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Tag: 8 mars
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[50 ans après Mai ‘68] Les droits des femmes ont été imposés par les luttes ouvrières
En mai de cette année, nous commémorons les 50 ans de Mai ‘68, lorsque la résistance étudiante et la répression ont provoqué une grève générale à laquelle ont participé 10 millions de travailleurs français. Les étudiants se sont battus pour la démocratisation de l’enseignement, les travailleurs ont réclamé leur part de l’accroissement de richesses. Au cours de ce combat se sont épanouies diverses idées concernant la manière dont les choses pourraient être différentes, non seulement au sujet de la société mais aussi de la façon dont les gens interagissent entre eux. Certaines de ces idées ont depuis lors été connues sous le nom de ‘‘révolution sexuelle’’. La plupart des journalistes confinent Mai ‘68 à cet aspect, mais la révolution sexuelle et la révolte de masse des travailleurs et des jeunes contre le capitalisme sont inextricablement liées.Par Anja Deschoemacker
La carte blanche de Catherine Deneuve & Co a également réduit Mai ‘68 à ce point, en défendant la ‘‘liberté sexuelle’’ contre un nouveau ‘‘puritanisme’’ qui s’élèverait au sein du mouvement féministe sous la forme du hashtag #MeToo. Elles se sont trompées d’ennemi : le ‘‘réveil éthique’’ contre les idées de Mai ‘68 ne vient pas du mouvement féministe, mais de figures telles que Trump, Poutine, Erdogan et… Bart De Wever, qui a ouvertement exprimé son aversion pour Mai ‘68 à l’occasion du 40ème anniversaire de l’événement. Tous aspirent à un retour aux valeurs telles que l’autorité parentale (des parents sur les enfants, de l’homme sur la femme), ce qu’ils considèrent comme ‘‘l’éthique du travail’’ (faire ce que veut le patron sans protester), l’autorité de l’État, ‘‘l’ordre public’’ et les ‘‘valeurs familiales’’… Ils suivent ainsi fidèlement les traces de Margaret Thatcher.
La révolution sexuelle de Mai ’68 : conquêtes et limites
En 1968, la France n’était pas isolée. Une grande partie du monde connaissait une résistance de masse contre le capitalisme : de la part du mouvement ouvrier réclamant sa part des richesses produites, des femmes, des personnes LGBTQI+, en faveur des droits civiques et de la libération sociale, contre les guerres impérialistes ou encore contre la colonisation et pour l’indépendance.
Ces mouvements ont laissé une empreinte durable sur la société. Dans la plupart des pays développés, cela a conduit à la reconnaissance du droit à l’avortement ainsi qu’à des modifications législatives qui ont facilité le divorce. Ces changements législatifs – qui n’ont vu le jour qu’au cours des années 1980 et 1990 en Belgique en raison de la résistance du parti social-chrétien flamand CVP alors dominant (l’ancêtre du CD&V actuel) – traduisaient un changement dans la vision de la société envers les valeurs et normes traditionnelles. En général, les idées dominantes dans la société sont celles de la classe dominante, propagées par l’éducation et les médias. Seule une lutte de classe de masse généralisée peut faire en sorte que les idées des masses opprimées outrepassent les normes et valeurs traditionnelles.
Le mouvement de masse dans des pays comme la France, mais aussi les Etats-Unis, avait mis en branle de larges couches de la société. La solidarité croissante entre les différents mouvements a poussé à l’arrière-plan les idées dominantes de division (sexisme, racisme, homophobie) dans un contexte de marché du travail tendu, qui permettait de repousser toute discrimination. Les femmes quittaient leur foyer pour travailler tandis que la migration était encouragée.
Mais le mouvement s’est arrêté à mi-parcours, en grande partie à cause d’un manque de leadership de la part des sociaux-démocrates et des communistes staliniens. Mai ‘68 disposait d’un énorme potentiel pour renverser le système, avec une classe ouvrière numériquement, mais aussi culturellement, immensément plus forte que la classe ouvrière russe en 1917. Ce qui a manqué, c’est une direction révolutionnaire capable de mener le mouvement jusqu’à sa conclusion logique et d’éviter ainsi que cette énorme énergie ne s’évapore pour ne laisser que des ombres sous forme de lois progressistes tandis que le système à la base de toute discrimination, oppression et exploitation continuait d’exister. Cela a permis aux capitalistes d’adapter leur système et de défendre leurs intérêts dans de nouvelles circonstances.
Par exemple, la nouvelle liberté des femmes travaillant à l’extérieur a été instrumentalisée pour permettre de poser les premiers pas dans la création d’emplois mal payés, en particulier le travail à temps partiel. Les vagues généralisées de résistance de la classe ouvrière n’ont pas pu contrarier la pression qui s’est exercée sur les salaires de chacun entre le milieu des années 1970 et aujourd’hui, deux salaires étant dorénavant nécessaires pour maintenir une famille à un niveau de vie équivalent à ce que permettait précédemment un seul salaire. De plus, les économies budgétaires continuelles ont réduit les services publics qui permettaient aux femmes de travailler à l’extérieur du foyer à un tel point qu’un grand nombre de femmes se voient aujourd’hui forcées de travailler à temps partiel pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Le travail à temps partiel, certainement au vu de la réduction des allocations de chômage, ne constitue toutefois pas une base suffisante pour se construire une vie indépendante et décente au regard de l’actuelle cherté de la vie.
De la même manière, l’émancipation sexuelle des femmes a été déviée pour profiter à des secteurs très rentables comme la pornographie et la prostitution, la publicité et les industries textile et cosmétique. La disparition relative du tabou sexuel a permis de commercialiser le corps féminin à une échelle que nous n’avions jamais connue auparavant. La pornographie et la prostitution existent depuis la première société de classe de l’antiquité, mais la commercialisation du corps féminin n’a jamais été aussi omniprésente qu’aujourd’hui.
Que faire ?
Pour répondre au sexisme qui sévit dans la société, devrions-nous pour autant remettre en cause la libération sexuelle et revenir à un schéma traditionnel, comme le préconisent Bart De Wever et d’autres ? En aucun cas. Combattre le harcèlement sexuel n’a rien à voir avec la négation de la liberté sexuelle, comme le prétendent les auteurs de la tribune favorable à la ‘‘liberté d’importuner’’ autour de Catherine Deneuve. La liberté signifie également de dire ‘‘non’’ aux sollicitations et de très nombreuses travailleuses n’ont pas cette opportunité si elles veulent conserver leur emploi. D’autre part, de nombreuses travailleuses sont également en position de faiblesse dans leur famille en raison de leur revenu plus faible, qui induit une dépendance vis-à-vis de leur conjoint. Nous exigeons le droit de dire non et de pouvoir réellement le faire. Cela nécessite d’aller plus loin dans le chemin de la libération sexuelle.
Ce chemin vers la libération sexuelle suit, comme ce fut le cas en Mai ‘68, celui de la lutte des classes. Le mouvement des femmes à lui seul n’aurait jamais réussi à provoquer un tel changement sans la résistance sociale généralisée de tous les opprimés et tout particulièrement du mouvement des travailleurs. Celles qui veulent mettre fin au harcèlement sexiste sur leur lieu de travail doivent lutter contre les bas salaires et les contrats précaires – de même que contre le démantèlement de la sécurité sociale, qui n’offre plus aux chômeurs qu’une maigre allocation de survie – qui les rendent impuissantes face à ce phénomène. La meilleure façon de mener cette bataille est de s’impliquer dans un syndicat et, avec ses collègues masculins, de constituer un front contre les patrons et contre la politique austéritaire des autorités. Seul le mouvement des travailleurs dispose d’une force suffisante pour faire vaciller les gouvernements de droite et mettre fin à leur politique antisociale.
Mener un combat rigoureux contre le harcèlement, le sexisme et l’oppression des femmes dans la société ne signifie pas que les femmes doivent combattre les hommes, cela implique au contraire un soulèvement général de tous les opprimés contre les actuels détenteurs du pouvoir. Ce ne sont pas ‘‘les hommes’’ qui sont coupables des bas salaires, de la cherté de la vie, du chômage, du manque de services publics, des coupes dans la sécurité sociale et de toutes ces conditions matérielles qui expliquent que, 50 ans après Mai ’68, les femmes doivent encore se battre pour accéder à une véritable émancipation. De même, ‘‘les hommes’’ ne sont pas non plus coupables de la commercialisation du corps féminin. La majorité des hommes de la société n’ont rien à voir avec les décisions qui impactent la majorité des femmes.
Bien entendu, les syndicats ne sont pas à l’abri du sexisme, du racisme, de l’homophobie et d’autres formes de discrimination. Les militants de gauche doivent se battre en faveur d’un programme de revendications combatif et offensif ainsi que pour un travail syndical démocratique impliquant le plus grand nombre de travailleurs possible sur leur lieu de travail. Une partie de ce programme combatif consiste à intensifier la lutte dans les secteurs où le degré de syndicalisation est très faible et où les femmes, mais aussi d’autres groupes discriminés tels que les jeunes et les migrants, sont surreprésentés. En Grande-Bretagne, la première grève du personnel de McDonald’s a été une victoire, tandis qu’aux États-Unis, les actions visant à augmenter les salaires du personnel des grandes chaînes de supermarchés ont joué un rôle important dans l’émergence du mouvement en faveur d’un salaire minimum de 15 dollars de l’heure.
En même temps qu’ils se battent pour ces revendications directes sur le lieu de travail, les militants doivent lutter contre toutes les idées capables de diviser les travailleurs et lutter pour que les syndicats défendent tous les travailleurs, sans distinction de genre ou d’orientation sexuelle, quel que soit leur âge, quelle que soit leur origine nationale, qu’ils aient des papiers ou non.
Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra construire une force comparable à celle de Mai ‘68 et la pousser plus loin. Pour cette étape, outre les syndicats, il faut aussi un instrument politique capable de mener la lutte dans ce domaine, un parti des travailleurs féroce qui, à travers la défense d’un programme socialiste, soit apte à unir les masses et à mettre un terme une fois pour toutes au capitalisme et à toutes les formes d’oppression et de discrimination qu’il génère et entretient au quotidien.
Quelques dates clés :
- 1908. Le 8 mars 1908, une grève des femmes a pris place dans le secteur textile de New York. Elles exigeaient ‘‘du pain, mais aussi des roses’’, c’est-à-dire non seulement de quoi pouvoir survivre, mais aussi de quoi pouvoir jouir des plaisirs de la vie.
- 1911. La socialiste allemande Clara Zetkin proposa, lors d’une conférence socialiste des femmes à Copenhague, de faire du 8 mars une journée internationale des femmes : une journée de lutte pour l’égalité des droits.
- 1917. À Saint-Pétersbourg, en Russie, une grève commença lors de la Journée internationale des femmes. Ce fut le début de la Révolution russe de février, qui mit fin à la dictature tsariste. Le mouvement révolutionnaire russe a renforcé la lutte pour le droit de vote des femmes à travers le monde.
- 1919. Après la Première Guerre mondiale, avec la radicalisation générale provoquée par l’aversion pour la guerre et sous l’influence de la révolution russe, des concessions ont été obtenues. En Belgique, le suffrage universel masculin fut instauré, de même que la journée des 8 heures, la reconnaissance des syndicats et l’augmentation du salaire minimum. Les femmes ne pouvaient pas voter aux législatives (sauf les veuves de guerre), mais bien aux communales.
- 1948. Après la Seconde Guerre mondiale, un mouvement massif des travailleurs a imposé la mise en place de la sécurité sociale. Parallèlement, le droit de vote des femmes a été acquis et appliqué pour la première fois en 1949.
- 1966. Les ouvrières de la FN-Herstal ont fait grève sous la revendication ‘‘à travail égal, salaire égal’’. C’est jusqu’à ce jour la plus importante grève des femmes en Belgique. Des augmentations salariales ont été arrachées.
- 1973. L’interdiction de la distribution et de la publicité pour les contraceptifs fut abolie. Trois ans plus tard, en 1976, l’égalité juridique entre hommes et femmes au sein du mariage est entrée en vigueur.
- 1990. Légalisation conditionnelle de l’avortement en Belgique.
- 2017. Le 8 mars, des grèves des femmes ont pris place dans une trentaine de pays et de nombreuses actions ont été menées pour remettre le combat pour l’émancipation des femmes et contre le sexisme à l’ordre du jour. Le 8 mars fait son retour comme journée de lutte. Pour la première fois depuis longtemps en Belgique, une manifestation combattive réunit plusieurs centaines de personnes à Gand avec la Marche contre le sexisme.
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From #METOO to #FIGHTBACK – Grande conférence ROSA ce samedi 31/03
Ce 8 mars, la journée internationale de lutte pour les droits des femmes est marquée par la descente du #MeToo dans les rues. Avec la campagne ROSA, nous voulons participer à refaire de cette date une journée de lutte à travers diverses marches et actions dans 6 villes de Belgique contre le sexisme et la précarité. En Espagne et au Mexique, des grèves et manifestations contre les violences sexistes sont menées par Libres y Combativas, organisation sœur de la Campagne ROSA et, en Irlande, une marche #VoteForRepeal est organisée par ROSA Irlande pour exiger le retrait du 8e amendement de la Constitution irlandaise, qui interdit le droit à l’avortement. Le 31 mars, poursuivons la construction de la Campagne ROSA, outil de lutte contre l’oppression, le sexisme et l’austérité ! Une conférence nationale aura lieu à Bruxelles pour évaluer la première année de ROSA et continuer à construire un féminisme socialiste. Rejoins-nous !Par Mathilde (Liège)
Ensemble, contre le sexisme et la précarité !
Ces dernières années, la lutte contre le sexisme a pris de l’importance dans les médias, sur les réseaux sociaux, mais aussi et surtout dans la rue ! Dans ce combat, beaucoup mettent en avant la nécessité de l’éducation comme arme contre les harcèlements et agressions sexistes. Il est en effet nécessaire que ces comportements soient combattus dans la culture et l’enseignement, mais cela ne peut se faire sans que ces secteurs soient refinancés publiquement. Cependant, la lutte ne s’arrête pas là.
Les coupes budgétaires n’ont pas seulement mené à un manque de services publics et de moyens pour financer de telles campagnes. En Belgique, selon le dernier ‘‘Thermomètre Solidaris’’, 40% des travailleurs ont du mal à boucler les fins de mois, parmi lesquels 2/3 des sont des femmes. 50% des sondées qui ont un revenu sous le seuil de la pauvreté ont un emploi à temps partiel. Et avec les attaques contre les chômeurs, les pensions, les malades ou encore la normalisation des emplois flexibles et précaires se sont des centaines de milliers de femmes qui vont encore être violement poussées vers la pauvreté.
Construisons la résistance : participe à la conférence ROSA
La journée du 31 mars débutera par une conférence sur le rôle que peut jouer ROSA dans les luttes pour les droits des femmes. La discussion sera introduite par Anja Deschoemaker, une des initiatrices de la Campagne ROSA et porte-parole de Gauches Communes à Bruxelles. Un an après le lancement de la campagne, ça sera l’occasion de prendre le temps de toutes et tous nous rencontrer, de faire le point sur la situation de la lutte pour les droits des femmes dans le monde et de discuter de la nécessité de développer, avec ROSA, un féminisme socialiste.
L’après-midi s’organisera autour de 6 ateliers au choix. Nous discuterons de Rosa Luxembourg (voir notre dossier central) dont nous commémorons les luttes dans le cadre du centenaire de la révolution allemande, du chemin parcouru depuis Mai 68 jusqu’au #MeToo, de la nécessité de combattre le racisme parallèlement au sexisme, des droits des femmes sur les lieux de travail et dans les écoles, de la politique pour le droit des femmes dans les communes avec les élection qui arrivent et de l’approche socialiste à développer contre la LGBTQI+ phobie.
Fin d’après-midi, lors du meeting central FROM #METOO TO #FIGHTBACK , nous aurons la chance d’accueillir Heather Rawling qui a coordonné la Campaign Against Domestic Violence en Angleterre. Elle nous parlera des leçons à tirer des luttes contre les violences sexistes menées dans le monde du travail en Angleterre. Mai, lycéenne et coordinatrice de ROSA-écoles à Gand, expliquera les raisons pour lesquelles il faut s’organiser avec ROSA et sur la place de la jeunesse dans la lutte contre le sexisme. Enfin, Aisha, une des initiatrices de ROSA et la présidente de la commission femme du PSL échangera sur la nécessité d’allier lutte contre le sexisme et lutte contre un gouvernement antisocial.
N’hésite plus, inscrits toi pour cette importante journée pour construire, avec ROSA, une campagne féministe anti-capitaliste !
> 8 mars 2018 : En action contre le sexisme !
BRUXELLES: Jeudi 8 mars à 16h ULB solbosch devant le foyer – avenue Paul Héger. Pour rejoindre l’action de La Marche Mondiale des Femmes à la Gare Centrale à 17h30.
LIEGE: jeudi 8 mars à 18h Place Saint Etienne, où se tiendra un village féministe à partir de 17h30 (après une cycloparade féministe l’après-midi).
GAND: Jeudi 8 mars à 19h30 à la Hôtel de ville de Gand
ANVERS: Jeudi 8 mars à 19h00 Ossenmarkt
Mais aussi des actions à Mons le mercredi 7 mars et à Namur le samedi 10 mars. Contacte-nous!
> 31 mars : Grande conférence ROSA – From MeToo to FightBack
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8 mars 2018 : Le capitalisme oppresse les femmes – luttons pour une société socialiste !

Déclaration du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) dans le cadre de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Par Hannah Sell, du Secrétariat international du CIO.
Au début de ce 21e siècle, aux Etats-Unis comme en Europe, il a été dit aux femmes que l’égalité était à portée de mains. Il leur a été dit qu’elles n’avaient plus besoin du féminisme puisque que le capitalisme leur offrait un futur étincelant, reposant sur la prospérité grandissante et l’égalité des genres.
Cette illusion est aujourd’hui détruite. Partout dans le monde, le mythe du progrès capitaliste – qui verrait la jeunesse disposer de meilleures opportunités que leurs parents – a été réduit à néant par la crise économique de 2008 et ses conséquences. Les jeunes de la classe ouvrière et de la classe moyenne font face à un monde qui ne répond pas à leurs attentes, un monde dominé par le chômage de masse, les emplois instables et sous-payés, les coupes budgétaires dans les services publics et les logements hors de prix. Les guerres et les conflits sont en augmentation, forçant des millions de personnes à risquer leur vie en fuyant leur pays. Pour les femmes, tout cela se combine aux discriminations de genre, qui restent ancrées dans la société. Dans un monde marqué par le travail sous-payé, les femmes gagnent en moyenne entre 10 et 30% de moins que les hommes.
Dans le monde néocolonial, où la plupart des salaires sont anormalement bas, les femmes sont surexploitées. Elles travaillent parfois 12 heures ou plus par jour dans les champs, les marchés et les usines textiles. En de nombreux endroits, les femmes et leurs enfants travaillent comme des esclaves des temps modernes.
Loin de mettre une fin automatique et progressive à la discrimination sexuelle, les gouvernements agissent pour l’exacerber dans un certain nombre de pays. En Russie, par exemple, où une femme meurt de violence domestique toutes les 40 minutes en moyenne, la violence domestique a été partiellement décriminalisée. L’austérité a directement impacté l’importance de la violence et des harcèlements auxquels les femmes font face, tout comme leur capacité à se défendre. En Angleterre, plus de 30 refuges pour femmes battues ont été fermé en raison du manque de moyens tandis que beaucoup d’autres encore risquent de subir le même sort ou, dans le meilleur des cas, de sévères réductions de leurs budgets. De plus, la pénurie de logements abordables laisse les femmes sans endroits où se rendre lorsqu’elles décident de fuir une situation violente. En Angleterre toujours, 9 femmes sur 10 travaillant dans les bars, les restaurants ou les hôtels ont reporté avoir été victimes d’abus sexuels de la part d’employés, de membres de la direction ou de clients. Ces femmes s’entendent répondre que ‘‘ça fait partie du job’’ et qu’elles devraient s’estimer heureuses d’avoir du travail. Aujourd’hui tout comme hier, et pas moins, l’émancipation des femmes ne tombera pas du ciel, elle sera uniquement le fruit des luttes collectives.
La Journée internationale de lutte pour les droits des femmes est plus importante que jamais
Plus d’un siècle après avoir été initiée aux États-Unis, la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes est plus importante que jamais. Les tentatives de la réduire à une simple opportunité de profits pour les grandes entreprises (où il n’est question que d’offrir un cadeau à la femme de votre vie pour le 8 mars) commencent à être repoussées : le 8 mars devient un événement important dans la lutte naissante contre l’oppression des femmes à travers le monde.
Cette année, les jeunes femmes de l’État espagnol montreront la voie ce 8 mars. Des millions de jeunes femmes et hommes prendront part aux actions de grève appelées par le Sindicato de Estudiantes (syndicat des étudiants), dans lequel Izquierda Revolucionaria (section du Comité pour une Internationale Ouvrière dans l’État espagnol) joue un rôle de premier plan.
Le dernier coup de pied dans le conte de fée du progrès vers l’égalité a été l’élection du misogyne Donald Trump comme président des Etats-Unis. Cependant, dès son élection, sa présence à la Maison Blanche a eu un effet de rassemblement contre le racisme et toutes les formes d’oppression, tout particulièrement pour l’émancipation des femmes. A la suite de la Women’s March de l’année dernière (la plus grosse journée de mobilisation de l’histoire des Etats-Unis et la plus grosse internationalement depuis 2003 et la guerre en Irak), les marches de 2018 ont réuni 2,5 millions de personnes dans plusieurs Etats et villes des Etats-Unis.
L’Etat espagnol et les Etats-Unis ne sont pas isolés. Dans beaucoup de pays à travers le monde, de nouveaux mouvements féministes se sont développés ou sont en développement.
Certains de ces mouvements répondent à une oppression longtemps subie par les femmes, à l’image du mouvement qui se poursuit contre les viols en Inde et du mouvement ‘Ni une de menos’ (pas une de moins) qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes en Argentine et dans d’autres pays contre la violence de genre. D’autres mouvements ont émergé pour riposter contre de nouvelles attaques contre les droits des femmes, comme le mouvement partiellement victorieux qui s’est développé en Pologne en 2016 contre une tentative du gouvernement de complètement bannir l’avortement. Certains tentent d’aller plus loin que la défense des conquêtes sociales et en exigent d’autres. Cela fut notamment le cas de la Pologne, où des manifestations ont eu lieu au début de cette année pour que l’avortement soit possible jusqu’à 12 semaines de grossesse.
En République irlandaise, l’Etat – intrinsèquement lié à l’Eglise catholique – a adopté une attitude extrêmement réactionnaire à l’égard du droit des femmes de disposer de leur propre corps, l’avortement y est par exemple totalement interdit. Après l’épouvantable mort de Savita Halappanavar en 2012 (décès qui aurait pu être évité par un avortement), une lame de fond s’est développée en faveur du changement. Le Socialist Party irlandais (section irlandaise du CIO) a joué un rôle central dans la mobilisation et l’organisation de ce mouvement, aux côtés de la campagne féministe socialiste initiée par les membres du Socialist Party : ROSA. Aujourd’hui, les politiciens capitalistes irlandais ont été partiellement forcés à changer de ton suite à l’impact du mouvement. Une commission parlementaire a recommandé un accès illimité à l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse tandis qu’un référendum sur l’abrogation de l’interdiction existante aura lieu le 25 mai prochain.
#metoo
2017 a été l’année de #metoo. Ce qui a commencé à Hollywood – avec des actrices dénonçant les agressions sexuelles et les harcèlements dont elles ont été victimes de la part du magnat du cinéma Harvey Weinstein et d’autres – s’est répandu comme une traînée de poudra dans le reste du monde. Pratiquement toutes les institutions capitalistes – qu’il s’agisse des médias, des grandes entreprises, des parlements ou encore des organisations caritatives – ont été atteintes par une avalanche d’accusations. Cet afflux, en grande partie par le biais des réseaux sociaux, est une indication à la fois du caractère persistant et omniprésent du harcèlement sexuel ainsi que des agressions sexuelles et d’une confiance accrue dans la lutte contre ce fléau.
Nous ne donnons aucun crédit à ceux qui tentent de dire que ce phénomène a ‘‘exagéré’’ l’ampleur du harcèlement et des abus sexuels. Il n’a au contraire révélé qu’une petite partie du quotidien d’innombrables femmes, surtout parmi les couches les plus opprimées, y compris les moins bien payées, celles qui n’ont pas d’emploi stable et les travailleuses des minorités ethniques. Cela ne signifie bien évidemment pas que toutes les accusations portées par #metoo peuvent être considérées comme prouvées; tous les individus doivent avoir droit à un procès équitable avant d’être jugés coupables. Peu importe la culpabilité ou l’innocence de certains individus, cependant, #metoo a clairement révélé la culpabilité du système capitaliste qui permet à des millions de personnes de souffrir d’abus sexistes.
Il n’est pas surprenant que tant d’accusations soient portées contre des hommes en position de pouvoir sur leurs victimes. Le capitalisme repose sur une petite minorité de la société – la classe capitaliste, les milliardaires propriétaires des grandes entreprises et des banques – qui dispose d’un pouvoir énorme pour exploiter la majorité de la population. Nous vivons dans un monde où les huit personnes les plus riches possèdent plus que la moitié de la population mondiale. Inévitablement, dans une telle société, parmi ceux qui détiennent le pouvoir, il y aura des gens qui tenteront d’utiliser leur statut pour abuser ou harceler sexuellement des femmes et des hommes qui ont moins de pouvoir, dont leurs employés. Cela ne signifie pas toutefois pas, bien entendu, que les hommes issus de la classe des travailleurs soient exemptés de tels comportements. Le sexisme est intimement imbriqué dans le tissu du capitalisme. Il touche toutes les couches de la société.
Il ne fait aucun doute que l’année 2018 verra le développement de nouveaux mouvements pour défendre et étendre les droits des femmes. C’est le résultat inévitable des attentes des femmes et de la propagande pour l’égalité d’une partie de la classe capitaliste, qui s’oppose à la réalité sexiste du capitalisme. C’est l’inévitable résultat produit par la confrontation entre la réalité sexiste du capitalisme d’une part et les aspirations des femmes ainsi que la propagande pour l’égalité d’une partie de la classe capitaliste d’autre part.
La domination masculine liée à la société de classe
L’oppression sexuelle est profondément enracinée, mais elle n’est pas innée ou immuable. Au cours de la majorité de l’histoire humaine, elle n’existait pas. La domination masculine (le patriarcat), tant dans son origine que dans sa forme actuelle, est intrinsèquement liée aux structures et aux inégalités de la société divisée en classes sociales qui a vu le jour il y a environ 10.000 ans. L’essor de la domination masculine est lié au développement de la famille en tant qu’institution visant à maintenir les divisions de classes et de propriété de même que la discipline.
Aujourd’hui comme par le passé, les familles sont souvent composées de personnes qui se sentent les plus proches et en sécurité les unes avec les autres, il n’en demeure pas moins que l’institution de la famille, sous différentes formes, est un important agent de contrôle social pour toutes les sociétés de classes. La nature hiérarchique de la société s’est répercutée dans la structure même de la famille traditionnelle avec l’homme comme chef de famille et les femmes et les enfants obéissant à lui.
Bien que maintenant plus que jamais, l’institution capitaliste de la famille ait une emprise de plus plus faible sur la classe ouvrière, des millions de femmes à travers le monde restent encore “les esclaves des esclaves” et l’idée est encore profondément ancrée que les femmes sont la propriété d’hommes qui doivent être loyales et obéissantes à leurs partenaires. Toute la société est imprégnée de propagande qui ne cesse de revaloriser le ‘’rôle premier” des femmes, en tant que ménagères, mères, objets sexuels, etc.
Le fardeau de la famille
Pour le capitalisme, l’un des rôles importants de la famille est de porter le fardeau central d’élever la prochaine génération et de prendre soin des malades et des personnes âgées. Dans la seconde moitié du XXe siècle, du moins dans certains pays européens, cette situation a en partie été atténuée par les conquêtes obtenues par la classe des travailleurs (soins de santé gratuits ou bon marché, crèches, soins aux personnes âgées, etc.).
Aujourd’hui, dans tous les pays, ces conquêtes sont menacées, laissant les familles – et les femmes tout particulièrement – avec une charge horrible, souvent en même temps qu’elles travaillent à plein temps ou plus, dans des emplois mal rémunérés et précaires, et peinent désespérément à joindre les deux bouts. Le féminisme socialiste lutte pour l’égalité entre les sexes. Notre rôle, cependant, n’est pas d’accepter les fardeaux impossibles que le capitalisme impose aux familles – se contentant de débattre de la question de savoir qui porte la plus grande part du fardeau – mais plutôt de mener une lutte acharnée pour des services publics universels correctement financés et des emplois bien rémunérés avec une semaine de travail courte, afin de retirer le fardeau des tâches qui pèsent sur les familles de la classe des travailleurs et donner aux gens l’opportunité de profiter de la vie, y compris de passer du temps avec leurs proches.
Cette lutte est liée au combat en faveur des droits reproductifs, car ce n’est que sur cette base que les femmes peuvent obtenir le véritable droit de choisir quand et si elles veulent avoir des enfants. Les marxistes luttent pour que les femmes disposent du contrôle de leur propre corps – pour qu’elles puissent décider si et quand elles veulent avoir des enfants – mais aussi pour que les femmes aient des logements abordables de bonne qualité, des crèches gratuites, un revenu décent et tout ce qui est nécessaire pour pouvoir librement choisir d’avoir des enfants.
La lutte pour l’émancipation des femmes fait partie intégrante de la lutte de classe. Dans celle-ci, le combat des femmes contre l’oppression qui leur est propre s’harmonise avec les combats de la classe des travailleurs en général avec l’objectif d’une restructuration fondamentale de la société afin de mettre fin à toute inégalité et à toute oppression.
Le féminisme capitaliste n’est pas une solution
Nous sommes en désaccord avec le féminisme capitaliste parce qu’il n’adopte pas une approche de classe dans la lutte pour la libération des femmes. En termes simples, les femmes de la classe des travailleurs ont plus en commun avec les hommes de leur classe qu’avec Margaret Thatcher, Theresa May en Angleterre, Hillary Clinton aux États-Unis ou Sheikh Hasina Wazed au Bangladesh. Cela ne signifie évidemment pas que seules les femmes de la classe ouvrière sont opprimées. Les femmes de toutes les couches de la société souffrent d’oppression en raison de leur genre, dont la violence domestique et le harcèlement sexuel.
Cependant, pour obtenir une véritable égalité des sexes pour les femmes – y compris pour celles de l’élite de la société – il est nécessaire de complètement renverser l’ordre existant dans tous les domaines : économique, social, familial et domestique. Le point de départ d’un tel renversement est de mettre fin au système que Thatcher, May, Clinton et autres défendent – le capitalisme – et de placer les grandes entreprises sous propriété publique afin de permettre le développement d’un plan de production socialiste et démocratique. La classe des travailleurs, majoritaire dans de nombreux pays, est la force sociale de la société capable d’effectuer un tel renversement. Cela n’empêche bien entendu pas les femmes de l’élite de la société – même les filles de la classe capitaliste – de décider que la seule façon de mettre fin au sexisme dont elles souffrent est de rompre avec leur classe sociale et de se joindre à la lutte pour le socialisme.
Le rôle du mouvement des travailleurs
Les marxistes ne suggèrent aucunement que la lutte contre le sexisme doive être reportée sous le prétexte que ce ne serait qu’après le renversement du capitalisme qu’il faudrait s’en occuper. Au contraire, il est vital que tous les aspects de l’oppression des femmes soient combattus dès maintenant, y compris le harcèlement et les abus sexuels.
Le moyen le plus efficace d’y parvenir est au travers de la lutte unifiée du mouvement des travailleurs. Récemment, à Londres, des ouvriers de ferry ont mené une grève contre leur direction et ses méthodes d’intimidations, y compris de harcèlement sexuel systématique d’une secrétaire. La main d’œuvre – majoritairement masculine – a remporté une victoire. La seule chose qui donnerait moyens de riposter aux innombrables personnes victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail dans le monde entier serait de faire partie d’une organisation collective impliquant une majorité de leurs collègues de travail – un syndicat combattif – prêt à les soutenir concrètement. A une plus grande échelle, la classe des travailleurs a besoin de partis de masse, politiquement armés d’un programme socialiste, qui placent la lutte pour l’égalité de genre au centre de leur action.
Bien sûr, le mouvement des travailleurs n’est pas à l’abri des comportements sexistes et il est vital que les marxistes luttent pour que tous ces cas soient traités, dans le cadre d’une campagne de lutte de la classe des travailleurs pour l’égalité des femmes. La classe des travailleurs a le pouvoir potentiel de mettre fin à ce système capitaliste corrompu et sexiste, mais cela ne sera possible que sur base d’une lutte unitaire des femmes et des hommes de la classe des travailleurs. On ne peut y parvenir en ignorant ou en minimisant le sexisme, mais seulement en le combattant consciemment.
Il y a cent et un ans, en Russie, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une grève et une manifestation de travailleuses ont déclenché des événements révolutionnaires qui ont conduit la classe ouvrière à prendre en main le pouvoir en octobre, sous la direction des bolcheviks, pour la première fois de l’Histoire. La dégénérescence stalinienne ultérieure de l’Union soviétique a écrasé la démocratie ouvrière mais aussi de nombreux gains obtenus par les femmes après la révolution. Néanmoins, ce qui a commencé en 1917 dans un pays pauvre isolé, donne un aperçu de ce que le socialisme pourrait signifier pour les femmes d’aujourd’hui si les énormes richesses, la science et la technique créées par le capitalisme seraient exploitées pour le bien de l’Humanité. L’égalité juridique pour les femmes – y compris le droit de vote ou encore le droit de se marier et de divorcer librement – a été introduite en Russie soviétique bien avant que cela ne soit le cas dans le monde capitaliste. Il en a été de même avec l’abolition de toutes les lois discriminantes à l’égard de l’homosexualité. Le droit à l’avortement a été introduit en Russie après la révolution de 1917. Des crèches, des blanchisseries et des restaurants gratuits ont commencé à être créés.
Un siècle plus tard, le mouvement grandissant pour l’émancipation des femmes sera à nouveau mêlé à la lutte pour un monde socialiste.
Ce pour quoi nous luttons :
• Non à toute discrimination raciste, sexiste, sur base de handicap, d’orientation sexuelle, d’âge et à toutes les autres formes de préjugés.
• Pour une campagne de masse, menée par le mouvement des travailleurs contre le harcèlement sexuel, la violence et toutes les formes de discrimination sexuelle.
• Pour des syndicats combattifs démocratiquement contrôlés par leurs membres.
• Pour des partis de masse de la classe des travailleurs basés sur des programmes socialistes comprenant la lutte pour l’égalité de genre.
• Pour une lutte de masse en faveur de l’égalité salariale, dans le cadre du combat pour un salaire décent pour tous, liée à une semaine de travail plus courte, sans perte de salaire.
• Non à TOUTES les coupes budgétaires. Des emplois, des salaires et un logement décents pour tous. Pour une expansion massive des services publics.
• Pour des allocations familiale qui reflètent le coût réel de l’éducation d’un enfant
• Pour le droit au congé parental payé.
• Pour la mise à disposition de structures publiques de garde d’enfants gratuites et flexibles de haute qualité, accessibles à tous les enfants.
• Pour le droit des femmes de faire un réel choix. Pour la contraception et le traitement de fertilité gratuits et de haute qualité pour tous ceux qui le souhaitent. Pour le droit à l’avortement sur demande.
• Pour la propriété publique de l’industrie pharmaceutique.
• Pour que les grandes entreprises et les grandes banques soient expropriées et placées sous propriété publique, sous contrôle et gestion démocratiques des travailleurs, avec compensation uniquement sur base de besoins avérés.
• Pour un plan de production socialiste démocratique reposant sur les intérêts de la majorité écrasante de la population, mis en œuvre d’une manière qui préserve l’environnement et pose les bases d’une véritable égalité pour tous dans un monde sans division des classes et sans guerre. -
La place des femmes est dans la lutte !
8 mars 2018 : combattre pour l’émancipation des femmesLa campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) veut refaire du 8 mars un jour de lutte. Pourquoi et comment ?
Par Mai (Gand )
S’il existe une égalité formelle entre femmes et hommes, la réalité nous montre une toute autre histoire. Une étude de la Commission européenne constate que ‘‘l’écart salarial n’a pas diminué ces dernières années. Selon elle, cela s’explique par le fait que les femmes travaillent généralement moins et dans des secteurs moins bien rémunérés,qu’elles obtiennent moins souvent une promotion, interrompent leurs carrières plus souvent et font plus de travail non rémunéré. L’écart salarial total sur base annuelle atteint presque 40 %.’’(De Morgen, édition du 20 novembre)
80% des mères célibataires vivent en dessous du seuil de pauvreté. Beaucoup de soins et de tâches ménagères non-rémunérées sont à charge des familles, très souvent les femmes en premier lieu. En accord avec la logique néolibérale, le poids de nombreux problèmes est reporté sur les individus. L’avantage est double pour le capitalisme : toutes ces tâches nécessaires sont effectuées gratuitement et la collectivité ne doit pas y investir. Parallèlement, l’austérité et le manque d’investissements dans les secteurs publics et le secteur des soins tirent le niveau de vie encore plus vers le bas.
La position économiquement plus faible des femmes provient de son statut social inférieur. Les conditions de vie précaires des femmes les exposent au harcèlement sexuel. Tous les jours, nous sommes bombardés de nombreuses images sexistes dans la publicité, le porno et l’industrie cosmétique. Dans ces images, on présente la femme comme un objet que l’on peut s’approprier. Cela a une influence dévastatrice sur l’image des femmes dans la société.
Le féminisme à nouveau à l’agenda
Partout dans le monde, nous assistons à la réémergence des luttes féministes. Des manifestations massives de femmes ont eu lieu lors de la cérémonie d’investiture de Trump en janvier 2017. En Irlande, les protestations sont croissantes pour revendiquer le droit à l’avortement sous le nom ‘Repeal the 8th’ (pour abolir le 8ème amendement de la Constitution qui interdit l’avortement). En Argentine, les femmes sont massivement descendues dans les rues contre les féminicides (le meurtre d’une femme parce que c’est une femme). Ces protestations ont été suivies partout à travers l’Amérique latine. En Pologne et en Islande, des grèves de femmes ont eu lieu, respectivement pour défendre le droit à l’avortement et contre l’écart salarial.
Les réseaux sociaux ont connu le séisme des hashtags #MeToo et #Balancetonporc avec lesquels des femmes ont témoigné de leurs expériences personnelles liées à la violence sexuelle. Tout indique qu’une nouvelle génération n’a pas l’intention de se laisser faire! Cette génération est à la recherche de réponses pour mener la lutte contre le sexisme et la discrimination jusqu’à son terme.
La place des femmes est dans la lutte
Le 12 mars 2017, la campagne ROSA a été lancée par le PSL et les Ecoliers et Etudiants de Gauche Actifs. ROSA veut construire un mouvement plus large contre le sexisme, à l’aide d’actions et de campagnes. ROSA vise à canaliser l’énorme colère existante en une lutte efficace. Cela veut dire se battre contre un système qui crée l’inégalité de façon structurelle, c’est-à-dire le capitalisme.Cette inégalité crée un climat qui monte les gens les uns contre les autres. Pour lutter contre le système, nous devons au contraire unir tous les opprimés en un puissant mouvement des travailleurs.C’est la seule manière d’arrêter l’austérité et de construire une société socialiste qui améliore le niveau de vie des femmes et de toute la classe des travailleurs en posant les bases nécessaires pour une égalité réelle et plus seulement formelle.
Cela ne tombera pas du ciel, nous allons devoir nous battre. Dans ce cadre,le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, est plus pertinente que jamais. Il s’agit d’une journée d’action historique, née aux Etats-Unis, partie d’une grève des femmes en faveur de la réduction du temps de travail,d’un salaire décent et du droit de vote. Lors de la journée internationale des femmes de 1917, des travailleuses russes du textile ont manifesté pour ‘le pain et la paix’. Ce jour fut le début de la révolution de février (dans le calendrier russe de l’époque, le 8 mars correspondait au 23 février), l’étincelle quia mis le feu à toute la classe des travailleurs en Russie.
Aujourd’hui, le 8 mars est souvent réduit à une journée où les femmes sont mises à l’honneur. Nous voulons en refaire une journée combative avec des actions et des manifestations, des campagnes de sensibilisation et de mobilisation dans les écoles, les universités et sur les lieux de travail. Le 8 mars, nous voulons rassembler la défense des intérêts des jeunes, des travailleurs, des personnes LGBTQI+, des migrants, des hommes et des femmes – de toutes les victimes de l’exploitation capitaliste – en une lutte collective. C’est la seule manière d’arracher des avancées : des investissements publics dans les services publics de qualité et accessibles, la réduction collective du temps de travail sans perte de salaire, un salaire égal pour un travail égal, la fin de toutes les formes de discrimination,…
Après la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une conférence nationale aura lieu le 31mars à Bruxelles pour évaluer la première année de ROSA et continuer à construire le féminisme socialiste.Rejoins-nous !
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8 mars et le renouveau du mouvement féministe en Belgique, retour sur une journée de lutte

Marche antisexiste à Gand le 8 mars. Photo : Jean-Marie Versyp Le 8 mars dernier, malgré la pluie, au moins 600 personnes ont pris part à la manifestation antisexiste à Gand. Cette action avait bénéficié d’un large soutien et lors du meeting qui a suivi à l’université de Gand, l’ouverture pour des solutions anticapitalistes était remarquable. Nous avons interrogée à la fin de cette soirée Emilie Vanmeerhaeghe de la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, le Sexisme et l’Austérité) et initiatrice de cette manifestation.
Au cours de ces dernières années, la journée de lutte pour les droits des femmes du 8 mars était en Belgique un événement assez terne. A quelques rares actions près, il semblait que la journée était surtout utilisée par les fleuristes. La manifestation de Gand a surpris par sa combativité. Comment cette initiative a-t-elle vu le jour ?
‘‘Aux États-Unis, au lendemain de l’investiture de Trump, nous avons assisté à des manifestations de masse, réunissant des millions de femmes, contre le nouveau président et ses déclarations sexistes et racistes. En Amérique latine, les protestations sont croissantes contre les violences à l’encontre des femmes sous le slogan ‘‘Ni una menos’’ (pas une de moins). En Irlande et en Pologne, des actions de masse ont eu lieu pour le droit à l’avortement. En Irlande, l’avortement est toujours interdit et, en Pologne, il n’est autorisé que dans le cas où la vie de la femme est en danger. Le gouvernement conservateur polonais voulait encore plus durcir cette approche mais il a été forcé de reculer sous la pression de la rue.
‘‘Ce n’est pas surprenant que les femmes descendent dans la rue à travers le monde. On nous a dit pendant des années que les femmes et les hommes étaient dorénavant égaux, que l’égalité était acquise et que la lutte était superflue. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes femmes font face à une réalité bien différente. Les femmes sont toujours moins bien payées que leurs collègues masculins, elles supportent toujours l’essentiel des tâches de soin et des tâches domestiques et ce sont les plus grandes victimes des violences et du harcèlement sexuel.
‘‘Parallèlement, nous constatons que les femmes sont en première ligne des victimes des coupes budgétaires et de l’austérité, notamment dans les services publics où l’on trouve plus de femmes que d’hommes. D’autre part, les services qui ne sont plus fournis par la communauté sont fréquemment reportés sur les femmes : garde des enfants, soins aux personnes âgées, soins de santé.
‘‘Le 8 mars, c’est la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. L’événement a été dégradé au point de ne plus être que l’occasion d’offrir des fleurs et du chocolat. Avec notre manifestation, nous voulions essentiellement remettre au goût du jour le caractère combatif que doit revêtir une telle journée de lutte. Les conquêtes obtenues par les femmes ne sont pas tombées du ciel, il a fallu se battre pour arracher ces droits. Et non pas les femmes seules, mais avec les hommes. Voilà comment nous entendons défendre les droits des femmes.
‘‘Cette manifestation antisexiste a dépassé nos attentes, ce qui illustre l’ampleur du potentiel pour une telle approche. Ce n’est qu’un début, la vague internationale de nouvelles luttes féministes atteint également la Belgique’’.
Le 12 mars, la campagne ROSA a officiellement été lancée à Bruxelles. Là aussi les attentes furent dépassées. Peux-tu nous dire ce qui était marquant lors de cette journée ?
‘‘La journée de lancement de la campagne ROSA a été un énorme succès. Plus de 150 participants étaient présents, parmi lesquels de nombreux nouveaux visages. Les débats étaient passionnants. Ce qui m’a le plus fortement marqué, c’est de voir toutes ces jeunes filles qui refusent de subir le sexisme et qui veulent trouver un moyen de riposter ensemble. ROSA veut leur offrir un programme antisexiste et anticapitaliste couplé à des méthodes combatives. L’enthousiasme était épatant.‘‘L’idée d’une approche inclusive a reçu un bel écho. Le féminisme a longtemps été présenté comme une lutte contre les hommes. Les jeunes générations considèrent plus les hommes comme des alliés. L’oppression des femmes ne découle pas de la ‘‘nature masculine’’, ce n’est pas non plus spécifique à une culture particulière et cela n’a rien à voir avec la manière de s’habiller. C’est le produit d’un système économique où tout est réduit à l’état de marchandise, même le corps humain. Une petite élite au sommet de la société a un intérêt à entretenir l’oppression des femmes pour protéger ses profits en divisant la population’’.
Quelle contribution la campagne ROSA veut-elle fournir dans les nouvelles luttes féministes ?
‘‘ROSA est un instrument de lutte et de débat. Ses activités ne seront couronnées de succès que si elles permettent à des femmes de s’organiser. ROSA a une approche spécifique pour lutter contre l’oppression, le sexisme et l’austérité en défendant la construction d’une autre société. Nous ne luttons pas seulement pour survivre, mais aussi pour vivre une vie plus épanouie. Comme le dit le poème ‘‘bread and roses’’ (slogan d’une manifestation des ouvrières textiles de Lawrence, dans le Massachusetts, en 1912), nous voulons du pain, mais aussi des roses.
‘‘J’invite bien entendu les lecteurs de Lutte socialiste et de socialisme.be à ne pas rester spectateurs mais à eux-mêmes s’impliquer dans la campagne. Réunissez vos collègues et amis au boulot, à l’école ou sur les campus et organisez de petites actions locales. Prévoyez de participer à la manifestation anti-Trump le 24 mai prochain, à l’occasion de sa venue en Belgique, afin d’y faire entendre un puissant message d’opposition au sexisme. Nous ne sommes qu’au début d’un nouveau mouvement de lutte pour les droits des femmes. A quoi ressemblera-t-il exactement ? Tout cela dépend notamment de votre implication’’.
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Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes & lutte pour le socialisme
Ce sont les ouvrières russes du textile qui, il y a 100 ans, le 8 mars 1917 ont sonné le glas de la révolution de Février. À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes, elles sont descendues en masse manifester dans les rues de Saint-Pétersbourg aux abords des usines pour protester contre l’explosion des prix des denrées alimentaires en conséquence de la guerre. Ce fut le début d’une période de lutte intense qui se traduira par la prise du pouvoir par les soviets et la création du premier état ouvrier.Par Anja Deschoemacker et Liesje (Gand)
Cette révolution a eu un énorme écho international et a signifié un immense pas en avant pour le mouvement ouvrier. En ce qui concerne les conditions de vie et de travail des femmes, ce sont des pas de géants qui ont été réalisés. Les mesures prises il y a 100 ans ont représenté une amélioration fondamentale des conditions de vie des femmes (et des hommes). Ces réalisations sont, pour l’époque, phénoménales en comparaison de ce que les pays occidentaux dits “développés” avaient alors à offrir.
Le jeune état ouvrier russe a légalisé le droit à l’avortement en 1920. Aux Pays-Bas, ce ne fut le cas qu’en 1981 et en Belgique en 1990. L’accès au divorce a été facilité et les droits qu’avaient les hommes mariés sur leur femme ont disparu. En Belgique, refuser des rapports sexuels au sein d’un couple marié a été longtemps considéré comme un non-respect des devoirs qu’impliquait le mariage. C’est seulement depuis 1989 que le viol au sein du mariage est officiellement reconnu et donc punissable. Le congé de maternité est introduit en Russie juste après la révolution alors qu’il a fallu attendre l’après-Seconde Guerre mondiale pour l’obtenir en Belgique. Le travail de nuit pour les enfants a été interdit alors que dans la même période les enfants étaient encore envoyés dans les mines en Belgique.
Les acquis de la révolution russe sont donc énormes (cette énumération n’en est qu’une petite partie) et indiquent clairement ce qui est possible dans une société où la logique du profit cesse de prévaloir et où les richesses existantes sont utilisées pour répondre aux besoins de la majorité de la population. On peut aujourd’hui se demander : si cela a déjà été possible dans les conditions de développement de la Russie de 1917, qu’est-ce qui serait aujourd’hui possible si la science et la technologie, le développement économique et la richesse actuelle étaient mis au service de la majorité de la population et non pas pour répondre aux intérêts d’une élite toujours plus petite?!
L’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes
La Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes trouve son origine dans une grève de travailleuses de l’industrie textile et du vêtement à New York, menée pour une journée de travail de 8 heures, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote des femmes, le 8 mars 1908. L’année suivante, un appel du Socialist Party américain a débouché sur une lutte de plusieurs semaines pour de meilleurs salaires et conditions de travail, dans laquelle 30?000 travailleuses ont été impliquées. Cette journée est restée longtemps un jour de fête et de lutte pour les organisations de femmes du mouvement ouvrier, même si la mobilisation s’affaiblissait d’année en année.
De ce point de vue, l’histoire de l’origine de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ressemble beaucoup à celle du 1er Mai. Tout comme celle-ci, elle célèbre des actions qui ont eu lieu aux États-Unis et qui ont été ensuite reprises internationalement par le mouvement ouvrier organisé. La première célébration internationale, celle qui a été en ce sens la première véritable Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, date de 1911.
La Journée de lutte pour les droits des Femmes du 8 mars 1917 fut cependant la plus tumultueuse et la plus enthousiasmante. Celle aussi qui a eu le plus de conséquences : elle annonçait le début de la Révolution russe. Ce n’est qu’en 1922, à l’appel de l’Internationale Communiste, que la journée a été fixée à une date qui s’est imposée à travers le monde : le 8 mars.
Cette date trouve sa source dans la Russie du début du 20e siècle, une période où le capitalisme exigeait la participation active des femmes dans l’économie du pays. Chaque année, le nombre de femmes qui devaient travailler dans les usines et les ateliers ou comme domestiques augmentait. Les femmes travaillaient ensemble avec les hommes et elles créaient, de leurs mains, une partie de la richesse du pays. Pourtant, les femmes n’avaient pas le droit de vote.
Les femmes ont lutté pour l’acceptation de leurs revendications au sein du mouvement ouvrier
L’acceptation de la revendication du droit de vote des femmes n’était pas évidente dans l’Internationale Socialiste (aussi connue comme la Deuxième Internationale), tout comme ne l’était d’ailleurs pas l’ensemble de la lutte pour les droits des femmes. L’organisation en 1907 par Clara Zetkin et les femmes socialistes allemandes d’une Conférence internationale des Femmes Socialistes – la veille de la Conférence de la Deuxième internationale – a marqué les origines du mouvement de défense des droits des femmes au sein du mouvement socialiste. Une motion y est votée par laquelle les partis adhérents à la Deuxième Internationale s’engagent à lutter pour le droit de vote des hommes et des femmes.
Clara Zetkin était une figure importante dans le parti socialiste allemand, une socialiste convaincue et une championne des droits des femmes, mais aussi une opposante déterminée au féminisme bourgeois. Lors de la réunion où a été décidée la mise sur pied de la Deuxième Internationale (1889), elle avait déjà argumenté que le socialisme ne pouvait pas exister sans les femmes, que les hommes devaient lutter ensemble avec les femmes pour les droits des femmes et que cette lutte faisait partie de la lutte des classes. La réponse peu encourageante qu’elle reçut l’a conduite à prendre l’initiative d’un mouvement socialiste des femmes, ayant pour but d’influencer les partis socialistes. Elle essaya d’acquérir et d’élargir cette influence avec le journal femme socialiste « Die Gleichheit », dont elle était rédactrice en chef.
Mais, malgré l’acceptation de la résolution, l’enthousiasme pour le droit de vote des femmes était tiède dans la plupart des partis socialistes. Pour changer cela et pour impliquer davantage les femmes dans la lutte, la deuxième Conférence internationale des Femmes Socialistes (1910) a décidé de tenir chaque année une journée internationale de lutte pour les droits des femmes, une journée pendant laquelle on manifesterait, on ferait de la propagande,… En 1911, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes est célébrée en Allemagne, en Autriche, au Danemark, en Suisse et aux États-Unis. La liste des pays participants s’est allongée jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Cette guerre n’a pas seulement signifié un massacre, mais également la désintégration de la Deuxième Internationale. Le soutien à la guerre des différents partis socialistes – d’abord la social-démocratie allemande et ensuite tous les partis de la Deuxième Internationale – montre que, dans le cadre d’une analyse réformiste, le soutien à la bourgeoisie nationale avait pris le dessus sur l’internationalisme, sur le refus de laisser les travailleurs de “son” pays tirer sur ceux d’autres pays, et ce au seul bénéfice de leur propre bourgeoisie belliqueuse. Le seul parti qui est resté fidèle aux principes internationalistes du socialisme a été le Parti Ouvrier Social-Démocrate de Russie et en particulier son aile gauche majoritaire (les bolcheviks), sous la direction de Lénine et suivie dans cette voie par une partie de l’aile gauche de l’Internationale Socialiste (la Deuxième Internationale).
L’organisation internationale des femmes a continué d’exister et s’est rangée dans le camp anti-guerre. Les femmes socialistes allemandes, au contraire de la direction du Parti Social-Démocrate allemand, ont aussi continué à mobiliser contre la guerre et contre la répression de l’État. En 1914 notamment, elles ont milité contre la guerre qui approchait à grands pas et contre l’arrestation de Rosa Luxembourg, qui participait avec Clara Zetkin à la direction des groupes de gauche au sein du SPD.
Les protestations à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes ouvrent la voie à la Révolution de février en Russie
Pendant la guerre, les femmes socialistes ont poursuivi les actions de protestation à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes, dont la date varie alors entre le 23 février et le 18 mars. Ces protestations étaient fortement centrées sur le manque de vivres et les prix élevés de la nourriture provoqués par la guerre ainsi que sur l’opposition à la guerre elle-même.
C’est ainsi que les femmes socialistes italiennes de Turin ont diffusé une affiche, adressée aux femmes des quartiers ouvriers. L’arrière-plan de leur propagande, c’est alors l’augmentation générale des prix de la nourriture de base, comme la farine (dont le prix a grimpé de 88 % entre 1910 et janvier 1917) et les pommes de terre (+ 134 %). Ces affiches disaient : “N’avons-nous pas assez souffert à cause de cette guerre?? Maintenant la nourriture nécessaire à nos enfants commence aussi à disparaitre. (…) Nous crions : à bas les armes?! Nous faisons tous partie de la même famille. Nous voulons la paix. Nous devons montrer que les femmes peuvent protéger ceux qui dépendent d’elles.”
Mais les protestations les plus spectaculaires ont eu lieu lors de la célébration de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en 1917 en Russie. Sous la direction d’Alexandra Kollontaï, les femmes russes sont descendues dans les rues. Au centre de leurs préoccupations se trouvaient les conditions de vie qui continuaient à empirer. Le loyer d’un logement à Saint-Pétersbourg avait doublé entre 1905 et 1915. Les prix des produits alimentaires, surtout ceux de la farine et du pain, avaient augmenté de 80 à 120 % dans la plupart des villes européennes. Le prix d’une livre de pain de seigle, qui était la base de la nourriture des familles ouvrières de Saint-Pétersbourg, était monté de 3 kopecks en 1913 à 18 kopecks en 1916. Même le prix du savon avait augmenté de 245 %. Une spéculation énorme et un marché noir de la nourriture et de l’énergie se développaient à toute allure alors que les entreprises fermaient leurs portes les unes après les autres faute d’énergie. Les femmes et les hommes qui étaient licenciés partaient souvent en grève. En janvier et février 1917, plus d’un demi-million de travailleurs russes ont ainsi fait grève, surtout à Saint-Pétersbourg. Comme dans les autres pays impliqués dans la guerre, les femmes formaient une grande partie de ces travailleurs, vu que beaucoup d’hommes avaient été envoyés au front.
À l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes (le 23 février du calendrier russe correspond au 8 mars), des ouvrières ont organisé une manifestation passant le long des usines de Saint-Pétersbourg. Beaucoup de travailleurs des usines métallurgiques ont rejoint cette action. Le 25 février, deux jours après le début de l’insurrection des femmes, le Tsar a ordonné que l’armée tire sur les masses pour arrêter le mouvement. Ainsi a commencé la Révolution de Février, qui força le tsar à abdiquer le 12 mars. Le Gouvernement Provisoire qui est mis au pouvoir est le premier gouvernement d’une grande puissance à accorder le droit de vote aux femmes.
Mais, pour le reste, ce gouvernement n’était pas du tout prêt à augmenter le niveau de vie de la majorité de la population et d’ailleurs en était incapable. Le Tsar était parti, mais les grands propriétaires fonciers et les capitalistes continuaient d’exploiter la grande partie de la population et d’accaparer les richesses. À côté de ce Gouvernement Provisoire, une autre force s’est cependant construite, les Conseils (soviets) de délégués élus des travailleurs, paysans et soldats. Ces Soviets sont entrés en concurrence avec le Gouvernement Provisoire sur la question centrale : qui va diriger le pays. De plus, le gouvernement refusait également de mettre fin à la guerre, une revendication qui gagnait toujours plus de soutien parmi les masses, en raison aussi de la campagne menée sans répit par les bolcheviks.
Ce double pouvoir – d’un côté le Gouvernement Provisoire et de l’autre les soviets – ne pouvait pas durer longtemps. Lors de la Révolution d’Octobre, les Soviets, réunissant les représentants élus des masses laborieuses, ont répondu à l’appel des bolcheviks et ont pris le pouvoir. Ces événements ont fixé la date de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes en Russie et en Europe au 8 mars. En 1922, l’Internationale Communiste (ou Troisième Internationale), mise sur pied à l’initiative de Lénine et Trotsky, a fait de cette journée un jour férié communiste.
La dégénérescence du mouvement communiste révolutionnaire coïncide avec celle de la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes
L’État ouvrier, arrivé au pouvoir par la Révolution d’Octobre, a donné aux femmes travailleuses des acquis dont les femmes en Occident ne pouvaient alors que rêver. À côté de l’égalité devant la loi, les femmes ont obtenu le droit au travail et à des régimes de travail spéciaux (diminution du temps de travail, interdiction du travail de nuit, congé de maternité,…) qui tenaient compte de la fonction sociale des mères en plus du travail hors de la maison. Et le jeune état ouvrier a aussi été le premier à prendre réellement ses responsabilités envers la majorité de la population sur le plan du logement et des services de base. Les richesses produites par la population ont été, pour la première fois, réellement utilisées pour servir les intérêts des masses par le biais d’une économie planifiée, qui avait au cœur de ses préoccupations les besoins des masses et qui également avait été élaborée dans une première période de manière démocratique à travers les soviets, les conseils des travailleurs, paysans et soldats.
Mais le jeune État ouvrier a fait beaucoup plus encore. L’oppression des femmes est en effet un problème plus profond qu’une simple question de revenu et de salaire. Le droit à l’avortement, la possibilité de divorcer plus facilement, l’abolition des “droits” que les hommes avaient sur les femmes dans le mariage,… tout cela a fait partie des acquis des femmes de la classe ouvrière en Russie – des acquis que les femmes en occident ont dû attendre longtemps encore. Afin de stimuler et d’aider les femmes à sortir de leur foyer et à s’engager dans la société, un travail de formation à grande échelle a aussi été mis sur pied, au moyen de campagnes d’alphabétisation dans les zones rurales et d’un travail de formation pour élever le niveau culturel. Des femmes socialistes ont parcouru cet immense pays pour expliquer aux femmes les droits dont elles disposaient.
Mais la Révolution Russe ne pouvait pas tenir debout et évoluer vers une société socialiste dans l’isolement total dans lequel se trouvait le pays après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe, et tout particulièrement en Allemagne. Ces défaites se sont succédé surtout à cause de la trahison des dirigeants des partis socialistes de la Deuxième Internationale. La société russe se heurtait à un manque de développement technique, à une arriération culturelle dans les vastes régions rurales,… et était en plus entraînée dans une guerre sans fin : les puissances capitalistes de l’extérieur faisant tout pour aider l’ancienne élite dirigeante russe à reprendre le pouvoir, en bloquant les relations commerciales, mais aussi en envoyant des troupes (les armées de 21 pays ont ainsi foncé à travers le territoire russe). La poursuite de la guerre imposée à la société russe a conduit à des famines dans différentes parties du pays.
Le soutien – ouvert et concret – donné par tous les partis russes, excepté les bolcheviks, à la contre-révolution a conduit à une situation dans laquelle de plus en plus de partis ont été mis hors-la-loi. Cette période de “communisme de guerre” est toujours perçue, même aujourd’hui, par une série de partis communistes comme un “modèle” alors qu’il ne s’agissait que d’une adaptation à la guerre, concrète et nécessaire, imposée au jeune État ouvrier. Beaucoup de penseurs bourgeois mettent cela en avant pour montrer combien le “communisme” est “antidémocratique” – bien que dans les pays capitalistes la démocratie ait également été suspendue en temps de guerre et parfois d’une manière encore plus profonde qu’en Russie.
Mais l’échec des révolutions en Europe occidentale et les difficultés économiques internes dans un pays détruit par la guerre ont fait qu’en Russie, une bureaucratie a pu concentrer dans ses mains toujours plus de pouvoir. Cette bureaucratie, sous la direction de Staline, a progressivement étranglé toute opposition et a remplacé le fonctionnement démocratique de l’économie planifiée par son propre pouvoir tout-puissant. Cette prise de pouvoir de la bureaucratie s’est marquée aussi à travers l’adaptation graduelle du programme du Parti Communiste russe envers les femmes, qui a glissé de plus en plus vers la glorification de la maternité et de la famille nucléaire dans laquelle la mère préoccupée du bien-être de la famille occupait la place centrale.
Parallèlement, l’Internationale Communiste (la Troisième Internationale) est devenue partout dans le monde un instrument de cette bureaucratie russe, donnant chaque jour davantage la priorité aux intérêts de la politique extérieure de l’URSS sur les intérêts de la classe ouvrière dans le reste du monde. C’est ainsi qu’a commencé une longue chaîne de trahisons, débutant avec la première Révolution Chinoise dans les années ’20 (au cours de laquelle le Parti Communiste chinois a été forcé d’aider le Kouo-Min-Tang, le parti bourgeois nationaliste au pouvoir), se poursuivant avec la guerre civile espagnole en 1936-39 (au cours de laquelle le Parti Communiste espagnol a notamment utilisé son influence pour retirer leurs armes aux femmes ouvrières et les cantonner au rôle de cuisinières et d’infirmières dans l’armée), dans laquelle les intérêts des travailleurs et paysans espagnols ont reçu une importance bien moindre que les accords que Staline avait conclus avec différents pays capitalistes (ce qui a mené à la victoire de Franco) ou encore avec la Révolution Iranienne de 1979 (au cours de laquelle le Parti Communiste iranien a refusé de jouer un rôle indépendant et de diriger lui-même la lutte, a apporté son soutien à Khomeiny et a totalement abandonné les femmes iraniennes à leur sort. Dans ce cadre, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a changé de nature dans les pays staliniens pour devenir une sorte de fête des Mères ou de Saint-Valentin, un jour où les femmes reçoivent des petits cadeaux et des fleurs.
Relance de la lutte des femmes dans les années ‘60
Dans le reste du monde, la Journée internationale de lutte pour les droits des Femmes a été de plus en plus oubliée pour n’être reprise qu’à la fin des années ’60 par le nouveau mouvement féministe, ce qu’on a appelé la “deuxième vague” (après une “première vague” pour le droit de vote). C’est également la période durant laquelle d’autres mouvements d’émancipation, comme le mouvement pour les droits pour les homosexuels, a connu une forte poussée.
Les années ’60 ont vu un grand afflux de femmes sur le marché du travail. Vu le chômage très bas, les femmes ont été stimulées à aller revendiquer leur place au travail. La nouvelle vague féministe s’est donc développée sur la base de ces conditions économiques favorables. En Belgique, la montée de ce mouvement a été annoncée par la grève des ouvrières de la FN d’Herstal sur la revendication “à travail égal, salaire égal”, qui a duré 12 semaines.
Cette nouvelle vague féministe, qui a coïncidé avec le développement d’autres mouvements d’émancipation comme celui des homosexuels, avait comme objectifs d’obtenir l’indépendance économique, de rompre avec la répartition classique des rôles entre hommes et femmes, d’arracher la libération sexuelle, de casser le “plafond de verre” qui maintenait les femmes loin des hautes fonctions, y compris en politique. Dans beaucoup de pays, des acquis importants ont été obtenus grâce à cette lutte, entre autres sur les questions de la contraception et de l’avortement, de l’assouplissement des lois sur le divorce,… illustré par des slogans comme le très célèbre “maître de mon ventre” ou “le personnel est politique”.
En termes légaux, la revendication “à travail égal, salaire égal” a été obtenue tout comme l’interdiction des discriminations professionnelles, mais sur on doit bien constater encore aujourd’hui que les salaires réels des femmes sont toujours en moyenne 25 % plus bas que ceux des hommes.
La lutte n’est pas encore terminée
Malgré les énormes acquis pour les femmes – l’accès à l’enseignement et au marché du travail, la légalisation de l’avortement, la facilitation des procédures de divorce, l’égalité devant la loi,… – obtenus par les luttes dans les pays capitalistes industrialisés, les problèmes ne sont pas fondamentalement résolus. Au contraire. Suite aux dizaines d’années de politique antisociale et néolibérale, un grand nombre d’acquis ont été rabotés. Et ceci touche les femmes très durement.
Une partie d’une liste malheureusement longue :
Un quart des femmes pensionnées ont droit à une pension de moins de 500 euros par mois. Le gouvernement Michel veut augmenter l’âge de la retraite de 65 à 67 ans d’ici 2030 et dans le même temps exige une carrière plus longue pour avoir droit à une pension complète. En 2017, il faudra une carrière de 41 ans, en 2019, de 42 ans. Les trois quarts des travailleuses (et un quart de la main-d’œuvre masculine) ne répondent pas à cette exigence de carrière. Ces mesures, auxquelles s’ajoute la suppression prévue d’un certain nombre de périodes assimilées (crédit temps, régimes de congé, chômage, études,…), aggraveront encore la situation déjà pénible des femmes au niveau des pensions.
L’accès aux allocations d’insertion (les ex-allocations d’attente), qui avaient déjà été limitées à 3 ans par le gouvernement Di Rupo, a encore été restreint par le gouvernement Michel. Près de deux tiers des 40?000 chômeurs qui ont perdu leurs allocations de cette façon ou à qui elles ont été refusées sont des femmes, dont la moitié sont seules avec enfants. Le gouvernement Michel en a encore rajouté une couche en baissant les allocations complémentaires pour les travailleurs à temps partiel.
Avec la loi Peeters, la demande croissante de flexibilité atteint son paroxysme. Si l’horaire d’une personne peut toujours être modifié 7 jours à l’avance, comment peut-elle encore par exemple prendre ses dispositions pour la prise en charge des enfants.
Les coupes dans les services publics affectent doublement les femmes. Les femmes y sont surreprésentées et donc les premières victimes en tant que membres du personnel. De plus, à cause de la baisse des services, de plus en plus de tâches retombent sur les familles au lieu d’être prises en charge par la société. Et dans les ménages, les femmes prennent en charge en moyenne à 80 % des tâches ménagères.
Nous appelons la double journée de travail, la combinaison des tâches ménagères et des soins avec le travail rémunéré. Beaucoup de femmes travaillent en dehors de la maison aujourd’hui et très peu de filles et de jeunes femmes se voient comme des futures femmes au foyer. Mais la société ne voit toujours pas les tâches ménagères et les soins – que ce soit pour les enfants, pour le mari et, à cause du coût élevé des maisons de repos combiné au faible montant des pensions, toujours plus aussi pour les parents âgés – comme des tâches sociales pour lesquelles il faut créer des services publics. Tout le poids repose dès lors sur les épaules des femmes qui subissent une double journée de travail. Cette double journée, dans la situation d’un marché du travail de plus en plus flexible, fait que beaucoup de femmes ne gagnent pas assez pour être indépendantes sur le plan financier.
Ce manque d’indépendance financière fait que les femmes sont particulièrement vulnérables face à la violence. Même si elles veulent échapper à une relation violente, elles rencontrent plein d’obstacles sur leur route. Comment, avec les bas salaires que beaucoup de femmes subissent à cause du temps partiel, avec les titres-services et autres “petits boulots”, avec l’insécurité d’un contrat temporaire ou intérim,… trouver un nouveau logement et des revenus suffisants pour vivre, en particulier s’il y a des enfants??
La violence contre les femmes est inhérente au capitalisme : elle fleurit sur la division et les préjugés entretenus envers les groupes spécifiques afin de diviser et de paralyser la majorité de la population qui est exploitée et opprimée par la bourgeoisie. Les femmes sont souvent confrontées au harcèlement sexuel dans l’espace public, dans les écoles et les lieux de travail, mais aussi à la violence physique et sexuelle dans leurs familles. Les préjugés envers les femmes font aussi qu’elles doivent souvent travailler bien plus dur pour être perçues comme égales aux hommes. Le sexisme installe des limitations très réelles dans la vie des femmes. Malgré les énormes pas en avant qui ont été faits et la plus grande liberté que les femmes ont aujourd’hui pour décider de leur vie, cette violence perdure.
Une femme sur trois est confrontée un jour à la violence au cours de sa vie. En Belgique, une femme sur sept est victime de violence intrafamiliale grave et 68 % des femmes déclarent avoir un jour été victimes de violence physique ou sexuelle. Environ 70 % des femmes victimes de meurtre ont été tuées par leur partenaire. 8,9 % des femmes ont déjà été victimes avant leurs 18 ans de contact ou de relations sexuelles forcés.
De nouvelles formes d’oppression sont aussi apparues, ou plus exactement de vieilles formes sous une nouvelle apparence. La croissance de l’internet a été utilisée par la mafia du sexe pour assurer un élargissement jamais vu de l’industrie du sexe – le porno est un des plus grands secteurs sur internet. On voit aussi une évolution vers du porno de plus en plus dur, vers la pornographie enfantine. Le porno est présent partout aujourd’hui et diverses études ont montré que cela exerce une pression sérieuse sur les jeunes femmes, en particulier sur le plan de leurs “prestations” sexuelles. Ces études ont montré que, dans 97 % du matériel pornographique, les relations entre les sexes reposent sur l’obéissance et la soumission des femmes. La plus grande partie du matériel porno déborde de clichés du genre “les femmes veulent dire oui quand elles disent non”, etc.
Pour beaucoup de jeunes femmes qui atterrissent dans cette industrie du porno, faire des photos est une manière rapide de se faire un peu d’argent, mais cela s’avère aussi souvent être un tremplin vers la prostitution.
Dans la société, le point de départ dans le débat au sujet de la prostitution c’est souvent la notion de ‘choix’. Cependant pour la plupart de ces filles, il n’est aucunement question de choix. Leurs ‘choix’ sont limités par la nature restreinte du capitalisme en crise. Une enquête récente dans neuf pays indique que 60 % des prostituées travaillent dans des conditions d’esclavage, que 38 % disent ne pas avoir d’autre choix en raison de la pauvreté, du racisme, du manque de possibilités et du sexisme. Seulement 2 % des prostituées interrogées pensent qu’elles peuvent arrêter cette activité à tout moment.
Les médias grand public mettent en avant volontiers les compagnies d’escortes qui offrent de la prostitution de luxe afin de démontrer que la prostitution serait un choix. La réalité est différente. Les prostituées de luxe ne représentent qu’une petite minorité. Beaucoup de personnes qui atterrissent dans la prostitution n’ont aucune autre ‘solution’ pour survivre. Il s’agit entre autres des sans-papiers ou des personnes restées sur la touche et qui n’ont aucune source de revenus.
En affirmant que “la prostitution est un droit humain”, Amnesty International se joint à un nombre croissant d’institutions, de personnalités publiques et même d’États qui sont mis sous pression afin de faire de l’industrie du sexe un secteur comme les autres. Une organisation des droits de l’Homme qui présente la prostitution comme faisant partie des droits de l’Homme fait naître l’illusion que la prostitution sans exploitation est possible. En fait, la position d’Amnesty International revient à dire que les hommes – ce sont en effet presque toujours des hommes qui font appel à des prostituées – ont le droit d’acheter du sexe et qu’un commerce basé sur l’oppression des femmes ne pose aucun problème. Des études menées aux Pays-Bas et en Allemagne indiquent que ceux qui font des bénéfices sur base de la vente du corps des autres – les proxénètes donc – bénéficient de la légalisation de l’industrie du sexe. La traite des personnes a même augmenté dans ces pays. La plupart des prostituées vivent encore toujours dans l’illégalité et sont vulnérables à la violence sexuelle et physique en plus des autres formes d’abus.
Plutôt que de voir la prostitution comme un «droit de l’Homme», la nécessité de se prostituer pour de nombreuses femmes est entraînée selon nous par les manques de droits sociaux comme le droit au travail, des salaires et des allocations décents et le droit à une vie sans pauvreté. Le chômage élevé, les bas salaires et allocations, le coût élevé du logement, des soins et des services … font tout simplement que beaucoup de femmes atterrissent dans la prostitution. Et également de plus en plus d’hommes, surtout les hommes appartenant à des groupes défavorisés tels que les sans-papiers, atterrissent dans la prostitution, principalement la prostitution homosexuelle. Cela reflète la façon dont, dans la société, des couches toujours plus larges – aussi au-delà des couches traditionnellement défavorisées – atteignent une situation où leurs possibilités de faire des choix sont de plus en plus limitées.
La prostitution n’est pas une question de “choix”, mais d’un manque de choix?! ROSA défend les droits des femmes – et des hommes – et lutte contre la criminalisation de la prostitution, ce qui a comme seul effet de pousser ce secteur à travailler encore plus “underground” et à rendre la situation des prostituées encore plus difficile. Mais pour défendre les droits des femmes, nous devons surtout, en plus de la lutte contre la criminalisation, mener une lutte pour un programme social qui offre des possibilités pour les personnes qui se prostituent de quitter la prostitution, même pour celles sans-papier . Les enquêtes réalisées à travers le monde montrent déjà que c’est ce que la majorité d’entre elles veulent.
Nécessité d’une nouvelle Journée internationale de lutte pour les droits des femmes combative dans le cadre de la lutte pour le socialisme
La lutte des générations précédentes pour plus d’indépendance, de liberté et d’égalité a débouché sur de nombreux acquis. Cependant, nous voyons que le capitalisme est capable de convertir tout progrès à son propre avantage et d’en faire une source de profit. Dans une société où la logique du profit continue de prévaloir, aucun acquis ne sera définitif.
Pour arriver à un changement réel de la situation des femmes et des hommes, nous avons besoin d’une société qui fait disparaitre les bases matérielles de l’oppression. La lutte pour l’émancipation d’un groupe opprimé doit être menée par l’ensemble de la classe ouvrière. Quand celle-ci se mettra massivement en action, elle devra tirer avec elle tous les groupes opprimés. C’est ce qui s’est passé au cours de la Révolution russe. Les hommes et les femmes de la classe ouvrière ne peuvent pas se laisser diviser, mais doivent s’unir dans leur lutte pour une société dans laquelle ils y gagnent tous.
Nous voyons dans le monde entier des femmes qui se révoltent contre la réalité quotidienne. Aux États-Unis, il y a des manifestations massives contre les déclarations sexistes de Trump. Les femmes polonaises et irlandaises luttent pour mettre fin à l’interdiction de l’avortement. En Islande, les femmes ont fait grève contre l’écart salarial. En Belgique ces dernières années, les femmes sont principalement descendues dans les rues lors des mobilisations syndicales et elles étaient massivement représentées lors des actions contre les coupes budgétaires dans le secteur non marchand.
Le nombre de femmes et de jeunes filles qui veulent dénoncer et combattre le sexisme augmente à nouveau. Il y a un sentiment de “c’en est assez” et le mouvement féministe connait un nouvel élan. Il y a un rejet radical et marqué de toute forme de subordination et de sexisme. La volonté de s’engager dans la lutte s’accroît. Nous appelons à faire à nouveau de la Journée internationale pour les droits des femmes une journée de résistance des masses.
Nous de luttons pas pour que plus de femmes occupent des postes élevés, telles que la PDG de Proximus, Dominique Leroy, ou la présidente de l’organisation patronale (la FEB), Michèle Sioen, et qu’elles appliquent ensuite la même politique que leurs homologues masculins, c’est-à-dire défendre les intérêts de la classe capitaliste au détriment de millions de travailleurs et travailleuses. Leur objectif et ceux de leur classe sociale ont été clairement expliqués dans un article de ‘De Tijd’, le 31 décembre 2016. Elles font pression sur le gouvernement pour qu’il mette le paquet pour une énième réduction d’impôt pour les entreprises, ce qui mènera indubitablement à des coupes supplémentaires dans la sécurité sociale, avec toutes les conséquences que cela comporte pour la vie de milliers de femmes et de leur famille. Nous n’avons justement pas besoin de telles figures emblématiques, qu’elles soient femmes ou non?! Ainsi, il est apparu que Sanders, d’inspiration socialiste, était beaucoup plus populaire auprès des femmes que Clinton, la candidate pro-Wallstreet. Cela montre que ce genre de politiques identitaires longtemps en vogue n’est pas la voie à suivre.
La place des femmes est dans la lutte contre l’oppression, le sexisme et les économies sans fin que le capitalisme nous impose et qui rendent la vie de la plupart des femmes toujours plus difficile. C’est une lutte pour un programme et un parti qui pourrait libérer la classe entière, les hommes et les femmes, de toutes les formes d’oppressions et de discriminations. Une lutte pour un programme de transformation socialiste de la société?!
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En défense d’un féminisme socialiste
À la lumière d’une nouvelle génération qui cherche des réponses dans leur lutte contre le sexisme, Laura Fitzgerald défend la nécessité d’un mouvement féministe reposant sur les idées socialistes. Ce texte initialement été publié durant l’été 2016 sur le site rosa.ie.
Par Laura Fitzgerald, Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en république irlandaise)
‘‘Et enfin, aux filles du monde entier, je suis avec vous. Les nuits où vous vous sentez seules, je suis avec vous. Quand les gens vous remettent en question ou vous ignorent, je suis avec vous. Je me suis battue tous les jours pour vous. Alors n’arrêtez jamais de vous battre. Je vous crois. Les phares ne courent pas partout sur une île à la recherche de bateaux à sauver; ils se tiennent là, brillants. Bien que je ne puisse pas sauver tous les bateaux, en parlant aujourd’hui, j’espère que vous avez absorbé une petite quantité de lumière, une petite quantité de reconnaissance que la justice a été rendue, une petite assurance que nous arrivons quelque part, et une grande, grande conscience que vous êtes importantes, incontestablement, que vous êtes intouchables, que vous êtes belles, que vous devez être appréciées, respectées, indéniablement, chaque minute de chaque jour, et que vous êtes puissantes et personne ne peut vous enlever cela. Aux filles du monde entier, je suis avec vous. Merci.’’ (1)
Ce texte est devenu viral sur internet. Il s’agit de la conclusion de la déclaration d’une américaine de 23 ans victime d’un viol. Son texte a été lu en entier sur une chaîne nationale américaine. Son agresseur, Brock Turner, était un étudiant de l’université de Stanford qu’elle ne connaissait pas et qui l’a emmenée dans une zone isolée après une soirée étudiante où elle l’avait rencontré. Elle était enivrée et inconsciente lorsqu’il l’a agressée sexuellement. Deux jeunes hommes en bicyclette, des étudiants suédois, ont interrompu l’attaque et ont poursuivi et rattrapé Turner. La victime a expliqué avec émotion qu’elle dort dorénavant avec une photo de deux bicyclettes au-dessus de son lit pour lui rappeler de toujours rester optimiste.
Dans sa déclaration de 7.000 mots, elle a vivement dénoncé le système judiciaire et les médias qui ont minimisé le crime dont elle a été victime, un crime qui, explique-t-elle, a eu un impact catastrophique sur sa santé et sa vie en général. Brock Turner, un jeune étudiant blanc de Stanford nageur de compétition – comme les médias et ses avocats n’ont cessé de le répéter – a été condamné à six mois de prison à peine dans un pays qui condamne systématiquement les jeunes de couleur à une décennie de prison voir plus pour des charges liées à la possession de drogues sans violence.
Une nouvelle vague féministe?
L’affaire du viol de Stanford jugée en juin 2016 a eu un écho colossal à travers le monde. Ce n’est pas étonnant : dans le monde, un tiers des femmes subit des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie (2).
C’est aussi en raison de l’essor d’un nouveau mouvement féministe à travers le globe. La persistance de l’oppression des femmes et des personnes LGBTQI (lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexués) radicalise une nouvelle génération de jeunes femmes qui s’identifient comme féministes et, dans certains cas, s’engagent dans l’action politique. Elles ont combattu pour les droits reproductifs, en Irlande, en Pologne, dans l’État espagnol et ailleurs. Elles ont défié la culture de culpabilisation des victimes de violence masculine et sexuelle (femmes et enfants), y compris sur les campus universitaires américains. Elles ont activement participé aux mobilisations qui ont éclaté en Amérique latine ainsi qu’aux protestations explosives en Inde en 2013 (‘‘Rage Against Rape’’).
Les commentateurs estiment qu’il s’agit d’une nouvelle vague féministe. Cette vague accepte les LGBTQI et rejette les normes rigides de genre socialement imposées dans la société capitaliste. Elle rejette toute essentialisation de la féminité, typique de certaines théories qui ont émané de la deuxième vague de féminisme, à la fin des années 1960 et au début des années 1970. De ce fait, elle inclut très activement et consciemment les transgenres. Les réseaux sociaux, centraux dans la vie de nombreux jeunes, permettent la diffusion de ces idées dans de nombreuses régions du monde. Bien qu’à ce stade, elles se soient surtout répandues en Europe et aux États-Unis, elles se sont propagées bien au-delà.
Dans de nombreuses régions du monde, l’attitude est plus ouverte à l’égard de la sexualité et du genre parmi une certaine couche de la jeunesse. En Grande-Bretagne, par exemple, 49% des 18-24 ans ne se décrivent pas comme hétérosexuels, selon un sondage de YouGov, un site d’étude de marché, réalisé à partir d’août 2015. (3) Il est intéressant de noter qu’un autre sondage de YouGov indique aussi que seuls 2% des hommes âgés de 18 à 24 ans se décrivent comme complètement masculins. Cela illustre que, parmi les jeunes hommes, la masculinité n’est pas nécessairement considérée positivement; c’est peut-être une conséquence concrète de la nouvelle conscience anti-macho et pro-LGBTQI chez les jeunes. (4)
Combattre le ‘‘machisme’’ et le ‘‘féminicide’’
En Amérique latine, la nécessité urgente de contester le ‘‘machisme’’ et ce que les militants appellent le ‘‘féminicide’’ a provoqué de grandes manifestations au Brésil, au Mexique, en Argentine, en Colombie et en Bolivie au cours de ces 12 derniers mois (5).
En juin 2016, un nouveau cas a provoqué une explosion de mobilisations massives, furieuses et chargées émotionnellement : une jeune fille de 16 ans a été violée à Rio de Janeiro par un groupe de 33 hommes. Quand elle est allée rapporter l’incident, les policiers l’ont ridiculisée. À leurs yeux, cette jeune fille, qui vivait dans une favela, méritait de subir un crime aussi horrible. L’événement a été filmé et mis en ligne par certains de ses agresseurs, qui ont reçu de nombreux ‘‘partages’’ et ‘‘likes’’ sur les réseaux sociaux.
La réaction massive de la rue a coïncidé avec le coup d’État ‘‘non-violent’’ de droite contre le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) de Dilma Rousseff. La nouvelle administration qui remplace Dilma est 100% blanche et masculine – un symbole qui n’est pas passé inaperçu parmi les femmes et dans la classe ouvrière, majoritairement de couleur au Brésil. De cette façon, la gauche du PSOL et du PTSU (des organisations de gauche radicale) a une réelle possibilité de travailler en coalition avec la mobilisation des femmes contre le viol et la violence masculine, de défier le gouvernement illégitime et totalement réactionnaire de Temer, mais aussi de construire une contestation par la gauche de toutes les institutions – y compris le PT – qui ont déçu la majorité des travailleurs, des pauvres, et des femmes, mais qui continuent à subsister dans une société ignoblement inégalitaire et dans un État raciste et violent.
Les grandes lignes d’un nouveau mouvement féministe apparaissent quatre décennies après la ‘‘deuxième vague’’ du féminisme, au cours de laquelle les mouvements de femmes et de travailleurs ont arraché d’énormes avancées pour celles-ci, y compris l’égalité juridique dans de nombreux pays. Il est utile de revenir en arrière et d’analyser les points positifs de cette période : notamment les exemplaires luttes et mouvements de masse par en bas qui ont obtenu, entre autres, les lois sur l’égalité salariale, sur la contraception et le droit à l’avortement dans de nombreux États. C’est à ce moment que nous avons également vu la première vague de centres contre les viols et de maisons de refuge pour femmes.
Les points développés ci-après se concentreront toutefois sur ce que nous devons faire différemment aujourd’hui pour tenter de construire un mouvement qui pourra en finir définitivement avec l’oppression et les inégalités.
Le Néolibéralisme et le profit du sexisme
Hester Eisenstein a écrit que : ‘‘(…) le mouvement des femmes a créé une ‘révolution bourgeoise’ victorieuse pour les femmes (…) Il a fallu aux mouvements des femmes le XIXe et le XXe siècle pour revendiquer leurs droits en tant que citoyennes à part entière. Cette révolution inachevée semblait maintenant complète: les femmes, en particulier les femmes de la classe moyenne, pouvaient échapper au sort de n’être ‘‘seulement’’ que femmes et mères de famille, en entrant dans le monde du marché concurrentiel et individualiste.’’ (6) Elle a poursuit en soutenant que la ‘‘révolution féministe’’ des années 1960 et 1970 était assistée par la demande de main d’œuvre féminine de l’économie capitaliste. (7)
Les années 1970 ont été marquées par une crise de profitabilité pour le capitalisme, ce qui a nécessité un tournant majeur et l’arrivée du capitalisme néolibéral personnifié par Margaret Thatcher et Ronald Reagan. Ce néolibéralisme peut être résumé à l’élimination de tous les obstacles à la course au profit. Il se caractérise par le recul du mouvement syndical organisé, par des attaques contre les salaires et les conditions de travail, par la déréglementation, par les privatisations, par la ‘‘financiarisation’’ du capitalisme ainsi que par les délocalisations.
Eisenstein aborde également divers changements indicatifs qui ont eu lieu sur le marché du travail aux États-Unis. De 1940 à 1960, la forte augmentation de la main-d’œuvre féminine a été majoritairement canalisée dans des emplois manuels et de petit secrétariat. Par contre, plus de la moitié de l’augmentation de la main-d’œuvre féminine de 1960 à 1990 a été dirigée vers des postes de direction managériale ou de secrétariat. (8)
L’égalité juridique a permis la progression d’une élite féminine. Nous connaissons aujourd’hui des femmes dirigeantes de grosses entreprises (même si les ‘‘maîtres de l’univers’’ de l’élite capitaliste restent encore principalement des hommes). La candidature d’Hillary Clinton aux élections présidentielles de 2016 est une autre expression de cette progression. Les femmes de l’élite occupant des postes de pouvoir peuvent être utilisées comme symboles par la classe capitaliste pour tenter de justifier son système.
Cependant, l’afflux de travailleuses à l’échelle mondiale au cours des dernières décennies – une source de main-d’œuvre à temps partiel, souple, non syndicale et bon marché – a été utilisé par le capitalisme dans son élan néolibéral. Alors que le féminisme bourgeois s’est concentré sur la féminisation de l’élite, l’exploitation des travailleuses a augmenté. En Occident, les femmes travaillent majoritairement dans des emplois peu rémunérés dans le secteur des services. En Orient, les filles et les femmes de couleur travaillent dans certains des emplois les plus difficiles et les moins bien rémunérés au monde, dans des usines massives. Ce phénomène est caractérisé par l’exemple de l’industrie textile au Bangladesh et par l’incendie de Dhaka de 2012, où 117 personnes ont péri dans une usine qui produisait des vêtements destinés à l’Occident.
Le capitalisme est un système opportuniste qui saisit toute possibilité de réaliser un profit à mesure qu’il évolue. Une caractéristique déterminante du féminisme de la deuxième vague est qu’il s’est déclaré hardiment en faveur de la liberté sexuelle des femmes et de l’autonomie corporelle. Cela a également été instrumentalisé par le capitalisme, qui utilise le corps féminin et diverses parties de son corps dans des publicités qui relient le sexe au consumérisme, qui réduisent les femmes à l’état d’objet et qui promeuvent l’idée dangereuse selon laquelle les femmes peuvent être considérées comme des possessions.
Cela s’inscrit dans la prolifération massive de l’industrie du sexe, l’une des plus grandes industries de la planète, qui utilise malicieusement le langage de la libération sexuelle pour justifier une activité qui continue essentiellement à promouvoir une vision patriarcale du sexe et de la sexualité, où les femmes sont l’objet des désirs et des ‘‘besoins’’ sexuels des hommes à la place d’être des êtres sexuels disposant de leur propre liberté et de leur propres désirs, qui peuvent être aussi forts, aussi divers et aussi importants que ceux des hommes.
Travail domestique non rémunéré
L’ère du néolibéralisme a été synonyme d’assaut gigantesque contre l’Etat-providence là où il existait. Le sous-financement et la privatisation des services publics se sont généralisés. Ce processus a encore gagné en ampleur dans de nombreux pays après la crise économique mondiale de 2008.
L’idéologie reposant sur une image de la famille où le mari est le chef de famille incontesté avec une épouse servile est rejetée par la grande majorité des gens ordinaires, de tous les genres, en Irlande de même que dans beaucoup d’autres pays. Même la classe capitaliste n’a pas tendance à ouvertement promouvoir cette approche des choses. Une grande partie de la classe dirigeante soutient maintenant le mariage égalitaire (entre personne de même sexe), mais uniquement grâce à l’énorme pression de la base exercée par le mouvement LGBTQI.
La réalité signifie toutefois qu’en dépit de certains changements positifs survenus dans les comportements et dans la participation des hommes au travail à la maison grâce à l’arrivée massive des femmes dans la population active, l’érosion des services publics signifie que la majorité du travail non rémunéré (le travail ménager et le travail d’assistance aux enfants et aux proches malades et âgés) reste supporté par les femmes. La famille traditionnelle peut être affaiblie, mais le ‘‘travail reproductif’’ des femmes persiste car leur travail non rémunéré est crucial pour élever et nourrir, affectivement et physiquement, une nouvelle main-d’œuvre pour le capitalisme.
L’impasse du féminisme bourgeois
L’égalité juridique a beau existé depuis plusieurs décennies dans de nombreux États, les femmes qui y vivent ne bénéficient toujours pas d’une réelle égalité, tout particulièrement dès lors qu’il s’agit des femmes issues de la classe ouvrière et des pauvres. Le capitalisme profite du travail peu rémunéré et non rémunéré des femmes. Les industries telles que le marché cosmétique mondial qui était d’une valeur de 460 milliards de dollars en 2014 (10) et l’industrie mondiale de la chirurgie esthétique qui sera d’une valeur de 27 milliards de dollars d’ici 2019 (11) profitent de la faible estime de soi et de la mauvaise santé mentale des filles et des femmes. En fait, dans le monde, les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de troubles unipolaires (12). Il est ainsi impératif de placer l’anticapitalisme au cœur de tout mouvement féministe.
Une idée inhérente à l’anticapitalisme est d’être activement antiraciste et anti-impérialiste. À Cologne, en Allemagne, une vague d’agressions sexuelles horribles commises sur les femmes autour de la ville à la veille de la Saint-Sylvestre en 2015 a été dédaigneusement utilisée par les médias et l’establishment politique pour tenter de diffuser l’islamophobie et les sentiments anti-réfugiés. Les socialistes ont appelé à des manifestations contre le harcèlement sexuel et la violence sexuelle, mais aussi contre le racisme, l’islamophobie et les tentatives d’instrumentaliser les réfugiés comme bouc-émissaires. Ces manifestants ont souligné à juste titre l’existence répandue et systématique de la violence domestique en Allemagne, un pays qui n’est pas en reste en matière de sexisme.
De même, Hillary Clinton, l’apothéose du féminisme pro-capitaliste, a voté en faveur de la guerre en Irak de 2003 qui a tué des centaines de milliers d’Irakiens (13) et a été soutenue dans sa candidature à la présidence par l’Organisation Nationale des Femmes (NOW) aux Etats-Unis. NOW est la principale organisation américaine du féminisme bourgeois qui émane du mouvement des femmes initié à la fin des années 1960.
Ce qui frappe cependant, c’est en réalité le rejet conscient du féminisme bourgeois par les jeunes femmes les plus politisées aux États-Unis, en dépit des propos de Gloria Steinem, vénérable figure de proue du féminisme de la deuxième vague, qui a réprimandé les jeunes femmes pour leur manque de soutien à la candidature de Clinton en disant : ‘‘Quand vous êtes jeunes, vous pensez: ‘‘Où sont les garçons?’’ Et les garçons sont avec Bernie [Sanders, le challenger de Clinton durant les primaires démocrates, au profil de gauche]’’ (14). En fait, cela a provoqué l’indignation et même quelques marches pro-Sanders de protestation ont été appelées sous le slogan : ‘‘Nous ne sommes pas ici pour les garçons’’.
Elma Relihan, une militante de Socialist Alternative à New York a été interrogée lors d’une de ces manifestations par Democracy Now : ‘‘La marche d’aujourd’hui est ‘‘Not Here for Boys’’, qui répond aux commentaires de Gloria Steinem, des commentaires très insultants, qui affirmaient que les femmes étaient ici juste pour les garçons. En fait, la campagne de Bernie et le programme de Bernie répondent à beaucoup de besoins fondamentaux des travailleuses actuelles. Le système de santé Médicare, le salaire minimum de 15 $ de l’heure, l’enseignement gratuit, etc. sont des choses qui trouvent vraiment une résonance chez les jeunes, les jeunes femmes,…’’ (15)
Les jeunes femmes ont été une force motrice clé dans le mouvement de masse en soutien à la candidature de Bernie Sanders, qui appelait à une ‘‘révolution politique contre la classe des milliardaires’’. Elles n’ont pas été séduites par la perspective d’avoir pour la première fois une femme à la présidence des États-Unis. Hillary Clinton représentait le contraire de leurs aspirations radicales. Clinton, candidate favorables à la guerre, financée par Wall Street et représentante des intérêts des grandes entreprises, a elle-même provoqué le mouvement #BernieOrBust (Bernie ou rien). L’activisme de masse que nous avons vu pourrait être canalisé vers la construction d’une troisième force politique aux Etats-Unis, une force en faveur des travailleurs, des femmes, des personnes de couleur et des jeunes qui serait indépendante du monde de Wall Street.
Lutter contre l’oppression et le capitalisme
Ce développement d’un nouveau mouvement féministe dans le monde se produit à un moment de profonde crise économique et politique pour le capitalisme. La conscience des jeunes femmes en Irlande, qui se sont politisées en réaction à l’interdiction de l’avortement et à l’interdiction du mariage égalitaire en Irlande du Nord, a également été façonnée de façon indélébile par la politique d’austérité connue au cours de cette dernière décennie, une politique qui a détruit les conditions de vie de la majorité de la population à seule fin de sauvegarder les intérêts des entreprises et des banques.
En fait, toutes les luttes pour un renforcement des droits des femmes sont accentuées par une perspective anticapitaliste et socialiste. Par exemple, notre lutte pour abroger le huitième amendement de la constitution (l’interdiction constitutionnelle de l’avortement) est inextricablement liée à la lutte pour séparer complètement l’Église et l’État afin que nous puissions être certains que les hôpitaux publics pourront effectuer des avortements et que personne ne dépende des coûteuses cliniques privées contre son gré. Aucun des partis de l’establishment politique, ni le Sinn Féin d’ailleurs, ne sont prêts à véritablement assumer le rôle qui est encore celui de l’Église en matière de santé et d’éducation. Seule la lutte pour un véritable gouvernement de gauche pourra nous offrir cette victoire.
Un autre exemple est le fait que la crise du logement exacerbe les dangers de la violence masculine contre les femmes dans la société. Sans accès au logement, les femmes et les enfants pourront rester emprisonnés dans des situations potentiellement mortelles. La violence verbale, physique et sexuelle est l’expression d’un pouvoir conçu pour briser l’estime de soi et l’autodétermination. Par conséquent, il est toujours difficile de partir d’une relation abusive. La crise du logement, en particulier pour les femmes pauvres et les femmes de la classe ouvrière, rend cela impossible. La résolution de la crise du logement est liée à la remise en cause de la propriété privée de la richesse et des ressources, à l’annulation des bénéfices et du profit qui a provoqué un tsunami de sans-abris et à l’utilisation de la richesse et des ressources existants pour construire des logements publics afin de répondre aux besoins de tous.
Nous avons besoin d’un mouvement capable de défier l’idéologie, les attitudes et les comportements qui conduisent à la violence machiste contre les femmes. Comme nous pouvons le voir, un tel mouvement devrait également chercher à contester le système de profit actuellement en place.
Cela signifie de défendre la propriété publique démocratique des médias de masse, car le contrôle de ces derniers par l’élite est un instrument qui sert à promouvoir les idées sexistes et racistes dangereuses pour perpétuer le règne de l’élite capitaliste.
Il nous faut systématiquement être anticapitalistes et placer la perspective d’une alternative socialiste au centre de notre approche du changement à obtenir. L’égalité est impossible à arracher dans un monde où les êtres humains les plus riches possèdent plus de richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale (16) et où 60 millions de personnes sont des réfugiés ou déplacés à l’intérieur des pays en raison de conflits issus de l’héritage impérialiste du capitalisme et des catastrophes environnementales liées au pillage de la planète par le système de profit. (17)
Mouvement de la solidarité ouvrière
La classe capitaliste détient un énorme pouvoir économique et politique à l’échelle mondiale. Pour construire un monde socialiste dans lequel la richesse et les ressources sont détenues, contrôlées et utilisées dans l’intérêt de la majorité, il doit y avoir une opposition socialiste au système, fondée sur la solidarité, par toute la classe ouvrière de tous les sexes; un mouvement qui peut aussi transcender les divisions raciales et religieuses.Les femmes ont intérêt à contribuer à la construction d’un tel mouvement et à lier leurs revendications et leurs aspirations: en tant que femmes, surreprésentées dans les secteurs à faibles revenus; en tant que jeunes femmes qui veulent la liberté sexuelle ; ou comme les personnes LGBTQI qui souhaitent mettre fin à la culture hétéronormative et aux rôles rigides des sexes; comme des femmes de couleur qui veulent défier le racisme d’État et l’Europe-Forteresse.
Le refus du bipartisme traditionnel et de l’establishment politique par de grandes couches de la classe ouvrière et de grandes sections de la classe moyenne en Irlande et à travers l’Europe illustre le potentiel de construction sur une révolte ouvrière qui mettrait l’Europe et le monde socialistes à l’ordre du jour.
Simultanément, il illustre le potentiel pour la croissance d’un populisme de droite bigot et dangereux. L’ascendance de forces comme Donald Trump, ou d’extrême-droite et de partis racistes en Autriche, en France et en Grande-Bretagne – des forces rétrogrades et des vues traditionnelles sur le rôle des femmes de retour à la maison – représentent une menace sérieuse pour les gains et réformes importantes que les femmes ont gagnées.
C’est précisément pourquoi il est impératif que l’anticapitalisme et le socialisme occupent une place centrale dans toute lutte pour les droits et libertés des femmes !
=> Lancement de la campagne ROSA : Infos pratiques
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Notes
1. Katie Baker, 3 juin 2016, «Voici la puissante lettre que la victime de Stanford a lu à son agresseur», Buzzfeed, buzzfeed.com
2. OMS et autres, Estimations mondiales et régionales de la violence faite aux femmes, p.2
3. 16 juin 2016, «1 à 2 jeunes disent qu’ils ne sont pas 100% hétérosexuels», YouGov.co.uk
4. 13 mai 2016, “Seulement 2% des jeunes hommes se sentent complètement masculins”, YouGov.co.uk
5. Uki Goni et Jonathan Watts, 3 juin 2016, «Le Brésil et l’Argentine s’unissent pour protester contre la culture de la violence sexuelle», The Guardian, theguardian.com
6. Hester Eisenstien, 2009, Le féminisme séduit: comment les élites mondiales utilisent le travail et les idées des femmes pour exploiter le monde, paradigme, p. 64
7. Ibid, p. 48
8. Ibid, p. 52
9. Lise Vogel, 2013, Le marxisme et l’oppression des femmes: Vers une théorie unitaire, Haymarket Books
10. www.businesswire.com
11. mars 2015, «Global Cosmetic Surgery and Service Market Report», Kelly Scientific Publications, bharatbook.com
12. OMS, «Genre et santé mentale des femmes», who.int
13. www.iraqbodycount.org
14. Alan Rappeport, 7 février 2016, «Gloria Steinem et Madeleine Albright réprimandent les jeunes femmes qui soutiennent Sanders», New York Times, nytimes.com
15. 29 février 2016, «Les partisans de Sanders se rassemblent à New York, disent qu’ils ne sont« pas ici pour les garçons »», democracynow.org
16. Larry Elliot, 18 janvier 2016, «62 personnes aussi riches que la moitié de la population mondiale, dit Oxfam», The Guardian, theguardian.com
17. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, «Les chiffres en bref, tendances mondiales 2015», unhcr.org -
Etat espagnol: des centaines de milliers de participants aux mobilisations du 8 mars!
A l’occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes du 8 mars, la campagne ‘Libres y Combativas’ et le Sindicato de Estudiantes avaient appelé à une grève étudiante contre la violence sexiste et en faveur de la défense des droits des femmes de la classe des travailleurs.
La campagne ‘Libres y Combativas’ est une plateforme féministe et socialiste lancée par le Sindicato de Estudiantes (dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises sur ce site à l’occasion des grèves étudiantes de la fin de l’an dernier) et par des membres d’Izquierda Revolucionaria (organisation qui est actuellement en processus de fusion avec le Comité pour une Internationale Ouvrière, dont le PSL est la section belge). Leur appel à la grève étudiante contre les violences sexistes et en défense des droits des travailleuses a attiré dans la rue des centaines de milliers d’étudiants à travers tout l’Etat espagnol.
Il s’agit d’une étape historique puisque jamais auparavant une grève de cette dimension n’avait pris place à l’occasion du 8 mars et de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Des assemblées et des actions de protestation ont eu lieu dans plus d’un millier d’écoles et de campus. Des centaines de personnes ont signé pour rejoindre Libres y Combativas afin de renforcer les rangs des féministes anticapitalistes, révolutionnaires et socialistes.
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Journée de lutte pour les droits des femmes. 1917-2017: un siècle depuis la Révolution russe!
Les manifestations autour du monde seront gonflées par la colère contre Trump
La journée internationale de lutte pour les droits des femmes, ce 8 mars, est fêtée avec un enthousiasme tout spécial par les membres des partis et organisations affiliés au Comité pour une Internationale Ouvrière. Cela fait cent ans que les femmes de Petrograd ont choisi ce jour pour démarrer la lutte qui a déclenchée la grande Révolution russe. C’est également le jour pendant lequel des millions de gens, partout dans le monde, seront dans la rue pour dénoncer les vues réactionnaires du nouveau président des États-Unis, particulièrement à l’encontre des femmes.
Par Clare Doyle, du Comité pour une Internationale Ouvrière
Petrograd
Il y a tout juste un siècle, le 23 février selon le vieux calendrier (le calendrier julien), les ouvrières du textile de Petrograd débrayèrent de leur usine, demandant « du pain et la paix », appelant les autres travailleurs à faire de même. En cinq jours de manifestations de masse, la grève générale, des batailles de rues, des appels aux soldats, la machine d’État tsariste s’effondrait et le règne tant détesté de l’autocratie des Romanov prenait fin.
Le pouvoir était vraiment dans la rue, les travailleurs pouvaient s’organiser et s’en saisir. Il semblait que leurs rêves pouvaient devenir réalité : la fin de la guerre et de la famine, une nouvelle vie pour les travailleurs et les femmes et pour les millions de paysans terrassés par la pauvretés à travers le vaste Empire russe qui se désintégrait.
Les ouvriers et ouvrières des usines de la banlieue de Petrograd, à Vyborg, discutaient depuis longtemps de la révolution : les femmes n’ont eu qu’à ouvrir les vannes ! Elles attendaient désespérément la fin du massacre de millions de personnes au front, ainsi que de pouvoir nourrir leur famille.
Toutes les conditions de la révolution, analysées par les marxistes, avaient maturé : la crise au sommet de la société, le trouble et le mécontentement dans les couches moyennes, les travailleurs en mouvement et prêts à lutter pour en découdre, et les forces d’État prêtes à basculer du côté des travailleurs. L’élément manquant était le soutien de masse à un parti révolutionnaire qui pouvait montrer aux travailleurs comment prendre le pouvoir entre leurs mains et atteindre leurs objectifs.
De nombreux dirigeants révolutionnaires, dont Lénine et Trotsky, étaient toujours en exil et cherchaient à revenir en Russie. Ils se réjouissaient de la vague d’énergie humaine qui avait déferlé dans les rues de Petrograd mais analysaient en même temps que cette vague devrait être canalisée et aboutir à de nouvelles luttes pour en finir avec le capitalisme et la propriété des terres, et propager la révolution à d’autres grandes puissances économiques en Europe ou aux États-Unis.
Mais au début de l’année 1917, les Bolcheviks étaient faibles et n’avaient qu’un soutien limité dans les Conseils de députés ouvriers et paysans (les soviets). Les autres partis, les Socialistes-Révolutionnaires et les Mencheviks qui dirigeaient les soviets, n’étaient pas prêts à mettre en avant un programme pour mettre un terme à la guerre et dégager les capitalistes et les propriétaires terriens de leurs positions dans la société. Les travailleurs et les paysans ne voulaient rien d’autre que la fin de la guerre ; mais l’expérience allait montrer la nécessité de mener la révolution à son terme. Pour l’heure, la guerre perdurait, et de plus en plus de paysans et de travailleurs en uniforme se faisaient massacrer.Cela prendrait huit mois avant que la révolution, avec un soutien majoritaire pour le Parti bolchevik dans les soviets, ne puisse aboutir – cette fois, sans qu’une goutte de sang n’ait à être versée. En octobre (selon le vieux calendrier) un gouvernement ouvrier socialiste était établi.
Ses premières déclarations concernaient les questions vitales de la paix, la terre, la journée de huit heures et les droits des femmes. Les femmes auraient désormais le plein droit de vote, l’égalité salariale et horaire au travail, le droit au mariage civil et au divorce, plus le planning familial gratuit et à l’avortement si nécessaire. De grands plans étaient formés pour fournir des crèches et gardes d’enfants, des cantines collectives, des laveries, des équipement pour le sport et les loisirs. Une célèbre affiche révolutionnaire montre une jeune femme Bolchevik ouvrant une fenêtre avec ce slogan « À bas l’esclavage de la cuisine ! Donnez-nous la nouvelle vie ! ».
Les réformes mises à l’arrêt
Avec la guerre civile, l’intervention impérialiste et la faillite des mouvements révolutionnaires ailleurs, l’économie russe, déjà faible auparavant, était tragiquement handicapée. Des efforts monumentaux continuaient pour améliorer la vie des femmes en ville et à la campagne, mais de sévères pénuries contrecarraient les plans pour la « nouvelle vie ». L’ascension au pouvoir de Staline et de sa clique virent l’annulation de nombre des gains qui avaient été acquis pour les femmes. L’effondrement de l’Union soviétique dans les années 1990 a vu des « valeurs » capitalistes, voire féodales, restaurées, avec toutes leurs atroces manifestations.
En cette année de commémoration de la Révolution russe, la propagande du président Poutine est de dire que se débarrasser du Tsar en valait probablement la peine, mais que tout a mal tourné quand les capitalistes et propriétaires terriens ont été balayés ! Ceci venant d’un ancien membre cadre du « Parti communiste » et membre des forces de sûreté de l’État ! Quelle pire indication pourrait-il y avoir de la nature réactionnaire du règne de Vladimir Poutine en Russie aujourd’hui que la quasi-levée des sanctions légales contre les violences domestiques ? Quel cruel contraste avec l’approche sensible des Bolcheviks envers les problèmes qui affectent les femmes dans la société de classe !
Journée internationale de solidarité
L’idée d’une journée spéciale pour honorer les travailleuses et leurs luttes est née aux États-Unis. En 1908, 15 000 femmes ont manifesté à New York pour demander une journée de travail plus courte, de meilleurs salaires et le droit de vote. L’année suivante, le Parti Socialiste d’Amérique a appeler les femmes à observer une « Journée nationale des femmes » à travers le pays, et dès 1910, la socialiste révolutionnaire Clara Zetkin proposait, lors d’une conférence internationale à Copenhague, d’en faire un événement mondial.
Moins d’une semaine après les manifestations de femmes de 1911, 140 ouvrières périrent dans l’incendie d’une usine new-yorkaise. Dans les années qui suivirent, le nombres de travailleuses qui manifestaient pour demander des conditions de travail décentes et une vraie législation du travail augmentait. Lors de la Journée internationale des femmes de 1914, il y a eu des manifestations de femmes à travers l’Europe contre la guerre impérialiste imminente et pour le droit de vote des femmes.
Un siècle de changements
Beaucoup de choses ont changé en bien dans ce siècle passé depuis la Révolution russe. D’énormes avancées ont été obtenues pour le quotidien des femmes, souvent à travers des grèves, des luttes et des campagnes où elles ont été impliquées. Mais même dans ce contexte de technologies et de ressources largement plus développées, à travers le monde, les femmes continuent de travailler de longues heures pour une paye inférieure aux travailleurs masculins. Les politiques d’austérité des années récentes ont annulé certaines avancées, et les services desquels les femmes et leur famille dépendent subissent de sévères coupes budgétaires. De plus, comme des études le montrent, les femmes effectuent beaucoup plus de travail non payé au sein et en dehors de leur foyer que les hommes… même dans les cultures « avancées » !
La société capitaliste continue d’encourager des attitudes et des pratiques qui refusent aux femmes l’égalité d’opportunités et la liberté de choix d’avoir, oui ou non, et quand, des enfants.
Dans de nombreux endroits du monde, peu de choses, sinon rien n’a changé. Les femmes et les filles sont toujours vues littéralement comme la propriété, sinon les esclaves des hommes. Des millions d’entre elles sont privées des éléments d’éducation même les plus basiques et n’ont pas de temps pour elles-mêmes. Dans certains pays néocoloniaux, des progrès considérables ont été faits sur des questions comme la contraception, les mutilations génitales, et les décès en couche, de nombreux aspects de la vie – même la disponibilité de nourriture ou d’eau potable – ont empiré.
Les guerres et la famine signifient que des dizaines de millions de femmes doivent migrer, sont sans abris et réfugiées. À travers le monde, elles souffrent de l’exploitation sexuelle, de viols, de la violence, de meurtres, de la part de gens qu’elles connaissent tout comme d’étrangers.
Un livre publié par la Gauche révolutionnaire (section française du CIO) et le Parti Socialiste de Lutte, « Ça n’a pas à être comme ça », par Christine Thomas, explique en détail les problèmes auxquels les femmes ont été confrontées à travers l’existence des sociétés de classe, particulièrement le capitalisme. Ce livre parle de campagnes victorieuses qui ont pu avoir lieu sur le logement, les services de santé et contre le cauchemar de la violence domestique qui ont pu faire la différence et gagner des réformes. Mais le livre se termine par les mots de Friedrich Engels, ami et collaborateur de Karl Marx, qui sont tout autant valables aujourd’hui qu’à l’époque où il les a écrits au XIXème siècle. En effet, il écrit que la base pour résoudre les problèmes auxquels les femmes sont confrontées reste « la transformation de tous les moyens de production en propriété sociale ».
En tant que socialistes, nous voyons le capitalisme comme un système pourri qui inflige à l’humanité une misère effroyable, guerre et famine. Huit personnes possèdent plus que la moitié de la population mondiale ! Un pour cent de la population vit de l’exploitation des 99 autres.
Vraiment les choses n’ont pas à être comme ça ! La coïncidence du centenaire de la Révolution russe et la colère montante contre Trump et son règne des milliardaires offre une opportunité idéale pour populariser le plus bruyamment possible une approche socialiste et révolutionnaire des droits des femmes et de la transformation de la société dans laquelle nous vivons.
Révolution
Ce n’est pas une exagération de dire qu’en réaction à l’élection de Donald Trump en novembre, un genre de révolution a lieu autour du globe. Le mot même de « révolution », tout comme celui de « socialisme », est devenu populaire aux États-Unis ! Cela est dû en partie à la campagne de Bernie Sanders dans la course à la primaire démocrate, et à sa « révolution politique ».
Mais l’élection du très misogyne et sexiste Donald Trump à la présidence des États-Unis a vu une explosion immédiate de colère, particulièrement parmi les femmes, jeunes comme moins jeunes. Aux US, le jour suivant l’annonce des résultats, plus de 40 000 personnes étaient dans la rue en manifestation, largement grâce aux initiatives de Socialist Alternative, notre organisation sœur aux US. Ceci a sans aucun doute aidé à mettre le feu aux poudres des immenses manifestations qui ont suivi. Le 21 janvier, le lendemain de la prise de fonction de Trump, près de 600 « Marches de femmes » ont eu lieu à travers les US, avec plus de 4 millions de participants – et pas seulement des femmes. Le même jour, une centaine d’actions similaires ont eu lieu à travers le monde. L’idée qu’une action à l’échelle internationale peut changer le cours de l’Histoire est extrêmement puissante… dont l’heure arrive !
Des millions de femmes et d’hommes ont manifesté pour la première fois de leur vie pour protester contre les positions racistes, anti-immigration, anti-musulmans et anti-environnementales. L’idée se répand selon laquelle sortir dans la rue peut changer le cours de l’Histoire. C’est un pas révolutionnaire fait par les gens qui n’auraient peut-être jamais eu une pensée révolutionnaire ou socialiste à l’esprit !
8 mars 1917
Autour du globe, des millions de gens sortiront dans la rue le 8 mars, dans ce qui pourrait peut être être la plus grande célébration de cette Journée internationale de lutte des femmes. La véritable histoire qui lie ce jour avec les luttes des travailleuses contre les patrons et leur système s’est effacée. Ce n’est que dans quelques pays – dont le Pakistan et la Turquie – qu’il y a des manifestations régulières le 8 mars.
Mais cette année, en partie « grâce » à Donald Trump, le 8 mars est en train de revivre comme un jour où exprimer une réelle solidarité internationale sur les questions qui affectent les femmes… et pas juste leur offrir des chocolats ou des fleurs ! C’est une journée où condamner toutes les injustices, les insultes et discriminations que les femmes doivent affronter, incarnées par l’attitude de l’occupant de la Maison blanche à Washington. Ses menaces contre la Santé et le droit à l’avortement sont seules suffisantes pour amener une masse d’hommes et de femmes en colère dans la rue.
Bien sûr, un monde sépare la Révolution russe de ce qu’il se passe cette année. Dans le monde perturbé d’aujourd’hui, dans lequel les capitaliste n’ont pas de solutions à long terme pour leur système de crises perpétuelles, il y a un vide politique énorme. Les démagogues de droite essaient de le remplir. Ce dont nous avons besoin c’est de construire un mouvement indépendant qui peut se battre pour de vraies solutions aux nombreux problèmes qui ruinent la vie de 99% de la population et particulièrement celle des femmes.
Ceux qui défendent de simples réformes du capitalisme n’ont pas la réponse. Le système des patrons n’a toujours pas guéri de la crise de 2008 et va vers de plus grands désastres. Le fait que des millions de gens sortent en masse dans la rue aux États-Unis et à travers le monde marque une nouvelle étape dans la politique mondiale.
Dans cette atmosphère de lutte, des partis des travailleurs peuvent croître très rapidement.
« Grève ! »
L’idée d’un genre de « grève » le 8 mars a fermenté depuis l’automne 2015. Le 19, un million de femmes en Argentine a répondu à un appel à l’action d’un mouvement appelé « Ni una menos » (« Pas une de moins »). Ce mouvement a des groupes partout en Amérique Latine, et fait des campagnes contre le niveau horrifiant de violences contre les femmes. En Pologne, une action de « grève » des femmes et d’autres travailleurs a forcé le gouvernement à reculer sur ses propositions réactionnaires d’une interdiction complète de l’avortement. Il y aura des manifestations dans pas moins de cinquante villes en Pologne ce 8 mars. Fin octobre l’année dernière, il y a aussi eu une forme de « grève » des femmes en Islande, contre la discrimination salariale et en commémoration d’une importante grève des femmes là-bas en 1975.
En Italie, où, en novembre dernier, 200 000 personnes ont manifesté contre les violences faites aux femmes à Rome, le mouvement « Non una di meno » a interpellé les syndicats pour qu’ils organisent une journée de grève. Le 8 mars est appelé « grève des femmes », mais les femmes ne seront pas les seules à participer (tout comme cela a été le cas dans les manifestations anti-Trump partout dans le monde). De même, ce ne seront pas seulement des grèves. Les travailleurs hommes ont pour consigne de poser les outils et d’aller aux manifestations – pour agir pour attirer l’attention sur les énormes problèmes qui persistent pour les travailleuses. Il y a un appel en France pour qu’il y ait des débrayages à 15h40 le 8 mars, afin de priver les patrons du travail gratuit dont ils bénéficient habituellement à cause de la différence salariale entre les hommes et les femmes !
Aux USA, le pays de Trump même, Socialist Alternative a déclaré : « Confronté à une résistance record et historique, Trump ne recule pas. Il accélère même les attaques. Nous ne pouvons pas attendre les prochaines élections. Nous devons faire grandir nos actions et manifestations maintenant ! ». Ils en appellent à toutes et tous pour soutenir l’idée d’une action, dont des débrayages, « là où il est possible de le faire sans risquer de perdre son travail ou autre sanction ». Ils appellent aussi les organisations de femmes et les syndicats à utiliser cette journée comme un tremplin pour de plus amples actions le Premier mai – journée de solidarité ouvrière internationale.
Le Sindicato de Estudiantes (dirigé principalement par de jeunes femmes, membres de Izquierda Revolucionaria), a appelé les étudiants à débrayer de 12h à 13h le 8 mars. Ils appellent à des rassemblements dans les lycées et les campus universitaires. Leur message est : « Assez de la violence sexiste ! Nous nous battons pour défendre les droits des femmes ! À bas Donald Trump et tout gouvernement qui nourrit le sexisme et l’oppression ! ».
Au Brésil, des manifestations sont organisées autour de deux slogans principaux : « Non à la réforme des retraites ! » qui frappe les femmes le plus durement et « Non au féminicide ! » – un slogan du mouvement « Ni una menos » qui combat la violence croissante envers les femmes. Les professeurs de São Paolo devraient faire grève aujourd’hui.
En Irlande, un appel « Strike 4 Repeal » (« Grève pour l’abrogation »). Lycéens, étudiants et des travailleurs, débrayeront pour exiger un referendum immédiat sur l’interdiction d’avorter dans le pays. Une marche sur le Parlement est prévue ce soir. Des membres du Socialist Party, dont nombreux actifs au sein de ROSA (une campagne féministe socialiste) participeront à ces événements. En Suède, notre organisation sœur Rättvisepartiet Socialisterna a prévu de lancer une grève sur un lycée à Stockholm ainsi que quelques autres protestations dans des entreprises et services, et d’intervenir dans les manifestations.
Le CIO salue tous les appels à l’action autour du globe le 8 mars. Une « grève mondiale » ou même action n’aura pas lieu dans chaque grand pays, mais là où l’idée d’une action est mise en avant, nous encourageons une participation maximum des femmes tout comme des hommes, rejetant l’idée que seules les femmes devraient se battre pour les « problèmes des femmes ». Nous devons souligner l’importance d’un programme pour les droits des femmes qui devrait être repris pas le mouvement en entier dans le cadre de la lutte pour le socialisme.Le Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO)
À l’échelle internationale, le CIO a été au premier plan de nombreuses luttes qui ont directement affecté et impliqué des femmes. Dont la fameuse campagne de nos camarades aux États-Unis, dirigée par la conseillère municipale Kshama Sawant de Socialist Alternative, pour un salaire minimum de 15$/h. Notre approche dans chaque campagne est de lier des revendications immédiates de la lutte au changement de la société vers une société socialiste, mais de ne jamais dire que des droits ne peuvent pas être gagnés avant la transformation de la société !
Nous n’avons jamais eu l’approche de dire que les femmes devraient attendre et ne pas se battre pour des changements dans le monde dans lequel elles vivent. Et tous ceux qui sont impliqués dans un mouvement comme le notre a besoin d’être sensible et conscient des besoins des autres.
Au sein du CIO, nous soutenons les initiatives pour mener des campagnes et des luttes sur les questions qui affectent plus particulièrement les femmes. Mais nous défendons aussi la nécessité de les lier avec le mouvement ouvrier plus largement, et pour l’unité maximale des travailleuses et des travailleurs. Ceci a pour objectif de renforcer ces luttes et de montrer la nécessité d’une force politique plus large pour une société socialiste.
Nous nous réjouissons de l’attention large qui est donnée actuellement aux challenges particulier que les femmes doivent affronter dans la société capitaliste, et des manifestations qui sont organisées partout autour du monde. Nous voulons voir une unité et une solidarité maximales le 8 mars entre tous ceux qui, à l’échelle internationale, se battent contre le sexisme et les inégalités, l’exploitation et la souffrance omniprésents sous le capitalisme. Rejoignez-nous dans la lutte pour le socialisme !
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“Les femmes serrent la ceinture au gouvernement!”
4 mars, journée d’action et de débats de la Marche Mondiale des Femmes à Bruxelles
“Les femmes serrent la ceinture au gouvernement !”, c’était le thème de cette journée organisée par la Marche Mondiale des Femmes. Il illustrait parfaitement la volonté de beaucoup de femmes de ne plus avoir à subir les conséquences des politiques d’austérité.
Par Marisa (Bruxelles)
Pour démarrer la journée, un rassemblement a eu lieu Place de la Monnaie à Bruxelles en présence de 200 participants environ. L’animation, les slogans et les chants ont célébré la solidarité internationale de toutes les femmes dans le monde tandis que le gouvernement belge était critiqué en tant que menace pour la vie des femmes, notamment. Une « flash mob » a mis en scène les différents ministres belges du gouvernement Michel à qui les manifestantes ont serré la ceinture. Le PSL était présent à l’événement à l’instar des années précédentes. Cette année, nous avons bien entendu particulièrement évoqué la campagne ROSA (Résistance contre l’Oppression, l’Austérité et le Sexisme) et sa journée de lancement le 12 mars prochain (plus d’infos). Cela a bénéficié d’un très bon écho.
Ensuite, un débat a pris place au “Karteuizercenter”. Plusieurs oratrices de différentes organisations – dont des représentantes de la MMF, du CADTM, de la FGTB, de la CSC et du comité V’là la facture – ont fait un bilan de l’impact des politiques d’austérité sur les femmes, tant à niveau national qu’européen. Ce bilan est loin, très loin, d’être positif. Les mesures d’austérité ont miné l’autonomie économique des femmes, ont diminué leurs revenus et ont précarisé le travail féminin dans tous les pays d’Europe.
En Belgique, concrètement, les femmes sont confrontées à des violences économiques tout au long de leur carrière et la politique d’austérité du gouvernement ne fait que renforcer ces dernières. Les temps partiels forcés, la protection sociale diminuée, un calcul de pension de plus en plus défavorable, une prise en charge de tâches non rémunérées pour combler la manque d’infrastructures (qui s’occupent le plus souvent des malades dans la famille?),… Les femmes sont également les premières à payer plus pour leur santé et celle de leur famille. Alors que le gouvernement ne manque pas de moyens pour investir des milliards dans l’armement et l’achat d’avions de chasse, il économise sur tous les services publics, en dépit de la santé et des conditions de vie des femmes, des jeunes et des travailleurs.
Partout dans le monde les femmes résistent contre l’offensive conservatrice, sexiste et raciste du capitalisme. Des exemples de luttes internationales ont aussi été abordés: au Brésil en défense des droits des femmes et contre le coup d’État de Temer, en Espagne où 21 femmes son décédées en raison de violences machistes depuis le début de cette année et où 4 femmes sont actuellement en grève de la faim en réaction.
Le PSL rejoint évidemment l’idée que ce n’est pas aux femmes de se serrer la ceinture, ni de payer la dette. Nous pensons que la lutte pour les revendications féministes passe par une lutte collective et combative contre la destruction de nos services publics et pour la défense d’un emploi de qualité notamment par la réduction collective du temps de travail avec réduction des cadences, sans perte de salaire et avec embauche compensatoire. Mais pour obtenir des changements fondamentaux, nous devons nous débarrasser du capitalisme qui est à la base de l’oppression de la femme. Pour défendre les acquis des femmes, mais surtout en obtenir des nouveaux, nous défendons la nécessité d’une lutte anticapitaliste et socialiste qui soutient des revendications spécifiques des femmes.





