Tag: Antiracisme

  • Racisme. Tout ce qui nous divise nous affaiblit !

    Unité dans la lutte pour l’accès au logement et à un enseignement de qualité pour toutes et tous !

    La guerre en Ukraine a fait comprendre à de larges pans de la population que personne ne laisse tout derrière soi pour fuir par plaisir. A travers le monde, la guerre choque et, comme toujours dans les moments de crise, la solidarité de la classe des travailleur.euse.s est impressionnante. Des milliers de personnes se portent volontaires pour accueillir des réfugié.e.s ukrainien.ne.s. Profitons-en pour renforcer la solidarité avec les réfugié.e.s de toutes origines !

    Pour Poutine, la guerre est un calcul géopolitique. Pour le peuple ukrainien, c’est une terrible tragédie à l’énorme coût humain. Ailleurs, c’est la classe des travailleur.euse.s qui en fait les frais. Par le chômage et les pénuries en Russie, avec l’envolée des prix de l’énergie et bientôt de l’alimentation ici. À Anvers, 400 travailleur.euse.s de l’industrie chimique sont menacé.e.s de chômage technique en raison des sanctions prises à l’encontre de l’oligarque russe qui possède la société EuroChem. L’afflux de réfugié.e.s aggravera les conséquences du manque de moyens pour les crèches, les logements abordables ou les services publics. Les réfugié.e.s ukrainien.ne.s sont déjà mis en concurrence avec d’autres réfugié.e.s, y compris ceux qui ont fui l’Ukraine.

    Les pénuries nourrissent les tensions et les divisions et certains en profitent pour monter les différents groupes de population les uns contre les autres. La meilleure riposte est l’unité dans la lutte pour des conditions d’accueil adéquates pour chaque réfugié.e, mais aussi pour l’accès à un enseignement gratuit et de qualité ainsi qu’à un logement abordable pour chacun.e. Le mouvement des travailleur.euse.s, qui est particulièrement bien organisé en Belgique, doit prendre la tête de cette lutte collective pour le progrès social. C’est ainsi que l’espoir d’un meilleur avenir pourra l’emporter sur le désespoir et la frustration qu’exploite l’extrême droite.

    Il nous faut construire un puissant mouvement international anti-guerre. Nous ne pouvons pas laisser cette tâche à la population ukrainienne qui organise héroïquement son autodéfense ou à la population russe qui continue à de se mobiliser contre la guerre en bravant la répression et la menace d’années d’emprisonnement. Nous aussi, nous avons besoin d’un mouvement de masse contre la guerre. Non pas pour soutenir la course impérialiste aux armements ou renforcer une machine de guerre telle que l’OTAN, mais pour défendre les intérêts communs de la classe des travailleur.euse.s et de toutes les personnes opprimées. Nous n’avons aucun intérêt dans la guerre et la destruction, où que ce soit dans le monde.

    Les tensions croissantes entre grandes puissances, en particulier les États-Unis et la Chine, constituent le contexte global de la guerre en Ukraine. Ces tensions qui sont nées de la faillite du capitalisme. « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage », observait le socialiste français Jean Jaurès juste avant la Première Guerre mondiale. « Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme », déclarait Malcolm X. « C’est tout le système qui est coupable », a-t-on pu entendre dans les manifestations Black Lives Matter ou les mobilisations féministes.

    Nous devons renverser ce système capitaliste. Il renforce la gravité de chaque crise, de la crise climatique à la pandémie en passant par la guerre et la misère sociale. Organisons-nous et luttons en faveur d’un système où les ressources et les richesses disponibles seront démocratiquement utilisées dans l’intérêt de la majorité de la population. Cette société, une société socialiste démocratique, est nécessaire pour mettre fin aux guerres, aux pénuries et aux tensions sociales.

    Que faire contre la guerre ?

    * Organisez un sit-in ou une autre action contre la guerre dans votre école ou à l’unif’ ! Solidarité avec les jeunes et les travailleurs en Ukraine, stop à la guerre de Poutine ! Solidarité avec les mobilisations antiguerres en Russie ! Non à toutes les formes d’impérialisme et de guerre ! Contactez-nous pour plus d’informations.
    * Participez à la manifestation nationale contre la guerre du dimanche 27 mars à 13h30 à Bruxelles Nord. Rejoignez notre bloc contre la guerre et le capitalisme !
    * Lisez l’édition antiguerre du mensuel Lutte Socialiste ! Ce journal offre des analyses, des arguments et des propositions pour le développement du mouvement antiguerre. Un exemplaire revient à 2 euros, mais vous pouvez prendre un abonnement ! Plus d’informations sur www.socialisme.be

  • George Floyd. Le policier Derek Chauvin condamné pour meurtre, une victoire arrachée par la lutte

    L’agent de police Derek Chauvin a été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation pour le meurtre de George Floyd ‼
    Ce meurtre raciste avait déclenché le plus grand mouvement de contestation de l’histoire des États-Unis. Le fait que Chauvin ait été jugé coupable démontre l’importance des mobilisations de masse : tout le mérite de cette victoire revient à ce mouvement.

    Pour nos camarades de Socialist Alternative aux Etats-Unis, il faut garder à l’esprit que l’establishment du parti démocrate, qui porte également la responsabilité de la mort de George Floyd, a sacrifié une “pomme pourrie” pour tenter de préserver son arbre pourri.
    Nous devons maintenir la pression pour arracher un véritable changement !

    Le procès des trois complices de Chauvin sera d’autant plus tendu. Leur procès ne commence que le 23 août et se poursuivra jusqu’à l’automne, polarisant sans doute les élections de novembre à Minneapolis. Les activistes socialistes, le mouvement ouvrier et les militants contre les violences policières feront face au défi crucial d’assurer l’implication de la classe ouvrière dans la lutte pour une approche de la sécurité publique qui repose sur les communautés locales. Nous devons nous organiser dès maintenant !

    Dans le sillage de ce cri de masse contre le racisme systémique, les Républicains ont fait passer des projets de loi à travers le pays pour criminaliser les protestations. Les quartiers populaires du Minnesota ont été terrorisés par l’opération Safety Net, une coalition de forces de l’ordre de toute la région utilisant la Garde nationale comme escorte armée, avec le soutien de l’establishment démocrate. Rien de tout cela n’a empêché le meurtre de Daunte Wright, 20 ans, à Brooklyn Center, ou d’Adam Toledo, 12 ans, à Chicago.

    Il faut s’appuyer sur la victoire de cette condamnation pour lutter en faveur d’un monde meilleur et d’un changement structurel. Nous devons nous battre pour des assemblées de masse dans les communautés locales afin de décider démocratiquement des prochaines étapes du mouvement, notamment un conseil de surveillance communautaire démocratiquement élu ayant le pouvoir d’embaucher, de licencier et d’assigner à comparaître les agents de police et qui pourrait débarrasser les services de police de toute personne ayant un passé raciste, sexiste, fondamentaliste religieux ou violent. Nous devons réduire de moitié le budget de la police et taxer les riches pour financer le logement, l’emploi et l’éducation.

    Nous devons construire un mouvement de masse par delà les couleurs de peau pour changer fondamentalement de société et démanteler ce système capitaliste raciste.

  • 21/03 Journée internationale contre le racisme – Combattons le racisme par la solidarité!

    17h Rassemblement devant l’Église du Béguinage

    A l’appel de l’Union pour la régularisation des sans-papiers, de Jeunesses en lutte, de la Campagne Solidarity et d’Amitiés sans frontières. Le texte qui suit est le tract des Etudiants de Gauche Actifs et de la Campagne Solidarity. 

    Le racisme est une réalité quotidienne en Belgique. Discrimination sur le marché de l’emploi, sur le lieu de travail, sur le marché locatif, etc. Contrôle au faciès, intimidation, harcèlement et violence raciste policière. Cette brutalité policière conduit également au meurtre. Nous exigeons que justice soit rendue à Semira, Mawda, Mehdi, Adil , Ibrahima et à bien d’autres victimes du racisme et de la répression.

    Tout le système est coupable! L’indignation des politiciens n’est qu’hypocrisie. Ce n’est jamais un fait isolé. La brutalité policière accompagne leur politique de casse sociale. Celle-ci a aggravé la pauvreté et les pénuries d’emplois décents ou de logement abordable sur base desquels prospèrent les discriminations. Il faut des réponses sociales aux problèmes sociaux: pas de répression policière mais un plan d’investissements massif dans l’enseignement, les soins de santé, les logements sociaux et des emplois décents. Faisons payer la crise aux riches !

    Malcolm X disait : “Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme.” Il soulignait que le système capitaliste repose sur l’exploitation et la discrimination au profit d’une minorité de super riches. Organisons-nous pour combattre le racisme par la solidarité ! La solidarité entre tous les opprimés et les exploités de cette société capitaliste. La solidarité entre tous les travailleurs, avec ou sans emploi, avec ou sans papiers, quelle que soit leur origine, leur orientation sexuelle ou leur genre dans une lutte en commun pour de vrais emplois et des salaires décents. L’unité dans la lutte nous permet de combattre efficacement ce système d’exploitation capitaliste, éliminant ainsi les racines du racisme et de toute forme de discrimination.

    • Justice pour Ibrahima, Ilyes, Mawda, Lamine, Mhedi, Adil, Jozef et toutes les victimes!
    • Jamais plus d’impunité policière! – Stop à la justice de classe !
    • Régularisation immédiate et permanente de toutes les personnes sans-papiers!
    • Luttons pour des emplois décents, un salaire minimum de 14€/h et un logement abordable pour toutes et tous !
    • Nous devons lutter pour renverser le système d’exploitation économique capitaliste en faveur d’une société socialiste, une société sans exploitation ni discrimination.
  • Stop à la Justice de classe : justice pour les victimes de brutalité policière !

    Combattons le racisme par la solidarité

    L’année vient à peine de commencer que deux personnes de couleur ont déjà trouvé la mort dans les commissariats de Bruxelles suite à leurs arrestations: Ibrahima, un jeune électricien de 23 ans, et Ilyes, un sans-papier de 29 ans.

    Les mensonges proférés à l’encontre d’Ibrahima – son soi-disant viol du couvre feu ou sa prétendue prise de stupéfiants – visaient à attaquer l’image de la victime pour dédouaner les coupables. En réalité, il a simplement été arrêté pour avoir filmé une intervention policière. 700 personnes ont participé au rassemblement pacifique “Justice pour Ibrahima”. De nombreux jeunes guinéens de Belgique ont ainsi remis le mouvement Black Lives Matter à l’ordre du jour. Mais les médias traditionnels ont une fois de plus préféré décrédibiliser l’action collective en se focalisant sur les incidents à la marge du rassemblement.

    Nous devons continuer d’exiger que justice soit faite pour toutes les victimes de brutalité policière. Nous ne pouvons pas nous fier à cette justice de classe qui condamne des syndicalistes et où règne l’impunité pour les policiers impliqués dans les violences, les meurtres et le racisme. Aux États-Unis, il a fallu un soulèvement de masse pour que les assassins de George Floyd soient arrêtés et poursuivis.

    L’indignation des responsables politiques suite à la révélation dans la presse des propos racistes et homophobes de deux policières en patrouille à Anderlecht n’est qu’hypocrisie. Ce n’est pas un fait isolé. Contrôle au faciès, harcèlement et violence raciste policiers accompagnent leur politique de casse sociale. Celle-ci a aggravé la pauvreté et la rareté d’emplois décents ou de logement abordable sur base desquels prospèrent les discriminations. Il faut des réponses sociales aux problèmes sociaux: pas de répression policière mais un plan d’investissements massif dans l’enseignement, les soins de santé, les logements sociaux et des emplois décents.

    Malcolm X disait : “Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme.” Il soulignait que le système capitaliste repose sur l’exploitation et la discrimination au profit d’une minorité de super riches. Organisons-nous pour combattre le racisme par la solidarité ! La solidarité entre tous les  opprimés et les exploités de cette société capitaliste. La solidarité entre tous les travailleurs, avec ou sans emploi,  avec ou sans papiers, quelle que soit leur origine, leur orientation sexuelle ou leur genre dans une lutte en commun pour de vrais emplois et des salaires décents. L’unité dans la lutte nous permet de combattre efficacement ce système d’exploitation capitaliste, éliminant ainsi les racines du racisme et de toute forme de discrimination.

    • Justice pour Ibrahima, Ilyes, Mawda, Lamine, Mhedi, Adil, Jozef et toutes les victimes
    • Stop au racisme et à la brutalité policière !
    • Pas d’impunité. Stop à la justice de classe !
    • Refusons la stratégie de “diviser pour régner” des partis capitalistes !
    • Luttons pour des emplois décents, un salaire minimum de 14 € / h et un logement abordable pour toutes et tous !
    • “Il n’y a pas de capitalisme sans racisme.” Nous devons lutter pour renverser le système d’exploitation économique capitaliste en faveur d’une société socialiste, une société sans exploitation ni discrimination.
  • France : Le mouvement ouvrier doit s’engager de tout son poids dans la bataille contre la répression et le racisme

    Manifestation à Paris du 28 novembre 2020. Photo : Wikimedia

    Ce samedi 12 décembre, pour la troisième semaine consécutive, des milliers de personnes ont à nouveau défilé dans divers villes françaises pour dénoncer la proposition de loi Sécurité globale et le projet de loi sur le séparatisme. En pleine pandémie, les priorités du gouvernement du président Macron visent à renforcer l’arsenal répressif de l’Etat et à tenter de diviser la population sur une base raciste.

    Par Nicolas Croes

    Cette proposition de loi vise clairement à limiter les libertés de la presse, d’expression et de manifester, notamment son article 24 qui pénalise la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Elle prévoit de pénaliser d’un an de prison et 45.000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » des forces de l’ordre en intervention quand elle porte « atteinte » à leur « intégrité physique ou psychique ». Comme La France Insoumise l’a dénoncé, il s’agit d’une « entreprise de dissuasion massive d’aller manifester et filmer ce qu’il se passe en manifestation ».

    L’approche du gouvernement et de ses alliés face aux violences policières est limpide : les cacher et non les combattre. Mais alors que la loi était discutée à l’Assemblée Nationale (où elle a été adoptée le 24 novembre), une série de d’événements ont transformé l’affaire en véritable fiasco.

    Le lundi 23 novembre au soir, des centaines de migrants accompagnés d’associations, d’élus et de partis de gauche ont été brutalement chassés par la police de la place de la République à Paris, à coups de matraques et de gaz lacrymogène. Parmi les images qui ont choqué figuraient celles d’un commissaire divisionnaire faisant un croche-pied à un homme qui tentait de fuir les coups de matraque. Quelques jours plus tard, le 26 novembre, les images du tabassage d’un homme noir, Michel Zecler, ont été divulguées. La victime avait dans un premier temps été placée en garde à vue pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion », pendant deux jours, avant que l’enquête ne soit classée sans suite grâce à la vidéo des événements. Sans celle-ci, il serait très certainement en prison.

    Les comparaisons avec l’explosion du mouvement Black Lives Matter suite au meurtre de George Floyd aux Etats-Unis n’ont pas manqué. Le samedi 28 novembre, environ 500.000 personnes ont manifesté dans le pays en répondant à l’appel de nombreuses organisations de journalistes, de syndicats et d’associations diverses réunies dans la « coordination #StopLoiSécuritéGlobale ». Sous la pression de cette impressionnante mobilisation, tout particulièrement dans cette période de confinement brutalement appliquée en France, le gouvernement a annoncé deux jours plus tard la « réécriture totale » de l’article 24, le plus polémique, qui concerne l’image des policiers. Cette déclaration sentait clairement la panique, puisque le texte est déjà voté à l’Assemblée nationale et est maintenant dans les mains du Sénat, où la question devrait être tranchée en janvier. La coordination réclame du reste à juste titre le retrait pur et simple du projet de loi.

    Les mobilisations se sont poursuivies le samedi 5 décembre : près de 90 rassemblements étaient annoncés dans le pays. Le premier samedi de décembre est traditionnellement une journée de mobilisation contre la précarité à l’initiative du syndicat CGT, la lutte contre les violences policières et la loi Sécurité globale y a été liée cette année comme une évidence. Comme pour jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, la veille, trois décrets élargissant les possibilités de fichage de la population sont venus enrichir les textes sécuritaires

    Arsenal répressif et résistance sociale

    Le projet de loi Sécurité globale s’inscrit dans un contexte plus profond. Les législations ou les procédures qui visent à étouffer ou à intimider la contestation se multiplient en France, tout particulièrement depuis 2016 et la contestation de la loi Travail sous la présidence de François Hollande (PS), puis avec le mouvement des Gilets jaunes en 2018 sous la présidence de Macron, et enfin les manifestations contre la réforme des retraites en décembre et janvier 2019-20. Ainsi, ce 3 décembre, un membre du collectif « Désarmons-les » (qui documente les violences policières) a été condamné à 8 mois de prison ferme suite à son interpellation par des policiers durant le mouvement des Gilets jaunes en septembre 2019. On lui reprochait notamment d’avoir porté un coup à un bouclier de la police lors de son interpellation…

    Parallèlement, les violences policières au cours des manifestations sont devenues la norme. Celles-ci visent un double objectif. Premièrement, il s’agit d’intimider les manifestants et de faire passer le message que même en se tenant à l’écart de la confrontation, on peut être gravement blessé et pris pour cible par les tirs d’armes telles que les LBD et les grenades de désencerclement. Parmi les victimes de la répression policière se trouve par exemple Zineb Redouane, une marseillaise de 80 ans décédée le 2 décembre 2018 après avoir été blessée au visage par un tir de grenade lacrymogène alors qu’elle fermait les volets de son appartement… situé au 4e étage !

    Deuxièmement, les autorités cherchent à diviser le mouvement sur base des réactions face aux violences policières, avec l’aide des médias dominants qui font tout pour grossir jusqu’au ridicule les incidents en marge des manifestations et présenter ses participants comme un ramassis de casseurs. Cette stratégie de la violence est parfaitement consciente de la part des autorités.

    Violences policières et racisme systémique

    Les violences policières affectent depuis longtemps les quartiers populaires. Ce n’est pas un hasard si, quand le mouvement Black Lives Matter a repris son envol au printemps dernier, il a tout particulièrement trouvé une résonance en France. Face au Tribunal de Paris, le comité « La vérité pour Adama » avait réussi le tour de force de rassembler plusieurs dizaines de milliers de manifestants malgré l’interdiction de se rassembler. Au côté de George Floyd figuraient les noms d’Adama Traoré (décédé lors d’une interpellation par les gendarmes dans le Val-d’Oise), Lamine Dieng (mort dans un fourgon de police à Paris), Amadou Koumé (mort dans un commissariat à Paris),… Il n’est pas rare que de jeunes hommes meurent suite à une intervention policière dans des circonstances suspectes et que leurs proches doivent lancer des comités et mener de longs combats pour que justice soit faite.

    En juillet dernier, le média indépendant en ligne Basta ! révélait qu’en 43 ans, sur 213 interventions létales ayant impliqué les forces de l’ordre, seuls dix officiers ont été condamnés à un emprisonnement ferme pour homicide. La dernière condamnation remonte à 1999. Une analyse de StreetPress montre qu’entre 2007 et 2017, 47 hommes désarmés sont morts à la suite d’interventions des forces de l’ordre. Aucun des policiers ou gendarmes impliqués n’a fini en prison. Plus d’un tiers des procédures ont abouti à un classement sans-suite, un non-lieu ou un acquittement des fonctionnaires. La majorité des affaires sont encore en cours.

    Le plan contre le séparatisme

    La volonté de faire taire la résistance sociale est couplée à la stigmatisation des musulmans. Le contexte actuel est celui de campagnes électorales : d’abord régionale et départementale (en mars 2021), mais surtout présidentielle et législatives (en 2022). C’est dans cet optique que le gouvernement a été remanié cet été, un remaniement clairement marqué à droite et qui visait à se préserver un socle d’électeurs de droite dans un contexte politique marqué par une profonde instabilité.

    Lors de son entrée en fonction, le nouveau ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin (par ailleurs visé par une plainte pour viol) n’avait pas hésité à nier les violences policières en France en disant : « Quand j’entends le mot ‘violences policières’, personnellement je m’étouffe ». Une expression très choquante quelques semaines après le meurtre de George Floyd et alors qu’un livreur, Cédric Chouviat, est mort en janvier après avoir été plaqué au sol par la police et avoir crié à plusieurs reprises « j’étouffe ».

    Puis, le 2 octobre, le « plan contre le séparatisme » de Macron a été présenté, un projet de loi contre l’islam politique et radical destiné à être discuté au Parlement début 2021 qui va étendre encore l’interdiction des signes et pratiques religieuses sur les lieux de travail du secteur public. L’idée était très clairement d’utiliser l’émotion liée à l’ouverture du procès des attentats de Charlie Hebdo. C’était le contexte derrière l’assassinat de Samuel Paty et l’attaque de la Basilique de Nice qui a fait 3 victimes le 29 octobre. [LIRE NOTRE ANALYSE]

    Christian Estrosi, le maire de Nice (Les Républicains), a de suite déclaré qu’il souhaitait « modifier la Constitution » pour pouvoir « mener la guerre » contre une idéologie qu’il qualifie « d’islamo-fascisme ». Eric Ciotti, député du même parti, a appelé à la création « d’un Guantanamo à la Française ». Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer a dénoncé le 22 octobre « l’islamo-gauchisme » qui fait selon lui « des ravages à l’université ». Un amendement adopté ensuite au Sénat stipule que la recherche universitaire devra désormais « s’exprimer dans le cadre des valeurs de la République », une formulation ambiguë qui fait craindre une tentative de mise au pas politique.

    Ce climat va évidemment donner confiance à l’extrême droite, y compris à ses franges les plus radicales. Quelques heures après l’attentat de Nice un jeune lié au groupe d’extrême droite Génération Identitaire a d’ailleurs été abattu par la police après avoir menacé des maghrébins au revolver. D’autre part, le 14 novembre, à Cholet, un homme est descendu dans la rue « guidé par Dieu pour agir », a grièvement blessé sa femme et tué deux personnes. Les médias nationaux ont ignoré l’affaire et la presse locale s’est bien gardée de parler d’attentat terroriste. Mais cette fois-ci, le meurtrier qui voulait punir les incroyants était catholique.

    Le mouvement ouvrier doit prendre l’initiative

    A la veille des mobilisations contre le loi Sécurité globale, un sondage de l’institut Ifop révélait que 85% des Français s’attendent à une explosion sociale dans les prochains mois dans le pays. C’est 13 points de plus que la dernière mesure réalisée en janvier 2020, alors que le mouvement contre la réforme des retraites battait encore son plein.

    La mobilisation actuelle est surtout partie des journalistes et des associations des droits humains et a rencontré un écho particulier parmi la jeunesse. Mais il est évident que la question concerne les travailleuses et travailleurs au premier plan. Les ravages sociaux de la crise économique n’en sont encore qu’à leurs débuts – et 700.000 emplois ont déjà été détruits en France au cours des six premiers mois de l’année 2020 – le renforcement de la police et de l’arsenal législatif ne vont pas tarder à viser celles et ceux qui vont entrer en lutte sur leur lieu de travail.

    Le mouvement ouvrier doit clairement imprimer la contestation sociale de sa marque, et ne pas hésiter à recourir à son arme la plus efficace : celle de la grève. Violences policières, manquements criminels dans les soins de santé et l’accueil aux personnes âgées, précarité, racisme systémique,… Les sources de colères ne manquent pas et doivent être réunies autour d’un programme qui répond au cimetière social et à la crise du système. C’est aussi la meilleure manière de combattre l’extrême droite et les fondamentalistes de toutes sortes.

    Mais il faut également développer une alternative politique. Fin octobre, l’indicateur de protestation électorale Fondapol-«Le Figaro» indiquait que 79% des électeurs envisagent un vote antisystème en 2022. Saisir ce potentiel exige de rassembler la colère autour du mouvement ouvrier en défendant un programme qui combat l’austérité et le racisme par la solidarité. La candidature de Jean-Luc Mélenchon qui vient d’être annoncée pour les présidentielles pourrait jouer un rôle dans cette direction. Sa campagne a besoin d’un programme offensif. Celui défendu par la France Insoumise en 2017 représentait une excellente tentative de souligner la nécessité d’une planification écologique et de la nationalisation de certaines parties de l’économie. Mais les défis posés par la crise économique actuelle (la pire depuis les année 1930), la crise sanitaire et la crise écologiques ne laissent pas d’autre choix que d’aller plus loin et de défendre le reversement du capitalisme.

    Tant dans la rue et les entreprises que dans les urnes, il faut s’attaquer au système capitaliste en tant que tel et populariser son remplacement par un système basé sur la satisfaction des besoins sociaux et non sur la soif de profits : une société socialiste démocratiquement planifiée.

  • Bruxelles. Rassemblement contre la Loi de Sécurité Globale

    Quelque 200 personnes ont répondu hier à un appel sur Facebook visant à se réunir à Bruxelles suite à la Loi de Sécurité globale votée en France ce 24 novembre. Au même moment, des centaines de milliers de manifestants déferlaient dans différentes rue de France pour le second week-end consécutif. C’est la lutte de masse qui a arraché nos conquêtes démocratiques, c’est par la lutte de masse que nous devons les défendre !

    Bien entendu, il n’est pas possible de parler des violences policières, de la répression et du racisme en France sans tracer le parallèle avec la situation en Belgique. C’est ce que nos militantes et militants ont fait notamment au travers du tract que nous avons distribué : Contre le racisme et les violences policières : c’est tout le système qui est coupable !

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  • Contre le racisme et les violences policières : c’est tout le système qui est coupable !

    Le lundi 23 novembre, 17 syndicalistes ont été condamné pour avoir participé à un blocage routier lors d’une grève contre la politique antisociale. Le même jour s’ouvrait le procès de l’affaire Mawda, cette gamine migrante de deux ans tuée par un policier. Et, le 26 novembre, le parquet de Bruxelles demandait le non-lieu pour les policiers dans l’affaire du jeune Adil, tué par une voiture de police en avril dernier.

    Difficile de ne pas tracer de parallèle avec la France : le 24 novembre, la proposition de Loi de Sécurité Globale était adoptée en procédure accélérée par l’Assemblée Nationale française. Le samedi suivant, pas moins d’un demi-million de personnes défilaient en France contre cette loi autoritaire, dont 200.000 à Paris ! Cette même semaine avaient été dévoilée les images de l’agression du producteur de musique parisien Michel, brutalement agressé par trois policiers qui l’ont également insulté de « sale nègre ».

    Tout cela ne s’est produit qu’en une seule semaine ! On pourrait encore parler en Belgique du jeune Mehdi renversé et tué par une voiture de police en août 2019. Ou de Moïse Lamine Bangoura mort sous les coups de policiers qui venaient l’expulser de chez lui en mai 2018. Ou encore de Jozef Chovanec, tué suite à une interpellation à Charleroi en 2018.

    Malcolm X « Il ne peut y avoir de capitalisme sans racisme »

    Nous vivons dans une société capitaliste, une société où une infime minorité (les capitalistes) possède les moyens de production et d’échange – comme les grandes entreprises et les banques – et exploite l’écrasante majorité de la population. Pour cette élite capitaliste, la solidarité entre personnes exploitées et opprimées représente un danger mortel.

    Pour assurer leur domination, les capitalistes et leur personnel politique tentent de diviser la population et d’en monter les différentes couches les unes contre les autres. Le système repose ainsi sur le racisme, le sexisme, la LGBTQI-phobie,… Ce n’est pas leur seule arme : l’Etat capitaliste leur est totalement acquis, avec sa police et sa justice.

    Dans une période de crise comme celle-ci, le capitalisme va s’enfoncer dans la répression et la criminalisation des mouvements sociaux, dans le racisme et la déshumanisation des migrants,… Il tente de dévier la colère des masses ou de l’étouffer. Ne nous laissons pas prendre à ce jeu !

    RESISTANCE

    Si des conquêtes démocratiques ont pu être arrachées dans une société construite autour des inégalités et des discriminations, c’est grâce à la lutte de masse. Le potentiel d’une telle lutte a encore été tout récemment illustré en Belgique avec la manifestation Black Lives Matter en juin dernier. Combien étions-nous ? 15.000 ? 20.000 ? Et avec quelle énergie !

    Les organisations syndicales ont un rôle crucial à jouer dans ce combat. Ce sont les seules organisations de masse de ce pays. Et si la crise sanitaire a bien illustré quelque chose, c’est que ce sont les travailleurs qui font tourner le monde, pas les actionnaires ! Nous avons besoin d’une vraie campagne d’information et de mobilisation en défense des droits syndicaux et démocratiques, une campagne qui n’hésite pas à recourir à l’arme de la grève ! Les actions de la FGTB du 10 décembre constituent un bon pas dans cette direction.

    La Campagne Solidarity, les Etudiants de Gauche Actifs et le Parti Socialiste de Lutte / Linkse Socialistische Partij contribueront à cette dynamique dans l’élan de leurs participations et initiatives passées, tout en défendant l’absolue nécessité d’un programme social qui répond aux pénuries de logements, aux bas salaires, à la précarité,… Cela signifie de renverser ce système d’exploitation et de saisir les richesses – que nous produisons ! – pour répondre aux besoins de toutes et tous. C’est ce que nous appelons une société socialiste démocratique.

    Combattons le racisme par la solidarité !

    • Régularisation de toutes les personnes sans-papiers !
    • Jamais plus d’impunité policière! – Contrôle démocratique sur les forces de l’ordre!
    • Des solutions sociales pour les problèmes sociaux : il faut des investissements dans l’enseignement, les soins de santé et les salaires plutôt que dans la répression policière.
    • Malcolm X a dit : “Il n’y a pas de capitalisme sans racisme”. Nous devons combattre le système capitaliste, un système d’exploitation économique subit par la majorité au profit d’une infime élite.

    Meeting en ligne : La force du mouvement de masse, hier et aujourd’hui

    « Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »

    C’était il y a dix ans. En décembre et janvier 2010/2011, la révolution a renversé les dictateurs Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte. Les occupations de place ont déferlé dans toute la région et bien au-delà. 2011, c’était l’année des Indignés, celle d’Occupy. Les soulèvements de masse suscitaient la solidarité et l’envie partout à travers le monde.

    Dix ans plus tard, les mouvements de masse sont de retour : contre le changement climatique, pour l’émancipation des femmes, contre les régimes autoritaires, contre l’austérité,… Chili, Bélarus, Hong Kong, Liban, Guatemala,…

    Comment ces mouvements peuvent-ils apporter un véritable changement ? Quelles leçons apprendre des mobilisations d’il y a dix ans ? Quelles erreurs ont été commises ?

    La discussion sera introduite par Cédric Gérôme, permanent pour Alternative Socialiste Internationale (ASI, dont le PSL/LSP est la section belge). Cédric a tout particulièrement suivi les développements en Tunisie et est actuellement en train d’écrire un livre sur cette expérience révolutionnaire.

    La discussion se déroulera sur Zoom, via le lien suivant.

  • [DOSSIER] La révolution haïtienne et l’abolition de l’esclavage


    La plupart des écoles enseignent aux élèves que la traite des esclaves de l’Atlantique allait à l’encontre des principes européens des Lumières de rationalité, d’égalité et de démocratie ; une horreur perpétrée contre des Africains dociles abolie par des dirigeants européens à l’esprit noble, de manière pacifique et démocratique. L’histoire de la révolution de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) contredit ces mythes. Il y a plusieurs décennies, C.L.R James a réalisé une étude remarquable à ce sujet : “Les Jacobins noirs, Toussaint Louverture et la révolution de Saint Domingue” (publié en 1938).

    Dossier de Max Toynbee, enseignant et membre de Socialist Alternative à Londres

    La révolution haïtienne est largement absente du programme d’histoire britannique, à l’exception de certaines écoles avant-gardistes. La centralisation et la standardisation croissantes du programme, par exemple par le biais d’une offre réduite de manuels, contrôlent ce qui est enseigné. Peut-être que l’histoire de la façon dont les esclaves noirs, avec la solidarité de nombreux Européens blancs, ont renversé leurs maîtres esclavagistes exploiteurs contre de multiples puissances impérialistes est un savoir trop dangereux pour la classe capitaliste !

    Les origines de la révolution – La traite des esclaves dans l’Atlantique

    Dans le premier chapitre “La propriété”, James retrace l’essor de l’esclavage à Saint-Domingue, ce qui constitue une étude de cas utile pour le développement du commerce atlantique en général. La “propriété” à laquelle il fait référence, ce sont bien entendu les esclaves eux-mêmes. Il explique que le régime esclavagiste brutal et déshumanisant n’était pas le résultat de “mauvaises pommes” individuelles “naturellement” cruelles, mais plutôt d’une terreur systématique perpétrée par tous les propriétaires d’esclaves à un degré plus ou moins élevé et destinée à contenir la résistance des esclaves. Certains affirment que les Africains vendaient d’autres Africains en esclavage et qu’ils doivent donc assumer une grande partie de la responsabilité de la traite des esclaves. James souligne dans son ouvrage comment les Européens blancs d’Afrique de l’Ouest brûlaient les récoltes et exploitaient les rivalités locales et les conflits de classes, de sorte que de nombreux Africains devaient “fournir des esclaves ou être vendus comme esclaves eux-mêmes”. De même, James souligne la résistance continue des Africains avant, pendant et après l’esclavage ; en fait, c’est principalement pour réprimer cette résistance que les propriétaires d’esclaves blancs européens ont adopté un régime aussi diabolique.

    Le deuxième chapitre “Les propriétaires” explore la société de classe qui existait à Saint-Domingue, y compris les “grands blancs” grands propriétaires d’esclaves, les “petits blancs” petits propriétaires d’esclaves bourgeois et les “Mulattoes” (enfants d’esclaves noirs qui ãvaient été violées par leurs propriétaires blancs) qui possédaient des esclaves et des plantations mais étaient également discriminés par les blancs. Les antagonismes entre ces groupes reposaient à la fois sur la classe et la couleur de peau – la population des Mulatto de Saint-Domingue était décrite comme un groupe racial distinct par la classe dirigeante blanche afin de servir de rempart contre les esclaves noirs. Tout ce système social racialisé était conçu pour monter chaque groupe les uns contre les autres (les mulâtres contre les esclaves noirs et contre les “petits blancs”, etc.) afin que les grands propriétaires blancs et la bourgeoisie française puissent tirer d’énormes profits du travail non rémunéré des esclaves noirs.

    James poursuit en expliquant le contexte international des puissances impérialistes concurrentes de l’époque (France, Grande-Bretagne, Espagne et les États-Unis nouvellement indépendants). Loin d’abolir l’esclavage par souci de moralité, le Premier ministre britannique William Pitt a demandé au député William Wilberforce de diriger le mouvement abolitionniste comme moyen de saper l’impérialisme français qui reposait alors sur le travail des esclaves à Saint-Domingue. En fait, dès que les Britanniques ont cru qu’ils pouvaient gérer la colonie pour eux-mêmes, ils ont de nouveau soutenu l’esclavage. La trahison et l’hypocrisie des puissances impérialistes qui poussent de manière opportuniste à l’abolition ou qui soutiennent l’esclavage selon ce qui convient à leur propre classe dirigeante nationale est un des thèmes clés du livre.

    Les masses en France et à Saint-Domingue

    ”Les Noirs ont participé à la destruction du féodalisme européen initiée par la Révolution française, et la liberté et l’égalité, les slogans de la révolution, signifiaient beaucoup plus pour eux que pour n’importe quel Français”.

    James illustre l’interdépendance des révolutions française et de Saint-Domingue, un lien ignoré dans la plupart des cours d’histoire. Lorsque les idéaux révolutionnaires français de “liberté, égalité, fraternité” se sont répandus à Saint-Domingue, les mulâtres, toujours discriminés par les Blancs, ont voulu entrer en action. Certains dirigeants de la Révolution française prétendaient soutenir “les droits de l’homme universels” mais ils ne voulaient pas que cela concerne également les mulâtres ou les noirs. En mai 1791, les Mulattoes et les “Noirs libres” ont revendiqué l’égalité des droits à l’Assemblée nationale française. Certaines concessions ont été accordées, ce qui a soulevé la question suivante : si les Noirs libres et les mulâtres devaient disposer de droits égaux, cela ne devrait-il pas s’appliquer également aux esclaves noirs ?

    Toussaint Louverture

    Toussaint Louverture avait une ambition personnelle. Mais il a accompli ce qu’il a fait parce qu’il a incarné la détermination de son peuple à ne plus jamais être esclave.

    La plupart des écoles ont tendance à valoriser le rôle de dirigeants individuels “brillants” (par exemple Wilberforce) dans la lutte contre l’esclavage, en mettant l’accent sur l’action individuelle plutôt que sur l’importance de la structure sociale au sens large. La révolution a été menée par l’ancien esclave Toussaint Louverture. Bien que James reconnaisse que Toussaint était une source d’inspiration et un talent rare, ce talent a été développé et façonné en dirigeant révolutionnaire par le contexte socio-économique. Une situation révolutionnaire façonne et pousse les dirigeants à l’action. Comme l’écrit James : ”Nous avons clairement exposé les vastes forces non-personnelles à l’œuvre dans la crise de Saint-Domingue. Mais les hommes font l’histoire et Toussaint a fait l’histoire parce qu’il était l’homme qu’il était”.

    Toussaint était dans une position relativement privilégiée par rapport aux autres esclaves, ayant la responsabilité de superviser une équipe et pouvant apprendre à lire et à écrire. Lors des premières insurrections d’esclaves en 1791, Toussaint a d’abord défendu la plantation de son maître contre les rebelles, mais lorsqu’il a vu la puissance de l’insurrection des esclaves, il a décidé de s’y joindre en réalisant quel était l’énorme pouvoir des masses noires.

    Il était un chef politique et militaire compétent et était très respecté par les anciens esclaves. Comme les esclaves noirs et les anciens esclaves constituaient la grande majorité de la population de la colonie, ils ont combattu dans les forces révolutionnaires et contre-révolutionnaires (britanniques et espagnoles). Toussaint a réussi à construire son armée en faisant appel aux troupes ennemies et en les convainquant de le rejoindre avec une effusion de sang limitée : “Tout ce qu’ils [les contre-révolutionnaires britanniques et espagnols] pouvaient offrir, c’était de l’argent et il y a des périodes dans l’histoire de l’humanité où l’argent ne suffit pas”.

    Saint-Domingue fût dévastée par cette guerre civile et, après la libération des esclaves noirs, Toussaint mit en place un programme sévère pour les travailleurs noirs afin de restaurer la production agricole. Il était également très accommodant avec les propriétaires de plantations blanches, leur permettant de conserver leurs propriétés afin qu’ils puissent apporter leurs compétences indispensables à la restauration des plantations. La grande majorité de la population était analphabète et ne possédait donc pas les compétences et les connaissances spécifiques nécessaires pour gérer les plantations.

    De gros efforts ont été réalisés pour développer l’éducation, mais en attendant, ils ont dû utiliser les compétences de leurs anciens exploiteurs. Toussaint n’a pas vraiment expliqué aux anciens esclaves pourquoi il traitait si bien les blancs, ce qui a créé un certain ressentiment, étant donné le traitement brutal que les travailleurs noirs avaient subi de la part de leurs anciens maîtres. James fait ici une comparaison intéressante avec Lénine, qui a dû lui aussi utiliser les compétences de ceux qui avaient autrefois travaillé contre la révolution en Russie, en raison du faible niveau d’éducation dans le pays : ”Mais tandis que Lénine tenait le parti et les masses parfaitement au courant de chaque étape et expliquait soigneusement la position exacte des serviteurs bourgeois de l’État ouvrier, Toussaint n’expliquait rien et laissait les masses penser que leurs anciens ennemis étaient favorisés à leurs dépens.”

    Les travailleurs étaient donc désormais payés et on leur promettait un quart de leur production, mais beaucoup étaient confus et furieux de voir que leurs anciens maîtres blancs bénéficiaient d’un traitement préférentiel. Bien sûr, une différence majeure entre les exemples russe et haïtien est l’existence d’un parti révolutionnaire. C’est l’organisation par laquelle la situation peut être expliquée et la politique formulée démocratiquement. L’absence d’une telle organisation en Haïti a contribué à l’incapacité de Toussaint à expliquer le traitement favorable des blancs aux masses.

    La révolution triomphe

    Leclerc et ses troupes françaises se sont lancés dans une nouvelle guerre destructrice sur l’île des Caraïbes, Toussaint faisant savoir à ses partisans que Leclerc avait l’intention de rétablir l’esclavage. Jean-Jacques Dessalines, un autre grand dirigeant de la révolution, s’est battu courageusement contre les Français, même s’ils étaient largement en infériorité numérique. Cependant, Toussaint avait subi des pertes, en partie à la suite des erreurs qu’il avait commises en créant du ressentiment parmi les masses noires. Il se rendit à Leclerc, qui l’arrêta, tua sa famille et l’envoya mourir seul dans une froide cellule de prison dans les Alpes françaises.

    En août 1802, la nouvelle que Bonaparte avait rétabli l’esclavage dans les îles voisines comme la Martinique atteint Saint-Domingue, attisant la colère des Français. En octobre 1802, les dirigeants noirs Dessalines et Henry Christophe levèrent une armée révolutionnaire composée principalement d’officiers et de soldats noirs. Les Noirs et les Mulâtres commencent à se forger une identité nationale autour de leur objectif commun d’expulser les Français. À la fin de 1803, cette armée révolutionnaire a vaincu les Français et le 1er janvier 1804, Dessalines a proclamé l’indépendance d’Haïti. L’esclavage a finalement été aboli en France en 1848. Ce n’est pas parce que les dirigeants libéraux ont finalement pris conscience des méfaits de l’esclavage, mais plutôt parce que les masses révolutionnaires, les travailleurs en solidarité avec les esclaves, ont de nouveau exercé leur force collective.

    La classe et le racisme : Les outils de la bourgeoisie

    “Ce n’était pas une question de couleur, mais plutôt une question de classe, pour ces Noirs qui étaient autrefois libres et attachés aux mulâtres. Personnes d’une certaine importance et se trouvant sous l’ancien régime, ils considéraient les anciens esclaves comme des personnes à gouverner”.

    La relation entre la classe et la couleur de peau est une caractéristique frappante du livre. Plutôt que d’adopter une ligne purement “déterministe de classe”, la couleur de peau y est considérée comme imbriquée avec la classe afin de maintenir le pouvoir des exploiteurs. Les mulâtres hésitaient entre soutenir et attaquer Toussaint non pas en raison de leur héritage mixte noir et blanc mais à cause de leur position sociale intermédiaire. Lorsqu’ils croyaient que les forces anti-révolutionnaires pro-esclavagistes représentaient le mieux leurs intérêts, ils les soutenaient, mais lorsque ce n’était pas le cas, ils soutenaient Toussaint. Souvent, différents groupes de Mulâtres soutenaient des camps différents. De même, les travailleurs noirs étaient unis non seulement par la couleur de leur peau, mais aussi par l’oppression économique et physique qu’ils avaient tous subie en tant qu’esclaves. Il y a eu des cas de solidarité de la part de soldats blancs, comme un régiment de Polonais qui avait été envoyé à Haïti pour lutter contre la révolution, et qui a refusé de se joindre à un massacre de noirs.

    Un autre thème récurrent est le rôle de la bourgeoisie dans le soutien à l’esclavage et au racisme. Les puissances impérialistes d’Angleterre et d’Espagne n’ont soutenu les esclaves rebelles que pour tenter de s’emparer de Saint-Domingue – elles n’avaient aucune intention de libérer des esclaves dans leurs autres colonies et il était clair qu’elles tenteraient de rétablir l’esclavage à Saint-Domingue si elles faisaient pression pour s’emparer de la colonie. De même, le gouvernement français n’a pas aboli l’esclavage en 1794 en raison de la haute morale des Lumières, mais comme une façon de battre les Anglais et les Espagnols. En fait, l’abolition de l’esclavage par la France est la raison pour laquelle Toussaint a changé de camp, passant des Espagnols aux Français.

    De la même manière, le racisme a été créé et amplifié par la bourgeoisie afin de soutenir ses intérêts. Gabriel Hédouville (impérialiste français brutal) a attisé la haine raciale entre les Mulâtres et les Noirs afin de les empêcher de collaborer ensemble. Le général français blanc Leclerc a fait de même entre les noirs et les blancs afin d’empêcher ses troupes européennes blanches de se ranger du côté des travailleurs noirs. Après l’indépendance, les Britanniques ont déclaré qu’ils ne feraient du commerce avec le régime haïtien que s’ils expulsaient les blancs. Les Britanniques voulaient ainsi creuser un fossé entre le nouvel État haïtien indépendant et la France, afin de nuire aux relations commerciales. À maintes reprises, des tensions raciales ont été créées, renforcées et enflammées chaque fois que cela répondait aux besoins de la bourgeoisie.

    Des dirigeants blancs comme Hédouville et Thomas Maitland ont sous-estimé Toussaint. De même, Bonaparte refusa de croire que les anciens esclaves noirs étaient capables d’accéder à l’indépendance par eux-mêmes. Il n’a pas fourni le soutien militaire adéquat à Leclerc pour lutter contre la révolution et regretta plus tard de ne pas être parvenu à un compromis avec Toussaint. Leur arrogance raciste a en fait sapé leur propre cause : un cas où le racisme n’a même pas profité à ceux qui étaient censés en bénéficier !

    Leçons pour aujourd’hui : la décolonisation du programme scolaire, l’héritage de C.L.R. James et d’Haïti

    Certains enseignants estiment que l’esclavage ne devrait pas être enseigné, ou peut-être moins dans les écoles car il donne une image négative de l’histoire des Noirs. Il est certainement vrai que d’autres aspects de l’histoire des Noirs doivent être enseignés, tels que les puissants anciens empires d’Afrique, les mouvements contre le colonialisme et la contribution des personnes de couleur à divers domaines de l’histoire. Cependant, l’approche de James sur le thème de l’esclavage se concentre moins sur les dépravations que les captifs africains ont dû endurer et met plutôt l’accent sur l’action des Noirs eux-mêmes pour résister à l’esclavage dès le début et pour obtenir la liberté et l’indépendance face à l’impérialisme européen en Haïti. Les livres ne traitent pas de l’esclavage comme une “histoire noire” mais plutôt comme quelque chose d’indissociable de l’histoire européenne “blanche” ; l’esclavage faisait partie du système mondial de capitalisme naissant et la révolte des esclaves noirs a contribué au renversement du féodalisme en Europe, tout comme les masses blanches européennes ont contribué à l’abolition de l’esclavage.

    Le fait que ces liens ne soient pas établis dans la plupart des cours d’histoire illustre un programme eurocentré qui ignore intentionnellement l’action des personnes de couleur pour transformer la société. L’histoire sous le capitalisme ignore également que c’est la lutte de masse de la classe ouvrière et des pauvres qui a été la force motrice du changement. Ce n’est pas un hasard. Le mouvement de décolonisation des programmes d’enseignement ne devrait pas viser à distinguer l’histoire “noire” de l’histoire “blanche”, mais plutôt exiger que les écoles enseignent les liens entre les personnes de couleur et les personnes blanches, ainsi que le rôle des mouvements de masse et des révolutions. L’idée d’une “l’histoire des noirs” est utile pour rendre visible ce qui a été systématiquement ignoré, mais le livre “Les Jacobins noirs” montre comment les questions fondamentales de l’histoire portent sur le pouvoir de changer la société qui git dans les mains de celles et ceux qui font réellement le travail utile dans la société – qu’il s’agisse d’esclaves ou de travailleurs salariés.

    C.L.R. James a vécu les dernières années de sa vie à Brixton, dans le sud de Londres, une région dont sont originaires beaucoup de mes étudiants actuels et passés. Trotskiste à l’époque où il écrivait Les Jacobins noirs, James développait des idées pan-africanistes et pensait que les mouvements de libération des minorités opprimées devaient être au centre du travail des révolutionnaires. Son travail, y compris ses désaccords avec Trotsky, est particulièrement pertinent pour la problématique actuelle avec la croissance des mouvements Black Lives Matter, pour la libération des personnes LGBT+ et des autres minorités opprimées.

    Pendant ce temps, Haïti est aujourd’hui décrit par la Banque mondiale comme le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. En 2019, son indice de développement humain était de 169 sur 189 pays. Les commentateurs capitalistes attribuent cette situation à une combinaison de corruption et de catastrophes naturelles qui ont ravagé Haïti (tremblement de terre et ouragans), mais les conséquences de ces catastrophes dites “naturelles” ne sont pas inévitables. Le manque de préparation d’Haïti, en comparaison avec le Japon par exemple, et la propagation de maladies suite à ces catastrophes sont amplifiés par la pauvreté abyssale d’une nation aussi peu développée. La pauvreté d’Haïti est le résultat de la punition impérialiste de la seule révolution réussie d’Africains asservis à l’époque du commerce atlantique, qui s’est poursuivie après la révolution jusqu’à nos jours. L’impérialisme américain, par le biais des blocus économiques, du soutien à diverses milices pro-américaines et même de l’occupation pure et simple, a assuré le sous-développement économique d’Haïti, autrefois la colonie française la plus fructueuse. La punition consciente d’Haïti vise à avertir d’autres révolutionnaires potentiels : “Voilà ce qui arrive quand on sort du rang”.

    Le livre se termine par un appel aux armes optimiste aux masses opprimées d’Afrique, James soulignant le potentiel révolutionnaire de ce grand continent. Dans l’ensemble, c’est un livre fantastiquement engageant et passionnant à lire, avec des leçons pour les éducateurs, les socialistes et les militants antiracistes sur cette révolution bouleversante mais souvent ignorée.

  • Après Charleroi et Liège, une nouvelle action réussie à Bruxelles contre le racisme et la violence policière !

    Combattons le racisme par la solidarité!

    Voici quelque photo de l’action menée hier à Bruxelles par la Campagne Solidarity et la campagne antifasciste Blokbuster contre le racisme et la violence policière à laquelle ont participé une centaine de personnes. Le mouvement #BlackLivesMatter nous montre que ce n’est qu’à travers l’action que nous pouvons obtenir justice pour les victimes du racisme systémique et de la brutalité policière.

    Nous devons continuer à élargir notre combat et lutter à côté de tous les opprimés et les exploités en Belgique et dans le monde. La jeunesse a particulièrement un rôle crucial à jouer dans la lutte contre ce système raciste, sexiste et meurtrier qui détruit nos vie et notre planète.

    Nous avons besoin de défendre des revendications sociales capables de lier notre combat aux autres secteurs en lutte dans cette société, comme les sans-papiers et les travailleuses et travailleurs de la santé. Nous n’exigeons pas seulement #JusticeForJosef et pour toutes les autres victimes de la police, mais aussi des solutions immédiates pour les problèmes qui affligent la majorité de la population, comme:

    • La régularisation immédiate des tous les sans papiers
    • Le refinancement publique de la santé et de l’enseignement
    • Un salaire minimum de 14€/h

    Ce sont juste certaines de nos revendications et ensemble nous pouvons gagner! De Seattle a Beyrouth, nous devons apprendre que la lutte paie ! Rejoignez-nous et construisons ensemble un mouvement pour une nouvelle société !

    Quelques photos de Liesbeth:
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  • Après Charleroi, nouvelle action réussie à Liège contre le racisme et les violences policières !

    Après une première action réussie à Charleroi, la Campagne Solidarity et Blokbuster ont organisé une nouvelle action à Liège ce vendredi afin de fermement condamner l’acte odieux dont a été victime Josef Chovanec avec une septantaine de participantes et de participants. Le prochain rendez-vous est aujourd’hui à 15h à Bruxelles, en face du SPF Justice !

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