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Tag: Vlaams Blok
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Antifascisme. Pourquoi manifester contre le NSV?
Article par Geert Cool, porte-parole de la campagne antifasciste flamande Blokbuster
Le Nationalistische Studentenvereniging (NSV, cercle des étudiants nationalistes) se présente comme un sympa petit club d’étudiants flamingants qui ne s’occupe que de l’organisation d’activités estudiantines (soirées de chants,…). En réalité, il s’agit du vivier du Vlaams Belang, ce milieu étant même plus radical que le parti d’extrême-droite. En dépit de la présence de quelques membres de la N-VA, le NSV reste essentiellement un lieu de formation pour de futurs cadres du Vlaams Belang.
Lorsque le VB était au faîte de sa gloire électorale, le NSV a parfois dû quelque peu masquer son côté plus radical. Mais maintenant que le VB enregistre de moins bons résultats électoraux, l’attention des médias dominants est également moindre quant aux agissements de ses excroissances. Fin novembre dernier encore, le NSV a tenu à Anvers un meeting comprenant des orateurs internationaux dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils sont controversés : le NSV a ainsi offert une tribune à un militant d’extrême-droite italien qui se proclame ouvertement héritier du fascisme de Mussolini ou encore à un pionnier d’une milice privée hongroise mise à l’index. Même le Vlaams Belang a trouvé l’événement risqué et n’a pas désiré mettre de salle à disposition du NSV.
Ce dossier est destiné à examiner d’où provient le NSV ainsi que ce que préconise cette organisation.
D’où vient le NSV ?
Manifestation du 20 mars : page francophone de l’événement facebookLe NSV a été créé en 1976 pour regrouper des étudiants d’extrême-droite. Très vite, le NSV a également eu une aile d’écoliers avec le Nationalistische Jongstudentenverbond (NJSV) (Union des Jeunes Etudiants Nationalistes) où Filip Dewinter et Frank Vanhecke (à Bruges), Philip Claeys (à Bruxelles) ou encore Karim Van Overmeire (à Alost) ont notamment joué un rôle.
Le NJSV a eu à son apogée quelque chose comme 18 sections (entre autres à Bruges, Anvers, Sint-Niklaas, Le Coq, Mol, Koekelare, Grammont,…). Son secrétariat national était basé à l’adresse privée de Filip Dewinter, qui habitait encore Steenkaai à Bruges, Dewinter étant le président national du NJSV. Les activités du NJSV brugeois, codirigé par Dewinter et Vanhecke, n’étaient pas spécialement ”fréquentables” : violence, racisme et défense ouverte du fascisme. Dewinter et Vanhecke organisaient aussi une bourse du livre “anticommuniste” où la police a saisi des livres révisionnistes (niant l’holocauste). Les membres du NJSV brugeois participaient également aux activités violentes de la milice privée ultérieurement interdite VMO (Vlaamse Militanten Orde, Ordre des Militants Flamands). Les responsables du VMO brugeois se sont chargés de la formation politique de Dewinter et Vanhecke.
Dans le journal commun du NSV et du NJSV, Anton de Grauwe a écrit : “Et naturellement, des termes tels que commandement, hiérarchie, ordre civil, discipline, éducation, autorité sont taxés de fascistes. Nous pouvons être fiers d’un tel fascisme.” Et en effet, dans les cercles du NJSV et du NSV, on était très fier du fascisme. C’est sans doute pourquoi Koen Dillen, dans le même numéro du périodique Signaal, a présenté le bourreau nazi Göring comme un idéaliste, ce qu’il a encore répété dans sa critique d’une biographie d’Adolf Eichman.
Les membres du VMO et du NJSV brugeois ont régulièrement fait preuve de violence. Dans d’autres sections, c’était aussi le cas et les jeunes d’extrême-droite en étaient tellement fiers que lors des cantus (soirée de chants), ils chantaient des chansons destinées à glorifier leur propre violence : “le sang coule dans les rues, des rats crèvent dans les égouts mais nous n’en resterons pas là, tous ces gauchistes doivent mourir” disait ainsi le refrain de la chanson ”A mort” (sur la mélodie de Blauwvoet) qui se terminait par : “Toute cette vermine rouge doit être abattue. Repoussons-les, repoussons-les. Tous ces gauchistes à la tombe.” Nous ne pouvons qu’apprécier la subtilité du propos…
Arrivé à Anvers pour y étudier, Dewinter a joué un rôle important dans le Nationalistisch Studentenverbond, nom du NSV de l’époque. Le NSV avait une tradition très radicale.
Ainsi, le 7 mars 1984, il y eut une occupation du café d’étudiants ‘Het Stuc’ à Louvain, dont les portes avaient été forcée à coups de barres de fer et de bâtons. Un étudiant en a gardé des blessures incurables suite à une une fracture ouverte. A ce moment-là, Jurgen Ceder était président du NSV-Leuven. En 1985, une étudiante a été menacée d’un couteau à cran d’arrêt à l’UFSIA parce qu’elle demandait qu’un calicot portant le slogan “le NSV a gagné” (après une victoire électorale du Vlaams Blok…) soit enlevé. Cette même année, un commando du VMO et du NSV a attaqué une manifestation anti-missiles à Gand.
Dans la deuxième moitié des années 1980 et au début des années 1990, le NSV a eu des difficultés à maintenir sa position. La percée électorale du Vlaams Blok, le 24 novembre 1991, a constitué un tournant à la suite duquel une nouvelle génération a repris en mains les traditions du NSV. Les années 1990 se sont déroulées suivant les mêmes recettes que dans les années 1980 : racisme ouvert, nostalgie pour le fascisme et, là où c’était possible, actions musclées et violentes. C’est de ces actions que vient son surnom de Rob Verreycken, qui devait lui aussi devenir une figure de premier plan du Vlaams Belang ; ‘Rob Klop’ (”Rob la frappe”).
Dans une édition controversée des ‘nouvelles de l’association’ gantoise du NSV datant de décembre-janvier 1996-97, sous le titre “Egalité : un mythe”, un point de vue extrêmement raciste avait été avancé, à tel point que le NSV a tenté de détruire cette édition et que des militants du NSV s’en sont violemment pris à un nationaliste flamand de gauche qui avait confirmé l’authenticité de l’édition. En voici un extrait, traduit par nos soins : “Un nègre coiffé de bouse de vache et avec des dents burinées donne une meilleure image de la vraie nature d’un nègre qu’un nègre élevé comme un blanc et qui a appris à rouler en voiture et parle couramment une langue de blanc. La culture nègre est non seulement différente de la culture blanche, elle est aussi moins avancée et INFERIEURE par rapport à la culture blanche.” Rien à ajouter. Le président du NSV gantois de l’époque, Dieter Van Parys siège encore aujourd’hui au conseil communal d’Oostkamp pour le Vlaams Belang.
A la même période, l’organisation écolière NJSV a un peu refait surface à Bruges. Dans le journal des membres de cette organisation, au milieu des années 1990, on pouvait lire, entre autres : “le NSDAP [le parti nazi, NDLR] n’existe hélas plus”, “l’homosexualité reste une maladie à éradiquer”,… Le NJSV brugeois a aussi commencé, au milieu des années 1990, une violente campagne contre la gauche, les immigrés et les jeunes alternatifs. Cette violence a dégénéré, entre autres, avec un commando qui a conduit une attaque contre de militants faisant campagne contre le rôle joué par la multinationale pétrolière Shell au Nigéria et a fait irruption dans des cafés de jeunes alternatifs. La campagne antifasciste flamande Blokbuster a riposté par une campagne nationale contre la violence fasciste qui a rassemblé des centaines de manifestants début 1997.
Le NJSV a connu une fin douloureuse lorsque l’un de ses chefs de file n’a manifestement plus supporté la pression des protestations contre la violence et a commis un acte de désespoir : l’ancien militaire a mis en scène un attentat à la bombe raté contre lui pour ensuite pourvoir accuser la campagne Blokbuster. Il a vite fini par avouer. Il était dangereux, certes, mais pas très malin.
A la même époque, il y a eu une série d’incidents à Gand aussi, parfois avec les mêmes personnages que ceux qui faisaient du grabuge à Bruges. Les militants de gauche, surtout, ont à nouveau été pris pour cible. Des réunions d’Etudiants de Gauche Actifs (EGA, organisation étudiante du PSL) ont été attaqués et, lorsque le NSV n’a pas été reconnu à l’université pour cause de racisme et de violence, un groupe de 30 membres du NSV a pris en otage l’assemblée de la Convention politique et philosophique gantoise (Gentse Politiek en Filosofisch Konvent – PFK) du 27 janvier 1997. En mars 1998, des militants de Blokbuster ont subi une attaque de la part de membres du NSV au restaurant universitaire De Brug. Le militant de Blokbuster Eric Byl a dû être emmené aux urgences de l’hôpital Jan Palfijn. Quelques jours plus tard, des menaces de mort à l’encontre d’autres militants de Blokbuster, Els Deschoemacker et Geert Cool, ont suivi. Quelques squats anarchistes ont également été attaqués et/ou menacés. Blokbuster a de suite réagi par des mobilisations contre la violence fasciste. Depuis lors, les manifestations organisées par le NSV reçoivent chaque année une riposte antifasciste sous la forme d’une contre-manifestation qui est devenue aujourd’hui le plus grand événement antifasciste de Belgique.
Le NSV aujourd’hui : toujours une bande raciste et violente
Sous la pression de la protestation antifasciste et électorale du Vlaams Blok puis du Vlaams Belang, les jeunes du NSV ont dû se tenir à carreau depuis les années 2000. Cela a conduit de ci de là à une certaine frustration et à des fractions dissidentes suivant les lignes des anciennes traditions. Ainsi, une réunion des Etudiants de Gauche Actifs d’Anvers a été attaquée en octobre 2009 par un commando de ‘Camarades Autonomes’. Cette attaque est survenue après plusieurs provocations, y compris du NSV, qui avait une telle confiance en lui que l’attaque a été annoncée à l’avance. La charge a été stoppée net par un service d’ordre des Etudiants de Gauche Actifs et de Blokbuster.Mais, généralement, les néofascistes arrivaient sans problème au NSV. Ainsi, en 2005, une nouvelle section du NSV à Hasselt a été mise en place par un militant qui n’hésitait pas à faire des déclarations douteuses sur des forums internet. En voici une : ”Une fois que la démocratie se mêlera au chaos, j’espère qu’une main de fer fasciste sera là pour reprendre les choses en mains.” Et il n’y a pas eu que des figures de second rang qui ont été prêtes pour des actions musclées et punitives. Dans des discussions sur internet, le futur parlementaire flamand Tom Van Grieken a ainsi revendiqué l’indépendance flamande “par les armes si nécessaire” et, en tant qu’étudiant, il en est venu plusieurs fois aux mains avec des opposants politique. Et en 2004, une authentique charge a été menée contre la manifestation anti-NSV organisée par Blokbuster à Gand. Un groupe d’extrême-droite entraîné a procédé à une attaque physique à la suite de laquelle plusieurs antifascistes ont eu besoin de soins médicaux.
Aujourd’hui, le NSV est face à un nouveau tournant. La croissance électorale du Vlaams Belang est stoppée et, au sein des cercles nationalistes flamands, il y a la forte concurrence de la N-VA. Au NSV, il semble y avoir plusieurs courants, de ceux qui regardent explicitement vers la N-VA à ceux qui préconisent un cap plus radical et voient, avec non pas la N-VA mais plutôt Aube Dorée comme exemple. Lorsque Filip Dewinter a déclaré, sous la pression des médias, que des partis tels que le NPD et Aube Dorée sont une “caricature”, le président du NSV à Anvers de l’époque, ‘Stijn v Boebel’ (il n’ose pas écrire sous son nom propre) a alors réagi par un article dans lequel il déclarait le NPD ‘brothers in arms’ (frères d’armes). Ce n’est pas étonnant quand on sait que le NSV-Anvers a déjà organisé un meeting avec Udo Voigt du NPD.
Fin novembre 2013, le NSV a tenu un meeting international. Sous pression de la protestation, il n’a pas pu se tenir à l’université de Louvain et ils se sont ensuite rabattus sur Anvers. Ce n’était pas la première fois qu’un militant de Casa Pound était invité (une organisation italienne ouvertement fasciste), mais à ses côté se trouvait aussi un orateur de la Garde hongroise, une milice privée hongroise qui a été interdite. Même le Vlaams Belang trouvait le meeting à ce point discutable qu’il n’a pas mis l’infrastructure des locaux du parti à disposition.
La direction du parti ferme les yeux sur tout ça. Que voulez-vous d’autre comme réaction dans un parti dont les mauvaises langues de ses propres rangs affirment que quelques dirigeants fêtent, chaque année, l’anniversaire d’Hitler le 20 avril… La violence n’est pas un problème non plus, du moment qu’elle n’attire pas trop l’attention des médias, car cela pourrait effrayer des électeurs. Mais sans ça, pas de problème. L’ancien président du VB, Bruno Valkeniers disait encore en 2007 dans une interview : “Le Vlaams Belang a toujours recruté dans les sphères du NSV. Beaucoup de membres du Belang comptaient parmi mes amis pendant mes années NSV. C’est vrai que ce n’était pas des enfants de chœur. Mais bon, quand on est jeune, on veut que ça bouge. Alors, on se radicalise. Je n’ai pas honte de cette violence de rue occasionnelle.” Occasionnelle ?
Aujourd’hui, le VB est moins fort d’un point de vue électoral mais des exemples dans l’Europe entière montrent que l’extrême-droite et la droite populiste peuvent souvent connaître à nouveau une rapide progression. Il n’y a qu’à regarder ce qui se passe en France, où le Front National est, à nouveau, annoncé comme le plus grand parti dans les sondages. Sur fond de crise, un retour électoral n’est pas exclus, de même que l’apparition de groupes plus radicaux, comme les néonazis d’Europe de l’Est ou d’Aube Dorée en Grèce. Nous verrons peut-être les premiers signes de tels développements chez les jeunes générations. Ce n’est pas par hasard que les néonazis liés à Blood&Honour se rendent chaque année à la manifestation NSV.
Une campagne solide qui maintient une forte pression antifasciste est importante pour étouffer dans l’oeuf tout éventuel développement d’un courant plus ouvertement néonazi en le démasquant et en répondant par la mobilisation.
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De Rostock à Aube Dorée
La violence raciste est de retour, sans avoir jamais véritablement disparu
Vingt ans après les émeutes racistes de Rostock, en Allemagne, les images d’attaques physiques contre les immigrés et ceux qui n’ont pas la ‘‘bonne couleur’’ sont de retour. Le championnat d’Europe de foot ne restera pas dans les mémoires que pour le sport, mais également pour ces images de hooligans néonazis. En Grèce, le parti néonazi Aube Dorée a obtenu 6,9% des voix, ce qui a renforcé la confiance de ses militants, avec à la clé une augmentation de leurs faits de violence.
Article par Geert Cool
Rostock. Violence d’extrême droite et protestations de masse
En août, nous commémorerons le triste 20e anniversaire des émeutes racistes de Rostock, en ex-RDA. Du 22 au 26 août 1992, plusieurs centaines de militants d’extrême-droite avaient attaqué la ‘‘résidence des tournesols’’ où habitaient des demandeurs d’asile à coup de pierres et de cocktails Molotov. Tout ce temps durant, le voisinage et la police n’avaient pas réagi, ou à peine.
Début des années ’90, les néonazis ont pu compter sur un soutien croissant parmi la jeunesse qui, suite aux diverses mesures néolibérales, voyaient leur avenir s’assombrir terriblement. En ex-Allemagne de l’Est, la restauration du capitalisme signifiait qu’une infime élite s’enrichissait à grande vitesse tandis qu’une portion grandissante de la population était confrontée au chômage et à la misère. C’était un terrain fertile pour le développement du racisme et des partis d’extrême droite, qui ont pu électoralement croître et être plus actifs dans la rue.
Les évènements de Rostock ont choqué. Il s’agissait de la pire agression raciste connue en Allemagne depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Auparavant, c’est à peine s’il y avait des réactions suite aux actes de violence racistes, mais l’horreur de Rostock a tout changé. Des milliers de jeunes et de travailleurs sont descendus dans les rues pour participer à des mobilisations antiracistes. Dans toute l’Europe, les sections du Comité pour une Internationale Ouvrière ont réagi par une large campagne antiraciste qui s’est notamment exprimée par une manifestation internationale, à l’initiative de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster, en octobre 1992. Environ 40.000 personnes ont participé à cette manifestation des ‘‘Jeunes contre le racisme en Europe’’ dans les rues de Bruxelles.
Dans le cadre de ces protestations antiracistes, nous avons constamment souligné la nécessité de se baser sur une mobilisation active contre l’extrême droite, sur le terrain, afin de ne pas lui laisser d’espace d’activité, tout en défendant un programme social capable de s’en prendre au terreau sur lequel ces idées nauséabondes se développent. Cette approche est résumée dans le slogan ‘‘des emplois, pas de racisme’’. Ces 20 dernières années, chaque grand rassemblement néonazi en Allemagne a eu à faire face à une riposte antifasciste active. D’autre part, le développement du parti de gauche ‘‘Die Linke’’ a rendu plus difficile aux partis d’extrême-droite de se construire en détournant la colère de la population contre la politique antisociale des partis traditionnels.
Le duo de la mobilisation et de l’alternative politique
Les dramatiques évènements de Rostock se sont déroulés au moment où l’ancien Vlaams Belang, le Vlaams Blok, connaissait sa percée électorale en Flandre. D’importants enseignements peuvent être tirés des débats et actions de cette époque.
Sur base de mobilisations de masse, il a été possible de stopper les pires excès de la violence raciste de l’extrême droite. En Belgique aussi il était nécessaire de se battre sur ce terrain. Ainsi, dans les années 1996-97, à Bruges, les antifascistes et d’autres ont dû faire face aux agressions physiques de l’extrême-droite. Les mobilisations de masse ont brisé leur confiance, car ils n’ont même pas pu trouver de soutien parmi les électeurs d’extrême-droite pour leur ligne politique violente.
La progression électorale de l’extrême-droite est instable. En Allemagne, plusieurs partis de la droite radicale ont en grande partie disparu de la scène politique en raison de l’existence de ‘‘Die Linke’’, vers où s’exprime l’opposition à la politique de l’establishment. Mais si la gauche échoue à livrer une opposition cohérente tout en défendant une alternative crédible face à la faillite du capitalisme, l’extrême-droite restera une menace.
Europe de l’Est : La violence n’a pas disparu
En Allemagne de l’Est, le nombre d’agression a diminué. Les statistiques officielles parlent de 750 cas de violence fasciste en Allemagne en 2010, soit 15% de moins qu’en 2009. C’est tout de même encore deux incidents par jour! Le terreau sur lequel la violence et le racisme peuvent se développer existe encore, tout comme c’est le cas en dans le reste de l’Europe de l’Est.
A l’occasion du championnat d’Europe de foot, les groupes de hooligans néonazis polonais et ukrainiens ont fait parler d’eux. Les joueurs de couleur ont été hués, ce qui n’est pas une surprise au vu d’images de précédents évènements durant lesquels ces hooligans effectuaient le salut nazi ou agressaient des immigrés. La violence néonazie frappe d’ailleurs également la communauté LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres). Dans cette région, il est quasiment impossible d’organiser une Gay Pride. En Russie, ‘‘promouvoir’’ l’homosexualité, c’est même s’exposer à des sanctions.
En raison de la mauvaise réputation des supporters polonais et ukrainien, certains ont défendu que le Championnat se déroule ailleurs. Faire l’Autruche ne fait pourtant jamais disparaître un problème. Ce championnat aurait pu être l’occasion d’un débat sur le racisme parmi les supporters. Dans ce débat, les arguments moralisateurs ne sont d’aucun secours : on ne combat pas le symptôme d’un système pourri en condamnant la pourriture avec de belles paroles. Une campagne antiraciste basée sur l’explication que le racisme sert avant tout l’élite pour diviser la population qu’elle exploite aurait trouvé un bon écho.
Avertissements de Grèce
La profonde crise qui a happé la Grèce a ouvert des possibilités au parti ‘‘Aube Dorée’’ qui, le 17 juin, a réalisé un score de 6,9% et obtenu 18 parlementaires (une perte de trois sièges comparativement aux élections de mai). Ce parti a vu son soutien quelque peu faiblir après le mois de mai en raison de déclarations abominables et suite à diverses agressions physiques. Le dirigeant du parti, Mihaloliakos Nikos, a nié l’existence de l’Holocauste face aux caméras tandis que son collègue le parlementaire Iliad Kasidiaris a frappé ses contradicteurs de gauche lors d’un débat télévisé. Au port de Patras, un groupe d’immigrés a été attaqué à coups de cocktails Molotov par Aube Dorée.
Malgré ces incidents, le soutient électoral d’Aube Dorée est resté relativement stable. Son noyau actif est en plein essors et dispose d’un grand soutien parmi la police malgré les menaces ouvertes à l’encontre des immigrés, des homosexuels et des militants de gauche. Juste avant les élections, le porte-parole d’Aube Dorée a déclaré : ‘‘Si Aube Dorée est au Parlement, nous allons nous en prendre aux hôpitaux et aux crèches pour foutre dehors les immigrés et leurs enfants afin de libérer la place pour les Grecs.’’ Ils ne remettent donc pas réellement en cause la logique d’austérité et préfèrent affronter les déficits budgétaires en privant les immigrés de leurs droits.
Ce danger doit être pris au sérieux. La large participation aux campagnes de Syriza ainsi que l’opposition active à la politique d’austérité doit être couplée à l’organisation de la défense du mouvement contre la violence d’extrême-droite. La gauche et les syndicalistes doivent constituer des comités antifascistes dans les quartiers et sur les lieux de travail afin de riposter contre la violence fasciste tout en participant à l’organisation de la lutte contre l’austérité.
Et chez nous, quel est le danger ?
L’extrême-droite est actuellement dans une position plus défensive en Belgique, très certainement dans le cas du Vlaams Belang, mais le rapide retour du Front National sur le devant de la scène en France illustre que cela peut n’être que temporaire. Et tout progrès de l’extrême-droite aux élections renforce inévitablement, dans le pays-même et ailleurs, la confiance des néo-fascistes qui veulent aller plus loin pour imposer leur vision par la violence. Le groupuscule néonazi francophone Nation ne l’a pas caché dans son article consacré au succès d’Aube Dorée et intitulé ‘‘La radicalité, ça paie !’’
Si la colère contre les politiciens et leur politique antisociale ne s’exprime pas par une résistance active avec manifestations, campagnes de terrain, grèves,… ainsi qu’avec le développement d’un prolongement politique large et démocratique, alors la frustration peut être instrumentalisée par l’extrême-droite. L’austérité, c’est encore moins d’emplois, de logements sociaux, de services publics,… Répondre à cette situation signifie de lutter ensemble, que l’on soit ou non d’origine immigrée, pour arracher les moyens nécessaires des mains de l’establishment capitaliste.
C’est pourquoi nos campagnes antiracistes ne se limitent pas au rejet du racisme. L’infime minorité capitaliste à la tête de la société a besoin de diviser la majorité qu’elle exploite sur base de racisme, de sexisme, d’homophobie,… au besoin par la violence. Il nous faut une alternative au capitalisme, ce qui selon nous ne peut être que le socialisme démocratique, une économie où la satisfaction des besoins de tous seront centraux et non la soif de profits d’une élite de parasites.
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“L’éternel retour du fascisme” Un ramassis de clichés éculés
Le Hollandais Rob Riemen a voulu faire une critique des populistes de droite dans son livre “L’éternel retour du fascisme’’. Le titre semble choquer, puisque Geert Wilders est qualifié de fasciste. Mais dans cet essai de 64 pages, l’auteur ne dépasse pas les limites de clichés élitistes (ce qui explique certainement pourquoi ce livre a eu tant de succès dans les cercles libéraux). Même si ce livre n’existe pas en français, il nous a semblé intéressant d’en aborder le contenu, que l’on retrouve dans la bouche de nombreux politiciens et commentateurs.
Riemen décrit le fascisme comme une sorte de bacille de la peste qui ‘‘ne s’éteint jamais et ne disparait jamais définitivement’’, comme une forme ‘‘d’état d’esprit’’, et il se limite ensuite à une vision moralisatrice du sujet. Pour lui, Mussolini et Hitler étaient ‘‘les représentants de la politisation d’un état d’esprit’’. Pas un mot d’analyse de classe, rien sur la lutte et les défaites des travailleurs qui ont créé l’espace pour une forme de capitalisme extrêmement réactionnaire, rien sur la volonté d’une partie de la bourgeoisie de faire subir au mouvement ouvrier une défaite fondamentale. C’est tout simplement la faute des gens eux-mêmes.
Dans ce cadre, Riemen considère que “l’homme de la masse” constitue une menace pour les valeurs et les idéaux humanistes. ‘‘L’homme de la masse ne veut pas être contredit. Il n’y a pas de mesures, de valeurs ou de vérités qui peuvent être mis au-dessus de lui et qui peuvent lui imposer des limites. Pour l’homme de la masse, la vie doit toujours être facile et abondante, il ne connaît pas la tragédie de l’existence. Tout est permis, parce qu’il ne connait pas de limite.’’ Cela fait penser aux intellectuels qui, il y a 20 ans, montraient du doigt les ‘‘bêtes spectateurs de VTM’’, responsables de la montée du Vlaams Blok. Ce cliché des gens-qui-sont-bêtes revient souvent chez les intellectuels qui aiment se poser au-dessus des masses.
L’homme nihiliste de la masse est, selon Riemen, “possédé par le trivial et ouvert à la démagogie, plein de ressentiment et de peur.’’ On peut bien emballer les insultes dans des citations de philosophes respectés, elles restent des insultes. Riemen tire plusieurs constats sur le fait que la société n’offre pas suffisamment de profondeur, sur la culture de masse qui est de plus en plus ancrée,… Mais il ne réussit pas à expliquer cela, sauf en insultant ‘‘l’homme de la masse’’. Mais d’où vient cette tendance au nivellement par le bas et à la commercialisation de la culture ? Cela serait-il étranger au système capitaliste, où seuls comptent les profits et où la masse laborieuse doit être gardée sous contrôle avec en récompense un peu de pain (cher) et des jeux (mauvais) ?
Pour Riemen, la définition du fascisme est la suivante: “la politisation de l’état d’esprit de l’homme rancunier de la masse’’. Il ajoute encore : ‘‘C’est une politique où les meneurs du peuple ne connaissent plus d’autres motifs que le maintien et l’élargissement de leur pouvoir, qui pour cela exploitent le ressentiment, qui montrent du doigt des boucs émissaires, qui répandent la haine, qui cachent un vide intellectuel derrière des slogans criants et des insultes, et qui avec leur populisme érigent l’opportunisme en politique au niveau de l’art.’’ Quel politicien traditionnel ne tombe pas sous cette définition ?
Les exemples de De Wever ou Dedecker en Flandre sont peut-être un peu sensibles parce que certains les décrivent, à tort, comme des fascistes. Mais si nous nous limitons aux trois familles traditionnels, on peut quand même constater qu’ils veulent élargir leur pouvoir, qu’ils n’hésitent pas à recourir au diviser-pour-mieux-régner et qu’ils utilisent des slogans habiles (qu’ils soient ou non élaborés par les bureaux de publicité payés pour savoir ce que pense ‘‘l’homme de la masse’’). Riemen pense-t-il trouver des étincelles d’idéologie chez les politiciens traditionnels ? Il écrit lui-même : ‘‘Les élections sont réduites à une foire de trivialités sans contenu.’’ Tous les politiciens traditionnels sont-ils alors des fascistes ?
Pour qualifier le Vlaams Belang, le NPD allemand ou le FPÖ autrichien, nous utilisons le terme “néofasciste”. Ces partis se construisent sur les traditions du fascisme et essaient de former un cadre éduqué dans cette idéologie, mais ils doivent en même temps tenir compte que la situation objective a changé et qu’ils ne savent pas encore obtenir un soutien actif de masse.
Les néofascistes doivent se baser sur la méthode populiste afin d’obtenir un soutien électoral mais, malgré ce soutien, ils ne sont pas capables de physiquement briser le mouvement ouvrier, comme les fascistes classiques l’ont fait dans les années ’20 et ’30. C’est en fonction de ces différences que nous parlons de ‘néofascisme’. Nous ne mettons pas Geert Wilders dans cette catégorie. Il utilise la même méthode populiste que les néofascistes mais, chez lui, il n’y a que la méthode. Cet homme est tout seul et ne réussit pas à rassembler autour de lui un réel parti.
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II. PERSPECTIVES, TÂCHES ET OBJECTIFS
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"Le PSL – LSP, un parti pour changer de société"
– Préface
– III. Notre programme
– IV. Notre fonctionnement interne
Cette brochure peut être commandée via redaction@socialisme.be et revient à 3 euros (que vous pouvez verser sur le n° de compte 001-2260393-78 du PSL/LSP avec la mention "brochure PSL").
[/box]MARX et les lois générales du développement du capitalisme
Le PSL/LSP ne travaille évidemment pas à partir de rien. Marx avait défi ni les lois générales du développement du capitalisme: la concentration continuelle du capital dans de moins en moins de mains (l’accumulation du capital), la tendance de la production à sortir des frontières (ce qui conduit inévitablement à des conflits commerciaux et des guerres), la tendance à la diminution du profit par unité de capital et, par conséquent, le besoin de plus en plus de capital (baisse tendancielle du taux de profit), les crises de surproduction ou la capacité de surproduction (entre autres à cause de l’exploitation de la classe ouvrière et de la partie de notre journée de travail qui n’est pas rémunérée au bénéfice des capitalistes); la création d’une couche grandissante de travailleurs qui ont pour seule source de subsistance la vente de leur force de travail (en fonction des conditions sociales rencontrées).
Concentration de capital et croissance des profits Le pourcent le plus riche de la population mondiale contrôle 24% de la richesse globale. Aujourd’hui, ces riches capitalistes viennent aussi d’Amérique Latine, du Moyen Orient et d’Afrique (qui a récemment connu la plus grande croissance du nombre de riches) à cause de l’augmentation des prix des matières premières. Ces augmentations ont en fait disparu dans les poches d’un petit groupe de super riches dans le monde néo-colonial. De la même manière, la croissance des pays capitalistes développés a surtout enrichi les milliardaires.
En 1960, il était estimé que les 20% les plus riches sur le plan mondial possédaient 30 fois ce dont disposaient les 20% les plus pauvres. Vers 1997, cette proportion était de 74/1 tandis que pour la fi n 2005, le rapport était de 150 pour 1. Selon une étude de l’université américaine de Michigan, les 2% les plus riches des Etats-Unis ont depuis 1984 doublé leurs revenus pour atteindre une moyenne de 2,1 millions de dollars en 2005. Quant au 1% le plus riche, leur revenu moyen est de 4,9 millions de dollars par an.
Le salaire moyen d’un manager américain est maintenant 300 fois supérieur au salaire moyen, différence 10 fois plus grande que durant les années ‘70. En 2007, le revenu cumulé de tous les milliardaires à travers le monde avait augmenté de 35% en une année seulement ! Le capital se retrouve concentré auprès de moins en moins de personnes mais – à cause de la super exploitation du néo-libéralisme – celles-ci sont de plus en plus riches. Il s’agit d’un phénomène mondial.
En Belgique également, l’élite dominante n’a pas trop de difficultés. Les 10% les plus riches possèdent 50% de la richesse totale. En 2006, les valeurs financières des Belges ont connu un record en atteignant 793,4 milliards d’euros, c’est-à-dire 80.000 euros par Belge (compte d’épargne, actions boursières,…) Beaucoup de travailleurs se demandent sur quel compte se trouve leurs 80.000 euros… Sur celui de leur patron? Ou sur ceux des actionnaires principaux de l’entreprise qui les emploie ? Ou encore sur le compte des politiciens bourgeois ? C’est vrai que ces derniers se sont bien servis avec leurs sièges dans les conseils d’administration des grandes entreprises (entreprises qu’ils ont d’ailleurs toujours bien soigné au cours de leurs carrières politique).
Au regard du développement des profits, l’origine de cette inégalité sociale n’est pas difficile à trouver. Ces dernières 30 années, depuis le début de la politique néolibérale sous le gouvernement Martens – Verhofstadt de 1981, ont été une véritable « ruée vers l’or » pour les capitalistes et leurs partisans. Une ruée vers l’or en direction de moyens initialement prévus pour la sécurité sociale (pensions et autres allocations) et en direction de notre pouvoir d’achat. En Belgique, les profits des entreprises étaient en 1980 de 241 milliards de francs belges. En 1985, ce chiffre avait déjà augmenté jusqu’à 484 milliards FB, jusqu’à 821 milliards FB même en 1994. Cependant, en 2005, les profits des entreprises avaient atteint… 41 milliards d’euros (environs 1.640 milliards d’anciens FB). Même en tenant compte de l’augmentation des prix, les richesses d’une petite élite ont énormément grandi. L’objectif de la politique néolibérale est limpide. La classe dominante a par ce moyen tenté de rétablir le taux de profit face à la compétition sur un marché qui connaissait depuis 1974- 75 une croissance plus faible ou des périodes de stagnation. Un nouveau développement était seulement possible sur base d’une répartition différente des richesses. Les salaires (directs ou indirects à travers les allocations sociales) – que les travailleurs avaient arraché au cours de leurs luttes – ont alors chuté. C’est sur cette base qu’ont pu exploser les profits de la classe capitaliste. Les super-profits permettent d’ailleurs aussi de comprendre la taille appréciable des salaires des managers : un manager d’une entreprise du Bel 20 empoche chaque année en moyenne 1,5 million d’euros brut.
La politique néolibérale a signifié un transfert gigantesque de richesse de la classe ouvrière vers un groupe de super-riches tel que jamais encore l’histoire n’en avait connu. Ces capitalistes ne savent que faire de leur prospérité, beaucoup d’entre eux se sont même lancés dans la charité. Probablement veulent ils ainsi «redistribuer» une part de ce qu’ils ont extorqué aux travailleurs, aux bénévoles,… Plus sérieusement, il s’agit là d’un moyen commode pour redorer son blason dans la société au moment où les capitalistes à la richesse indécente sont de plus en plus perçus comme nuisibles pour la société.
Les riches deviennent plus riches tandis que la classe ouvrière s’appauvrit.
Il n’est pas ici question d’un d’une paupérisation relative face à une minorité « qui a eu de la chance ». La majorité des travailleurs et des employés auraient d’ailleurs soi-disant eux aussi fait des pas en avant vers de meilleurs conditions de vie ces dernières 25 à 30 années. Les statistiques du gouvernement démontrent pourtant le contraire. D’abord, il ressort clairement que la plupart des allocataires (pensionnés, chômeurs,…) a connu un appauvrissement absolu. 21% des pensionnés sont officiellement sous le seuil de pauvreté et 39% des pensionnés ont une pension inférieure à 750 euros. En 1980, l’allocation moyenne de chômage représentait 41,6% du salaire brut moyen ; en 1999, cela avait diminué jusqu’à 27,9%. L’allocation d’invalidité moyenne était équivalente à 43,9% d’un salaire brut moyen en 1980, tandis qu’en 1999, ce chiffre avait baissé jusqu’à 33,3%.
Il n’est donc pas surprenant que la pauvreté touche – malgré la croissance des richesses – de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, elle représente 15% de la population alors que dans les années ’80, on parlait de quelques 6%. Une situation pareille est honteuse pour un pays soi disant « prospère ». Il faut y voir le résultat direct des attaques sur la protection sociale des divers gouvernements néo-libéraux, avec ou sans le PS, le SP.a ou les verts.
Mais n’y a-t-il tout de même pas une couche aisée de familles avec deux revenus ayant quand même progressé?
Les médias nous resservent régulièrement cette soupe. Le fait est qu’aujourd’hui, deux travailleurs sont nécessaires dans une famille pour préserver un certain niveau de vie, et cela en dit déjà beaucoup. En réalité, le pouvoir d’achat des salariés normaux a fortement reculé. Les coûts d’une maison ou les loyers, par exemple, ne se reflètent pas dans les augmentations salariales ou dans l’indexation. «L’index-santé» actuel est devenu une caricature face aux augmentations réelles des prix de beaucoup de produits. Comme le remarquent correctement beaucoup de gens : «Tout devient de plus en plus cher, mais nos salaires ne suivent pas».
Déjà au début des années 1980, le gouvernement néolibéral de Martens a forcé une dévaluation de la monnaie et l’index a alors subi des manipulations. Entre 1981 et 1985, les salaires réels ont diminué de 13% à 21%, en fonction de leur catégorie. Depuis ce temps, le coût du logement a pris énormément plus de place dans le budget des ménages – parfois jusqu’à 1/4 ou plus du total – et le pétrole, les cigarettes,… ont été retirés de l’index.
Il n’y a pas beaucoup d’études concrètes sur la chute du pouvoir d’achat de nos salaires, mais ce n’est probablement pas exagéré de l’estimer autour de 30 à 40%. Ceci correspondrait à l’expérience concrète de beaucoup de ménages qui ont besoin de 2 emplois ou d’un emploi et un temps partiel pour préserver un certain niveau de vie. En 1981, les salaires représentaient 59,2% de la production nationale. En 2006, cette partie était arrivée sous la barre des 50%. Et encore, les patrons trouvent que le coût salarial est trop élevé pour leur soif de profit insatiable !
Le néolibéralisme a conduit à une augmentation énorme de la pression au travail et du stress, en combinaison avec une insécurité d’emploi croissante. Beaucoup de ces problèmes – en fait des problèmes sociaux, liés au capitalisme – se retrouvent au sein de la famille et n’ont certainement pas aidé à développer des relations harmonieuses entre partenaires ou entre parents et enfants. Mais quand un nouveau «drame familial» prend place, tout l’establishment jette les mains dans l’air. On les entend beaucoup moins parler des 17% de Belges qui, à un certain moment de leurs vies, sont confrontés à une dépression. Quant à la responsabilité de la politique néo-libérale dans tout cela (avec la disparition de la protection sociale,…), les médias n’en parlent pas.
En Amérique Latine comme en Afrique ou encore dans les ex-pays du bloc de l’Est et même dans les pays capitalistes développés, la crise économique commencée au milieu des années ’70 a conduit à une paupérisation de la population. Toutefois, certains idéologues libéraux ont persisté jusqu’à aujourd’hui à affirmer que le marché «libre» a diminué la pauvreté dans le monde. Ils se basent sur des rapports des Nations Unies qui clament qu’en Asie «des centaines de millions de paysans» sont sortis de la pauvreté. Mais cet exemple Asiatique peut être critiqué. En fait, cette prétendue diminution de la pauvreté en Asie est seulement basée sur l’Inde et la Chine. En ce qui ce concerne l’Inde, la méthode de calcul a été modifiée dans les années ‘90. La soi-disante baisse du nombre de pauvres est un point fortement contesté, même entre «économistes du développement» qui ne remettent pas en doute le «libre» marché.
La Chine est un cas spécial. Sur base de l’économie bureaucratiquement planifiée, le développement de l’agriculture a atteint ses limites dans les années ‘70. La bureaucratie en Chine a commencé à augmenter les prix pour les denrées produites par les paysans, ce qui a entraîné une croissance de la productivité. Beaucoup de paysans sont devenus un peu moins pauvres et sont tombés hors des statistiques des Nations Unies. Mais le fait que la Chine reste essentiellement dépendante des exportations pour sa croissance économique démontre qu’un marché interne n’a pas été créé. Officiellement, les campagnes chinoises sont un peu moins pauvres qu’auparavant. Mais la transition vers le capitalisme a signifié la mort du «bol de riz d’or» (la protection sociale chinoise) sur les plans de l’éducation, des soins de santé, de l’espérance de vie,… Si en Chine également les lois du capitalisme vont de plus en plus jouer, cela ne va que mettre encore plus en évidence – pour ceux qui n’en étaient pas encore convaincus – que combattre la pauvreté dans ce système est une illusion.
La Chine a connu une forte croissance, précisément parce Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 27 qu’elle est devenue «l’usine du monde». Cette position a seulement pu être acquise sur base d’une super-exploitation, du manque de législation sociale et de conditions qui rappellent le 19e siècle en Europe (ou pire encore).
En conclusion: devenir riche aujourd’hui n’est en rien une question de chance ou d’intelligence. Dans la plupart des cas, cela veut simplement dire que, sur base de sa position de classe comme grand actionnaire ou propriétaire privé, il est possible de manœuvrer pour obtenir des parties sans cesse plus grandes de «travail gratuit». Dans ce processus, les gouvernements – qui aident à miner les salaires et les allocations, vident les contrats de travail et privatisent les services publics – sont les gentils petits toutous du capital.
Avec leurs salaires, les politiciens sont certains de ne pas ressentir les conséquences de leur politique de casse sociale. L’insécurité croissante et l’absence de perspectives pour l’avenir ont favorisé l’arrivée d’une énorme méfiance vis-à- vis de «la politique» précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une politique en faveur des travailleurs et de leurs familles. Ce développement amène aussi une plus grande volatilité lors des élections. La classe dominante possède beaucoup moins d’instruments stables pour pouvoir mener sa politique comparativement à la période de croissance extraordinaire qui a suivi 1945.
Surproduction et crise économique
Karl Marx a expliqué dans «Le Capital» comment la classe ouvrière reçoit une valeur (son salaire) qui ne correspond qu’à une partie de la valeur qu’elle produit elle-même (en biens et en services). Ce travail non-rémunéré est la base de la plusvalue des capitalistes. Les capitalistes peuvent acheter une partie des voitures, des machines à laver, des télévisions,… que les travailleurs produisent pendant la partie non-rémunérée de leur journée de travail et qu’ils ne consomment pas, mais ils ne peuvent acheter toute la production. Donc, à un certain moment, une surproduction ou capacité de surproduction survient inévitablement.
Un autre facteur doit être pris en compte. Sous pression de la compétition, les capitalistes ont une tendance à investir de plus en plus dans de meilleures et de plus modernes machines. De cette façon, ils espèrent augmenter la productivité du travail, diminuer leurs prix et ainsi acquérir une plus grande part de marché. Le problème, c’est que seule la force de travail peut engendrer la plus-value. Les machines se déprécient pendant un nombre d’années calculable. En elles-mêmes, elles ne produisent pas de plus-value, uniquement représentée par le travail non-rémunéré de la classe ouvrière. Quand la plus-value reste égale, tandis que les coûts pour les machines et nouvelles technologies grandissent, le taux de profit (le profit par unité de capital investi) commence à baisser.
Ces deux éléments ont été à la base, vers les années ‘70, de la fi n de la période de forte croissance économique. Les profits ont aussi été amoindris par un autre développement. Dans les ans ‘60 et jusqu’au milieu des années ’70, les travailleurs ont, dans la plupart des pays industrialisés, livré un combat acharné pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail, mais souvent également avec des revendications portant sur un changement radical de société, avec les sommets atteints par mai ‘68 en France, la révolution des œillets au Portugal et la lutte contre le régime des colonels en Grèce. Le patronat et les gouvernements ont donc dû faire des concessions. En Belgique, par exemple, les salaires réels ont augmenté pendant plusieurs années durant cette période. Évidemment, cela a d’autant augmenté la pression sur les bénéfices de la classe dominante.
Ces développements ont conduit à un point tournant fondamental pour l’économie capitaliste mondiale. Le taux de profi t était miné et la crise économique a causé, en 1974, une forte augmentation du chômage. Le chômage structurel de masse a dès ce moment été un élément permanent, malgré les diverses tentatives des gouvernements pour masquer et manipuler les statistiques. A ce moment, les bourgeois ont opté pour une politique néolibérale, après une première réaction qui a consisté à de nouveau injecter de l’argent dans l’économie, ce qui n’avait seulement produit que des augmentations de prix et de l’inflation.
Le problème avec les solutions néolibérales pour rétablir le taux de profit, c’est elles conduisent toutes à terme à une crise plus profonde. Faire baisser le pouvoir d’achat des salaires directs et indirects (allocations de chômage, pensions,…), faire travailler les travailleurs plus durement et plus longuement pour le même salaire ou pour un moindre,… tout cela aggrave au final le fossé entre la production et le pouvoir d’achat des masses. Ce phénomène explique pourquoi les économies capitalistes ont également une tendance à connaître des crises de plus en plus graves depuis les années ‘70. Les montagnes de dettes que les gouvernements ont construit dès les années ‘80 ont d’ailleurs été autant de tentatives d’éviter une crise plus profonde et plus rapide. De même, ces dernières années, on a poussé les travailleurs à dépenser les salaires qu’ils n’avaient pas encore gagné (sur base de dettes, d’hypothèques, de différentes formes de crédits,…).
Le problème n’est pas qu’il n’existe pas assez de richesses dans la société. Par contre, cette richesse est constamment plus invisible pour une majorité de travailleurs. Le taux de dettes des ménages belges a augmenté en 2005 vers le record de 43,1% du PIB. Il y a vingt années, il ne s’agissait encore que de 28,1%. Là où dans le passé une important portion des revenus pouvaient encore être épargnée – aux environs de 20% dans les années ‘80 – cela a également beaucoup diminué dans la période néolibérale. Pourtant, c’est avec cette épargne que de nombreux retraités évitent de sombrer dans la pauvreté.
Ces dernières années, on remarque même que les capitalistes ont moins investi dans de nouvelles machines et technologies pour augmenter la productivité. Où pourraient-ils encore vendre tout ces produits sur un marché miné ? Ils tentent, au travers d’assainissements, de rassembler ou de garder des fonds chez les grands actionnaires ou alors les prêtent aux banques, ce qui est à la base d’une stratégie de fusions et de reprises. Ils veulent «devenir plus grands» en achetant d’autres entreprises, puis y faire plus de profits avec moins de gens en effectuant des économies d’échelle. Jan Marijnissen, le président du SP hollandais (à la gauche de notre PS) a convenablement qualifié ce phénomène de «capitalisme prédateur». Malheureusement, en tant que politicien réformiste, il croit encore qu’il peut domestiquer «l’animal prédateur».
L’importance accrue des bourses et de la spéculation financière illustre la dégénérescence du capitalisme qui – à cause de la surproduction – investi moins dans la production réelle. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, la part des institutions purement financières dans les profits a grandit de 10 à 15 % dans les années ’50 et ’60 jusqu’à 30 à 40% aujourd’hui.
A son époque, Marx a mené une vive et intense polémique contre les socialistes utopiques et les anarchistes qui attaquaient les phénomènes visibles du capitalisme, mais ne voulaient pas mener une analyse approfondie du système pour voir quelles forces contradictoires étaient présentes.
Marx a ainsi polémiqué contre ceux qui plaidaient pour des îlots «socialistes» dans un océan capitaliste comme les entreprises «socialistes» autogérées et les coopératives et/ou communes autogérées par des socialistes ou des anarchistes. Au contraire, il a démontré que le capitalisme engendre sa propre déchéance avec la création d‘un groupe croissant de travailleurs rassemblés dans de grandes unités de production.
La bourgeoisie a, depuis le début de la crise au milieu des années ‘70, détruit une grande partie de l’industrie. En Belgique, elle a essayé de partiellement remplacer ces emplois en créant des emplois dans «le secteur tertiaire des services». Mais même dans des call-centers ou des PME’s, ces travailleurs ont vu leurs salaires et conditions de travail se détériorer. Les syndicats devraient considérer leur présence et les élections sociales dans les PME’s comme d’une importance majeure.
Ignorer cela équivaut à laisser l’opportunité à la bourgeoisie d’affaiblir notre lutte. De plus, cela pousse les couches non-organisées de notre classe en direction de solutions individuelles – de fausses solutions – et les rend plus perméables à la vague de propagande droitière contre les grèves.
Concurrence capitaliste… ou socialisme mondial ?
En 1848, quand Marx a écrit le «Manifeste du Parti Communiste», la classe des travailleurs salariés n’était même pas encore une majorité dans la société sur le continent européen. Ce qui est particulièrement brillant dans le «Manifeste du Parti Communiste», c’est que l’estimation de la tendance générale du mode de production capitaliste était correcte. Le capital était destiné à conquérir le monde à cause de sa soif d’accumulation et de production de profits.
Observons la situation telle qu’elle se présente actuellement. En septembre 2007, Janssen Pharmaceutica a annoncé le licenciement de 688 de ses travailleurs. Parmi eux se trouvaient aussi 194 de chercheurs hautement qualifiés. Un délégué syndical du Setca a fait remarquer dans la presse: «Janssen Pharmaceutica a réalisé l’année passé un profit de 250 millions d’euros. Tous ces licenciements sont-ils nécessaires? Ou est ce que Johnson & Johnson (l’entreprise mère, NDLR) veut prendre un chercheur en Inde pour chaque place perdue ici ?»
En 2006, un autre géant belge, Inbev, a décidé de délocaliser une partie de son administration vers des pays meilleur marché: la Tchéquie et la Hongrie. L’année précédente, Inbev avait fait un profit de 1 milliard d’euros. Les grandes entreprises sont aujourd’hui des «joueurs mondiaux» à la recherche de la production la plus rentable partout à travers le monde. De grandes parties du monde néo-colonial sont trop instables pour cela, à cause du niveau d’instruction très bas et des structures gouvernementales corrompues. Mais, heureusement pour les maîtres du monde capitalistes, il y a encore les nouveaux Etats membres de l’Union Européenne, l’Inde ou encore la Chine où ce qui reste de la bureaucratie stalinienne garde un oeil sur les travailleurs.
La délocalisation révèle de façon aiguë de quelle manière les systèmes de productions capitalistes, depuis le temps de Marx et du «Manifeste du Parti Communiste», sont inter-connectés sur le plan mondial. En même temps, on ne saurais mettre en avant un meilleur argument en faveur de la nécessité de l’organisation internationale des travailleurs. Le PSL/LSP et son organisation internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière, perpétuent une tradition de solidarité internationale. Sinon, quelle est la norme? Les salaires et conditions de travail de Pologne? Ou alors ceux de Chine? Les travailleurs doivent résister et s’organiser contre cette spirale négative.
Les besoins de la classe ouvrière se heurtent à la dictature des grands actionnaires. Pour ce club, beaucoup de profits ce n’est pas encore assez. La rentabilité est relative et la concurrence renforce ce processus. Des actions baissent de valeur ? Les «assainissements» sont, dans ce système concurrentiel, la seule réponse. Ce ne sont pas seulement les ouvriers industriels qui ont à craindre la «logique» folle du capitalisme, mais aussi des employés et de chercheurs hautement qualifiés.
Comme Marx l’avait déjà démontré, le marché capitaliste traverse les frontières et mène à des tensions commerciales et à des guerres. Si, grâce à la force potentielle du mouvement ouvrier en Europe ou aux Etats-Unis, les pays capitalistes développés sont aujourd’hui épargnés, ce n’est pas le cas du monde néo-colonial.
Regardons l’intervention de Bush en Irak. Même Alan Greenspan, l’ancien chef de la FED (la Banque centrale américaine), admet maintenant que le motif de la guerre en Irak était «principalement la protection du transfert du pétrole». La seule «moralité» du capital est son chiffre d’affaires. La «lutte pour la démocratie» est seulement une façade pour l’impérialisme, derrière laquelle se cachent les profits des grandes entreprises. Seul le mouvement ouvrier a un intérêt à maintenir et à élargir les droits démocratiques.
Un conflit commercial existe aussi entre les Etats-Unis et la Chine qui importe des produits bon marché aux Etats-Unis. De leur côté, plusieurs pays d’Amérique Latine essaient de faire des accords de commerce entre eux afin de contrer quelque peu l’influence de l’impérialisme, surtout américain. En Europe, les bourgeoisies nationales ont tenté de limiter la compétition entre elles par l’introduction de l’euro et la création de la Banque Centrale Européenne. Une crise fondamentale du système liée à des révoltes ouvrières vont pousser les bourgeoisies nationales les plus faibles vers la sortie. Ce développement va à terme casser la zone euro et l’Union Européenne, avec seulement la persistance d’un noyau dur.
La production capitaliste tente de surpasser les frontières, mais elle se heurte toujours au carcan de l’Etat-nation. La propriété privée des moyens de production et l’Etat-nation sont des formes sociales dépassées. Elles doivent être remplacées par une économie démocratiquement planifiée et par le socialisme mondial.
La majorité de la classe ouvrière et l’avant-garde
Sur base des lois générales du développement du capitalisme analysées plus haut, Marx a mis en avant la nécessité d’une société socialiste, une société harmonieuse de producteurs et de consommateurs où la production n’est pas dirigée vers les profits d’une petite minorité, mais vers les besoins de chacun.
Selon Marx, la classe ouvrière est la seule classe capable de réaliser cela au vu de son rôle dans la production. C’est de là que découle sa stratégie visant à essayer de gagner la majorité des travailleurs pour un programme socialiste. En contradiction avec les anarchistes – avec Bakounine, leur plus éminent représentant à ce moment – qui voulaient rendre les travailleurs «conscients» au travers d’actes terroristes, Marx pensait que seule une majorité consciente de la classe ouvrière serait capable de mener une transformation socialiste de la société.
Le terrorisme, comme l’ont toujours expliqué les socialistes de Marx à Trotsky, est l’arme du petit-bourgeois désespéré ou du «prolétaire en haillons» non-organisé. Ces éléments n’ont pas de confiance dans le mouvement de la masse de la population. Ils essaient, en tant que petite minorité, de forcer le développement de la société. Une révolution socialiste peut seulement aboutir si elle est soutenue par la majorité de la population: la classe ouvrière.
Bien sûr, entre la constatation de ce qui est objectivement nécessaire – gagner la majorité de la classe ouvrière pour un programme socialiste – et effectivement atteindre cet objectif, il y a encore beaucoup d’obstacles. Tous les travailleurs ne montrent pas le même degré d’initiative. Parmi les travailleurs comme parmi les jeunes, il y a des individus actifs qui sont ont un rôle décisif pour la réaction de groupes plus larges de travailleurs et de jeunes. C’est surtout cette «avant-garde» qui doit dans un premier temps de radicalisation être gagnée à un programme socialiste. Ce n’est qu’à travers celui-ci qu’il est possible de plus tard atteindre et gagner les couches plus larges. En somme, un parti révolutionnaire doit d’abord s’orienter vers l’avant-garde, la partie la plus active et consciente des travailleurs et des jeunes, afin d’atteindre ensuite sur cette base les couches plus larges. Mais il est très important de ne pas isoler cette avant-garde des couches larges avec un programme ultra-gauchiste, mais d’adopter un programme de transition qui offre la possibilité d’entrer en dialogue avec ces couches larges.
Sous le stalinisme, cette option stratégique a été déformée pour servir les intérêts d’une bureaucratie. Vu l’isolement de la Révolution dans le pays industriellement et culturellement arriéré qu’était la Russie de 1917, une vieille couche de carriéristes a pu envahir le Parti Communiste. Cette couche de carriéristes était principalement constituée de personnes capables de lire et d’écrire, souvent déjà fonctionnaires sous l’ancien régime tsariste. Ils n’avaient évidemment pas fait la révolution (et pour la plupart était même contre). Sous le régime de Staline, ce groupe social a transformé le Parti Communiste en un instrument taillé en fonction de ses propres intérêts bureaucratiques. Tous les éléments de démocratie ouvrière qui existaient encore ont été abolis.
Pour la bureaucratie, il n’était plus nécessaire de gagner l’avant-garde. Au contraire, les staliniens se sont proclamés eux-mêmes l’avant-garde et ont défini leur parti comme celui de l’avant-garde. Cette approche élitiste a sérieusement discrédité l’idée de gagner les couches les plus conscientes des travailleurs et des jeunes. En réalité, les staliniens ont rompu avec la stratégie qui a été proposée par Marx. Ils ont déformé ses idées pour servir leurs propres objectifs bureaucratiques.
Des perspectives comme guide pour l’action
Marx a dévoilés les lois générales du développement du capitalisme et les tâches stratégiques les plus importantes. Ces lois générales de mouvement ainsi que la lutte entre les travailleurs et le capital ne se déroulent pas de façon linéaire. Des moments de progrès et de recul se succèdent.
Pour une organisation révolutionnaire, il n’est pas seulement nécessaire d’étudier le mouvement général à long terme, mais aussi d’estimer comment les choses vont se développer à court et à moyen terme. C’est sur base d’une telle analyse qu’on peut déduire les tâches concrètes pour aujourd’hui et demain.
Prenons une comparaison connue. Sur base du nombre potentiel de spectateurs et des réserves financières, on peut en déduire qu’une équipe de football d’un pays riche a plus de chances d’avoir un bon résultat en compétition qu’une équipe d’une petite ville, avec moins de revenus issus des spectateurs et de la publicité. On pourrait appelé cela une «loi de mouvement général».
L’équipe qui se base seulement sur cette loi de mouvement général et ne se force pas trop ne va pas aller bien loin malgré son futur prometteur. Il est nécessaire que l’équipe comprenne aussi ce qu’elle a à faire aujourd’hui. Si l’équipe joue contre une équipe offensive, elle devra jouer d’une autre façon que contre une équipe avec une attitude défensive. Autrement dit, l’équipe devra aussi estimer à court terme le jeu de l’adversaire et sur cette base décider d’une tactique afin de remporter le match.
L’idée quelle pourrait acheter quelques nouveaux joueurs l’année prochaine ne changera rien au résultat d’aujourd’hui. De plus, une défaite aujourd’hui aurait aussi un effet sur le nombre de spectateurs et la publicité à l’avenir. Une bonne équipe, donc, n’a pas seulement besoin d’une stratégie à long terme, mais doit aussi estimer tactiquement le jeu de l’adversaire à court terme. Sinon, les bonnes perspectives pour le futur pourraient être transformées en son contraire assez rapidement.
Pour une organisation révolutionnaire aussi, il est important d’estimer les rapports de forces de façon correcte, d’analyser les développements à court terme et d’élaborer sur cette base une approche tactique. Mais l’adversaire peu aussi essayer de jouer sur la surprise est décider de jouer d’une autre façon. De la même manière, les perspectives d’une organisation révolutionnaire ne sont pas des prévisions exactes, mais une tentative d’estimer les développements de la façon la plus correcte possible, à court et moyen terme, afin d’y ajuster tactiques et objectifs de façon systématique.
Par exemple, le lancement de Blokbuster, notre campagne antifasciste flamande, a pris place, comme cela a déjà été mentionné, quelques mois avant la percée du Vlaams Blok lors des élections de 1991. Nous avions mis en avant la perspective que, malgré la croissance économique de cette époque, une couche importante de la population des villes connaissait un recul de leur niveau de vie. Une victoire du Vlaams Blok allait probablement provoquer une certaine radicalisation parmi une couche de jeunes. Sur base de ces perspectives correctes, les précurseurs du PSL/LSP ont posé les fondations de la construction d’une organisation révolutionnaire et d’une tradition antifasciste encore largement respectée aujourd’hui.
Perspectives et tactiques
Dans les années ’70 et au début des années ’80, il y avait encore une large conscience socialiste auprès d’une couche importante de travailleurs et de jeunes. L’idée qu’il y avait une alternative au capitalisme, même sans être claire à 100% sur ce que représentait cette alternative dans les détails, était acceptée par un groupe important de travailleurs et de jeunes. Durant cette période, les marxistes avaient surtout à confronter leurs points de vue spécifiques avec les réformistes sociaux-démocrates et les staliniens.
La chute des régimes staliniens et le processus de bourgeoisifi cation de la social-démocratie ont miné cette conscience «socialiste». Aujourd’hui, le rôle des marxistes ne se limite plus à défendre leurs positions contre celles des dirigeants sociaux-démocrates et de ce qui reste des staliniens. Notre tâche est aussi de propager l’idée générale du socialisme.
De là découle l’appel tactique du PSL/LSP pour un nouveau parti de masse des travailleurs indépendant de la bourgeoisie où tous les courants et individus qui résistent à la politique néolibérale seraient les bienvenus. Cet appel pour un nouveau parti des travailleurs date déjà de 1995. Les membres du PSL/LSP étaient dès lors préparés pour des initiatives comme celle du CAP, le Comité pour une Autre Politique qui avait le potentiel d’aller dans la direction d’un tel nouveau parti des travailleurs, sans toutefois avoir pu y parvenir.
Nous sommes convaincus que seul un programme socialiste achevé – une économie planifiée et la démocratie ouvrière – peut résoudre les problèmes quotidiens de l’emploi, de la pression au travail, de la chute du pouvoir d’achat, de la crise du logement, de l’éducation plus chère, de la destruction du climat,… Mais nous voulons discuter de cela de façon ouverte avec des couches plus larges de travailleurs, sans mettre en avant des ultimatums comme les groupes gauchistes.
Mais nous ne pensons pas qu’un nouveau parti des travailleurs ne peut pas avoir comme objectif principal ou pré-condition d’unifier tous les groupes de la gauche radicale. Tout ces courants n’ont pas la même vision de la manière de construire une alternative de gauche, ni la même orientation vers les couches larges de travailleurs, ou encore n’ont pas les mêmes méthodes ouvertes pour arriver à une nouvelle formation. La première tâche des initiatives qui veulent aller en direction d’un nouveau parti des travailleurs est de gagner des couches fraîches de travailleurs et de jeunes à travers des campagnes vers les lieux de travail, les piquets de grève, les quartiers, les écoles et les universités. Au plus il existera de réels courants de gauche voulant participer de façon constructive à ce projet, au mieux cela sera selon le PSL/LSP. Mais, selon nous, il y a une différence fondamentale entre la «recomposition de la gauche» et le lancement d’un nouveau parti des travailleurs.
Pour le PSL/LSP, des nouveaux parti larges des travailleurs sont des instruments importants pour avoir, à nouveau, une organisation de base, pour donner une voix à la lutte des syndicats sur le terrain national et politique, pour rassembler des travailleurs et des jeunes qui auparavant étaient isolés, pour élever la conscience sur le rôle du capitalisme, et pour entamer la discussion sur une société démocratique et socialiste.
Mais les partis larges de travailleurs ne sont pas immunisés à la pression idéologique et matérielle de la bourgeoisie, comme cela peut déjà se remarquer au niveau international. En Italie, Rifundazione Comunista (RC) a participé au gouvernement néolibéral de Romano Prodi. RC était une scission du vieux Parti Communiste stalinien. Ce parti a adopté une position plus ouverte et se tenait à distance des dictatures de l’ancien bloc de l’Est. Dans les années ’90 déjà, RC avait des dizaines de milliers de membres et pouvait mobiliser, sur ses propres forces, une masse de gens dans les rues.
Les dirigeants de ce parti tenaient malheureusement au capitalisme. Vu la crise actuelle de ce système, il n’y a presque plus de marges sociales pour acquérir des améliorations sociales permanentes. De nouveaux partis des travailleurs sont beaucoup plus vite confrontés au choix de s’adapter au marché capitaliste et ainsi mener une politique de casse sociale néolibérale, ou de rompre avec ce système et alors se battre pour une transformation socialiste de la société. En clair: réforme ou révolution. Malheureusement, la direction de RC a choisi les postes parlementaires et le carriérisme. Une crise profonde dans RC en a été le résultat, et l’aile droite du parti a dû partir. Il est aujourd’hui assez peu clair de voir dans quelle direction va évoluer RC et si ce parti pourra se débarasser du discrédit de sa participation gouvernementale.
Le SP, en Hollande, avec des dizaines de milliers de membres Le PSL/LSP, un parti pour changer de société 31 sur papier, présente lui aussi une pensée anti-néolibérale. Ce parti était une alternative au PVDA social-démocrate devenu néolibéral. Mais au sein du SP également, un processus similaire à celui de RC en Italie s’est développé. La direction du SP a dans le passé laissé entendre qu’il était ouvert pour des coalitions même avec le CDA, un parti ouvertement à droite (si toutefois ce dernier devenait un peu plus social). Sur le plan local, le SP participe à des coalitions qui ont mené des privatisations. Il y a beaucoup de mécontentement au sein du SP sur l’absence de démocratie interne. Les vieilles méthodes maoïstes et le parlementarisme de la direction du SP jouent un grand rôle dans ce processus. Plus de 1.000 personnes auraient, à cause des ces problèmes internes, déjà montré un intérêt dans le lancement d’un nouveau parti vraiment socialiste et démocratique. On doit encore voir si la direction de cette nouvelle initiative va mettre en avant les mêmes objectifs, mais la chasse aux sorcières contre les éléments les plus à gauche dans le parti a déjà commencé. Selon le PSL/LSP, il y a un lien entre la forme que revêt une organisation et le programme politique. Si il veut défendre les intérêts des travailleurs et pas ceux d’une élite du parti qui vise des postes parlementaires, un parti doit véritablement fonctionner de façon démocratique.
En Allemagne, Die Linke, avec Oskar Lafontaine, atteint parfois 15 % dans les sondages. C’est une confirmation du vide politique existant à gauche. Le fait que Lafontaine, comme Chavez, fait des références au «socialisme du 21ième siècle» est très positif. La défense des grèves et des grèves générales marque aussi un pas en avant important. Die Linke peut commencer à organiser une nouvelle génération contre la casse sociale néolibérale. Mais l’alternative de Die Linke reste malheureusement limitée. Le programme du parti défend une sorte d’économie capitaliste mixte, avec un plus grand rôle pour le gouvernement au lieu de la nationalisation des secteurs clés de l’économie sous le contrôle des travailleurs. En même temps, Die Linke peut être discrédité par sa participation au conseil néolibéral de Berlin, par exemple avec les empois «1 euro» (un euro par heure en plus d’une allocation de chômage déjà très basse). Le parti court le danger d’être vu comme complice des mesures antisociales.
Selon le PSL/LSP, on peut seulement participer aux conseils locaux sur base d’une majorité socialiste en menant la lutte et en mobilisant les gens dans la rue pour plus de moyens financiers de la part du gouvernement central avec le but d’élaborer un «budget des besoins» qui représente une rupture visible et importante avec la politique néolibérale. C’est ce que nos camarades ont fait à Liverpool dans les années ‘80, alors qu’ils étaient l’aile gauche marxiste du Labour Party, la parti travailliste. Cela doit impérativement être lié à l’idée qu’un changement fondamental n’est possible qu’en brisant, sur le plan national et international, le pouvoir des grandes entreprises et en mettant en place une démocratie ouvrière.
Le PSL/LSP pense donc qu’il y a une double tâche pour les socialistes révolutionnaires: défendre l’idée d’un nouveau parti des travailleurs, aider activement au lancement d’un tel parti afi n d’établir à nouveau les idées générales de lutte et socialisme, construire en même temps notre propre courant révolutionnaire afin de mettre en avant un programme révolutionnaire achevé et, avec d’autres socialistes, combattre l’influence des bureaucrates et des carriéristes – et leurs idées et méthodes de droites – au sein du nouveau parti. Très certainement dans une situation de victoires électorales, le danger existe que ces couches voient un nouveau parti non pas comme un instrument pour changer de société, mais comme un outil pour acquérir un poste confortable au Parlement.
Un nouveau parti des travailleurs a donc intérêt à avoir une forte aile gauche marxiste afin de donner le plus de poids possible aux points fondamentaux tels que la démocratie interne et un véritable programme socialiste (ou en tout cas les éléments les plus importants d’un tel programme). Sur base de discussions et de l’expérience en commun, nous espérons à terme convaincre la majorité, aussi dans la société, de notre programme révolutionnaire socialiste.
Perspectives et objectifs
Elaborer des perspectives, stratégies et tactiques est une chose, mais tout cela ne vaut rien sans être lié à des tâches et objectifs concrets. Tout comme un entraîneur d’une équipe de football qui, dans le cadre de la stratégie et de la tactique déterminée collectivement, va voir comment chaque joueur peut individuellement contribuer sur base des ses qualités et de ses faiblesse, de la même façon, une organisation révolutionnaire socialiste doit faire le maximum pour utiliser toutes ses qualités et vaincre ses faiblesses.
On ne doit pas mettre en avant des tâches et des objectifs – par exemple pour la vente du journal, la récolte de soutien financier ou le recrutement de nouveaux membres – impossibles à atteindre. On doit motiver les membres pour atteindre un objectif qui est dans leurs capacités. Ce qu’on fait, on doit bien le faire, sans essayer d’en faire beaucoup trop, en mettant en avant des objectifs à chaque niveau, et finalement pour chacun individuellement en s’assurant que toutes les capacités soient utilisées de façon optimales.
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Des néonazis organisent une commémoration en l’honneur d’Adolf Hitler dans notre pays
Ce 19 avril, deux branches concurrentes de l’organisation néonazie internationale « Blood & Honour » ont chacune organisé une commémoration en l’honneur d’Hitler. Selon le ministre de l’Intérieur Dewael (Open VLD), on ne peut rien faire contre cela. Ces néonazis savent que le secret est encore un de leurs meilleurs amis : les lieux de rendez-vous sont communiqués au dernier moment et seulement parmi un public de partisans préalablement soigneusement sélectionné.
Ces commémorations se sont déroulées à l’occasion du 20 avril, jour de la naissance de Hitler. Ce n’est pas la première fois qu’elles ont lieu dans notre pays. Il y a 12 ans, cette situation avait déjà suscité débat parmi les parlementaires. A une des questions posées, le ministre de la justice de l’époque, Stefan Declercq, avait répondu que ces commémorations étaient organisées par la « Leibstandaarte Adolf Hitler », un groupe originaire de Flandre occidentale dans lequel plusieurs militants du Vlaams Blok de l’époque étaient actifs. Les néonazis qui ont lancé « Blood & Honour » dans notre pays faisaient également partie de ce groupe.
Cette année, il y a deux cérémonies organisées par « Blood & Honour Mindgard » d’une part et par « Blood & Honour Combat 18 » d’autre part. Différents membres du Vlaams Belang ont également pris part à ces « festivités », tout comme différents membres du NSV (le mouvement de jeunesse officieux du Vlaams Belang) qui ont clairement affiché leur sympathie pour B&H, notamment par un pèlerinage nazi vers le lieu de naissance d’Adolf Hitler, par exemple.
L’annonce de ces rassemblements a provoqué une vive réaction de la part de l’Anti-Fascistisch Front (AFF, équivalent néerlandophone du Front Anti-Fasciste) qui a appelé à des actions. De son côté, le ministère a annoncé que rien ne pouvait être fait. Effectivement, ce n’est pas si évident de mener des actions contre des groupes pas si marginaux que ça et qui cultivent si bien le culte du secret.
Mais de l’autre côté, les néonazis sont tolérés en Belgique. A Bruges, lors des attaques racistes de 2006 (dans lesquelles des dirigeants de « B&H Mindgard » ont été impliqués), le procureur a même déclaré que les néonazis ne procuraient que peu de nuisances. Ce n’est donc pas étonnant que notre pays accueille des racistes provenant d’autres pays. Ici, ils peuvent à l’aise organiser leurs petites sauteries.
Les groupes de néonazis comme « B&H » sont certes marginaux, mais ils peuvent néanmoins constituer un danger. A mesure que leur confiance augmentera, ils recourront davantage à la violence physique. Nous devons nous organiser pour stopper leur haine et pour contrer leurs activités, la mobilisation est la meilleure arme. Et c’est d’ailleurs par crainte de ces mobilisations qu’ils tiennent secrets leurs lieux de réunions.
MOBILISONS CONTRE LES NEONAZIS DE "NATION"!
"NATION" est un groupe de néonazis francophone qui veut organiser un rassemblement ce premier mai à Charleroi. La FGTB organise une contre-manifestation. N’hésitez pas à y participer vous aussi! STOP au fascisme ! STOP au racisme ! Tout ce qui nous divise nous affaiblit!
RDV: 13h, à Charleroi, parking des Beaux-Arts (là où la FGTB fête son premier mai).
Ensuite: cortège en commun jusqu’à l’esplanade Jules Destrée, rue de la Montagne.
Plus d’informations ici.
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Analyse des élections communales. Un recul masqué de la coalition violette
Quelques tendances principales se dégagent des élections communales et provinciales du 8 octobre. Les partis chrétiens-démocrates en sortent victorieux dans les trois régions du pays. C’est aussi le cas de l’extrême droite en Flandre et, dans une moindre mesure, en Wallonie, mais pas à Bruxelles. Le VLD et les écologistes sont en net recul, à l’une ou l’autre exception locale près. Le MR équilibre les gains et les pertes.
Par Els Deschoemacker, Thierry Pierret et Jean Peltier
Le SP.a progresse fortement dans les grandes villes, surtout à Anvers où il reprend au Vlaams Belang la position de premier parti. Une réussite qu’il faut néanmoins tempérer par le fait qu’il n’a pris des sièges qu’à ses partenaires de coalition, mais aucun au VB. Le PS recule significativement là où des scandales ont éclaté (Charleroi, La Louvière, Namur, Mons, Huy,…) mais il reste le principal parti en Wallonie où il maintient, voire conforte, nombre de majorités absolues.
Les chrétiens-démocrates: retour au “bon vieux temps” de l’Etat-CVP
Le CD&V a reconquis la majorité des cantons flamands et dépasse à nouveau la barre des 30%. Il n’avait plus engrangé une telle victoire depuis 20 ans. Du côté francophone, le CDH poursuit lui aussi sa remontée et a conquis 10 cantons de plus qu’aux élections régionales de 2004.
Cela signifie-t-il pour autant un retour au « bon vieux temps » où la famille CVP-PSC (les anciens noms du CD&V et du CDH) était le parti-pivot de toute coalition gouvernementale grâce à une base stable dans toutes les couches de la société ? Loin de là !
D’une part, parce qu’au fil des ans et quels que soient leurs scores électoraux, tous les partis traditionnels ont perdu de leur autorité dans la société. D ‘autre part, parce que, s’il reviennent au pouvoir national en 2007 (ce qui est probable), le CD&V et le CDH ne pourront pas compter sur une grande stabilité politique dans leur propre zone d’influence. Du côté francophone, les liens sont nettement plus distendus aujourd’hui entre la CSC et le CDH. En Flandre même, une partie des membres de la CSC ont participé aux grèves contre le Pacte des Générations du gouvernement violet, contre l’avis de la direction de la CSC et surtout contre l’avis du CD&V qui trouvait que ce pacte n’allait pas assez loin !
En outre, tant le CD&V que la N-VA (un petit parti autonomiste flamand de droite issu de l’éclatement de la Volksunie) ont jusqu’ici tiré profit du cartel qui les unit. Mais pour combien de temps ? Le nationalisme flamand risque à terme de devenir une véritable épine dans le pied des chrétiens-démocrates flamands. Le fait qu’une majorité de petits patrons flamands prônent plus d’indépendance pour la Flandre va sans doute inciter le parti à aller plus loin dans cette direction. Une attitude qui est en porte-à-faux par rapport aux positions du CDH et surtout aux aspirations de la base syndicale comme l’a encore rappelé le congrès national de la CSC il y a quelques jours…
La coalition violette en sursis?
La coalition violette a perdu ces élections. Elle n’aurait plus de majorité en Flandre avec un VLD – le parti du Premier ministre – qui plafonne à 16%. Du côté francophone aussi , la violette est en recul. Si on extrapole le résultat des élections provinciales au niveau fédéral, tant le MR (-5) que le PS (-2) perdraient des sièges par rapport aux élections de 2003. La coalition libérale-socialiste passerait de 98 à 79 sièges à la Chambre en 2007, soit une majorité de seulement 4 sièges.
La défaite globale de la violette est pourtant reléguée à l’arrière-plan par la victoire de l’une ou l’autre de ses composantes dans quelques grandes villes comme Bruxelles, Liège, Gand et surtout Anvers.
Dans ces élections, le vote pour le moindre mal a de nouveau joué en faveur de la social-démocratie. Bien qu’ils soient les architectes et les maîtres d’oeuvre de la politique néolibérale au niveau national, PS et SP.a ont encore réussi à présenter leurs réformes antisociales comme un mal nécessaire pour préserver notre sécurité sociale ou assurer une bonne gestion communale.
Poursuivre dans cette voie mène pourtant à une impasse. L’augmentation de la pauvreté, le bradage des services communaux, la disparition des emplois correctement payés, … ne feront que nourrir le terreau de l’extrême-droite. La seule digue qui puisse tenir contre l’extrême-droite, c’est aussi une digue contre ce genre de politique. Ces élections ont de nouveau démontré la nécessité d’une opposition de gauche sous la forme d’un nouveau parti des travailleurs.
Flandre: un coup d’arrêt au Vlaams Belang?
Une des principales questions de cette campagne était : le Vlaams Belang peut-il encore progresser à Anvers et arriver au pouvoir dans certaines communes flamandes ? Le verdict est tombé : le Vlaams Belang recule à Gand ainsi que dans les districts d’Anvers-Centre et de Borgerhout. Et les commentateurs de proclamer aussitôt que « un SP.a fort peut stopper la montée du VB ». Au lieu d’être vu comme l’une des causes de la marée noire montante depuis 1991, le SP.a est maintenant présenté comme le sauveur et le bourgmestre d’Anvers et ex-président du SP.a Patrick Janssens fait figure de héros !
Qu’en est-il réellement ? Pour l’ensemble de la Flandre, le Vlaams Belang progresse de 6,6% par rapport aux élections communales de 2000. Il a augmenté d’un tiers le nombre de villes où il se présentait, passant de 459 à 794 conseillers communaux. Ce qui ne peut que renforcer l’implantation du parti. Dans ce sens, le triomphalisme ambiant est totalement déplacé.
A Anvers, grâce à la campagne médiatique centrée sur « Patrick », le SP.a a pu présenter l’enjeu du scrutin comme un duel entre Patrick (Janssens) et Filip (Dewinter). Patrick Janssens a récolté un peu plus de 70.000 voix de préférence, Filip Dewinter un peu plus de 60.000. Le parti de Janssens a progressé de 16% et devient du même coup – mais de peu – le premier parti d’Anvers à la place du VB.
Mais le grand soupir de soulagement à Anvers ne doit pas empêcher de voir la réalité en face : personne n’a réussi à prendre un siège au VB ! Comme Dewinter l’a fait remarquer, le SP.a a « cannibalisé » ses propres partenaires dans la coalition. Le VLD perd 5 sièges, Groen ! 4 et le CD&V 1. Le SP.a en gagne 10 avec un score de 35%.
Pour expliquer la victoire des coalitions au pouvoir à Anvers et Gand, les commentateurs mettent en avant la « bonne gouvernance » de ces villes, et en particulier les opérations de rénovation urbaine. Mais celles-ci ont surtout été mises en oeuvre dans l’intérêt de la classe moyenne qui a réinvesti certaines portions du centre-ville au détriment de toute une population fragilisée qui y vivotait depuis des années et qui avait offert au Vlaams Blok sa première percée électorale à la fin des années ‘80 et au début des années ‘90. La composition sociale de certains quartiers a changé parce que les pauvres en ont été chassés.
Ceci explique les progrès successifs du SP.a, le champion de la nouvelle classe moyenne et le maître d’oeuvre de ce type de « rénovation urbaine ». Mais la valeur des logements a tellement grimpé que les moins nantis ont dû quitter certains quartiers de Borgerhout et d’Anvers-Centre… pour s’établir dans les quartiers plus périphériques où le Vlaams Belang continue à se renforcer.
Bruxelles: une politique “proche des gens”?
A Bruxelles, le PS conforte sa position de premier parti régional qu’il avait déjà ravie au MR en 2004. C’est d’autant plus remarquable que le MR – sauf à Bruxelles-Ville où il s’effondre – et le CDH progressent également. Le PS progresse dans les grosses communes de la première ceinture comme Schaerbeek (où il fait plus que doubler son score mais où Onkelinx rate le poste de bourgmestre grâce à la nouvelle alliance entre MR et Ecolo), Molenbeek ou Anderlecht et il franchit pour la première fois la barre des 30% à Bruxelles-Ville. C’est surtout Ecolo qui fait les frais de cette progression. L’extrême-droite (FN et VB) stagne, sauf à Schaerbeek où la Liste Demol, apparentée au VB, perd la moitié de ses voix et 3 de ses 4 élus. Est-ce à dire que les politiciens bruxellois ont su rester « proches des gens et de leurs préoccupations » comme ils aiment à le dire? Rien n’est moins vrai.
Le vote des Belges d’origine immigrée et des étrangers non européens, qui pèse lourd dans certaines communes, a certainement fait barrage à l’extrême-droite. Les partis, surtout le PS, ont joué à fond la carte du vote communautaire en ouvrant largement leurs listes à des candidats d’origine turque, marocaine et africaine. Le principal, sinon le seul critère de sélection était leur capacité à récolter des voix dans leur communauté. Nombre d’entre eux ont été élus le 8 octobre. Ils vont rapidement être associés à la politique néolibérale. Ils vont sans doute essayer d’en atténuer les effets dans leur quartier ou leur communauté en aidant leurs électeurs à surmonter individuellement les problèmes sociaux qu’ils auront contribué à créer par leur soutien à des mesures antisociales. Mais le clientélisme – ce que les politiciens appellent « être proche des gens » – se heurtera à ses limites et ceux-ci devront tôt ou tard rendre des comptes sur leur attitude au Conseil communal ou au Collège.
Wallonie: le PS en équilibre instable
Une marée noire était parfois annoncée le 8 octobre. Les résultats sont beaucoup plus diversifiés. Mais le lien est clair entre les résultats du PS et du FN. Dans le Hainaut, là où les scandales à répétition ont ébranlé le PS, celui-ci connaît des reculs parfois impressionnants (13% à Charleroi, 14% à La Louvière, 10% à Mons) et le FN refait une percée. Par contre, là où le PS a échappé (pour le moment ?) aux scandales, comme dans la région liégeoise, il maintient ses résultats, voire les améliore, après avoir réussi à se présenter comme le rempart contre le libéralisme agressif du MR et de Reynders. Et le FN ne perce pas (1 seul siège à Liège).
Si le PS n’a pas été envoyé au tapis lors de ces élections, ses résultats mitigés et la reprise des inculpations (le bourgmestre de Charleroi Van Gompel en tête) minent quand même sa position tant au sein du gouvernement Verhofstadt qu’à la Région wallonne. Cela explique certainement sa volonté d’ouvrir ses majorités dans plusieurs villes au MR ou au CDH. Mais le résultat en sera immanquablement une politique encore plus néolibérale. Et un espace encore plus grand pour le développement du FN dans les prochains scrutins.
Le PTB triple le nombre de ses sièges
La gauche se souviendra de ces élections en raison du « décollage électoral » du Parti du Travail de Belgique. Le PTB progresse un peu partout et triple le nombre de ses sièges qui passe de 5 à 15. En Wallonie, il conserve ses 2 sièges à Herstal et en gagne 1 à Seraing et La Louvière ; par contre, il n’obtient pas de siège à Bruxelles. Mais 11 de ces 15 sièges sont gagnés par des « Médecins pour le Peuple » est révélateur. Autour de ses Maisons médicales, le PTB a construit une intervention locale et mené des actions contre les sacs-poubelles payants, pour le logement social, pour plus de facilités pour les jeunes, … qui, avec sa participation active à la lutte contre le Pacte des Générations, a pu convaincre une partie des électeurs.
Ce résultat démontre en tout cas le potentiel pour une politique d’opposition au néolibéralisme. Un nouveau parti, défendant réellement les travailleurs et reposant sur une forte base syndicale, pourrait obtenir de tels scores dans toute la Belgique. C’est ce qui fait toute l’importance de l’initiative du Comité pour une autre politique (CAP)…
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Leterme suscite de nouveaux remous communautaires
Question nationale
Yves Leterme voulait se faire remarquer et il a réussi. Ses propos dans Libération ont fait couler des litres d’encre dans tous les journaux. Les préparatifs de la réforme de l’Etat ont bel et bien commencé.
Anja Deschoemacker
Selon Leterme (président du CD&V et de la région flamande), les francophones n’ont pas les capacités intellectuelles pour apprendre le néerlandais, mais aussi que ne subsistent de la Belgique que le roi, la bière et le football. De plus, il a menacé les francophones d’abolir les mécanismes qui les protègent comme la parité linguistique au sein du gouvernement fédéral et la procédure de la sonnette d’alarme s’ils remettaient en cause la frontière linguistique. Di Rupo a surenchéri en mettant sur la table les mécanismes de protection des Flamands de Bruxelles et en revendiquant l’alternance linguistique du poste de Premier Ministre.
Chacun sait ainsi à qui il doit s’en prendre: à l’autre communauté. Est-ce le cas? Mais avant d’aller plus loin: les francophones refusent-ils d’apprendre le néerlandais?
Les faits sont les suivants. A Bruxelles, les enfants néerlandophones sont une minorité dans l’enseignement maternel et secondaire. Un quart des jeunes scolarisés vont dans une école néerlandophone. Du côté francophone, quelque 150 écoles primaires et secondaires donnent une partie des cours dans une autre langue que le français. 4 le font en allemand, 29 en anglais et… 115 en néerlandais ! En dépit de sondages qui révèlent qu’une majorité de Bruxellois souhaitent un enseignement bilingue, les politiciens bruxellois flamands s’y opposent. En Flandre, l’enseignement en immersion est interdit et la connaissance du français recule dans la jeunesse. La réduction des moyens pour l’enseignement n’y est pas étrangère.
L’attitude des travailleurs et de leurs familles envers les langues dépend étroitement des exigences du marché du travail. D’après le président de la FEB Jean-Claude Daoust: "L’unilinguisme se paye cash sur le marché du travail. On ne lit même pas les CV des candidats unilingues". C’est ainsi que la grande majorité des Bruxellois flamands se sont francisés dans le passé.
De même aujourd’hui, le taux élevé du chômage en Wallonie et à Bruxelles (avec une grande majorité de chômeurs francophones unilingues) donne lieu à un redoublement d’efforts pour devenir bilingue. Le succès des chèques-langues en témoigne.
Questions/réponses
Les écarts économiques entre la Flandre et la Wallonie doivent-ils mener à la scission de la Belgique?
La Belgique existe depuis près de 200 ans. Pourtant, elle a toujours connu de grandes disparités régionales. Depuis le début du 20e siècle, des voix pour plus d’autonomie régionale se sont exprimées des deux côtés. Seules les deux guerres ont donné lieu à l’expression d’un fort nationalisme belge. Mais il n’y a eu à aucun moment dans l’histoire, ni en Flandre ni en Wallonie, une situation où une majorité de la population s’est prononcée pour la séparation. La plupart des mouvements nationalistes s’en sont toujours tenus à un programme de réformes dans le cadre belge. La bourgeoisie préfèrerait certes un espace linguistique homogène qui est plus propice au développement économique, mais elle préfère encore davantage les grands ensembles cohérents à l’émiettement territorial.
De plus, une scission de la Belgique pourrait donner lieu à un effet domino que les bourgeoisies européennes, c’est le moins qu’on puisse dire, ne souhaitent pas. Et que faire de Bruxelles qui sera revendiquée par la Flandre comme par la Wallonie?
L’unanimité politique flamande reflète-t-elle un fort nationalisme flamand et une volonté de régionalisation accrue parmi la population flamande?
C’est l’impression que l’on a lorsqu’on écoute n’importe quel politicien flamand. Mais alors, comment expliquer que les "sans opinion" l’emportent dans les sondages sur la scission de BHV réalisés en Flandre? Tout comme en Wallonie d’ailleurs. La Flandre et la Wallonie convergent en effet dans le peu d’intérêt que semblent porter leurs populations à la politique communautaire. Dans les sondages sur les dossiers prioritaires à l’approche des élections, ce sont des thèmes comme l’emploi, les soins de santé, la sécurité,… qui sont cités. On ne trouve jamais dans le top 10 " plus de compétences pour les régions et/ou les communautés ", pas plus en Flandre qu’en Wallonie ou à Bruxelles. Dans un sondage réalisé au plus fort de la crise autour de BHV, 84% des Flamands et 92% des Wallons prônaient le maintien de la Belgique.
Qui dit quoi?
- En mars 1999, tous les députés du Parlement flamand (sauf ceux du Vlaams Blok) ont voté les résolutions suivantes: maîtrise totale par la Flandre des soins de santé, de la politique des familles, de la coopération au développement, des télécommunications, de la recherche scientifique et technologique ; autonomie fiscale et financière accrue ; autonomie constitutive illimitée; transfert de l’exploitation et de l’infrastructure ferroviaires; solidarité objective et transparente avec les autres entités fédérées ; homogénéité des paquets de compétences en matière de police et de justice. Leterme fait d’une percée dans ce qui précède, avec la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, un préalable à l’entrée du CD&V dans un gouvernement fédéral; Vande Lanotte fait de la régionalisation du marché du travail un préalable à la participation du SP.a.
- Le front francophone est jusqu’ici un front défensif. La plupart des politiciens francophones opposent à la revendication de scission de BHV celle du maintien et de l’ancrage des facilités, voire l’extension des limites de la Région de Bruxelles-Capitale.
- Les politiciens bruxellois refusent d’être le dindon de la farce. Ils revendiquent surtout plus d’argent pour Bruxelles.
- Il ressort de plusieurs enquêtes que les petits patrons flamands, regroupés au sein du Voka et d’Unizo, se prononcent en grande majorité pour la régionalisation du marché du travail.
- La FEB en revanche, qui représente les grandes entreprises, se prononce contre la régionalisation du marché du travail. Pour Jean-Claude Daoust (De Standaard 1/9): "Chez Unizo, il s’agit surtout de petites entreprises dont le terrain d’action est souvent très local, circonscrit à la Flandre (…). Elles ignorent les entraves à la libre entreprise que pose une double ou une triple législation".
- La FGTB et la CSC se sont prononcées contre une extension de la régionalisation. Le président de la CSC, Luc Cortebeeck, a dit dans Le Soir (11/9) que la régionalisation du marché du travail n’apporterait rien aux travailleurs flamands et causerait des dégâts au tissu socio-économique.