Le licenciement des travailleurs est seulement «nécessaire» afin de garantir les profits des patrons et PAS pour maintenir une économie saine. Les profits d’une petite élite priment sur tout le reste.
– «Celui qui est sans emploi l’est uniquement par sa propre faute. C’est un problème personnel, pas social.»
Une fois de plus, c’est un mensonge. Le chômage structurel – alors que tant de besoins ne sont pas satisfaits dans la société (garderies à bon marché, facilités de loisir, enseignement de qualité,…) – est une maladie liée à la crise de surproduction capitaliste.
Les frais salariaux sont seulement une excuse pour des capitalistes à la mémoire courte. Dans les années ’50 et surtout ’60, un système de sécurité sociale a été construit, et les salaires réels sont montés de manière significative. Mais ce processus a pris place dans une période de forte croissance capitaliste. Depuis la politique néolibérale, au début des années ’80, nos salaires directs et indirects (pensions, allocations, etc.) ont fortement diminué en termes de pouvoir d’achat. Cela n’empêche pas les patrons de systématiquement parler du coût salarial comme d’un facteur «destructif pour l’emploi». La seule chose destructive pour l’emploi est pourtant le système capitaliste qu’ils défendent.
– «L’idée de redistribuer les richesses est le reflet d’une jalousie vis-à-vis de ceux qui ont réussi dans la vie. La position de quelqu’un dans la société correspond à ses efforts et à ses talents.»
Faux. La redistribution des richesses signifie de réclamer aux grands actionnaires le travail non-payé, grands actionnaires dont l’activité ne consiste d’ailleurs qu’à s’asseoir sur leurs culs de fainéants, à remplir des coupons et à les commercialiser. Etre riche aujourd’hui signifie avant tout être né dans une «bonne famille». Les efforts et les talents de la majorité des travailleurs sont constamment niés par le capitalisme. Par la routine robotique, le manque de contrôle et de démocratie, ces talents sont à peine utilisés.
– «Le socialisme ne correspond pas à la nature humaine, car la majorité des gens est égoïste.»
Encore une autre désinformation. Dans la nature humaine, on peut indubitablement constater des éléments d’altruisme, par exemple dans la relation des parents envers leurs enfants. Mais la lutte pour le socialisme ne se base pas sur l’idée que nous devrons faire «plus avec moins». Bien en contraire. C’est dans la lutte pour les intérêts matériels de la majorité de la population que se trouve le fondement même des mouvements de lutte à venir.
– «La révolution, c’est un coup d’Etat chaotique réalisé par une petite minorité, comme cela a été le cas en Russie en octobre 1917.»
C’est quelque chose que l’on entend également très souvent, mais là encore, c’est très loin de correspondre à la réalité. Les révolutions ont lieu seulement quand les masses ne veulent plus vivre de l’ancienne manière : quand les masses laborieuses arrivent sur la scène de l’histoire. Nous parlons d’une intervention consciente et organisée des masses pour prendre la gestion de la société entre leurs mains. La révolution de 1917 était portée par la majorité des travailleurs et des paysans pauvres, organisée dans des conseils (soviets) démocratiquement élus.
– «Une économie planifiée n’est pas réaliste. Qui voudrait encore travailler?»
Cette idée rejoint la thèse sur la nature humaine «égoïste». La satisfaction du travail pour les masses trouvera sa source dans le fait qu’elles contrôleront elles-mêmes les produits de leur travail, et ce d’une manière démocratique. Ce sera un stimulant économique et social énorme. Les conditions de vie pourraient de nouveau augmenter sur toute la planète, avec des possibilités gigantesques pour les nouvelles technologies et les sciences, tout en tenant compte de l’environnement. C’est seulement sur base d’une économie démocratiquement planifiée que l’on pourra réellement respecter l’environnement, nécessité vitale pour chacun.
Ce sera l’intérêt commun et non le profit d’une petite élite qui sera mis en avant par des discussions dans les conseils ou comités de travailleurs. La technologie, qui actuellement conduit à plus de chômage au fur et à mesure des progrès en entraînant des crises de surproduction, pourrait sous une économie planifiée élargir le temps libre, la liberté humaine et la connaissance de ce que la planète a à nous apporter de façon considérable.
On pourrait encore aborder beaucoup d’autres questions. Est-ce que les travailleurs d’aujourd’hui sont encore exploités, comme au 19e siècle ? La majorité d’entre nous n’est-elle pas devenue heureuse grâce au capitalisme, à l’exception de quelques problèmes provisoires et marginaux ? En fait, la machine de propagande bourgeoise tourne tellement bien que certaines finissent pas la croire, malgré des statistiques qui prouvent le contraire.
Il en va ainsi du «Quart-Monde», que beaucoup de gens considèrent comme ayant toujours existé, et destiné à disparaître à terme. En réalité, la notion de «Quart-Monde» est née dans les années ’80 suite aux économies opérées dans les services sociaux. Depuis quelques années, même ceux qui ont un emploi ne sont plus certain d’échapper à la pauvreté.
En fait, les idées capitalistes sont quotidiennement diffusées par des milliers de canaux tandis que la réponse socialiste à ce flot de propagande ne dispose bien évidemment que de peu de moyens. Ainsi, quand la presse bourgeoise parle des grèves, elle parle essentiellement de la nuisance de celles-ci. Pourquoi n’entend-t-on jamais dire de leur part que sans les grèves, les grèves générales et les manifestations de travailleurs, nous n’aurions jamais eu le droit de vote ou la sécurité sociale? Ce n’est pas un fait objectif peut-être? Ou est-ce simplement parce que cela déplaît à l’idéologie dominante, celle de la classe dominante et de ceux qui servent ses intérêts?
Et d’ailleurs, est-ce qu’il existe encore des idéologies? On prétend aujourd’hui facilement qu’au 19e siècle, à l’époque de Marx, il y avait encore de grandes contradictions de classes, mais que celles-ci ont entre-temps disparu. La raison avancée pour étayer cette thèse est que la classe ouvrière de l’époque de Marx n’existe plus aujourd’hui. C’est un argument auxquelles nos oreilles auraient à force presque tendance à s’habituer, alors qu’il n’y a pas la moindre parcelle de vérité là-dedans.
Au 19e siècle, la classe ouvrière était une petite minorité largement désorganisée. Politiquement, elle était proche du parti Libéral, et on ne parlait même pas encore d’un parti ouvrier (de tels partis sont nés seulement vers la fin du 19e siècle). Une des tâches les plus importantes de Marx a consisté à donner une idéologie propre et globale à la classe ouvrière ainsi qu’à créer des organisations ouvrières indépendantes de la bourgeoisie. Marx parlait de transformer la classe ouvrière d’une classe «en soi» (qui existe) en une classe «pour soi» (conscience de son existence en tant que classe aux intérêts communs).
Aujourd’hui, la classe ouvrière constitue la majorité de la population. Elle est bien éduquée, organisée dans des syndicats, possède un certaine degré d’indépendance politique et, depuis le 19e siècle, elle a obtenu le droit de vote, la liberté de la presse, le droit de grève, etc. Il est normal que la bourgeoisie essaie de s’en prendre à ces droits. Les patrons font bien entendu tout pour miner et diviser cette force potentielle en scissionnant des entreprises (la scission de Bayer à Anvers en Bayer et Lanxess, par exemple) ou à l’aide de la sous-traitance.
C’est dans ce cadre qu’il faut replacer les attaques contre le droit de grève. Les patrons veulent limiter le pouvoir potentiel des travailleurs, avant que ce pouvoir ne se manifeste de manière trop évidente. En France, Sarkozy a fait voter une loi qui oblige les grévistes, dans le secteur des transports publics, à annoncer préalablement une grève à la direction. Ils veulent ainsi pouvoir anticiper les effets de la grève et soumettre les travailleurs à l’intimidation. Les politiciens et les patrons rêvent d’élargir cet exemple à d’autres secteurs.
En Belgique, comme en France, la discussion sur le «service minimum» est lancée. A quoi sert une grève, si des remplaçants sont sur place? Les directions syndicales nationales de la CSC et de la FGTB n’ont pourtant pas émis de forte résistance contre une telle idée. Dans certains cas, ils ont même aidé la droite dans ses réflexions sur le sujet, tant leur peur des actions spontanées et des mouvements généralisés est profonde. Comme Trotsky l’a déclaré il y a quelques décennies, si les dirigeants syndicaux ne rejettent pas le système, alors ils s’y incorporent de plus en plus.
Les dirigeants syndicaux ne portent pas juste une «petite» part de responsabilité sur leurs épaules dans l’absence de perspectives de toute une génération et d’une jeunesse immigrée abandonnée par le capitalisme. Aujourd’hui, dans beaucoup de villes européennes, on assiste à l’émergence de ghettos auxquels aucun politicien bourgeois ne s’intéresse. L’aliénation que ceci peut amener, nous avons pu la voir à l’œuvre dans les explosions violentes des banlieues françaises en 2005. Des voitures et des entreprises ont été incendiées. Des attaques ont été commises contre des bus dans lesquels se trouvaient des travailleurs ordinaires victimes de la politique néolibérale au même titre que les jeunes. On a pu voir également les attaques de la part de jeunes immigrés contre leurs compagnons d’âge pendant les manifestations et les grèves contre le CPE (Contrat Première Embauche), tout cela parce qu’ils faisaient selon les jeunes des banlieues partie des «riches». Ces exemples sont tous des signes d’une société malade. De nouveaux partis des travailleurs doivent, avec l’aide des syndicats, défendre toutes les couches de la population, même les plus opprimées. Ne pas le faire ouvre la porte aux islamistes radicaux, et, parmi la jeunesse blanche, à l’extrême-droite.
Il y a encore de grands débats idéologiques en vue. Ni la classe ouvrière, ni l’exploitation n’ont disparu et, en conséquence, pas non plus la nécessité d’un fondement idéologique. Ce qui a disparu, c’est les idéologies réformistes des sociaux-démocrates, ainsi que des dirigeants staliniens.
Ces derniers, après la chute des régimes staliniens, ont couru à toute vitesse vers le camp du marché libre, parfois avec quelques «corrections sociales» mais sans le plus souvent. A tel point que l’ancien premier ministre britannique Tony Blair prétend maintenant que le Parti Travailliste n’aurait jamais dû rompre avec les libéraux! En fait, ce que Blair demandait en disant cela, c’était un retour à la période qui a précédé Marx.
C’est assez logique pour quelqu’un qui a intérêt à ce que l’idéologie capitaliste reste la seule en course, ce qui concrètement signifie que tout doit rester comme avant. «Pas d’idéologie» ou le «pragmatisme» néolibéral, ce ne sont rien d’autre que des formes revêtues par l’idéologie bourgeoise qui a entre autres conduit aux libéralisations, aux privatisations, à la chute du pouvoir d’achat et à une flexibilité croissante.
Le fait que la discussion sur le «socialisme du 21e siècle» ait été lancée au Vénézuela et en Amérique Latine n’arrive pas au bon moment pour la classe capitaliste. Pour nous, ce n’est que le début du type de discussions qui vont gagner en intensité dans les années à venir, en Europe et dans les pays développés également. Très certainement dans le cadre de cette crise économique qui risque d’être la plus importante jamais connue et si la tendance à la formation de nouveaux partis des travailleurs se confirme.
Chavez a mené une série de mesures positives pour la population pauvre en partie grâce au prix élevé du pétrole, dont le Vénézuela regorge. Nous soutenons bien entendu ces mesures (supermarchés spéciaux pour les pauvres, campagnes d’alphabétisation, meilleurs soins de santé avec l’aide de médecins cubains,…). Mais, malheureusement, Chavez n’est pas clair sur la nécessité d’opérer une véritable rupture avec le capitalisme. Il n’y a pas encore autant de nationalisations qu’il y en a eu au Nicaragua dans les années ’80, où d’ailleurs le processus révolutionnaire avait été renversé. Suite à la crise économique, au fur et à mesure de la baisse des revenus pétroliers, cela va fortement limiter l’espace dont dispose Chavez pour l’application de mesures sociales et le soutien pour le régime pourrait en sortir considérablement miné. De plus, le développement d’organes de classe indépendants (comités de lutte élus, partis, etc.) est freiné par l’approche «de haut en bas» du régime.
Les références de Chavez au socialisme reflètent une pression de la base. Elles expriment la volonté des masses d’abandonner la misère du capitalisme pour construire un nouvelle société.
IDEOLOGIE ET PROGRAMME
Le mot «programme» est souvent compris comme «cahier de revendications». Mais un programme, c’est bien plus que cela. Le cahier de revendications n’est que la pointe de l’iceberg, autrement dit l’application concrète d’un programme sous certaines conditions.
Par exemple, il est possible que l’on soit complètement d’accord avec le cahier de revendications du MR aujourd’hui, sans nécessairement souscrire à tout le parcours historique de ce parti, aux différentes réponses que les libéraux ont offert à travers l’histoire. Pour être un vrai libéral, il ne faut pas seulement souscrire à leur cahier de revendications actuel, mais aussi à la manière avec laquelle ils sont arrivés à cela.
En d’autres termes, un programme signifie: un cadre idéologique consistant et historiquement construit, une analyse de la situation actuelle, une orientation générale, une stratégie et une tactique. Sans cela, on peut être d’accord avec le MR aujourd’hui mais être complètement en désaccord avec eux demain, lorsque les conditions auront changé. A l’inverse, il est possible d’être d’accord avec le populiste de droite Jean-Marie Dedecker sur un cadre historique libéral, mais avec un autre cahier de revendications.
Dans un parti qui souscrit à l’idéologie dominante, l’idéologie bourgeoise, cela ne joue pas un rôle tellement important. Par contre, lors d’une révolution ou de grands mouvements de lutte, ces différences peuvent comporter des conséquences catastrophiques.
C’est pour ça qu’un programme, au sens marxiste du terme, ne peut pas se limiter à un simple cahier de revendications. Le Manifeste du Parti Communiste, écrit par Marx et Engels comme proposition de programme pour la «Ligue des Communistes», était en premier lieu une analyse historique du développement du capitalisme, une perspective sur son futur développement, une orientation générale vers le mouvement ouvrier, et enfin une discussion sur la stratégie et la tactique à adopter vis-à-vis d’autres courants socialistes. Une page seulement sur les 80 à 100 pages du Manifeste (en fonction de l’édition), contient un cahier de revendications en 10 points.
Les thèses d’Avril de Lénine, le document programmatique des Bolcheviks pour la révolution d’Octobre ‘17, ou encore le programme de transition élaboré par Trotsky en 1938 nous donnent la même image. Autrement dit : on n’est pas pour autant marxiste parce qu’on est d’accord avec une ou même toutes les revendications du cahier de revendications. On le devient réellement sur base d’une analyse historique et actuelle de l’évolution de la lutte des classes et des grandes tâches générales qui en découlent.
Le PSL/LSP et le Comité pour une Internationale Ouvrière basent leur programme sur l’œuvre de Marx, Engels, Lénine et Trotsky; sur les textes des quatre premiers Congrès de la Troisième Internationale, sur le Congrès fondateur de la Quatrième Internationale et sur les textes du CIO (créé en 1974) et de ses pionniers depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Cela n’est pas rien et cela ne signifie pas non plus que nous sommes d’accord avec ces textes à la virgule près. Nous utilisons ces documents comme référence, comme méthode d’analyse et comme fil rouge pour nos orientations et tâches pratiques.
LE PROGRAMME DE TRANSITION
Naturellement, nous comprenons que tous les travailleurs et les jeunes ne souscrivent pas à 100% de notre programme. C’est pour cela que Trotsky a développé la notion de programme de transition. Par «programme de transition», il entendait un programme qui part de ce qui est nécessaire pour les travailleurs et leurs familles à un moment précis et qui met en avant la transition socialiste de la société.
Trotsky affirmait qu’il ne sert à rien d’élaborer un programme ou des revendications pour une gestion «plus humaine» du capitalisme, mais qu’il faut cependant offrir des solutions qui partent des besoins des travailleurs et de leurs familles. Trotsky a argumenté que le capitalisme ne sera jamais capable de satisfaire ces besoins, que seule une société socialiste pourrait offrir une solution durable.
En fait, il n’a rien fait d’autre que d’exprimer sous une forme plus claire un concept que Marx avait déjà élaboré dans le Manifeste du Parti Communiste et Lénine dans ses Thèses d’Avril. Lénine utilisait le slogan «Terre, pain et paix» pour arriver à la conclusion que le gouvernement transitoire qui a succédé au tsarisme après la révolution de février 1917 ne pourrait jamais satisfaire ces revendications pourtant primordiales. A travers cela, il est arrivé au slogan «Tout le pouvoir aux soviets».
De même, le PSL/LSP parle aujourd’hui de la «nécessité que la production soit basée sur les besoins de la population et pas sur les profits d’un petit groupe de capitalistes» pour arriver à la conclusion que cela n’est possible que par un changement socialiste de la société.
Le programme du PSL/LSP exprimé ci-dessous n’est rien d’autre qu’une application actuelle de ce programme de transition. Il doit être lu en prenant en considération les remarques ci-dessus à propos de l’idéologie et du programme.
LE PROGRAMME DE TRANSITION AUJOURD’HUI
La classe ouvrière est soumise à un recul perpétuel sous le capitalisme. La «cathédrale» de la sécurité sociale et d’autres acquis sont sous attaque depuis des décennies par le patronat et leurs politiciens. Ce n’est pas un processus économique inévitable. Le passé nous apprend que lorsque les travailleurs s’organisent dans des syndicats et des partis, la situation peut se retourner.
D’une lutte défensive visant à défendre nos intérêts par entreprise ou par secteur, nous devons reprendre tous ensemble l’offensive et réclamer la richesse que nous avons créée : pour créer des emplois décents, bien payés et stables; pour augmenter les allocations ainsi que les retraites et disposer d’un pouvoir d’achat digne de ce nom; pour initier un programme de construction massif de logements sociaux et plafonner les prix des habitations; pour renationaliser, sous le contrôle démocratique de la population, les services privatisés et libéralisés ; pour refinancer l’enseignement; pour organiser collectivement les tâches ménagères qui actuellement pèsent toujours sur les épaules des femmes ;… En bref, pour mettre réellement en avant les besoins de la majorité, au lieu de la soif de profit d’une minorité de grands actionnaires et de patrons.
Tous ensemble, jeunes et vieux; Flamands, Wallons ou Bruxellois; Belges ou immigrés; hommes et femmes;… nous sommes plus forts !
1. La technologie : un ami ou un ennemi ?
Cette situation est navrante lorsque l’on considère que les possibilités n’ont jamais été aussi grandes qu’aujourd’hui.
Un vol jusqu’en Amérique dure à peine 5 heures. Grâce aux ordinateurs, le boulot de centaines de milliers d’employés et de travailleurs peut être réalisé avec beaucoup moins de personnes. Internet, les e-mails et les GSM rendent la communication plus facile pour ceux qui y ont accès et créent pour beaucoup de jeunes et de travailleurs le sentiment d’appartenir à une communauté internationale. La médecine peut résoudre des problèmes dont nous ne pouvions que rêver auparavant. Mais, malgré toutes ces avancées, la chasse au profit joue un rôle extrêmement désastreux.
Les fonds gouvernementaux pour la recherche scientifique sont drastiquement réduits. Seule la recherche servant directement les intérêts des entreprises et leur fournissant des bénéfices est encore subventionnée. Et quand les entreprises prétendent vouloir financer la recherche, ils la déduisent en réalité de leurs impôts.
Les seuls qui en profitent sont les patrons. Les centres de recherches perdent ainsi leur indépendance. De plus, cela entraîne une concurrence entre les différents centres pour tenter d’obtenir des fonds. Les scientifiques sont isolés ; ils ne peuvent pas se concerter ni échanger des expériences, ce qui entraîne un gaspillage énorme d’énergie, de temps et d’argent.
Et même si l’on fait de la recherche utile, et que l’on arrive à trouver des solutions – pensons aux différents traitements des problèmes cardio-vasculaires – les traitements sont pour beaucoup de gens inaccessibles à cause de leur coût.
Pendant ce temps-là, les problèmes pour lesquels il faut urgemment trouver une solution continuent de s’empiler. Pensons au SIDA, aux catastrophes naturelles qui coûtent la vie à des millions de gens, aux traitements des cancers, à la production des déchets et à la pollution, à la famine dans de larges parties du monde,… Prenons plus particulièrement la famine. Un raisonnement logique serait: il y a une grave pénurie de nourriture, il faut donc produire plus. Et pourtant, les usines tournent au ralenti en craignant la surproduction, alors qu’une énorme quantité de nourriture est détruite tout simplement pour garder les prix à un certain niveau.
L’écrasante majorité des scientifiques sont d’accord pour affirmer que le réchauffement de la planète aura des conséquences désastreuses pour de larges parties du globe si on ne commence pas à y remédier maintenant. Selon des centaines d’experts présents lors du sommet sur le climat à Bruxelles (en avril 2007) l’Antarctique, l’Afrique Subsaharienne, les îlots et les grands deltas asiatiques sont les régions qui souffriraient le plus du réchauffement de la planète. On parle d’inondations, de tempêtes et de glissements de terrain qui se produiront plus fréquemment. Les franges les plus pauvres de la population mondiale seront les plus touchées par ces catastrophes naturelles. Mais l’existence d’une quantité inquiétante d’espèces de la faune et de la flore est également menacée, entre autres, par le réchauffement de la planète.
Une économie planifié à l’échelle mondiale et sous le contrôle démocratique de la population permettrait de prendre des mesures immédiates pour réduire «l’empreinte écologique» de l’Homme, notamment par un usage massif de transports publics gratuits mais également par des investissements massifs dans la recherche de sources d’énergie alternatives. Il est difficile de se rendre actuellement compte du potentiel de ces alternatives, du fait que l’industrie pétrolière et automobile leur mettent souvent des bâtons dans les roues.
La question-clé est qu’aujourd’hui, la science et la technologie sont aux mains et au service des multinationales. Ainsi, les différents gouvernements bourgeois ne peuvent pas prendre les mesures qui s’imposent, ou alors uniquement de façon ambiguë quand il est déjà trop tard. Leur politique est destinée à satisfaire la soif de profit, et pas à satisfaire les besoins de l’Homme et de son environnement. Nous devons exiger le contrôle démocratique de la science, au nom des scientifiques et de la population mondiale.
Aussi longtemps que les banques, les multinationales,… disposent du monopole de toutes les solutions possibles, nous sommes totalement impuissants. Ce n’est pas le développement de la science et de la technologie qui est en soi désavantageux, mais bien leur contrôle par les groupes mentionnés ci-dessus. Au service de la population, la technique et la science pourraient sauver et améliorer la vie de millions de personnes.
2. Pour des emplois décents, stables et bien payés.
- RETABLISSEMENT DE NOTRE POUVOIR D’ACHAT!
- STOP A LA FLEXIBILISATION!
- REDUCTION DE LA CHARGE DE TRAVAIL PAR LA REDISTRIBUTION DU TRAVAIL DISPONIBLE!
- 32 HEURES PAR SEMAINE SANS PERTE DE SALAIRE ET AVEC EMBAUCHES COMPENSATOIRES!
Les paroles du gouvernement contrastent de façon criante avec ses actes. Dans de larges parties de Bruxelles et de Wallonie, il y un chômage massif et structurel. En juin 2007, le chômage dans la région Wallonne était de 14,4% (allocataires au chômage complet et élèves ayant quitté le système scolaire). Presque la moitié de cette catégorie était au chômage depuis plus de 2 ans. Dans la région Bruxelloise, à la même période, le nombre de chômeurs était de 19,9%. Des générations entières sont exclues par l’économie de marché !
En Flandre, certains essaient de donner l’impression que le chômage a baissé considérablement dans le courant de 2006-2007 et qu’il y a même une pénurie dans certains métiers. Beaucoup de ces métiers sont flexibles (nettoyage, construction) et ne sont pas toujours rémunérés convenablement pour les efforts supplémentaires demandés. Que veulent les patrons? Des travailleurs prêts à se faire exploiter pour une bouchée de pain? La soi-disant pénurie est utilisée pour importer, de façon sélective, des travailleurs bon marchés en Belgique. Des travailleurs qui disposent de moins ou, dans le cas des sans-papiers ou des travailleurs au noir, d’aucun droits sociaux du tout. Le PSL/LSP défend les droits égaux pour tous les travailleurs. Ce n’est que de cette façon que l’on pourra combattre la pression sur les salaires et la politique de diviser pour régner appliquée par le patronat. Tout ce qui nous divise nous affaiblit!
Au niveau national, plus d’un million de personnes sont totalement ou partiellement dépendantes d’une allocation de chômage. Ce niveau est un record historique. Au début des années ’70, le taux de chômage officiel tournait autour des 70.000-80.000. En 1995, on comptait déjà 505.944 chômeurs : une croissance de 1,9% à 12,3% de la population active !
Depuis la moitié des années ’80, les chômeurs les plus âgés (de + de 50 ans) ne sont plus comptabilisés dans les statistiques. C’était déjà le cas pour les prépensionnés, et depuis 1986, pour ceux qui sont en pause carrière. Aujourd’hui, tous ces groupes constituent ensemble plusieurs centaines de milliers de personnes, qui reçoivent une allocation de l’ONEM mais ne sont pas comptées dans les statistiques.
Le chômage partiel et temporaire – pour ceux qui ont signé un contrat de travail mais qui, pour des raisons particulières, ne peuvent pas travailler – n’est pas non plus repris dans les statistiques. C’est également le cas pour les gens qui sont «activés», pour qui on utilise l’allocation de chômage comme une subvention salariale! Les patrons sont ravis! Depuis juillet 2004, les chômeurs entre 50 et 58 ans sont réinscrits comme demandeurs d’emploi à cause de la politique «d’activation» des chômeurs, sauf s’ils peuvent prouver au gouvernement que leur carrière a été suffisamment longue. Le gouvernement force les travailleurs à travailler plus longtemps à travers le Pacte des générations. Mais lorsqu’ils sont licenciés sur le tard, la réalité nous montre que peu d’employeurs acceptent de leur offrir une seconde chance!
En septembre 2007, le chômage officiel en Flandre était de 6,43% (selon le VDAB). Il faut tenir compte qu’il y a plus de gens en pause carrière et de prépensionnés en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles. En outre, la politique d’activation et de suspension commence à «payer»: c’est-à-dire que des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur allocation de chômage ces dernières années.
A Ostende, suivant le modèle de «l’activation», les jeunes sont massivement soumis à des sessions intensives pour la recherche d’un emploi, afin de leur apprendre à solliciter collectivement. Il ne s’agit même pas de formations professionnelles, et il n’y a aucune garantie d’avoir un emploi à la fin du parcours. De cette façon, les statistiques du chômage peuvent être embellies. D’autre part, le système incertain et extrêmement flexible des chèques-services connaît un succès grandissant. En juillet 2007, 4,38 millions de chèques ont été utilisés. Le système s’est rapidement répandu, surtout en Flandre (66,2% pendant la première moitié de 2007). A Bruxelles (5,9%) et Wallonie (27,8%), c’est moins le cas.
L’introduction d’emplois à 10, 20 ou 30% permet de beaucoup jongler avec les statistiques. Ainsi, si vous allez repasser ou nettoyer 3 à 4 heures par semaine grâce aux chèques-services, le gouvernement vous raie déjà des statistiques officielles de chômage. Ce genre d’emploi est largement subventionné par le gouvernement, et le système risque de devenir impayable. Sans parler du fait que les contrats flexibles, temporaires et intérimaires sapent de plus en plus la position des travailleurs qui bénéficient encore un emploi stable.
Ceux qui plaident pour une limitation du paiement des allocations de chômage dans le temps afin d’obliger les gens à dépendre du CPAS vivent sur une autre planète ou se foutent tout simplement des conséquences sociales de telles mesures. S’il est vrai que les gens choisissent de vivre d’une allocation plutôt que d’aller travailler parce que la différence entre les deux est trop faible, alors il faut augmenter les bas salaires plutôt que de réduire encore les allocations.
Les bureaux d’intérims sont devenus aujourd’hui des entreprises florissantes. Cela n’a rien d’étonnant. De cette manière, les entreprises n’ont plus à assumer la responsabilité d’un employé fixe. L’entreprise se dirige directement vers l’agence d’intérim qui lui fournit des travailleurs, parfois même avec des contrat à la journée! Vous n’avez plus besoin de travailleurs? Licenciez-les sans en subir les conséquences. Certains intérimaires travaillent depuis plus de 3 ans pour le même patron, ils fournissent à ce patron toute leur expérience, mais ne reçoivent ni la sécurité d’emploi, ni un salaire décent.
Les Etats-Unis sont cités comme l’exemple à suivre en matière de lutte contre le chômage. Le taux de chômage y serait très bas (entre 4 et 5 %). Ce que l’on ne raconte pas, c’est que la majorité des gens sont obligés de prendre un deuxième boulot après avoir fini le premier pour pouvoir s’en sortir. Ce modèle est en réalité un champ de bataille social. Pourtant, on voit que notre marché du travail évolue vers une croissance des contrats à temps partiel et des chèques-services, de plus en plus comme le système américain.
Un argument trop souvent cité est le manque de formation. Quelle hypocrisie! Les entreprises exigent que les élèves qui quittent l’école soient formés pour un job spécifique dans l’entreprise. La subvention des écoles par ces entreprises, pour pouvoir utiliser ces jeunes une fois sortis de leurs études, n’est plus un phénomène exceptionnel depuis longtemps. Une fois que le jeune – spécialement formé – n’est plus utile pour l’entreprise, il est mis à la porte.
Le patronat exige d’assainir le financement de l’éducation. Le raisonnement est toujours le même : les écoles doivent fournir des travailleurs formés, alors pourquoi organiser une formation large quand il s’agit d’emplois précaires ou de rester au chômage? La revendication du mouvement ouvrier comme quoi l’enseignement doit fournir une formation générale est un luxe qui doit être réservé aux enfants de la bourgeoisie. Voilà les pensées cyniques qui se cachent derrière les chiffres et les plaidoyers des chefs d’entreprises et de leurs organisations.
La crise du capitalisme mène de plus en plus à la croissance du chômage et des emplois précaires à bas salaires. L’ironie est que cela renforce la position des capitalistes, parce qu’ils peuvent menacer les travailleurs avec l’argument que si ces derniers n’acceptent pas les conditions qu’on leur impose, il y en a d’autres qui accepteront de travailler aux conditions imposées.
Le PSL/LSP défend un rétablissement complet de l’index et un salaire minimal de 1.500 euros net; dénonce le démantèlement de la sécu et « l’érosion » des contrats de travail. Nous nous opposons à chaque fermeture d’entreprise car, dans le cadre du système capitaliste, chaque fermeture mène au chômage et à la pauvreté. La seule revendication capable de commencer à résoudre le problème du chômage est l’introduction de la semaine des 32 heures, sans perte de salaire et avec des embauches compensatoires.
3. Stop aux libéralisations et aux privatisations ! Renationalisation sous contrôle démocratique de la population!
Dans les années ‘90, après la chute du Bloc de l’Est, l’idée selon laquelle le marché libre était le seul système viable a été largement diffusée. Tant la social-démocratie que les dirigeants syndicaux ont cru à cette fable et ont refusé de continuer à résister à l’offensive idéologique de la bourgeoisie. En utilisant l’unification européenne comme excuse, nos services publics ont été attaqués les uns après les autres, libéralisés et préparés à la concurrence privée. Au vu de la croissance plus lente de beaucoup d’autres secteurs – en conséquence de la crise de surproduction – le capital a cherché de nouveaux créneaux pour faire du profit.
Aujourd’hui, beaucoup de travailleurs commencent à percevoir les conséquences de cette politique – ou à la sentir dans leur portefeuille ! On pense par exemple à l’augmentation des prix de l’électricité en Belgique : "Test achat" a ainsi calculé que le prix pour un kilowattheure (kWh) chez Electrabel a augmenté de 50% entre janvier 2005 et décembre 2006.
Peu après les élections de juin 2007, Electrabel a annoncé qu’elle augmenterait à nouveau ses prix de 13% à 20% ! Après d’énormes protestations, l’entreprise a donné l’impression qu’ils n’allaient finalement pas mettre en place cette décision. Mais en réalité, le CREG, la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz, a publié un peu plus tard les résultats de sa recherche sur les augmentations des prix du gaz et de l’électricité. La commission a confirmé que, pour les particuliers, l’augmentation sera de 17% en 2008. Une famille moyenne va donc payer environ 172 euros de plus par an pour sa consommation d’énergie.
Et ceci alors que, selon le VREG qui est le régulateur flamand des marchés du gaz et de l’électricité, le nombre de familles qui ne sont pas capables de payer leur facture d’énergie a augmenté pour atteindre 91.600 en 2006. Une augmentation de 50% par rapport a l’année passée ! Le nombre de « mauvais payeurs » en Flandre a donc atteint un niveau record en 2006. Déjà 4,5% des ménages flamands sont dépendants du tarif social pour leur électricité. Le VREG affirme, à propos de ce scandaleux bradage d’un besoin essentiel, que « Les clients sont seulement intéressants pour les fournisseurs s’ils rapportent quelque chose. Les mauvais payeurs sont donc mis plus vite à la porte par leurs fournisseurs. »
Sur le marché du gaz, au début de la libéralisation, Electrabel a temporairement baissé ses prix pour attirer le plus de clients possible. Du moment que le marché a été divisé entre plusieurs concurrents, les prix ont augmenté assez vite pour assurer un maximum de profits pour les patrons et les gros actionnaires du secteur. C’est l’évolution naturelle à attendre de chaque forme de libéralisation et de privatisation d’un service public.
Le PSL/LSP se demande pourquoi la collectivité n’a pas de contrôle sur le marché de l’énergie. Pourquoi le profit est-il central s’il s’agit de notre consommation d’énergie ? Le PSL/LSP exige l’abolition des 21% de TVA sur l’énergie, qui représente un besoin essentiel pour chaque famille et revendique un gel des prix de l’énergie comme première mesure dans le processus de mise sous contrôle démocratique de tout le secteur de l’énergie. C’est seulement sur cette base que seront pris en compte les besoins des travailleurs et de leurs familles (y compris les besoins écologiques).
La libéralisation et la privatisation signifient toujours un drame social concernant le nombre d’emplois et les conditions de travail. A La Poste, 9.000 des 35.000 emplois ont été supprimés ce qui équivaut à la fermeture de deux grandes usines d’assemblage de voitures. Les travailleurs de La Poste qui sont restés ont été confrontés au système « géoroute » qui conduit à une augmentation perpétuelle de la charge de travail pour moins de personnel. Cela a mené, ces dernières années, à une vague de grèves spontanées dans de nombreux bureaux de poste à travers tout le pays. A quand un mouvement unifié pour jeter tout le plan « géoroute » à la poubelle et stopper net les pas « en avant » vers la libéralisation ?
Au début des années ’90, 26.500 personnes travaillaient encore chez Belgacom alors que ce chiffre est descendu à 15.000 début 2007. Aujourd’hui, la direction veut encore éliminer 1.500 places. A la classe ouvrière de supporter drames sociaux et pertes d’emplois tandis que les profits exorbitants sont réservés aux patrons. En 2006, Belgacom a ainsi réalisé 6,1 milliards d’euros de profit. La même année, le top manager Didier Bellens a reçu 1,85 millions d’euros de salaire, en plus des 480.000 euros de dividendes pour ses actions. Il en avait d’ailleurs également vendu pour une valeur de 6 millions d’euros. Les ex-« services publics » sont de véritables « jackpots » pour les capitalistes. Et bien sûr, les libéraux, les sociaux-chrétiens et les sociaux-démocrates trouvent que ce genre de profits ne devraient surtout pas être attaquables. Pour eux, les profiteurs sont les chômeurs, dont il faut au plus vite suspendre les allocations ou limiter celles-ci dans le temps.
Dans les chemins de fer, le transport de marchandises a déjà été libéralisé, et le transport de voyageurs est en train d’y être préparé. L’avenir en Belgique sera-t-il le même qu’en Grande-Bretagne ? Les divers accidents et autres misères qu’y ont connus les chemins de fer privatisés sont loin d’être des coïncidences pour l’opinion publique qui a, depuis, clairement changé d’opinion vis-à-vis de la privatisation. Aujourd’hui, la revendication de la renationalisation du secteur trouve de plus en plus d’échos en Grande-Bretagne, ce qui représente un sérieux changement par rapport aux années ’90.
En Amérique Latine également, les ravages de la politique de privatisation ont provoqué un changement dans la conscience. Aujourd’hui, les « gouvernements de gauche » en Bolivie et au Venezuela sont mis sous pression pour nationaliser les richesses naturelles. Les pillages et les expropriations par les multinationales sont de moins en moins tolérés par les masses. Comme l’expliquait Engels, le compagnon de Marx, les nationalisations apparaissent déjà comme des «éléments de socialisme» qui s’imposent à la veille société en crise. Ils démontrent la faillite du capitalisme et du libre marché.
Pendant que les gouvernements néolibéraux organisent la casse sociale, le nombre de personnes ayant besoin de services publics de qualité augmente de jour en jour. Par exemple, de nombreux parents qui travaillent ont un réel problème concernant la garde de leurs enfants. Ils seraient sans aucun doute enchantés d’avoir à disposition des crèches dignes de ce nom, et organisées par l’Etat.
Chaque jour, des milliers d’ouvriers et d’employés vont au boulot en transport en commun. Quelqu’un est-il capable de nous expliquer pourquoi les transports en train, en tram et en bus sont de plus en plus chers ? Quelle est la logique derrière cela ? A Bruxelles, n’est-ce pas scandaleux de devoir payer 2 euros pour un ticket de la STIB si celui-ci n’a pas été acheté à l’avance à un guichet ? Est-ce comme cela que l’on pense pouvoir résoudre les problèmes des embouteillages ? Un gouvernement au service de la population rendrait directement tous les transports publics gratuits pour faire face au problème des embouteillages et à la pollution. Dans le secteur de transports, il existerait des règles beaucoup plus strictes pour éviter que la pression du travail – en réalité la pression des profits – n’impose à des chauffeurs fatigués de devoir prendre la route.
Aujourd’hui, la destruction du système des soins de santé est une réalité flagrante et mène parfois à des situations dramatiques. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les Belges doivent déjà payer eux-mêmes 33% de leurs coûts médicaux. L’OCDE estime ce pourcentage à 28%. Le sous-financement des hôpitaux devient une excuse pour les médecins pour commencer à organiser des consultations « personnalisées », pour lesquelles ceux qui paient le plus sont évidemment les plus vite servis. Les médecins sont rémunérés selon leurs prestations, ce qui favorise les abus.
Le PSL/LSP veut mettre fin à la course aux profits dans l’industrie pharmaceutique, à la commercialisation rampante et aux abus de la médecine de prestation. Nous sommes pour la création d’un service de soins de santé public et national, avec des statuts fixes – qui sont de plus en plus minés dans les hôpitaux publics – et des salaires décents pour tout le personnel. Selon nous, des éléments tels que le profit ou le prestige de certains individus ou de multinationales ne peuvent intervenir dans le secteur des soins de santé.
L’argument invoqué en permanence pour la privatisation est le manque de "rentabilité" des services publics. Mais comment un service public peut-il être rentable ? Un service public a pour objectif de rendre un certain nombre de services le plus accessible possible pour chacun, qu’il soit riche ou pauvre.
Une prestation de services est par définition non rentable parce qu’elle ne peut générer de bénéfice. Ce qu’on oublie, c’est que le droit à des services publics – tout comme à la sécurité sociale – a été arraché par la lutte dans l’objectif de pourvoir à certains besoins sociaux.
En réalité, la libéralisation et la privatisation signifie la vente de nos services, avec moins d’emplois disponibles et des conditions de travail diminuées, pour nous faire payer doublement le prix. Ainsi le gouvernement économise-t-il sur les dépenses publiques, mais au détriment de qui ? Nous ne payons pas un centime de moins d’impôts, tandis que les managers de nos ex-services publics s’en mettent plein les poches !
Le PSL/LSP lutte contre la privatisation, pour la gratuité des transports publics, des soins de santé, de la distribution postale et de la collecte des déchets, parce que tous ces services doivent être accessibles a tout le monde, quelque soit l’âge, la situation professionnelle, le sexe,…
L’argument selon lequel un service public fonctionne mal par définition est largement répandu dans les consciences. Les services publics ont toujours été victimes de ragots. Ils seraient "inefficaces", "bureaucratiques", "tout sauf ponctuels", etc. Et, au contraire, dans le privé, tout marche évidemment à merveille.
Cette image est complètement fausse. Il y a toujours eu trop peu d’argent disponible pour les services publics, et ce même dans les "golden sixties". Mais même avec suffisamment d’argent, le problème n’est pas totalement résolu. Pour qu’un service fonctionne le plus efficacement possible, la participation de tous ceux qui l’utilisent ou y travaillent est également nécessaire.
Par exemple, les chemins de fer seraient bien plus efficaces et accessibles en impliquant les travailleurs et les voyageurs dans le fonctionnement du service. Cela permettrait à beaucoup de travailleurs de laisser leur voiture chez eux pour se rendre sur leur lieu de travail en prévoyant suffisamment de correspondances aux heures opportunes. Ces services seraient gratuits et donc accessibles a tous. Les points de départ du PSL/LSP sont l’efficacité et l’accessibilité pour tous, et non pas la logique de privatisation pour le profit de quelques-uns.
4. Et la concurrence alors ? Qui va payer tout cela ? Il n’y a pas d’argent pour cela ? Les patrons ne vont jamais l’autoriser…
Une citation des ouvriers des Forges de Clabecq, à l’époque de leur lutte dans les années ’90 pour le maintien de leur usine : « Si tu mets une pile de briques sur le sol, elles ne vont pas se mettre l’une sur l’autre d’elles-mêmes pour former un mur une maison. C’est pour cela que l’intervention humaine est nécessaire. C’est le travail qui génère la richesse. ». Des richesses, il y en a assez. La question est : qui en bénéficie ?
Si nous regardons à quel point la productivité a augmenté durant les dernières décennies, il apparaît que la durée du travail n’a pas augmenté aussi vite. Si c’était le cas, nous ne travaillerions qu’une paire d’heures par jour. Tous les profits que les patrons ont amassés, ils les ont gardés dans leurs poches.
Pour résoudre le chômage, le travail disponible doit être partagé entre tous les travailleurs disponibles. Cela déterminera la durée hebdomadaire du travail, qui pourra ainsi être fortement diminuée. Mais attention, nous voulons que le salaire soit totalement conservé, car nous y avons droit.
Naturellement, le patronat et le gouvernement vont refuser, car cela signifierait qu’une grosse partie de leurs profits leur échapperaient. Cela signifierait aussi que leur position concurrentielle serait menacée. Mais la concurrence est aussi vieille que le capitalisme. Les travailleurs doivent-ils tout avaler pour être « concurrentiels » ? Si on pousse la logique à l’extrême, cela peut être lourd de conséquences. Cela signifierait que nous devrons accepter à terme les mêmes salaires que les ouvriers chinois ou indiens surexploités.
Si les travailleurs et leurs organisations avaient suivi le même raisonnement au début du 20e siècle, nous serions encore en train de travailler 12, 13 ou 14 heures par jour au lieu de 8. Lorsque la classe ouvrière a fait pression pour la journée des huit heures, après la 1ère guerre mondiale, il n’était pas question de pertes de salaire.
Au lieu de partir de la question « Qu’est-ce qui est supportable et réaliste pour les entreprises », nous préférons nous demander « Qu’est-ce qui est nécessaire pour les travailleurs ». Nous trouvons simplement logique que la richesse produite par les travailleurs serve à subvenir à leurs besoins.
5. Pour un syndicat combatif !
Une des conditions pour atteindre les objectifs ci-dessus, c’est que les travailleurs puissent compter sur des organisations, tant sur le plan politique que syndical, avec lesquelles pouvoir mener le combat pour ces revendications.
C’est certain, une bataille sera nécessaire à l’intérieur des syndicats, pour remettre en avant le syndicalisme de combat. Le modèle de négociation par lequel la direction des syndicats essaye de convaincre le patronat a échoué. La force des syndicats réside dans leur capacité à mobiliser les travailleurs dans la défense de leurs intérêts immédiats, comme l’histoire l’a démontré à mainte reprises.
C’est de cela que les patrons ont peur. Au contraire, si le patron sait que la direction syndicale est prête à accepter un petit accord, il n’a aucune raison de faire des concessions. Si par contre, il comprend que le syndicat est prêt à se dresser comme un seul homme pour défendre les intérêts des travailleurs, il réagira de façon plus prudente. Ce qui importe, c’est que les travailleurs se lancent avec un peu plus de confiance dans la lutte, en sachant qu’ils ont la possibilité d’y gagner quelque chose.
Les syndicats ne servent pas à aider les patrons dans leurs « restructurations », ils servent à défendre les intérêts des travailleurs. A la place du syndicalisme de concertation, nous défendons le syndicalisme de combat. Nous soutiendrons chaque lutte dans ce sens. Il est crucial de se battre pour chaque emploi et pour le maintien de tous les acquis.
Un nouveau parti des travailleurs devra aussi organiser une aile gauche combative à l’intérieur des syndicats pour offrir une alternative à la « stratégie » d’enterrement des mouvements de lutte des directions syndicales. C’est la principale raison pour laquelle beaucoup de travailleurs sont aujourd’hui cyniques par rapport au rôle des syndicats. C’est aussi pour cette raison que les militants syndicaux ont du mal à convaincre les jeunes de s’engager dans un travail syndical.
Pensons par exemple à l’arrêt du mouvement contre le Pacte des Générations en 2005. Au cours de cette lutte, la base a été « consultée », dans le meilleur des cas, au cours d’assemblées régionales sans avoir la possibilité de décider réellement. Le mouvement a été stoppé arbitrairement par la direction de la FGTB et de la CSC. Pourquoi les militants ne pourraient-ils pas décider eux-mêmes de la fin ou non d’un mouvement ? Nous avons besoin d’une réelle démocratie syndicale, fondée sur une base active et impliquée qui peut décider elle-même du déroulement de la lutte par des votes démocratiques. La force de la classe ouvrière est potentiellement présente mais nous avons besoin de leaders syndicaux qui osent utiliser leur force pour défendre nos emplois, nos salaires, nos pensions, etc. Et qui puissent concilier ce combat quotidien avec la recherche d’une autre société.
6. Appel pour la formation d’un nouveau parti des travailleurs
Mais la classe ouvrière a aussi besoin d’un parti capable de traduire cette stratégie politiquement. Il est clair que le PS et le SP.a sont toujours considérés par une majorité de travailleurs comme « leurs » partis. Mais ces partis ne sont plus prêts à mener la lutte.
Au contraire, ils sont devenus parmi les meilleurs exécutants des politiques d’austérité. Leur participation aux gouvernements durant de nombreuses années – ainsi que la désorientation et la démoralisation qui ont suivi la chute des régimes dits « socialistes » avec comme conséquence le triomphe des dogmes du libre marché – ont totalement corrompu ces partis.
Si nous voulons une traduction politique de nos revendications de travailleurs, nous devons en conséquence construire un nouveau parti, mais nous savons qu’un tel parti ne tombera pas du ciel. Comme le dit l’adage populaire, Rome ne s’est pas construite en un jour. Celui qui n’est pas prêt à se retrousser les manches pour franchir les premières étapes vers un nouveau parti oublie que le Parti Ouvrier Belge (POB, l’ancêtre du PS) n’est pas apparu du jour au lendemain.
Nous sommes conscients qu’un tel nouveau parti des travailleurs ne sera vraiment viable que s’il est soutenu par une partie importante du mouvement ouvrier, et en particulier par des fractions syndicales, sur base d’expériences de mouvements et de luttes massives. Mais si nous devons attendre les directions syndicales, cela peut encore durer longtemps. C’est seulement s’il y a suffisamment de pression de la base que les meilleurs d’entre eux seront prêts à se mettre en avant.
Ce parti doit être ouvert à tous ceux qui veulent lutter contre la casse sociale. Des discussions libres doivent être ouvertes pour les différents courants, syndicats, groupes d’actions,… qui veulent défendre leurs points de vue propres. Ce parti doit se battre contre chaque division des travailleurs, que ce soit sur base de la nationalité, de la race, du sexe, ou de la religion. Les seuls qui trouvent un intérêt quelconque dans ces divisions sont les patrons et leur système. Tous ensembles, nous sommes forts et, en luttant pour des droits égaux pour tous, nous renforcerons cette unité.
Ce parti large doit aussi lier la lutte contre l’exploitation de tous les ouvriers, y compris ceux du monde néo-colonial. Les intérêts des travailleurs des autres pays sont souvent présentés comme étant opposés aux intérêts des travailleurs d’ici, mais c’est là une tentative de briser la lutte internationale. Les travailleurs de VW Forest auraient certainement été plus forts dans leur combat contre la restructuration s’ils avaient été capables de convaincre leurs collègues des autres sites VW de mener une lutte efficace à l’échelle internationale contre la fermeture. Mais la lutte internationale ne peut pas être une excuse pour ne pas mener le combat dans son propre pays. Les deux sont indissociablement liés.
Un nouveau parti des travailleurs doit respecter le droit à l’autodétermination des Flamands, des Wallons et des Bruxellois, sans tomber dans le piège de ceux qui veulent affaiblir les travailleurs par la surenchère communautaire. Le PSL/LSP estime que chaque peuple doit avoir le droit de prendre ses propres décisions. Si un peuple veut vivre avec un autre peuple dans le cadre d’un Etat national, cela doit être possible. Mais sur un pied d’égalité et sur une base complètement libre.
Être obligés de vivre dans un Etat où une partie de la population a moins de droits que l’autre, cela ne peut mener qu’à des situations désastreuses. Nous sommes par conséquent pour toutes les facilités susceptibles de mettre un terme aux sentiments d’oppression nationale. Donc également pour les facilités linguistiques.
Beaucoup d’Etats capitalistes sont basés sur l’oppression de peuples ou de groupes de population. La Belgique a sur ce plan une mauvaise réputation. Les Flamands ont ainsi été empêchés durant 100 ans d’aller à l’école dans leur propre langue. Toute l’administration était francophone. Il était donc facile d’affaiblir les travailleurs en les divisant sur une base linguistique. On pouvait par exemple lire dans le journal wallon « Les Nouvelles », du 25 octobre 1904 : « Les Flamands de La Louvière ont reçu hier leur salaire et l’ont directement dépensé pour se saoûler et provoquer des bagarres pendant toute la nuit. Il faut relever qu’à chaque fois que des telles bagarres générales se déroulent à La Louvière, on y trouve des Flamands qui jouent avec des couteaux ».
Entre temps, l’image s’est transformée. Selon le modèle propagé aujourd’hui, le Flamand est le travailleur courageux, le Wallon le profiteur et l’immigré celui qui sort son couteau. Fondamentalement, c’est toujours la même rengaine : les patrons empochent les profits tandis qu’ils dressent les travailleurs les uns contre les autres. C’est surtout la sécurité sociale qui constitue une épine dans le pied des patrons et du gouvernement. En brandissant la menace d’une scission, ils font du chantage sur les travailleurs wallons et, en même temps, ils nourrissent la Flandre de l’illusion que cela serait bon « pour tous les Flamands ».
Les seuls qui tireraient avantage de la scission de la sécurité sociale sont les patrons, aussi bien les Wallons que les Flamands. Ils feraient pression sur nos salaires, nos pensions, nos pécules de vacances et nos prestations de santé en menaçant de déménager vers l’autre région. Aucun travailleur n’y a intérêt, ni les Wallons, ni les Flamands, ni les immigrés. Seuls les patrons y gagneraient.
Un tel parti devrait agir pour la nationalisation des secteurs les plus importants de l’économie, sous contrôle ouvrier, car aux mains du privé, ces secteurs ne servent qu’à générer des profits pour les patrons et leurs actionnaires (banques, investisseurs, etc.).
La seule manière pour que la population puisse profiter des revenus et/ou des services de ces secteurs (énergie, transport, banques…) est de les nationaliser. Mais il ne faudrait pas s’arrêter là. Dans les mains de l’Etat actuel, qui n’est ni plus ni moins qu’une marionnette aux ordres de la classe capitaliste, ces services devraient toujours être rentables et ne pas trop coûter à l’Etat. La même argumentation est actuellement utilisée pour privatiser les entreprises publiques.
La participation et le contrôle des travailleurs et de leurs familles dans et sur la politique sont essentiels. En tant qu’utilisateurs et qu’employés, ils savent mieux que quiconque où se situent les déficiences et quelle est la meilleure manière d’y remédier.
7. Révolution
Au regard du fait que les multinationales travaillent main dans la main avec les régimes les plus sanguinaires ; que des guerres sont menées pour le pétrole en faisant des milliers et des milliers de victimes innocentes ; que ces multinationales dressent des populations entières les unes contre les autres pour qu’elles finissent, à la longue, par s’entretuer ; qu’elles préfèrent encore laisser les gens mourir de faim plutôt que de toucher à leurs profits et qu’au besoin l’armée choisit la solution militaire, il est clair que ce programme ne peut être atteint autrement que par une lutte résolue.
Bien plus, pour avoir la possibilité de pouvoir décider nous-mêmes de ce qu’on veut faire de la richesse produite, un mouvement déterminé des travailleurs sera nécessaire pour arracher le pouvoir des mains de la petite minorité des capitalistes.
Beaucoup feront remarquer que cette minorité est très puissante, car elle dispose de tous les instruments nécessaires pour maintenir les gens sous contrôle. Elle utilise tous les canaux pour diffuser son idéologie, comme l’enseignement, les médias,… afin de faire croire aux gens que le système capitaliste est le seul système qui peut fonctionner.
Et si ce n’est pas suffisant, elle contrôle encore la police, l’armée et la justice pour faire respecter les lois capitalistes par la force. Les tentatives visant à briser le droit de grève se situent complètement dans cette logique, tout comme la tentative d’exercer un contrôle policier plus sévère au travers d’un appareil policier unifié. Comme nous le voyons à chaque grève, la justice et la police ne sont pas de notre côté.
Mais cela ne peut pas nous arrêter. C’est le rapport de forces qui sera déterminant. Une classe ouvrière convaincue, dont le noyau le plus dynamique est décidé à ne plus se laisser berner, et déterminée à prendre le pouvoir ne peut pas être arrêtée, même par mille armées.
Nous devons tenir compte du fait que le capitalisme en crise est continuellement pendu à un fil. Si le système ne parvient plus à convaincre dans ses propres rangs, ce qui est souvent le cas lors d’une révolution, alors il est pour ainsi dire mort.
Le meilleur exemple est celui de la révolution russe, mais aussi de Mai 68 en France, ou plus récemment les révolutions en Serbie, Géorgie, Ukraine, etc. Ces révolutions ont montré comment une classe dirigeante peut perdre prise sur ses propres troupes face à un mouvement de masse qui se développe. On peut encore parler de la radicalisation énorme en œuvre en Amérique Latine avec les mouvements de masse au Mexique, en Bolivie et dans beaucoup d’autres pays ainsi qu’avec le processus révolutionnaire qui se déroule au Venezuela. Selon nous, c’est un avant-goût des mouvements révolutionnaires qui vont se développer en Europe et dans le monde industrialisé.
Ce qui a manqué dans beaucoup de ces exemples, c’est une organisation prête à mener le combat contre l’impérialisme jusqu’au bout, en faisant clairement le choix d’un autre type de société. C’est à la construction d’une telle organisation que travaille le PSL/LSP.
8. Que sera le nouveau système ? Cela ne va-t-il pas dégénérer de la même manière qu’en Russie ?
Pour éviter une situation où l’élite bureaucratique tire tous les avantages vers elle et rend impossible toute participation démocratique comme cela a été le cas dans l’ancien Bloc de l’Est, nous devons veiller à ce que le système et son économie fonctionnent pour satisfaire les besoins réels de la population.
La discussion sur le stalinisme n’est pas seulement une discussion historique. Nous ne pouvons pas simplement dire que des « fautes » ont été commises dans l’ancienne Union Soviétique. Trotsky et ses partisans sont les seuls à avoir expliqué l’avènement d’une élite bureaucratique en Russie sur base d’une analyse marxiste. Le stalinisme était la conséquence de l’isolement de la révolution dans un pays arriéré sur le plan industriel et culturel. Trotsky a laissé deux possibilités ouvertes : soit la nouvelle élite régnante était chassée par une révolution politique qui aurait préservé l’économie planifiée, mais qui aurait réinstallé les soviets (ou démocratie des conseils), soit la bureaucratie se réformerait d’elle-même pour devenir une nouvelle classe capitaliste, lorsque l’économie bureaucratiquement planifiée arriverait à bout de souffle. C’est malheureusement cette deuxième possibilité qui s’est produite. Une économie planifiée a besoin de démocratie ouvrière tout comme le corps humain a besoin d’oxygène.
Le Socialisme suppose un système dans lequel le plus possible de travailleurs, ainsi que leurs familles, puissent participer et exercer un contrôle sur les prises de décision et ce tant sur le plan économique et social que politique. Un plan de production démocratiquement établi et contrôlé par des conseils composés de représentants des travailleurs, des syndicats nationaux et de la population dans son ensemble doit pouvoir faire une estimation correcte de ce qui est nécessaire et prioritaire. Chaque décision doit ensuite pouvoir être évaluée.
Mais que se passera-t-il avec ceux qui seront au pouvoir ? N’est-il pas exact de dire que le pouvoir corrompt ? Si être au pouvoir signifie pouvoir rester à son poste sans aucun contrôle de la collectivité, cela pose effectivement un problème.
Ce que nous défendons au contraire, et que nous mettons déjà en pratique dans notre organisation, c’est que chaque fonctionnaire doit être élu mais aussi révocable à tout moment, au cas où il n’a plus la confiance de ses électeurs. De même, il ne doit pas disposer d’un salaire plus élevé que la moyenne des travailleurs qu’il représente.
La situation que nous connaissons actuellement, dans laquelle les parlementaires touchent des milliers d’euros par mois fait en sorte que ceux qui nous représentent vivent bien loin de notre réalité. Comment peuvent-ils savoir quels sont nos besoins ? Ils ne vivent pas dans les quartiers ouvriers, ils ne fréquentent pas les mêmes endroits, ils ne savent pas ce que c’est que d’arriver péniblement à payer toutes ses factures chaque mois, etc.
Joe Higgins, jusqu’il y a peu notre parlementaire en Irlande, mais aussi nos parlementaires à l’intérieur du Labour Party dans les années ’80, ne gardaient comme salaire que l’équivalent d’un salaire moyen. Tout le reste était consacré aux campagnes et aux luttes des travailleurs, et non à la construction d’une villa dans le sud de la France…
9. Pour le socialisme et l’internationalisme !
Si les travailleurs d’une entreprise se mettent en grève, le patron fera tout pour briser cette grève. Il va proposer un accord aux leaders syndicaux, essayer par tous les moyens d’isoler le noyau dur de la grève et faire appel aux gardes de l’entreprise ou à la police et aux tribunaux pour briser les piquets.
Il essayera, si la grève dure trop longtemps, de compenser ailleurs les pertes de production, si possible dans une société sœur à l’intérieur ou à l’extérieur du pays mais, s’il le faut, chez la concurrence. En d’autres mots, le capitaliste fera appel à sa classe, à ses représentants politiques, aux médias, et à l’appareil de répression pour briser la grève.
A l’ère de la production internationale et des flux financiers mondiaux, le capitaliste fera de plus en plus appel à la « solidarité » des patrons à travers les frontières. Les travailleurs doivent en tirer les leçons. Ils doivent aussi faire appel à leur classe pour faire triompher leur lutte. Ils doivent aussi, et plus que jamais, s’appuyer sur leurs collègues à l’étranger.
Aucune lutte n’éclate partout en même temps, chaque lutte commence quelque part. Les chances de réussite augmentent à mesure que la lutte s’élargit. Cela vaut pour les grèves, pour les mouvements de désobéissance civile, pour les marches de protestation… mais aussi pour la révolte et la révolution.
Même une révolution socialiste éclate à une échelle nationale, mais sa réussite finale est déterminée par les événements internationaux. La solidarité a une importance majeure, mais avec un soutien moral ou même des collectes, etc. on ne remporte pas une victoire. C’est pour cela que le soutien actif des travailleurs d’autres entreprises, secteurs et pays et un élément d’importance cruciale. La révolution va donc débuter sur un plan local, mais sans élargissement national et international, elle est condamnée à l’échec. La démocratie ouvrière et la planification socialiste ne peuvent pas être limitées à un seul pays, comme cela a été démontré en Russie. L’isolement de la Russie soviétique a conduit à sa dégénérescence à partir de 1924.
La Révolution russe, la seule dans laquelle la classe ouvrière a réussi à prendre le pouvoir pendant une courte période, a été l’événement le plus important de l’histoire. L’expérience n’a été que partiellement réussie, mais nous pouvons en tirer des leçons énormes et entre autres que nous devons nous organiser au niveau international, dans le cadre d’un parti mondial. C’est pourquoi le PSL/LSP fait partie du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO).
Le CIO est actif sur tous les continents. Nous avons des sections aux États-Unis, mais aussi au Chili, au Brésil et au Venezuela. En Afrique, nous sommes présents au Nigeria et en Afrique du Sud. En Asie, nous avons des sections au Sri Lanka, en Inde, au Pakistan, au Kazakhstan et au Japon.
En Europe, nous sommes présents en Belgique, en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Angleterre, en Écosse, en Irlande (Nord et Sud), en Autriche, en Tchéquie, en Russie, en Ukraine, en Pologne, en Italie, en Grèce, à Chypre, en Espagne et en France. Au Moyen-Orient, nous avons des sections en Israël et en Palestine et des sympathisants au Liban. Le CIO a aussi une section en Australie. Le PSL/LSP voit donc sa lutte en Belgique dans le cadre de la lutte des travailleurs du monde entier, pour une société socialiste.
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Morales écrase l’opposition de droite lors du référendum révocatoire
Quelle voie suivre pour la lutte ?
En dépit de ce qu’en disent les médias, le référendum révocatoire du 10 août en Bolivie ne s’est pas soldé par un statu quo. Evo Morales, le gouvernement du Mouvement Vers le Socialisme (MAS – Movimiento Al Socialismo), et les mouvements sociaux ont bel et bien vaincu l’opposition de droite ; en fait, ils l’ont écrasée. Le président Evo Morales et son Vice-Président, Alvaro Garcia Linera, ont été ratifiés avec 67,41% des votes, une augmentation de près de 14% par rapport aux 53,7% de votes avec lesquels ils furent élus en 2005. Ils ont obtenu plus de 50% dans 96 des 112 provinces de Bolivie, et le soutien pour Morales à même dépassé la barre des 2/3 (66,66%), un cap important puisque la droite a sans cesse tenté d’éviter les réformes progressistes et de bloquer le passage de la nouvelle constitution en déclarant que « la démocratie, c’est 2/3 ». La participation à ces élections fut aussi très élevée : 83,33% de la population a voté.
Dans les départements traditionnellement alliés au MAS (La Paz, Oruro et Potosi), Morales a gagné plus de 83%, et dans des endroits supposés mitigés (Cochabamba et Chuquisaca), le président a obtenu respectivement 70,9% et 53,88%. Même dans les états de l’Est contrôlés par la droite, connus comme la « media luna » (la demi-lune), Morales a remporté 52,50% de votes positifs à Pando, 49,83% à Tarija, 43,71% à Beni et, dans le bastion de l’opposition à Santa Cruz, 40,75%.
Un « Oui » pour Morales : un vote en faveur du socialisme, contre la droite.
La victoire impressionnante de Morales n’est pas seulement un mandat populaire pour sa présidence. Elle reflète aussi le véritable désir du peuple bolivien pour le changement fondamental que Morales a promis d’apporter. Les paysans, la population indigène, les travailleurs et les pauvres de Bolivie ont voté « oui » car ils soutiennent la nationalisation complète de l’industrie des hydrocarbures et veulent plus de nationalisations. Ils ont voté « oui » parce qu’ils veulent se débarrasser des gros propriétaires fonciers et distribuer la terre aux communautés indigènes et aux paysans pauvres. Ils ont encore voté « oui » parce qu’ils veulent plus de programmes sociaux, comme la bourse pour les enfants en âge d’aller à l’école (le bon « Juancito Pinto »), et le nouveau programme de sécurité sociale (la « Renta Dignidad ») qui a pour but de garantir un niveau de vie digne de ce nom pour chaque enfant, chaque personne âgée, et chaque personne pauvre.
Maintenant, nous qui sommes dans les mouvements sociaux, nous avons le droit et la responsabilité de réaliser la volonté du peuple, d’élargir et d’approfondir le processus de changement, et de le transformer en une véritable lutte révolutionnaire pour le socialisme.
Premièrement, nous devons exiger un referendum sur la nouvelle constitution écrite par l’assemblée constituante du MAS et mobiliser nos forces pour assurer qu’elle soit approuvée. Bien que cette nouvelle constitution ne soit ni socialiste ni révolutionnaire, elle satisfait de nombreuses revendications émanant des mouvements sociaux, et a beaucoup d’aspects socialistes et révolutionnaires. Elle promet « une participation réelle et vigoureuse de l’Etat et de la société dans l’économie » et « interdit et criminalise les grands propriétaires terriens ». Elle garantit aussi « le droit à la vie et à l’intégrité, à la nourriture, à l’éducation, aux soins de santé, à un habitat et à un logement décent » et « à un travail digne et stable avec un salaire correct ». Aux communautés indigènes, elle garantit « des droits collectifs à une existence libre, à une identité culturelle, à la spiritualité, à la libre détermination, à un gouvernement propre et à un territoire, au sein de l’unité de l’Etat ».
Tout comme en ce qui concernait le référendum révocatoire, nous ne devons pas soutenir la nouvelle constitution comme une fin en soi, mais comme un outil afin d’organiser et de mobiliser les mouvements sociaux, afin de politiser les gens au sujet de la nécessité du dépassement du capitalisme et de la construction d’une société socialiste.
L’opposition ne va pas simplement accepter sa défaite démocratique. Elle va utiliser tout le soutien dont elle peut encore jouir dans les villes de la media luna, ses groupes de choc semi-fascistes et son contrôle économique pour attaquer les mouvements sociaux et le gouvernement du MAS. A présent, ils vont attaquer avec toute l’énergie du désespoir.
Après avoir été ratifié à Santa Cruz, le préfet Rúben Costas a donné un discours de guerre et de division, abreuvant son auditoire et sa base sociale de haine, de peur et de racisme, et les préparant à une lutte difficile. Il a traité Morales de « dictateur » et de « singe » et a qualifié le gouvernement du MAS comme étant « le plus cruel des terroristes d’Etat de l’ère moderne ». Il a ensuite annoncé la continuation du projet illégal d’autonomie de la media luna (ce qui, légalement, revient à de la sédition), a annoncé des élections pour l’assemblée législative autonome illégale (également de la sédition), a appelé à la création d’une force départementale de police parallèle (encore de la sédition), et a révélé un projet de lancement d’une agence taxatrice départementale en vue de contrôler les ressources économiques (toujours de la sédition) (La Opinion, 11 August 2008). Le reste des préfets de la media luna ont donné des discours semblables.
Le 15 août, cette violence s’est manifestée concrètement après une action de protestation menée par Rúben Costas et par le « Comité civique pour Santa Cruz », où les membres de « l’Union des Jeunes de Santa Cruz » ont attaqué la police et ont littéralement battu le chef de la police et un de ses lieutenants.
Le 19 août, la droite a commencé à utiliser son pouvoir économique pour faire payer aux masses leur soutien à Morales. Les dirigeants de la media luna a mis en route un plan de lockouts patronaux et de barrages routiers, demandant plus d’argent de la nationalisation des hydrocarbures (à laquelle ils se sont opposés tout du long) ; et dans un bref aperçu du futur, ils ont également émis l’idée de réduire le flux de produits alimentaires en direction des départements de l’ouest de la Bolivie.
Mais nous autres des mouvements sociaux, nous sommes l’immense majorité en Bolivie, et nous avons le droit de créer une société socialiste si c’est ce que nous voulons. En réponse à la sédition des préfets et des « comités civiques » de la media luna et des attaques violentes de l’Union de Jeunes de Santa Cruz, nous devrions arrêter, poursuivre et incarcérer toute personne impliquée.
Et même, plus encore, à chaque fois que la droite organise une manifestation ou une action, il est de notre devoir d’y répondre avec toute la force des mouvements sociaux. Si l’opposition attaque nos manifestations, nos leaders, nos marchés et nos habitations, alors nous devons être organisés, mobilisés et préparés à nous défendre, et à les repousser physiquement. Car si nous ne répondons pas de cette manière, alors le fascisme et la droite s’étendront et se renforceront. Mais si nous sommes organisés et mobilisés, alors nous des mouvements sociaux sommes bien plus nombreux, bien plus forts, et capables d’écraser le fascisme en Bolivie.
Les masses sont conscientes de cela et cette pour cette raison que lorsque Morales a fait son discours à La Paz après avoir triomphé contre la révocation, des dizaines de milliers de personnes ont crié : « mano dura, mano dura » (traduit littéralement par « une main dure »), en référence aux actions que nous devrions entreprendre contre l’opposition. Malheureusement, Morales a répondu avec un discours de conciliation et d’unité avec l’opposition de droite : « …cette unité peut être réalisée en liant la nouvelle Constitution Politique de l’Etat avec les statuts autonomistes de [la droite] ». Il a encore déclaré : « Je veux profiter de cette occasion pour saluer et exprimer mon respect aux préfets qui ont obtenu la ratification au référendum ; nous respectons la légitimité dont ils bénéficient, et je les appelle à travailler de manière unifiée. Lorsque nous nous serons unis aux autorités régionales, nous pourrons facilement satisfaire à toutes les demandes des secteurs et des régions du pays » (Evo Morales, 10 août 2008, La Paz).
Mais les préfets racistes qui se battent pour les intérêts du grand patronat, des grands propriétaires terriens, et des multinationales ne méritent pas notre respect. L’ Alternative Socialiste Révolutionnaire (ASR – Alternativa Socialista Revolucionaria, CWI-Bolivie) se bat pour l’unité de la Bolivie, mais il n’est pas possible d’unir les intérêts des grands propriétaires terriens, des patrons et des multinationales avec ceux de la classe ouvrière, des paysans, des indigènes, et de la majorité pauvre. Donner cette illusion est quelque chose d’erroné et de dangereux pour les mouvements sociaux.
Nous avons besoin du socialisme pour unir la Bolivie, satisfaire les revendications de la population et vaincre la droite
L’ASR lutte pour l’unité de classe entre les travailleurs, les paysans, les indigènes et les pauvres de l’ouest et les travailleurs, les paysans, les indigènes et les pauvres de l’est. Jusqu’à présent, les changements effectués par Morales et le gouvernement du MAS ont été progressistes, mais très modérés. La majorité des nationalisations sont en fait des renégociations de contrats qui impliquent le versement de centaines de millions de dollars à quelques-unes des sociétés les plus riches du monde. L’éradication des grandes propriétés n’a toujours pas encore réellement commencé. Le gouvernement n’a redistribué que 500 000 hectares appartenant aux grands propriétaires terriens, mais il s’agissait de parcelles inutilisées, alors que seules 100 familles contrôlent 25 millions d’hectares de terrain tandis que 2 millions de paysans pauvres n’en possèdent que 5 millions (Programme de développement des Nations Unies). Enfin, les programmes sociaux sont une aide, mais ils sont loin de garantir une vie digne à la majorité de pauvres. En résumé, la droite a maintenu quasi tous ses instruments de contrôle sur l’économie, tandis que le peuple bolivien reste pauvre.
Cela est problématique pour deux raisons. D’un côté, la droite peut utiliser son pouvoir économique pour attaquer la majorité pauvre et susciter de la frustration et de la désillusion dans les mouvements sociaux. Nous observons déjà les lockouts et les barrages routiers, qui ont provoqué une nouvelle augmentation des prix des denrées alimentaires. D’un autre côté, la droite peut utiliser ses richesses pour faire des concessions dans certains secteurs ciblés et par là diviser les masses. Une proposition récente de quasi doubler le salaire minimum à Santa Cruz à presque 1.000 Bolivianos par mois (143$) en cas d’obtention de l’autonomie du département illustre bien cette stratégie.
Pour les travailleurs, un salaire minimum de 1.000 bolivianos par mois est nécessaire. Cependant, avec un programme qui permet à la droite de continuer à profiter de la majorité des richesses de la Bolivie, le gouvernement du MAS est impuissant face au populisme de droite. Il n’a pas assez d’argent et doit se contenter de déclarer que les propositions de la droite « ne sont pas viables ».
La même chose s’est produite avec la juste revendication de la classe ouvrière pour un système de pension financé par l’Etat qui garantirait la retraite à 55 ans (l’espérance de vie en Bolivie est de 62,5 ans), ce que le gouvernement a qualifié de « non-viable ». Si le gouvernement du MAS ne trouve pas une manière de répondre au populisme de droite et de satisfaire les justes revendications de la classe ouvrière, il court le risque de perdre le soutien des travailleurs.
Dans le but d’avoir assez de richesses pour remplir les justes revendications des travailleurs, des paysans, des indigènes et des pauvres, nous devons contrôler démocratiquement les ressources naturelles, les forces productives, et la distribution des richesses en Bolivie. Cela nous permettrait de planifier l’économie et d’orienter la production en vue de satisfaire les besoins de base de la population, plutôt que de se concentrer presque exclusivement sur les profits destinés à l’oligarchie et aux sociétés multinationales. Ce sont là les changements dont nous avons besoin : des changements socialistes révolutionnaires.
Pour créer le socialisme, nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une victoire lors d’un référendum révocatoire, ni même de l’approbation d’une nouvelle constitution progressiste. Nous devons également être préparés à aller mener dans les rues la lutte contre l’opposition de droite. C’est pour cela que l’ASR appelle à la création de « Comités de défense et de lutte » afin d’ouvrir un espace de débat, de lutter et d’élire des représentants pour organiser les actions sur nos lieux de travail, dans les campagnes, dans les communautés indigènes, dans les quartiers pauvres, et dans les universités. Cela permettra aussi aux bases des mouvements sociaux de mener démocratiquement la lutte et d’unifier leurs actions à une échelle locale, régionale et nationale.
Nous avons gagné le référendum révocatoire. Mais l’opposition de droite ne mourra pas simplement parce qu’elle a perdu son soutien démocratique. Pour remporter la lutte, mettre fin à cette opposition, et résoudre les problèmes de pauvreté et d’inégalité, il nous faut utiliser notre victoire du référendum et profiter de la campagne d’approbation de la nouvelle constitution pour nous organiser en Comités de défense et de lutte, mobiliser pour mettre fin au capitalisme et créer une société socialiste démocratique contrôlée par les travailleurs, les paysans, les indigènes, et les pauvres qui ensemble forment le peuple Bolivien.
"Sans lutte, pas de progrès. Ceux qui professent la liberté mais déprécient l’agitation, sont des gens qui désirent des récoltes sans avoir à labourer la terre, de la pluie sans avoir à subir le tonnerre et les éclairs… Le pouvoir ne cède rien qui n’ait été exigé. Il ne l’a jamais fait, et il ne le fera jamais." – Frederick Douglass
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Bolivie: Référendum frauduleux sur l’autonomie à Santa Cruz
L’opposition de droite et les riches tentent de diviser le pays.
Le moins que l’on puisse dire au sujet du référendum sur l’autonomie qui s’est tenu à Santa Cruz, en Bolivie, c’est qu’il était unique. Le référendum était contrôlé par un collège électoral pro-autonomie, administré par une entreprise privée contractée par les « autonomistes », supervisée par des observateurs électoraux qui étaient également pro-autonomie et enfin couvert par des médias pro-autonomie. Pas besoin d’être un fin observateur pour se rendre compte qu’il s’agit là d’une fraude.
Celso Calfullan, Santiago, CIO Chili, (article publié le 6 mai 2008).
Mais le plus incroyable, c’est qu’après une campagne menée par tous les médias pro-autonomie, après l’intimidation, après les menaces violentes de groupes comme « Unión Juventud Cruceñista » (un groupe avec des caractéristiques fascistes), les « démocrates » de Santa Cruz n’ont pas réussi à atteindre leur objectif. Plus de 50% de la population a voté contre l’autonomie ou s’est abstenu.
Néanmoins, les forces pro-autonomie ont déclaré que 85% des personnes avaient voté en faveur de leur proposition. Même Pinochet, l’ancien dictateur de droite du Chili, qui semble être d’une certaine inspiration aux forces pro-autonomistes en Bolivie, n’aurait pas eu le cran de sortir avec de telles conclusions après un référendum.
Ce référendum sur l’autonomie est la première étape d’un plan réactionnaire. Le mois prochain, d’autres référendums sur l’autonomie auront lieu dans les départements de Tarija, de Beni et de Pando. L’idée sous-jacente est de stopper le gouvernement de Morales et d’empêcher les changements que le gouvernement propose.
Le département de Santa Cruz et ces trois autres départements représentent ensemble deux-tiers du territoire bolivien, un tiers de sa population et plus de 50% du PIB de la Bolivie. Ce plan est également considéré par deux autres départements – Chuquisaca et Cochabamba – qui voudraient suivre les pas des séparatistes.
Le racisme et la division vont de pair
Même s’ils font de leur mieux pour l’occulter, l’attitude « diviser pour mieux régner » et le racisme des partisans de l’autonomie de Santa Cruz ressortent évidement des déclarations de ses dirigeants les plus importants. Les porte-paroles publics des « autonomistes » peuvent à peine cacher leur haine et leur mépris pour Evo Morales (qui est un indigène) quand ils l’accusent d’être un centralisateur, un autoritaire, un radical et un fondamentaliste. Leur slogan principal devrait être : « Pour une Bolivie sans indigènes ».
Le cynisme de ces dirigeants n’a aucune limite. Rubén Costas par exemple, le préfet du département de Santa Cruz, a dit que le référendum sur l’autonomie est une réponse au centralisme du gouvernement. Il est clair que l’objectif des « autonomistes » est de créer une telle tension et une telle polémique qu’on en vienne à une confrontation ouverte, chose qui inévitablement aura des conséquences dans les autres pays de la région.
Mais même avec le contrôle de l’économie et des médias dans les mains des « des autonomistes réactionnaires », ces derniers n’ont pas pu convaincre la majorité de la population de Santa Cruz de leur division et de leurs plans racistes.
L’autonomie de Santa Cruz pour les intérêts de qui ?
Plusieurs observateurs conviennent que l’idée de l’autonomie provient de quelques cent familles qui contrôlent plus de 25 millions d’hectares de terre ainsi que l’industrie agricole, le commerce domestique, les banques et les grands moyens de communication. Ces clans, ainsi que les politiciens qui ont fait partie des anciens gouvernements des ex-présidents comme Gonzalo Sánchez de Lozada, Jorge Quiroga ou Jaime Paz Zamora, sont devenus des adversaires puissants du gouvernement Morales. Ces gens possèdent cinq fois plus de terre que deux millions de paysans et ‘indigènes.
L’institut national de la réforme agraire (Instituto Nacional de Reforma Agragia – INRA) rapporte que cinq familles détiennent à elles seules un demi-million d’hectares de terres arables. Elles ont aussi l’avantage d’être près du marché et ont donc moins à dépenser en transport que les paysans de l’ouest du pays.
Avec l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales, ces familles ont été confrontées à la possibilité que le nouveau gouvernement effectuerait des réformes pour redistribuer la terre en faveur des indigènes et des paysans, elles ont donc employé leur puissance pour créer un mouvement politique et social qui vise à diviser le pays afin de s’assurer que la nouvelle constitution élaborée par le gouvernement Morales ne soit pas applicable.
Contradictions au sein du gouvernement Morales
Malheureusement, Morales, et d’autres autour de lui, expriment plusieurs des grandes contradictions qui existent parmi le gouvernement. Le gouvernement doit être plus clair en expliquant et prenant effectivement des mesures concrètes pour mettre en application la réforme agraire. La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent et doit garantir le droit à l’autodétermination des peuples indigènes, sans ambiguïté ou négociations vis-à-vis des propriétaires qui occupent le territoire.
La période qui a précédé ce référendum sur l’autonomie aurait dû être le moment durant lequel le gouvernement aurait dû passer à l’offensive en prenant les premières mesures vers la réforme agraire et en expliquant aux paysans indigènes et aux pauvres les objectifs du gouvernement. Cela n’aurait au contraire pas dû être le signal pour entamer des négociations avec les propriétaires.
La situation politique en Bolivie est trop compliquée pour compter avec l’ambiguïté. Ce n’est pas suffisant que le gouvernement affirme que le référendum était illégal quand l’opposition réactionnaire n’ s’occupe pas de la légalité, de la démocratie ou de la constitution puisqu’aucune ne sert à défendre ses intérêts. Le dialogue n’arrêtera pas la conspiration de l’oligarchie. La conspiration réactionnaire doit être brisée maintenant et avant que l’opposition de droite n’aient eu le temps de se renforcer.
Il est clair que la majorité des Boliviens, dans les villes et dans les campagnes, est contre les tentatives de division à l’instigation des parties conservatrices et réactionnaires de la société. La majorité de la population ne peut pas être emprisonnée par une petite minorité d’oligarques.
Nous devons démocratiser le pays
L’unité des travailleurs et des indigènes est fondamentale pour défendre le processus bolivien. Nous ne pouvons pas accepter que la terre soit concentrée dans les mains d’un petit nombre de familles. Nous ne pouvons pas accepter que la majorité des usines soient contrôlées par un petit nombre d’employeurs. Nous ne pouvons pas accepter que les moyens de communication soient concentrés dans les mains de quelques uns. Tout ceci est injuste et totalement antidémocratique.
La terre doit appartenir à ceux qui la travaillent. Les usines appartiennent à ceux qui produisent. Les médias doivent être au service de la totalité de la population et non pas au service d’une minorité d’oligarques.
Il est impossible d’avancer sans marcher vers le socialisme. Les travailleurs ont besoin d’une démocratie des travailleurs, ils ont besoin d’une société socialiste.
Pour en savoir plus
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Venezuela. La révolution en danger
La défaite d’Hugo Chávez lors du référendum de décembre marque un point tournant du processus révolutionnaire vénézuelien. Le fort taux d’abstention indique une frustration grandissante quant à la lenteur des changements. Dans le même temps, l’opposition de droite a été fortement encouragée par sa victoire. Tony Saunois analyse la situation présente.
Le 2 décembre 2007, Hugo Chávez, président du Venezuela, a malheureusement encaissé sa première défaite électorale depuis sa montée au pouvoir en 1998.
Donner de plus grands pouvoirs au président, autorisant ainsi Chávez à se présenter pour plus de deux mandats, établir ‘le pouvoir populaire’, décrire le Venezuela comme un ‘Etat socialiste bolivarien’, réduire la semaine de travail de 44h à 36h, voilà quelques-uns des 69 amendements proposés pour changer la constitution datant de 1999. Ces amendements ont été rejetés par 50,7 % contre 49,2% des électeurs, et avec un fort taux d’abstention (44%).
Le rejet de ces propositions pose d’importantes questions quant au futur de la révolution et aux dangers faces auxquels se trouvent maintenant la classe ouvrière et les masses. Cela illustre clairement la nécessité pour tous les socialistes, au Venezuela et internationalement, d’analyser la conjoncture actuelle de la lutte contre le capitalisme et les grands propriétaires, ainsi que les tâches que doivent assumer les militants dans le mouvement.
La défaite du référendum représente un pas en arrière pour la classe ouvrière et a aidé à renforcer l’opposition de droite pro-capitaliste. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) et ses membres au Venezuela appelaient à voter OUI au référendum. Et cela en dépit des importantes limitations de ces propositions, comme celles qui tendaient à augmenter les pouvoirs centraux de la présidence, qui permettait ainsi à la droite de dépeindre le régime comme ‘dictatorial’. Mais malgré ces faiblesses, cela aurait été une erreur de donner comme consigne l’abstention ou le boycott, comme certains sur la gauche ont pu le faire, comme par exemple le dirigeant syndical Orlando Chirino. En effet, la victoire du non a eu comme effet de laisser ceux qui appelèrent au boycott plus isolés des activistes, rendant ainsi encore plus difficile de formuler des critiques des imperfections et manquements du gouvernement.
C’est une sérieuse défaite, bien qu’elle ne soit pas décisive. Mais il est aujourd’hui urgent de tirer les leçons de cet épisode si l’on veut pouvoir éviter d’autres défaites -qui risquent de s’avérer plus sérieuses- et faire avancer le processus révolutionnaire.
Comme nous l’avons commenté à l’époque, l’arrivée de Chávez au pouvoir représentait le commencement de changements importants dans la situation internationale. L’élection de Chávez a signifié un rejet décisif des politiques néolibérales qui ont dominé les années 90 suite à la chute des dictatures bureaucratiques et des économies planifiées dans l’ancienne Union Soviétique et l’Europe de l’Est. Son gouvernement n’était en effet pas prêt à capituler face aux exigences de l’impérialisme en appliquant des politiques néolibérales.
Initialement, Chávez ne parlait pas de socialisme mais se limitait à l’idée d’une ‘révolution bolivarienne’. Son régime populiste et nationaliste en est venu rapidement à appliquer des réformes radicales qui sont entrés en conflit avec l’impérialisme US et l’oligarchie dirigeante qui dirigeait le Venezuela depuis des décennies. Ces derniers ont organisé une série de tentatives pour renverser son régime. Chacune de celles-ci – une tentative de coup en 2002, un lock-out patronal en 2002-03, un référendum en 2004 pour essayer de démettre Chávez – a échoué grâce au mouvement spontané des masses soutenant Chávez.
Ces conflits opposants les masses et la classe dirigeante ont provoqué à chaque fois une radicalisation politique. Cela s’est reflété par exemple lorsque Chávez déclara que la ‘révolution’ n’était pas seulement ‘bolivarienne’ mais aussi ‘socialiste’. Il déclara aussi que le Venezuela s’était embarqué sur la route de la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’. Après sa victoire électorale de décembre 2006, il est allé plus loin en annonçant son soutien au programme de transition et au concept de révolution permanente développés par Léon Trotsky.
Compte tenu du contexte d’offensive idéologique dirigée par la classe dirigeante et de ses représentants au sein des anciens partis ouvriers de masse contre le socialisme, ces développements représentaient et représentent toujours des pas en avant importants. Ils ont été reçus de manière très enthousiaste par une nouvelle génération de travailleurs et de jeunes qui observaient le Venezuela et Cuba – plus récemment, la Bolivie, avec l’élection d’Evo Morales, et maintenant l’Equateur – comme des contrepoids radicaux de gauche face à Bush, Blair et le capitalisme néolibéral.
Pendant que dans d’autres pays, l’application de politiques néo-libérales entraînait des plans d’austérité et des attaques sur les conditions de vie des travailleurs, le gouvernement de Chávez a introduit une série de réformes populaires, que nous soutenions, comme expliqué dans différents autres articles et dossiers (www.socialistworld.net). Elles ont été financées par le haut prix du pétrole sur le marché mondial et la croissance économique, qui a particulièrement été bénéfique pour la classe moyenne.
Pauvreté et aliénation
Quoiqu’il en soit, de nombreux problèmes sociaux persistent, avec un taux de pauvreté qui reste élevé. La frustration qui découle de l’incapacité à résoudre ces problèmes, couplée à la colère par rapport à l’augmentation de la corruption et aux méthodes bureaucratiques ont créé le terreau pour la défaite du référendum. Le taux de chômage est officiellement de presque 10%. L’insuffisance de nourriture, une inflation au dessus des 20 % et l’énorme crise du logement ne peuvent pas être résolus tant que le système capitaliste survit. Le manque de plus de 2,7 millions de maisons, avec environ 1,3 millions d’habitations ressemblant plus à des petites cabanes qu’à des véritables logements, illustre à quel point la situation reste désespérée pour des millions de personnes.
La pauvreté et l’aliénation dans la société se reflètent par le haut taux de criminalité, et plus spécifiquement de meurtres, qui touche essentiellement les grandes villes. En 2000, le ‘taux de meurtres’ s’élevait à 33,2 pour 100.000 comparé à 1,1 au Japon ou encore 5,51 pour les Etats-Unis. Depuis, la situation s’est encore aggravée et aujourd’hui, la capitale Caracas est plus violente que Rio.
En novembre 2007, onze meurtres par jour étaient signalés à Caracas. Environ 1000 personnes ont été kidnappées en 2006 pour ensuite exiger des rançons. La criminalité est aujourd’hui un grand sujet de controverse et le gouvernement est considéré comme avoir été incapable de le résoudre. Certains pourraient argumenter qu’il n’est pas correct de blâmer Chávez concernant ce haut taux de criminalité. Mais le crime existera toujours dans des sociétés qui sont touchées par la pauvreté et le malaise social. En dernière instance, cela ne peut se résoudre qu’en se débarrassant définitivement du capitalisme et des conditions sociales qu’il engendre.
La question de la criminalité est une question cruciale, et il est important pour le mouvement ouvrier de la prendre en compte d’une manière pratique. La police, faisant parti de la machine d’Etat capitaliste, est criblée par la corruption. Les communautés locales doivent s’organiser pour se défendre des attaques criminelles violentes et des gangs. Une des plus grosses faiblesses du mouvement est l’absence d’un mouvement indépendant conscient et organisé de la classe ouvrière et des pauvres. Si un tel mouvement existait, la construction de conseils élus démocratiquement dans les communautés locales pourrait être liée à la formation de comités de défense. Ceux-ci pourraient alors prendre des mesures pour se débarrasser des gangs criminels et offrir une véritable alternative pour tous les jeunes désorientés qui sont attirés par ces bandes.
En finir avec le capitalisme
Les problèmes socio-économiques qui continuent à empoisonner le Venezuela proviennent de la continuation du capitalisme. Les discours de Chávez et la propagande pour un « socialisme du 21ème siècle » ne sont pas un programme qu’on peut appliquer.
Le haut taux de pauvreté, la bureaucratisation et la corruption croissantes, au sein du gouvernement, des directions syndicales et même des organisations sociales et locales, ont exacerbé la colère, la frustration et la déception parmi de larges couches de travailleurs et de pauvres, et particulièrement dans les zones urbaines. Tout cela, ajouté à l’incapacité à faire avancer le processus révolutionnaire, a plongé la situation dans une certaine impasse. La déception est sans doute moins forte dans les zones rurales qui ont pu bénéficier d’un grand nombre de réformes, mais l’ambiance est largement retombée dans les villes.
La cause plus profonde de tout cela provient de l’incapacité à rompre définitivement avec le capitalisme et à établir un gouvernement des ouvriers et des paysans, basé sur une économie socialiste planifiée démocratiquement. Un grand nombre de personnes ont dû se dire que ne pas voter ne représentait pas une menace contre-révolutionnaire immédiate. Cependant, si on ne sort pas de cette impasse, les forces contre-révolutionnaires vont croître et finalement se débarrasser du régime de Chávez.
De nouveaux dangers menacent Chávez et son régime. Puisque les réformes ont largement été financées par un prix du pétrole sans cesse croissant, cette situation peut se retourner par les symptômes d’une crise mondiale. Cela pourrait provoquer une chute des revenus tirés du pétrole, et donc un recul dans les réformes.
Entre ‘74 et ‘79, le régime nationaliste et populiste de centre-gauche de Carlos Andrés Perez avait introduit des réformes sociales significatives qui furent financées par la hausse du prix du pétrole. En ‘79, le baril de pétrole avait atteint les 80$. Peu après, ces réformes devinrent infinançables car une crise faisant chuter le prix du baril à 38$ frappa le Venezuela dans les années ‘80. Le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté explosa de 17% en 1980 à 65% en 1996. C’est un avertissement clair à Chavéz et à la classe ouvrière sur ce qui risque d’arriver si le capitalisme n’est pas remplacé par une économie socialiste démocratiquement planifiée.
Malheureusement, certains dans la gauche socialiste n’ont envisagé ce problème que pour le traiter de sectaire ou d’inutilement détaillé. Mais maintenant, confronté à ce brusque retour de manivelle du référendum, ils prennent conscience un peu tard des dangers et commencent à s’en faire l’écho. Cela s’illustre par le fait que la Tendance Marxiste Internationale (IMT), qui avait cherché à agir comme conseiller bénévole d’Hugo Chávez, a critiqué, suite à la défaite du référendum, une dangereuse « illusion, qui existe parmi la direction et les masses elles-mêmes, que la révolution serait une espèce de marche triomphale qui pourrait éviter tous les obstacles ». (Alan Woods, La révolution vénézuélienne à la croisée des chemins, 11 janvier)
Cependant, le groupe vénézuélien de la IMT semble avoir été victime de ce danger précisément, sous-estimant les dangers auxquels doivent faire face les masses et la possibilité de contre-attaque de la part et d’engranger des succès de la part de la contre-révolution. Deux jours avant le référendum, un article publié sur le site de IMT prédisait : « Et nous ne doutons pas que la décision de la majorité sera en faveur du OUI… La victoire du OUI le deux décembre est le premier pas dans ce sens. »
L’avertissement du référendum
Les conséquences de l’incapacité à en finir avec le capitalisme commencent à éroder l’enthousiasme pour Chávez et son régime. Il faut souligner que 44% se sont abstenus lors du référendum et le nombre de personnes ayant voté « oui » est de trois millions inférieur au nombre d’électeurs de Chávez lors des élections présidentielles de décembre 2006. Le nombre de votant pour le oui était même inférieur d’un million au nombre d’adhérents revendiqué par le parti récemment lancé Partido Unificado Socialista de Venezuela (PSUV).
De plus, le NON a triomphé dans les 9 états les plus peuplés des 23 et dans 13 des villes les plus grandes, y-compris Caracas. Le OUI a triomphé dans les 14 états les plus ruraux et les moins peuplés. Dans la capitale, des anciens bastions chavistes, comme Petare, Caricuao et Catia ont enregistré un vote substantiel pour le NON et un haut taux d’abstention. Mais surtout, la droite a pu engranger 300.000 votes de plus que lors de la dernière élection présidentielle.
Les signaux d’alerte auraient pu être vus lors de la dernière campagne présidentielle en décembre 2006. En dépit du fait que Chávez ait gagné avec une claire majorité, la droite, l’opposition pro-capitaliste, a commencé à se fédérer autour de Manuel Rosales et en est ressortie renforcée. La campagne électorale a été marquée par de plus gros meetings de la droite et un niveau de participation plus faible de la part des supporters de Chavez. Les masses se rallieront derrière Chávez lorsque la menace d’une défaite apparaîtra comme un scénario sérieux.
Le faible niveau d’activité et de participation dans la campagne électorale illustre une croissance du sentiment de colère et de frustration face à l’incapacité à pousser le processus révolutionnaire en avant. Malgré l’enthousiasme immense qui a résulté des réformes dans la santé, l’enseignement et dans l’approvisionnement de nourriture, la continuation du capitalisme a provoqué un taux de chômage élevé, des pénuries de nourriture, une inflation croissante, une crise massive du logement et une bureaucratisation et une corruption en hausse. En plus de ces problèmes sociaux, il faut souligner l’explosion du nombre de crimes, et spécialement de crimes violents, qui a commencé à mener à la frustration, et même à la désillusion parmi certaines parties des supporters de Chávez.
Ces questions ont permis à l’opposition de droite de ramener des tranches entières de la classe moyenne sous sa bannière. La menace d’une victoire de la droite aux élections présidentielles avait provoqué un renforcement du soutien à Chávez. Mais cette fois cette menace directe n’a pas été vue par les masses dans le référendum pour changer la constitution. Bien qu’il reste une véritable marge de manœuvre à Chávez et qu’il gagnerait probablement les élections si elles devaient se tenir aujourd’hui, cette défaite est un sérieux avertissement des processus qui commencent à se mettre en place.
Résurgence de la droite
Les effets des problèmes socio-économiques ont été renforcés à cause de quelques erreurs commises par Chávez et dont l’opposition a su jouer, utilisant la peur des gens et plus spécifiquement de la classe moyenne. Ils ont accusé Chávez de bâtir une « dictature déguisée ». Le CIO a averti que la décision de refuser à RCTV sa licence (une station radio-télévisuelle de droite pro opposition) permettrait à l’opposition de se réunifier et de se réorganiser. Nous écrivions : Malheureusement, le refus de renouvellement de la licence de RCTV, à cause de son timing et de la manière dont il a été fait, est une erreur tactique du gouvernement de Chávez dont l’opposition pourra jouer ». (RCTV et la question des médias, 20 juillet 2007) Cette question est devenue un point central autour duquel l’opposition de droite a été capable de mobiliser et de redynamiser ses forces. De larges manifestations ont été lancées avec le soutien de couches d’étudiants de la classe moyenne autrefois inactives.
Ces inquiétudes se trouvèrent renforcées par certains des amendements proposés à la constitution de 1999, qui servaient à renforcer le pouvoir de la présidence sans contrepoids démocratique et comprenaient de forts éléments bonapartistes. La limite du nombre de fois qu’un candidat pouvait être élu allait être effacée et le mandat présidentiel allait être prolongé de 6 à 7 ans – comme c’était le cas en France durant la cinquième république de Charles de Gaulle. Un état ouvrier démocratique ne peut être assimilé à un régime bonapartiste. Dans un véritable état ouvrier démocratique, al question de savoir formellement qui est président et pour combien de temps serait immatérielle. Cependant, le Venezuela n’est pas une démocratie ouvrière et cette question a été perçue par certaines couches de la société comme une attaque sur les droits démocratiques et a été utilisée comme une arme par l’opposition.
Le président, et non le parlement, devait aussi obtenir le pouvoir de nommer tous les officiers de l’armée. Il devait aussi obtenir le pouvoir de désigner de nouvelles zones géographico-politiques, comme des municipalités fédérales, et de nommer les différentes autorités censées les administrer. Il n’existait pas de définition du niveau de pouvoir de ces nouvelles autorités et districts territoriaux. D’autres propositions telles que la suppression du « droit à l’information » dans le cadre d’une déclaration d’état d’urgence par le président. Les socialistes défendent le droit pour le gouvernement Chávez de prendre toutes les mesures nécessaires à l’empêchement de toute tentative de prise de pouvoir par la droite, à travers un autre coup d’état par exemple. Mais ce ne sont pas des questions constitutionnelles, en les traitant comme telles le gouvernement offre à la droite le bâton pour lui taper dessus. Alors que l’opposition dynamisait ses supporters de la classe moyenne, des pans des supporters traditionnels de Chávez se retrouvaient désorientés dans la campagne.
Tout cela s’est retrouvé encore renforcé par une colère montante contre la bureaucratie et son approche « par le haut », par l’absence d’un véritable système démocratique ouvrier et d’une participation consciente et active des masses à la lutte. Les supporters de Chávez n’étaient pas prêts à aller de l’avant, ni à soutenir le NON, ils se sont pourtant tenus à l’écart des bureaux de vote. Selon des rapports de nos membres au Venezuela, beaucoup le regrettent aujourd’hui.
Une des tâches auxquelles sont confrontés les masses et les marxistes dans n’importe quelle révolution est de parvenir à gagner le soutien des couches moyennes dans la société (étudiants, petits commerçants,…) qui sont aussi exploitées socialement et économiquement par le capitalisme. Le mouvement révolutionnaire socialiste a besoin de les convaincre de qui sont leurs véritables ennemis et qu’ils n’ont rien à craindre du socialisme. Au contraire, une société socialiste peut leur offrir une solution à leurs problèmes et développer leurs talents et leurs capacités. Malheureusement, l’attitude adoptée par Chávez a donné l’arme qu’il fallait à la droite pour les récupérer.
Les marxistes ne considèrent pas vulgairement la classe moyenne et tous ceux qui ont voté NON comme une masse réactionnaire homogène. Cette approche erronée a été amplifiée par le IMT immédiatement après le référendum. Woods a simplement dénoncé « les petits commerçants, les étudiants « gosses pourris des riches », les employés gouvernementaux, pleins de ressentiment face aux avancées de la « plèbe », les pensionnés nostalgiques « des bons vieux jours » de la quatrième république… Ces éléments apparaissent comme une force formidable en termes électoraux, mais dans la lutte des classes, leur poids est pratiquement nul ». (La défaite du référendum – Qu’est-ce que cela signifie ? 3 décembre 2007)
Ce revirement a revigoré l’opposition et montre clairement la menace croissante de la contre-révolution. D’un autre côté, on n’en est pas encore au point d’une défaite décisive pour le mouvement. La droite pourrait regretter cette tactique, car elle pourrait provoquer une réaction des masses et pousser le mouvement plus à gauche. Il reste encore du temps pour tirer les leçons nécessaires, ce qui permettra de renverser le capitalisme et de définitivement en fini avec lui.
Mais il existe une nouvelle urgence, une course contre le temps : la contre-révolution essayera de capitaliser sur la situation d’impasse actuelle. Un brusque changement dans la situation économique et une chute du prix du pétrole pourrait accélérer ces développements et donner l’opportunité à la droite de se renforcer et de préparer le terrain pour une défaite plus décisive de Chávez et des masses.
Il est urgent de tirer le bilan des luttes des travailleurs, des jeunes et des masses des différentes étapes traversées par la lutte depuis la venue au pouvoir de Chávez. A cela, il faudra ajouter les leçons cruciales de la classe ouvrière internationale pour aider les travailleurs et les jeunes à tirer les conclusions nécessaires pour s’assurer la défaite définitive de la contre-révolution et pour s’assurer que la transformation socialiste et démocratique de la société puisse continuer.
Le pouvoir économique
Tout en clamant son soutien pour la construction du ‘socialisme du 21ème siècle’, en pratique, Chávez a essayé de construire une économie et un Etat parallèles, côte-à-côte avec les monopoles et la machine d’Etat existants. Bien que Chávez ait augmenté l’intervention de l’Etat dans l’économie, il n’a nationalisé ni les grandes banques ni les monopoles, qui demeurent dans les mains du privé. Jusqu’à présent, il a limité les nationalisations à l’aciérie Venepal, ainsi qu’aux compagnies de télécommunication et d’électricité, CANTV et EDC.
Malgré les attaques hystériques contre Chávez de la part de l’impérialisme américain, suite à la croissance économique dans le secteur privé, ce dernier compte à présent pour une plus grande part dans l’économie que ce n’était le cas avant l’arrivée au pouvoir de Chávez.
Malgré les menaces verbales de Chávez de nationaliser les banques, il ne l’a pas fait. Basés sur une croissance du crédit qui a surtout bénéficiée aux classes moyennes, les résultats des banques vénézueliennes ont de quoi rendre jaloux l’ensemble du monde bancaire. Les profits réalisés dans le secteur bancaire ont crû de 33% en 2006. Les retours sur investissement ont dépassé de 33% la norme internationale.
Les supermarchés d’Etat ‘Mercal’, tout en vendant de la nourriture bon marché pour les pauvres, sont dans une logique de compétition avec les grosses chaînes de magasins et de supermarchés d’alimentation. Même si sous certaines conditions –dans le cas d’une situation de double pouvoir par exemple- des éléments d’économie parallèle peuvent être utiles et permettre de réaliser quelques progrès, une telle situation ne peut jamais durer indéfiniment.
Pour les marxistes, une situation de double pouvoir peut émerger lorsque la classe dominante n’a plus le contrôle de l’économie ou de l’Etat, du fait que son pouvoir est contesté par un mouvement révolutionnaire parmi la classe des travailleurs. Tout en concurrençant la classe dirigeante, devenue incapable de diriger la société, la classe ouvrière n’a cependant pas encore pris le pouvoir entre ses mains et imposé une défaite décisive aux capitalistes. Cette situation se conclut toujours soit par la prise du pouvoir par les travailleurs, soit par le rétablissement du contrôle de la classe dirigeante.
Les capitalistes se battront jusqu’au bout afin d’empêcher le secteur étatique d’assumer un rôle de plus en plus important dans ce qu’ils considèrent comme leur chasse gardée, et ne tolèreront jamais de se voir retirer les leviers de leurs pouvoirs économique et politique. Si c’est nécessaire, ils recourront même à la dictature militaire brutale afin d’empêcher un tel mouvement de se développer. Pourtant, procéder à une incursion graduelle de l’Etat dans l’économie capitaliste est exactement ce que Chávez a essayé de faire. Parallèlement, il a laissé le pouvoir économique décisif dans les mains des capitalistes, qui l’ont utilisé par exemple pour imposer des pénuries de café, de riz, de haricots et d’autres aliments de base, comme riposte face aux prix des produits contrôlés par l’Etat.
Ces pénuries ont joué un rôle important dans la campagne que l’opposition a mené en vue du référendum. Dans un sondage réalisé en novembre 2007, 75% des Vénézueliens pensaient que les pénuries de nourriture étaient volontairement suscitées par le patronat afin de saboter l’action du gouvernement. Cependant, dans un sondage entrepris dans la semaine précédant le référendum, une majorité accusait l’inefficacité et la corruption du gouvernement.
Il est impossible d’assagir un tigre en retirant une à une chacune de ses griffes. De la même manière, il est impossible de retirer les capitalistes du contrôle de l’économie en grapillant graduellement un secteur après l’autre. Dans les faits, Chávez n’a même pas été jusque là. L’économie du Venezuela est hautement monopolisée. Cinq grosses familles oligarchiques – Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton et Phelps – ainsi que quelques grandes banques, contrôlent les secteurs décisifs de l’économie, à l’exception du pétrole. Aucun de ces conglomérats n’a été touché par Chávez.
Le fait de ne pas avoir nationalisé ces monopoles laisse à la classe dominante le contrôle de l’économie. Résultat : durant le récent boom économique, qui avait notamment vu une augmentation des dépenses de l’Etat en faveur de différents programmes publics, des profits gigantesques ont été réalisés. Dans le même temps, les capitalistes ont eu tout le loisir d’organiser le sabotage économique afin de miner l’action du gouvernement.
Les signes d’un ralentissement
L’ensemble de ces facteurs se sont reflétés dans le référendum. Pourtant, au lieu de réaliser que cette défaite reflète la frustration, la déception et une certaine impasse dans la situation actuelle, ce sont au contraire les masses qui sont accusées d’un ‘manque de compréhension’. Dans son émission télévisuelle hebdomadaire, ‘Alo Presidente’ du 6 janvier, Chávez affirme reconnaître que la population, ainsi que l’appareil d’Etat, ne sont pas “preparés pour faire face à ce qu’impliquait la réforme constitutionnelle, à savoir un renforcement du socialisme”. Plus menaçant, il déclara qu’ils (les habitants de Caracas et d’autres villes) “…ont une dette envers moi. Je l’ai noté dans mon agenda. Nous allons voir s’ils me paieront cette dette ou pas”. (Spanish daily paper, ABC, 9 décembre 2007)
Cette méthode d’analyses des reculs et des défaites fait écho à celle qu’utilisaient les dirigeants des partis communistes et socialistes réformistes lors de mouvements révolutionnaires historiques, tels que le Chili en 1970-73 ou la révolution espagnole dans les années ’30. Ces derniers justifiaient leur inaptitude à rompre de manière décisive avec le capitalisme en prétextant que les masses n’étaient ‘pas prêtes’ et que cela allait ‘provoquer’ la réaction.
Ayant dans un premier temps accusé le manque de compréhension des masses pour la défaite, Chávez a finalement conclu qu’il n’avait pas d’autre choix que de ‘ralentir la marche des événements’: “L’avant-garde ne peut pas se séparer des masses. Sa place est avec les masses! Je veux rester avec vous, et pour cette raison, je dois ralentir le rythme.” (6 janvier)
Les marxistes n’adoptent pas une approche sectaire vis-à-vis des masses, et ne peuvent ignorer le niveau de conscience et de compréhension politique existant. Cela aurait pour résultat d’avancer des slogans et des initiatives politiques qui ne seraient pas compris, et couperaient les révolutionnaires des larges masses. Les marxistes s’engagent activement dans le dialogue politique, dans l’échange des idées et des expériences, et mettent en avant des slogans et des revendications qui peuvent aider les masses à avancer dans leur lutte, et à tirer les bonnes conclusions sur le type de programme, de tâches et de méthodes nécessaires pour aboutir au socialisme.
Mais utiliser cela comme un argument pour ‘ralentir la marche de la révolution’ est quelque chose de tout à fait différent. Ce ‘ralentissement’ inclut un remaniement ministériel en janvier. Il s’agit surtout de redistribuer les portefeuilles ministériels parmi les ministres actuels. Un élément significatif, cependant, est le fait que l’ex-vice-président, Jorge Rodriguez, a été délogé et remplacé par l’ancien ministre du logement, Ramón Carrizales. La nomination de Rodriguez il y a un an avait été annoncée à l’époque comme un tournant à gauche dans la ‘route vers le socialisme’.
Il est probable que le ralentissement du rythme des réformes débute par un relâchement des contrôles sur les prix que le gouvernement avait précédemment introduits. En les desserrant, le gouvernement espère pacifier ses relations avec les producteurs et distributeurs du secteur de l’alimentation, qui avaient réagi en créant des pénuries dans la distribution. Il s’agissait de purs actes de sabotage, auxquels le gouvernement s’était montré incapable de réagir en nationalisant ces compagnies.
Derrière ce ‘ralentissement’, Chávez tente d’établir un ‘consensus national’ et d’apaiser les capitalistes. Dans l’émission ‘Alo Presidente’, Chávez argumentait : “Nous devons procéder à des améliorations dans le cadre de nos alliances stratégiques. Nous ne pouvons pas nous laisser dérouter par des tendances extrémistes. Nous ne sommes pas des extrémistes et ne pouvons l’être. Non ! Nous devons rechercher des alliances avec les classes moyennes, y compris avec la bourgeoisie nationale. Nous ne pouvons cautionner des thèses qui ont échoué dans le monde entier, comme l’élimination de la propriété privée. Ce ne sont pas nos thèses.”
En d’autres termes, ayant essuyé une défaite lors du référendum, Chávez en conclut qu’un accord doit être recherché avec la classe dominante. Les socialistes ne prônent pas l’élimination de toute la propriété privée, comme par exemple la nationalisation de tous les petits magasins ou la réquisition des maisons des particuliers. Néanmoins, il est nécessaire de nationaliser les monopoles et les banques qui dominent l’économie, et d’introduire une démocratie ouvrière dans le cas où une planification socialiste prend forme. Chávez a également annoncé l’amnistie pour certains personnages impliqués dans l’organisation du coup d’état de 2002, et ce afin “d’envoyer au pays un signal clair comme quoi nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences”.
Il n’y a pas de troisième voie
Chávez revient en fait à la position qu’il défendait avant qu’il n’embrasse l’idée du socialisme, celle d’une ‘troisième voie’. Cette thèse s’appuie sur la vision erronée comme quoi il serait possible, en travaillant main dans la main avec l’aile ‘progressiste’ de la classe capitaliste, d’en finir avec la pauvreté et la corruption, et de développer une forme de ‘capitalisme plus humain’. Cette idée fait écho à la ‘théorie des deux stades’ avancée dans le passé par les staliniens et certains socialistes réformistes. Ces derniers prétendaient que, dans les pays semi-coloniaux, avant qu’il ne soit possible de renverser le capitalisme, il était nécessaire de développer l’industrie et l’économie en collaboration avec les capitalistes ‘progressistes’, postposant ainsi la question du socialisme aux calendes grecques.
De telles idées ont mené à la défaite du mouvement ouvrier durant la guerre civile espagnole, ou encore au Chili en 1973, et n’ont jamais abouti à la moindre victoire. A l’époque contemporaine, la classe dominante des pays semi-coloniaux est liée à l’impérialisme et est incapable de développer la société. Cette tâche retombe sur les épaules du mouvement ouvrier, aidé des autres classes exploitées par le capitalisme, et fait partie intégrante de la transformation socialiste de la société.
Ce n’est pas la première fois que Chávez tente d’apaiser les classes dominantes. Il s’agit en réalité d’une répétition de ce qu’il avait mis en avant suite à la défaite du coup d’état entrepris en 2002 par la réaction. Il demanda alors au peuple de rentrer chez lui, appelant à l’unité nationale et à la construction d’un ‘consensus national’.
Même le IMT a été obligé de reconnaître le caractère erroné d’une telle politique : “‘Aidé’ par ses conseillers réformistes, le président a tiré certaines mauvaises conclusions du référendum”. (Woods, La révolution vénézuelienne à la croisée des chemins, 11 janvier) Mais il est évident que Chávez porte une part importante de responsabilité également.
Woods déclare que “Chavez a bien compris le fait que la révolution a besoin de franchir ce saut qualitatif”. (Rencontre avec Hugo Chávez, Avril 2004) Encore une fois, dans La nationalisation de Venepal : qu’est-ce que cela signifie? Woods assure ses lecteurs que “Le président Hugo Chávez a révélé constamment un instinct révolutionnaire infaillible”. (21 janvier 2005) Pourtant, aucune de ces caractéristiques n’est perceptible dans les ‘mauvaises conclusions’ tirées par Chávez.
Chávez, parlant lors du congrès d’ouverture du PSUV nouvellement formé, fut forcé de reconnaître que le gouvernement restait paralysé par ‘l’inefficacité, la bureaucratie et la corruption’. Il insista également sur la nécessité de résoudre les “problèmes persistants tels que le crime, les pénuries alimentaires et l’inflation.”. “Pourquoi le lait a-t-il disparu? Pourquoi est-ce que la sécurité reste un tel problème…Pourquoi n’avons-nous pas été capables de limiter la corruption (sans parler de l’éradiquer)?”
Ces questions sont d’une importance cruciale. Malheureusement, la réponse de Chávez se limite à l’affirmation selon laquelle l’année 2008 sera l’année des ‘trois R’ : ‘révision, rectification et relance’. Pourtant les problèmes qu’il identifie ne se résoudront pas en ‘ralentissant la révolution’…
La conscience de classe se développe
Quelques jours plus tard, Chávez semblait repartir vers la gauche. Dans ‘Alo Presidente’ du 20 janvier, se référant aux pénuries alimentaires, il brandit la menace de la nationalisation de la terre et des banques. Ce n’est pas la première fois qu’il menace les banques ou d’autres secteurs de nationalisation, et rien ne nous certifie que ces menaces vont être mises à exécution. Ce n’est pas un hasard si ces menaces ont été faites pendant le congrès du PSUV; elles seront utilisées pour tenter de couper l’herbe sous le pied de certains activistes qui critiquent le tournant à droite de Chávez. En même temps, cela illustre que son régime peut toujours balancer vers la gauche et adopter des mesures de gauche plus radicales, y compris la nationalisation.
La bureaucratie et la corruption sont des problèmes cruciaux auquel le mouvement fait face aujourd’hui au Vénézuela. Pourtant, sans un système de démocratie et de contrôle ouvriers, un véritable bataille contre ces problèmes est irréalisable. Cela reflète une des principales faiblesses du mouvement. Accomplir une révolution socialiste demande l’organisation consciente et indépendante du mouvement ouvrier, soutenu par la jeunesse, les couches pauvres des villes, les sections radicalisées de la classe moyenne et par tous ceux qui sont opprimés par le capitalisme. Du fait de sa conscience de classe collective, qui se développe et s’affermit grâce au rôle qu’elle joue dans la production, la classe ouvrière a besoin de jouer ce rôle dirigeant décisif.
Jusqu’à présent, cela n’est pas reflété d’une manière pleinement consciente et organisée au Venezuela. Sans ce contrôle conscient et constant de la base, le développement de méthodes bureaucratiques monte inévitablement à la surface, et cela dans n’importe quel mouvement ouvrier ou révolutionnaire. Depuis le début, Chávez et les dirigeants du mouvement ont adopté une approche unilatérale, du sommet vers la base. Le régime s’est contenté du support des masses – et les a lancés dans la lutte lorsque la menace de la contre-révolution était clairement posée – mais les masses n’ont pas consciemment pris la direction du mouvement.
La fondation du PSUV peut offrir une importante opportunité de construire un nouveau parti de masse pour la classe ouvrière; un tel parti, doté d’un programme révolutionnaire socialiste, peut devenir une arme importante afin de faire avancer le processus révolutionnaire. Au moment où nous écrivons ces lignes se tient le premier congrès du parti, auquel participent 1.600 délégués (et qui est prévu de durer jusqu’à deux mois!) Le PSUV revendique plus de cinq millions de personnes inscrites pour rejoindre le parti, bien qu’il ne soit pas clair si ce sont des gens désirant réellement construire un parti socialiste, ou plutôt des gens enregistrés par les organisateurs locaux à partir du registre des électeurs. Si le PSUV se veut être un instrument pour porter une révolution victorieuse, alors il aura besoin de membres actifs, et pleinement impliqués dans les débats et les prises de décision; un tel parti ne peut se limiter à une addition de tous les partis pro-Chávez déjà existants. Le droit de se constituer en tendances, et de permettre le débat démocratique seront des éléments essentiels pour faire de ce parti une arme efficace pour la classe ouvrière, et pas un instrument docile au service de la politique du gouvernement.
Malheureusement, le PSUV a été formé du sommet, Chávez nommant un comité comprenant deux anciens généraux chargés de le mettre sur pied. En janvier, Jorge Rodriquez fut nommé responsable de la ‘coordination générale du PSUV’. Le CIO soutient le combat pour un PSUV pleinement démocratique avec un programme révolutionnaire socialiste.
La démocratisation des syndicats et la construction de comités démocratiquement élus sur les lieux de travail, afin d’établir un système de contrôle ouvrier, font partie des tâches les plus urgentes. De tels comités doivent être également mis sur pied dans les quartiers ainsi que dans l’armée. Structurés et coordonnés au niveau local, régional et national, ces comités pourraient constituer la base d’un gouvernement ouvrier et paysan. A travers la nationalisation des cinq banques et conglomérats familiaux, un plan démocratique et socialiste de l’économie pourrait ainsi être mis sur pied.
Cela ouvrirait la possibilité de forger des liens avec le mouvement des masses en Bolivie et, accompagné de la construction d’une démocratie ouvrière à Cuba, pourrait permettre le développement d’une fédération socialiste démocratique de ces différents pays. Cette perspective pourrait à son tour constituer un tremplin pour stimuler la révolution socialiste à travers l’ensemble du continent latino-américain. Une telle voie demeure la meilleure garantie afin d’assurer la défaite de la réaction qui, comme le récent référendum l’a illustré, peut reprendre du poil de la bête tant que le capitalisme ne sera pas renversé.
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La Bolivie à un moment crucial
De violentes confrontations peuvent survenir
En novembre et décembre de l’an dernier, la Bolivie était au bord de la guerre civile. L’opposition de droite des provinces orientales riches en gaz avait déclaré l’autonomie en protestation contre la nouvelle Constitution. Ils ont appelé à une grève générale, amenés des gangs armés dans les rues et menacé de casser le pays. Les Ponchos Rojos, un mouvement indigène armé, est venu en soutien du gouvernement. Bien que, depuis lors, la menace de guerre civile s’est amoindrie, la faillite de Morales à rompre avec le capitalisme signifie que la situation pourrait entrer dans une spirale hors de tout contrôle au cours des prochains mois.
En prenant fonction l’année dernière, Evo Morales, le président bolivien, avait promis de « refondre » le pays, une demande de longue date du mouvement ouvrier et social, en réécrivant la Constitution.
En Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique Latine, la classe ouvrière, la paysannerie pauvre et la population urbaine pauvre souffrent d’une pauvreté et d’un dénuement bien plus extrêmes que n’ont à subir leurs frères et sœurs du reste du continent. Tandis que plus que la moitié de la population bolivienne vit sous le seuil de pauvreté, les 10% les plus riches reçoivent 40% des revenus du pays.
Récemment, une inflation élevée affectant particulièrement les prix des denrées alimentaires a aggravé la pauvreté dans la région andine. Les services de santé déclarent que 30% des enfants péruviens souffrent de malnutrition chronique. Ce chiffre atteint 90% dans certains villages, principalement habité par le peuple indigène, dans le département péruvien d’Apumaric. Les enfants de quatre ans ont presque une tête de moins que la taille qu’ils devraient avoir à cet âge selon les standards de croissance. La situation est tout aussi choquante en Equateur et en Bolivie.
Les développements politiques en Bolivie, bien qu’ils n’aient pas le même impact international, sont aussi importants que ceux au Venezuela. Les organisations indépendantes des travailleurs boliviens sont, pour des raisons historiques, plus développées qu’au Venezuela. En tant que force politique, ils sont moins influencées par les partis politiques réformistes tels que le MAS (le Mouvement pour le Socialisme, fondé en 1997) dirigé par le président Evo Morales.
L’arrivée au pouvoir d’Evo Morales l’année dernière, en tant que premier président indigène dans un pays avec une majorité indigène, a ouvert la voie à des développements dramatiques. La grande masse du peuple attendait du gouvernement Morales qu’il dirige une rupture décisive avec le système capitaliste. Le gouvernement du MAS, arrivé au pouvoir dans un contexte de mouvements de masses puissants qui avaient balayés plusieurs présidents de droite, a réalisé certaines des attentes de la classe ouvrière et des pauvres et a présenté quelques réformes.
La renégociation des contrats concernant le gaz avec les multinationales en mai 2006, qualifié avec erreur de « nationalisation », a été le changement le plus radical opéré par le gouvernement. Morales, cependant, a hésité devant l’exigence principale du mouvement de masse : l’exigence d’une rupture décisive avec le système capitaliste.
Impasse
L’impasse actuelle autour d’une nouvelle constitution illustre qu’une politique qui tente de calmer l’élite riche est extrêmement dangereuse pour le mouvement de masse. La politique gouvernementale de « un pas en avant, deux pas en arrière » a permis à l’opposition de se réorganiser tout en permettant à la mobilisation et à l’énergie des masses de s’évaporer temporairement. La faiblesse du gouvernement a incité l’agression de la classe dirigeante bolivienne et a conduit le pays au bord de la guerre civile. Pour la presse internationale et les commentateurs, le gouvernement doit engager des pourparlers et trouver un accord avec l’opposition de droite. Ils prêchent un statu quo qui est aussi insupportable pour les masses qu’il est inacceptable pour l’élite dirigeante. Pour le gouvernement Morales, le statu quo signifie l’exploitation, la pauvreté, et la discrimination pour la masse de la population au profit de l’élite dirigeante « blanche ». Pour l’élite, il représente une menace persistante à leur pouvoir économique et politique et, avec les organisations de masse des pauvres intactes, une menace continue pour leur règne.
Le gouvernement du MAS d’Evo Morales a installé une assemblée constitutive le 6 août 2006 pour écrire une nouvelle Constitution. L’opposition de droite a immédiatement employé la concession du gouvernement – selon laquelle n’importe quelle Constitution proposée doit être acceptée par les deux tiers de l’assemblée – pour saboter des procédures.
Après 16 mois de travail, l’Assemblée Constitutionnelle, suspendue pendant sept mois durant cette période, n’a pas réussi à trouver un accord sur un simple article de la nouvelle Constitution. Le gouvernement du MAS a tenté de conclure un accord avec les représentants politiques de l’élite bolivienne, a fait appel à l’unité nationale, a organisé des protestations de masse pour faire pression contre elle, mais a vu l’opposition se renforcer durant ce processus.
La date limite pour les travaux de l’Assemblée Constitutionnelle était le 14 décembre 2007, la majorité composée du MAS a décidé avant cette date de rouvrir la session de l’Assemblée dans une caserne militaire près de la ville de Sucre pour approuver une ébauche de Constitution. Les partis d’opposition ont boycotté cette réunion, clamant que cette réunion était illégale. Le MAS a voté pour la nouvelle Constitution qui sera soumise à un référendum à la fin de cette année.
Menace de guerre civile
Le 15 décembre, deux Bolivie ont pris les rues : la Bolivie indigène, pauvre et ouvrière pour soutenir Evo Morales le jour où la nouvelle Constitution a été proposée au parlement, la Bolivie riche, propriétaire foncière et « blanche » a marché dans les rues de Santa Cruz pour célébrer la déclaration d’autonomie par cet état et trois autres (Pando, Tarija et Beni). Ces quatre états détiennent 80% des réserves de gaz et de pétrole du pays. Ils ont été soutenus par les gouverneurs de Cochabamba et de Chuquisaca.
Les aspirations à l’autonomie ou au séparatisme de la part de l’élite riche bolivienne n’a rien à voir avec le droit à l’auto-détermination généralement soutenu par les marxistes pour les nations opprimées et les minorités. Cette demande provient de l’élite riche en vue d’essayer de saboter n’importe quelle tentative de changement social en Bolivie. Ils ont menacé Morales de garantir l’autonomie ou à faire « face à la réalité que la Bolivie aura de nouvelles frontières ».
L’aile droite emploie la question de l’autonomie de la région la plus riche de la Bolivie, tout comme elle a employé la polémique sur la ville qui devrait être la capitale du pays, pour exposer la faiblesse du gouvernement morales et casser l’unité du mouvement social. L’opposition a déjà partiellement réussi à monter les populations pauvres de différents Etats les unes contre les autres.
Ces six Etats avaient appelé à une « grève générale » en novembre pour protéger leurs privilèges et protester contre la nouvelle Constitution. Pendant la « grève générale », ils ont mobilisé des troupes semi-fascistes et fascistes prêtes à casser les organisations sociales et les représentants politiques des travailleurs et des pauvres.
Il est clair que la réaction est armée jusqu’aux dents et qu’elle veut plonger le pays dans l’abîme de la guerre civile si cela est nécessaire pour protéger leurs privilèges. Dans cette défense féroce de leurs propres intérêts, ceux du capitalisme et des propriétaires terriens, le racisme et la haine historique contre le peuple autochtone refont surface. L’attitude de cette oligarchie est illustrée par cet employeur de Santa Cruz qui a demandé à un journaliste espagnol : « Viens, dis-moi,… Comment avez-vous réussi à diviser le peuple indigène ? »
Une victoire de l’aile droite conduirait à une dictature capitaliste, à une vicieuse contre-révolution qui essayerait de casser non seulement le parti de Morales, mais aussi toutes les organisations sociales des travailleurs, des pauvres et des paysans.
L’élite regarde comment mener sa vengeance contre la classe ouvrière et les pauvres en raison de la « guerre de l’eau », de celle du gaz, du renversement de leurs présidents et de la victoire de Morales. Si elle réussi, elle renverrait le mouvement en arrière pour des décennies.
Les troupes réactionnaires armées de la jeunesse de Santa Cruz doivent être confrontées au mouvement des travailleurs et des indigènes. Nous les appelons à suivre l’exemple de « La Coordinadora de Juventudes Anti-Fascista » (la Coordination Anti-Fasciste) à Cochabamba, une initiative prise par la section bolivienne du CIO.
La Coordinadora est un comité rassemblant les différentes organisations ouvrières et sociales pour organiser la défense du mouvement social, de ses sièges, des voisinages et de ses manifestations. Des comités de ce type, avec des représentants démocratiquement élus, ont besoin d’être installés partout en Bolivie.
La coordinadora a démontré ce qui est possible. Le 4 décembre, ils ont organisé une manifestation de 10.000 personnes à Cochabamba avec l’appui de plus de 15 organisations comprenant des syndicats, la fédération des travailleurs terriens et différents groupes de jeunesse.
Les peuples indigènes
La reconnaissance et les droits des peuples indigènes sont des thèmes centraux en Bolivie, comme dans beaucoup d’autres pays latino-américains. La majorité indigène – majoritairement pauvre et ouvrière – a été brutalisée et opprimée durant des siècles d’impérialisme, d’exploitation par les propriétaires terriens et par le capitalisme.
Quand la Bolivie a proclamé son indépendance et sa première Constitution en 1825, tout le monde a acquis le droit de vote. Tout le monde, excepté le peuple indigène qui représentait alors approximativement 90% de la population. La nouvelle Constitution proposée par Evo Morales reconnaît pour la première fois les droits et les langues des 36 peuples indigènes qui habitent en Bolivie.
La détermination du peuple indigène à lutter pour un changement révolutionnaire et la conscience de cette importance a été démontrée quand Morales, en février 2007, a décidé de céder à la pression de la droite qui a exigé que les Ponchos Rojos renoncent à leurs armes. Felipe Quispe, un dirigeant Aymará, a défendu le droit d’être armé en disant : « Nous sommes en danger. Ils vont nous désarmer et c’est de l’escroquerie. Grâce à nos Mausers (fusils), Evo Morales est président. Sans nos armes, nous n’aurions pas été capables de battre l’armée à Warisata [ pendant la « guerre de l’eau »] le 10 septembre 2003. Avec ces armes, nous avons renversé Gonzalez Sánchez de Losada [ ex-président qui s’est sauvé aux USA en 2003] ».
La nouvelle Constitution a également promis la participation « réelle et vigoureuse de l’Etat et de la société dans l’économie » ; elle interdit et punit le pouvoir des propriétaires terriens ; elle garantit le « droit à la vie, à la nourriture, à l’éducation, à la santé et au logement décent et adéquat ». En outre, elle offre le « droit de travailler à un salaire juste ».
Tous ces éléments sont positifs mais sont, dans les conditions du capitalisme, impossibles à obtenir pour la majorité du peuple. Néanmoins, le CIO appelle au « OUI » lors du référendum sur la nouvelle Constitution. Une victoire serait une défaite pour la droite et cela donnerait plus de confiance aux masses dans leur capacité à lutter.
Cependant, la question la plus importante demeurera non résolue car la classe régnante de la Bolivie gardera dans ses mains la richesse et les moyens pour produire cette richesse. Morales et le gouvernement du MAS mènent le mouvement des masses vers la ruelle aveugle de l’essai de parvenir à un accord avec la classe dirigeante en construisant un « capitalisme des Andes ».
Cette expression a été inventée par Alvaro Garcia Linera, vice-président bolivien, pour signifier un capitalisme plus égal et plus juste qui favoriserait le développement social au lieu de la production pour le bénéfice d’une minorité. Cette idée tout à fait fausse prépare une défaite plus dévastatrice que la précédente. Chavez a perdu son propre référendum au sujet des changements dans la Constitution vénézuélienne. Le recours à des demi-mesures, éviter de prendre le pouvoir économique et politique hors des mains de la classe dirigeante capitaliste et de l’impérialisme, tout cela invite la contre-révolution et la défaite de la classe ouvrière et des pauvres.
L’année prochaine, les masses boliviennes seront invitées à voter non seulement sur la Constitution, mais également sur d’autres questions. Morales a lancé l’idée d’un « referendum de rappel » pour lui-même et les neuf gouverneurs des provinces. Il espère pouvoir se débarrasser des gouverneurs pro-opposition par les urnes ou au moins employer la menace d’un référendum de rappel pour parvenir à un accord avec l’opposition au sujet de sa demande d’autonomie.
C’est une stratégie dangereuse car elle compte sur une mobilisation quasi-permanente des masses, sans fournir aucun changement radical des conditions de travail et de vie. Elle donnera également à l’opposition différents points pour rassembler ses forces et pour leur permettre de fabriquer et employer la confusion pour faire dérailler le mouvement social. Toute ceci a lieu dans un contexte d’augmentation des prix des denrées alimentaires, de la pénurie de pétrole pour la population et du sabotage économique par l’élite dirigeante.
Il semble que le gouvernement de Morales et les gouverneurs des provinces sont parvenu à un accord provisoire pour passer en revue la Constitution et négocier plus d’autonomie pour les régions. La menace immédiate de la guerre civile a reculé. Cependant, une confrontation violente pourrait éclater plus tard car il n’y a aucune sortie de l’impasse actuelle pour les masses ou pour l’opposition.
Revolution
La revendication d’une assemblée constitutive révolutionnaire doit être portée avec force en Bolivie, par l’organisation de comités de masse dans les usines, les lieux de travail, les quartiers, les localités et les organisations de la classe ouvrière et de la paysannerie.
Les représentants à l’assemblée constitutive révolutionnaire devraient être élus par les travailleurs et les masses paysannes, soumis à la révocation et être contrôlés par les comités qui les ont élus. L’assemblée devrait plaider la réalisation de la nationalisation complète de grandes propriétés et des principales industries ainsi que l’introduction d’une économie démocratiquement planifiée. Une assemblée constitutive révolutionnaire concrétiserait la demande d’un « Gouvernement Ouvrier et Paysan », une revendication historique du mouvement ouvrier bolivien.
Seul un programme révolutionnaire et socialiste peut réussir à changer la société de façon décisive en fonction des intérêts de la masse de la population.
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Venezuela. Chavez a perdu le référendum sur les réformes constitutionnelles.
Au Venezuela, le référendum constitutionnel auquel avait appelé Hugo Chavez ce 2 décembre s’est malheureusement et tragiquement soldé par une défaite. Pour la première fois en neuf années, Chavez a perdu une élection. L’opposition de droite tentera de s’approprier cette victoire, qui va l’encourager et la renforcer. Cette défaite pour Chavez est un avertissement concernant la menace de la contre-révolution.
Karl Debbaut, Comité pour une Internationale Ouvrière, Londres
Le résultat est que 50.7% des participants ont voté « Non » aux changements proposés, tandis que 49.2% y étaient favorables. Le taux d’abstention a été de 44%. Par rapport aux dernières élections, les présidentielles de décembre 2006, Chavez a perdu 3 millions de voix en convainquant 4 millions de personnes du « Oui ». Il s’agit là d’un nombre de voix inférieur aux 5 millions d’adhérents revendiqué par le PSUV (Parti Socialiste Unifié du Venezela) créé cette année pour rassembler l’ensemble des partis politiques membres de la majorité présidentielle ! La droite, par contre, a gagné 300.000 voix en comparaison de l’élection de décembre 2007.
Contradictions
Ce résultat est un recul pour le gouvernement vénézuélien et son projet de « socialisme du 21ème siècle ». Chavez a proposé 69 changements à la Constitution adoptée lors du référendum de 1999. Les changements les plus importants proposés étaient la suppression de la limite concernant la réélection du président, l’instauration de la journée de 6 heures et la reconnaissance des conseils ouvriers et des conseils communaux. La nouvelle Constitution aurait également renommé le Venezuela comme « République Socialiste Bolivarienne ». La raison fondamentale de cette défaite réside dans les contradictions et les faiblesses du programme et des méthodes du gouvernement et de la direction du mouvement. En dépit des importantes réformes progressistes dont ont bénéficié les sections les plus pauvres de la société, le capitalisme subsiste avec des problèmes sociaux désespérés et une bureaucratie grandissante.
La situation sociale au Venezuela fourmille de contradictions. L’économie vénézuélienne est en plein boom, mais ce sont principalement l’élite dirigeante et la classe moyenne qui en profitent. En même temps, le gouvernement, tout en introduisant des réformes sociales qui ont bénéficié aux couches les plus pauvres, n’a pas pu réduire significativement la pauvreté ou le crime. Le fossé entre riches et pauvres persiste et la situation dans les régions les plus pauvres de Caracas s’est même détériorée. En 2006, Caracas était victime de 5 meurtres par jour. En novembre passé, ce taux était passé en moyenne à 11 meurtres par jour, majoritairement dans les quartiers pauvres. Tandis que les riche et la classe moyenne peut s’offrir le dernier cri de la technologie et manger dans les restaurants les plus fins, la plupart des gens souffre de la pénurie de nourriture causée par les grands producteurs et distributeurs de nourriture.
Les récents sondages d’opinion ont indiqué que 75% de la population a eu à souffrir de cette pénurie. Il arrive fréquemment que le lait, le riz, les haricots et d’autres produits alimentaires de base soient indisponibles dans les supermarchés soutenus par l’Etat. Le gouvernement a été incapable de résoudre ce problème. Il n’a pas pris des mesures pour exproprier ceux qui sabotent l’économie et le plan de production de nourriture. Au lieu de cela, il a augmenté la dépendance du Venezuelas des importations, ce qui a affecté l’opinion publique. Le mois dernier, un sondage a révélé que 75% des Vénézuéliens pense que la pénurie de denrées alimentaires est due aux employeurs, qui essayent de cette façon de saboter le gouvernement. La semaine dernière, avant le référendum, le même sondage a établi que la plupart des Vénézuéliens critique le manque d’efficacité et la corruption du gouvernement. La frustration et la colère contre les conditions sociales et la bureaucratie gouvernementale croissante s’est notamment exprimée par une faible participation au référendum de la part des couches les plus pauvres de la population. La mobilisation et la participation des riches et de la classe moyenne des districts de l’est de Caracas a par contre été conséquente.
L’économie vénézuélienne est dominée par cinq grandes familles oligarchiques (Cisnero, Mendoza, Caprile, Boulton, et Phelps) qui contrôlent notamment la production de nourriture. Il ne peut y avoir aucune solution durable à la crise créée par capitalisme aussi longtemps que ces familles resteront aux commandes de l’économie. Un gouvernement socialiste nationaliserait leurs industries sous le contrôle des travailleurs. Mais jusqu’ici, le gouvernement ne s’est pas préparé à le faire. L’opposition pro-impérialiste cherchera à utiliser le résultat du référendum pour déstabiliser plus encore le Venezuela et pour revenir sur les réformes en faveur des pauvres du gouvernement Chavez et sur l’idée de socialisme. Cela n’aura pas seulement un effet au Venezuela, mais également très probablement sur les gouvernements réformistes de Bolivie et d’Equateur. Cuba a averti la semaine dernière qu’une défaite de Chavez dans le référendum pourrait avoir des répercussions sur l’île. Selon le journal espagnol El Pais, Cuba reçoit 7 milliards de dollars d’aide de la part du Venezuela.
Opposition renforcée et crise politique pour les partis pro-Chavez
Après les élections présidentielles de décembre 2006, le gouvernement Chavez a opéré un tournant vers la gauche, en renforçant le message du socialisme et en nationalisant la compagnie de télécommunication CANTV et la compagnie d’électricité « Electricidad De Caracas ». Chavez a également parlé de Trotsky et de sa théorie de la « révolution permanente ». Nous avons applaudi à ces étapes, mais avons précisé que pour que ces nationalisations aient réellement un effet, il était nécessaire de placer les secteurs principaux de l’économie sous le contrôle des travailleurs et de commencer à établir démocratiquement un plan de production. Cela ne s’est pas produit.
Au contraire, le processus de décision « du haut vers le bas » et l’approche administrative et bureaucratique continue de caractériser l’administration Chavez. Les nationalisations et l’introduction de la cogestion dans quelques usines sont un exemple de cette approche. Alors que les travailleurs ont pu pour la première fois donner leur avis sur la manière dont leur entreprise est dirigée, le gouvernement a tenter de garder le contrôle de ce processus en nommant la majorité des directeurs. A chaque fois qu’un conflit s’est développé entre des syndicalistes indépendants de l’UNT et des ministres du gouvernement ou la bureaucratie, le gouvernement a imposé sa volonté. Chavez a menacé ces syndicalistes en disant qu’il n’était pas en faveur de l’indépendance des syndicats et qu’ils devraient tous rejoindre le nouveau parti, le PSUV.
Chavez a déclaré à plusieurs reprises que le PSUV doit être construit comme une organisation démocratique, c’est-à-dire construit et contrôlé par la base. Cependant, il a continué à insister sur le fait que les partis de la coalition pro-Chavez devraient se dissoudre et rejoindre le PSUV. Les partis qui ont refusé de se plier à ce mot d’ordre ont été isolés et parfois qualifiés de pro-opposition, même quand ce n’était clairement pas le cas, comme avec le Parti Communiste du Venezuela. Maintenant que des sections locales ont été installées et que les délégués ont été élus pour la conférence de fondation, il est clair que cette conférence sera contrôlée du dessus par les politiciens venus des autres partis pro-Chavez.
Cette approche de haut en bas est un avantage pour l’opposition, qui affirme que Chavez veut installer un régime de parti unique suivant le modèle cubain. Ces accusations ont commencé à recevoir un écho plus large en raison de la bureaucratisation et de la corruption de l’entourage de Chavez et des craintes de l’imposition d’une « dictature rampante ».
D’autres actions, comme le retrait de la licence de RCTV (une station de télévision pro-opposition qui avait notamment joué un rôle lors du coup d’Etat contre Chavez en 2002), ont également été des éléments sur lesquels l’opposition a pu jouer en lui permettant d’augmenter les craintes de la classe moyenne et d’autres personnes envers la menace d’atteintes à la démocratie et aux droits démocratiques. « L’affaire RCTV » a été une opportunité utilisée par l’opposition pour se regrouper et se réorganiser. Le Comité pour une Internationale Ouvrière (parti révolutionnaire international auquel le MAS/LSP est affilié, NDLR) avait averti de ce danger dans un article « RCTV et la question des médias » en juillet 2007.
Et maintenant?
Le résultat du référendum est un coup pour le gouvernement Chavez. Ce n’est toutefois pas une défaite décisive et cela ne signifie pas que l’opposition pro-USA va pouvoir prendre les commandes du pays ou renverser immédiatement le gouvernement. Mais les conséquences peuvent être que Chavez va se déplacer vers la droite en renforçant la contre-révolution. Mais si la droite tente d’aller à l’offensive, cela pourrait provoquer une confrontation durant laquelle les masses pourraient conduire le mouvement encore plus loin vers la gauche.
La défaite lors de ce référendum va renforcer et encourager la droite contre-révolutionnaire, c’est un avertissement sérieux à la classe ouvrière et aux masses. Des mesures d’urgence doivent être prises. Une campagne décisive contre la bureaucratie doit être lancée. Le syndicat doit prendre la direction en établissant des comités démocratiquement élus dans les lieux de travail et les quartiers pour mettre en avant les revendications des travailleurs et appuyer la campagne contre la bureaucratie. Ces comités pourraient commencer à organiser une force contre les institutions d’Etat corrompues en établissant un véritable système de contrôle des travailleurs dans les entreprises. La classe ouvrière doit pousser ses propres exigences de manière indépendante et établir ses propres organisations capables de défendre les travailleurs et les réformes du gouvernement.
Il ne peut y avoir aucun socialisme sans nationalisation des secteurs-clés de l’économie et sans que l’économie ne soit sous le contrôle direct des travailleurs. Il ne peut y avoir aucun socialisme sans démocratie des travailleurs. Ce récent recul subi par Chavez illustre que c’est à la classe ouvrière et à ses organisations de jouer le rôle central dans la lutte pour défaire la réaction et instaurer le socialisme.