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  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (5)

    Les finances des communes et des régions sont dans un état catastrophique. A Bruxelles, de nombreux niveaux d’autorité sont représentés, mais ils ont tous en commun de mener une politique d’assainissements et d’austérité. A ces sévères économies antisociales, il convient de répondre par une résistance sociale conséquente. Cela nécessite un programme reposant, au-delà de l’opposition à la politique actuelle, sur une alternative claire. Cet article est la dernière partie de notre dossier sur Bruxelles, avec les conclusions qui s’imposent selon nous.

    Les finances communales boivent la tasse, aux travailleurs et à leur famille de payer la note…

    Selon l’analyse des budgets communaux réalisée par Belfius, 13 des 19 communes bruxelloises sont en déficit pour 2013. Ces chiffres sont de loin plus mauvais que pour les autres régions de Belgique. Après une législature 2000-2006 marquée par une dégradation des finances communales, Charles Picqué, également Ministre de tutelle des pouvoirs locaux à la région, annonçait pourtant une « stabilisation financière » des communes « grâce à l’action de la région et une gestion parcimonieuse des communes » pour 2006-2012.

    Par « action de la région », Picqué réfère surtout à l’injection chaque année depuis 2007 de 30 millions € supplémentaires pour l’équilibre budgétaire des communes. Sans cette aide, une seule commune ne serait pas en déficit chaque année. Picqué a conditionné cela à la présentation et au respect d’un plan financier trisannuel par les communes, devançant ainsi les nouvelles directives européennes contenues dans le Six-Pack et traduisant la volonté du bon plombier institutionnel qu’il est de développer la gestion de l’austérité et des pénuries au niveau des communes. Par « gestion parcimonieuse », Picqué réfère à la politique d’assainissement des autorités locales, par laquelle la croissance des dépenses par habitant a été inférieure à l’inflation, aggravant les pénuries. Et cela malgré une croissance annuelle des dotations aux zones de police de 5% et des dotations aux CPAS de 5,5%.

    Comme nous l’avons déjà vu, le rendement du PRI varie fortement d’une commune à l’autre. De son côté, la part de l’IPP dans les recettes des communes tend à diminuer (de 15% en 2006 à 11% en 2012) du fait de l’appauvrissement de la population. Les recettes dues à l’intervention régionale croissent quant à elles annuellement de 5% et représentent aujourd’hui 22,5% des revenus des communes. Les subsides du fédéral, des communautés et de la Cocof correspondent pour leur part à 13,5% des revenus.

    Les recettes sur les produits financiers ont quant à elles enregistré un important recul depuis 2005 suite à la libéralisation du secteur de l’énergie (pertes des dividendes des intercommunales) et depuis 2009 avec la liquidation du Holding Communal (suppression des dividendes via Dexia). Les recettes de dette (à la fois sur les intérêts créditeurs et sur les dividendes des participations aux intercommunales dont Sibelga, HydroBru et Brutélé) ne représentent plus que 3,7% des sources de revenus des communes en 2012 contre 8,5% dix an plus tôt.

    Dans le secteur de l’énergie, qui générait autrefois d’importants dividendes, les communes se concentrent désormais sur l’activité du gestionnaire de réseau. Les pertes liées à la fourniture a été compensé à Bruxelles par une redevance voirie (électricité et gaz) qui atteint un rendement budgétaire actuellement de 30 millions €. Les dividendes sur le gaz et l’électricité sont passé de 70 millions € par an en 2002 à 55 millions € à partir de 2005 et à 50 millions € depuis 2011. Interfin (bras financier des communes dans Sibelga) a toutefois versé un dividende exceptionnel de 32 millions € aux communes en 2010, qui provient du surcoût de la distribution tarifé aux consommateurs. Les communes ont décidé ces dernières années d’obtenir de plus en plus de revenus de Sibelga. Alors que le bénéfice de 2012 de Sibelga a encore augmenté à 87,3 millions € par rapport à 66,5 millions € en 2011, les dividendes versés s’élèvent à 79,6 millions € (à 75% pour les communes et à 25% pour Electrabel).

    Les mesures du gouvernement fédéral pour limiter les prix excessifs des fournisseurs sont arrivées trop tard et sont trop limitées. De plus, la CREG (la Commission de Régulation de l’Electricité et du Gaz) avait sonné l’alarme dans son rapport de janvier 2012, expliquant que les tarifs de distribution pratiqués par les communes sont beaucoup trop élevés par rapport aux pays voisins. De fait, sur l’ensemble de la facture d’énergie, ce sont surtout les coûts de la distribution qui ont le plus augmenté depuis 2008 : ils correspondent à environ 40% de la facture de gaz et d’électricité soit en moyenne 600 € pour un ménage ! Paradoxalement, le coût de la distribution à Bruxelles est le plus élevés qu’en Flandre et en Wallonie alors que le territoire et donc le réseau est pourtant nettement moins vaste.

    Entre 2008 et 2012, la commune de Saint-Gilles a doublé ses revenus annuels sur le gaz et l’électricité de 2,6 millions € à 5,3 millions €. Ces augmentations de revenus (redevance voirie, obligation service public, dividendes et la « revente exceptionnelle » en 2011 de patrimoine communal à Sibelga) sont à leur tour transférés sur la note des usagers. En moyenne, cela représente 110 € de taxe cachée chaque année pour chaque Saint-Gillois. Ce qui équivaut au coût de la perte de Dexia.

    A travers le Holding Communal, les communes belges détenaient 14% des parts de Dexia. Avec la faillite de la banque, les dividendes (25 millions € en 2008) ont été réduits à néant en 2009. Tous les partis traditionnels ont participé à cette orgie spéculative. Le conseil d’administration de Dexia était bourré de politiciens alors que la banque maximisait les risques pour obtenir des rendements les plus élevés possibles.

    En 2008, il a été demandé aux communes de mettre de l’argent sur la table pour sauver la banque en difficulté. Saint-Gilles augmente alors sa participation au capital de 4 millions €. Aux côtés de Saint-Gilles, Anderlecht, Bruxelles, Ixelles, et Schaerbeek participeront également un maximum. Ensuite Saint-Josse, Molenbeek, Etterbeek, Uccle et Jette augmenteront aussi fortement leur part. Picqué écrit alors, dans son rapport financier 2002-2011, que « grâce à la recapitalisation du groupe, les communes limitent la casse avec environ 8 millions € de recettes par an ». Peu de temps après, tout cet argent a disparu car la recapitalisation n’a pas empêché la débâcle. Au final, la perte annuelle se chiffre à 2 millions € pour Saint-Gilles et 4 millions € pour Ixelles. Les communes ont même contractés des prêts chez Dexia pour cela ! Par exemple, Saint-Gilles repaye encore chaque année jusqu’en 2019 500.000 € de remboursement du prêt pour la recapitalisation. Désormais, l’austérité passe également par les communes

    Pour combler les déficits communaux, les différentes majorités communales appliquent à leur niveau l’austérité notamment en augmentant diverses taxes. Cette augmentation est en moyenne de 8,7% en région bruxelloise par rapport à 2012, ce qui équivaut à un montant de 130 € par habitant en plus. Ces taxes portent principalement sur les bureaux et les chambres d’hôtels mais les plus fortes augmentations sont sur la mobilité et le stationnement. Pour les budgets 2013 des 19 communes, Belfius estime que les taxes sur le stationnement représentent une recette d’un peu plus de 51 millions €, soit 9,2 millions € de plus qu’il y a 3 ans (+ 25 %). Cela devrait encore augmenter en 2014, avec la mise en place du nouveau plan de stationnement régional dès le 1er janvier. Cette réforme du plan de stationnement régional s’accompagne de la réforme, par le fédéral cette fois, de la loi sur les sanctions administratives communales. Cette réforme prévoit notamment l’élargissement de la fonction d’agents constatateurs et l’augmentation du plafond des amendes à 350 €.

    Pour la bourgeoisie belge, les régions et les communautés sont des outils très utiles pour réaliser différents assainissements. Ses politiciens traditionnels en maîtrisent l’art. Un niveau de pouvoir n’est pas encore suffisamment utilisé à leur goût pour réaliser l’austérité : la commune. Un des objectifs du gouvernement régional est de disséminer des coupes dans les services communaux et en même temps d’utiliser ces services pour traire encore plus la population et les travailleurs.

    Ixelles a ouvert le bal de l’austérité communale 2013 en publiant en février son budget. La nouvelle majorité Ixelloise (PS-MR-Sp.a) prévoit 18 mesures, parmi lesquelles : diminution du nombre de fonctionnaires communaux (non remplacement d’un tiers des départs), fermeture de deux restaurants sociaux, suppression de la moitié des subsides aux associations, fermeture de la déchetterie communale, augmentation de 15% en moyenne des frais des services communaux et des taxes supplémentaires… Comme Picqué à la région, la commune d’Ixelles veut faire payer la crise au personnel communal et aux habitants.

    La situation de la commune de Saint-Gilles semble de son côté assez paradoxale. Près d’un an après les élections communales, la majorité n’a toujours pas publié de déclaration de politique générale. De plus, si le budget 2013 a été voté en avril (avec un déficit d’environ 3 millions €), la majorité n’a même pas soumis le plan triennal rendue à la région à l’ensemble du conseil communal, alors que ce plan est censé cadrer l’orientation des budgets communaux pour les trois prochaines années. C’est la seule commune de la région bruxelloise dans ce cas. Serait-ce lié au retour de Charles au maïorat ? Une région marquée par les pénuries et les inégalités signée Picqué

    Lors de son départ de la région, le journal « Le Soir » rendait hommage à Picqué comme le meilleur garant des intérêts de la région bruxelloise contre la Flandre. D’autant que lors de la 6e réforme de l’Etat, le « créateur » de la région a pu obtenir un refinancement à hauteur de 461 millions €. La région va-t-elle pouvoir à présent garantir les droits et besoins des différentes communautés qui vivent à Bruxelles ?

    Rien n’est moins sûr. En juillet dernier, le gouvernement bruxellois a présenté les grandes lignes du budget régional pour 2014. Au menu : 120 millions € d’assainissements, soit 4% du budget de la région. Ces premiers assainissements budgétaires signés Vervoort sont de loin supérieurs à ceux de 2013 qui étaient de 83 millions €. Le détail des réductions de budget et des augmentations de taxes n’est pas encore connu, le conclave étant planifié pour fin septembre. Il est fort probable que le traditionnel salami sera de mise pour réaliser les assainissements, en utilisant également l’échelon communal pour appliquer l’austérité.

    La 6e réforme de l’Etat prévoit parallèlement au refinancement le transfert de toute une série de nouvelles compétences aux régions relatives à l’emploi, aux soins de santé, aux allocations familiales… Ces nouvelles compétences représentent près de 25% de l’ensemble de la sécurité sociale. Il est probable que ces services rencontrent un sous-financement du même ordre que ce qui se fait déjà dans la région aujourd’hui. En outre, ces nouvelles thématiques risquent fort d’intensifier les complications communautaires et les passages par la commission communautaire commune (cocom).

    Faudra-t-il simplifier les administrations publiques à Bruxelles ? Si une telle simplification se faisait au détriment des moyens, ça ne serait pas mieux, les pénuries augmentant les conflits et discriminations. La seule véritable solution est celle qui s’attaque à la racine du problème : organiser les services et infrastructures en fonction des besoins plutôt qu’utiliser différents niveaux de pouvoir pour aménager les différentes pénuries.

    C’est pourtant cette dernière logique qui est derrière la réforme d’Etat fédéral et la réforme interne de la région. En 2010, Verdonck, Taymans et Ector, trois professeurs de centre d’études régionales bruxelloises des facultés universitaires de Saint-Louis, ont sorti une étude qui calculait un besoin de financement complémentaire à 720 millions €, basé sur les surcoûts et les manques à gagner subis par la région par rapport aux autres régions. Cependant, la somme prévue par l’accord institutionnel n’est que 461 millions €.

    Selon l’étude, la différence entre ces besoins et le refinancement obtenu dans les différents budgets est la suivante : 56 millions € nécessaires en matière de sécurité contre 30 obtenus, pour les coûts liés au bilinguisme et les structures politiques administratives c’est un besoin de 89 millions € pour 68 obtenus, dont 40 à travers les commissions communautaires. Le manque à gagner du fait de l’absence de solidarité de l’hinterland bruxellois est estimé à 430 millions €, alors que la loi de financement n’apporterait qu’au maximum 44 millions € à partir de 2015 sur base de l’importance des navetteurs. L’étude calcule un surcoût pour les CPAS dû à l’attraction de la capitale vis-à-vis des populations défavorisées à 89 millions €, or rien n’est prévu sur ce plan-là.

    Concernant la mobilité et le manque à gagner dû aux exonérations fiscales octroyées aux institutions et fonctionnaires internationaux, les moyens nécessaires sont calculés par l’étude à respectivement 122 et 127 millions €. Dans ces cas-ci, le refinancement rencontre ces montants. Mais il faut garder à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une étude faite par des socialistes et basée sur les vrais besoins. Il s’agit d’une comparaison de Bruxelles avec le reste du pays (toute politique restant le même) et sur cette base-là de calculer les désavantages de la vielle et de la nouvelle loi de financement pour la région de Bruxelles. Cette étude se place dans le cadre d’une redistribution des pénuries plus « équitablement » sur tout le pays et non de résoudre les pénuries. Les besoins réels, partant de la défense du droit d’une vie décente pour chacun, demandent évidemment beaucoup plus de moyens.

    Le caractère forfaitaire des dotations complémentaires risque à terme de nécessiter une nouvelle négociation si les besoins objectifs augmentent substantiellement (ce qui est la perspective la plus probable). En plus, la moitié des dotations prévues ne peuvent pas être librement utilisées, mais sont prévues pour des matières spécifiques (« pas de chèque en blanc », comme disaient les partis flamands). L’absence de financement pour combler le manque à gagner pour la région lié au fait que les gens qui travaillent à Bruxelles payent leurs impôts dans une autre région et pour combler le surcoût dû à la forte attraction de la capitale pour des populations va pousser le gouvernement bruxellois encore plus dans sa logique d’attirer des couches plus aisés en repoussant les couches pauvres.

    A Bruxelles, la bourgeoisie belge a pu compter sur un énième plombier institutionnel à son service. Récemment, Picqué déclarait encore : « On n’a pas pu anticiper le boom démographique, c’est un facteur sur lequel nous n’avons pas de prise ». Si la croissance démographique apparaît comme étant « Le » problème de Bruxelles générant des pénuries, c’est bien parce qu’il met en évidence des décennies de sous-investissement dans les services et infrastructures collectifs, conséquence des politiques néolibérales des gouvernements Picqué. Pour faire face à ces pénuries, les « solutions » alternent entre des plans de bricolage temporaires, des taxes en augmentation, voire des sanctions. Dans tous les cas, ce sont la population bruxelloise et les travailleurs qui en payent les frais. Ces 20 années de gouvernements Picqué sont finalement très illustratives du processus de bourgeoisification de la social-démocratie.

    En même temps, une configuration de gouvernement « Olivier » a permis de faire jouer les liens privilégiés des directions syndicales avec les partis traditionnels au gouvernement, afin d’éviter un mouvement généralisé malgré la pression de la base. La rhétorique des dirigeants syndicaux qui était de conditionner toute revendication à l’obtention du refinancement de la région bruxelloise a été une expression de ce lien. Comme cela a été expliqué dans le cadre des conditions de travail des ALR, cette rhétorique était une supercherie, le refinancement n’ayant en rien été utilisé pour améliorer les acquis et inverser la tendance qui est l’accroissement des pénuries. Une rupture des liens avec ces partis traditionnels et un nouveau parti de masse défendant les intérêts des travailleurs est nécessaire.

    Les inégalités croissantes qui découlent des pénuries sont illustrées par l’évolution des revenus des 10% les plus riches à Bruxelles comparativement à l’évolution des revenus des 10% les plus pauvres, et ce de 1985 à 2007. Alors que les 10% les plus aisés ont vu leurs revenus doublés par rapport à 1985, pour les 10% les plus pauvres ces revenus sont deux fois plus faibles. Ce graphe ne tient même pas compte de la crise et de ses effets ces 5 dernières années. Cette « fracture sociale » est une illustration du résultat de 20 années de gouvernements Picqué.

    Conclusion

    Comme l’ont illustré les récents mouvements de masse en Turquie autour de la place Taksim et au Brésil lors de la coupe des confédérations, les politiques de la ville qui combinent le prestige pour une minorité et les pénuries pour une majorité peuvent avoir un effet d’étincelle sur la colère et être un point de départ pour la remise en question de tout un système. Le type de lutte comme celle des travailleurs communaux d’Ath et plus récemment ceux de Saint-Nicolas, qui ont mobilisé le soutien de la population contre l’externalisation de la récolte des déchets, se développeront également à terme dans les communes bruxelloises.

    Les travailleurs de Bruxelles-Propreté ou ceux du site Horta ont déjà illustré leur capacité à entrer en action. Les travailleurs communaux de Saint-Gilles ont recommencé à mener des actions dans la commune comme lors du 14 novembre dernier. Ils expliquaient alors qu’ils voulaient renouer avec des traditions syndicales plus combatives. Avec le PSL et les campagnes « Reprenons nos communes ! », nous voulons accompagner les syndicalistes et les habitants à Bruxelles et dans les communes où nous sommes implantés à travers ce processus.

    Le point de départ pour les budgets doivent être les besoins de la population et non les moyens limités imposés, car les richesses existent dans la société, il faut aller les prendre là où elles se trouvent, y compris au niveau communal ou régional. Un plan radical d’investissements publics massifs est nécessaire pour créer massivement des logements sociaux, des écoles, de crèches, du transport public, des soins de qualité, des emplois décents et du pouvoir d’achat.

    Cela nécessiterait d’élaborer un budget en déficit. Une majorité socialiste devrait alors mener une campagne massive dans la commune ou la ville, notamment avec les travailleurs des ALR, pour construire un plan de mobilisation large visant à soutenir ces mesures nécessaires et imposer un tel budget. Cela ouvrirait un front contre le gouvernement d’austérité Di Rupo et son successeur comme l’a illustré l’exemple de la majorité socialiste de la ville de Liverpool et ses habitants face à Thatcher dans les années ‘80.

    Ce plan radical ne peut pas être cantonné au niveau communal ou régional, mais doit être couplé à l’abolition de la dette et à la nationalisation sous contrôle démocratique des travailleurs des banques, du secteur de l’énergie et des autres secteurs clés de l’économie et à la transformation socialiste de la société.

  • ‘‘Combattre la logique du diviser pour mieux régner’’

    Alliance D19-20, une journée de résistance contre l’austérité européenne

    Propos recueillis par Nicolas Croes, photo : MediActivista

    Le 19 décembre dernier, en plein sommet européen, le quartier européen était sans dessus-dessous. À Bruxelles, quatre des principaux carrefours encerclant l’endroit étaient bloqués avec des barrages érigés par des centaines de militants syndicaux, de producteurs de lait venus avec leurs tracteurs, de militants politiques et associatifs, de jeunes radicalisés,… Tous, 2000 militants environ, avaient répondu à l’appel de ‘‘l’Alliance D19-20’’, une bonne partie d’entre eux ayant eu, la veille, leur enthousiasme gonflé à bloc par un grand meeting contre l’austérité tenu en présence de plus de 300 personnes. Nous avons discuté de tout cela avec Luc Hollands du MIG (une association de producteurs de lait), l’une des figures emblématiques du succès de cet audacieux pas en avant vers une résistance plus active contre la politique d’austérité.

    L’Alliance D19-20 était une initiative inédite, réunissant des syndicalistes, des producteurs de lait, des militants associatifs,… Quel bilan tires-tu de cette collaboration et des journées du 18 décembre, où s’est tenu le meeting, et du 19, avec la tentative de blocage du sommet européen?

    Ça a été une grande réussite ! C’était déjà un fameux pari de mettre tous ces gens autour de la table. La question était de savoir si on allait parvenir à un accord sur ce contre quoi on allait lutter. Mais nous avons pu travailler efficacement très vite.

    Nous nous sommes concentrés sur deux thèmes, le traité d’austérité (le TSCG) et le traité transatlantique, qui sont discutés sans qu’on nous demande notre avis, ce qui ajoute au problème de leur essence antisociale, un véritable problème de démocratie. Mais derrière ces deux dossiers spécifiques, il y a surtout la crise, la réduction des acquis sociaux, le démantèlement des services à la population,… On touche à l’intégrité de notre pays et à la richesse de la collectivité. On ne peut pas le permettre, on ne peut pas laisser faire des financiers qui vivent sur le dos des gens. En tant que producteurs de lait, nous sommes très concernés. Le traité transatlantique par exemple, va permettre une arrivée massive de produit OGM ou hormonés. Nos produits de qualité ne parviendront pas à s’en sortir, le monde entier devra alors accepter de vivre comme le veulent les grandes entreprises américaines. Et comme l’austérité touche le pouvoir d’achat des gens, ils sont obligés de se tourner vers des produits moins chers, par pure nécessité, vers des produits qui ne respectent pas les normes de santé et environnementales. Nous, on sera coulés, et les gens s’en retrouveront lésés au niveau de la qualité de leur alimentation et de leur santé. C’est pour cela qu’une alliance large est nécessaire, parce que tout est lié et que nous devons lutter ensemble.

    Un des mérites de l’Alliance D19-20 a été de réfléchir à d’autres types d’action que ce qui a été fait jusqu’ici pour résister à l’austérité. On sent un peu partout un processus de maturation chez les militants, la recherche d’une alternative aux méthodes de concertation et de négociation avec des autorités qui ne nous écoutent que pour nous endormir. Comment cela s’est-il exprimé dans votre cas, chez les producteurs de lait ? En 2009, les producteurs laitiers ont subi la pire crise de leur histoire. Notre lait nous était alors payé à 19 cents le litre alors que nos coûts de production étaient de 34 cents. Les jeunes fermiers et ceux qui n’avaient pas de réserve ont succombé sans que les syndicats majoritaires ne réagissent (la FWA, l’ABS et le Boerenbond). Spontanément, une révolte s’est développée un peu partout en Belgique, mais principalement en Wallonie, et nous avons rejoint une association de producteurs, sous le nom de Milk Interest Group (MIG), qui fait partie au niveau européen de l’EMB représentant 50.000 familles de producteurs européens. Au cours des quatre dernières années, nous avons organisé quatre grosses actions/manifestations, dont la plus forte fut la grève du lait de 2009 avec, en apothéose, le déversement de 4 millions de litres de lait sur un champ à Ciney. Mais malgré le succès de toutes ces actions et les promesses qui nous ont été faites, la politique a continué son bonhomme de chemin vers la libéralisation totale. Actuellement, nous perdons 40 fermes par semaine en Belgique.

    D’autres secteurs manifestaient eux aussi, sans avoir plus de succès. Pourquoi ne pas faire une alliance avec eux ? La politique dominante travaille selon le principe du ‘‘diviser pour mieux régner’’, ce qu’il faut combattre. Finalement, après une action en novembre 2012 où nous avons aspergé le Parlement européen, on m’a donné la responsabilité d’entamer des rencontres pour tenter de nouer une collaboration. C’est ainsi que nous avons été introduits dans le milieu militant par un activiste flamand, Raf, qui avait soutenu notre projet de lait équitable Fairebel. Notre première action a été d’aller offrir du lait chocolaté aux enfants des ouvriers en grève de Ford Genk. L’accueil fut plus que chaleureux, et de bonne augure pour une alliance future entre producteurs de lait et travailleurs.

    Mais le plus important fut la manifestation de juin 2013, contre le TSCG et en défense des services publics, où j’ai pu prendre le micro pour parler de notre situation. Nous avons eu de premières discussions informelles, avec beaucoup de secteurs et d’organisation (Comité Action Europe, CGSP-ALR, CNE, Constituante.be,…). Suite à cela, il y a eu une quantité énorme de réunions avec des responsables syndicaux, des délégués syndicaux, des organisations et partis de la gauche radicale, des organisations citoyennes et des ONG.

    C’est là que l’Alliance D19-20 a commencé à prendre forme…

    Le 19 décembre, plusieurs dizaines de jeunes ont été arrêtés. Nous condamnons cette répression des protestations sociales. Photo : MediActivista.

    Oui. Concrètement, une structure a été mise en place avec 3 groupes de travail, en discutant d’abord des actions à mener. Une tentative de blocage du sommet s’est imposée, précédée d’un meeting international. Ces gens-là ne tiennent absolument pas compte de l’avis des citoyens pour prendre leurs décisions, mais ils savent bien rencontrer les ‘‘amis de l’Europe’’, les multinationales et les financiers.

    La motivation principale était de sortir des habituelles ballades de protestation. C’est le constat que nous avions tiré en évoluant vers des actions plus radicales avec le MIG, mais nous n’étions pas les seuls. Rudy Janssens par exemple, de la CGSP-ALR (Administration Locales et Régionales) était arrivé au même constat. Ses connaissances ‘‘logistiques’’ de la ville de Bruxelles nous ont beaucoup aidées pour voir où placer les barrages, etc. Nous avons tout de même demandé à voir Di Rupo, Van Rompuy et de Glucht. Aucun n’a jugé utile de nous recevoir.

    Développer le débat sur des méthodes d’action plus offensives a été un des grands points positifs de cette expérience, qui n’est pas terminée, mais le fonctionnement de cette alliance est aussi intéressant. Tu peux nous en dire plus ?

    Notre grand souci était de fonctionner de manière démocratique, pour que tout le monde puisse se retrouver dans l’initiative. L’idée était de se concentrer sur l’opposition au Traité budgétaire et au traité transatlantique, chacun développant à partir de là ses propres positions et son argumentaire en fonction de ses spécificités. Ensuite, il y a eu un mode de fonctionnement avec assemblées générales (en présence d’une centaine de personnes à chaque occasion), la première s’étant tenue début septembre, avec des commissions ouvertes entre deux AG : communication, meeting et action. Ces groupes n’ont jamais été des groupes fermés, chaque personne voulant rejoindre un groupe le pouvait.

    La plus grande richesse de tout ça, c’était que, venu d’autant d’organisations et de contextes différents, chacun a pu amener ses spécificités, participer à un projet collectif en gardant son identité. Nous nous sommes renforcés grâce à cette approche. Mon rôle à moi était essentiellement un rôle de diplomate, ce qui n’est pas du tout propre à ma personnalité ! Encore plus particulièrement dans cette situation où, pour nous laitiers, il s’agissait de découvrir un univers militant qui nous était totalement neuf.

    Quelques moments forts ?

    Pour moi, il y a eu deux moments très forts : l’accueil que nous avons reçu à Ford Genk et à Bruxelles lors des manifestations. Et la dernière AG, puis le meeting du 18 décembre, où la volonté, l’enthousiasme et la détermination de tous les participants étaient très palpables. Les traducteurs, l’organisation, tout était parfait. Un grand bravo à tous ceux qui se sont investis dans cette organisation.

    Un dernier mot ?

    J’ai la conviction que nous prenons le bon chemin, notre planche de salut est d’arriver à lutter ensemble, dans la solidarité la plus complète. C’est une expérience très clairement réussie, qui en appelle d’autres. Il y a, à ce jour, 60 organisations qui ont rejoint l’Alliance et tout le monde veut poursuivre. Une chose est sure, on entendra encore parler de nous…

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (4)

    Le problème de la mobilité à Bruxelles n’est pas connu que des habitants de la capitale… Des navetteurs jusqu’à la moindre personne désireuse de se rendre à bruxelles, chacun peut constater les conséquences de la mauvaise gestion de la problématique de la mobilité. Et les problèmes en manque de solution risquent de tout bloquer. Au sens propre comme au figuré.

    La région et les communes font payer l’absence de solution pour la mobilité à la population et aux travailleurs

    La déclaration d’investiture du gouvernement bruxellois de 2009 affichait la volonté de viser à la gratuité des transports publics et avait fait de la mobilité une priorité face aux embouteillages et à la pollution. Le plan Iris 2 devait faire diminuer de 20% la charge sur le réseau routier pour 2018. Cela ressemblait fort à une déclaration d’intention creuse, étant donné que le flou était entretenu quant aux moyens alloués pour atteindre ces objectifs. Et force est de constater à présent que c’est le chemin inverse qui a été suivi.

    Les heures de pointe s’étalent de plus en plus dans le temps et d’ici 2015, la charge sur le réseau routier devrait encore augmenter de 7% et les temps de déplacement de 45%. Au niveau des transports en communs, la Stib continue à « traire » ses clients, en lieu et place d’une gratuité. Année après année, les usagers subissent des hausses de tarifs incessantes (deux fois l’inflation en moyenne sous les deux dernières législatures Picqué) et les +65 ans se sont vus dernièrement retirer la gratuité de leur abonnement sur le réseau. Comble de l’ironie, cette dernière mesure était présentée en « solidarité des plus jeunes », car il s’agit pour la région de compenser la perte due à l’arrêt de la participation de la Communauté française à la réduction sur les abonnements scolaires.

    Cette année, la Stib estime l’utilisation de ses bus, trams et métros à 348 millions de voyageurs. Le réseau atteint à présent une saturation à l’heure de pointe, sans qu’il n’y ait une augmentation conséquente de l’offre mise en œuvre. Plus d’un tiers des ménages bruxellois n’ont pas de voiture et seuls 22% des bruxellois l’utilisent quotidiennement. Tous ces chiffres suffisent à illustrer que le plus gros problème de mobilité à Bruxelles réside dans le sous-investissement dans les transports publics.

    Ces assainissements se font non seulement aux frais des usagers, mais aussi sur le dos des conditions de travail et de sécurité du personnel. Durant la durée du nouveau contrat de gestion 2013-2017, 116 millions € d’assainissements sont à réaliser. Au menu : diminution des frais de fonctionnement, « réduction de l’absentéisme »… Parallèlement à ces assainissements, des investissements sont prévus pour un renouvellement d’une partie du matériel roulant usé, mais aucune mesure n’est prise pour augmenter l’offre de manière conséquente. A partir de 2017, un budget important sera consacré à l’automatisation du métro, en particulier la partie centrale de l’axe est-ouest. Dans la logique actuelle, nulle doute que cette automatisation se fera au détriment de l’emploi.

    La sécurité est un aspect important des conditions de travail du personnel de la Stib, comme l’a encore durement démontré le meurtre d’un superviseur à Schaerbeek en avril 2012. Suite à cet évènement, le personnel a mené une grève courageuse de 6 jours pour arracher plus de moyens pour leur sécurité au travail. Grâce à cette lutte, ils ont obtenu que les superviseurs soient à deux lors de leurs interventions, que 50 travailleurs supplémentaires soient embauchés au service de sécurité de la Stib et que la troisième voiture d’intervention soit disponible durant toutes les heures d’exploitation. Par le passé, il y avait un accompagnateur pour chaque chauffeur. Mais la course à la rentabilité des patrons de la Stib et de la région est passée par là.

    Combien couterait la gratuité de la Stib ? « C’est une décision politique » selon la Stib. Marie De Schrijver a essayé de répondre à cette question dans son article pour « Le Soir » qui couvrait notre action à Saint-Gilles : « On peut tabler sur les 165 millions € de recettes directes (2010), même si le calcul est plus nuancé. On en déduirait le prix de l’émission et la vente des titres de transports, ou encore des contrôles et portiques. Mais s’y ajouterait le coût d’une augmentation de la fréquentation. La dotation annuelle globale, qui s’élève à 400 millions €, devrait pallier cette absence de recettes ». Nous ne défendons évidemment pas l’idée selon laquelle l’introduction de la gratuité se ferait au détriment d’une partie des plus de 6.500 emplois à la Stib. Au contraire, pour nous la gratuité demandera des investissements publics massifs pour un développement gigantesque du réseau s’accompagnant de la création de nombreux emplois décents.

    En lieu et place d’un plan ambitieux pour les transports en commun, la région a concocté un plan sur le stationnement qui sera d’application dès le 1e janvier 2014. Ce plan, amené à être concrétisé par les communes, prévoit la généralisation des cartes riverains pour toutes les communes (5 € la première carte, 50 € la deuxième, etc…) permettant un stationnement dans un rayon de 1,5 km autour du domicile. Pour le reste, le plan généralise les horodateurs pour les places de stationnement en voirie tout en diminuant drastiquement le nombre de ces places. Le plan prévoit une compensation par des places « hors voirie », comme des parkings souterrains, encore plus chers, comme le parking Vinci place Flagey à Ixelles, fruit d’un PPP dans lequel la commune a investi 7 millions €.

    Initialement les horodateurs visaient à éviter les voitures « tampon » et réguler le stationnement dans les artères commerçantes. Aujourd’hui, il s’agit de véritables vaches à lait pour combler les déficits communaux, installés jusque dans les coins les plus reculés. En 2011, les horodateurs rapportaient 42 millions € au communes bruxelloises dont 15 à Bruxelles, 5 à Anderlecht et Schaerbeek, 3 à Etterbeek et 2,2 à Ixelles.

    Saint-Gilles a suivi la tendance à l’augmentation des prix à 20 € la demi-journée de stationnement et a budgétisé ainsi 4 millions € en 2012. Le PTB Saint-Gillois a mené une campagne contre ce plan parking, en revendiquant la gratuité pour la 1ere carte riverain au lieu de 5 €. Cela a été repris par le PS dans son programme électoral et appliqué dans le nouveau budget 2013. « Nous nous étions réjouis que la pression de notre campagne citoyenne ait fait plier le PS », déclarait Benjamin Pestieau au sujet du programme électoral du PS. Cela illustre pourtant les limites de la politique « des petites victoires », le PS se servant ainsi d’une revendication peu coûteuse pour emballer socialement son plan d’austérité sur le parking.

    Les revenus des taxes communales pour les 19 communes ont augmenté de près de 52 millions € entre 2009 et 2012 (pour une croissance de 17,5 millions € entre 2006 et 2009). Les revenus des horodateurs en sont la raison principale. Seul Berchem, Watermael-Boitsfort et Auderghem n’appliquent pas encore ce système de parcmètres. A défaut de résoudre structurellement les problèmes de mobilité de la capitale avec une offre en transports en commun adéquate, le gouvernement régional et les communes utilisent cette lacune pour traire un peu plus les personnes qui résident ou travaillent à Bruxelles.

    Le cynisme du gouvernement régional va jusqu’à présenter ce plan comme une avancée pour la population, puisqu’il s’agirait d’une « harmonisation », et que « tout citoyen qui cherche à se garer aura droit à un traitement juste et égal » selon les dires de Brigitte Grouwels (ministre Bruxelloise entre autre des transports, CD&V). Pour les personnes travaillant dans une commune dans laquelle ils n’habitent pas, ce traitement juste et égal consiste en un abonnement qui chiffre à 750 € l’année comme l’ont dénoncé les travailleurs de l’hôpital Brugmann en octobre 2012.

    Deux assemblées générales du personnel réunissant 400 travailleurs avaient permis de mobiliser les travailleurs du site Horta dans un plan d’action contre le plan parking de la Ville de Bruxelles. Ils ont revendiqué que le parking de l’hôpital ne soit plus réservé qu’aux cadres, qu’une carte de riverain gratuite soit mise à disposition du personnel et la gratuité pour le trajet domicile-travail via une meilleure offre en transports en commun. Malheureusement, l’absence d’initiative des directions syndicales pour élaborer un plan d’action n’a pas permis d’élargir la lutte à l’ensemble des travailleurs du service public bruxellois.

  • Espagne 2014. Une reprise ? Pour qui ?

    Que l’année 2014 soit celle de la grève générale politique !

    Voici ci-dessous une version légèrement adaptée de l’éditorial de l’édition de février du journal La Brecha, publication de nos camarades de Socialismo Revolucionario, la section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’Etat espagnol. Si cet article traite de la situation qui prévaut dans l’État espagnol, les leçons tirées des évènements économiques, politiques et sociaux de l’année 2013 sont extrêmement riches pour les travailleurs et les jeunes de toute l’Europe, dans le cadre de leur lutte contre l’austérité.

    Pour l’État espagnol, l’année 2013 a représenté une aggravation des principaux processus mis en branle par la crise capitaliste qui a explosé il y a 5 ans de cela. Le naufrage de l’économie a continué à jeter des millions de personnes dans une extrême pauvreté au cours d’une année à nouveau marquée par des licenciements massifs, des attaques contre les salaires et des expulsions de logements. La profonde crise politique du système se poursuit avec un gouvernement en permanence dans les cordes. La crise de légitimité des institutions capitalistes et de l’Etat lui-même a connu de nouveaux épisodes, en particulier autour de la question nationale en Catalogne.

    Mais nous avons également assisté à d’importantes avancées réalisées dans le processus parallèle clé qui se développe également et qui constitue une source d’inspiration dans ces moments de crise économique et sociale. Il s’agit du processus de l’activité de la classe ouvrière et de la résistance sociale, ce qui représente en soi les premières ”pousses vertes” de la lutte pour une société nouvelle. Dans l’ensemble, 2014 nous offre la promesse de puissants événements et de grandes opportunités. Tous ces processus vont se poursuivre et s’approfondir.

    L’année 2014, une année de reprise ? Pour qui ?

    Tout au long de l’année 2014, nous allons assister à la constante tentative de la classe dirigeante, avec la collaboration active du gouvernement et des médias dominants, ”d’élever l’atmosphère générale” dans la société. Il s’agit essentiellement d’une tentative visant à diluer la colère des masses et de la résistance en nous assurant que la reprise économique a commencé et que des temps meilleurs sont à venir. Ils promettent d’ailleurs que cette année, l’économie va croitre de… 0,6% !

    Pour les marxistes et pour la classe des travailleurs, la question clé est de savoir quel sera le caractère de cette croissance. Cela va-t-il changer le cours de la crise ? Cela va-t-il provoquer une hausse de notre niveau de vie ? Si les réponses à ces questions sont négatives, nous sommes en droit de légitimement nous demander : quelle valeur peut donc bien avoir ce qu’on qualifie de croissance à nos yeux ?

    Tout d’abord, nous devons expliquer que pour atténuer la brutalité de la crise – un chômage de masse qui couvre plus d’un quart de la main-d’œuvre – presque tous les économistes (même capitalistes) conviennent que la croissance doit être supérieure à 2% au moins. Aucun économiste sérieux ne prédit un tel niveau de croissance pour cette année ou celles à venir. La quantité infime d’emplois en cours de création nous donne un aperçu du type de reprise que le capitalisme espagnol nous réserve : l’extinction des contrats à durée indéterminée et des bonnes conditions de travail. Les patrons profitent de la crise pour réaliser une contre-révolution sur le marché du travail et pour imposer un nouveau modèle basé sur la précarité et des conditions de vie misérables.

    Ensuite, cette situation cauchemardesque est combinée avec toute une vague d’attaques contre nos conquêtes sociales et nos droits démocratiques, la classe dirigeante tirant également parti de la crise pour éliminer les conquêtes historiques du mouvement ouvrier, comme le droit de manifester et de faire grève, ou encore de librement décider de son propre corps et de sa maternité. Cette réalité – qui comprend également la destruction de l’État-providence et des services publics – dévoile la base dont ils ont besoin pour leur prétendue ”reprise” : une destruction constante de notre niveau de vie pour finalement imposer en Espagne et au continent des normes issues du “tiers monde”.

    Pour une année 2014 combative avec une lutte constante et généralisée ! Pour une grève générale politique !

    Le prix du plus grand obstacle au développement de la lutte en 2013 doit être accordé aux dirigeants des principaux syndicats. Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises dans les pages de La Brecha, ils ont joué un rôle-clé dans le maintien en place du gouvernement, malgré les crises profondes dans lesquelles il est empêtré.

    Mais malgré ce rôle de frein qu’ils ont joué, nous avons pu voir tout au long de l’année 2013 que les travailleurs ont continué leur lutte et l’ont intensifiée, en recourant à des méthodes de plus en plus militantes. 2013 a été l’année de la grève illimitée, à partir du secteur de l’éducation dans la région des Baléares jusqu’à la grève héroïque de plus de 100 jours de l’usine Panrico. Ces exemples se distinguent très nettement de la politique que les dirigeants syndicaux continuent à défendre, faite de grèves purement symboliques et insuffisantes d’une journée, sans intensification de la lutte et sans la moindre continuité, ce qu’exige pourtant la situation actuelle.

    Ce fut encore l’année de victoires importantes, en particulier celle des nettoyeurs de rue de Madrid [qui sont parvenus à repousser les menaces de licenciement et de réduction de leurs salaires de 40% grâce à l’action de la grève illimitée, NDLR] qui ont ainsi montré la voie que doit prendre l’ensemble des travailleurs. Une fois de plus cependant, le rôle de frein joué par les dirigeants syndicaux a empêché pareils exemples de militantisme d’obtenir une expression généralisée au niveau de l’État.

    Le récent mouvement de lutte qui s’est développé dans le quartier de Gamonal, à Burgos [où des mobilisations de masse répétées ont attiré l’attention à l’échelle nationale et ont paralysé un important projet spéculatif, NDLR] est un autre exemple de la façon dont la lutte peut obtenir des résultats pour peu qu’elle soit menée de façon déterminée et militante et qu’elle soit basée sur un soutien de masse.

    Dans la perspective des nouvelles attaques auxquelles les travailleurs, les jeunes et les pauvres auront à faire face en 2014 – notamment avec les contre-réformes sur les retraites et sur le droit à l’avortement – il est essentiel que ce militantisme soit exprimé à une échelle toujours plus grande. Il est urgent de mettre sur table la question d’une action généralisée, et en particulier de l’unification de la force et des luttes de la classe des travailleurs au sein d’une nouvelle grève générale.

    Cependant, il est tout aussi essentiel que les grèves générales qui seront nécessaires en 2014 se différencient fondamentalement de celles établies sous le modèle des dirigeants syndicaux en 2012, c’est-à-dire uniquement organisées sous une pression insupportable de la base, de façon symbolique et isolée, seulement suivies de longues périodes de démobilisation.

    Nous avons besoin d’une nouvelle grève générale capable d’unir les luttes et d’élever l’atmosphère de combativité et la confiance de la classe ouvrière au sens large. Nous n’avons pas besoin d’une simple grève de protestation, il nous faut une grève générale avec des revendications et des objectifs capables d’unifier les luttes de la classe ouvrière autour de la lutte pour une solution générale aux problèmes qui les provoquent, en commençant par assurer la chute du gouvernement et en initiant la lutte pour une alternative politique favorable aux travailleurs.

    Pour l’unité de la classe des travailleurs dans leur lutte pour la liberté de tous les peuples nationaux

    En ce qui concerne la question nationale, nous assistons à un nouveau tournant, en particulier en Catalogne (bien que cette question devienne de plus en plus importante également au pays basque).

    D’une part, le PP (et le parti social-démocrate PSOE avant lui) ne se lassent pas de parler de“l’unité indiscutable de la patrie”, mais ce politiciens semblent perdre leur ferveur patriotique dès lors qu’il s’agit de s’agenouiller devant les exigences de la troïka. D’autre part, en Catalogne, les partis CiU et ERC prétendent défendre la cause de la lutte pour l’autodétermination et les intérêts du ”peuple”, mais ils n’ont aucun problème à saigner le ”peuple” avec leur politique d’austérité. Ils ont promis la tenue d’un référendum concernant l’indépendance catalane, mais ont admis n’avoir aucune stratégie (ni même de volonté) pour répondre à l’inévitable interdiction de celui-ci par le gouvernement du PP, avec le soutien du PSOE.

    La seule force sociale capable de lutter de manière conséquente pour les droits de tous les peuples de la nation afin qu’ils puissent décider de leur propre avenir, c’est la classe des travailleurs. Il s’agit de la seule classe capable de libérer la Catalogne, et la société espagnole, de la misère de la crise du capitalisme. C’est dans la lutte de classe contre les gouvernements soumis au marché, unis au niveau de l’État et au niveau international, que la base d’une véritable solution à la question nationale pourra être trouvée, ce pour quoi le système capitaliste a maintes fois démontré son incapacité.

    Cette solution est celle de la lutte pour une confédération libre et volontaire des peuples ibériques, construite sur le ciment du droit universel à l’autodétermination, y compris le droit à l’indépendance. Une telle lutte ne peut être gagnée qu’en menant le combat pour société socialiste, fondée sur la propriété publique démocratique des richesses et des secteurs-clés de l’économie .

    Ceci souligne la nécessité de forger et de renforcer l’unité de la classe des travailleurs et de ses organisations, en commençant par un front uni de la gauche, du mouvement ouvrier et des mouvements sociaux, dans la lutte pour faire tomber le PP et disposer enfin d’un gouvernement des travailleurs.

  • Bruxelles : Une région marquée par les pénuries et les inégalités (2)

    A Bruxelles, le taux de chômage est particulièrement élevé. Un cinquième des habitants de Bruxelles est au chômage, situation qui concerne près d’un tiers des jeunes, des données qui font immédiatement penser à l’Europe du Sud. Les autorités n’ont aucune réponse à offrir. La pauvreté augmente, de même que l’insécurité, et la seule “réponse” de cet establishment se résume à la répression et aux sanctions. Cette seconde partie de notre dossier consacré à Bruxelles est consacré à ce sujet.

    Un manque d’emploi structurel

    Au mois de juillet, le taux de chômage était de 20,4% pour l’ensemble de la région. Ce taux est stable sur les deux dernières années, tout comme le taux de chômage parmi la jeunesse qui est de 31,2%. Cette stabilisation après plusieurs années d’augmentation due à la crise illustre la catastrophique pénurie d’emplois et que chaque nouvelle perte d’emploi ne fera que consolider un chômage structurel déjà massif. Lorsque Picqué est arrivé au pouvoir à la région bruxelloise en 1989, le taux de chômage n’était encore « que » de 12,4%.

    Le chômage de masse à Bruxelles est caractérisé par une prédominance de travailleurs peu ou pas qualifiés, la plupart du temps jeunes. C’est la conséquence inévitable de la désindustrialisation, dont les emplois ne peuvent être comblés par un autre secteur. L’idée selon laquelle le secteur de l’horeca et les commerces pourraient combler l’absence d’emplois dans l’industrie est une illusion qui se confirme chaque jour un peu plus. Le nombre de faillites en Belgique a atteint un record cette année avec 2.011 faillites sur les 9 premiers mois, soit 29% de plus qu’en 2012. Parmi les régions, c’est Bruxelles qui enregistre la plus forte hausse du pays. Les secteurs de l’horeca, la construction, le commerce de détails y sont les secteurs les plus touchés. Ces emplois ne sont donc pas disponibles en quantité suffisante et présentent en outre une précarité accrue des conditions de travail.

    Il y a dès lors une inadéquation marquée entre la main d’œuvre peu qualifiée et le marché de l’emploi à Bruxelles, puisque les quelques 714.000 emplois comptabilisés dans la région se retrouvent essentiellement dans les services, dans l’administration publique et dans les secteurs financiers et immobiliers ; bref des emplois qui demandent pour la plupart un diplôme d’études supérieures ou un multilinguisme. Par conséquent, l’argument selon lequel les quelques 350.000 navetteurs quotidiens occupent l’emploi des Bruxellois ne tient pas la route : le nœud du problème est le manque d’emploi colossal.

    L’idée de ne pas remplacer un départ sur trois dans la fonction publique s’étend à tous les niveaux de pouvoir. Ainsi après le fédéral, les communautés, et les régions, certaines communes emboitent le pas comme Ixelles. Ces politiques de sacrifice de l’emploi public auront un effet considérable non seulement pour les travailleurs du secteur vu le manque généralisé de personnel déjà existant mais aussi pour l’ensemble des chômeurs bruxellois qui verront leurs perspectives d’avenir encore plus bouchées.

    Le secteur des ALR à Bruxelles comptait en 2010 48.966 agents pour 42.227 ETP (équivalent temps plein). Aujourd’hui il n’y a plus que 40% des agents qui sont statutaire pour 58% encore en 1995. La prépondérance des contractuels est fort marquée pour le personnel des communes et CPAS, premier employeur bruxellois avec plus de 27.000 travailleurs, atteignant même près de 80% pour les CPAS. Cela est stimulé par la politique de la région qui se limite à subsidier des ACS engagés par les communes pour 25 millions € par an. Les zones de police sont l’exception, avec un nombre de nommés définitif avoisinant les 95%. Quant aux bas salaires en vigueur dans le secteur des ALR, l’argument des directions syndicales et du gouvernement Picqué face aux actions des travailleurs était qu’il fallait attendre le refinancement de Bruxelles pour une revalorisation salariale. Depuis, il n’y a que des assainissements qui entrainent des pertes d’emplois et une dégradation encore accrue du statut et des conditions de travail.

    La croissance annuelle moyenne de dépenses en personnel par habitant pour les communes lors de la dernière législature communale fut de 1,8%, soit sous l’inflation moyenne de 2,4% pour la même période. De 2005 à 2011, le nombre d’ETP est passé de 14.577,33 à 15.056,34 ce qui est loin de répondre à l’augmentation des besoins consécutifs à la croissance démographique. Ainsi Picqué se félicite-t-il que les communes « aient géré efficacement l’emploi » ! Aussi, Saint-Gilles est la seule commune à avoir commencé à couper significativement dans l’emploi communal avant même les élections de 2012 avec une diminution du nombre d’emploi passant de 675 ETP en 2009 à 647 ETP en 2011. En région bruxelloise, 69% des travailleurs des communes sont domiciliés dans la région, et à Saint-Gilles c’est 77%. Parmi ceux-ci, seuls 29% sont statutaires (à Saint-Gilles, c’est à peine 17%).

    Que faire de tout ce chômage ?

    Selon le ministère bruxellois de l’emploi, environ 50.000 Bruxellois travaillaient en Flandre en mars 2013. Il s’agit d’une hausse de 10% sur les deux dernières années et de 43% en 10 ans. L’augmentation concerne surtout des emplois dans le secteur industriel en périphérie de Bruxelles. Cela est une conséquence du contrôle accru des demandeurs d’emploi bruxellois et de la mise en place d’accords de coopération entre Actiris et le VDAB (office flamand de l’emploi) visant à augmenter la flexibilité d’une région à l’autre pour les chômeurs, notamment moyennant un investissement en cours de langues auprès du VDAB. En 2012, Actiris a ainsi financé 7.143 chèques-langues en 2012, en augmentation de 50% par rapport à 2011 (4.651 chèques, 58,5% pour le néerlandais, 35,1% pour l’anglais, 6,1% pour le français et 0,3% pour l’allemand). Par rapport à 2010, l’augmentation du nombre de chèques-langues est même de 139%. En 2010, seulement 8% des chercheurs d’emplois bruxellois avaient une bonne connaissance de l’autre langue nationale selon le gouvernement bruxellois.

    Il serait illusoire de croire que l’ensemble des travailleurs sans emploi Bruxellois trouvent un boulot dans la périphérie en Flandre. La coopération entre les offices de l’emploi de différentes régions ne crée aucun nouvel emploi. En outre, ces emplois nécessitent une facilité de déplacement à la charge des travailleurs et une connaissance minimale du néerlandais. En réalité, cette stratégie a surtout pour objectif de mettre une pression supplémentaire sur les chercheurs d’emploi dans le cadre de la chasse aux chômeurs et de la mise en place de sanctions.

    L’actuel patron d’Actiris, Grégor Chapelle (PS), n’hésite pas à clarifier le rôle qu’il veut donner à l’office bruxellois de l’emploi. Dans un entretien au journal « L’Echo », il explique : « le message de propagande est clair, Actiris doit être autant au service des demandeurs d’emploi que des employeurs. Et plus que tout, il faut améliorer les relations avec les employeurs ». Interpellé par la journaliste sur l’importance du taux de chômage à Bruxelles de l’ordre de 20%, le patron d’Actiris estime que c’est un faux problème : « les 20% sont un taux de chômage politique, le taux de chômage réel sur la communauté métropolitaine n’est que de 11%, dans la moyenne des grandes villes européennes ».

    Lors de son entrée en fonction à la présidence du gouvernement bruxellois, Rudy Vervoort avait pourtant tenu à se positionner par rapport à son prédécesseur en assurant qu’avec lui, la priorité serait donnée à l’emploi des jeunes. Pour donner du corps à cette campagne de communication, il a lancé la formule « 30 mesures, 10 millions €, 4.000 emplois ». Le détail est tout de suite moins flatteur : 100 contrats ACS dans les crèches, 4.350 stages en entreprise, selon les besoins du patronat. Bref, pour ce qui est de l’emploi des jeunes à Bruxelles, Vervoort n’en fait que des cadeaux fiscaux aux entreprises comme il l’a appris avec les gouvernements Picqué.

    Ces maquillages écœurants des chiffres et autres politiques de cadeaux fiscaux illustrent que le chômage de masse est admis par les politiciens traditionnels comme un phénomène structurel sans solution à Bruxelles. Il ne s’agit dès lors pas de s’attaquer au chômage, mais d’utiliser plus efficacement encore les chômeurs comme armée de réserve pour les entreprises sous peine de sanctions, de sorte à conforter la 5e place de Bruxelles dans le classement des régions les plus attractives d’Europe pour les investisseurs.

    Une jeunesse sans perspective d’avenir

    La situation précaire de l’emploi se répercute violemment sur les conditions de vie de la jeunesse. Dans les quartiers du croissant pauvre, le taux de chômage dans la jeunesse est de minimum 45%. A Cureghem et à Molenbeek, ce taux est même de plus de 50%. Le travail au noir et les jobs précaires (intérims, temps partiels, titres-services, ACS…) sont les seules perspectives de travail pour la jeunesse, ce qui ne permet évidemment pas de se projeter dans l’avenir.

    Les deux prochaines années, la dégressivité accrue des allocations de chômage et la limitation dans le temps des allocations d’insertion devraient encore plus aggraver la situation en augmentant l’appauvrissement et l’exclusion sociale. Selon la FGTB, ce sont environ 30.000 bénéficiaires d’allocations d’insertion qui se verront purement et simplement exclus au 1e janvier 2015. A terme, ce sont plus de 50.000 personnes et leurs familles qui risquent de basculer dans la pauvreté et l’exclusion rien qu’à Bruxelles.

    En Espagne, le terme « los ninis » désigne à présent cette couche parmi les 15-29 ans qui n’ont pas d’emplois, sont exclus de formations professionnelles ou sont déscolarisés. Ils représentent 24 % des 15-29 ans en Espagne et 13,9 % en Belgique. Nul doute que ce chiffre est beaucoup plus élevé dans le croissant pauvre à Bruxelles. Selon les termes de l’OCDE, ces « ninis » sont un reflet du déclin économique de la société. La seule thématique liée à l’avenir des jeunes des quartiers pauvres encore discutée par les politiciens traditionnels est de savoir quelle est la répression la plus correcte à mettre en œuvre pour garder un semblant de contrôle social.

    La répression et les sanctions comme seule réponse face à la dégradation du tissu social

    A Bruxelles, où prennent place la plupart des manifestations de tous types, le phénomène de la répression et des violences policières a été fort exprimé ces dernières années. A plusieurs reprises durant l’été 2012, le quartier Matonge a été le théâtre d’un véritable déchainement raciste de l’appareil répressif vis-à-vis de la communauté africaine dès lors que celle-ci manifestait. De manière plus sporadique, des militants de gauche se sont vus lourdement réprimés à diverses occasions, comme ce fut le cas du jeune Ricardo lors du festival de soutien aux sans-papiers à Steenokkerzeel.

    Dans ce contexte-là, les Sanctions Administratives Communales (SAC) sont un outil rêvé pour les partis traditionnels et leur appareil répressif. L’arbitraire de ces sanctions permet une utilisation « à la carte », tantôt pour des incivilités, tantôt pour des faits divers absurdes comme cette personne à Schaerbeek coupable d’avoir déposé un pot de fleur devant chez soi, et très certainement pour des manifestations et protestations, comme celle organisée à l’encontre du « banquet des riches » en octobre 2012.

    Les communes d’Ixelles et Bruxelles sont les fers de lance de cette politique. Freddy Thielemans (PS) a rendu le système rentable. Pour la nouvelle législature communale, 1 millions € est prévu pour augmenter le nombre d’agents constatateurs, avec l’objectif que cela rapporte 3 millions €. Ainsi dans son nouveau budget, la commune a scindé les « amendes pour incivilités » et les « taxes pour incivilités » (utilisées pour faire payer le collage d’affiches aux éditeurs responsables). Chacun de ces deux postes devrait rapporter 500.000 € annuellement à la commune. Même politique à Ixelles : des centaines de SAC sont distribuées lors d’opérations « coup de poing », la majorité pour jets de mégots, mais aussi pour avoir promené un chien sans laisse ou avoir mis la musique trop fort en voiture.

    En mai 2013, la ministre pour l’égalité des chances Joëlle Milquet (CDH) a fait une proposition de loi visant à utiliser les SAC pour réprimander toute attitude sexiste en rue pour combattre ce fléau. Cette proposition faisait encore écho au reportage « Femme de la rue » qui avait marqué les esprits, en mettant sur le devant de la scène la problématique du sexisme en augmentation dans toute une série de quartiers pauvres à Bruxelles. Milquet va-t-elle s’en prendre aux multinationales véhiculant des publicités à tous les coins de rue et présentant la femme comme un objet ? Va-t-elle combler la différence salariale entre hommes et femmes ? Va-t-elle résoudre la situation de précarité sociale à la base des discriminations ? Non ! Cette loi n’est que de la simple hypocrisie qui sert à sauver l’image « pro-femmes » de Milquet pendant que plusieurs mesures de son gouvernement touchent de manière particulièrement forte les femmes. Les allocations de chômage baissent le plus fortement chez les chômeurs « cohabitant » (surtout des femmes et des jeunes vivant encore chez les parents), poussant ces chômeurs dans la dépendance totale. En même temps, elle met la responsabilité du sexisme inhérent au capitalisme chez des hommes en tant qu’individus, en niant tout lien avec le système qu’elle défend.

    D’un autre côté, si la gauche n’arrive pas à progresser et à offrir une perspective viable, des groupuscules d’extrême-droite vont pouvoir se profiler (comme Nation, le FN,…). En mettant en avant des « solutions » qui ne s’attaquent pas aux fondements du système capitaliste et aux responsables de la crise, ils vont dévier l’attention vers des thèmes comme la criminalité. Les résultats que Nation a faits pendant les élections communales de 2012 à Evere (4,47%) et à Forest (1,24%) et l’expérience d’autres pays comme la Grèce montrent que le danger de l’extrême-droite doit être pris au sérieux, surtout dans une période de crise comme celle que nous traversons aujourd’hui.

    La pauvreté et l’exclusion sociale comme conséquences de la crise du capitalisme provoque une aliénation accrue parmi une couche de la population. C’est la base à partir de laquelle la criminalité, les tensions et les discriminations peuvent se développer. Les forces réactionnaires de la société (racistes, intégristes religieux,…) sont utilisées dans ce contexte par les classes dominantes pour dévier l’attention des véritables problèmes sociaux sous-jacents. Tout est fait pour instrumentaliser les moindres faits et gestes de groupuscules hystériques de droite islamiste comme Sharia4belgium pour stigmatiser toute une communauté.

    Un développement continuel de la précarité et de la pauvreté

    Au mois de mai 2013, les CPAS ont compté sur l’ensemble de la Belgique près de 150.000 personnes recevant une aide de leur part, ce qui est un record. A Bruxelles, cela concerne 32.000 personnes, soit 5% des 18-64 ans, et 14% de plus qu’en 2008. C’est 3 fois plus que dans le reste du pays, et au sein du croissant pauvre c’est encore 5 fois plus. La composition des personnes ayant recours au CPAS évolue et reflète la situation de précarité de la société : de plus en plus de jeunes sont concernés (un tiers des bénéficiaires du revenu d’intégration ont moins de 25 ans) et les femmes sont à présent majoritaires, le plus souvent à la tête de familles monoparentales.

    Alors que les besoins sociaux auprès des CPAS sont en augmentation, le gouvernement fédéral a entériné une réduction des dépenses sur les CPAS de 37,4 millions € lors de l’ajustement budgétaire de février 2013. Les communes, qui doivent combler les manques dans les budgets de leur CPAS, voient ainsi un surcoût qui leur revient directement. En outre, le service public de l’intégration sociale constate également que l’écart entre communes riches et pauvres s’est creusé au cours des 10 dernières années. Dans les communes à revenu médian élevé, le nombre de bénéficiaires du CPAS pour 1000 habitants est passé de 7,8 à 5,5 alors que dans les communes à revenu médian faible ce chiffre est passé de 19,7 à 29,6. A Bruxelles, tout cela signifie une aggravation des déficits budgétaires et des pénuries pour les communes de la première couronne où se retrouvent concentrés les quartiers pauvres.

    Selon le forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, il y aurait environ 1900 sans-abris « dénombrables » en 2013 (selon différentes associations d’aide, ce serait même 2500, dont 500 de plus sur la dernière année), dont environ 40% de femmes, une proportion en augmentation. Au Samu Social, leur nombre a triplé entre 2002 et 2011, passant de 300 à 1000. En 1999, les femmes ne représentaient encore que 1% des sans-abris au Samu Social. Dans les maisons d’accueil, 96% des familles monoparentales accueillies sont des mères séparées. Cette représentation accrue des femmes parmi les sans-abris est comme pour le CPAS un reflet de la précarisation des conditions de vie des femmes dans la société en conséquence directe des politiques d’assainissement dans les infrastructures et services collectifs.

  • 85 riches possèdent autant que la moitié de l’Humanité !

    Il nous faut un autre système!

    En ce début d’année, le premier ministre Di Rupo (PS) n’a cessé de multiplier les réunions de famille. Forum économique de Davos, Cercle de Wallonie,… Son message est clair : selon lui, ‘‘la Belgique est sur la bonne voie’’. Mais qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire dans un pays sans croissance et où les maigres emplois créés ne permettent plus depuis longtemps de compenser les fermetures et destructions massives d’emploi ?!

    Par Baptiste (Nivelles)

    Il suffit de savoir à qui ce discours est adressé : aux fortunés, au patronat et à leurs plus puissants défenseurs. Se présentant comme étant leur ‘‘humble serviteur’’, le Premier ministre s’efforce de maintenir les privilèges des nantis en faisant payer la crise aux travailleurs et à leur famille, car après tout ‘‘ce sont les entrepreneurs qui sont à l’origine du bien-être de la population’’. Et peu importe le fait que nous créons les richesses par notre travail, quelque part nous ne faisons que profiter du système, et en particulier les bénéficiaires d’allocations bien entendu…

    Ce sont pourtant ces politiques néolibérales qui ont créé un fossé toujours plus grand entre riches et pauvres, alors que jamais dans l’histoire de l’humanité il n’y a eu autant de richesses et de possibilités technologiques. Ces richesses permettraient à chacun d’avoir accès à des conditions de vie décentes, mais la réalité est tout autre.

    De la précarité à la pauvreté

    Pour 99% de la population, le bilan n’est pas folichon : austérité budgétaire tous azimuts, gel des salaires, réforme des prépensions, dégressivité accrue des allocations de chômage,… Pour beaucoup de ménages, notamment quand il y a une perte d’emploi, la route vers la pauvreté est de plus en plus courte. La réforme du chômage de 2012 prévoyait une baisse de 25% du montant des allocations, et à cela s’ajoute une augmentation des sanctions et l’exclusion des allocations d’insertion d’environ 55.000 personnes le 1er janvier 2015. En 2010, les indemnités de chômage ne représentaient déjà plus que 27% du salaire annuel brut moyen, contre encore 42% 20 ans plus tôt. Nul doute que la situation s’est encore dégradée.

    La Belgique : un paradis fiscal sans île, mais bien rentable

    Par contre, pour les patrons et autres nantis à la recherche de refuge fiscal, la Belgique est ‘‘the place to be’’, grâce à l’absence d’impôt sur la fortune et parfois carrément sur les bénéfices réalisés par les entreprises. Pourtant, le taux d’imposition des sociétés est théoriquement de 33,99%. Mais dans les faits, en intégrant les divers cadeaux offerts au patronat, intérêts notionnels en tête, ce taux n’avoisine plus que les 20% depuis 2008. Pour l’année 2012, on estime que la déduction des intérêts notionnels a permis aux entreprises en Belgique d’exempter d’impôt quelque 20,4 milliards € de bénéfices engrangés.

    La baisse du taux effectif est quasi continuelle depuis 2001, et ce n’est plus un secret pour personne, ce sont les plus puissantes multinationales présentes en Belgique qui payent le moins sur des bénéfices souvent gigantesques : ArcelorMittal, Electrabel, Janssen Pharmaceutica, ABInbev,…

    À qui ce système profite-t-il ?

    En Belgique, ce pays où tout va bien, environ 15% de la population vit sous le seuil de pauvreté tandis qu’en même temps les 20% les plus riches possèdent 61% du patrimoine financier.

    Pour nous, les factures ne font qu’augmenter sous la pression de plans d’austérité se chiffrant à chaque fois à plusieurs milliards ; pour eux, tout est mis en place pour préserver les milliards de bénéfices. Après un à trois ans de chômage, un chef de ménage devra s’en sortir avec 1.090,70€/mois, un cohabitant avec 483,86 €/mois ; au même moment, les patrons d’entreprises publiques se voient subir l’affront de recevoir des rémunérations annuelles plafonnées à 250.000 €… Alors, qui profite du système : ceux qui tentent de survivre avec des moyens à en manger des cailloux ou ceux qui vivent grassement à ne plus savoir que faire de leur pognon ?

    Lors de son discours de rentrée, la secrétaire générale de la FGTB Anne Demelenne a déclaré vouloir le retrait de la réforme du chômage au vu de la catastrophe sociale imminente. Des actions seraient à prévoir d’ici les élections du 25 mai, pour ‘‘ faire passer la revendication à tous les partis traditionnels’’. Nous avons besoin d’un plan d’action pour lutter contre cette escroquerie néolibérale, mais jouer le rôle de l’aiguillon pour des partis qui ne nous représentent pas n’est plus viable. De plus, nous avons besoin d’un parti politique qui représente nos intérêts !

  • Manifestation : ‘‘Mon corps, mon choix, ma liberté’’

    En décembre dernier, les droits des femmes ont subi une énorme attaque en Espagne, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy (Parti Populaire) réclamant une réforme de la loi relative à l’avortement qui représente concrètement un retour en arrière de 30 ans. C’est dans ce cadre que plus de 2.000 personnes ont manifesté hier à Bruxelles, de l’ambassade espagnole jusqu’au Parlement européen. Au cours des discussions que nous avons pu avoir avec les manifestants, il était frappant de voir à quel point le sentiment que les droits des femmes sont partout menacés était partagé parmi les manifestants.

    Photo ci-contre : Navid, photos ci-dessous : MediActivista

    Pour beaucoup, le choc et l’effroi ont dominé lorsqu’ils ont pris connaissance de ce projet de loi. Dans les faits, il s’agit d’une suppression de l’avortement en Espagne, à l’exception d’un danger prouvé pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme ou en cas de viol, pour autant qu’une plainte ait été déposée. Cette proposition du gouvernement doit encore passer au Parlement, mais le Parti populaire y détient la majorité absolue. Un tel retour en arrière était considéré comme impossible par de nombreuses personnes, mais cette conquête sociale n’a pas échappé à la lame de fond antisociale qui frappe l’Espagne de plein fouet.

    Hier, parmi les rangs des manifestants, on pouvait trouver de nombreux membres du PSOE (parti social-démocrate espagnol) et d’autres partis traditionnels belges. Mais si ces partis clament défendre les droits des femmes dans les micros des médias dominants, ils n’en restent pas moins responsables de l’application de mesures d’austérité qui ont fait des ravages parmi la population, et parmi les femmes tout particulièrement. Comme le titrait le tract distribué par le PSL à l’occasion de cette manifestation : la position des femmes dans la société est menacée par la crise et l’austérité‘‘Aucun des partis établis n’est innocent du déclin subit par la majorité des travailleurs – femmes et hommes – au cours du dernier quart de siècle. Le système capitaliste qu’ils défendent n’est pas seulement responsable de cette crise qui dure depuis cinq ans déjà, mais aussi de la position inférieure systématiquement imposée aux femmes et encore de toutes les autres discriminations et inégalités qui hantent cette société !’’ Considérer ces partis en alliés équivaut à laisser entrer le loup dans la bergerie du mouvement social.

    Face à ce recul et face à l’offensive généralisée que subissent nos conquêtes sociales, la seule arme que nous avons à notre disposition est celle de la mobilisation de masse et de la construction d’un rapport de forces. C’est ainsi que nous avons pu par le passé arracher de nombreux droits, mais nous voyons aujourd’hui combien ces conquêtes sont éphémères dans le système actuel. C’est pourquoi il est selon nous crucial de lier nos luttes à la défense d’un autre projet de société. Le système dans lequel nous vivons aujourd’hui est un système où 85 personnes à peine possèdent une richesse équivalente à celle des 3,5 milliards de personnes les plus pauvres ! Pas moins de 7 personnes sur 10 vivent dans des pays où l’inégalité a augmenté au cours de ces trente dernières années. Impossible d’imaginer parvenir à une égalité réelle dans un système pareil.

    Une autre date de mobilisation est déjà prévue relative au droit des femmes à décider de leurs, le 30 mars prochain, à Bruxelles également. Depuis plusieurs années déjà se développe à travers l’Europe un mouvement anti-avortement prétendument ‘‘pro-life’’ ou ‘‘pro-vie’’. Comme l’exprimait une pancarte brandie hier : ‘‘Pro-life is a lie, you don’t care if women die’’ (Pro-vie, c’est un mensonge, ça ne vous fait rien si des femmes meurent). Une manifestation de la plateforme pro-choix aura lieu contre cette prétendue ‘‘Marche pour la Vie’’. Mobilisons-nous donc déjà pour ce 30 mars 2014, rendez-vous à 13h Place d’Espagne à Bruxelles. Défendons le droit à l’avortement ! Luttons contre la politique d’austérité qui limite notre choix !

  • La position des femmes dans la société menacée par la crise et l’austérité

    Cinq années déjà depuis le début de la crise. Sur ce laps de temps, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi, surtout dans les secteurs industriels. Parmi les fonctionnaires, un véritable massacre social est également organisé. Quant aux années à venir, le type de ‘‘croissance’’ prévue est de celles qui ne change rien au chômage et ne fais que remplir les poches du 1% le plus riche. Pour la grande majorité de la population – ceux qui vivent de leur travail ou d’une allocation – la vie n’est devenue que plus difficile et incertaine. Salaires gelés, allocations en baisse,… Et en plus de ça, les familles doivent prendre en charge sans cesse plus de choses.

    Tract du PSL

    Equal Pay Day : Luttons pour des bons salaires, pour tous !

    L’impact de tout cela est énorme sur la vie de la plupart des travailleurs, plus particulièrement pour les femmes. La prise en charge des soins qui tombent traditionnellement sur leurs épaules et la flexibilisation du marché du travail assurent qu’il s’en faut de peu aujourd’hui pour que la moitié des femmes travaillent à temps partiels en Belgique, la majeure partie de manière tout à fait involontaire. En moyenne, une femme doit travailler trois mois de plus par an pour parvenir au salaire d’un homme.

    Cette lutte contre les salaires inférieurs des femmes n’a aucune chance de réussir en s’orientant sur la diminution des droits des travailleurs masculins. Nous voulons des ‘‘salaires d’hommes’’ et des ‘‘pensions d’hommes’’ pour tous ! Ne nous trompons pas d’ennemi : c’est le patronat qui paye de bas salaires, ce sont ses partis qui continuent à démanteler les soins de santé publics et rejettent le plus possible sur le dos des femmes sous la forme du ‘‘travail domestique’’ non-rémunéré.

    Luttons ensemble pour de bons salaires pour tous et pour des services de santé publics – avec de bons salaires et conditions de travail pour tout le personnel ! C’est la seule voie pour en finir avec les salaires inférieurs des femmes. Les moyens sont là, il suffit de jeter un œil sur les chiffres record des profits des grandes entreprises. Arrachons ces moyens ! Doivent-ils disparaître dans les poches d’actionnaires super-riches pour que ces derniers puissent spéculer ou doivent-ils être utilisés pour répondre aux besoins de la majorité de la population ?

    Avoir un enfant ou pas, c’est aux femmes de décider. Vraiment ?

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    Manifestation de la plate-forme pro-choix contre la Marche pour la Vie

    30 mars 2014, Bruxelles, 13h à la Place d’Espagne.

    Défendons le droit à l’avortement ! Luttons contre la politique d’austérité qui limite notre choix !

    Plus d’infos : page Facebook
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    Dans les pays du Sud de l’Europe, les données concernant le chômage parmi la jeunesse sont effrayantes ! Toute une génération a vu son avenir volé par la crise et la politique d’austérité. Toutes les images des protestations massives qui y ont pris place montraient de jeunes femmes en lutte, qui témoignaient de la manière dont elles devaient tout retarder dans leur vie, y compris le fait d’avoir des enfants… En Belgique également, des familles décident de ne pas avoir de deuxième ou troisième enfant simplement parce que c’est intenable financièrement au vu de l’accès actuel aux soins de santé et aux structure d’accueil, plus certainement encore si un enfant nécessite des soins spéciaux. En Belgique aussi, certaines femmes avortent parce que leurs moyens ne suffiront pas pour assurer une bonne éducation.

    De plus, le droit de choisir – mon corps, mon choix – est sous pression. Partout en Europe naissent ou se développent des groupes prétendument ‘‘pro-vie’’ menant campagne pour l’abolition du droit à l’avortement. L’Espagne illustre à quel point un gouvernement conservateur peut en un rien de temps limiter le droit à l’avortement si ce droit n’est pas activement défendu par des actions de masse. En Suisse, le remboursement par l’assurance-maladie des frais liés à un avortement est aujourd’hui remis en cause par référendum.

    En Belgique, ces groupes réactionnaires et conservateurs sont encore relativement petits, en dépit des personnalités qui les soutiennent au premier rang desquelles l’archevêque Léonard. Ils organisent tout de même chaque année une manifestation ‘‘pro-vie’’ et organisent régulièrement des piquets devant le centre d’avortement de Gand. En France la gauche officielle a laissé se développer ces actions ‘‘parce qu’ils sont de toute façon incapables de gagner un soutien large’’, mais nous avons vu l’an dernier le milieu conservateur dont font partie les ‘‘pro-vies’’ parvenir à mobiliser des centaines de milliers de personnes contre le mariage homosexuel ! Ne commettons pas la même erreur ! Il faut se battre contre ces ‘‘pro-vies’’ qui, avec leurs idées, ne conduiraient surtout qu’à de nombreux décès au cours d’avortements non-accompagnés. Bloquons leur la route avant qu’ils ne puissent trouver un écho parmi les couches larges de la population sur base de l’instrumentalisation de la colère qui vit face aux pénuries dans la société, notamment au niveau des soins de santé. Le PSL appelle donc à mobiliser pour la contre-action contre la ‘‘Marche pour la Vie’’, contre-action organisée par la plateforme Pro-choix. Cette action défend le droit de pouvoir faire un véritable choix en défense du droit à l’avortement et du droit d’avoir des enfants sans pour autant s’appauvrir.

    Ce n’est pas de plus de patrons ou de ministres féminins dont nous avons besoin, mais d’une société sans discrimination et sans oppression!

    Au cours des élections à venir, les politiciennes des partis établis vont à nouveau chercher à s’attirer le vote des femmes. Mais avant de leur accorder, il faut bien regarder dans leur programme s’il s’y trouve effectivement matière à conduire à progrès réel pour les femmes ! Aucun des partis établis n’est innocent du déclin subit par la majorité des travailleurs – femmes et hommes – au cours du dernier quart de siècle. Le système capitaliste qu’ils défendent n’est pas seulement responsable de cette crise qui dure depuis cinq ans déjà, mais aussi de la position inférieure systématiquement imposée aux femmes et encore de toutes les autres discriminations et inégalités qui hantent cette société !

    Le PSL est convaincu que seul un changement radical de société peut entraîner la disparition des discriminations et des inégalités, par la construction d’une une société démocratique et socialiste en finissant avec l’exploitation de l’homme par l’homme. Ce changement de société, il faudra nous battre pour l’obtenir, ceux qui s’agrippent au pouvoir – et à leurs fortunes réalisées sur le dos des travailleurs, des consommateurs et de l’environnement – ne l’abandonneront jamais volontairement. Ce combat nécessite de réunir la force du monde du travail, des allocataires sociaux et de la jeunesse, du point de vue syndical mais également politique. Le PSL appelle à la construction d’un nouveau parti des travailleurs qui prenne en charge la défense des droits et des intérêts de tous les travailleurs, sans distinction de sexe, de nationalité, d’orientation sexuelle, d’âge, de religion,…

    Nous soutenons dès lors le courageux appel de la FGTB de Charleroi pour rassembler toutes les forces de gauche afin de construire une formation capable de mener la lutte contre la crise et la politique d’austérité dans les entreprises, dans les quartiers, dans la rue et aux parlements. Luttons pour transformer en réalité le pouvoir potentiel des travailleurs et de la majorité de la population qui souffre de la politique au service des riches ! Et oui, cette lutte peut connaître des défaites, mais c’est une certitude que nous perdrons tout sans riposter ! Les femmes doivent revendiquer leur place dans ce combat et dans les organisations de lutte existantes, dans les syndicats et dans de nouveaux partis à construire !

  • Présidence grecque de l’UE – inauguration à Bruxelles

    Depuis le 1er janvier 2014, la Grèce assume la présidence de l’Union européenne. En guise de cérémonie d’inauguration, la représentation permanente grecque a organisé un concert au Bozar. Au programme, mythologie grecque et musique baroque. A l’extérieur de la salle, une centaine de personnes se sont également rassemblées pour manifester leur point de vue lors de ce premier acte public de la présidence grecque à Bruxelles. Les manifestants grecs et belges ont dénoncé les politiques barbares d’austérité du gouvernement grec et de l’UE.

    • Vidéo à voir sur le site de ZIN TV
  • Angleterre : Des étudiants chassent le Secrétaire d’État à l’Éducation

    Rowan Atkinson, chez nous, est surtout connu pour son rôle légendaire de Mr Bean. Sa carrière ne se limite toutefois pas à ce personnage désopilant. A côté de l’Inspecteur Fowler, un autre de ses grands succès est hélas moins connu dans le monde francophone, celui de la Vipère Noire (Blackadder), série qui a précédé le personnage de Mr Bean. Pour le secrétaire d’Etat, ce fameux et hilarant personnage d’Edmund Blackadder serait à proscrire… car il nuit à la mémoire de la ‘‘noble cause’’ de la première guerre mondiale !

    Basé sur un article de Chris Moore, Socialist Party (CIO-Angleterre et Pays de Galles)

    Cette série qui a marqué les années ‘83 à ‘89 raconte l’histoire d’Edmund Blackadder et de son domestique Baldrick à travers les âges, de 1485 à 1917. Chaque saison suit ces deux anti-héros dans une époque différente où ils sont les descendants des personnages de la saison précédente. Et il est entre autres question de la première guerre mondiale, autour du capitaine Edmund Blackadder et du soldat Baldrick. A leur côté se trouve notamment le lieutenant George, joué par l’acteur Hugh Laurie qui connaîtra plus tard une renommée mondiale sous les traits du docteur House.

    Pour Michael Gove, cette série est une arme aux mains des ‘‘historiens de gauche’’ qui l’utilisent comme propagande dans leurs leçons sur la Grande Guerre. C’est que cette dangereuse bande de comiques-révolutionnaires dénigre le patriotisme et le courage britanniques, dépeignent la grande boucherie mondiale comme une ‘‘pagaille illégitime’’ alors qu’il s’agissait en fait d’une ‘‘noble cause’’. Des propos pareils, on n’a pas fini d’en entendre à l’occasion des commémorations des 100 ans du début de la guerre… Mais il faut reconnaître que la série ne présente vraiment pas l’impérialisme britannique de la manière qui sied à la classe dominante. Le capitaine Blackadder explique ainsi notamment qu’il a participé à diverses campagnes en Afrique avant la première guerre mondiale à un moment où ‘‘le prérequis pour toute bataille était que l’ennemi ne porte d’arme à feu en aucune circonstance’’. C’est dire s’il était préparé à partir diriger les troupes sur le front… L’absurdité de la Grande Guerre est passée à un humour acide de cet acabit tout au long des épisodes.

    En ayant tenu de tels propos, après coup, le secrétaire d’Etat a probablement dû regretté d’avoir précisément décidé de visiter une école bien particulière, celle d’un étudiant qui a connu une certaine notoriété en jouant le rôle… du Capitaine Darling, le rival de Blackadder ! Et plus d’une heure durant, les élèves de Marling ont chassé le politicien conservateur dans les locaux de l’école. Bien entendu, il n’était pas question que de cette histoire – qui n’est somme toute qu’une illustration de ce qui se cache dans le crâne du triste personnage – c’est la politique du gouvernement concernant l’enseignement qui était la cible de la colère des élèves. C’est ce qu’a illustré l’une d’entre eux, Janneke Bax-Pratt, qui a précisé : ‘‘L’enseignement ne devrait pas être élitiste, il devrait être accessible à tout le monde, c’est pour ça que je proteste.’’

    C’est ainsi que des centaines d’élèves ont attendu de pied ferme l’un des membres les plus méprisés du cabinet de coalition au pouvoir, qui regroupe les Libéraux-démocrates et les Conservateurs. Le secrétaire d’Etat a même dû se réfugier dans une salle de classe avec quelques officiels et le député conservateur local, tandis que les élèves encerclaient le bâtiment en scandant ‘‘Gove dégage !’’.

    Quelques enseignants ont bien tenté de repousser les étudiants lorsqu’ils parvenaient trop près de Gove, mais ils n’ont su résister à la vague de jeunes déterminés à faire entendre la voix de leur colère. D’autres membres du corps enseignants ont adopté une autre approche, bien plus sympathique envers les élèves… Plusieurs parmi eux ont approuvé la proposition du Socialist Party (parti-frère du PSL en Angleterre et au Pays de Galles) de soutenir leurs étudiants et de construire des liens au travers de cette action de protestation en vue des prochaines actions que les enseignants devront eux-mêmes mener contre les futures attaques qui frapperont les conditions de travail et de salaire des enseignants.

    Janneke a parlé au nom de nombreuses personnes en disant : ‘‘Gove est pathétique et lâche; il devrait avoir le courage de venir et de parler aux élèves.’’ Will, un autre élève, a ajouté : ‘‘pourquoi Gove ne coupe-t-il pas dans son salaire à la place de s’en prendre à notre enseignement et à notre avenir ?’’

    La politique du gouvernement vise à promouvoir un enseignement élitiste qui se limitera à apprendre aux élèves à régurgiter la matière. Du point de vue de ces gens-là, pourquoi donc dépenser de l’énergie et de l’argent pour un enseignement de qualité pour tous alors qu’il n’y a de toute façon pas d’emploi décent pour tous les diplômés ? Finalement, jamais dans toute sa carrière Rowan Atkinson n’aura réussi à atteindre le degré d’absurdité de cette société…

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