Tag: Anvers

  • Délégués licenciés à Clariant, Louvain-La-Neuve

    Fin juillet, deux délégués de Clariant Benelux SA, une entreprise chimique suisse, ont été remerciés. C’est lors d’une réunion convoquée par le président de la commission paritaire que la direction a, totalement à l’improviste, mis à la porte deux délégués de la Centrale Générale (FGTB), à deux jours de la fermeture de l’entreprise pour les congés annuels.

    Clariant est installé dans le parc scientifique Fleming à Louvain-La-Neuve. La direction de l’entreprise, qui n’a pas le moins du monde respecté la procédure de licenciement, invoque simplement une ‘‘rupture de confiance’’… La réalité est bien entendu différente, car derrière ces licenciements se trouve le fait que ces deux délégués ont effectué un travail syndical particulièrement remarquable dans cette petite entreprise. Ces derniers s’étaient à plusieurs reprises opposés au mépris de la législation du travail par la direction. C’est pour cette raison qu’elle a voulu leur clouer.

    L’entreprise emploie environ 45 ouvriers et quelque 80 employés, dont beaucoup d’origine marocaine. Plus tôt déjà, six travailleurs ont été licenciés. Les deux délégués, Kamal et Mohamed, travaillaient depuis des années dans l’entreprise et, fin juillet, des actions ont été organisées contre leur licenciement, jusqu’au 15 août, une journée de congé collectif. La direction espère que les protestations en resteront là.

    Lors d’une réunion de réconciliation de la commission paritaire de la chimie, la direction a refusé de négocier en raison de la présence des deux délégués renvoyés. De son côté, le personnel exige la réintégration des deux délégués. Récemment, les actions à l’entreprise pétrolière BRC, à Anvers, ont très clairement illustré que des actions fermes et résolues peuvent forcer une direction à lâcher des concessions. Deux délégués avaient été réintégrés après différentes actions.

    Les syndicats doivent se préparer à poursuivre la lutte après le 16 août avec une revendication claire : la réintégration des deux délégués. Le personnel de la société y a bien entendu tout intérêt : sans délégué, il est plus que probable que d’autres licenciements suivront, à nouveau sans respecter la législation prévue. Mais cette problématique dépasse largement le cadre de l’entreprise ; le mouvement des travailleurs dans son entièreté a intérêt à repousser ce type d’attaque. Après l’obtention par la lutte de la réintégration des délégués à BRC, il est temps de poursuivre les actions et la lutte pour mettre fin au licenciement de délégués !

  • Après les crimes de guerre : le négationnisme de l’armée du Sri Lanka

    Le week-end dernier, le quotidien Le Soir a publié un dossier très intéressant consacré aux conditions de vie de la population tamoule au Sri Lanka. Après 30 années de guerre civile et une ‘‘phase finale’’ particulièrement sanglante (40.000 morts en trois semaines…), la minorité tamoule continue d’être discriminée et continue de connaître une situation des plus terrible. La correspondante du Soir, Vanessa Dougnac, envoyée spéciale au Sri lanka, livre un rapport des régions tamoules.

    Cette journaliste a eu plus de chance que ses collègues hollandais, attaqués par ce qui semble bien avoir été des agents du régime. Les deux journalistes hollandais ont dû quitter le pays après leur agression. Depuis 2008, pas moins de 4 journalistes ont été tués au Sri Lanka. Le régime du président Rajapakse fait tout ce qui lui est possible pour s’opposer à la publication d’articles et de nouvelles au sujet des crimes de guerre et des problèmes qui persistent au Sri Lanka.

    Deux ans après la fin ‘officielle’ de la guerre, le sort de 146.000 personnes reste inconnu tandis que des milliers de jeunes vivent encore dans des camps. Le régime applique une dictature militaire sévère au nord du pays et les journalistes n’y sont pas tolérés. Le rapport des Nations Unies décrivant les crimes de guerre et la violence de l’armée a été accusé par le régime d’être une vulgaire ‘‘falsification’’. Le régime nie tout en bloc.

    Le Soir écrit : ‘‘230.000 Tamouls se retrouvent enfermés dans les camps de Menik Farm, ils y restent plusieurs mois dans des conditions déplorables. Quant aux ex-Tigres, au nombre de 12.000 d’après les autorités, ils sont isolés dans des centres de détention.’’ Il est impossible d’obtenir des chiffres exacts comme le gouvernement ne donne pas de chiffres. Mais plus de 146.000 personnes ont disparu. Un documentaire de Channel 4 a montré des images de prisonniers tués par des soldats. ‘‘La page de la guerre civile au Sri Lanka n’a pas été tournée le 18 mai 2009’’, conclu Le Soir. Le documentaire allait dans le même sens et livrait également des témoignages d’attaques de l’armée contre des hôpitaux.

    Malgré toute la répression, les marxistes continuent leurs activités au Sri Lanka. Notre parti-frère, l’United Socialist Party, est actif parmi les populations singhalaise et tamoule. La semaine passée, l’USP a eu des candidats aux élections régionales de Jaffna, la capitale de la région tamoule au nord du pays. Bien que le gouvernement ait tout fait pour saboter notre campagne et malgré le total manque de droits démocratiques, nos camarades ont réussi à finir troisième parti, devant l’opposition de droite traditionnelle de l’United National Party.

    Sur le plan international, nous menons la campagne ‘Solidarité Tamoule’, qui soutient ou organise des actions et des discussions. Avec cette campagne, nous organisons aussi des Tamouls en Belgique, dont quelques-uns qui ont rejoint le PSL à Anvers. La campagne principale de ‘Solidarité Tamoule’ est consacrée à la nécessité d’une enquête internationale concernant les crimes de guerre. Nous avons soutenu cette revendication avec notamment une action devant le Parlement Européen le 18 mai 2011, soit deux ans après la date officielle de la fin de la guerre, mais aussi avec une petite action à Anvers le 18 juillet dernier. Entretemps, nos camarades au Parlement Européen ont organisé un meeting officiel sur le Sri Lanka, et le député européen du CIO Paul Murphy essaie de mettre sur pied une délégation de parlementaires européens pour aller au Sri Lanka cet automne.

    La ligne officielle du régime est toujours de nier les crimes de guerre. Après le meeting au Parlement Européen, la presse du régime a écrit que Paul Murphy soutient les Tigres Tamouls du LTTE (Liberation Tigers of Tamil Eelam), bien que nous ayons des critiques sur leur approche de guérilla et sur leurs illusions envers le capitalisme (l’idée fausse selon laquelle un pays Tamoul indépendant pourrait devenir un nouveau Singapour). Le Soir a essayé d’obtenir une réaction de l’armée. Ubaya Medawala, le porte-parole de l’armée à Colombo, a déclaré, entre autres, que : ‘‘Nous n’avons jamais tiré sur les civils, et jamais dans la zone de ‘non-tirs’. Nous avons sauvé les civils : ils étaient 300.000 et ont été tous recueillis.’’ Il dit encore que seulement des ‘‘terroristes du LTTE’’ ont été tués par l’armée. Les 40.000 morts en trois semaines (d’après le rapport des Nations Unis) seraient donc tous membres des LTTE ?

    La dictature de Rajapakse essaie de masquer sa politique néolibérale et ses crimes derrière une rhétorique anti-impérialiste. Ce n’est pas un hasard si le président Rajapakse a déjà déclaré que le dictateur Kadhafi de Lybie serait la bienvenue au Sri Lanka si la situation dans son pays devenait intenable pour lui. Entretemps, le régime utilise le soutien chinois, suivi par celui de l’Inde et celui de l’Europe, afin de briser la population tamoule et de mettre enfin sur pied des zones spéciales économiques avec des conditions de travail horribles. Le but de la guerre est de créer une armée d’esclaves qui seront disponibles pour les entreprises chinoises et pour d’autres multinationales. Les partis traditionnels, y compris dans notre pays, sont complices de cette situation de par leur silence.

  • Action de solidarité avec les Tamouls à Anvers

    Ce lundi, une action a été menée à Anvers contre l’oppression de la minorité tamoule au Sri Lanka. A Anvers habitent quelques centaines de Tamouls qui ont fui leur pays pour échapper à la guerre et à la misère dans leur pays. Nous ne voulons pas oublier le carnage qui a pris place au Sri Lanka et revendiquons une enquête indépendante concernant les crimes de guerre qui y ont été commis.

    Rapport par Geert, photos par Jente

    Quelque 25 militants s’étaient rassemblés sur la Groenplaats, une place centrale à Anvers, à l’initiative des Tamouls de la Tamil Culturele Organisatie (TCO, Organisation culturelle tamoule) et de la campagne Tamil Solidarity, une campagne dans laquelle est impliquée le PSL. Des tracts ont été distribués pour expliquer la situation actuelle au Sri Lanka pour la minorité tamoule, une situation très peu connue dans notre pays faite de misère, d’oppression, de discrimination et de guerre durant des années.

    Depuis le début de la guerre civile, en juillet 1983, il y a eu des dizainses et des dizaines de milliers de morts. Uniquement au cours de la dernière phase de la guerre (avant mai 2009), on estime qu’il y a eu 40.000 morts. Il s’agit d’un génocide méconnu, contre lequel la ”communauté internationale” ne proteste pas. Ce qui est bien plus important aux yeux des dirigeants occidentaux, ce sont les profits gigantesques qui sont possibles à réaliser dans cette dictature, notamment dans le secteur touristique ou dans les ‘zones économiques spéciales’, où les travailleurs sont exploités pour un salaire de misère et des conditions de travail déplorables.

    La population tamoule ne doit rien attendre des institutions internationales pour s’en prendre au président Rajapakse. Ils doivent rechercher du soutien parmi une autre ”communauté internationale”, celle du mouvement des travailleurs. C’était l’objectif de l’action de ce lundi, avec tracts, pétition et un DVD (avec documentaire de la chaîne britannique Channel 4). Nous avons reçu de nombreuses réactions très positives, de la part des passants mais aussi des journalistes, notamment de la Gazet van Antwerpen (voir ci-dessous).

    Le PSL est actif au sein de la communauté tamoule et défend que cette campagne doit être orientée vers le mouvement ouvrier belge. Nous défendons aussi nos propres positions, comme de dire que pour parvenir à une solution, la reconnaissance de droits égaux pour la population tamoule, il faut une lutte qui unisse les Cinghalais et les Tamouls contre toutes les oppressions au Sri Lanka, et donc pour une lutte des travailleurs et des pauvres pour une alternative socialiste à la société d’exploitation capitaliste.

    Dans le quotidien "Gazet van Antwerpen"


    Photos par Jente

  • [PHOTOS] Action de solidarité avec les Tamouls

    Ce lundi, une action a été menée à Anvers contre l’oppression de la minorité tamoule au Sri Lanka. A Anvers habitent quelques centaines de Tamouls qui ont fui leur pays pour échapper à la guerre et à la misère dans leur pays. Nous ne voulons pas oublier le carnage qui a pris place au Sri Lanka et revendiquons une enquête indépendante concernant les crimes de guerre qui y ont été commis.

    Par Pavel

  • Petroplus essaie de faire taire les syndicats à Anvers – La solidarité avec les travailleurs est nécessaire !

    Ce tract a été écrit par la délégation syndicale de la FGBT (syndicat socialiste en Belgique) de la raffinerie BRC au port d’Anvers, en Belgique. BRC est une entreprise-soeur de Petroplus. Après discussion avec les délégués syndicaux de BRC Anvers, nous (Gauche Révolutionnaire) diffusons ce tract pour informer les travailleurs des entreprises-soeurs en Europe des attentats lancés par la direction suisse de BRC pour faire taire les syndicats. Le test qu’ils font maintenant à Anvers peut devenir une réalité quotidienne demain à Petit Couronne (France), Coryton (Royaume Uni), Ingolstadt (Allemagne)…!

    Des messages de solidarité peuvent être envoyés à petroplus.solidarity@gmail.com. Des lettres de protestation peuvent être envoyées à Veerle.VanPraet@petroplus.biz (HR manager BRC Anvers), Jean-Paul.Vettier@petroplus.biz (CEO Petroplus Suisse), Patrice.bres@total.com (président de la Fédération Pétrolière Belge). Des actions de solidarité additionnelles seront toujours les bienvenues !

    La raffinerie suisse BRC essaie de faire taire les syndicats

    Lundi 20 juin, BRC a licencié 3 membres de la FTGB, dont 2 étaient des employés protégés, parce qu’ils avaient participé à des actions syndicales pendant le nuit du 13 juin.

    Et tout ça sans la moindre plainte pour faute grave. Encore pire, le 16 juin, la Fédération Pétrolière Belge a déclaré dans le bureau de conciliation que les patrons ne font rien contre les actions syndicales menées dans le cadre des négociations d’un accord collectif dans le secteur.

    Tout le monde sait que le secteur pétrolier a une tradition d’actions syndicales durant des négociations pour un accord collectif. Les patrons ont souvent eux-mêmes parlé d’actions ludiques, avec lesquelles ils n’avaient pas de problèmes, si la sécurité n’était pas en danger. Apparemment, la direction de BRC préfère ne pas descendre de sa montagne suisse, et veut absolument détruire les traditions syndicales dans le secteur. Et il y aura des représailles, les syndicats doivent faire silence. Tous les moyens sont acceptables, même la démission des employés sans qu’il y ait le moindre signe de faute grave. Le prix élevé que BRC doit payer pour ça ne pose pas de problème. Ou peut-être est-ce pour ça que BRC est tellement avare pendant les négociations sectorielles ?

    Il est évident que BRC veut démanteler les syndicats dans le secteur pétrolier. Ces dernières heures, ils ont même voulu instaurer une procédure d’alarme, ce qui va à l’encontre de toutes les lois belges.

    L’attitude de BRC met en danger tout le syndicat et toutes les libertés syndicales. Nous revendiquons que BRC réintègre immédiatement les employés démissionnés, et mette fin à sa politique de terreur.

    Pour renforcer cette revendication, il y aura une nouvelle action le jeudi 30 juin 2011 devant BRC. Dès 6h du matin, Rudy De Leeuw, président de la FGTB, sera présent pour soutenir les militants et les travailleurs. Des secrétaires syndicaux nationaux et fédéraux seront également présents pour les soutenir.

    Rejoignez la lutte pour nos droits syndicaux et participez en masse à l’action syndicale, le 30 juin à 6h, aux barrières de BRC, Scheldelaan 490, 2040 Anvers Port 663.

  • L’ETINCELLE : Mise au point de Louis Van Geyt, ancien président du PCB.KPB

    Notre Camarade Gustave Dache est l’auteur d’un livre intitulé ; « La grève générale insurectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61 » Dans cet ouvrage, Gustave s’en prend beaucoup aux « Mandelistes (LCR) et aux Staliniens (PCB-KPB), ci-dessous , nous livrons à nos lecteurs le point de vue de Louis Van Geyt, ancien président du PCB-KPB.

    Louis Van Geyt, Ancien président du PCB-KPB.

    Pour lire la réponse de Gustave Dache à cet article, veuillez cliquer ici

    Le rôle du PCB, avant, pendant et après la Grande Grève.

    Louis Van Geyt (version ajustée et complétée par l’auteur, de la traduction brute par un(e) bénévole de l’article paru dans le Vlaams Marxistisch Tijdscrift – Revue marxiste flamande – n°21, été 2010).

    « Concentré » :

    1. Qui prit la responsabilité du déclenchement de l’action ? Le rôle de G. Debunne, R. Beelen, F. Lauwers, F.Vandenbranden R. Dussart, M. Baiwir …
    2. L’importance de la date de déclenchement (20.12.60) et du mode de l’action ;
    3. Le contraste entre le « sentiment » dominant d’échec, voire de défaite parmi les participants, et la signification réelle de la grève ; comme barrage contre le virage social à droite tenté par l’establishment, et comme tremplin de la poursuite – même ralentie – pendant les vingt années suivantes, du modèle social belge d’après guerre.

    Sources :

    Les souvenirs personnels de l’auteur, alors collaborateur direct de René Beelen, le numéro 2 du PCB-KPB depuis la rupture d’avec le sectarisme de son XI ème Congrès (Vilvorde – décembre 1954). Ceci, en prenant appui sur les archives du PCB-KPB, conservées et gérées par les ASBL Carcob et Dacob*.

    Développement synthétique du « concentré » :

    1) La grève « généralisée » a été déclenchée le 1er jour du débat plénier de la Chambre sur l’ainsi dite loi unique, non seulement malgré A. Cool et L. Major (les présidents « droitiers » de la CSC et de la FGTB d’alors), mais encore à l’encontre de A. Renard (chef de file de la « gauche wallonne » de la FGTB) qui voulait se limiter à un arrêt de travail de 24 heures en janvier ’61.

    Le point de départ de l’action se situait à la CGSP (avec G. Debunne, alors président général de cette Centrale, et F. Lauwers, secrétaire de la régionale d’Anvers du secteur Communaux de celle-ci) et l’initiative de l’extension interprofessionnelle revint au PCB-KPB (avec R. Beelen, secrétaire national de ce parti, R. Dussart, délégué syndical principal CMB aux ACEC de Charleroi, F. Vandenbranden, dirigeant du Comité d’action des dockers d’Anvers et M. Baiwir, chef de file de l’aile gauche de la délégation CMB de Cockerill, tous trois militants en vue du PCB-KPB).

    A. Renard ne rejoignit la lutte qu’après plusieurs jours de résistance contre elle, pour ensuite se porter à sa direction et infléchir, début ’61, son objectif premier – « abattre la loi unique » – en la plaçant sous le mot d’ordre « fédéralisme et réformes de structure » (ces dernières parfois affublées du label discutable d’ « anticapitalistes ») – mot d’ordre sous l’égide duquel allait être fondé le Mouvement Populaire Wallon.

    2) Le PCB-KPB, important acteur de la préparation et du déclenchement de la grève, par delà le secteur public, n’a pas seulement fortement contribué à l’ample et vigoureux déploiement de celle-ci. Il a en même temps, continûment mis l’accent sur le caractère « constitutionnel et non insurrectionnel » de la lutte. Ainsi, il s’est opposé, principalement par la voix de René Beelen, à une nouvelle marche sur Bruxelles, à des actions violentes comme aux Guillemins, au sabotage des pylônes électriques etc. Il a de la sorte riposté efficacement à la campagne « de l’autobus » de l’aile dure à l’intérieur et autour du gouvernement Eyskens – Lilar (avec entre autres Vanden Boeynants) – campagne selon, laquelle la grève, prétendument était de type « insurrectionnel ».Cette intervention du PCB-KPB fut pour une bonne part dans le fait que la grève allait déboucher sur les suites évoquées au point 3) ci-après.

    3) Parce que la grève avait sensiblement régressé lors du vote final par la Chambre d’une loi unique quelque peu « rabotée », la plupart des grévistes ont repris le travail avec le sentiment que la lutte s’était soldée par un échec, voire par une défaite.

    Or, dans les faits, celle-ci a débouché presque immédiatement sur la chute du gouvernement Eyskens Lilar, sur la dissolution de Chambres dominées par la droite, et sur la formation d’une majorité et d’un gouvernement « de centre gauche » (Lefèvre – Spaak). En somme, l’establishment s’était vu contraint de prendre ses distances d’avec la stratégie agressive de son aile dure.

    Il faut dire que dans la plupart des « bastions » de la FGTB-ABVV, la reprise même résignée du travail s’était déroulée « dans l’ordre », délégués syndicaux en tête, tandis que dans bien des secteurs du mouvement ouvrier chrétien (et particulièrement de l’ACV-CSC) surgit une sérieuse crise à la suite de la non participation du syndicalisme « vert » à l’action décidée des principaux secteurs de son homologue « rouge ».

    Et, tandis que A. Renard et ses compagnons allaient pratiquer la « stratégie de l’Aventin » (c à d se retirer jusqu’à nouvel ordre des instances dirigeantes de la FGTB) G. Debunne et consorts, accompagnés par le PCB-KPB, allaient s’appliquer bientôt à construire le Front commun syndical avec l’ACV-CSC, et à exercer continûment une pression directe sur le PSB (plus tard sur le PS et le SP) et indirectement sur le CVP-PSC.

    Cette stratégie de la « mouvance Debunne » – avec laquelle, fort heureusement, allaient de plus en plus souvent converger celle des successeurs de A. Renard (prématurément décédé) et de ses successeurs à la tête du Mouvement Populaire Wallon, et non moins celle du PCB-KPB, allait faire beaucoup pour qu’en Belgique purent être préservées et même encore poursuivies pendant quelque vingt ans, les avancées sociales de l’après guerre. Ce n’est, en effet, qu’au début des années ’80, par delà la période des « grèves sauvages » d’après ’68, et les combats souvent « rentables », contre la vague de fermetures d’entreprises des années ’70, que la tendance au progrès social à la belge a commencé à s’inverser, notamment par les sérieux « coups de canif » portés au système de l’indexation. Cela alors que dans la plupart des pays voisins le tournant régressif (Thatcher et consorts) allait intervenir bien plus tôt.

    Cette « spécificité » belge – à laquelle l’apport de la stratégie à la fois dynamisante et rassembleuse du PCB-KPB ne peut être sous estimé – ne fut du reste pas étrangère à la phase plutôt sociale de la « construction européenne » (jusques et y compris avec Delors).Mais sans doute ceci n’est-il que le début d’une histoire autre que celle à laquelle a été consacré le présent colloque.

    Bruxelles, janvier et octobre 2010, publié en février 2011

  • Interview : Erik De Bruyn à propos de Rood

    Juste avant le 1er mai, SP.a Rood a annoncé qu’il continuait son existence sous le simple nom de ‘‘Rood’’ (Rouge), sans plus entretenir de lien avec le SP.a. Suite à la création de Rood en Flandre, nous avons discuté avec Erik De Bruyn concernant le comment et le pourquoi de ce mouvement.

    SP.a-Rood quitte le SP.a : Il nous faut une alternative à gauche des partis traditionnels

    Pourquoi est-ce que vous avez quitté le SP.a et pourquoi maintenant ?

    «Il y a plusieurs raisons. Le plus important est la situation politique en général. Le monde entier est sous l’emprise de la crise financière et économique depuis 2008. Le secteur bancaire a été sauvé par des transferts de pertes vers la collectivité. Les budgets s’enfoncent profondément dans le rouge depuis lors, notamment dans l’Union Européenne. Partout, la logique néolibérale reste dominante et, dans cette logique, la facture de la crise est présentée chez les travailleurs. 

    «En outre, il y a la crise interne du SP.a, qui est très profonde. Cette impasse est le résultat d’un opportunisme à court terme et d’un démantèlement idéologique du parti. Ces cinq dernières années, SP.a-Rood a fait tout ce qui était possible pour avoir un impact. Mais il n’y a eu aucun changement et il n’y a aucune perspective qu’un tel changement se produise. Alors nous n’avons plus de temps à perdre.»

    Comment est-ce que vous voyez ces cinq années de SP.a-Rood et la stratégie de pousser le parti vers la gauche ?

    «Ce n’était certainement pas un erreur d’essayer, c’était le trajet nécessaire pour arriver à Rood aujourd’hui. Nous n’aurions jamais pu quitter le SP.a de la même façon sans ce trajet. La tête haute et avec crédibilité, nous pouvons dire que nous avons tout essayé, de la participation aux élections internes et aux élections législatives au dépôt de centaines d’amendements,…»

    Dans quelle mesure est-ce que la base du parti a continué à disparaître les dernières années ?

    «Le parti a perdu 10.000 membres entre 2007 et 2010. Par coïncidence, c’est presque le même nombre de voix que ce que j’avais obtenu des membres du SP.a aux élections présidentielles du parti fin 2007. Cette érosion du nombre de membres est un phénomène présent dans tous les partis traditionnels. Le SP.a n’est pas une exception, au contraire.»

    Peut-être que la base n’est plus tellement importante pour le parti ?

    «En effet. Louis Tobback a réagi suite à mon départ en disant que, pour lui, De Bruyn ne vaut pas plus que sa cotisation annuelle de 12 euros. Cette déclaration n’est pas seulement arrogante mais aussi révélatrice. Le même vaut pour tous les membres du parti, ils ne valent pas plus que leurs cotisations annuelles pour la direction.»

    Quelles choses sont essentielles pour que Rood réussisse dans son projet ?

    «Nous devons d’abord veiller à garder la crédibilité de notre avant-projet, ce qui veut dire qu’il ne doit pas juste être un regroupement de la gauche. En plus, nous devons saisir l’esprit du temps. Nous devons donner des positions anticapitalistes sous une forme positive, nous devons construire le mouvement de la gauche en général, et fonctionner différemment des partis classiques. Dans le fonctionnement, nous devons avoir une forte interaction entre membres et représentants. Les nouvelles technologies de communications peuvent fournir beaucoup de possibilités.»

    «Mais, bien entendu, le programme que nous allons défendre, notre idéologie, reste le point crucial. Je veux aussi me référer au mouvement en Espagne. Un mouvement comme Rood, qui uni la vieille et la nouvelle culture politique, doit assurer qu’un tel mouvement ne s’éteint pas comme un pétard mouillé.»

    Comment est-ce nous pouvons convaincre la base de la FGTB de jouer un rôle actif dans la construction d’une nouvelle initiative politique ?

    «Je comprends très bien que la FGTB se trouve dans une situation difficile. Le SP.a est leur relais politique mais, en réalité, cela donne de plus en plus de problèmes. Le Pacte de Solidarité entre les Générations a été rédigé par des ministres du SP.a. Dans le dossier de l’Accord Interprofessionel, le SP.a n’était pas du même côté que la FGTB. Mais, de l’autre côté, le SP.a est le seul partenaire politique pour la FGTB en Flandre. En ce sens, je comprends le pragmatisme de la direction de la FGTB. A la base, la situation est différente, là nous recevons beaucoup de soutien pour notre initiative. Cela est en plus nécessaire si on veut arrêter le phénomène où des membres déçus de la FGTB votent pour des partis de droite.»

    Que pouvons-nous attendre de Rood dans les prochaines semaines et mois ?

    «Nous avons préparé une déclaration de principes et avons commencé la construction des sections locales. Le 19 mai, nous avons ainsi eu la création de la première section à Anvers avec 60 personnes présentes. Après l’été, nous allons publier un nouveau livre et accompagner la promotion de celui-ci en essayant de mettre sur pied de nouvelles sections partout en Flandre.

    «Fin juin, nous organisons une première action concrète. Le 30 juin, le dernier jour pour renvoyer les déclarations d’impôts, nous allons mener une action devant les bureaux des impôts. Nous allons publier plus d’infos sur notre site (www.linksrood.be). Fin 2011, il y aura aussi un congrès officiel pour lancer le mouvement. Nous avons beaucoup de boulot devant nous, et nous invitons donc tout le monde à collaborer à projet. »  

  • SP.a-Rood quitte le SP.a : Il nous faut une alternative à gauche des partis traditionnels

    Juste avant le 1er mai, SP.a Rood a annoncé qu’il continuait son existence sous le simple nom de ‘‘Rood’’ (Rouge), sans plus entretenir de lien avec le SP.a. En 2007, le porte-parole de Rood, Erik De Bruyn, avait obtenu 33,6% des voix lors des élections pour la fonction de président de parti. En tant que candidat de l’opposition à Caroline Gennez, il avait pu compter sur le mécontentement général au sein du parti après la défaite électorale de 2007.

    Par Bart Vandersteene

    Après ces élections internes, aucun élu n’a défendu SP.a-Rood. La direction avait promis plus de démocratie interne et l’adoption d’un profil plus à gauche, mais ces promesses n’ont pas été tenues. Parmi la base du SP.a, le potentiel pour rassembler une opposition contre la direction restait fort limité mais, au niveau électoral, De Bruyn a pu avoir un certain soutien. En 2009, il avait obtenu 8.355 voix pour la province à Anvers, soit le 4e résultat de la liste après le bourgmestre d’Anvers et deux parlementaires, dont la présidente du parti. En 2010, il avait récolté 21.300 voix pour le Sénat. Mais ce soutien électoral n’a pas été accompagné d’un engagement actif dans le parti.

    Le PSL n’a jamais cru au projet de SP.a-Rood, le SP.a n’étant plus le même parti que dans les années ‘70 et ‘80, à l’époque où s’y trouvait encore une base active parmi la classe ouvrière. Aujourd’hui, le SP.a n’est plus qu’une machine électorale avec une direction ‘gauche caviar’ et le cas symptomatique d’un ancien banquier (Bruno Tuybens) passant tout à coup d’un poste de cadre de la KBC à celui de secrétaire d’État aux Entreprises publiques au gouvernement ! Ce dernier n’a pas hésité à tenter de se profiler dans la discussion sur les bonus des managers alors qu’il a lui-même déjà reçu un bonus de 250.000 euros… Cette petite histoire résume l’état actuel du SP.a tout autant que sa crédibilité.

    Nous sommes heureux que SP.a-Rood ait décidé de quitter le SP.a et ait lancé un appel aux ‘‘milliers d’ex-membres du SP .a, de membre honnêtes du SP.a mais aussi aux autres socialistes’’ afin de resserrer les rangs et de ‘‘s’organiser pour qu’arrivent des réponses de gauche. Rood devient un mouvement socialiste combatif et moderne, ouvert à la collaboration et à l’unité pendant et entre les élections.’’

    Le PSL défend depuis déjà des années la nécessité de la construction d’un nouveau parti des travailleurs en réponse au vide politique. Que Rood puisse jouer un rôle dans ce processus reste encore à vérifier, mais cette initiative en a la possibilité et met l’accent sur l’absence actuelle de relais politique pour les revendications du mouvement ouvrier.

    Le PSL fera tout son possible pour soutenir Rood et mettre au centre du débat la formation d’un nouveau parti large des travailleurs.

  • La réponse politique de Gustave Dache au texte des quatre mandelistes de la LCR

    Suite à la publication du livre de Gustave Dache sur la grève générale de 60-61, la LCR avait fait une critique de l’ouvrage sur son site ("Comment Gustave Dache réécrit l’histoire de la grève de 60-61" *). Voici la réponse de Gustave.

    Je n’avais jusqu’ici pas eu la possibilité de trouver le temps nécessaire à la rédaction de cette réponse politique, étant donné les nombreuses conférences sur la grève générale de 60-61 que j’ai été amené à faire dans plusieurs endroits du pays et le suivi attentif que j’ai porté à la situation politique en Belgique, et notamment aux récentes luttes contre l’Accord interprofessionnel. Mais mieux vaut un peu tard que jamais. En politique, il n’y a jamais prescription.

    Par Gustave Dache, auteur du livre ""La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 1960/61"

    Je ne suis pas partisan d’entretenir, avec qui que ce soit, des querelles d’anciens combattants nostalgiques. Mais je ne pouvais rester politiquement indifférent au texte publié sur internet par quatre de mes détracteurs mandelistes de la LCR. J’ai donc voulu répondre, sans pour autant être exhaustif car cela m’aurait entraîné beaucoup trop loin.

    J’invite par contre ceux qui trouveraient mes réponses trop laconiques ou pas suffisamment complètes à prendre la peine de lire mon livre qui, lui, est beaucoup plus complet concernant mes analyses et critiques sur le sujet en question. Au-delà des querelles, ce qui me paraît politiquement le plus important, c’est de faire une analyse politique objective de la grève du siècle et d’en tirer les leçons afin de saisir toutes les possibilités et la portée révolutionnaire que cette grève générale historique a engendré. Mais il ne faut pas non plus négliger d’également rappeler les responsabilités écrasantes des partis politiques et des syndicats.

    Une analyse politique de la lutte de classe révolutionnaire, comme celle de l’hiver 60-61, suscite souvent la controverse, car la perception politique des un et des autres n’est pas nécessairement la même. Mais dans la pratique, cette perception doit déterminer une orientation qui a toujours une signification politique précise.

    ”Prendre la juste mesure de l’évènement”

    Les quatre auteurs de la réponse de la LCR ont une perception de la grève générale de 60-61 particulièrement restrictive. Sous le prétexte de ‘‘prendre la juste mesure de l’évènement’’, ils ont une fâcheuse tendance à systématiquement minimiser le sens réel et profond de la lutte de classe engagée ainsi que sa portée objectivement révolutionnaire, pour des raisons qui restent aussi évidentes aujourd’hui qu’hier. Ils n’ont pas senti le souffle brûlant de la révolte de la classe ouvrière, descendue dans la rue pour changer la société. C’est pourquoi l’on trouve chez Ernest Mandel et sa tendance autant d’acharnement à essayer de démontrer que la grève du siècle – qui restera dans la mémoire des grévistes comme la grève du million – n’était pas pour eux une grève générale aux implications révolutionnaires.

    En février 1961 déjà, dans la brochure ‘‘La grève belge de 1960-61’’, dont Ernest Mandel est l’un des principaux auteurs, on peut constater que la page 15 est entièrement consacrée à démontrer que la grève n’était pas générale, à cause du soi-disant fait que les travailleurs flamands n’avaient pas suivi le mouvement de grève. D’après Mandel et sa tendance, les travailleurs qui avaient fait grève n’auraient été ‘‘au total (…) quelque 400.000 travailleurs’’. Voilà ce qui explique que le journal La Gauche et Mandel sont restés muets sur la lutte pour le pouvoir engagée par les travailleurs dans cette grève générale sans précédent dans toute l’histoire du mouvement ouvrier belge, lutte pour le pouvoir découlant de toute grève générale qui paralyse toute l’économie d’un pays.

    Dans cette Belgique de décembre 60 – janvier 61, la lutte des grévistes pour le renversement de la bourgeoisie et pour le pouvoir ouvrier était implicitement présente. La situation ouverte par la grève générale elle-même était un fait concret de la lutte de classe révolutionnaire. Elle était d’ailleurs perçue comme telle par les commentateurs de la presse belge et par les commentateurs étrangers les plus avertis. Mais Ernest Mandel lui aussi était parfaitement conscient du contenu révolutionnaire de la grève générale et du problème du pouvoir qu’elle posait. Seulement, il n’était pas moins conscient de l’impossibilité de concilier la politique marxiste révolutionnaire à la base de la fondation de la Quatrième Internationale et celle du centrisme d’André Renard, avec lequel il ne voulait rompre à aucun prix. Le prix payé en restant à la botte de ce dernier a été l’abandon de la politique du trotskisme et du marxisme révolutionnaire de la IVe Internationale.

    Voilà pourquoi on trouve autant d’acharnement à nier l’évidence de la réalité de la grève générale, acharnement qui n’était en fin de compte que l’expression d’une capitulation face aux actes que la situation révolutionnaire exigeait de prendre et qui furent escamotés.

    Si aujourd’hui certains mandelistes reconnaissent timidement, du bout des lèvres et 50 ans après (mieux vaut tard que jamais) que la grève était une grève générale, si aujourd’hui ils l’admettent enfin, c’est parce que cela n’implique plus de devoir prendre directement les responsabilités révolutionnaires qui s’imposaient à l’époque.

    Prudence et soumission face à l’appareil renardiste

    Mon livre sur ”La grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire de l’hiver 60-61” démontre avec pertinence que cette grève générale était entrée dans une situation nettement révolutionnaire, insurrectionnelle dans ses actes et révolutionnaire dans ses objectifs. Cette publication a provoqué chez certains mandelistes de la LCR des réactions pour le moins controversées. Le contraire aurait été étonnant puisque, il y a presque 50 ans, en juillet 1962, prenait place une rupture politique, rupture entre la tendance Mandel et la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi, accompagnés de plusieurs jeunes militants trotskistes.

    Les divergences politiques qui avaient provoqué la rupture étaient irrémédiables et partaient de plusieurs points essentiels. Il était entre autres question de la tactique de prudence excessive et de soumission de La Gauche et de la tendance Mandel face à l’appareil renardiste. D’ailleurs, pour André Renard, le programme des réformes de structures préconisées par la FGTB adopté en 1954 et 1956, signifiait de passer du stade du capitalisme libéral à celui du capitalisme dirigiste, consistant à rendre l’économie capitaliste plus performante. Les dirigeants réformistes de la FGTB n’avaient pour seul but avec ce programme que de moderniser l’économie capitaliste. Ils ne voulaient en aucun cas remettre en cause les fondements même du régime capitaliste.

    Ce n’est pas que les militants révolutionnaires qui prirent, avant la grève générale, l’initiative de propager et de soutenir les réformes de structures, croyaient réellement en leur efficacité. Mais celles-ci pouvaient être un stimulant, un moyen transitoire pour provoquer la mobilisation des grandes masses ouvrières dans la lutte révolutionnaire pour le pouvoir. C’est ce qui s’est d’ailleurs en partie produit.

    Il était encore question du fait que certains dans le courant trotskiste étaient trop intégrés dans le PSB, par l’intermédiaire d’un entrisme sans perspectives révolutionnaires conséquentes. En effet, la tactique entriste pratiquée dans les organisations réformistes par Ernest Mandel et sa tendance a consisté en une prudence politique excessive, sous prétexte de ne pas affronter ouvertement les dirigeants des appareils bureaucratiques au risque, d’après eux, de se couper des masses. Mais à ce moment, parmi les masses, il y avait une tendance importante, surtout parmi l’avant-garde, à vouloir rompre avec la social-démocratie. Si cette volonté n’a pas été concrétisée, c’est par manque d’un relai et d’une direction politiques bien déterminés à rompre avec la social-démocratie capitularde.

    Cette pratique de prudence politique démesurée appliquée par Mandel et sa tendance comportait des risques d’abandon idéologique et d’intégration dans les structures des appareils réformistes. C’est ce qui c’est avéré fatal pour cette tendance. Pourtant, la tactique entriste – comme toute forme de lutte – devait se dérouler sous le drapeau déployé du marxisme révolutionnaire. Cette tactique ne pouvait se concevoir que pour accélérer le processus de maturité en vue de la rupture avec le réformisme afin de regrouper dans les plus brefs délais les forces révolutionnaires. C’est pourtant aussi ce que la Quatrième Internationale, à sa fondation (en 1938), avait clairement indiqué. Pour appartenir à cette organisation révolutionnaire, il fallait mener concrètement une lutte politique ouverte et systématique, dénonçant sans complaisance et sans délai la capitulation des directions staliniennes et réformistes de gauche comme de droite.

    Autre critique, le refus de dénoncer l’introduction intempestive du fédéralisme par André Renard en plein conflit de classe. Le fédéralisme n’était en aucun cas l’objectif de la grève. L’introduction du fédéralisme n’était pour ses partisans qu’une échappatoire, une sorte de sortie de secours, face aux objectifs radicalement anticapitalistes et révolutionnaires engagés par la classe ouvrière du pays et auxquels voulait échapper l’appareil renardiste.

    Enfin, il était aussi question du refus systématique de Mandel et de sa tendance de rompre avec le PSB en plein conflit, et même juste au lendemain, au moment où les grandes masses de grévistes avaient fait leur propre expérience dans la lutte de la capitulation et de la trahison de la direction social-démocrate réformiste du PSB et de la FGTB.

    La rupture politique de la plupart des vétérans trotskistes de Charleroi avec Mandel et sa tendance ne s’était pas produite à la légère. La plupart de ces vétérans étaient membres de la IVe Internationale depuis de nombreuses années. Il n’a d’ailleurs jamais été question pour ces vétérans de renoncer à la lutte révolutionnaire et encore moins de rompre avec le Programme de Transition adopté par la Quatrième Internationale à sa fondation, ni avec son fondateur Léon Trotsky.

    Compagnons de lutte de Léon Lesoil, lui-même ami de Trotsky qu’il rencontra en 1935 à Anvers pour regrouper les forces révolutionnaires, ces vétérans avaient une longue expérience des luttes révolutionnaires sur le terrain, puisque certains parmi eux avaient été très actifs durant les grèves générales de 1932, de 1936, de 1950 et de 1960-61. Quelques uns avaient aussi été animateurs de la grève des mineurs qui eut lieu sous l’occupation allemande en juin 1942 et la plupart avaient participé à la résistance.

    La dualité de pouvoir

    Aux yeux de certains sceptiques, cela peut paraître téméraire mais, effectivement, je reste intimement convaincu que la Belgique de 60-61 a connu une situation politique objectivement révolutionnaire au cours de laquelle toutes les conditions étaient réunies pour le renversement de la bourgeoisie et pour s’emparer du pouvoir.

    D’ailleurs, dans plusieurs endroits du pays, une dualité de pouvoir existait déjà. Mais à ce sujet, relisons ce que disait alors correctement, et sans équivoque possible, La Gauche, le 11 mars 1961 : ‘‘Bien plus que toutes ‘‘violence’’, que tout bris de vitre, que toute émeute, c’est ce pouvoir nouveau embryonnaire qui a fait trembler de rage la bourgeoisie, qui la frappée de frayeur.’’ Le nouveau pouvoir embryonnaire des comités de grève – avec les piquets de grève mobiles, le moteur essentiel de la grève générale – veillait au maintien de la paralysie totale de toute l’économie du pays et également de toute la circulation. C’est ce nouveau pouvoir embryonnaire qui a vraiment frappé de frayeur la bourgeoisie et qui a, en fait, ouvert une situation objectivement révolutionnaire.

    Mais certains militants trotskistes de la tendance d’Ernest Mandel qui étaient actifs dans ces comités de grève ont constaté eux-mêmes que les orientations et décisions politiques de la grève générale échappaient au contrôle et à la volonté des grévistes dans ces comités de grève, pourtant le moteur essentiel de la grève générale. Les décisions politiques étaient l’exclusivité du Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB. C’était pourtant ce pouvoir embryonnaire des comités de grève qui avait effrayé aussi bien la bourgeoisie que les appareils bureaucratiques des partis et syndicats ouvriers.

    Pour contrer l’exclusivité politique des réformistes du C.C.R.W., la tendance trotskiste de Charleroi proposait la tenue d’un Congrès national des comités de grève comme organe souverain des grévistes dans la grève générale et de l’action révolutionnaire des masses. Pour proposer ce mot d’ordre et faire de l’agitation systématique en ce sens, il suffisait de penser et d’agir en marxiste-révolutionnaire et pas en liquidateurs du trotskisme.

    Là aussi, Mandel et ceux de sa tendance dans les comités de grève ont choisi de sauvegarder leurs liens avec les appareils réformistes. Comme seule réponse à cette domination du CCRW, ils ont simplement choisi de proposer la tenue d’un ”Congrès extraordinaire de la FGTB.” Faire cette proposition dans La Gauche (le 24 décembre 1960), c’était en fait proposer que les décisions politiques sur la grève générale restent sous le contrôle de la clique bureaucratique su CCRW de la FGTB.

    Cette proposition politique de Mandel et de sa tendance n’était autre que l’expression clairement établie de la liquidation du Programme de Transition défini lors de la fondation de la Quatrième Internationale. En politique marxiste-révolutionnaire, il ne suffit pas de constater que les décisions politiques échappaient au contrôle des grévistes, il fallait réagir en conséquence pour que les décisions politiques sur l’orientation de la grève générale reviennent de droit aux grévistes. C’est ce qui n’a pas été fait par ceux-là mêmes qui se profilent comme révolutionnaires.

    Dans ces circonstances, si la classe ouvrière n’est pas parvenue à atteindre son objectif révolutionnaire, l’échec est incontestablement dû au fait qu’elle a été une nouvelle fois abandonnée. Elle s’est retrouvée sans direction capable de mener le combat de classe en cours jusqu’à son terme.

    En effet, la classe ouvrière radicalisée, engagée dans ce combat à mort, a été une nouvelle fois trahie par les directions traditionnelles du mouvement ouvrier, y compris par la gauche syndicale renardiste de la FGTB si appréciée par Ernest Mandel et sa tendance. Encore aujourd’hui, certains mandelistes restent convaincus qu’André Renard a, lors de la grève générale de 60-61, bien servi les intérêts de la classe ouvrière du pays. Cela confirme la plate soumission de Mandel et sa tendance au renardisme. Il faut pourtant se rendre compte que, durant cinq semaines de grève générale totale, des milliers et des milliers de grévistes sont descendus dans la rue pour exprimer avec ténacité leur volonté de monter à l’assaut du régime capitaliste dans la capitale. C’était d’ailleurs la signification profonde de la revendication d’une Marche sur Bruxelles, réclamée par les grévistes du pays.

    Une situation révolutionnaire

    Léon Trotsky disait notamment : ‘‘La grève générale a une tendance interne à se transformer en conflit révolutionnaire déclaré, en lutte directe pour le pouvoir’’ (Où va la France). Il est pourtant à constater que tous ceux qui se disent trotskistes ne sont visiblement pas d’accord avec cette position politique définie par Trotsky. Pourtant, qu’on le veuille ou non, qu’on soit d’accord ou non, que l’on en ait conscience ou non, qu’on veuille le nier ou non, la réalité est que la Belgique a connu en hier 60-61 une situation objectivement révolutionnaire qui posait directement, comme toute grève générale qui paralysie l’économie d’un pays, la question du pouvoir. Par contre, les quatre mandelistes de la LCR disent : ‘‘Nous ne partageons pas cette appréciation’’. Voici ce qu’ils disent précisément ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière, mais la situation n’a jamais été révolutionnaire’’.

    Aujourd’hui, après l’avoir nié pendant longtemps, les mandelistes ont découvert qu’effectivement il y avait bien eu une grève générale en Belgique et qu’elle était même, pour certains d’entre eux, pré-révolutionnaire. Les années passant, comparativement à la brochure ‘‘Forces et faiblesse d’un grand combat’’, il y a là un progrès théorique. Avec encore quelques dizaines d’années de patience, ils découvriront peut-être que cette grève générale de l’hiver 60-61 appartient comme toute grande grève générale à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’.

    D’un autre côté, ils reconnaissent aussi que ‘‘La grève du siècle a montré le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière.’’ Jusqu’ici, rien à redire, cette appréciation politique est correcte. Mais ensuite, là où ça se gâte, c’est quand ils affirment dans la même phrase que ‘‘la situation n’a jamais été révolutionnaire’’. Examinons en profondeur cette position politique.

    Si c’était réellement le cas, comme le prétendent obstinément les quatre de la LCR, alors une importante question doit impérativement se poser à tous les véritables marxistes-révolutionnaires de bonne foi : dans ces circonstances politiques, quel genre d’action radicale devrait être entreprise par les révolutionnaires pour transformer effectivement ce ‘‘potentiel révolutionnaire’’ en ‘‘situation révolutionnaire’’ ? Rester obstinément soumis, comme l’ont fait Mandel et sa tendance, à la discipline des appareils réformistes du PSB et de la FGTB ? Ces mêmes appareils qui pratique depuis toujours et en toutes circonstances la collaboration de classe et l’intégration continue au régime capitaliste ? Certainement pas. En restant docilement à la remorque de la tendance de gauche néo-réformiste, au centrisme du renardisme ? Certainement pas.

    Les marxistes-révolutionnaires se réclamant de la IVe Internationale dignes de ce nom devaient-ils mener oui ou non une agitation politique conséquente en s’appuyant sur la volonté de lutte des masses en mouvement dans le but d’amener de larges couches à prendre conscience de la nécessité de remettre en question le fondement même de l’État bourgeois ? Cela n’est possible qu’en étant libéré de toute entrave tactique de la discipline bureaucratique des appareils réformistes de gauche et de droite, dans le but d’accentuer et d’approfondir la lutte potentiellement révolutionnaire en cours, pour la faire évoluer, en acceptant toutefois qu’elle ne l’était pas, en situation révolutionnaire. Même au risque d’exclusion du PSB en plein conflit, cette mission était impérativement à accomplir courageusement. Certainement que oui.

    L’agitation des marxistes-révolutionnaires devait se développer autour de voies et de moyens propres à organiser la lutte des grévistes contre l’État bourgeois. Les grévistes des secteurs décisifs de l’économie du pays étaient engagés dans une action qui mettait en question l’existence même du régime capitaliste. Dans ces circonstances, la priorité est toujours de donner aux grévistes l’armement politique dont ils avaient besoin dans cette lutte pour le pouvoir. Cette tactique d’agitation révolutionnaire, dans un conflit classe contre classe et généralisé comme celui de 60-61, aucun marxiste digne de ce nom ne peut s’y soustraire. Malheureusement, cela n’a pas été fait par ceux qui pourtant se prétendaient le symbole de la gauche révolutionnaire.

    Lors d’une grève générale, dire prétentieusement que la ‘‘situation n’a jamais été révolutionnaire’’ comme le font encore aujourd’hui certains mandelistes de la LCR, c’est en soi révélateur d’un manque de confiance dans la capacité révolutionnaire des masses. Ce qui en découle inévitablement, c’est une incompréhension de la théorie et de la pratique du marxisme. C’est ce qui engendre toute une série de contradictions politiques et d’appréciations politiques incorrectes.

    Il faudrait tout d’abord savoir quel sens et quelle nature politique profonde les mandelistes accordent-ils réellement à une grève générale telle que celle de l’hiver 60-61, reconnue par tous comme étant historique. Ensuite, avant de contester à tord, il faudrait tout d’abord qu’ils se mettent d’accord entre eux. Parce que, dans la réalité, ce n’est certainement pas le cas.

    Je vais partir ici de citations et d’affirmations politiques correctes, qui seront peut-être plus facilement acceptées par mes quatre détracteurs de la LCR puisqu’elles sont issues de leur maître à penser politique, qui n’est autre qu’Ernest Mandel, auquel ils se réfèrent si souvent. Ne disait-il pas, dans ses moments de lucidité politique, à propos de la grève générale de 60-61 qu’elle était : ‘‘profondément anticapitaliste et objectivement révolutionnaire’’ (Force et faiblesse d’un grand combat, p.23) ?

    Hélas, Mandel le disait en 1962, après le conflit. Mieux vaut tard que jamais. Mais de toute façon, le marxisme ne saurait se contenter d’affirmation politique correcte après coup. Cette affirmation, à laquelle on peut souscrire sans réserve, avait des implications politiques concrètes à prendre dans la lutte de classe au moment où celle-ci se déroulait. C’est suivant leur attitude face à ces implications, prises ou pas, que l’on doit objectivement juger ces auteurs. Mais, hélas, dans le cas de Mandel et de sa tendance, de fut pour le moins décevant.

    Inutile de dire que la plupart des militants trotskistes de Charleroi partageaient entièrement et sans réserve l’analyse portant sur le caractère ‘‘objectivement révolutionnaire’’ de la grève générale de 60-61. Dans ces circonstances politiques objectivement révolutionnaires, il ne doit plus faire aucun doute pour un révolutionnaire que la grève générale insurrectionnelle et révolutionnaire était indiscutablement susceptible de remettre en cause le régime capitaliste. Dans ces conditions, il était objectivement nécessaire d’agir politiquement dans le sens de la lutte pour le pouvoir.

    François Vercamen, du Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale et mandeliste lui-aussi, va également beaucoup plus loin dans son analyse sur les grèves générales que mes quatre détracteurs lorsqu’il classe la grève générale de 60-61 dans la catégorie des grèves générales semi-révolutionnaires : ‘‘(…) les grèves générales belges (1950-1960/61), la grève générale en Grèce (1965), Mai ’68 en France et Italie (1969-73-75), la révolution au Portugal (1974-75). Ces luttes semi-révolutionnaires sont d’une ampleur et d’une force inégalée.’’ (François Vercamen, Ernest Mandel et la Capacité Révolutionnaire de la Classe Ouvrière, http://www.ernestmandel.org/fr/surlavie/txt/ernest_mandel_et_la_capacite_revolutionnaire.htm) Ce n’est pas encore là une analyse politique qui reflète la situation objectivement révolutionnaire de la grève générale belge de 60-61, mais c’est déjà un énorme pas en avant vis-à-vis de mes quatre détracteurs. Mais tous en restent à une analyse politique qui se situe en dessous de la réalité objectivement révolutionnaire.

    Cette analyse est donc un énorme pas en avant vis-à-vis de la position politique de mes quatre détracteurs mandelistes de la LCR qui n’ont toujours pas compris qu’une grève générale porte en elle l’essence d’une situation révolutionnaire. Pour ces détracteurs de la LCR, il est toujours nécessaire de rappeler constamment, comme le disait couramment Trotsky, que : ‘‘la grève générale, comme le sait tout marxiste, est un des moyens de lutte les plus révolutionnaires.’’ (Où va la France) D’ailleurs, pour les véritables marxistes révolutionnaires, il y a très longtemps qu’il n’est plus question de savoir que la grève générale ‘‘est un des moyens de lutte des plus révolutionnaires’’ puisque cette question a déjà depuis longtemps été tranchée par Rosa Luxembourg, que Lénine surnomma la ‘‘représentante du marxisme la plus authentique’’ lorsqu’elle disait en parlant de la grève générale que : ‘‘En réalité, ce n’est pas la grève en masse qui produit la révolution, c’est la révolution qui produit la grève en masse’’ (Grève de masse, parti et syndicat) Raison de plus pour considérer que, comme c’est la révolution qui produit la grève générale, dans ces circonstances politiques tout à fait particulières, il est d’une évidence tout à fait incontestable que lorsqu’il y a effectivement une grève générale comme en 60-61 en Belgique, la situation est objectivement révolutionnaire.

    D’ailleurs, tout au long de sa vie, Lénine montra avec une détermination inébranlable ‘‘qu’il fallait préparer activement une situation révolutionnaire’’ même en période de mouvement de grève moins généralisé, avec toujours comme objectif essentiel de contraindre l’adversaire à céder. Mais aujourd’hui comme hier, si les pseudos-marxistes belges continuent à réfuter ces vérités définies par des figures incontestablement reconnues historiquement, c’est certainement parce qu’ils n’ont lu ni Lénine, ni Trotsky, ni Rosa Luxembourg à la bonne page.

    Par contre, ce que notre tendance trotskiste de Charleroi a constaté, c’est qu’Ernest Mandel est incontestablement resté pendant ‘‘ces heures décisives’’ de 60-61 un militant discipliné du Parti Socialiste Belge. D’ailleurs, les dirigeants réformistes du PSB ont pu tolérer pendant la grève générale son gauchisme verbal qui resta malgré une ‘‘situation objectivement révolutionnaire’’ dans les limites du cadre de simple pression sur le parlementarisme, sans déborder sur des objectifs révolutionnaires.

    L’exemple de la ‘‘Marche sur Bruxelles’’ est édifiant à cet égard. Selon La Gauche et Mandel, ce n’était pas une mobilisation générale de la classe ouvrière en vue d’un affrontement révolutionnaire dans la capitale, mais plutôt une manière de faire pression sur le parlement : la classe ouvrière ‘‘y pèserait de tout son poids sur le Parlement’’ ou encore ‘‘Notre proposition n’a rien d’insurrectionnel. Elle est parfaitement légale.’’ Et en effet ô combien légale et peu insurrectionnelle. Dans ces circonstances d’une légalité on ne peut plus parfaite, il n’était pas du tout possible d’œuvrer pour la révolution socialiste.

    L’histoire de la lutte de classe internationale nous enseigne que lorsqu’une situation est objectivement révolutionnaire, elle exige de l’audace politique de la part de ceux qui jusque là se définissaient comme révolutionnaires. Laisser échapper une crise révolutionnaire sans tout tenter pour la faire aboutir est déjà une capitulation des intérêts de la révolution. Le combat spontané des masses, si puissant soit-il, ne peut à lui seul arracher la victoire du socialisme.

    Comme le disait également Trotsky : ‘‘La grève générale n’est possible que dans les conditions d’une extrême tension politique et c’est pourquoi elle est toujours l’expression indiscutable du caractère révolutionnaire de la situation’’ (Où va la France) Cette citation exprimée en mars 1935 reflète très exactement la situation révolutionnaire qui existait en Belgique en hiver 60-61.

    Pourtant, pour les quatre mandelistes de la LCR, la grève générale de 60-61 n’appartient pas à la catégorie des ‘‘luttes révolutionnaires’’. Et, par conséquent, elle n’était pas davantage une ‘‘situation révolutionnaire’’. Si, par lutte révolutionnaire, on entend un soulèvement armé, c’est absurde. Au début d’une grève générale révolutionnaire, les travailleurs en grève ne sont généralement pas armés. Mais quand certains en viennent précisément à s’armer au cours des épisodes successifs de la lutte de classe pour le pouvoir, c’est alors un indice sérieux de la volonté révolutionnaire des grévistes, qui ne peut tromper que ceux qui ne veulent rien voir, rien entendre, rien comprendre et surtout ne rien entreprendre de sérieux qui puisse aboutir à la victoire de la lutte révolutionnaire engagée. Voici quelques exemples. Plusieurs acteurs de la grève générale ont pu voir des grévistes armés dans l’émission de la RTBF du 14 décembre 2010 ‘‘Ce jour-là’’. Jean Louvet, militant de la CGSP à l’époque, se souvient qu’il a vu des gens armés : ‘‘J’ai vu des armes sorties de la résistance’’. Il n’y a d’ailleurs pas que les grévistes à les avoir vues. D’après le rapport d’état-major de la gendarmerie, fourni au Ministre de l’Intérieur, au sujet des faits survenus lors de la période de grève du 20 décembre 1960 au 20 janvier 1961 : ‘‘les piquets de grève ont été particulièrement actifs et parfois même brutaux (…) Certains des membres qui les composaient étaient armés’’. (Annales Parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2)

    En pleine grève générale, avec des arrestations arbitraires presque tous les jours dans le pays (environ 3.000 arrestations de grévistes ont eu lieu durant la grève), être appréhendé porteur d’armes à feu, c’était prendre des risques aux conséquences très graves. Bien des grévistes étaient partagés entre leur volonté révolutionnaire et les risques qu’ils encouraient. Plusieurs n’hésitèrent pourtant pas à prendre ces risques énormes, pour la victoire de la grève. Voici quelques exemples relevés par la gendarmerie, parmi de nombreux autres.

    • ”A Ath – Coup de feu. Le sous-chef de gare de Ath a essuyé un coup de feu tiré du viaduc de Ath. Il venait de son domicile et était accompagné de gendarmes.”
    • ”A Liège, 2 arrestations par la BSR pour bris de vitres, jet de billes sur toit vitré et port de pistolet.”
    • ”A Polleur, un coup de feu a été tiré contre un autobus de la ligne Verviers-Malmédy.”
    • ”A Sombreffe une arrestation, transport de fusil de chasse par gréviste dans V.W.”
    • ”A Trembleur, des coups de feu contre un car transportant quelques ouvriers de charbonnage.”
    • ”La brigade d’Herstal a saisi deux pistolets.”
    • ”Une arrestation à Piéton, pour port d’arme prohibé.”
    • ”A Fléron, coup de feu dans les vitraux d’un café.”
    • ”A Marienbourg, menaces à l’aide d’armes.”
    • ”A Chatelet, un des deux individus transportant des bouteilles d’essence était porteur d’un pistolet 22 long avec balles, dont la tête avait été limée et fendue.”
    • ”Au puit 6, à Anderlues, huit individus ont tenté sous la menace de leurs armes de s’approprier des explosifs.”

    Tous ces exemples sont issus des Annales parlementaires, 4 XI, 1960-1961 n°2.

    Si, après cette brève énumération de grévistes porteurs d’armes à feu – et qui ont parfois fait feu – certains mandelistes considèrent toujours que la ”situation n’a jamais été révolutionnaire”, alors c’est peine perdue de pouvoir les convaincre de quoi que ce soit.

    Tous ces coups de feu tirés, ces arrestations de grévistes en possession d’armes à feu en plus des quelque 100 actes de sabotage par jour, les grévistes n’hésitant pas à risquer leur vie pour les commettre, tout cela ne peut que démontrer l’extraordinaire volonté et la détermination des grévistes d’aller jusqu’au bout de la situation effectivement révolutionnaire qui existait. Tous ces actes ont été l’expression de tout le potentiel d’une situation insurrectionnelle et révolutionnaire de la grève générale.

    Durant cette mobilisation spontanée et gigantesque, sans précédent dans l’histoire ouvrière belge, toutes les digues des directions traditionnelles furent complètement débordées. Toute l’économie du pays était complètement paralysée par la grève générale. C’est dans ce contexte que le secrétaire général de la FGTB nationale et député socialiste d’Anvers, Louis Major, a déclaré sous forme d’excuses à la Chambre le 21 décembre 1960 que: ”Nous avons essayé, Monsieur le Premier Ministre, par tous les moyens, même avec l’aide des patrons, de limiter la grève à un secteur professionnel.” (Annales parlementaires, 1960, p. 20) Cool, le président de la CSC, dira quant à lui : ”Je ne tiens plus mes troupes en main. En dépit de mes consignes (…) je ne réponds pas de ce qui pourrait arriver.”

    Ces déclaration expriment l’impuissance des dirigeants syndicaux nationaux de pouvoir arrêter le débordement des appareils, débordement ouvrier qui inonda la société toute entière. Mais malgré tout ce qui précède, les quatre mandelistes de la LCR ne sont toujours pas de cet avis. Voici ce qu’ils en disent:

    ”Le marxisme révolutionnaire parle de grève générale quand le fleuve ouvrier déborde les digues et inonde la société au point que plus personne ne sait quand et comment le faire rentrer dans son lit. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que toute grève générale ouvre une situation potentiellement révolutionnaire, donc potentiellement insurrectionnelle.”

    Mais, justement, c’est ce qui s’est réellement passé dans les faits. Même un réformiste de droite comme Louis Major a publiquement avoué au Parlement, deux jours seulement après le déclenchement de la grève générale, que: ”Personne ne peut plus aujourd’hui arrêter le mouvement” (Annales parlementaires 22/12/60, p.7) Le journal Le Peuple s’indigne que ”le PSC ait osé qualifier les grèves d’insurrectionnelles.” La presse socialiste de Charleroi du 23 décembre 60 parle de M. Eyskens en disant: ”Il est le chef d’un parti qui n’a pas hésité à provoquer une atmosphère de guerre civile.”

    Le Comité de coordination des régionales wallonnes de la FGTB, présidé par André Renard et composé des dirigeants réformistes de la FGTB, qui était l’expression réformiste de l’appareil syndical de la FGTB dans sa fonction de collaboration de classe avec le patronat et qu’on ne peut en aucun cas cataloguer comme révolutionnaire, avait pourtant souligné avec satisfaction que le mouvement a ”renoué magnifiquement avec les plus nobles traditions révolutionnaires du mouvement socialiste des années glorieuses de la fin du siècle dernier.” Ce comité composé de réformistes avait-il une perception plus exacte de la situation de la grève générale que les pseudo-révolutionnaires mandelistes qui n’ont toujours pas senti le souffle brûlant de la lutte révolutionnaire qui se déroulait sous leurs yeux en 60-61?


    * L’intégralité du texte de la LCR, se trouve à la fin de la seconde partie de cette réponse (voir ci-dessus)

  • Il faut briser la norme salariale dans les négociations sectorielles

    Après différentes actions contre la norme salariale de 0,3% et le maintien de la discrimination entre statuts d’ouvrier et d’employé, les négociations sectorielles vont commencer. C’est l’occasion de briser cette norme salariale et de mettre en avant des revendications offensives, si possible en front commun syndical.

    Article tiré de l’édition d’avril de Lutte Socialiste

    Les actions contre l’AIP

    La majorité des syndicalistes s’est prononcée contre la proposition d’Accord Interprofessionnel, dans les trois gros syndicats et contre leurs propres directions nationales. Seules la FGTB et la CGSLB ont respecté cette majorité et sont partis en action. Mais les manifestations et actions régionales étaient relativement désorganisées, sans mot d’ordre clair donné suffisamment longtemps à l’avance. La journée d’action du 4 mars a toutefois été un succès. Différents secteurs et zonings industriels étaient à l’arrêt, tout comme le port d’Anvers qui, aux dires du chef de l’autorité portuaire, a perdu un million d’euros par heure. La fédération patronale du métal, Agoria, a perdu 20 millions d’euros de revenus et 35.000 journées de travail.

    Il faut refuser la norme salariale !

    Avant et après la journée d’action nationale du 4 mars, la volonté d’avoir de nouvelles actions était grande, mais l’absence d’un plan d’action a miné le potentiel de la journée du 4 mars. Il a bien été question du sommet de l’Union Européenne du 24 mars (voir en page 5), mais le débat concernant l’AIP a été renvoyé aux négociations sectorielles.

    Au cours des actions contre l’AIP, les informations concernant les augmentations salariales des directions d’entreprises, de plus de 0,3% évidemment, ont fait tache. Maintenant qu’aucun accord national n’a été conclu, les négociations dans les secteurs et les entreprises peuvent commencer, pour obtenir des augmentations salariales décentes.

    L’exemple allemand : 7%

    Quant on parle de salaire, le patronat aime bien se référer au modèle allemand de bas salaires et de travail flexible (voir notre édition de février). Une part grandissante des travailleurs allemands tombe dans le secteur des (très) bas salaires, mais les secteurs traditionnellement plus forts n’hésitent pas à défendre des augmentations importantes. Le syndicat de la chimie IG BCE revendique 7% d’augmentation pour une année (index compris) pour les 550.000 travailleurs du secteur. La production de ce secteur a augmenté de 11% en 2010, le chiffre d’affaire de 17,5% et la marge de bénéfice a aussi augmenté. Dans la télécommunication, les syndicats allemands revendiquent 6,5% d’augmentation. Ils ont manifesté et fait grève en février contre la ‘‘proposition’’ patronale de 1,08%.

    Suivons ces exemples pour les négociations sectorielles. Yvan De Jonge, secrétaire de la FGTB-Alimentation, a déclaré à la presse que : “Toutes les indications nous donnent le droit de demander plus que les 0,3% qu’ils veulent aujourd’hui nous donner. Par exemple, Coca-Cola a réalisé en 2009 un bénéfice 96% supérieur à la moyenne des 10 dernières années et en 2010 il sera trois fois supérieur à la moyenne. Quick a engrangé un bénéfice en hausse de 109% par rapport à la moyenne des dix dernières années. Des entreprises comme Candico, Dossche Mills, CSM notamment ont engrangé de ‘superbénéfices’.’’ Il a aussi dénoncé qu’alors que les bénéfices des entreprises augmentent, le personnel doit travailler 10% plus dur qu’il y a dix ans. Pour les barèmes minimaux, la FGTB-Alimentation revendique 4,5% d’augmentation.

    Quelques arguments…

    “Il n’y a pas de marge pour une augmentation de salaire”

    Au beau milieu de la crise, en 2009, au moins 10 entreprises présentes dans notre pays ont réalisé plus d’un milliard d’euros de profit (presque 30 milliards d’euros ensemble). Les 18 entreprises du Bel20 qui ont fait connaître leurs résultats pour 2010 parlent de 16 milliards d’euros de profit, soit 30% de plus qu’en 2009. Environ la moitié de ces bénéfices seront versés aux actionnaires.

    Alors qu’on nous demande de nous serrer la ceinture, il n’y a pas de problèmes pour les topmanagers et les politiciens. Les 13 managers les plus hauts placés d’ABInbev reçoivent 20,33 millions d’euros en salaires et bonus. Et nous ?

    “Nous voulons partir en action, mais ceux de la CSC ne veulent pas…”

    S’il y a division au sommet syndical, ce n’est pas le cas à la base dans le cadre de l’AIP. Le militant de la LCB (centrale flamande des employés de la CSC) Jon Sneyers a effectué une recherche sur les votes concernant l’AIP dans la CSC, qui démontre que 55% de la base s’est opposée au projet, chiffre ‘‘transformé’’ en 67% de ‘OUI’ avec différentes manipulations. Mais à la direction de la FGTB, on trouve aussi des coupables : la secrétaire générale Anne Demelenne a signé le projet d’Accord Interprofessionnel avant que sa base ne le rejette.

    Les manœuvres au sommet entraînent très certainement des tensions à la base, mais il ne faut pas les favoriser. Le 4 mars, des militants de la CSC étaient aussi présents aux piquets, et la CNE/LBC avait fait une action particulièrement réussie le 28 février à Bruxelles, avec une petite délégation de militants de la FGTB. Travaillons l’unité à la base, les directions pourront moins facilement jouer avec nos pieds.

    “Nous voulons partir en action, mais pas les Flamands…”

    Cet argument, on peut souvent l’entendre du côté francophone: les Flamands seraient de droite et pas combatifs. Le 4 mars, il y avait 2.500 manifestants à Gand, 2.000 à Anvers, un millier à Louvain, et le port d’Anvers était totalement à l’arrêt. Avec des actions ce jour-là souvent mieux organisées que du côté francophone. Cet argument d’une moindre volonté de lutter en Flandre est faux, et ne doit pas être répéter si on veut construire un mouvement plus offensif.

    Aucun parti traditionnel ne soutient les positions des travailleurs

    Si cela nécessitait encore confirmation, le syndicat socialiste des employés SETCa et la Centrale Générale ont eu l’occasion de s’en apercevoir en faisant la tournée des partis traditionnels les 6 et 17 mars : aucun parti n’a soutenu les revendications syndicales.

    Les partis gouvernementaux, y compris le PS, ont soutenu la proposition d’AIP, avec la norme salariale de 0,3% et le maintien de la discrimination entre statuts ouvrier et employé. Cette proposition a d’ailleurs aussi reçu le soutien de la N-VA. Le 4 mars, Bart De Wever s’est explicitement prononcé contre les actions pour de meilleurs salaires, a parlé d’une ‘‘ville occupée’’ et a exigé l’intervention de la police contre les grévistes. Nous avons bien vu ce qu’il fait du droit à l’action collective.

    Quand la proposition scandaleuse d’AIP est sortie des négociations du ‘‘groupe des dix’’, le PS a déclaré que ‘‘Cet accord donne une nouvelle fois tout son sens au maintien au niveau fédéral de la concertation sociale interprofessionnelle, pivot de la compétitivité de nos entreprises, de la formation des salaires et des conditions de travail de milliers de travailleurs’’. Quand le gouvernement a cherché à imposer son projet, le PS a soutenu ce dernier dans un communiqué se terminant par : ‘‘Pour le PS, la priorité absolue est d’aboutir à un accord interprofessionnel équilibré et de garantir la paix sociale, dans une situation de crise particulièrement difficile.’’

    On ne doit rien attendre de ces partis. Si les syndicats laissent tomber la question du prolongement politique de leur résistance contre l’AIP, ils reviendront vers les partis traditionnels la queue entre les jambes. Il est grand temps de rompre tout lien entretenu avec les partis traditionnels! Les militants combatifs doivent commencer à discuter de la façon de construire leur propre instrument politique, un nouveau parti des travailleurs.


    Quelques chiffres sur les salaires…

    A Bayer, les syndicats ont publié un tract comprenant les chiffres des profits de leur entreprise. En 2010, Bayer a eu 1,3 milliards d’euros de bénéfices, après impôts. De l’aveu même de la direction, le chiffre d’affaire a été cette année-là le plus élevé de l’histoire de l’entreprise.

    En 2010, les dividendes par action ont été augmentés de 0,10 euro pour atteindre 1,5 euro. Les actionnaires ont reçu au final 1,24 milliards d’euros, soit 7% de plus qu’en 2009.

    Les 6 membres du “bureau de management” ont reçu 10 millions d’euros en 2010, 13,5% de plus qu’en 2009. Le CEO (chief executive officer) Dekkers a gagné 80 fois plus qu’un simple ouvrier

    Les travailleurs du site d’Anvers ont, eux, reçu une prime unique de 225 euros…

    Si les actionnaires peuvent recevoir 7% de plus et les managers 13,5%, pourquoi doit-on se contenter de 0,3% ?

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