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Tag: Union Européenne
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Ukraine : Les raisons de la crise
Rob Jones, article tiré de l’édition de mars 2014 Socialism Today
Ce dossier a été écrit la semaine dernière, avant les plus récents développements de la crise ukrainienne. Ce texte reste toutefois d’actualité est est d’une grande aide pour comprendre le contexte de la situation actuelle.
L’Ukraine est à nouveau ébranlée par des manifestations de masse. La police anti-émeutes du président Ianoukovitch a violemment pris à partie les manifestants sur la place de l’Indépendance (Maïdan nézalejnosti) de Kiev. À ce jour, 29 personnes ont été tuées, en plus de centaines de blessés graves. En cause : un système politique pourri. Dans un article écrit peu avant ces évènements, Rob Jones analyse les différentes forces à l’œuvre dans la crise ukrainienne.
Les passions se sont autant déchaînées que l’hiver a été rude en Ukraine. Les manifestants occupent les bâtiments du ministère et de la mairie dans la capitale, Kiev, et un peu partout dans le pays, surtout dans l’Ouest. À l’Est, d’où le président Ianoukovitch tire sa principale base de soutien, les autorités locales ont bloqué leurs propres bureaux avec de grands blocs de béton afin d’éviter toute tentative d’occupation. Les manifestants prennent tout ce qui leur tombe sous la main pour construire des barricades. Dans certains endroits, ce sont des piles de vieux pneus ; dans d’autres, des sacs de sable remplis de neige et de glace.
Dix ans se sont écoulés depuis le grand mouvement appelé la “révolution orange”, qui avait été organisé contre les fraudes électorales et qui avait contraint Ianoukovitch à laisser le pouvoir à son rival Viktor Youchtchenko. Youchtchenko n’a pu rester au pouvoir que le temps d’un mandat avant d’en être de nouveau chassé par Ianoukovitch aux élections suivantes. Aujourd’hui, la place de l’Indépendance de Kiev (Maïdan nézalejnosti) est à nouveau remplie de milliers de manifestants qui y campent depuis deux mois dans un village de tentes et de barricades, avec le même but de chasser Ianoukovitch. Le mot “Maïdan” fait depuis partie du vocabulaire politique en tant que symbole de contestation, cette fois sous l’appellation “Yevromaïdan” (place de l’Euro).
Le facteur déclencheur du mouvement a été la décision prise le 21 novembre par le parlement ukrainien de ne finalement pas signer l’“accord d’association” avec l’Union européenne qui aurait dû être signé fin novembre lors d’un sommet européen en Lituanie. Cet accord n’était pas une invitation pour l’Ukraine à rejoindre l’Union européenne – dans le climat économique actuel, l’UE peut sans doute encore se permettre d’intégrer l’un ou l’autre petit pays d’Europe de l’Est (comme la Croatie), mais certainement pas l’Ukraine, qui est à la fois le troisième pays le plus pauvre du continent européen tout en étant le plus grand par sa superficie sur le continent et celui qui a la cinquième plus grande population du continent (Russie exceptée). (Les seuls pays du continent européen à être plus pauvres que l’Ukraine sont la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie, dont les PIB par habitant sont à rapprocher de ceux du Ghana et du Pakistan ; le PIB par habitant de l’Ukraine est d’à peine 5100 €, équivalent à celui de l’Algérie ; à titre d’exemple, le PIB par habitant de la France est de 25 000 € ; celui du Kazakhstan est de 9500 €, celui de la Roumanie, 8900 €). Cet accord d’association avait pour but d’encourager l’Ukraine à adopter les soi-disant “valeurs européennes” de “démocratie“ et de “justice”, et surtout à aller vers un accord de libre-échange entre ce pays et le reste de l’Europe.
Selon le premier ministre du moment, Mykola Azarov (qui a été viré en janvier dans une tentative de satisfaire les revendications des manifestants), la décision de reporter la signature de l’accord d’association aurait été prise à la suite d’une lettre du FMI qu’il aurait reçue le 29 novembre, dans laquelle le FMI détaillait les conditions pour le remboursement des emprunts effectués pour sauver l’économie du pays en 2008 et 2010. Selon Azarov, « Les termes consistaient en une hausse du prix du gaz et du chauffage pour la population d’environ 40 %, la promesse de geler le salaire minimum de base au niveau actuel, une importante réduction des dépenses budgétaires, la diminution des subsides sur l’énergie, et la suppression graduelle des exemptions de TVA pour l’agriculture et d’autres secteurs ». Il se plaignait donc du fait que, alors que l’UE fait beaucoup de promesses en parlant des avantages futurs pour l’économie du pays, elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle aujourd’hui.
Depuis le début de la crise mondiale, l’Ukraine s’est trouvée dans une situation économique effarante. Entre 2008 et 2009, le PIB est tombé de 15 %, et ne s’est pas relevé depuis. Le chômage officiel est passé de 3 % à 9 % – un chiffre qui sous-estime de beaucoup la situation réelle. La situation désespérée dans laquelle vivent de nombreux Ukrainiens explique pourquoi le mouvement a pris une coloration si pro-européenne, du moins dans ses premiers stades. Beaucoup de personnes, surtout parmi la jeunesse, considèrent l’Union européenne en tant que havre de richesse et de liberté, surtout comparée à l’autre puissance voisine – la Russie. Il suffit de regarder le salaire moyen pour comprendre cela : il est de 250 € par mois en Ukraine (et plus bas dans l’ouest du pays que dans l’est), alors qu’en Pologne, pays européen voisin de l’Ukraine, le salaire moyen est le double.
Lorsqu’ils ont appris que c’est à cause de la pression russe que la signature de cet accord avec l’UE avait été annulée, les étudiants sont descendus dans les rues de l’ouest du pays. À Lviv, la plus grande ville de l’ouest, les revendications étaient très larges : à côté de ceux qui exigeaient du gouvernement la signature de l’accord, on en voyait d’autres qui tenaient des pancartes demandant la fin du contrôle des entrées et sorties et du couvre-feu dans les résidences universitaires (les portes sont généralement fermées à partir de 22 heures).
Le tir à la corde Est-Ouest
La question nationale était déjà bien présente lors de la révolution orange, et continue à jouer un rôle extrêmement important dans le Yevromaïdan. Il y a de fortes divisions entre l’ouest du pays, ukrainophone, et l’est, russophone et beaucoup plus industrialisé. Mais la division linguistique s’est changée en une âpre lutte où tous les coups sont permis, exacerbée par les différentes puissances impérialistes afin de tirer des profits de l’exploitation de l’Ukraine et d’accroitre leur avantage géopolitique. Avant l’éclatement du Yevromaïdan, les puissances occidentales étaient prêtes à faire des concessions au gouvernement ukrainien uniquement parce qu’elles voudraient pouvoir utiliser ce pays en tant qu’“État tampon” afin de restreindre l’influence de la Russie. La Russie veut quant à elle maintenir son influence et utilise l’aide qu’elle fournit au pays afin de renforcer sa position.
Le président Ianoukovitch est généralement considéré comme étant pro-russe mais, depuis son retour au pouvoir en 2010, s’est montré extrêmement pragmatique dans ses relations entre les différentes puissances. Sa première visite officielle après sa réélection était à Bruxelles, où il a affirmé que l’Ukraine ne remettrait pas en question son affiliation au programme d’extension de l’Otan. Juste après, il s’est rendu à Moscou afin d’y promettre de restaurer les bonnes relations entre l’Ukraine et la Russie. Il a cependant résisté à toutes les tentatives de Vladimir Poutine de faire entrer l’Ukraine dans son “union douanière eurasienne” qui inclut la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan. Jusqu’à sa décision choc fin 2013, Ianoukovitch semblait être fort enthousiaste au sujet de cet accord d’association.
Au fur et à mesure que la date de signature se rapprochait, la Russie a commencé à imposer de plus en plus de restrictions au commerce. Le volume des échanges entre les deux pays a décru de 11 % en 2012, et encore de 15 % en 2013. Le volume des échanges entre l’Ukraine et l’UE équivaut à peu près à celui avec la Russie, mais vu l’état de l’économie européenne, l’Ukraine n’a pas pu accroitre ses échanges avec l’UE afin de compenser ses pertes avec la Russie. La proposition d’aide européenne, d’un montant de 1,8 milliards d’euros sur dix ans, n’était clairement pas suffisante. De plus, la Russie utilise ses gazoducs à travers l’Ukraine en tant qu’argument supplémentaire.
Cela semble à présent difficile à croire, mais les premières journées du Yevromaïdan se sont déroulées dans une ambiance véritablement festive. Beaucoup d’étudiants considéraient cela comme un grand pique-nique ; ils disaient ne pas vouloir soutenir l’un ou l’autre parti politique. Lors du grand rassemblement du 24 novembre, les discours des principaux partis d’opposition ont fait l’effet de pétards mouillés. La foule scandait « À bas les bandits » – c’est-à-dire, Ianoukovitch et sa clique. Les quelques nationalistes qui cherchaient à provoquer des divisions en huant les “Moskali” (insulte envers les personnes d’ethnie russe) restaient isolés.
Tout cela a changé assez rapidement, début décembre, lorsqu’un orateur du parti d’extrême-droite Svoboda (“Liberté”) a demandé qu’un stand installé là par un syndicat indépendant soit enlevé. Cela a été le signal pour une bande de voyous d’extrême-droite d’attaquer les syndicalistes, brisant même les côtes de l’un d’entre eux.
L’“opposition” politique
Dès le départ trois personnalités, représentant la coalition des partis d’opposition au parlement, ont été le visage de la contestation. Arseni Yatseniouk représente le parti de l’ancienne première ministre (en prison) Ioulia Tymochenko, autrefois surnommée la “princesse du gaz” lorsqu’elle se faisait une immense fortune en contrôlant la plupart des importations de gaz venant de Russie. Elle était un des principaux dirigeants de la révolution orange ; mais une fois au pouvoir, son gouvernement a suivi une ligne économique basée sur un mélange de pro-européanisme et de néolibéralisme, avec une vague sauce populiste très modérée. Le second leader est Vitaliy Klytchko, champion du monde de boxe, dont le parti Oudar (“Coup”) veut l’intégration à l’Union européenne et est lié au Parti populaire européen, le bloc des chrétiens-démocrates (centre-droite) au parlement européen.
La troisième figure de proue est Oleh Tiahnybok, du parti “Liberté”, qui a 37 sièges au parlement et contrôle le gouvernement local dans trois régions. Il s’agit d’un parti d’extrême-droite voire, selon certains, néofasciste. Jusqu’en 2004, ce parti utilisait la svastika comme symbole. Tiahnybok lui-même voue une haine virulente envers toute la gauche, et justifie la collaboration de certains Ukrainiens avec Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale comme ayant été nécessaire afin de « nettoyer l’Ukraine des éléments impurs tels que les Moskali, les Allemands et les Juifs ». “Liberté” tente aujourd’hui de modérer son image pour des raisons électorales, mais joue un rôle de plus en plus dangereux dans le Yevromaïdan, aux côtés de groupes encore plus répugnants, tels que l’union de partis et hooligans fascistes “Secteur droite” (Pravyï sektor).
À la suite du refus de signer l’accord d’association, Ianoukovitch a été forcé de voyager partout dans le monde pour y chercher des fonds. Bien que la Chine ait signé des accords commerciaux d’une valeur totale de 5,6 milliards d’euros, elle est apparue peu encline à apporter une aide directe à l’Ukraine. La Russie a par contre accepté un prêt de 10 milliards d’euro, en plus d’une réduction du prix du gaz naturel de 33 %, bien que cet accord pourrait être fortement remis en question si Ianoukovitch quittait le pouvoir. Tout en aidant l’Ukraine à éviter la faillite sur sa dette dans l’immédiat, l’économie, après trois mois de manifestations permanentes, reste dans un état désespéré.
Une violence étatique croissante
Au moment où cet accord avec la Russie a été conclu, la situation avec le Yevromaïdan échappait déjà à tout contrôle. Les forces de l’État, en particulier la police anti-émeutes, ont tenté d’interrompre le mouvement en attaquant la place de l’Indépendance le 30 novembre à 4 heures du matin (sous prétexte de faire de la place pour pouvoir y ériger le grand sapin de Noël), blessant grièvement plusieurs personnes. Le lendemain, des centaines de milliers de manifestants ont débarqué en guise de réponse à cette attaque par la police, et la contestation n’a cessé de croitre tout au fil de la semaine. La nature des revendications a changé. La signature de l’accord d’association européen est passée au second plan, tandis que de plus en plus de gens réclamaient la démission du président et du gouvernement, et des élections anticipées. Divers groupes se sont mis à occuper des bâtiments administratifs. Même la présidence a été assiégée. Les groupes de droite ont commencé à organiser des milices et des groupes de défense.
L’ampleur renouvelée de la contestation a causé une crise catastrophique au régime. En recourant à la répression, il n’avait fait que provoquer encore plus de colère. Incapable de calmer les manifestants, le gouvernement a voté douze lois le 16 janvier, qui ont été surnommées les “lois dictatoriales”. Ces lois, si elles étaient appliquées, feraient de l’Ukraine un pays aussi répressif que les régimes autoritaires de Russie, du Bélarus et du Kazakhstan. Toute activité “extrémiste” (ce dernier terme n’étant pas défini dans la loi afin de demeurer à la libre interprétation de la police ou des juges) pourrait désormais mener à trois ans de prison ; l’occupation des bureaux administratifs, à cinq ans. Les organisations qui reçoivent de l’argent de l’extérieur seraient à présent considérées comme des “agents étrangers” ; il est interdit de porter des masques, et l’accès à internet a été restreint. La police et les autres agents de l’État reçoivent en outre l’immunité pour tout crime perpétré à l’encontre de manifestants.
Ces lois ont évidemment mené à une nouvelle vague de contestation redoublée. Non seulement la manifestation du week-end qui a suivi l’adoption de ces lois était forte de 200 000 personnes, mais les manifestants les plus radicaux, principalement d’extrême-droite, ont renforcé leur occupation des sièges gouvernementaux. Un groupe fasciste nommé Assemblée nationale ukrainienne – Autodéfense ukrainienne (Oukrayinska Natsionalna Asamléya – Oukrayinska Narobna Samooborona) appelle même maintenant à prendre les armes contre le gouvernement. Partout des rumeurs circulaient selon lesquelles des tanks marchaient sur la ville. La femme d’un policier a révélé à la presse que la police anti-émeutes avait reçu l’ordre d’évacuer leurs familles. La police anti-émeutes a commencé à utiliser des canons à eau, alors que la température est de -10°C.
Mais Ianoukovitch a été le premier à céder. Le 24 janvier, il a commencé à laisser entendre que ses lois dictatoriales allaient être amendées. Quatre jours plus tard, le premier ministre Azarov a proposé sa démission, provoquant dans la foulée la chute du gouvernement. Le régime a utilisé la promesse d’annuler les lois dictatoriales si seulement les manifestants voulaient bien tout d’abord quitter les bâtiments occupés. Ianoukovitch a proposé de former un gouvernement de coalition qui comprendrait Yatseniouk et Klytchko. Il ne fait aucun doute que ces deux-là étaient tout à fait prêts à aller s’installer dans leurs fauteuils ministériels, mais sous la pression des éléments plus radicaux, ils ont été contraints de refuser cette offre, déclarant que la seule option possible pour eux est un “gouvernement du Maïdan” après la démission de Ianoukovitch et de nouvelles élections.
La confusion politique à gauche
Si des élections étaient organisées aujourd’hui, les partis de Yatseniouk et de Klytchko recevraient un bon nombre de voix. Mais leur volonté de collaborer avec Svoboda (“Liberté”) pourrait bien également amener l’extrême-droite au gouvernement. Les dirigeants de l’opposition bourgeoise se sont pris à leur propre piège. Klytchko en particulier, qui se présente comme un véritable Européen et vit d’ailleurs en Allemagne, a cédé face à la pression de l’extrême-droite. Il commence maintenant tous ses discours sur la place de l’Indépendance avec le slogan fasciste “Gloire à l’Ukraine”, auquel la foule répond “Gloire aux héros”.
Ces évènements ont mené à un renforcement apparent du soutien pour Svoboda et pour le Secteur droite. Les causes de tout ceci sont cependant en grande partie à chercher du côté de la gauche, en grande partie responsable. Nommément, le plus grand parti de “gauche” dans le pays, le Parti communiste, a 32 sièges au parlement. Mais, qui l’eût cru, dès que les manifestations ont commencé, son groupe parlementaire a déclaré qu’elle cesserait de demander la démission du gouvernement. Le PC a entièrement soutenu les lois dictatoriales, et s’est plaint du fait qu’elles aient été en partie annulées.
Le PC mène sa politique non en fonction de ce qui servirait au mieux les intérêts de la classe des travailleurs ukrainienne, mais afin de servir les intérêts géopolitiques de la Russie. Tandis que le dirigeant communiste Piotr Simonenko critique l’UE et les États-Unis pour leur scandaleuse intervention directe dans le Maïdan, il dit que l’Ukraine devrait rejoindre l’union douanière russe. Les sections régionales de ce parti ont même tenté d’organiser des manifestations sur ce thème. Cette position, bien sûr, ne fait que renforcer les arguments de l’extrême-droite dans son attaque de la gauche en général, comme quoi elle voudrait abandonner l’indépendance de l’Ukraine afin de satisfaire les intérêts de l’impérialisme russe.
La gauche “anti-système” – celle qui n’est pas représentée au parlement – ne vaut guère mieux. Il ne fait aucun doute que, depuis le début de la révolution orange, la principale caractéristique du pays a été un conflit entre les intérêts des différentes section de la bourgeoisie ukrainienne. Et cela continue aujourd’hui. Parmi les oligarques, ceux qui sont en faveur de l’Occident sont en général ceux qui possèdent des entreprises dans l’industrie légère et les services, tandis que ceux qui investissent dans l’industrie lourde sont plutôt en faveur de la Russie.
Cependant, comme cela s’est produit avec certaines sections des forces de sécurité et de l’appareil d’État, il y a des signes qui montrent que certains des oligarques misent sur les deux tableaux. Même l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, qui a toujours soutenu la présidence Ianoukovitch, a condamné l’usage de la violence contre les manifestants, même s’il est ensuite “repassé” au camp Ianoukovitch. Le troisième homme le plus riche du pays, Dmytro Firtash, dont la plus grande partie de la fortune provient du commerce avec la Russie, serait le principal sponsor du parti Oudar mené par Klytchko. Petro Poroshenko, quatrième fortune ukrainienne, est intervenu sur le podium place de l’Indépendance pour demander que l’accord européen soit signé immédiatement. Ses intérêts sont assez clairs : son usine de chocolats Roshen a été la principale victime des sanctions mises en place par la Russie contre l’Ukraine en 2013.Toute une couche de la gauche anti-système tire la conclusion de ceci que l’ensemble de l’expérience du Maïdan n’est que le résultat d’une simple lutte d’intérêts entre oligarques, sans comprendre en profondeur l’ampleur de la colère de tous ceux qui participent, une colère surtout alimentée par le désespoir sur le plan économique et par la haine envers un gouvernement de plus en plus autocratique. Pour les groupes de gauche issus d’une tradition “communiste”, « ce n’est pas notre lutte ». En particulier, ils ne voient pas d’autres facteurs impliqués dans ce mouvement que l’influence de l’extrême-droite. Par exemple, le groupe Borotba (“La Lutte”), qui a pourtant une position correcte sur la plupart des questions, a décidé d’occuper les bureaux de l’administration à Odessa (une ville essentiellement russophone) afin d’empêcher la section locale de Svoboda de s’en emparer. Même si ses actions sont compréhensibles, ce groupe n’a pas offert la moindre alternative par rapport au Maïdan ou à Ianoukovitch, à part quelques phrases d’ordre général. Car pour faire cela, il est nécessaire de toucher à la question nationale.
Une autre section de la gauche anti-système considère que Ianoukovitch est un fasciste. Pour elle, tout refus de lutter, puisque cela est impossible sans collaborer avec les forces d’extrême-droite, mènera à la victoire du régime fasciste, ce qui signifie qu’il serait dès lors impossible de former la moindre organisation indépendante telle que des syndicats ou des partis politiques indépendants. Son intervention dans le mouvement n’a pas non plus cherché à proposer une alternative, et elle se retrouve donc à suivre les dirigeants de l’opposition pro-capitalistes.
Le soutien pour l’extrême-droite
Bien que le soutien pour les groupes d’extrême-droite semble s’être accru au cours de ce mouvement, il ne bénéficie pas d’une base stable. Svoboda n’est parvenue à remporter des succès qu’en cachant sa véritable nature aux yeux des masses. Il n’y a pas si longtemps encore, Svoboda critiquait tout discours visant à favoriser l’intégration à l’Europe en tant que « acceptance du cosmopolitanisme, de l’empire néolibéral qui mènera à la perte totale d’identité nationale avec la légalisation du mariage homosexuel et l’intégration d’immigrés venus d’Afrique et d’Asie dans une société multiculturelle ». Trois jours à peine après le début du Yevromaïdan, la section de Lviv de Svoboda organisait une marche au flambeau avec des drapeaux suprématistes blancs en solidarité avec l’Aube dorée grecque. Mais tellement de gens étaient dégoutés par de telles positions, que Svoboda a dû temporiser la plupart de ces interventions. Le Secteur droite, par contre, ne cache pas sa position. Pour lui, l’Union européenne est « une structure anti-chrétienne, anti-nationale, dont le vrai visage est celui de défilés gays et d’émeutes ethniques, avec la légalisation des drogues et de la prostitution, des mariages homos, l’effondrement de la moralité et un véritable déclin spirituel ».
Certains parmi les manifestants qui suivent les nationalistes disent qu’ils le font non pas parce qu’ils soutiennent les idées des nationalistes, mais parce que ce sont eux qui organisent le mouvement. Un tel soutien n’est pas fait pour durer. D’ailleurs, selon au moins trois sondages d’opinion effectués en janvier, le soutien envers Svoboda a drastiquement chuté depuis les dernières élections. Malheureusement, la simple présence de l’extrême-droite donne de plus au régime une arme de propagande très puissante qu’il utilise dans l’est du pays, où pour une vaste majorité de la population, l’idéologie fasciste est toujours associée aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale.
La grande faiblesse du mouvement actuel, qui était d’ailleurs tout aussi présente lors de la révolution orange, est le manque d’une alternative claire de gauche et pro-travailleurs, capable de donner au mouvement un véritable caractère révolutionnaire. Depuis qu’il a commencé en novembre, nombre de ses participants ont exprimé leur opposition à l’ensemble des partis politiques existant. Ce n’est que dans pareil vide que l’extrême-droite est capable de se tailler la position qu’elle occupe à présent. Si une véritable force de gauche avait existé et était intervenue de manière décisive dans ces évènements, les choses en auraient été tout autrement.
Le rôle du mouvement des travailleurs
Cette nécessité d’une alternative de gauche est démontrée par la crise économique qui se prolonge. L’Ukraine est déjà en récession depuis 18 mois et, bien que la banque centrale ukrainienne ait mis en place un plan de soutien de la monnaie nationale (la hryvnia) pour un montant de 1,4 milliards d’euros en janvier, son cours a quand même chuté de 10 % en novembre. Pour les économistes, le pays se trouve face au risque imminent d’un nouveau défaut de paiement. Ni l’alliance avec l’Union européenne, ni rejoindre l’union douanière russe ne pourront sortir l’Ukraine de l’abysse.
Il est clair que le gros de la lutte devrait concerner les salaires et les conditions de travail. On voit Ianoukovitch faire le tour du monde à la recherche d’un prêt de 10 milliards d’euros pour sauver l’économie, alors que son ami Akhmetov possède déjà cette somme sur son compte en banque. L’industrie et les banques ukrainiennes doivent être nationalisées afin que les ressources du pays puissent être utilisées dans l’intérêt de tous ses citoyens et non pour les profits de quelques oligarques. Si elle faisait cela, l’Ukraine n’aurait plus à se tourner sans arrêt vers l’UE ou vers la Russie pour mendier leur aide. Il faut construire de véritables syndicats, capables de mener la lutte pour des conditions de vie décentes pour tous.
Le mouvement ouvrier doit se placer à la tête de la lutte pour les droits démocratiques. Le mouvement actuel a raison d’exiger la démission de Ianoukovitch et d’appeler à de nouvelles élections. Mais tout ce que cela signifierait aujourd’hui serait le retour d’un nouveau gouvernement de coalition avec les mêmes partis qui étaient au pouvoir après la “révolution” orange, en plus de l’extrême-droite de la Svoboda. Il est donc absolument nécessaire que la classe ouvrière s’organise afin de construire son propre parti des travailleurs de masse, un véritable organe indépendant capable de défendre les intérêts de tous les travailleurs dans le pays et de se battre pour le pouvoir politique. Le parlement actuel est dominé par des politiciens qui ne représentent que les intérêts des oligarques. C’est au mouvement ouvrier à diriger la lutte pour aller vers une assemblée constituante à laquelle participeront des représentants des travailleurs, des étudiants, des chômeurs et des pensionnés d’Ukraine, afin d’ensemble décider de quel type de gouvernement ils ont besoin.
Plus important encore, la gauche et le mouvement des travailleurs doit adopter une position claire et sans équivoque sur la question nationale. La division du pays selon des lignes nationales ne bénéficie qu’aux oligarques, aux puissances impérialistes et aux multinationales. Des conditions de travail et des salaires décents, des droits démocratiques et un gouvernement des travailleurs ne peuvent devenir une réalité que si la classe ouvrière est unie dans la lutte.
Il est donc essentiel que la classe ouvrière rejette tous ces politiciens qui veulent vendre le pays à la Russie ou à l’Europe, ou qui voudraient établir un régime basé sur la domination d’une nationalité sur une autre. Un mouvement des travailleurs uni doit accorder tout son soutien au développement de la langue et de la culture ukrainiennes, tout en défendant les droits de ceux qui parlent russe. Tout en soutenant le droit à l’auto-détermination, la gauche doit insister sur la nécessité d’une lutte unie de l’ensemble de la classe des travailleurs ukrainiens.
La population ukrainienne est confrontée à de nombreux problèmes, auxquels les politiciens tels que Yanoukovitch, Klytchko, etc. n’ont pas la moindre solution ; et ce n’est pas le fait de rejoindre la Russie ou l’Europe qui changera quoi que ce soit non plus. L’éventuelle victoire de l’extrême-droite rassemblée autour de Svoboda ou de Secteur droite ne fera que mener l’Ukraine vers les journées sombres des conflits ethniques et de la dictature réactionnaire. La seule issue est la lutte pour l’établissement d’un puissant mouvement uni de tous les travailleurs, associé à un parti des travailleurs de masse, capable de s’emparer du pouvoir. Il faut mettre en place une société socialiste, basée sur la propriété nationalisée de l’industrie, des banques et des ressources naturelles, dans le cadre de la planification démocratique par les travailleurs ; une Ukraine unie, indépendante et socialiste, dans le cadre d’une confédération plus large d’État socialistes.
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‘‘Combattre la logique du diviser pour mieux régner’’
Alliance D19-20, une journée de résistance contre l’austérité européenne
Propos recueillis par Nicolas Croes, photo : MediActivista
Le 19 décembre dernier, en plein sommet européen, le quartier européen était sans dessus-dessous. À Bruxelles, quatre des principaux carrefours encerclant l’endroit étaient bloqués avec des barrages érigés par des centaines de militants syndicaux, de producteurs de lait venus avec leurs tracteurs, de militants politiques et associatifs, de jeunes radicalisés,… Tous, 2000 militants environ, avaient répondu à l’appel de ‘‘l’Alliance D19-20’’, une bonne partie d’entre eux ayant eu, la veille, leur enthousiasme gonflé à bloc par un grand meeting contre l’austérité tenu en présence de plus de 300 personnes. Nous avons discuté de tout cela avec Luc Hollands du MIG (une association de producteurs de lait), l’une des figures emblématiques du succès de cet audacieux pas en avant vers une résistance plus active contre la politique d’austérité.
L’Alliance D19-20 était une initiative inédite, réunissant des syndicalistes, des producteurs de lait, des militants associatifs,… Quel bilan tires-tu de cette collaboration et des journées du 18 décembre, où s’est tenu le meeting, et du 19, avec la tentative de blocage du sommet européen?
Ça a été une grande réussite ! C’était déjà un fameux pari de mettre tous ces gens autour de la table. La question était de savoir si on allait parvenir à un accord sur ce contre quoi on allait lutter. Mais nous avons pu travailler efficacement très vite.
Nous nous sommes concentrés sur deux thèmes, le traité d’austérité (le TSCG) et le traité transatlantique, qui sont discutés sans qu’on nous demande notre avis, ce qui ajoute au problème de leur essence antisociale, un véritable problème de démocratie. Mais derrière ces deux dossiers spécifiques, il y a surtout la crise, la réduction des acquis sociaux, le démantèlement des services à la population,… On touche à l’intégrité de notre pays et à la richesse de la collectivité. On ne peut pas le permettre, on ne peut pas laisser faire des financiers qui vivent sur le dos des gens. En tant que producteurs de lait, nous sommes très concernés. Le traité transatlantique par exemple, va permettre une arrivée massive de produit OGM ou hormonés. Nos produits de qualité ne parviendront pas à s’en sortir, le monde entier devra alors accepter de vivre comme le veulent les grandes entreprises américaines. Et comme l’austérité touche le pouvoir d’achat des gens, ils sont obligés de se tourner vers des produits moins chers, par pure nécessité, vers des produits qui ne respectent pas les normes de santé et environnementales. Nous, on sera coulés, et les gens s’en retrouveront lésés au niveau de la qualité de leur alimentation et de leur santé. C’est pour cela qu’une alliance large est nécessaire, parce que tout est lié et que nous devons lutter ensemble.
Un des mérites de l’Alliance D19-20 a été de réfléchir à d’autres types d’action que ce qui a été fait jusqu’ici pour résister à l’austérité. On sent un peu partout un processus de maturation chez les militants, la recherche d’une alternative aux méthodes de concertation et de négociation avec des autorités qui ne nous écoutent que pour nous endormir. Comment cela s’est-il exprimé dans votre cas, chez les producteurs de lait ? En 2009, les producteurs laitiers ont subi la pire crise de leur histoire. Notre lait nous était alors payé à 19 cents le litre alors que nos coûts de production étaient de 34 cents. Les jeunes fermiers et ceux qui n’avaient pas de réserve ont succombé sans que les syndicats majoritaires ne réagissent (la FWA, l’ABS et le Boerenbond). Spontanément, une révolte s’est développée un peu partout en Belgique, mais principalement en Wallonie, et nous avons rejoint une association de producteurs, sous le nom de Milk Interest Group (MIG), qui fait partie au niveau européen de l’EMB représentant 50.000 familles de producteurs européens. Au cours des quatre dernières années, nous avons organisé quatre grosses actions/manifestations, dont la plus forte fut la grève du lait de 2009 avec, en apothéose, le déversement de 4 millions de litres de lait sur un champ à Ciney. Mais malgré le succès de toutes ces actions et les promesses qui nous ont été faites, la politique a continué son bonhomme de chemin vers la libéralisation totale. Actuellement, nous perdons 40 fermes par semaine en Belgique.
D’autres secteurs manifestaient eux aussi, sans avoir plus de succès. Pourquoi ne pas faire une alliance avec eux ? La politique dominante travaille selon le principe du ‘‘diviser pour mieux régner’’, ce qu’il faut combattre. Finalement, après une action en novembre 2012 où nous avons aspergé le Parlement européen, on m’a donné la responsabilité d’entamer des rencontres pour tenter de nouer une collaboration. C’est ainsi que nous avons été introduits dans le milieu militant par un activiste flamand, Raf, qui avait soutenu notre projet de lait équitable Fairebel. Notre première action a été d’aller offrir du lait chocolaté aux enfants des ouvriers en grève de Ford Genk. L’accueil fut plus que chaleureux, et de bonne augure pour une alliance future entre producteurs de lait et travailleurs.
Mais le plus important fut la manifestation de juin 2013, contre le TSCG et en défense des services publics, où j’ai pu prendre le micro pour parler de notre situation. Nous avons eu de premières discussions informelles, avec beaucoup de secteurs et d’organisation (Comité Action Europe, CGSP-ALR, CNE, Constituante.be,…). Suite à cela, il y a eu une quantité énorme de réunions avec des responsables syndicaux, des délégués syndicaux, des organisations et partis de la gauche radicale, des organisations citoyennes et des ONG.
C’est là que l’Alliance D19-20 a commencé à prendre forme…
Le 19 décembre, plusieurs dizaines de jeunes ont été arrêtés. Nous condamnons cette répression des protestations sociales. Photo : MediActivista.Oui. Concrètement, une structure a été mise en place avec 3 groupes de travail, en discutant d’abord des actions à mener. Une tentative de blocage du sommet s’est imposée, précédée d’un meeting international. Ces gens-là ne tiennent absolument pas compte de l’avis des citoyens pour prendre leurs décisions, mais ils savent bien rencontrer les ‘‘amis de l’Europe’’, les multinationales et les financiers.
La motivation principale était de sortir des habituelles ballades de protestation. C’est le constat que nous avions tiré en évoluant vers des actions plus radicales avec le MIG, mais nous n’étions pas les seuls. Rudy Janssens par exemple, de la CGSP-ALR (Administration Locales et Régionales) était arrivé au même constat. Ses connaissances ‘‘logistiques’’ de la ville de Bruxelles nous ont beaucoup aidées pour voir où placer les barrages, etc. Nous avons tout de même demandé à voir Di Rupo, Van Rompuy et de Glucht. Aucun n’a jugé utile de nous recevoir.
Développer le débat sur des méthodes d’action plus offensives a été un des grands points positifs de cette expérience, qui n’est pas terminée, mais le fonctionnement de cette alliance est aussi intéressant. Tu peux nous en dire plus ?
Notre grand souci était de fonctionner de manière démocratique, pour que tout le monde puisse se retrouver dans l’initiative. L’idée était de se concentrer sur l’opposition au Traité budgétaire et au traité transatlantique, chacun développant à partir de là ses propres positions et son argumentaire en fonction de ses spécificités. Ensuite, il y a eu un mode de fonctionnement avec assemblées générales (en présence d’une centaine de personnes à chaque occasion), la première s’étant tenue début septembre, avec des commissions ouvertes entre deux AG : communication, meeting et action. Ces groupes n’ont jamais été des groupes fermés, chaque personne voulant rejoindre un groupe le pouvait.
La plus grande richesse de tout ça, c’était que, venu d’autant d’organisations et de contextes différents, chacun a pu amener ses spécificités, participer à un projet collectif en gardant son identité. Nous nous sommes renforcés grâce à cette approche. Mon rôle à moi était essentiellement un rôle de diplomate, ce qui n’est pas du tout propre à ma personnalité ! Encore plus particulièrement dans cette situation où, pour nous laitiers, il s’agissait de découvrir un univers militant qui nous était totalement neuf.
Quelques moments forts ?
Pour moi, il y a eu deux moments très forts : l’accueil que nous avons reçu à Ford Genk et à Bruxelles lors des manifestations. Et la dernière AG, puis le meeting du 18 décembre, où la volonté, l’enthousiasme et la détermination de tous les participants étaient très palpables. Les traducteurs, l’organisation, tout était parfait. Un grand bravo à tous ceux qui se sont investis dans cette organisation.
Un dernier mot ?
J’ai la conviction que nous prenons le bon chemin, notre planche de salut est d’arriver à lutter ensemble, dans la solidarité la plus complète. C’est une expérience très clairement réussie, qui en appelle d’autres. Il y a, à ce jour, 60 organisations qui ont rejoint l’Alliance et tout le monde veut poursuivre. Une chose est sure, on entendra encore parler de nous…
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Présidence grecque de l’UE – inauguration à Bruxelles
Depuis le 1er janvier 2014, la Grèce assume la présidence de l’Union européenne. En guise de cérémonie d’inauguration, la représentation permanente grecque a organisé un concert au Bozar. Au programme, mythologie grecque et musique baroque. A l’extérieur de la salle, une centaine de personnes se sont également rassemblées pour manifester leur point de vue lors de ce premier acte public de la présidence grecque à Bruxelles. Les manifestants grecs et belges ont dénoncé les politiques barbares d’austérité du gouvernement grec et de l’UE.
- Vidéo à voir sur le site de ZIN TV
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Le cadeau de Noël des dirigeants européens à l'industrie de l'armement
Les dirigeants européens se sont réunis fin de la semaine dernière pour une réunion du Conseil. Tout comme de nombreuses familles se réunissent à Noël et offrent des cadeaux à leurs proches, il en va de même avec les dirigeants européens. Malheureusement, leurs proches ne comprennent pas les travailleurs et leurs familles, qui souffrent depuis déjà des années des politiques d’austérité, mais bien les marchands d’armes et autres grandes entreprises.
Par Paul Murphy, député européen du Socialist party (CIO-Irlande)
Ils nous disent qu’il n’y a pas de moyens pour les soins de santé, l’enseignement et les projets environnementaux mais, au même moment, nous assistons à un transfert massif de moyens publics vers l’industrie de l’armement. Cette réunion européenne avait pour objectif de disposer de plus d’intégration militaire, de plus d’aventures militaires et de plus de moyens pour l’armée. Il s’agissait d’une nouvelle étape dans le processus de militarisation de l’Europe.
Dans le cadre de ce sommet européen, Enda Kenny (premier ministre irlandais) et David Cameron (premier ministre britannique), ont visité plusieurs tombes et monuments commémoratifs de la Première Guerre mondiale en Flandre. La Première Guerre mondiale a été l’une des périodes les plus barbares et les plus horribles de l’histoire du capitalisme européen. Des centaines de milliers de jeunes gens ont été massacrés pour satisfaire la cupidité et la soif de prestige des grandes puissances impérialistes. Au lieu de tirer les leçons de la futilité de la guerre capitaliste, Kenny et Cameron se sont ensuite rendus à Bruxelles et, avec une grossière hypocrisie, ont approuvé d’augmenter les dépenses militaires. Il s’agit d’une véritable pour les centaines de milliers de jeunes qui ont été inutilement abattus durant cette guerre.
Le Pacte de Compétitivité se trouvait également à l’ordre du jour de ce sommet. Il s’agit d’une nouvelle mesure antidémocratique qui arrive ironiquement moins d’une semaine après que l’Irlande ait officiellement quitté le programme de la Troïka. La pièce maîtresse de ce pacte seront les ”arrangements contractuels” entre les États membres et la Commission européenne et / ou du Conseil pour accepter des ”réformes structurelles”. Comme réduire les droits à la pension ou lancer des attaques contre les droits des travailleurs.
Ce pacte est conçu pour être une autre façon de subvertir la démocratie, en verrouillant les États dans des accords qui ne peuvent pas être modifiés par un changement de gouvernement. Le ”pacte de compétitivité” représente une autre étape importante vers l’imposition d’une “troïka pour tous” en Europe tout en se moquant des revendications concernant la restauration de la souveraineté des gouvernements. Honteusement, aucun autre député irlandais en dehors de moi-même n’a voté contre cet ordre du jour au Parlement européen la semaine dernière.
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Une journée de résistance contre l’austérité européenne
La politique d’austérité européenne est une véritable catastrophe pour la population, avec à la clé une multitude de drames sociaux. Afin de protester contre cette logique qui ne sert que les intérêts de l’élite dirigeante, une alliance inédite de syndicalistes, de militants politiques, d’agriculteurs,… a vu le jour en dénonçant plus particulièrement le TSCG (le traité d’austérité) et le Traité transatlantique (un accord de libre échange Union Européenne-USA). Hier, cette ‘‘Alliance D19-20’’ (en référence aux 19 et 20 décembre, dates d’un sommet européen) a mené plusieurs actions de blocage à Bruxelles, avec des piquets installés à plusieurs carrefours de la capitale européenne et belge. On était loin des traditionnelles ballades à Bruxelles… Cette journée ne fut évidemment qu’un premier pas, bien plus devra être fait pour effectivement parvenir à bloquer un sommet européen ainsi que pour mettre un terme à la politique antisociale européenne.
Des blocages ont été tenus à cinq endroits différents à Bruxelles, avec de plusieurs dizaines à quelques centaines de militants. Un accord préalable avait répartis les principaux responsables des blocages (le MIG (Milk Producer Interest Group), l’ACOD-CGSP LRB-ALR (la Centrale Générale des Services Publics de la FGTB, Administrations Locales et régionales), CNE, la FUGEA (Fédération Unie de Groupements d’Eleveurs et d’Agriculteurs) et enfin l’ACV-CSC Bruxelles-Hal-Vilvorde et la CSC Brabant Wallon) mais, sur la plupart des piquets de blocages, on pouvait trouver un public très varié de syndicalistes rouges et verts, de jeunes radicalisés, de producteurs de lait, de membres d’ONG et autres militants.
Avec au total environ 2000 manifestants, la participation était loin d’être mauvaise. Mais de toute évidence, ce n’est pas suffisant pour bloquer un sommet européen. Cette journée ne constitue toutefois qu’un début et, pour un jeudi matin, avec une participation syndicale largement confinée à quelques centrales principalement issues de Bruxelles, l’événement reste fort appréciable. Le fait de tenir des piquets de blocages à des carrefours a sans aucun doute assuré une plus grande mobilisation, tout en renforçant également l’unité d’action entre syndicalistes, jeunes radicalisés et agriculteurs.
Le PSL était présent avec quelques dizaines de militants sur les piquets de blocage et lors de la manifestation qui a réuni tous les participants à cette journée d’action. Tout comme de nombreux autres, nous avons été enthousiasmés par toute cette réflexion visant à sortir du cadre unique des manifestations-promenades pour chercher à voir comment bloquer un sommet européen et comment contrer la politique européenne d’austérité. Pour y parvenir, il faudra poursuivre sur cette voie, avec la construction d’un rapport de forces à l’aide d’un bon plan d’action combatif et audacieux visant à organiser notre lutte et à faire croître son impact. Discuter de cela, c’est discuter d’un syndicalisme de combat. Parallèlement, il est crucial de développer un programme politique alternatif aux politiques capitalistes d’austérité. Pour nous, cette alternative signifie concrètement de lutter pour une société socialiste démocratique.
Tout cela fut au cœur des discussions que nos militants ont pu avoir lors de notre intervention, notamment via la distribution de centaines de tracts et via la vente de notre journal, Lutte Socialiste, dont les pages reprenaient à plusieurs reprises le thème de la crise économique, sociale et politique que connaît l’Europe (voir nos articles : Vers des actions de blocage du sommet européen de décembre à Bruxelles et Europe : ‘‘La pire crise humanitaire en 60 ans’’).
N’en restons pas là. Bien protégés dans leurs bunkers, les dirigeants européens vont poursuivre leurs discussions portant sur la meilleure manière de continuer à nous faire supporter le coût de la crise de leur système. La colère que cela entraîne ne va cesser d’augmenter, il est important de la structurer et de l’organiser efficacement. Nous espérons que les actions qui se sont tenues hier constitueront une base pour aller dans cette direction.
Dernier élément : plusieurs dizaines de manifestants ont été arrêtés durant cette journée : nous tenons à dénoncer l’attitude des forces de l’ordre et la répression qui s’abat sur les mouvements sociaux!
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Vers des actions de blocage du sommet européen de décembre à Bruxelles
L’Europe reste la région la plus affectée par la crise mondiale du capitalisme et se trouve confrontée à une perspective de crise généralisée à long terme. Les capitalistes et leurs politiciens n’ont aucune solution. Les politiques d’austérité barbares contre la population ont amplifié les problèmes et atrophié la croissance. Les fermetures d’usines et plans de restructuration s’enchaînent. Le chômage se chiffre à 12,2 % de la population active pour la zone euro, 1 million de travailleurs sans emploi de plus qu’il y a un an ! Les pays les plus touchés restent l’Espagne et la Grèce où plus d’un actif sur quatre – et nettement plus d’un jeune sur deux – est au chômage. L’Italie est également tristement frappée par un taux record de 12,5%.
Par Boris Malarme
Un scénario à la japonaise pour la Zone euro ?
En octobre, l’inflation moyenne dans les dix-sept pays membres est tombée à 0,7 %, contre 1,1 % un mois plus tôt. L’inflation sur un an est ainsi tombée à 0 % en Espagne et au Portugal et à -1,9 % en Grèce. L’emprise dominante au sein de la zone euro du capitalisme allemand, qui a imposé la diète et les baisses de salaires aux autres pays, a entrainé un plus grand déséquilibre au sein de celle-ci et représente un facteur important. Ajoutons à cela la hausse de l’euro par rapport aux principales devises depuis l’été 2012, ce qui impacte les exportations de la France, de l’Italie et de l’Espagne.
C’est dans ce contexte que la Banque Centrale Européenne a, d’une part, décidé d’un assouplissement monétaire en baissant son taux directeur à 0,25% et de prolonger l’allocation illimitée de liquidités aux banques afin de hausser les prix pour avoir une inflation qui tend vers l’objectif des 2%. D’autre part, la Commission s’en prend à l’excédent commercial de 7% en Allemagne, s’alignant ainsi sur la position du FMI et des Etats-Unis. Une illustration des tensions croissantes entre les divers pays capitalistes où les rivalités d’intérêts s’accroissent en période de crise.
La zone euro est-elle en voie de ‘‘japonisation’’? Cette formule pose une question réelle pour la zone euro : va-t-elle plonger dans une spirale déflationniste anesthésiant l’activité, avec une baisse des prix, des salaires, des investissements et de la consommation, et surenchérissant le coût auquel les Etats se financent comme l’a connu le Japon ces deux dernières décennies ? Ainsi l’establishment est hanté par cette idée qui entrainerait une longue période de croissance atone et de chômage de masse.
Un virage politique vers la droite en Europe?
Tel est probablement le sentiment de beaucoup de monde pour le moment. L’atmosphère de grèves générales au Sud de l’Europe semble s’être temporairement éloignée et une vague de succès de divers partis d’extrême-droite ou de droite populiste pourrait se profiler à l’horizon pour les élections européennes de mai 2014.
Le manque d’alternative issue du mouvement des travailleurs pourrait temporairement profiter à diverses formations de droite eurosceptiques, populistes ou néo-fascistes capitalisant sur le mécontentement croissant face à l’austérité et l’Union Européenne. Un récent sondage plaçait Marine Le Pen du Front National en tête pour les prochaines élections européennes. Un sondage en septembre donnait Geert Wilders du PVV gagnant aux Pays-Bas. Profitant de cela, ils ont annoncé mi-novembre une alliance en vue des prochaines élections européennes et la volonté de former une fraction ‘‘euro-critique’’ au parlement européen.
L’UKIP en Angleterre, qui pourrait également progresser sérieusement en mai prochain, ne souhaite pas rejoindre la nouvelle alliance. Marine LePen et Geert Wilders se tournent vers le FPÖ en Autriche qui a obtenu plus de 20% des voix lors des dernières élections, la Ligue du Nord en Italie, le Vlaams Belang en Belgique, les ‘‘démocrates suédois’’ ou le Parti du peuple danois. Ce danger d’une extrême droite renforcée est bien réel. Mais en déduire que le mouvement des travailleurs est défait serait une dangereuse erreur d’appréciation. Le mouvement ouvrier en recul ?
Le 14 novembre 2012, la résistance à l’austérité prenait une nouvelle ampleur avec une première journée de manifestations et de grèves coordonnées en Europe, y compris des grèves générales en Espagne et au Portugal. C’est surtout la Grèce qui a connu une résistance phénoménale des travailleurs pour faire reculer les attaques avec 31 grèves générales en 3 ans dont quatre de 48h.
Partout, les travailleurs ont été confrontés aux limites de leur direction syndicale et à leur incapacité à obtenir des succès. Mais les luttes ne se développent pas en ligne droite. Elles connaissent des hauts et des bas. En général, la force potentielle immense du mouvement des travailleurs et sa capacité restent intactes en vue des explosions sociales qui nous attendent.
Des luttes généralisées peuvent faire reculer l’extrême-droite. Les grèves récentes des éboueurs à Madrid ou celles des chauffeurs de bus à Gênes contre les privatisations sont des indicateurs de la combativité qui se développe à la base dans des sections plus larges de travailleurs.
Le discrédit des partis traditionnels est phénoménal. Depuis 2010, presque chaque gouvernement a été vaincu lors des élections. La victoire de Merkel en Allemagne semble l’exception. Un accord comprenant l’introduction d’un salaire minimum pour une coalition avec les sociaux démocrate du SPD semble aboutir, une condition liée aux résultats catastrophiques engrangés par le SPD et à la pression du mouvement ouvrier. L’un après l’autre, les pays sont confrontés à l’instabilité et aux crises politiques.
Le gouvernement de Letta n’est pas capable de passer à une véritable offensive frontale contre les travailleurs italiens. Le gouvernement de François Hollande, président recordman de l’impopularité, craint la réaction des travailleurs français quand il commencera à introduire des attaques plus dures.
Au Portugal, la coalition de droite a été à deux doigts de voler en éclats à plusieurs reprises. Le coup de grâce aurait pu lui être porté après la grève générale du 27 juin dernier qui revendiquait explicitement sa chute. Cela aurait été vraisemblablement le cas si le syndicat CGPT avait appelé à une nouvelle grève générale de 48h pour y arriver.
A la question de faire tomber un gouvernement se lie la question du besoin d’un gouvernement des travailleurs. Les faiblesses des nouvelles formations de gauche se fait ressentir. Partout en Europe existe le besoin de partis de masse des travailleurs munis d’un programme socialiste défendant l’annulation des dettes et la nationalisation des secteurs clés de l’économie.
D19-D20, une alliance inédite entre producteurs de lait et syndicalistes en vue du blocage du sommet européen
Tout le monde se souvient des images spectaculaires des producteurs de lait confrontés aux bas prix octroyés par les multinationales de la distribution. Munis de tracteurs, ils ont déversé 15.000 litres de lait sur le parlement européen à Bruxelles en novembre dernier. Ils avaient promis de revenir si rien n’était fait.
C’est pourquoi ils étaient présents à la journée de grève et à la manifestation nationale des services publics du 24 juin dernier, qui avait rassemblé avec la manifestation bruxelloise contre le traité européen d’austérité (TSCG) environ 5000 travailleurs. Les producteurs de lait y ont tenu un discours pour des actions communes des agriculteurs et des syndicalistes contre l’austérité et la politique néo-libérale en Europe.
Trois assemblées ont pris place depuis, qui ont concrétisé l’alliance D19-D20. Les producteurs de lait, la CGSP-ALR Bruxelles, la CNE et les Comités Actions Europe sont au coeur de l’initiative. Le PSL soutient et participe. D’autres organisations sont impliquées comme le MOC Bruxelles et Charleroi, La JOC, les étudiants FGTB, le CADTM et Oxfam.
A la première assemblée, les représentants des producteurs de lait ont expliqué qu’ils étaient victimes de la crise et de l’austérité comme les travailleurs, qu’ils subissaient la fermeture de plus d’un millier de fermes chaque année avec la libéralisation de l’agriculture, tout comme les travailleurs subissent les fermetures d’usines, et qu’il ne fallait pas lutter de façon isolée.
A leurs côtés ont participé des secrétaires syndicaux de la CGSP-ALR, de la CNE et de la CSC-Bruxelles ainsi que des militants et délégués de divers secteurs. Le TSCG, les coupes budgétaires, les privatisations, les licenciements dans la fonction publique, le statut unique ouvrier-employé sont autant de raisons qui ont été exprimées pour se battre contre le gouvernement le 19 décembre prochain. L’idée que des manifestations ‘‘promenades’’ sans lendemain ne suffisent pas et qu’il est temps de passer à des actions plus combatives est débattue.
Ainsi, le 19 décembre les actions commenceront dès 7h du matin. Divers blocages des axes vers le rond-point Schuman prendront place. Participez avec le PSL à ces actions ! Prenez contact avec nous !
Blocages D19-20, rdv 7h
- Bld de L’Impératrice-Arenberg (à proximité de la Gare Centrale)
- Botanique – Rue Royal (à proximité de Botanique)
- Rue Bélliard – Av des Arts (à proximité de Trône ou Arts-loi)
- Avenue d’Auderghem – Rue Belliard (à proximité de Schuman)
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Europe : ‘‘La pire crise humanitaire en 60 ans’’
“L’Europe est confrontée à la pire crise humanitaire depuis 60 ans’’, c’est dans ces termes que Bekele Geleta, secrétaire général de la Croix-Rouge, a présenté le récent rapport sur l’Europe de l’association qui dénonce les politiques d’austérité. 43 millions d’individus sur tout le continent européen ne mangent pas à leur faim et 120 millions vivent à la limite de la pauvreté. Le nombre de personnes qui bénéficient des colis de première nécessité de la Croix Rouge a augmenté de 75 % au cours de ces trois dernières années, portant leur nombre à 3,5 millions d’Européens !
Par Boris Malarme
En Espagne, la Croix-Rouge assiste désormais 2,4 millions de personnes et distribue annuellement 1 million de colis alimentaires, soit deux fois plus qu’il y a trois ans. Les pays du Sud sont les plus affectés, mais aucun pays du continent n’est épargné par le phénomène. La Belgique n’est pas en reste avec plus de 50.000 colis alimentaires distribués chaque année, rien que du côté francophone.
La Croix Rouge met également l’accent sur l’apparition de ‘‘nouveaux pauvres’’, que l’association décrit comme ‘‘des travailleurs ordinaires qui ne peuvent pas couvrir tous leurs frais essentiels et qui, à la fin du mois, doivent choisir entre acheter de la nourriture ou payer le loyer.’’ L’Allemagne y est spécialement pointée du doigt avec quelque 5,5 millions d’Allemands qui sont tombés dans les rangs des travailleurs à faibles revenus.
Le Rapport tire la conclusion que ‘‘L’Europe est en train de sombrer dans une longue période de pauvreté croissante, de chômage de masse, d’exclusion sociale, de plus grande inégalité et de désespoir collectif en raison des politiques d’austérité adoptées.’’ Blocage du sommet européen de décembre
L’alliance D19-20, une collaboration inédite entre producteurs de lait et syndicalistes contre les politiques d’austérité, a vu le jour pour mener des actions de blocage afin d’empêcher la tenue du sommet européen du 19 décembre. Nous soutenons et participons à cette initiative. Elle exprime la radicalisation et la volonté de lutter qui s’opère à la base parmi nombre de militants syndicaux.
L’idée d’avoir des actions plus combatives et de passer à l’offensive émerge du débat et cherche une expression. Pour bloquer les politiques d’austérité, les travailleurs ont besoin d’élaborer collectivement un véritable plan d’action combatif allant crescendo, y compris en recourant à l’arme de grève(s) générale(s) aux niveaux belge et européen.
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Grèce : Après le congrès de Syriza
Les batailles à venir au sein du parti promettent d’être aussi rudes que la lutte des classes dans le pays
La direction de Syriza a accompli les principaux objectifs qu’elle s’était fixés pour le premier Congrès du parti à présent “unifié” en juillet dernier. Les organisations qui composent Syriza, la coalition de Gauche Radicale, vont maintenant être dissoutes – dans un ‘‘délai raisonnable’’, selon une mention du Congrès – le président du parti a été élu par le Congrès et ne sera donc affilié à aucune organisation, tout comme le comité national, élu tous les trois ans.
Andros Payiatsos, Xekinima (CIO-Grèce)
Mais ce que la direction n’a pas réussi à faire, c’est affaiblir l’aile gauche de Syriza. Au contraire, elle a resserré les liens entre ses différentes composantes et les a renforcés. Les conflits internes au sein de Syriza sont donc loin d’être terminés, ils sont entrés dans une nouvelle période de tension et de polarisation.
Ce Congrès a été organisé pour décider du caractère organisationnel de Syriza, pas pour discuter de la situation politique en Grèce, du programme du parti, etc., dans une période où le parti se prépare à entrer au prochain gouvernement. Mais en réalité, derrière des décisions organisationnelles se trouvent des problèmes politiques. La direction du parti, dirigée par Alexis Tsipras, est déterminée à orienter Syriza vers une trajectoire plus ‘‘modérée’’, pour diriger le parti vers la ‘‘droite’’. Au cours de la période précédente, le parti a continuellement adapté sa politique sous les ordres de la direction, sous la pression constante de la classe dirigeante et des médias.
Les dirigeants de l’aile droite du parti, comme Gianni Dragasakis et George Stathakis, ne cessent de marteler que Syriza ne prendra pas ‘‘d’action unilatérale’’ sur la dette sans négocier avec la Troïka, que la renationalisation des secteurs publics privatisés est ‘‘extrêmement difficile’’, que les exemptions de taxe pour les propriétaires de bateaux ne seront pas annulées, etc. Ces déclarations vont à contrecourant des décisions officielles des conférences et autres structures internes de Syriza, mais ont été tolérées par Alexis Tsipras.
L’image du parti présentée par Alexis Tsipras a été, au minimum, contradictoire. En ce qui concerne les ‘‘mémorandums’’ d’austérité de la Troïka, le parti n’a cessé de jouer sur les mots : de ‘‘répudiation’’ à ‘‘renégociation’’, parfois un ‘‘moratoire’’, puis une ‘‘suspension’’. Tout ça a transformé la situation en vaste blague. Le slogan principal qui a propulsé Syriza lors des deux élections de 2012 (en mai et juin) était : ‘‘pour un gouvernement de gauche’’. Cela est devenu depuis lors un appel en faveur d’un gouvernement de salut social, ce qui a été publiquement interprété par l’aile droite de Syriza comme une alliance avec le parti des Grecs Indépendants, la Gauche Démocratique (qui faisait partie de Syriza jusqu’en juin et a constitué une scission de droite de la coalition), et même avec les sociaux-démocrates du Pasok et les conservateurs de la Nouvelle Démocratie.
Les questions politiques clé
La source des désaccords vient donc des questions politiques clés de cette période : la dette sera-t-elle répudiée ou non ? Est-ce que les banques et les secteurs stratégiques seront nationalisés, ou bien le grand capital privé, local comme multinational, restera dominant dans l’économie ? Est-ce que Syriza est prêt à entrer en conflit frontal avec la zone euro ? Ces questions ne relèvent pas de détails idéologiques. Cela concerne les moyens pratiques par lesquels la société peut sortir du désastre dans laquelle elle est plongée. Au final, la question est : le moteur du développement de l’économie sera-t-il le secteur public ou le secteur privé ?
Choisir le secteur public est une nécessité absolue et la seule voie de sortie. Ce qui nous a menés à la crise d’aujourd’hui n’est rien d’autre que le fonctionnement du secteur privé : mettre tout en œuvre dans l’intérêt du grand capital et, au nom de la ‘‘remotivation’’ du capital privé, soi-disant pour le pousser à investir, baisser les salaires et empirer les conditions de vie des travailleurs, en creusant la catastrophe sociale que nous traversons.
Mais le secteur public ne peut être un moteur pour la croissance économique que sur base de la nationalisation des banques et des secteurs-clé de l’économie, sous le contrôle de la population et des travailleurs dans le but de lutter contre la corruption et les scandales. Le clash est inévitable avec la zone euro et l’Union européenne, et il faudra organiser la protection de l’économie contre un sabotage organisé par les capitalistes (par le contrôle des flux de capitaux et du commerce extérieur).
Simultanément, il faut lier la lutte des travailleurs grecs à celle des travailleurs du reste de l’Europe. Ces luttes illustrent le besoin d’une économie et d’un modèle social alternatifs – le socialisme – que la majorité au sein de la direction de Syriza n’est pas prête à revendiquer. C’est pourquoi le parti préfère débattre de ‘‘problèmes organisationnels’’, en se présentant comme ‘‘les rassembleurs’’ et ‘‘les démocrates’’ face à ses opposants.
Les organisations composante de Syriza étaient donc devenue un gros problème qui devait être balayé. Mais pourquoi constituaient-elles un problème ? C’est la formation ‘‘Syriza pluraliste’’ qui a été propulsée de 4% à 27% des suffrages : une formation politique fédérale, fruit de la coopération de différentes organisations politiques.
En supprimant ses composantes, Syriza dissout les différentes organisations politiques et les soumet à la plus grande organisation du parti, Synaspismos (Coalition des Mouvements de Gauche et de l’Ecologie). Mais si Syriza n’avait pas été fondée comme une coalition en 2004, elle n’aurait jamais atteint sa position actuelle. C’est précisément l’idée et l’expérience d’une vaste coopération de nombreuses organisations politiques différentes qui ont attiré des milliers de militants de gauche, en particulier ceux qui n’appartenaient à aucune organisation à la base.
Le radicalisme, une prise de tête pour la direction de Synaspismos
La majorité de ces organisations se situaient à la gauche de Synaspismos. Tant que Synaspismos était une petite organisation, sa direction avait besoin du radicalisme des autres organisations, d’abord pour survivre et ensuite pour acquérir une dynamique. Mais maintenant que la direction de Synaspismos a commencé à se rapprocher du pouvoir, ce radicalisme est devenu un obstacle. Ils ont donc proposé de dissoudre les organisations pour en faire des ‘‘tendances’’ privées de leur indépendance ou de l’expression publique de leurs propres positions politiques. Simultanément, ils ont proposé que le président du parti soit élu par le Congrès et non pas par le comité national du parti.
A travers l’histoire de la gauche en Grèce, les dirigeants de partis (secrétaires généraux ou présidents) ont été élus par leurs comités nationaux. La raison est simple : la comité national se réunit régulièrement et peut contrôler le président, et le remplacer s’il le juge nécessaire. Lorsque le président est élu par le Congrès, qui dans la constitution de chaque parti représente l’organe suprême qui siège au-delà du comité national et des diverses conférences, alors le seul organe qui peut contrôler le président est le Congrès.
Dans la pratique, cela signifie que, pendant trois ans, la ligne politique de Syriza sera décidée, en fin de compte, par Alexis Tsipras et son équipe présidentielle. Les dizaines de milliers de membres de Syriza n’ont aucun contrôle sur leur président. Nous sommes face à une copie de la structure des partis bourgeois comme le Pasok et la Nouvelle Démocratie.
Un congrès polarisé
La gauche de Syriza, en particulier la Plateforme de Gauche, a tenté de politiser le conflit. Elle s’est opposée aux propositions organisationnelles de la direction et a aussi émis des amendements sur le texte politique de base du congrès. Parmi ceux-ci, un appel à la répudiation de la dette, la nationalisation des banques et des secteurs-clé de l’économie, un gouvernement préparé à une rupture avec la zone euro et l’Union européenne, et la lutte pour un gouvernement de gauche rejetant tous les partis traditionnels. Toutes ces propositions ont été rejetées, ce qui prouve que la direction refuse d’adopter une vraie politique radicale et entrant en conflit avec les intérêts du privé, de la classe dominante et de la Troïka.
Les propositions de la gauche ont gagné le soutien d’environ un tiers des délégués, ce qui représente moins que les 45% obtenus par des amendements similaires lors de la conférence de Syriza de novembre 2012. Le caractère polarisé de ce Congrès, divisé entre ‘‘camps’’ biens délimités, en est en partie responsable. Mais Syriza a aussi attiré une nouvelle couche d’opportunistes, en majorité issus du Pasok et accompagnés de leurs ‘‘armées personnelles’’ de partisans qui, dans les débats limités antérieurs au Congrès – en moyenne, seuls deux meetings des organes locaux ont été organisés, qui se sont concentrés sur les questions organisationnelles – ne portaient aucun intérêt aux discussions politiques.
Mais la tactique de la direction de polariser Syriza pour vaincre la gauche, et l’arrogance qu’elle a montré en anticipant sa victoire se sont retournées contre elle pour un nombre important de délégués. A la conférence de novembre 2012, la liste de la Plateforme de Gauche avait remporté 25% de soutien. Cette fois-ci, alors que la liste ‘‘unitaire’’ était soutenue par 2294 délégués (67,21%), la liste de la Plateforme de Gauche a remporté 1023 voix (30,15%), et 60 de ses membres ont été élus au comité national. L’augmentation n’est pas particulièrement marquée, mais l’important est que la majorité de la direction s’est rendue au Congrès avec pour but d’affaiblir, si pas d’exterminer, la Plateforme de Gauche. Cet objectif sera loin d’être facile à atteindre.
Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce et parti-frère du PSL) soutient activement l’aile gauche de Syriza, malgré les désaccords que nous avons à de nombreux niveaux. La façon, par exemple, dont le Courant de Gauche, la force de base de la Plateforme de Gauche, a abordé la question de la sortie de l’euro risque d’entretenir l’illusion selon laquelle un changement de monnaie à lui seul pourrait mettre fin à la crise, ou encore que cela serait possible au sein d’un seul pays. De plus, un certain nombre de syndicalistes du Courant de Gauche sont à la traîne quant aux besoins du mouvement social, il n’est d’ailleurs pas rare que ses cadres coopèrent avec des bureaucrates du Pasok.
Mais la gauche dans son entièreté, et pas seulement Syriza, est entrée dans un processus d’évolution. La mutation qui prend place dans les rangs de la gauche est sans précédent. En ce moment, une bataille est menée au sein de Syriza par des forces de gauches de tous horizons, qui tentent de stopper l’orientation droitière de la direction. Au cours de ces batailles, des conclusions sont tirées, la compréhension se développe, et de nouvelles alliances émergent. Ces processus sont aussi en cours (à une plus petite échelle) au sein d’Antarsya (Coalition de Gauche Anticapitaliste) et du Parti Communiste Grec (KKE), concentrés autour du thème de la coopération avec le reste de la gauche, bien que les directions des deux partis tentent de les réduire au silence à tous prix.
La prochaine période ne sera pas marquée par l’unité ou la fraternité pour Syriza. Ce sera l’ouverture d’un processus d’unification des forces pour les batailles à venir. Ces batailles ne seront pas ‘‘civilisées’’, mais aussi rudes que la lutte des classes en développement en Grèce, qui se reflète dans Syriza. L’aile droite de Syriza et la direction autour d’Alexis Tsipras ont fait leur choix. Ils se sont retroussés les manches et ont été on ne peut plus clairs quant à leurs intentions. La gauche se doit de réagir. D’une certaine manière, les véritables conflits au sein de Syriza viennent tout juste de commencer.
[Extrait d’un article plus complet publié sur le site web de Xekinima, traduit pour le mensuel Socialism Today par Amalia Loizidou]
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Monsieur Barroso, votre projet de société n’est pas le bienvenu
Carte blanche de la plateforme liégeoise contre le TSCG
La plate-forme liégeoise contre le Traité européen sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance a adressé une lettre ouverte au président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso, à l’occasion de sa visite à Liège. Cette carte blanche a été publiée dans l’édition du 17 octobre du quotidien Le Soir.
Monsieur Barroso, nous, acteurs de la solidarité, ne vous souhaiterons pas la bienvenue lors de votre visite de notre Cité Ardente, ce 17 octobre. Nous ne ferons pas un accueil chaleureux à cette construction européenne néolibérale, antisociale, autoritaire et non-démocratique que vous représentez à travers votre mandat de président de la Commission européenne. Nous ne voulons pas de votre projet de société qui met en danger et détruit nos conquêtes sociales ! Projet mis en application par les différents Traités européens, du Traité de Maastricht au récent pacte budgétaire européen, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG) qui nous impose l’austérité permanente et nous confisque notre démocratie.
Nous n’acceptons pas que sous le couvert de la nécessité, les politiques, menées par la Commission européenne et nos différents gouvernements, nous contraignent à la réduction des dépenses publiques, à la diminution de notre pouvoir d’achat, au blocage des salaires, ou encore à la destruction de nos services publics. Nous avons combattu durant 125 ans pour construire une société plus juste. Celle-là même que votre projet tente de détruire. Pourquoi ? Pour continuer à rendre les riches plus riches et les pauvres plus pauvres !
Des politiques antisociales
Nous n’admettons pas non plus de voir notre démocratie prise en otage par ce pacte budgétaire européen complété de son mécanisme européen de stabilité. En Belgique, comme dans les autres pays de l’UE (à quelques rares exceptions), gouvernements et parlements ont adopté les différents Traités sans véritable débat politique et sans consultation des populations, alors que leurs dispositions ont des conséquences sociales dramatiques. D’autant plus que le dernier Traité budgétaire européen (TSCG), déjà mis en application, retire aux parlements nationaux le droit de déterminer eux-mêmes leurs choix et orientations budgétaires. Et comme si ce n’était pas suffisant, votre Commission européenne et sa complice, la Cour de justice européenne, pourront sanctionner automatiquement les Etats membres qui tarderaient à renforcer les politiques antisociales déjà en cours. Des politiques antisociales catastrophiques qui toucheront tous nos pouvoirs publics et toutes nos administrations (Régions, Communautés, Provinces, Communes, etc.).
Si l’objectif de ce dernier Traité était de plonger l’Europe encore plus dans la précarité, le chômage et la pauvreté et d’augmenter les inégalités, vous devez être ravi : c’est chose faite ! Notre parlement national l’a également ratifié. Il ne nous reste plus que le parlement wallon comme seul espoir ! En votant Non, il pourrait encore bloquer ce pacte dangereux.
« Non à l’austérité »
Avec la complicité de nos chefs d’Etat et de gouvernement et de nos parlements, vous défendez les politiques antisociales et contraignantes dictées par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI). Politiques guidées par le profit immédiat et à court terme, par le soutien à la compétitivité des entreprises dans la jungle de la « concurrence libre et non faussée », par la soumission aux marchés financiers et aux banquiers spéculateurs.
Si nous laissons faire, notre seule perspective d’avenir sera un monde en ruine, sans justice sociale.
Monsieur Barroso, vous avez eu l’audace de vanter une « révolution silencieuse ». Nous, acteurs de la solidarité, nous ne resterons pas silencieux. Au contraire, nous le crions haut et fort : nous ne voulons pas de votre austérité, cette austérité que nous imposent la Commission européenne et nos gouvernements. Nous voulons nous investir dans un large mouvement social pour préparer la rupture avec cette Europe-là que dirige la logique capitaliste.
Signataires
- Marcel Bergen, président de la Fédération liégeoise du PC et Conseiller provincial ;
- Charles Beuken, président de la CNE Liège ;
- Daniel Cornesse, CSC ;
- Dimitri Coutiez, membre de la section de Liège du PS ;
- Pascal Durand, auteur des « Nouveaux Mots du Pouvoir. Abécédaire critique » (Aden) ;
- Pierre Eyben, VEGA ;
- Michel Faway, conseiller communal de la Ville de Liège (PS) ;
- Raoul Hedebouw, porte-parole national du PTB ;
- Denis Horman, LCR ;
- Simon Hupkens, PSL ;
- Gilbert Lieben, secrétaire général CGSP wallonne ;
- Sylviane Mergelsberg, Rassemblement R ;
- Jean-Marc Namotte, secrétaire Fédéral CSC Liège-Huy-Waremme ;
- Christine Pagnoulle, ATTAC ;
- Emilie Paumard, CADTM ;
- Jean-François Ramquet, secrétaire Régional FGTB Liège-Huy-Waremme ;
- François Schreuer, conseiller communal de la Ville de Liège (VEGA) ;
- Olivier Starquit, Amis du Diplo Liège ;
- Nicole Van Enis, Barricade ;
- Bernard Wesphael, député wallon et coprésident du MG
- Alliance D19-20.
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Manifestation : Barroso, dégage !
Contre la machine d’austérité européenne : Résistance !
Ce jeudi 17 octobre, à l’initiative de la plateforme liégeoise contre le traité budgétaire européen (TSCG), un rassemblement de protestation a eu lieu suite à la venue à Liège du président de la Commission Européenne. Environ 200 personnes avaient bravé la pluie pour appeler à la résistance contre une Union Européenne rouleau-compresseur de nos conquêtes sociales.
Rapport de Nico, photos de Laurenne
La construction européenne telle qu’elle s’effectue actuellement est profondément antisociale. Le dogme de la concurrence et de la mise en compétition des travailleurs des différents pays a écrasé toute idée d’une Europe de la solidarité, d’une Europe des peuples.
Ce constat est destiné à devenir plus sombre encore avec l’application concrète du Traité budgétaire européen et la mise en place d’un marché transatlantique.
Le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou Traité budgétaire européen, ou encore Traité d’austérité) vise à condamner à une cure d’austérité permanente les pays de la zone euro, sans laisser la possibilité aux Etats de changer de trajectoire. L’orientation économique des autorités publiques sera coulée dans le moule, avec mesures coercitives, et le choix des électeurs sera finalement très simple : votez pour ce que vous voulez, tant que c’est pour l’austérité et le néo-libéralisme.
De son côté, le projet de construction d’un marché transatlantique entre les Etats-Unis et l’Union Européenne ouvre la voie vers la condamnation de normes environnementales, de règles de sûreté alimentaire ou de droits des travailleurs en tant qu’entraves au droit à la libre concurrence.
Nous refusons cette logique, qui vise à faire payer la crise non à ses responsables, mais à ses victimes. Battons nous ensemble contre cette politique néolibérale qui enrichi 1% de la population sur notre dos à tous et qui vise à faire payer le prix de la crise capitaliste aux travailleurs et à la jeunesse.
Prochaine mobilisation : Ce lundi 21 octobre, à 18h, devant le Conseil communal de Liège pour dénoncer les conséquences désastreuses de l’austérité européenne sur les services publics, sur les communes, sur la sécurité sociale,… Une interpellation citoyenne sera portée devant le Conseil communal (Evénement facebook).